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09/06/2017 | CANADA | N°2017CSC29

Canada | Canada, Cour suprême, 09 juin 2017, 2017CSC29


Répertorié : Pellerin Savitz s.e.n.c.r.l. c. Guindon

No du greffe : 36915.

en appel de la cour d’appel du Québec

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Karakatsanis, Wagner, Gascon, Côté, Brown et Rowe

Motifs de jugement (par. 1 à 36) : Le juge Gascon (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Karakatsanis, Wagner, Côté, Brown et Rowe)

Arrêt : Le pourvoi est rejeté.

Le point de départ de la prescription extinctive se situe au jour où le droit d’action a pris naissance tel que le prévoit l’a

rt. 2880 al. 2 du Code civil du Québec. En matière contractuelle, le droit d’action du créancier prend n...

Répertorié : Pellerin Savitz s.e.n.c.r.l. c. Guindon

No du greffe : 36915.

en appel de la cour d’appel du Québec

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Karakatsanis, Wagner, Gascon, Côté, Brown et Rowe

Motifs de jugement (par. 1 à 36) : Le juge Gascon (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Karakatsanis, Wagner, Côté, Brown et Rowe)

Arrêt : Le pourvoi est rejeté.

Le point de départ de la prescription extinctive se situe au jour où le droit d’action a pris naissance tel que le prévoit l’art. 2880 al. 2 du Code civil du Québec. En matière contractuelle, le droit d’action du créancier prend naissance dès que l’obligation de son débiteur est née et exigible. Ce moment varie selon les circonstances, et plus particulièrement, selon les modalités du contrat en cause. Ces principes s’appliquent aux conventions d’honoraires professionnels, lesquelles peuvent prévoir des procédures de facturation qui pourraient faire varier le point de départ de la prescription.

En l’espèce, le recours de l’avocat est prescrit, sauf pour la facture du 1er mars 2012. La convention d’honoraires intervenue entre les parties fixe le moment auquel l’obligation de paiement du client devient exigible. Elle précise que toute facturation est payable dans les 30 jours. Ce terme suspensif reporte l’exigibilité du paiement, et donc le point de départ du délai de prescription, au 31e jour suivant l’envoi de chaque facture.

La notion de « fin des travaux » prévue au Code civil du Québec dans le contexte des contrats d’entreprise est inapplicable aux contrats intervenant entre un avocat et son client, lesquels ne visent pas la réalisation d’un ouvrage. La nature du travail d’un avocat consiste à offrir ses services pendant une certaine période, et non à livrer à un client un produit fini que ce dernier pourra utiliser. Parfois, son rôle est également de représenter ce client devant les tribunaux. Le contrat conclu par un avocat et son client peut donc être qualifié de contrat de services, de mandat, ou de contrat mixte, selon la nature des services rendus. Aucun de ces types de contrats n’est assorti de règles précisant que la prescription commence à courir uniquement à la fin du contrat. Il faut donc s’en remettre à la règle générale énoncée à l’art. 2880 al. 2 du Code civil du Québec et déterminer, selon les circonstances propres à chaque cas, le moment où le droit d’action a pris naissance.

Les obligations déontologiques de l’avocat qui l’empêchent généralement de poursuivre son client pendant qu’il agit encore pour lui ne suspendent pas la prescription jusqu’à la fin du contrat. L’avocat dont le client n’a pas encore payé un compte dû et exigible est certes placé dans une situation difficile. Toutefois, cette situation n’entraîne pas une impossibilité en fait d’agir qui suspend la prescription. Un choix s’impose plutôt à l’avocat : soit laisser courir la prescription en continuant de représenter son client malgré le défaut de paiement, soit réclamer ses honoraires devant les tribunaux en cessant d’agir pour ce dernier.

Jurisprudence

Arrêts mentionnés : Leblanc c. Sœurs de l’Espérance, [1978] 2 R.C.S. 818; Morin c. Canadian Home Assurance Co., [1970] R.C.S. 561; Beaulieu c. Paquet, 2016 QCCA 1284; Dupuy c. Leblanc, 2016 QCCA 1141; Benhaim c. St‑Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S. 352; Re 9022‑8818 Québec inc., 2005 QCCA 275; Dallaire c. Dallaire, 2013 QCCS 1556; Percé (Ville) c. Roy, 1995 CanLII 4974; M.D. c. Plante, 2009 QCCS 6113; Bailey c. Fasken Martineau DuMoulin, s.r.l., [2005] R.R.A. 842; Bérocan inc. c. Masson, [1999] R.J.Q. 195; Géoret inc. c. Garderie Morin inc., [2000] AZ‑50187544; Bureau c. Chapleau, 2008 QCCQ 4709; Fraser, Milner, Casgrain c. Viau, [2001] AZ‑50187880; Lapointe Rosenstein c. 172302 Canada inc., 2002 CanLII 15986; Gagnon c. Voyer, 2008 QCCQ 10256; Gestion Immo‑Concept inc. (Financière HFC) c. Martial Excavation inc., 2013 QCCS 1139; Kounadis Perreault, s.e.n.c. c. Bois d’Or, 2013 QCCQ 8359; Desjardins & Legault CA inc. c. Serour, 2016 QCCQ 3318; Gagnon c. Caron, 2007 QCCQ 12736; Bélec c. Martin, 2015 QCCQ 13838; Bertrand c. Veillet, 2006 QCCQ 15374; Bernatchez c. Bergeron, [2000] AZ‑00036682; Arruda c. Brière, 2014 QCCQ 6882; Parizeau c. Lalonde, 2014 QCCQ 11332; Lapointe c. Vigneault, 2009 QCCQ 2673; Bernard c. Hernandez Sanchez, 2014 QCCQ 5171, conf. par 2016 QCCA 136; Gauthier c. Beaumont, [1998] 2 R.C.S. 3; Oznaga c. Société d’exploitation des loteries et courses du Québec, [1981] 2 R.C.S. 113; Roy c. Fonds d’assurance responsabilité professionnelle du Barreau du Québec, 2009 QCCA 459; Dehkissia c. Kaliaguine, 2011 QCCA 84.

Lois et règlements cités

Code civil du Bas‑Canada, art. 2236.

Code civil du Québec, art. 1617, 2098, 2110, 2111, 2116, 2117 à 2124, 2184, 2185, 2880 al. 2, 2904, 2921, 2925, 2931.

Code de déontologie des avocats, RLRQ, c. B‑1, r. 3.1, art. 48, 71, 72.

Loi sur la taxe de vente du Québec, RLRQ, c. T‑0.1, art. 32.3, 82, 83, 422, 437.

Doctrine et autres documents cités

Baudouin, Jean-Louis, et Pierre-Gabriel Jobin. Les obligations, 7e éd. par Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2013.

Baudouin, Jean‑Louis, Patrice Deslauriers et Benoît Moore. La responsabilité civile, 8e éd., Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2014.

Gervais, Céline. La prescription, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2009.

Martineau, Pierre. La prescription, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1977.

Mignault, P.-B. Le droit civil canadien, t. 9, Montréal, Wilson & Lafleur, 1916.

Québec. Ministère de la Justice. Commentaires du ministre de la Justice, t. II, Le Code civil du Québec — Un mouvement de société, Québec, Publications du Québec, 1993.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec (les juges Pelletier, Vézina et Bélanger), 2016 QCCA 138, [2016] AZ‑51250248, [2016] J.Q. no 548 (QL), 2016 CarswellQue 502 (WL Can.), qui a infirmé en partie une décision du juge Laporte, 2015 QCCQ 5004, [2015] AZ‑51184376, [2015] J.Q. no 5819 (QL), 2015 CarswellQue 6239 (WL Can.). Pourvoi rejeté.

Damien Pellerin, pour l’appelante.

Jean‑Yves Côté, pour l’intimé.

Le jugement de la Cour a été rendu par

Le juge Gascon —

I. Aperçu

[1] La question dont traite ce pourvoi se pose régulièrement devant les tribunaux, au Québec comme ailleurs au Canada. Elle se soulève par contre rarement devant notre Cour. L’appelante, une société d’avocats, la formule en des termes en apparence absolus : en matière de réclamation d’honoraires professionnels d’avocats, le délai de prescription commence-t-il à courir à partir de la date de la facturation, de la date de la fin du mandat ou du contrat de services, ou de la date du dernier service professionnel rendu?

[2] À mon avis, la question à résoudre s’énonce beaucoup plus simplement, et n’impose aucun absolu dans la réponse à y donner : aux termes de l’art. 2880 al. 2 du Code civil du Québec (« C.c.Q. » ou « Code »), à quelle date le droit de la société d’avocats de réclamer ses honoraires professionnels a-t-il pris naissance? Formulée de cette façon, la question ne requiert qu’une détermination factuelle qui reste tributaire des circonstances propres à chaque cas particulier, sans plus.

[3] Dans les circonstances propres au présent pourvoi, la réponse donnée par la Cour d’appel est la bonne. Compte tenu du libellé de la convention d’honoraires intervenue et de la teneur des notes d’honoraires envoyées par la société d’avocats, la prescription a commencé à courir dès le 31e jour suivant l’envoi de chaque facture, et non à la fin de la relation contractuelle entre les parties. L’appel doit donc être rejeté.

II. Contexte

[4] En septembre 2011, l’intimé, M. Serge Guindon (« client »), retient les services de l’appelante, Pellerin Savitz s.e.n.c.r.l. (« avocat »), afin d’« [é]tudier [son] dossier, rédiger [des] procédures, [et le] représent[er] » dans le cadre d’un litige (d.a., p. 77). Les parties concluent une convention d’honoraires qui prévoit notamment que « [t]oute facturation est payable dans les trente (30) jours [et qu’]après ce délai, des intérêts seront calculés et facturés au taux de 15 % l’an » (ibid., p. 79). Au même moment, le client fournit à l’avocat une avance de 400 $.

[5] Le 5 octobre 2011, l’avocat envoie une première facture à son client, à laquelle il impute le montant de l’avance reçue en paiement partiel. L’avocat envoie par la suite quatre autres factures, dont la dernière, datée du 1er mars 2012, porte sur des services rendus jusqu’au 22 février 2012. Chaque facture indique qu’elle est « payable sur réception » et qu’elle porte intérêt au taux annuel de 12 % ou 15 %; les deux dernières donnent au client un « délai de grâce » de 30 jours (ibid., p. 97‑105). Ce dernier effectue un paiement partiel le 5 mars 2012, puis il informe son avocat le 21 mars 2012 qu’il met fin à son contrat.

[6] Le 12 mars 2015, l’avocat intente le présent recours afin de réclamer ses honoraires impayés. Son client répond que le recours est prescrit puisqu’il a été initié plus de trois ans suivant l’envoi de chacune des factures. L’avocat rétorque que le recours n’est pas prescrit, car le délai de prescription n’aurait commencé à courir qu’à la fin du mandat, le 21 mars 2012.

[7] En première instance, le juge Laporte de la Cour du Québec conclut que le recours est prescrit (2015 QCCQ 5004). À son avis, la prescription ne court qu’à partir du jour où le droit d’action est né, soit lorsque la créance est créée par la préparation et l’envoi d’un compte d’honoraires (art. 2880 al. 2 C.c.Q.). Le fait que l’avocat exige des intérêts à compter de la date de chacune des factures est aussi révélateur, puisque ces dernières ne peuvent avoir qu’une seule date d’exigibilité. En outre, la notion de « fin des travaux » est seulement pertinente pour les contrats d’entreprise (art. 2116 C.c.Q.), et elle ne s’applique pas à un contrat de services comme celui conclu entre l’avocat et son client. Pour le juge, l’arrêt Leblanc c. Sœurs de l’Espérance, [1978] 2 R.C.S. 818, que l’avocat invoque et qui a été rendu sous le régime du Code civil du Bas-Canada (« C.c.B.-C. »), n’a pas énoncé de façon générale que les honoraires professionnels se prescrivent à partir de la fin des travaux. Enfin, comme les contrats conclus par les avocats et leurs clients sont souvent à exécution successive, la prescription des paiements dus a lieu quoique les parties en continuent l’exécution (art. 2931 C.c.Q.).

[8] La Cour d’appel confirme pour l’essentiel cette décision, mais ordonne au client de payer la facture du 1er mars 2012, que celui-ci reconnaît de toute façon devoir (2016 QCCA 138). La cour conclut que la réclamation relative à cette dernière facture n’est pas prescrite, étant donné que la prescription ne court qu’une fois expiré le délai de 30 jours prévu à la convention d’honoraires.

III. Analyse

[9] La question principale qui se pose en l’espèce consiste à déterminer si le recours de l’avocat est prescrit. Les parties concèdent qu’un délai de prescription de trois ans s’applique ici (art. 2925 C.c.Q.). Il faut donc simplement établir le point de départ de ce délai, soit la date à laquelle le droit d’action de l’avocat a pris naissance (art. 2880 al. 2 C.c.Q.). De façon subsidiaire, il faut décider si la prescription a été suspendue comme le prétend l’avocat.

A. Le point de départ de la prescription

[10] La prescription extinctive « est un moyen d’éteindre un droit par non-usage ou d’opposer une fin de non-recevoir à une action » (art. 2921 C.c.Q.). Elle est « considérée comme indispensable à l’ordre social » en raison des deux rôles cruciaux qu’elle est appelée à jouer (P. Martineau, La prescription (1977), par. 235). D’une part, elle permet d’éviter « les contestations judiciaires qui, à cause de l’ancienneté des faits qui s’y rapportent, seraient caractérisées par la confusion et l’incertitude » (ibid.). Cette considération est particulièrement importante « [d]ans une société moderne, basée sur la rapidité et la stabilité des échanges économiques », où « [l]e droit doit, au bout d’un certain temps, acquérir une certitude permettant de cristalliser la situation juridique et de consolider le droit des parties et des tiers » (J.-L. Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, La responsabilité civile (8e éd. 2014), no 1‑1294). D’autre part, elle permet de sanctionner la négligence du titulaire de droit, dont le silence « équivaut à un abandon » (P.-B. Mignault, Le droit civil canadien (1916), t. 9, p. 336).

(1) La naissance du droit d’action

[11] Le point de départ de la prescription extinctive se situe au « jour où le droit d’action a pris naissance » (art. 2880 al. 2 C.c.Q.). Comme l’a déjà affirmé notre Cour, « la prescription d’une action ne saurait commencer à courir avant que ne soit né le droit d’y recourir » (Morin c. Canadian Home Assurance Co., [1970] R.C.S. 561, p. 565). La naissance du droit d’action et le point de départ du délai de prescription sont des questions hautement factuelles, dont la solution dépend des circonstances propres à chaque cas et à l’égard desquelles les cours d’appel doivent faire preuve d’une grande déférence (C. Gervais, La prescription (2009), p. 106; Mignault, p. 522; Beaulieu c. Paquet, 2016 QCCA 1284, par. 20 (CanLII); Dupuy c. Leblanc, 2016 QCCA 1141, par. 22 (CanLII); sur la norme de contrôle, voir également Benhaim c. St-Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S. 352, par. 36-39).

[12] En matière contractuelle, le droit d’action du créancier prend naissance dès que l’obligation de son débiteur est née et exigible (Re 9022-8818 Québec inc., 2005 QCCA 275, par. 51 (CanLII); J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, Les obligations (7e éd. 2013), par P.-G. Jobin et N. Vézina, no 1127; Martineau, par. 247). Ce moment varie selon les circonstances, et plus particulièrement, selon les modalités du contrat en cause. Par exemple, une obligation assortie d’une condition suspensive ne naît qu’à l’accomplissement de cette condition, et une obligation assortie d’un terme suspensif n’est exigible qu’à l’arrivée de ce terme (Baudouin et Jobin, no 1127). Dans le premier cas, la prescription ne commence à courir que lorsque la condition s’accomplit et dans le second cas, lorsque le terme arrive. C’est d’ailleurs ce qu’indiquait expressément l’art. 2236 C.c.B.-C. et que reprend dans une formulation générale l’art. 2880 al. 2 C.c.Q. (ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice, t. II, Le Code civil du Québec — Un mouvement de société (1993), p. 1808).

[13] Ces principes s’appliquent aux conventions d’honoraires professionnels, lesquelles peuvent « prévoir des procédures de facturation qui pourraient faire varier le point de départ de la prescription » (Gervais, p. 121; voir, p. ex., Dallaire c. Dallaire, 2013 QCCS 1556, par. 18 et 28 (CanLII)). C’est à cette diversité de possibilités que fait référence l’auteure Céline Gervais (aujourd’hui juge à la Cour du Québec) lorsqu’elle affirme que « [l]e point de départ le plus généralement accepté en matière de réclamation d’honoraires professionnels est celui de la fin du mandat, des travaux ou des services » (p. 121 (je souligne)). Contrairement à ce que prétend l’avocat en l’espèce, le point de départ de la prescription n’est pas uniforme en matière de recouvrement d’honoraires professionnels d’avocats. Il dépend plutôt de la date à laquelle le droit d’action a pris naissance, date qui varie en fonction des circonstances propres à chaque cas.

(2) L’application au présent pourvoi

[14] En l’espèce, la convention d’honoraires intervenue entre les parties fixe le moment auquel l’obligation de paiement de l’intimé devient exigible. Elle précise que « [t]oute facturation est payable dans les trente (30) jours » (d.a., p. 79). Ce terme suspensif reporte l’exigibilité du paiement, et donc le point de départ du délai de prescription, au 31e jour suivant l’envoi de chaque facture.

[15] Par ailleurs, les factures envoyées par l’avocat ne sont ni exprimées ni conçues comme des comptes intérimaires. Au contraire, chacune porte la mention « payable sur réception », ce qui indique clairement au client qu’elle est exigible.

[16] Enfin, bien que cela ne soit pas déterminant, les parties ont convenu que ces factures porteraient intérêt dès le 31e jour suivant leur envoi. Ces intérêts sont manifestement prévus pour compenser un retard à effectuer le paiement (art. 1617 C.c.Q.), lequel ne peut exister que si le paiement est dû et exigible. Encore là, les factures envoyées ici au client reprennent cette mention relative aux intérêts qui courent pour tout retard à payer.

[17] L’avocat a du reste lui-même reconnu implicitement que la dette de son client devenait exigible suivant chaque date de facturation. Dès la confection de la première facture, le 5 octobre 2011, il a en effet transféré dans son compte général l’avance que son client lui avait remise au moment de la signature de la convention d’honoraires (d.a., p. 97). Or, un tel transfert ne pouvait se justifier que si la dette qu’il visait à couvrir était exigible.

[18] Malgré cela, l’avocat soutient que si les montants réclamés aux termes de chaque facture étaient dus à la date de leur facturation, ils demeuraient néanmoins non exigibles jusqu’à la fin du contrat. Je suis en désaccord. Non seulement cette prétention est-elle contraire aux termes mêmes de la convention conclue par les parties et des factures expédiées, mais elle mènerait en outre à un résultat incongru et peu souhaitable. D’après cette thèse, un avocat qui exigerait périodiquement le paiement de ses honoraires ne pourrait rien réclamer à son client pendant l’exécution du contrat, alors qu’il devrait pourtant verser dans l’intervalle aux autorités fiscales les taxes correspondantes (voir, p. ex., Loi sur la taxe de vente du Québec, RLRQ, c. T-0.1, art. 32.3, 82, 83, 422 et 437). De plus, puisque cet avocat n’aurait aucune créance exigible avant la fin du contrat, aucune somme ne serait alors considérée comme impayée avant cette échéance. L’avocat en question n’aurait donc aucun motif sérieux à faire valoir pour demander par exemple au tribunal l’autorisation de cesser d’agir, même s’il devenait clair que son client n’est pas en mesure de le payer (Code de déontologie des avocats, RLRQ, c. B-1, r. 3.1, art. 48 al. 2(3)).

[19] En somme, selon une telle approche, un avocat devrait remettre au gouvernement les taxes correspondant aux sommes facturées à son client sans pouvoir se faire payer ni cesser d’agir avant la fin du contrat. Suivant la position catégorique adoptée par l’appelante, ces conséquences s’étendraient à tous les contrats conclus par un avocat et son client. Je ne puis concevoir que ce soit là l’état du droit, et encore moins le reflet d’une gestion efficace et sensée d’une pratique professionnelle.

[20] À l’inverse, le fait de s’en tenir à une détermination factuelle du moment où le droit d’action a pris naissance, selon les circonstances propres à chaque cas et comme le prescrit l’art. 2880 al. 2 C.c.Q., donne aux parties la souplesse nécessaire pour convenir du moment de l’exigibilité du paiement. Par exemple, elles peuvent décider que rien ne sera exigible avant la fin du contrat, malgré l’envoi potentiel de comptes intérimaires, auquel cas la prescription ne courra qu’à partir de ce moment. Par contre, lorsqu’un avocat envoie à son client des factures dont le paiement est exigible, conformément à une convention intervenue entre eux, il ne peut se servir de la notion de « fin du mandat » pour retarder le point de départ du délai de prescription.

(3) La notion de « fin des travaux » ou de « fin du mandat »

[21] À ce chapitre, l’argument de l’appelante voulant que les réclamations d’honoraires professionnels d’avocats se prescrivent toujours à partir de la « fin des travaux » ou de la « fin du mandat » ne résiste pas à l’analyse. Cet argument confond les types de contrats nommés prévus au C.c.Q. et les régimes qui y sont associés, tout en donnant à la jurisprudence sur le sujet une portée qu’elle n’a tout simplement pas.

[22] Le C.c.Q. ne se réfère à la notion de « fin des travaux » que dans le contexte des contrats d’entreprise, lesquels visent la réalisation d’un ouvrage matériel ou intellectuel (art. 2098 C.c.Q.). La notion d’ouvrage n’est pas définie par le Code, mais l’art. 2110 C.c.Q. tend à indiquer qu’elle désigne un produit fini, qui est complété à un moment précis auquel le client en prend livraison. Le Code prévoit notamment un régime particulier pour les ouvrages à caractère immobilier (art. 2117 à 2124 C.c.Q.).

[23] Dans le cadre d’un contrat d’entreprise, le Code prévoit expressément que l’obligation de paiement du client est reportée à la fin des travaux, soit « lorsque l’ouvrage est exécuté et en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine » (art. 2110 et 2111 C.c.Q.). Puisque l’exigibilité du paiement est reportée, le Code précise aussi que « [l]a prescription des recours entre les parties ne commence à courir qu’à compter de la fin des travaux » (art. 2116 C.c.Q.).

[24] Bien qu’ils aient été rendus sous le régime du C.c.B.-C., qui ne contenait aucune disposition équivalente, les arrêts Leblanc et Percé (Ville) c. Roy, 1995 CanLII 4974 (C.A. Qc), ont appliqué ce même raisonnement. Les ingénieurs en cause dans ces affaires collaboraient à la réalisation d’ouvrages, en l’occurrence un hôpital et une usine de traitement des eaux (Leblanc, p. 822‑823; Percé, p. 3). En raison de la nature de leur travail et du tarif provincial qui les régissait, leurs honoraires n’étaient exigibles qu’à la fin des travaux, et le délai de prescription ne commençait à courir qu’à cette date (Leblanc, p. 826‑827; Percé, p. 4). Ces arrêts n’ont pas établi de principe général selon lequel toute réclamation d’honoraires professionnels se prescrirait à partir de la fin du contrat. Au contraire, ces arrêts confirment que la notion de « fin des travaux » s’applique uniquement aux contrats d’entreprise, comme le prévoit désormais le C.c.Q.

[25] Aussi, cette notion de « fin des travaux » ou de « fin du mandat » qu’invoque ici l’appelante est inapplicable aux contrats intervenant entre un avocat et son client, lesquels ne visent pas la réalisation d’un ouvrage. La nature du travail d’un avocat consiste à offrir ses services pendant une certaine période, et non à livrer à un client un « produit fini » que ce dernier pourra utiliser. Parfois, son rôle est également de représenter ce client devant les tribunaux. Le contrat conclu par un avocat et son client peut donc être qualifié de contrat de services, de mandat, ou de contrat mixte, selon la nature des services rendus (Baudouin, Deslauriers et Moore, no 2‑124; M.D. c. Plante, 2009 QCCS 6113, par. 34 (CanLII); Bailey c. Fasken Martineau DuMoulin, s.r.l., [2005] R.R.A. 842 (C.S.), p. 847; Bérocan inc. c. Masson, [1999] R.J.Q. 195 (C.S.), p. 198). Ce n’est par contre pas un contrat d’entreprise.

[26] Or, contrairement au contrat d’entreprise, ni le contrat de services ni le mandat ne sont assortis de règles précisant que la prescription commence à courir uniquement à la fin du contrat. Dans le cadre d’un mandat, le Code précise d’ailleurs que les parties doivent se remettre ce qu’elles se doivent lorsque le mandat prend fin, mais cela n’empêche pas que des paiements puissent être exigibles au cours de la relation contractuelle (art. 2184 et 2185 C.c.Q.). Par ailleurs, le contrat de services entre un avocat et son client est souvent un contrat à exécution successive, à l’égard duquel le Code prévoit justement que « la prescription des paiements dus a lieu quoique les parties continuent d’exécuter l’une ou l’autre des obligations du contrat » (art. 2931 C.c.Q.). Par conséquent, que le contrat entre un avocat et son client soit un mandat, un contrat de services ou encore un contrat mixte, il faut s’en remettre à la règle générale énoncée à l’art. 2880 al. 2 C.c.Q. et déterminer, selon les circonstances propres à chaque cas, le moment où le droit d’action a pris naissance afin d’identifier le point de départ de la prescription.

[27] Les nombreuses décisions sur lesquelles s’appuie l’avocat reflètent du reste ce principe. Les conclusions auxquelles les tribunaux parviennent peuvent en effet se justifier eu égard aux faits en cause. Partant, contrairement aux prétentions de l’avocat, ces décisions ne doivent pas être interprétées comme ayant pour effet d’établir un principe général qui fixerait dans tous les cas à la fin du contrat le point de départ de la prescription en matière de réclamation d’honoraires professionnels d’avocats.

[28] Ainsi, les décisions qui ont retenu la fin du contrat comme point de départ de la prescription ont pour la plupart été rendues dans des affaires où, à la différence du cas qui nous occupe, les factures avaient été envoyées après que le contrat de l’avocat ou du professionnel en question eut pris fin. Comme aucune convention n’établissait le moment de l’exigibilité des obligations, il était donc possible pour les tribunaux de conclure, sur la base des circonstances propres à chaque cas, que l’avocat ou le professionnel concerné pouvait alors poursuivre son client à partir de la date du dernier service rendu (voir, p. ex., Géoret inc. c. Garderie Morin inc., [2000] AZ-50187544 (C.Q.); Bureau c. Chapleau, 2008 QCCQ 4709, par. 38-41 (CanLII); Fraser, Milner, Casgrain c. Viau, [2001] AZ-50187880 (C.Q.), par. 12; Lapointe Rosenstein c. 172302 Canada inc., 2002 CanLII 15986 (C.Q.), par. 2‑4 et 16; Gagnon c. Voyer, 2008 QCCQ 10256, par. 13, 20 et 30 (CanLII); Gestion Immo-Concept inc. (Financière HFC) c. Martial Excavation inc., 2013 QCCS 1139, par. 34 (CanLII); Kounadis Perreault, s.e.n.c. c. Bois D’Or, 2013 QCCQ 8359, par. 16 (CanLII); Desjardins & Legault CA inc. c. Serour, 2016 QCCQ 3318, par. 23-24 (CanLII); Gagnon c. Caron, 2007 QCCQ 12736, par. 48 (CanLII); Bélec c. Martin, 2015 QCCQ 13838, par. 13 (CanLII); Bertrand c. Veillet, 2006 QCCQ 15374, par. 39-42 (CanLII)).

[29] Par ailleurs, dans les situations où, comme ici, le contrat de l’avocat s’est terminé après l’envoi de sa dernière facture, certains tribunaux ont établi le point de départ de la prescription à la date de la fin du contrat (voir, p. ex., Bernatchez c. Bergeron, [2000] AZ-00036682 (C.Q.), par. 19; Arruda c. Brière, 2014 QCCQ 6882, par. 10-12 (CanLII); Parizeau c. Lalonde, 2014 QCCQ 11332, par. 18-20 (CanLII)). D’autres ont plutôt retenu la date de la facturation, appliquant un raisonnement identique à celui du premier juge en l’espèce (Lapointe c. Vigneault, 2009 QCCQ 2673, par. 21-22 et 26 (CanLII); Bernard c. Hernandez Sanchez, 2014 QCCQ 5171, par. 12-13 (CanLII), conf. par 2016 QCCA 136, autorisation d’appel demandée à notre Cour, dossier no 37015). Dans chaque cas, les conclusions retenues pouvaient par contre se justifier eu égard aux situations factuelles en cause. En outre, aucune de ces décisions ne mentionnait les modalités d’une convention d’honoraires qui auraient pu faire varier le point de départ de la prescription, contrairement une fois de plus au cas qui nous occupe.

[30] À mon avis, il faut considérer chacune de ces décisions dans son contexte particulier, et éviter de leur donner une portée générale qu’elles n’ont pas. Certes, certaines d’entre elles qualifient à tort le contrat en cause de mandat et prétendent erronément se fonder sur une règle générale qui fixerait le point de départ de la prescription en matière d’honoraires professionnels d’avocats à la fin du contrat, sans égard aux circonstances de chaque cas. De ce point de vue, leur approche est incompatible avec la nature essentiellement factuelle de la détermination du point de départ de la prescription. Malgré cela, les conclusions auxquelles les tribunaux sont parvenus dans ces décisions pouvaient néanmoins se justifier en fonction des faits propres à chaque affaire.

[31] En somme, rien dans le Code ou la jurisprudence n’établit de règle inflexible selon laquelle les réclamations d’honoraires professionnels d’avocats se prescrivent uniquement à partir de la fin du mandat ou du contrat de services. La détermination du point de départ de la prescription demeure plutôt une question factuelle, dont la réponse varie selon les circonstances propres à chaque affaire et qui reste notamment tributaire de la convention intervenue entre les parties et des modalités des factures envoyées par l’avocat concerné à son client.

B. L’impossibilité en fait d’agir

[32] De façon subsidiaire, l’appelante soutient que la prescription aurait de toute façon été suspendue jusqu’à la fin de son contrat. Selon elle, cette suspension résulterait du fait que tout avocat est dans l’impossibilité d’agir contre son client tant qu’il le représente, et ce, en raison de ses obligations déontologiques. Quoique cet argument ait été soulevé devant les juridictions inférieures, ni la Cour du Québec, ni la Cour d’appel n’en ont traité dans leurs motifs. J’estime cet argument sans fondement.

[33] Le Code prévoit effectivement que « [l]a prescription ne court pas contre les personnes qui sont dans l’impossibilité en fait d’agir soit par elles-mêmes, soit en se faisant représenter par d’autres » (art. 2904 C.c.Q.). Comme notre Cour l’a déjà affirmé, il s’agit là d’une « exceptio[n] au principe [voulant que] la prescription court contre toutes personnes », laquelle exception ne doit pas être « élargi[e] outre mesure » (Gauthier c. Beaumont, [1998] 2 R.C.S. 3, par. 47‑48, citant Oznaga c. Société d’exploitation des loteries et courses du Québec, [1981] 2 R.C.S. 113, p. 126). La personne qui invoque une impossibilité en fait d’agir doit démontrer « la réalité de l’obstacle invoqué » (Commentaires du ministre, p. 1822).

[34] Il est vrai qu’un avocat a de nombreuses obligations déontologiques envers son client, dont celle de ne pas se placer en situation de conflit d’intérêts (Code de déontologie des avocats, art. 71 et 72). Lorsqu’un client n’a pas encore payé un compte dû et exigible, cela place son avocat dans une situation difficile et l’empêche généralement de poursuivre le client pour réclamer les honoraires impayés pendant qu’il agit encore pour lui.

[35] Toutefois, cette situation n’entraîne pas une impossibilité en fait d’agir qui suspend la prescription. Elle impose plutôt un choix à l’avocat : soit laisser courir la prescription en continuant de représenter son client malgré le défaut de paiement, soit réclamer ses honoraires devant les tribunaux en cessant d’agir pour ce dernier comme le lui permet le Code de déontologie des avocats (art. 48). Tout aussi difficile que ce choix puisse parfois être, il s’offre néanmoins à l’avocat, comme en témoignent les requêtes présentées régulièrement devant les chambres de pratique des tribunaux du Québec par des avocats qui désirent cesser d’occuper pour un client en raison du non-paiement de leurs honoraires. Une impossibilité en fait d’agir ne saurait découler d’un choix rationnel dont dispose un créancier et que ce dernier exerce librement et en toute connaissance de cause (Roy c. Fonds d’assurance responsabilité professionnelle du Barreau du Québec, 2009 QCCA 459, par. 3 (CanLII); voir aussi Dehkissia c. Kaliaguine, 2011 QCCA 84, par. 36 (CanLII)).

IV. Conclusion

[36] En somme, selon ce que révèlent les faits du dossier, l’appelante voudrait être payée par son client, l’intimé en l’occurrence, pendant l’exécution de son contrat, sans pour autant que la prescription ne commence à courir à son endroit. Cette position est contraire à l’art. 2880 al. 2 C.c.Q. et fait abstraction de la convention d’honoraires conclue par les parties et des modalités des factures envoyées à l’intimé, qui fixent l’exigibilité de son obligation au 31e jour suivant l’envoi de chaque facture. Comme a statué la Cour d’appel, c’est à cette date que le droit d’action de l’appelante a pris naissance et que la prescription a commencé à courir. Son recours est donc prescrit, sauf pour la facture du 1er mars 2012. Je rejetterais par conséquent l’appel avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelante : Pellerin Avocats, Longueuil.
Procureur de l’intimé : Côté Avocat inc., Montréal.


Type d'affaire : Arrêt

Analyses

Prescription — Prescription extinctive — Point de départ de la prescription — Action en recouvrement d’honoraires professionnels d’avocats — Convention d’honoraires prévoyant un délai de 30 jours pour le paiement des factures — Avocat intentant un recours afin de réclamer des honoraires impayés à la suite de l’envoi de plusieurs factures — Premier juge concluant que le recours est prescrit, car initié plus de trois ans après la date de chacune des factures — Cour d’appel estimant plutôt que la prescription ne court qu’une fois expiré le délai de 30 jours prévu à la convention pour le paiement de chaque facture — À quelle date le droit de l’avocat de réclamer ses honoraires professionnels a‑t‑il pris naissance? — L’action est‑elle prescrite?

En septembre 2011, G retient les services d’une société d’avocats. Les parties concluent une convention d’honoraires qui prévoit notamment que toute facturation est payable dans les 30 jours et qu’après ce délai, des intérêts seront calculés et facturés. Entre le 5 octobre 2011 et le 1er mars 2012, l’avocat envoie cinq factures à son client. Le 21 mars 2012, le client informe l’avocat qu’il met fin à son contrat. Le 12 mars 2015, l’avocat intente un recours afin de réclamer ses honoraires impayés. Le premier juge rejette le recours, concluant qu’il est prescrit puisqu’il a été initié après le délai de prescription, soit plus de trois ans suivant la préparation et l’envoi de chacune des factures. La Cour d’appel confirme que le recours est prescrit quant aux quatre premières factures. Par contre, elle estime que la prescription ne court qu’une fois expiré le délai de 30 jours prévu à la convention d’honoraires et ordonne donc au client de payer la facture du 1er mars 2012.


Parties
Demandeurs : Pellerin Savitz s.e.n.c.r.l. , Appelante
Défendeurs : Serge Guindon, Intimé

Références :
Proposition de citation de la décision: Canada, Cour suprême, 09 juin 2017, 2017CSC29


Origine de la décision
Date de la décision : 09/06/2017
Date de l'import : 21/07/2018

Fonds documentaire ?: Jugements de la Cour supreme


Numérotation
Référence neutre : 2017CSC29 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2017-06-09;2017csc29 ?
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