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28/07/2017 | CANADA | N°2017CSC43

Canada | Canada, Cour suprême, 28 juillet 2017, 2017CSC43


Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon, Côté, Brown et Rowe.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE : Motifs de la juge Côté

En 1998, les sociétés intimées (« pharmaciens membres ») décident d’affilier leur pharmacie à la bannière Uniprix. Les parties concluent un contrat d’affiliation pour une durée déterminée de cinq ans. Ce contrat contient une clause prévoyant son renouvellement automatique, à moins d’avis contraire de la part des pharmaciens membres. Pa

r l’effet de cette clause, le contrat est renouvelé automatiquement en 2003 et en 2008. Le 26...

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon, Côté, Brown et Rowe.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE : Motifs de la juge Côté

En 1998, les sociétés intimées (« pharmaciens membres ») décident d’affilier leur pharmacie à la bannière Uniprix. Les parties concluent un contrat d’affiliation pour une durée déterminée de cinq ans. Ce contrat contient une clause prévoyant son renouvellement automatique, à moins d’avis contraire de la part des pharmaciens membres. Par l’effet de cette clause, le contrat est renouvelé automatiquement en 2003 et en 2008. Le 26 juillet 2012, Uniprix avise les pharmaciens membres que leur relation contractuelle prendra fin le 28 janvier 2013. Les pharmaciens membres s’opposent et soutiennent que le contrat d’affiliation se renouvelle automatiquement à moins d’avis contraire de leur part. Selon eux, rien dans la clause de renouvellement ne permet à Uniprix de s’opposer à ce renouvellement. Uniprix affirme pouvoir pour sa part s’opposer au renouvellement et mettre fin au contrat à l’arrivée du terme. Uniprix ajoute que l’interprétation proposée par les pharmaciens membres aurait potentiellement pour effet de lier les parties à perpétuité, ce qui serait contraire à l’ordre public. Suivant cette position, le contrat serait alors considéré comme étant à durée indéterminée, et il pourrait être résilié en tout temps moyennant un préavis raisonnable.

La Cour supérieure déclare que le contrat est renouvelé et qu’Uniprix peut seulement résilier le contrat pour cause, et non sans cause comme elle a tenté de le faire. Elle conclut que les clauses de renouvellement unilatérales sont valides en droit québécois, même si elles peuvent donner un effet perpétuel au contrat. Les juges majoritaires de la Cour d’appel confirment ce jugement. À leur avis, le Code civil du Québec n’interdit pas les contrats potentiellement perpétuels et ceux ci ne violent aucune valeur fondamentale de la société. La juge en chef, dissidente, est plutôt d’avis d’accueillir l’appel. Selon elle, la clause de renouvellement empêche Uniprix de connaître la date de fin du contrat, ce qui le transforme en un contrat à durée indéterminée. En conséquence, le contrat peut être résilié moyennant un préavis raisonnable, soit six mois en l’espèce.

Arrêt (la juge en chef McLachlin et les juges Côté et Rowe sont dissidents) : Le pourvoi est rejeté.

Les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon et Brown : Le juge de première instance n’a commis aucune erreur manifeste et déterminante dans son exercice d’interprétation du contrat. La faculté de renouvellement unilatérale que le contrat d’affiliation accorde aux pharmaciens membres est cohérente avec les autres dispositions du contrat, le contexte entourant sa signature et son objet, ainsi que le comportement des parties dans son application.

Pour résoudre le désaccord entre les parties, il faut interpréter les termes du contrat, et plus particulièrement la clause qui en fixe la durée et les modalités de renouvellement. La première étape de l’exercice d’interprétation d’un contrat est de déterminer si ses termes sont clairs ou ambigus. Si les termes du contrat sont clairs, le rôle du tribunal se limite à les appliquer à la situation factuelle qui lui est soumise. À l’inverse, si le tribunal décèle une ambiguïté, il doit la résoudre en procédant à la seconde étape de l’interprétation du contrat. Le principe cardinal qui guide la seconde étape consiste à « rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés » (art. 1425 C.c.Q.). Cet exercice d’interprétation permet de déterminer la durée et les modalités de renouvellement du contrat en cause.
La qualification et l’interprétation du contrat sont deux opérations distinctes. En droit civil québécois, c’est la classification du contrat — selon sa réglementation, ses conditions de formation, son objet et son mode d’exécution — qui permet d’en préciser la nature et d’ainsi cerner la qualification qui lui est propre. Autrement dit, on qualifie un contrat selon sa nature, en le rattachant à une catégorie de contrats nommés ou à une espèce particulière de contrats, mais on ne qualifie pas la durée du contrat, qui relève plutôt de l’interprétation de ses termes.
L’interprétation des contrats implique l’examen d’une multitude d’éléments factuels. Il s’agit d’une question mixte de fait et de droit et le rôle de la Cour se limite à déterminer si le juge de première instance a commis une erreur manifeste et déterminante à cet égard. En l’espèce, l’interprétation du juge de première instance suivant laquelle la clause de renouvellement confère aux pharmaciens membres le droit de renouveler le contrat d’affiliation à leur gré, tous les cinq ans, n’est entachée d’aucune erreur manifeste et déterminante. Au contraire, elle est parfaitement compatible avec les autres engagements prévus au contrat et avec le contexte dans lequel il a été conclu.

Tout d’abord, la clause de renouvellement elle même ne souffre d’aucune ambiguïté. Elle prévoit spécifiquement la possibilité pour les pharmaciens membres de transmettre un avis à Uniprix pour l’aviser de leur intention de renouveler ou non le contrat. Cependant, elle ne prévoit aucunement qu’Uniprix puisse envoyer un avis similaire aux pharmaciens membres. En outre, le second paragraphe indique clairement qu’à défaut pour les pharmaciens membres d’envoyer l’avis prescrit à Uniprix, la convention sera réputée renouvelée. Or, suivant l’art. 2847 C.c.Q., l’utilisation du terme « réputée » dans le contrat crée une présomption absolue et irréfragable. En conséquence, lorsque les pharmaciens membres n’envoient aucun avis à Uniprix, le renouvellement s’opère automatiquement, sans qu’Uniprix ne puisse s’y opposer. Les autres clauses traitant de la fin du contrat reflètent uniquement la faculté de résiliation pour cause conférée à Uniprix. Toutes ces dispositions font partie intégrante de l’entente conclue entre les parties et elles doivent être lues et interprétées comme un tout.

En outre, il n’est pas inapproprié d’interpréter un contrat par ailleurs clair pour conclure, de façon subsidiaire, que cette interprétation confirme le sens limpide de ses termes. En l’espèce, l’analyse du contexte entourant la conclusion du contrat confirme la volonté des parties de laisser son renouvellement à la discrétion des pharmaciens membres. D’abord, Uniprix a été créée pour le bénéfice de pharmaciens membres qui se sont associés pour le développement de leur pratique commerciale et professionnelle respective. La raison d’être d’Uniprix est de servir ses membres. Partant, il est logique qu’Uniprix soit au service de ces derniers jusqu’à ce qu’ils décident eux mêmes de se retirer du regroupement, et qu’il ne lui soit donc pas possible de mettre fin au contrat sans cause. Ensuite, la conduite même des parties appuie cette interprétation puisqu’à deux reprises, Uniprix a reconnu que le silence des pharmaciens membres liait les parties pour un terme additionnel de cinq ans. Interpréter le contrat d’affiliation de façon à donner à Uniprix la faculté de s’opposer au renouvellement souhaité par les pharmaciens membres serait en conséquence contraire aux termes de la clause de renouvellement, à l’économie générale du contrat d’affiliation, au contexte dans lequel il a été conclu, et à l’application qu’en ont fait les parties.

Le fait que la durée des obligations d’Uniprix aux termes du contrat d’affiliation dépende de la volonté des pharmaciens membres de le renouveler ne transforme pas le contrat en un contrat à durée indéterminée. En l’espèce, les parties se sont entendues sur un terme clair de cinq ans, qu’elles ont assorti d’un mécanisme de renouvellement tout aussi clair leur permettant de poursuivre leur relation commerciale pour des périodes déterminées de cinq ans. Conclure que le contrat en serait un à durée indéterminée choquerait la logique et l’intention clairement exprimée par les parties. De la même manière, il est impossible de recourir à l’art. 1512 C.c.Q. pour fixer un terme au contrat d’affiliation. Cet article s’applique en l’absence d’un terme ou devant un terme incertain, mais pas pour faire échec au renouvellement automatique d’un contrat dont le terme est clairement défini, comme c’est le cas en l’espèce. À tout événement, aucune des parties n’a demandé que ce recours autonome soit appliqué. La Cour supérieure et la majorité de la Cour d’appel ont conclu à bon droit que les parties ont voulu se lier par un mécanisme de renouvellement dont les effets peuvent être perpétuels.

Rien dans le Code n’interdit les effets potentiellement perpétuels d’un contrat tel que le contrat d’affiliation. Rien ne permet non plus de conclure que ces contrats sont contraires à l’ordre public. En effet, au moment d’adopter le Code, le législateur a décidé de n’encadrer que certains types de contrats particuliers, refusant d’adopter une disposition générale qui aurait interdit tout contrat à portée perpétuelle. Ni les dispositions du Code, ni la doctrine, ni la jurisprudence n’appuient la position selon laquelle un contrat d’affiliation ayant potentiellement des effets perpétuels est contraire au droit civil québécois. Il est vrai que les tribunaux ont le pouvoir d’élever au rang de principe d’ordre public toute règle non écrite qui s’accorde avec les valeurs fondamentales de la société. Néanmoins, il faut dans tous les cas être en mesure de lier la notion d’ordre public à des valeurs ou à des principes précis auxquels pourraient contrevenir les stipulations contractuelles en cause. Les obligations perpétuelles ne choquent en elles mêmes aucune valeur fondamentale de notre société, et ne sont pas contraires à l’ordre public de façon générale. Dans certaines circonstances, l’imposition d’obligations perpétuelles dont la nature mettrait en jeu la personne même et la liberté d’un individu pourrait choquer l’ordre public. Or, dans un contexte de partenariat corporatif et commercial comme celui qui unit Uniprix et les pharmaciens membres, la liberté individuelle des contractants n’est pas en jeu et l’ordre public ne saurait faire échec à la volonté des parties.

Rien ne permet d’écarter la conclusion du juge de première instance selon laquelle le contrat d’affiliation est à durée déterminée et permet uniquement aux pharmaciens membres de le renouveler à l’arrivée de chaque terme. En conséquence, l’avis de non renouvellement envoyé par Uniprix est contraire aux termes du contrat d’affiliation et est inopposable aux pharmaciens membres. Puisque ce contrat n’est pas à durée indéterminée, Uniprix ne pouvait pas le résilier sans cause moyennant un préavis raisonnable, comme elle a tenté de le faire.

La juge en chef McLachlin et les juges Côté et Rowe (dissidents) : Un contrat sans ambiguïté doit être appliqué, et non interprété. La conclusion du juge de première instance portant que le contrat d’affiliation est clair et n’a pas besoin d’être interprété constitue néanmoins une erreur manifeste et déterminante. Une lecture du contrat dans son intégralité révèle des ambiguïtés qui auraient dû le mener à interpréter la commune intention des parties comme le prescrit l’art. 1425 du Code civil du Québec.

Premièrement, il ne ressort pas clairement du libellé de la clause de renouvellement que celle ci est stipulée uniquement en faveur des pharmaciens membres. Selon ce libellé, il est évident qu’Uniprix est la bénéficiaire de l’obligation de donner un avis. Cependant, rien dans le libellé de la clause ne précise que la présomption de renouvellement qui y est énoncée au deuxième paragraphe est stipulée en faveur d’une partie ou de l’autre.

Deuxièmement, le renvoi à d’autres parties du contrat ne résout en rien cette ambiguïté. Troisièmement, l’ambiguïté est amplifiée par l’interaction entre la stipulation expresse d’un terme de 60 mois et la clause de renouvellement. La présence d’une clause contractuelle qui prévoit expressément un terme de 60 mois signifie habituellement que les obligations des deux parties prendront fin à l’expiration de ce terme. Or, lorsqu’on la lit à la lumière de la disposition portant sur le renouvellement, la clause semble fonctionner de façon asymétrique en liant Uniprix, mais non les pharmaciens membres, potentiellement à perpétuité. Quatrièmement, lorsque l’interprétation présentée par les pharmaciens membres — selon laquelle Uniprix est liée à perpétuité à leur seule discrétion — est placée dans le contexte des autres stipulations de la convention, le résultat déraisonnable qui en découle justifie un examen pour savoir si les parties avaient l’intention d’être liées de cette façon. La possibilité que les intérêts d’un membre précis soient en conflit avec ceux du groupe soulève la question de savoir si les parties avaient l’intention qu’Uniprix soit toujours redevable envers chaque membre individuel. En dernier lieu, la mesure dans laquelle le renouvellement est automatique est une question qui demeure entière. Le texte de la clause donne à penser que le renouvellement est conditionnel, et non automatique. La clause de renouvellement ne s’applique que si les pharmaciens membres ne donnent pas un avis de leur intention de mettre fin à l’entente ou de la renouveler.

Toutefois, même si on tient pour acquis que la lecture par le juge de première instance de la clause de renouvellement était correcte, le contrat d’affiliation devrait être qualifié de contrat à durée indéterminée et l’appel accueilli sur ce fondement. La qualification d’un contrat détermine la catégorie juridique dont il relève, et, donc, les conséquences juridiques qui s’y rattachent. La qualification et l’interprétation d’un contrat sont des démarches distinctes qui ne devraient pas être confondues. Si, à l’étape de l’interprétation, le juge de première instance recherche l’intention commune des parties, à l’étape de la qualification, il n’est pas lié par celle que les parties ont donnée au contrat, ni même par celle que les parties préfèrent. La qualification est plutôt une question de droit qui est réservée au tribunal. La détermination du terme d’un contrat est une question de qualification juridique, car elle porte sur les effets juridiques recherchés par la convention, et la présence ou l’absence d’un terme extinctif est essentielle à la nature des contrats à exécution successive d’une durée déterminée.

En l’espèce, l’effet juridique de la clause de renouvellement est de proroger le contrat pour une durée additionnelle. Puisque seuls les pharmaciens membres peuvent s’opposer au renouvellement, eux seuls bénéficient d’un terme certain qui éteindra leurs obligations. En réalité, le contrat d’affiliation aurait donc un terme hybride : un de cinq ans qui s’applique aux pharmaciens membres, et un potentiellement perpétuel ou d’une durée indéterminée, qui s’applique à Uniprix. Toutefois, le terme d’un contrat doit fonctionner de façon symétrique pour les deux parties et il ne convient pas d’entériner la possibilité qu’un terme soit hybride. Par conséquent, cette entente peut être qualifiée de deux façons. Soit le contrat est d’une durée perpétuelle — c’est à dire qu’il est d’une durée déterminée pour toujours et que les pharmaciens membres ont l’option périodique de s’en retirer, auquel cas l’analyse de la question de l’ordre public devient pertinente —, soit le contrat est d’une durée indéterminée, parce qu’il n’y a pas de terme extinctif clair. La qualification appropriée est la deuxième. Cette conclusion est compatible avec le principe bien établi portant que les contrats qui ont prétendument un terme extinctif certain doivent être qualifiés de contrats à durée indéterminée lorsque la réalisation du terme est dépendante de la décision d’une seule partie. Cette conclusion est également compatible avec la réticence du droit à ce que la perpétuité soit inférée en l’absence d’une stipulation expresse des parties en ce sens.

Un contrat à durée indéterminée peut être résilié moyennant un préavis raisonnable. Le caractère raisonnable de l’avis de résiliation dans un cas donné repose en grande partie sur les faits et sur le contexte. Comme Uniprix a envoyé un avis de résiliation le 26 juillet 2012, les pharmaciens membres auront bénéficié d’un préavis raisonnable à la date de la présente décision. En conséquence, il y a lieu de déclarer que le contrat d’affiliation prend fin à cette date.

Jurisprudence

Citée par les juges Wagner et Gascon
Distinction d’avec les arrêts : BMW Canada inc. c. Automobiles Jalbert inc., 2006 QCCA 1068; 9077 0801 Québec inc. c. Société des loteries vidéo du Québec inc., 2012 QCCA 885; Bombardier Produits récréatifs inc. (BRP) c. Christian Moto Sport inc. (CMS), 2012 QCCA 1670; Placements Sergakis inc. c. Société des loteries vidéo du Québec inc., 2009 QCCS 4976; E. & S. Salsberg inc. c. Dylex Ltd., [1992] R.J.Q. 2445; Bussières (Véhicules récréatifs Gascon enr.) c. Yamaha Motor Canada Ltd., 2006 QCCS 905; Bertrand Équipements inc. c. Kubota Canada ltée, [2002] R.J.Q. 1329; Équipement LDL inc. c. Toyota Canada inc., 2008 QCCS 4943; arrêt approuvé : Triou c. Teman, 2016 QCCA 908; arrêts examinés : Consumers Cordage Co. c. St Gabriel Land & Hydraulic Co., [1945] R.C.S. 158; Parkway Pontiac Buick inc. c. General Motors du Canada ltée, 2012 QCCS 618; arrêts mentionnés : Tétreault c. Gagnon, [1962] R.C.S. 766; Montréal, Maine & Atlantique Canada Cie (Montreal, Maine & Atlantic Canada Co.) (MMA), Re, 2014 QCCA 2072, 49 R.P.R. (5th) 210; Station Mont Tremblant c. Banville Joncas, 2017 QCCA 939; Martin c. Dupont, 2016 QCCA 475; Provigo Distribution inc. c. Supermarché A.R.G. inc., [1998] R.J.Q. 47; Droit de la famille — 171197, 2017 QCCA 861; Samen Investments Inc. c. Monit Management Ltd., 2014 QCCA 826; Éolectric inc. c. Kruger, groupe Énergie, 2015 QCCA 365; Rouge Resto bar inc. c. Zoom Média inc., 2013 QCCA 443; Habitations Gilles Stébenne inc. c. 9166 9929 Québec inc., 2016 QCCS 2953; Larouche c. Néron, 2016 QCCA 692; Lamco II s.e.c. c. Québec (Ville), 2016 QCCA 757; Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633; Immeubles Régime XV inc. c. Indigo Books & Music Inc., 2012 QCCA 239; Cie canadienne d’assurances générales Lombard c. Promutuel Portneuf Champlain, société mutuelle d’assurances générales, 2016 QCCA 1903; 2320 4035 Québec inc. c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre Sud de l’Île de Montréal (CIUSSS CSIM) (Centre de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement de Montréal), 2017 QCCA 427; Construction BFC Foundation ltée c. Entreprises Pro Sag inc., 2013 QCCA 1253; Pépin c. Pépin, 2012 QCCA 1661; Ferme Vi Ber inc. c. Financière agricole du Québec, 2016 CSC 34, [2016] 1 R.C.S. 1032; Lac Sergent (Ville) c. Lapointe, 2012 QCCA 1935; Association des diplômés de l’École des hautes études commerciales de Montréal c. Aeterna Vie Cie d’assurance, [1995] R.R.A. 111; Cyclorama de Jérusalem inc. c. Congrégation du Très Saint Rédempteur, [1964] R.C.S. 595; Neale c. Katz, [1979] C.A. 192; Cass. civ. 1re, 18 janvier 2000, Bull. civ. 1 10, no 98 10.378; Cass. civ., 25 juin 1907, D.P. 1907.1.337; Goulet c. Cie d’Assurance Vie Transamerica du Canada, 2002 CSC 21, [2002] 1 R.C.S. 719; Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) inc., 2003 CSC 17, [2003] 1 R.C.S. 178; Asphalte Desjardins inc. c. Québec (Commission des normes du travail), 2013 QCCA 484, inf. par 2014 CSC 51, [2014] 2 R.C.S. 514.

Citée par la juge Côté (dissidente)
Samen Investments Inc. c. Monit Management Ltd., 2014 QCCA 826; Bisignano c. Système électronique Rayco ltée, 2014 QCCA 292; Turenne c. Banque Nationale du Canada, [1983] J.Q. no 354 (QL); J.V. c. Cie d’assurance vie Croix Bleue, 2013 QCCA 1686; Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633; Gregory c. Château Drummond inc., 2012 QCCA 601; Pépin c. Pépin, 2012 QCCA 1661; Alexis Nihon Cie c. Dupuis, [1960] R.C.S. 53; Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris, [1990] 2 R.C.S. 1029; Centre de santé et de services sociaux de l’Énergie c. Société immobilière Lemieux inc., 2011 QCCA 972; Cogefimo inc. c. Société Coinamatic inc., [1998] R.D.I. 193; J.G. c. Nadeau, 2016 QCCA 167; Tétreault c. Gagnon, [1962] R.C.S. 766; Services Matrec inc. c. CFH Sécurité inc., 2014 QCCA 221; Neale c. Katz, [1979] C.A. 192; E. & S. Salsberg inc. c. Dylex Ltd., [1992] R.J.Q. 2445; Standard Broadcasting Corp. c. Stewart, [1994] R.J.Q. 1751; BMW Canada inc. c. Automobiles Jalbert inc., 2006 QCCA 1068; 9077 0801 Québec inc. c. Société des loteries vidéo du Québec inc., 2012 QCCA 885.

Lois et règlements cités
Code civil du Bas Canada, art. 1013.
Code civil du Québec, art. 9, 365 à 377, 380, 1378 à 1384, 1379, 1380, 1381, 1383, 1414, 1425, 1425 à 1432, 1426, 1427, 1428, 1434 à 1439, 1437, 1512, 1517, 1590, 1604, 1605, 1708 à 2643, 1880, 2086, 2362, 2376, 2847.
Code civil (France), art. 1210.
Règles sur la célébration du mariage civil ou l’union civile, RLRQ, c. CCQ, r. 3.
Doctrine et autres documents cités
Azéma, Jacques. La durée des contrats successifs, Paris, L.G.D.J., 1969.
Baudouin, Jean Louis, et Pierre Gabriel Jobin. Les obligations, 7e éd. par Pierre Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2013.
Carbonnier, Jean. Droit civil, t. 4, Les obligations, 22e éd., Paris, P.U.F., 2000.
Fréchette, Pascal. « La qualification des contrats : aspects théoriques » (2010), 51 C. de D. 117.
Gendron, François. L’interprétation des contrats, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2016.
Ghestin, Jacques, Christophe Jamin et Marc Billiau. Les effets du contrat, 3e éd., Paris, L.G.D.J., 2001.
Goldstein, Gérald, et Najla Mestiri. « La liberté contractuelle et ses limites — Études à la lueur du droit civil québécois », dans Benoît Moore, dir., Mélanges Jean Pineau, Montréal, Thémis, 2003, 299.
Grammond, Sébastien, Anne Françoise Debruche and Yan Campagnolo. Quebec Contract Law, Montréal, Wilson & Lafleur, 2011.
Kasirer, Nicholas. « Pothier From A to Z », dans Benoît Moore, dir., Mélanges Jean Pineau, Montréal, Thémis, 2003, 387.
Lluelles, Didier, et Benoît Moore. Droit des obligations, 2e éd., Montréal, Thémis, 2012.
Mestre, Jacques. « Obligations et contrats spéciaux : Obligations en général » (1993), 2 R.T.D. Civ. 343.
Pineau, Jean, Danielle Burman et Serge Gaudet. Théorie des obligations, 4e éd. par Jean Pineau et Serge Gaudet, Montréal, Thémis, 2001.
Québec. Ministère de la Justice. Commentaires du ministre de la Justice, t. II, Le Code civil du Québec — Un mouvement de société, Québec, Publications du Québec, 1993.
Starck, Boris, Henri Roland et Laurent Boyer. Droit civil : les obligations, t. 2, Contrat, 6e éd., Paris, Litec, 1998.
Tancelin, Maurice. Des obligations en droit mixte du Québec, 7e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2009.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec (la juge en chef Duval Hesler et les juges Levesque et Émond), 2015 QCCA 1427, [2015] AZ 51213425, [2015] J.Q. no 8478 (QL), 2015 CarswellQue 8578 (WL Can.), qui a confirmé une décision du juge Dugré, 2013 QCCS 6251, [2013] AZ 51027703, [2013] J.Q. no 17551 (QL), 2013 CarswellQue 12767 (WL Can.). Pourvoi rejeté, la juge en chef McLachlin et les juges Côté et Rowe sont dissidents.

Hubert Sibre, Julien Archambault et Jean Yves Fortin, pour l’appelante.

André Joli Cœur, Nathalie Vaillant et Bénédicte Dupuis, pour les intimées.

Le jugement des juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon et Brown a été rendu par

LES JUGES WAGNER ET GASCON —

I. Aperçu

[1] Le droit civil québécois accorde une place fondamentale au principe de l’autonomie de la volonté. Cette liberté contractuelle permet aux parties à un contrat de régir leur relation comme elles le souhaitent, dans les limites prévues par la loi et l’ordre public. Ce pourvoi permet à notre Cour de cerner une partie de ces limites, au regard de la légalité de certaines obligations contenues dans un contrat dont les effets sont potentiellement perpétuels.

[2] L’appelante, Uniprix inc., et les sociétés intimées (« pharmaciens-membres ») ont conclu un contrat d’affiliation en 1998, pour une durée déterminée de cinq ans. Ce contrat contient une clause de renouvellement automatique qui a été déclenchée à deux reprises, en 2003 et en 2008. En 2012, Uniprix a toutefois envoyé un avis de non-renouvellement aux pharmaciens-membres, prétendant mettre fin au contrat dès janvier 2013. Le mécanisme de renouvellement prévu au contrat d’affiliation est au cœur du présent pourvoi. Les pharmaciens-membres soutiennent pouvoir renouveler le contrat à leur guise, alors qu’Uniprix affirme pouvoir pour sa part s’opposer au renouvellement et mettre fin au contrat à l’arrivée du terme. Uniprix ajoute que l’interprétation proposée par les pharmaciens-membres aurait potentiellement pour effet de lier les parties à perpétuité, ce qui serait contraire à l’ordre public. Suivant cette position, le contrat serait alors considéré comme étant à durée indéterminée, et il pourrait être résilié en tout temps par l’une ou l’autre des parties, moyennant un préavis raisonnable.

[3] Selon le juge de première instance et les juges majoritaires de la Cour d’appel, la clause de renouvellement est claire : elle réserve aux pharmaciens-membres la faculté unilatérale de renouveler ou non le contrat, et ce, en toute légalité, malgré ses effets potentiellement perpétuels. La juge en chef de la Cour d’appel, dissidente, aurait plutôt conclu que le contrat est à durée indéterminée; elle lui aurait fixé un terme en vertu de l’art. 1512 du Code civil du Québec (« C.c.Q. » ou « Code »), ou aurait permis à Uniprix d’y mettre fin moyennant un préavis raisonnable.

[4] Nous sommes d’avis de rejeter le pourvoi. Le juge de première instance n’a commis aucune erreur manifeste et déterminante dans son exercice d’interprétation du contrat. Bien au contraire, la faculté de renouvellement unilatérale que le contrat d’affiliation accorde aux pharmaciens-membres est cohérente avec les autres dispositions du contrat, le contexte entourant sa signature et son objet, ainsi que le comportement des parties dans son application. Rien en droit québécois n’empêche les parties de convenir d’un tel mécanisme, et ce, malgré ses effets potentiellement perpétuels.

II. Contexte

[5] En 1977, plusieurs pharmaciens-propriétaires du Québec, dont Manon Gosselin, fondent l’entreprise Uniprix. L’objectif des pharmaciens-propriétaires est de se doter d’une identité commune, de regrouper leurs achats et, plus généralement, d’assurer un soutien pour les aspects accessoires à leurs activités professionnelles. Pour devenir membre de ce regroupement, il faut à la fois être pharmacien-propriétaire et souscrire une action d’Uniprix.

[6] En 1979, Mme Gosselin et son conjoint ouvrent une pharmacie à Saint-Lambert-de-Lauzon, une ville qui compte aujourd’hui une population d’environ 6000 personnes. C’est cette pharmacie qui est en cause dans ce pourvoi. D’abord indépendante, elle est affiliée à la bannière Uniclinique en 1988. À la même époque, Mme Gosselin et son conjoint s’associent à Bernard Bérubé, un autre pharmacien, avec lequel ils créent les sociétés intimées qui sont dès lors propriétaires de la pharmacie.

[7] En 1998, les sociétés intimées décident d’affilier leur pharmacie à la bannière Uniprix. Les deux pharmaciens-propriétaires — Mme Gosselin et M. Bérubé — souscrivent alors une action d’Uniprix par l’intermédiaire de leur société en nom collectif, et les parties concluent un contrat d’affiliation. Ce contrat contient une clause qui fixe sa durée et ses modalités de renouvellement :

10. DURÉE :

Nonobstant toutes dispositions écrites ou verbales contraires, la présente convention débutera le jour de sa signature et demeurera en vigueur pour une période de soixante (60) mois ou pour une période égale à la durée du bail du local où est située la pharmacie. [Le pharmacien-membre] devra, six (6) mois avant l’expiration de la convention, faire signifier à [Uniprix] son intention de quitter [Uniprix] ou de renouveler la convention;

À défaut par [le pharmacien-membre] d’envoyer l’avis prescrit par poste recommandée, la convention sera réputée renouvelée selon les termes et conditions alors en vigueur, tels que prescrits par le conseil d’administration sauf en ce qui a trait à la cotisation.

[8] Pendant toute la durée de leur relation contractuelle, les pharmaciens-membres n’informent jamais spécifiquement Uniprix de leur intention concernant le renouvellement du contrat. Par l’effet du second paragraphe de la clause 10, celui-ci est donc renouvelé automatiquement le 28 janvier 2003 et le 28 janvier 2008, sans qu’Uniprix ne se manifeste.

[9] En 2010, Uniprix apprend qu’une de ses concurrentes compte s’installer dans un nouveau local situé à moins de 200 mètres de la pharmacie exploitée par les pharmaciens-membres. En décembre de la même année, elle soumet une offre de location au propriétaire de ce local, à l’insu des pharmaciens-membres. Un an plus tard, le 14 décembre 2011, elle rencontre ces derniers afin de les convaincre de déménager leur pharmacie dans ce nouveau local, mais sans succès.

[10] Malgré tout, le 1er mars 2012, Uniprix loue le local convoité pour une durée de 15 ans. Le 26 juillet 2012, soit un peu plus de six mois avant l’arrivée du troisième terme du contrat signé avec les pharmaciens-membres, elle avise ces derniers que leur relation contractuelle prendra fin le 28 janvier 2013. Dans les mois suivants, Uniprix essaie encore de convaincre les pharmaciens-membres de se relocaliser, mais ces derniers refusent cette proposition, la jugeant moins rentable que leur situation actuelle.

[11] Les pharmaciens-membres tentent alors d’obtenir une confirmation de la part d’Uniprix que leur relation contractuelle se poursuivra au-delà du 28 janvier 2013. N’ayant reçu aucune réponse, ils demandent à la Cour supérieure de déclarer que le contrat est renouvelé jusqu’au 28 janvier 2018. Le 9 janvier 2013, ils obtiennent une ordonnance de sauvegarde enjoignant à Uniprix de respecter ses obligations contractuelles jusqu’à ce qu’un jugement définitif règle la question.

III. Historique judiciaire

A. Cour supérieure du Québec (le juge Dugré), 2013 QCCS 6251

[12] Saisi du fond de l’affaire, le juge Dugré déclare que le contrat est renouvelé jusqu’au 28 janvier 2018 selon les termes en vigueur au 28 juillet 2012, soit la date ultime à laquelle les pharmaciens-membres pouvaient faire part à Uniprix de leur intention de renouveler ou non le contrat d’affiliation.

[13] D’avis que le libellé de la clause 10 est clair et n’a pas besoin d’être interprété, il ajoute que cette clause est stipulée en faveur du pharmacien-membre, qui peut ainsi « renouveler la convention à son gré, tous les cinq ans » (par. 40 (CanLII)), comme le confirme l’analyse de l’ensemble du contrat. Cette interprétation implique comme corollaire qu’Uniprix peut seulement résilier le contrat pour cause, et non sans cause comme elle a tenté de le faire.

[14] De l’avis du juge, le comportement des parties est un élément contextuel qui confirme cette interprétation. À cet égard, il retient que, en 2003 et en 2008, elles ont accepté que le contrat soit renouvelé automatiquement en application de la clause 10. Or, il est bien établi que la façon dont les parties interprètent et appliquent leur contrat est particulièrement utile pour en déterminer la portée et l’intention.

[15] Selon le premier juge, cette clause est parfaitement valide puisqu’elle n’est contraire ni aux lois prohibitives, ni à l’ordre public. Il conclut que les clauses de renouvellement unilatérales sont valides en droit québécois, même si, dans certains cas, elles peuvent donner un effet perpétuel au contrat.

B. Cour d’appel du Québec, 2015 QCCA 1427

(1) Opinions majoritaires des juges Levesque et Émond

[16] Les juges majoritaires de la Cour d’appel rejettent le pourvoi. Selon eux, alors qu’Uniprix a été créée dans l’unique but de servir ses membres, elle tente désormais de s’arroger un rôle dans leurs décisions d’affaires en entraînant les pharmaciens-membres dans un projet qui n’est pas à leur avantage, sous peine de mettre fin à leur relation d’affaires.

[17] Comme le juge de première instance, les juges majoritaires concluent que la clause est claire et n’a pas besoin d’être interprétée. À leur avis, le contrat est à durée déterminée et il se reconduit automatiquement à moins d’avis contraire des pharmaciens-membres. Par ce mécanisme, Uniprix acceptait d’être liée pour de nombreuses années et reconnaissait que le silence des pharmaciens-membres la liait pour un même terme supplémentaire. La clause 13 du contrat, qui prévoit l’octroi de dommages-intérêts si les pharmaciens-membres mettent fin au contrat avant l’arrivée du terme, constitue un corollaire de ce principe.

[18] Selon les juges majoritaires, que ce mécanisme de renouvellement donne un caractère potentiellement perpétuel au contrat ne valide pas pour autant l’avis envoyé par Uniprix. La Cour d’appel ne s’est jamais penchée sur cette question, mais certains auteurs en ont traité dans leurs ouvrages. Dans le Code, le législateur a limité la durée du bail et du service de la rente à 100 ans. Il a aussi rendu résiliables le contrat de travail à durée indéterminée et le contrat de cautionnement illimité, jugeant que le caractère perpétuel de ces engagements semblait contraire à l’ordre public. Les limites imposées à certains contrats ne témoignent toutefois pas de l’intention du législateur de condamner tous les contrats à caractère potentiellement perpétuel. Pour les autres types de contrats, il faut concilier l’autonomie de la volonté et la liberté des personnes, ce qui ne pose généralement pas problème pour les conventions à caractère économique conclues par des personnes morales. Bref, le Code, source du droit commun au Québec, n’interdit pas les contrats perpétuels.

[19] Pour les juges majoritaires, les tribunaux peuvent certes élever au rang d’ordre public certains principes qui sont tributaires des valeurs fondamentales de la société. Or, aucune valeur de cette nature n’est violée par le caractère potentiellement perpétuel du contrat. Uniprix n’est pas vulnérable et le contrat en cause est un contrat type qu’elle a elle-même rédigé. En outre, il est normal qu’elle ait voulu se lier à long terme et ne puisse « larguer [. . .] ses membres, selon son bon plaisir », puisqu’elle a été créée pour leur bénéfice et dans le but de promouvoir leurs intérêts (par. 71 (CanLII)). Cette position ne va pas à l’encontre des arrêts BMW Canada inc. c. Automobiles Jalbert inc., 2006 QCCA 1068, et 9077-0801 Québec inc. c. Société des loteries vidéo du Québec inc., 2012 QCCA 885, qui s’appliquent davantage aux contrats de franchise.

[20] À tout événement, selon les juges majoritaires, même si le contrat était à durée indéterminée, Uniprix n’était pas de bonne foi, et cela l’empêchait de procéder à la résiliation. L’article 1512 C.c.Q., quant à lui, ne s’applique pas, puisque le contrat est à durée déterminée. Le juge Émond ajoute que cet article crée un recours autonome qui doit faire l’objet d’une demande de l’une ou de l’autre des parties, ce qui n’a pas été fait en l’espèce.

(2) Opinion minoritaire de la juge en chef Duval Hesler

[21] La juge en chef, dissidente, est plutôt d’avis d’accueillir l’appel et de mettre fin au contrat six mois après la date de l’arrêt de la Cour d’appel. Même si la clause 10 était rédigée au bénéfice des pharmaciens-membres, il faudrait conclure qu’elle empêche Uniprix de connaître la date de fin du contrat, ce qui le transforme en un contrat à durée indéterminée. En conséquence, le contrat peut être résilié moyennant un préavis raisonnable.

[22] La juge dissidente est aussi d’avis que l’art. 1512 C.c.Q. permet au tribunal d’imposer un terme au contrat d’affiliation. Cet article est souvent utilisé pour fixer une date de remboursement dans le cadre d’un contrat de prêt qui n’en contient pas. Le contrat d’affiliation prévoit un terme minimal de cinq ans pour assurer une certaine stabilité dans les relations entre les parties, mais le mécanisme de renouvellement retenu suppose que seuls les pharmaciens-membres peuvent déterminer quand il prendra fin. Le deuxième alinéa de l’art. 1512 C.c.Q. permet, lui, de fixer un terme, puisqu’il est de l’essence même d’un contrat d’affiliation ou de franchise de ne pas être à durée perpétuelle.

[23] Selon la juge dissidente, l’omission des parties d’invoquer cet article n’empêche pas son application, puisqu’il a été mentionné à l’audience et que la cour peut en prendre connaissance d’office. Puisque les parties ne partagent pas une intention commune sur le terme de leur contrat, l’art. 1512 C.c.Q. permet d’assurer la stabilité contractuelle qu’elles ont échoué à mettre en œuvre.

[24] Enfin, un délai de six mois constitue un préavis raisonnable, puisque c’est la durée que les parties ont choisie, d’autant plus que les pharmaciens-membres ont la possibilité de se joindre à une autre bannière ou d’exploiter leur entreprise de façon indépendante.

IV. Questions en litige

[25] Ce pourvoi soulève deux questions. Il faut avant tout déterminer si le juge de première instance a erré en concluant que la clause 10 du contrat d’affiliation est claire et qu’elle représente fidèlement l’intention commune des parties d’octroyer aux pharmaciens-membres la faculté unilatérale de le renouveler à tous les cinq ans, sans qu’Uniprix ne puisse s’y opposer. Si telle était bien leur intention, il faudra aussi décider si l’effet qui en découle, soit le caractère potentiellement perpétuel du contrat, est valide en droit civil québécois.

V. Analyse

A. L’intention commune des parties

(1) La nature et la qualification du contrat d’affiliation

[26] Les parties ont signé un contrat intitulé contrat d’affiliation. Ce type de contrat n’est pas un contrat nommé au sens du Code. Il s’agit par contre d’un contrat onéreux, bilatéral et à exécution successive, où chacune des parties s’oblige réciproquement envers l’autre (art. 1380, 1381 et 1383 C.c.Q.). Puisque le contrat a été librement discuté, on saurait difficilement le qualifier de contrat d’adhésion (art. 1379 C.c.Q.).

[27] En droit civil québécois, c’est cette classification du contrat — selon sa réglementation, ses conditions de formation, son objet et son mode d’exécution — qui permet d’en préciser la nature et d’ainsi cerner la qualification qui lui est propre (J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, Les obligations (7e éd. 2013), par P.-G. Jobin et N. Vézina, nos 55-56, 410 et 413; D. Lluelles et B. Moore, Droit des obligations (2e éd. 2012), no 1562; M. Tancelin, Des obligations en droit mixte du Québec (7e éd. 2009), no 83; F. Gendron, L’interprétation des contrats (2e éd. 2016), p. 16 et 18-19; art. 1378 à 1384 C.c.Q. et Livre cinquième, Titre deuxième du C.c.Q.).

[28] Cela établi, il est à notre avis inopportun de concevoir cette qualification du contrat comme un exercice purement objectif. Cette « opération cruciale pour le juge » ne peut en effet être accomplie qu’en « recherch[ant] la véritable intention des parties à cet égard » (Baudouin et Jobin, no 56; voir aussi Lluelles et Moore, no 1728; P. Fréchette, « La qualification des contrats : aspects théoriques » (2010), 51 C. de D. 117, p. 151; Tétreault c. Gagnon, [1962] R.C.S. 766, p. 770; Montréal, Maine & Atlantique Canada Cie (Montreal, Maine & Atlantic Canada Co.) (MMA), Re, 2014 QCCA 2072, 49 R.P.R. (5th) 210, par. 34; Station Mont-Tremblant c. Banville-Joncas, 2017 QCCA 939, par. 63 (CanLII); Martin c. Dupont, 2016 QCCA 475, par. 19-21 (CanLII)).

[29] Pour qualifier le contrat, le tribunal doit ainsi examiner non seulement « les obligations et autres effets du contrat [que les parties] ont prévus », mais aussi « parfois les circonstances de sa formation et la manière dont elles l’ont appliqué » (Baudouin et Jobin, no 56). À ce chapitre, si « le juge ne sera jamais lié par la qualification par les parties et [s’]il a le pouvoir d’attribuer à la convention la nature juridique qui, d’après lui, correspond réellement à son contenu » (ibid.), il reste néanmoins lié par l’intention commune des parties sur le contenu de leur entente. En d’autres mots, « le juge se demande si le nom donné à un contrat correspond bien aux effets recherchés » et « il [lui] revient [. . .] d’imposer aux parties la nature de leur convention qui ressort de l’expression de leur volonté » (Fréchette, p. 151 et 157 (nous soulignons)).

[30] En l’espèce, le contrat d’affiliation conclu entre les parties est un contrat innommé. Il est vrai que certaines de ses caractéristiques s’apparentent au contrat de franchise, un autre type de contrat innommé. Uniprix fournit par exemple aux pharmaciens-membres des services centralisés d’achat de produits et de mise en marché. Il s’en distingue néanmoins en raison de la relation particulièrement étroite qui unit les parties. Dans un contrat de franchise, le franchiseur et les franchisés sont normalement des entités indépendantes qui agissent pour leur propre bénéfice (Provigo Distribution inc. c. Supermarché A.R.G. inc., [1998] R.J.Q. 47 (C.A.)). Dans le cas qui nous occupe, Uniprix a été expressément créée pour le bénéfice de ses membres, lesquels sont partie prenante à l’entreprise puisqu’ils en sont tous actionnaires (clauses 1 et 4 du contrat d’affiliation). Contrairement à ce qui prévaut dans un contrat de franchise, Uniprix n’a pas elle-même développé une marque et des méthodes d’affaires qu’elle a ensuite voulu vendre à des pharmaciens. Elle a plutôt été créée par un regroupement de pharmaciens-propriétaires qui ont voulu s’associer sous une bannière commune. L’intention des parties à cet égard ne fait aucun doute.

(2) La durée et les modalités de renouvellement du contrat d’affiliation

[31] Cela précisé sur la nature de leur contrat, les parties ne s’entendent pas sur sa durée et sur le mécanisme de renouvellement contenu à la clause 10. Les pharmaciens-membres soutiennent que le contrat d’affiliation, comme ce fut le cas en 2003 et en 2008, se renouvelle automatiquement à moins d’avis contraire de leur part. Selon cette position, rien dans la clause 10 ne permet à Uniprix de s’opposer à ce renouvellement.

[32] Pour sa part, Uniprix est d’avis que la clause 10 lui donne implicitement le droit de s’opposer au renouvellement du contrat. À titre subsidiaire, elle soutient que l’interprétation proposée par les pharmaciens-membres aurait pour effet potentiel de lier les parties à perpétuité, ce qui serait contraire à l’ordre public. Selon Uniprix, si cette interprétation était retenue, il faudrait conclure que le contrat est à durée indéterminée et qu’il peut donc être résilié moyennant un préavis raisonnable. Dans tous les cas, Uniprix maintient que le contenu de l’avis envoyé aux pharmaciens-membres était suffisant pour mettre fin à leur relation contractuelle dès janvier 2013.

[33] Pour résoudre ce désaccord, il faut interpréter les termes du contrat, et plus particulièrement la clause 10 qui en fixe la durée et les modalités de renouvellement. Un rappel succinct des principes qui guident cet exercice en droit civil québécois est nécessaire. Ce n’est qu’une fois cet exercice terminé qu’il sera possible de déterminer la durée et les modalités de renouvellement du contrat, avec les conséquences juridiques qui s’y rattachent.

(a) Principes d’interprétation des contrats

[34] La première étape de l’exercice d’interprétation d’un contrat est de déterminer si ses termes sont clairs ou ambigus (Droit de la famille — 171197, 2017 QCCA 861, par. 62 (CanLII); Samen Investments Inc. c. Monit Management Ltd., 2014 QCCA 826, par. 46 (CanLII)). Cette étape, que certains auteurs identifient comme la règle de l’acte clair (Gendron, p. 27), vise à empêcher le ou la juge de déroger, volontairement ou inopinément, à la volonté manifeste des parties. Bref, le contrat clair s’impose au juge. Ainsi, cette étape « “joue le rôle de rempart” contre le risque d’une interprétation qui écarterait la volonté réelle des parties et bouleverserait l’économie de leur convention » (Baudouin et Jobin, no 413 (référence omise); voir aussi Lluelles et Moore, no 1570).

[35] Si cette étape se fonde d’abord et avant tout sur l’étude des termes eux-mêmes, elle ne s’y limite pas nécessairement dans tous les cas puisque le texte d’un contrat peut parfois ne pas être fidèle à l’intention commune des parties (Lluelles et Moore, no 1574; Droit de la famille — 171197, par. 62). En effet, « [r]eplacés dans le contexte des autres stipulations de la convention ou celui des circonstances de sa conclusion, les termes apparemment limpides d’une stipulation peuvent [parfois] se révéler ambigus et contredire l’économie du contrat, la véritable intention des parties » (Baudouin et Jobin, no 413; voir aussi Lluelles et Moore, nos 1572-1574; Tancelin, no 316; Gendron, p. 27, 31 et 34; Éolectric inc. c. Kruger, groupe Énergie, 2015 QCCA 365, par. 18-19 (CanLII); Rouge Resto-bar inc. c. Zoom Média inc., 2013 QCCA 443, par. 78-79 (CanLII)). De même, une stipulation qui pourrait être perçue comme ambiguë peut être parfaitement claire lorsque considérée dans son contexte.

[36] Si les termes du contrat sont clairs, le rôle du tribunal se limite à les appliquer à la situation factuelle qui lui est soumise. À l’inverse, si le tribunal décèle une ambiguïté, il doit la résoudre en procédant à la seconde étape de l’interprétation du contrat (Baudouin et Jobin, no 413; Lluelles et Moore, nos 1584-1586; Samen Investments, par. 46-47). La distinction entre ces deux étapes est parfois difficile à cerner, mais elle demeure fondamentale. À la première étape, le juge peut par exemple considérer le contexte entourant la conclusion et l’exécution du contrat afin de confirmer la clarté de ses termes (voir p. ex. Habitations Gilles Stébenne inc. c. 9166-9929 Québec inc., 2016 QCCS 2953, par. 34 et 41-47 (CanLII)). En principe, il ne doit toutefois pas recourir aux principes d’interprétation énoncés aux art. 1425 à 1432 du Code (Baudouin et Jobin, no 413; Lluelles et Moore, no 1571). En ce sens, l’interprétation du contrat est plus superficielle à la première étape qu’à la seconde (Lluelles et Moore, no 1572).

[37] Le principe cardinal qui guide la seconde étape de l’exercice d’interprétation consiste à « rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés » (art. 1425 C.c.Q.). Dans cet exercice, il faut tenir compte des éléments intrinsèques du contrat, tels que les termes de la disposition en cause et les autres clauses du contrat, afin de donner un effet utile à chacune d’entre elles et de les interpréter les unes par les autres (art. 1427 et 1428 C.c.Q.; Baudouin et Jobin, no 417; Lluelles et Moore, nos 1593-1594). L’interprétation du contrat doit également s’appuyer sur sa nature, de même que sur son contexte extrinsèque, qui inclut notamment les circonstances factuelles entourant sa conclusion, l’interprétation que les parties lui ont donnée et les usages (art. 1426 C.c.Q.; Baudouin et Jobin, no 418; Lluelles et Moore, nos 1600, 1603 et 1607).

[38] Cet exercice d’interprétation permet de déterminer la durée et les modalités de renouvellement du contrat en cause. Sous ce rapport, il faut souligner que les deux opérations que sont la qualification et l’interprétation du contrat se distinguent, bien que les deux « sollicite[nt] la volonté des parties » (Lluelles et Moore, no 1727). D’une part, la qualification sert à déterminer « quel objet les parties ont voulu donner à l’ensemble de leur entente » et son « objet essentiel [. . .] est le rattachement du contrat considéré à une catégorie normative » (ibid., nos 1727 et 1729). Pour ce faire, le juge doit « déterminer, tantôt le but qui a présidé à la convention, tantôt ― en fait, le plus souvent ― la prestation essentielle au cœur de l’entente » (ibid., no 1733 (note en bas de page omise)). D’autre part, l’interprétation vise plutôt à découvrir « quel sens les parties ont vraisemblablement voulu donner à telle partie du texte de la convention » (ibid., no 1727).

[39] Autrement dit, on qualifie un contrat selon sa nature, en le rattachant à une catégorie de contrats nommés (art. 1708 à 2643 C.c.Q.) ou à une espèce particulière de contrats (art. 1378 à 1384 C.c.Q.), mais on ne « qualifie » pas la durée du contrat, qui relève plutôt de l’interprétation de son libellé. Le terme extinctif qui s’attache à l’ensemble des obligations d’un contrat a bien sûr pour effet de mettre fin au contrat dans son ensemble (Lluelles et Moore, no 2507; Baudouin et Jobin, no 559; Tancelin, no 443). Ce n’est toutefois pas parce que ce terme a un effet d’ensemble sur le contrat que son interprétation vise à déterminer la prestation essentielle ou le but de l’entente. Sous ce rapport, il est erroné d’appliquer à la détermination de la durée du contrat les principes relatifs à la qualification de sa nature. Même un des auteurs français auxquels réfère notre collègue sur ce point reconnaît que si la durée du contrat peut être un élément pertinent à considérer dans la qualification de certains contrats — par exemple lorsqu’une catégorie de contrats nommés est définie en fonction de cette durée — la détermination de la durée du contrat n’est pas elle-même une question de qualification (J. Azéma, La durée des contrats successifs (1969), no 113-133).

[40] En l’espèce, la juge en chef de la Cour d’appel, dissidente, a prétendu « qualifier » le contrat d’affiliation de contrat à durée indéterminée — soit au regard de son terme — sans d’abord accomplir cet exercice d’interprétation et sans cerner l’intention commune des parties. Avec égards, elle ne pouvait procéder de cette manière, surtout pas sans identifier au préalable une erreur manifeste et déterminante du premier juge.

[41] L’interprétation des contrats implique en effet l’examen d’une multitude d’éléments factuels. Il s’agit d’une question mixte de fait et de droit à l’égard de laquelle les tribunaux d’appel ne peuvent intervenir qu’en présence d’une erreur manifeste et déterminante (Larouche c. Néron, 2016 QCCA 692, par. 5 (CanLII); Lamco II s.e.c. c. Québec (Ville), 2016 QCCA 757, par. 2 (CanLII); voir aussi Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633, par. 47-50). Il en est de même pour « [l]a détermination du caractère clair ou ambigu d’un contrat », qui « est un processus discrétionnaire » à l’égard duquel « une cour d’appel doit faire preuve de retenue et de déférence » (Immeubles Régime XV inc. c. Indigo Books & Music Inc., 2012 QCCA 239, par. 9-10 (CanLII); voir aussi Éolectric, par. 16; Baudouin et Jobin, no 413; Lluelles et Moore, no 1579).

[42] La qualification du contrat peut elle aussi être considérée comme une question mixte de fait et de droit dans certaines circonstances. Si certains auteurs estiment qu’il s’agit d’une pure question de droit (Gendron, p. 16-17; Lluelles et Moore, no 1738), il n’en reste pas moins que la qualification d’un contrat peut dépendre de la preuve de l’intention commune des parties à l’égard de sa nature et de son contenu. Lorsqu’il est nécessaire de s’en remettre à la preuve de cette intention, la Cour d’appel du Québec reconnaît à juste titre que la qualification du contrat est alors une question mixte de fait et de droit (MMA, par. 20; Banville-Joncas, par. 63-64; Cie canadienne d’assurances générales Lombard c. Promutuel Portneuf-Champlain, société mutuelle d’assurances générales, 2016 QCCA 1903, par. 17 (CanLII)).

[43] Sur ce point, notre collègue soutient que la « qualification », non pas de la nature du contrat mais bien de sa durée, soulèverait ici une question de droit. Avec égards, nous estimons que notre collègue se méprend. Une telle prétention est d’abord contraire à cette jurisprudence récente de la Cour d’appel du Québec, laquelle vient d’ailleurs tout juste de rappeler que la caractérisation de la durée d’un contrat et de son mécanisme de renouvellement est une question sur laquelle une cour d’appel ne peut intervenir qu’en présence d’une erreur manifeste et déterminante (2320-4035 Québec inc. c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal (CIUSSS CSIM) (Centre de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement de Montréal), 2017 QCCA 427, par. 12-16 (CanLII)). La prétention de notre collègue n’est pas non plus soutenue par la doctrine à laquelle elle renvoie. L’exercice de qualification qu’une certaine doctrine assimile à une question de droit ne touche pas la durée du contrat stipulée dans l’une de ses clauses, mais bien la qualification de la nature du contrat dans son ensemble (voir p. ex. Gendron, p. 16-17; Lluelles et Moore, nos 1729 et 1738). En outre, s’il est logique que la qualification d’ensemble d’un contrat soit parfois assimilée à une question de droit lorsqu’elle ne vise qu’à circonscrire le régime juridique particulier propre au contrat sans recourir à une quelconque preuve, il en va autrement de l’interprétation d’une clause qui en fixe la durée et les modalités de renouvellement. Cet exercice d’interprétation permet alors de déterminer l’intention commune des parties sur cette clause précise et non de qualifier la nature de leur contrat dans son ensemble.

[44] En l’espèce, le rôle de notre Cour se limite justement à déterminer si le juge de première instance a commis une erreur manifeste et déterminante dans l’application des principes d’interprétation pertinents à la clause 10 du contrat d’affiliation.

(b) La clause 10 du contrat d’affiliation

[45] Le juge de première instance a d’abord conclu que la clause 10 du contrat d’affiliation est claire. Selon lui, les parties ont voulu « conférer au [phamarcien ]membre le droit de renouveler la convention à son gré, tous les cinq ans » (par. 40). Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont confirmé cette interprétation, concluant que la clause 10 établit une « reconduction automatique pour un même terme, à moins d’avis contraire de la part des [pharmaciens-membres] » (par. 57). Nous sommes d’avis que cette interprétation de la clause de renouvellement n’est entachée d’aucune erreur manifeste et déterminante. Au contraire, elle est parfaitement compatible avec les autres engagements prévus au contrat et avec le contexte dans lequel il a été conclu.

[46] La clause 10 elle-même ne souffre d’aucune ambiguïté. Elle prévoit spécifiquement la possibilité pour les pharmaciens-membres de transmettre un avis à Uniprix pour l’aviser de leur intention de renouveler ou non le contrat. Cependant, elle ne prévoit aucunement qu’Uniprix puisse envoyer un avis similaire aux pharmaciens-membres. En outre, le second paragraphe indique clairement qu’« [à] défaut [pour les pharmaciens-membres] d’envoyer l’avis prescrit [à Uniprix] [. . .], la convention sera réputée renouvelée ». Or, suivant l’art. 2847 C.c.Q., l’utilisation du terme « réputée » dans le contrat crée une présomption absolue et irréfragable (voir Construction BFC Foundation ltée c. Entreprises Pro-Sag inc., 2013 QCCA 1253, par. 67 et 91 (CanLII)). Puisque les pharmaciens-membres n’ont effectivement pas envoyé quelque avis que ce soit, le second paragraphe s’applique et la convention est renouvelée pour un terme additionnel de cinq ans. Tout exercice d’interprétation de la clause 10 ne peut éluder l’impact de ce deuxième paragraphe qui est déterminant dans l’analyse de l’intention commune des parties.

[47] Uniprix soutient néanmoins que le contrat lui donnerait la faculté de s’opposer au renouvellement. Selon son interprétation de la clause 10, les pharmaciens-membres pourraient uniquement lui faire part de leur intention de quitter le regroupement ou de renouveler la convention. Uniprix soutient qu’elle pourrait alors s’opposer à cet avis d’intention et refuser le renouvellement du contrat d’affiliation. Compte tenu de l’absence de disposition à cet effet, sa position s’explique essentiellement par l’ajout d’un terme implicite au contrat. À son avis, les clauses 11, 15.1 et 16 confirmeraient elles aussi l’existence de ce terme implicite :

11. TERMINAISON :

En cas de résiliation ou fin du présent contrat, [Uniprix] ne sera pas responsable de quelques dommages que ce soit envers [le pharmacien-membre].

15. CONSÉQUENCES DE LA FIN DU CONTRAT :

15.1 Advenant la fin de la présente convention pour quelque cause que ce soit, [le pharmacien-membre] devra alors procéder, à ses frais, à l’enlèvement de l’enseigne officielle ou de toute [sic] autre signe distinctif
[d’Uniprix] dans les dix (10) jours suivant l’annulation ou de [sic] la fin du présent contrat. . .

16. EXONÉRATION DES DOMMAGES :

En cas de résiliation ou fin du présent contrat, [Uniprix] ne sera pas responsable de quelques dommages que ce soit à l’endroit du [pharmacien-membre] . . . [Nous soulignons.]

[48] Ces arguments ne sont pas convaincants. La lecture de la clause 10 que propose Uniprix fait abstraction de la présomption absolue de renouvellement que crée son second paragraphe. Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, les pharmaciens-membres n’envoient aucun avis à Uniprix, le renouvellement s’opère automatiquement, sans qu’Uniprix ne puisse s’y opposer. En ce qui concerne les clauses 11, 15.1 et 16, elles indiquent effectivement qu’Uniprix peut mettre fin au contrat dans certaines circonstances, puisqu’il serait autrement inutile de l’exonérer de toute responsabilité pour des dommages liés à la fin du contrat. Toutefois, contrairement à ce que soutient Uniprix, et comme l’a noté le juge de première instance, ces clauses visent uniquement sa faculté de résiliation pour cause, la seule faculté que lui confère le contrat.

[49] À ce chapitre, le contrat prévoit que les pharmaciens-membres doivent le « [r]especter fidèlement [. . .] sous peine de voir suspendre ou révoquer [leur] privilège de faire affaire avec [Uniprix] » (clause 7.1). L’article 9 de la réglementation, qui fait partie intégrante du contrat d’affiliation en vertu de sa clause 8.1, prévoit également cette éventualité. À tout événement, le Code permet à Uniprix de résilier le contrat, sous certaines conditions, si les pharmaciens-membres, « sans justification, n’exécute[nt] pas [leur] obligation » (art. 1590 C.c.Q.; voir aussi art. 1604 et 1605 C.c.Q.). En somme, les clauses 11, 15.1 et 16 du contrat s’appliquent si Uniprix met fin au contrat pour cause. On ne saurait y lire l’octroi d’une faculté de non-renouvellement ou de résiliation sans cause, même de façon implicite.

[50] Uniprix ajoute qu’il serait illogique que les parties aient prévu un terme spécifique de cinq ans si elles avaient l’intention de se lier potentiellement à perpétuité. Cet argument doit aussi être écarté. Le terme conserve toute sa pertinence pour les pharmaciens-membres, puisqu’il leur permet de choisir de renouveler ou non le contrat à tous les cinq ans. Il est aussi utile pour Uniprix, puisqu’il empêche les pharmaciens-membres de résilier le contrat à tout autre moment, sous peine de s’exposer aux dommages-intérêts prévus à la clause 13 du contrat. En outre, le terme permet d’actualiser périodiquement le contrat, puisque son renouvellement s’opère « selon les termes et conditions alors en vigueur ». Il n’est donc pas illogique que les parties aient prévu mettre à jour les conditions de leur affiliation à tous les cinq ans, tout en ayant l’intention de se lier potentiellement à perpétuité.

[51] Toutes ces dispositions font partie intégrante de l’entente conclue entre les parties et elles doivent être lues et interprétées comme un tout. D’ailleurs, les parties à ce contrat bilatéral à titre onéreux, conclu entre partenaires corporatifs dans un contexte commercial, ont reconnu qu’« [a]ucune disposition de cette convention n’est abusive ou ne désavantage [Uniprix] ou [les pharmaciens-membres] d’une manière excessive ou déraisonnable » (clause 21.2).

[52] Puisque la clause 10, lue isolément ou dans le contexte de l’ensemble du contrat, ne souffre d’aucune ambiguïté, il suffit en principe de l’appliquer. Mais, en l’espèce, comme en témoignent les motifs des juridictions inférieures, il y a plus. À ce chapitre, s’il peut être erroné de procéder à l’interprétation du contrat sans d’abord constater son ambiguïté (voir p. ex. Pépin c. Pépin, 2012 QCCA 1661, par. 91 (CanLII)), il n’est pas inapproprié d’interpréter un contrat par ailleurs clair pour conclure, de façon subsidiaire, que cette interprétation confirme le sens limpide de ses termes. Le professeur Gendron rappelle d’ailleurs avec à-propos que les tribunaux adoptent souvent une telle démarche (p. 36). Ici, au-delà des termes du contrat, l’analyse du contexte entourant sa conclusion confirme la volonté des parties de laisser son renouvellement à la discrétion des pharmaciens-membres.

[53] D’abord, Uniprix a été « créée pour le bénéfice de pharmaciens-propriétaires qui se sont associés pour le développement de leur pratique commerciale et professionnelle respective » (clause 1). Comme l’a bien énoncé l’avocat des pharmaciens-membres à l’audience, la raison d’être d’Uniprix est de servir ses membres. Partant, il est logique qu’Uniprix soit au service de ces derniers jusqu’à ce qu’ils décident eux-mêmes de se retirer du regroupement, et qu’il ne lui soit donc pas possible de mettre fin au contrat sans cause. Le contexte de la relation commerciale qui unit les parties appuie donc aisément le sens qu’il faut donner aux termes de la clause 10.

[54] Ensuite, comme l’ont noté à juste titre le juge de première instance et les juges majoritaires de la Cour d’appel, la conduite même des parties appuie cette interprétation. En l’absence d’avis de la part des pharmaciens-membres, le contrat a été renouvelé automatiquement le 28 janvier 2003 et le 28 janvier 2008. À deux reprises, Uniprix a reconnu que le silence des pharmaciens-membres liait les parties pour un terme additionnel de cinq ans. Comme le reconnaît le Code, cette interprétation que les parties ont donnée à leur contrat dans le cadre de son exécution est utile pour cerner leur intention commune (art. 1426 C.c.Q.; voir aussi Ferme Vi-Ber inc. c. Financière agricole du Québec, 2016 CSC 34, [2016] 1 R.C.S. 1032, par. 76-82; Lac-Sergent (Ville) c. Lapointe, 2012 QCCA 1935, par. 40 (CanLII)).

[55] Interpréter le contrat d’affiliation de façon à donner à Uniprix la faculté de s’opposer au renouvellement souhaité par les pharmaciens-membres serait en conséquence contraire aux termes de la clause 10, à l’économie générale du contrat d’affiliation, au contexte dans lequel il a été conclu, et à l’application qu’en ont fait les parties. Le juge de première instance n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante à cet égard et la Cour d’appel a eu raison de ne pas intervenir.

[56] Il serait par ailleurs tout aussi contraire à l’intention commune des parties de conclure que le contrat d’affiliation en serait un à durée indéterminée, comme l’a affirmé la juge en chef, dissidente en Cour d’appel. La lecture de ses motifs indique qu’elle est parvenue à cette conclusion sur la simple base que « [l]a date de terminaison [du contrat d’affiliation], par l’effet de [la] clause [10], devient inconnue, du moins de la part d’Uniprix » (par. 20). Or, cet argument ne se fonde sur aucun exercice préalable d’interprétation du contrat et de recherche de l’intention commune des parties, lequel est pourtant un prérequis à toute détermination de sa durée. Ce faisant, la juge dissidente a omis une étape importante du processus d’interprétation et de détermination des modalités du contrat, et a substitué à tort sa propre opinion à l’interprétation donnée au contrat par le juge de première instance.

[57] D’ailleurs, soit dit avec égards, que la durée des obligations d’Uniprix aux termes du contrat d’affiliation dépende de la volonté des pharmaciens-membres de le renouveler ne transforme pas le contrat en un contrat à durée indéterminée. Certes, le contrat prévoit une modalité de renouvellement qui reste tributaire de la décision d’une seule des parties, mais l’objectif est ici de rechercher leur intention commune, et non de qualifier la durée du contrat du point de vue limité de chaque cocontractant. Poussée à l’extrême, la prétention d’Uniprix en ce sens signifierait que le contrat serait pour elle à durée indéterminée et pour les pharmaciens-membres à durée déterminée. Il va de soi que les deux positions ne peuvent coexister, d’où l’importance de l’exercice d’interprétation pour cerner l’intention commune des parties.

[58] Sous ce rapport, il convient de rappeler qu’un contrat est à durée indéterminée si les parties n’ont fixé aucun terme extinctif à leurs obligations (Lluelles et Moore, no 2122). En l’espèce, les parties se sont entendues sur un terme clair de cinq ans, qu’elles ont assorti d’un mécanisme de renouvellement tout aussi clair leur permettant de poursuivre leur relation commerciale pour des périodes déterminées de cinq ans. Comme le soulignent les professeurs Lluelles et Moore, un tel contrat, « prévu pour un terme fixe et prévoyant son renouvellement automatique », ne devrait pas devenir « ipso facto un contrat à durée indéterminée », ce qui « choquerait la logique et l’intention clairement exprimée par les parties » (no 2124). Pour reprendre les propos du juge Vaillancourt de la Cour supérieure dans un dossier où une clause similaire était à l’étude, « [s]i les parties avaient voulu être liées par les mêmes termes et conditions pour une période indéterminée, elles n’auraient pas stipulé une durée aussi fixe et une méthode de renouvellement aussi précise » (Association des diplômés de l’École des hautes études commerciales de Montréal c. Aeterna-Vie Cie d’assurance, [1995] R.R.A. 111, p. 120).

[59] Dans la même veine, d’autres auteurs soulignent qu’un contrat de travail « de cinq ans, renouvelable tous les cinq ans, à perpétuité, à la seule requête de l’employé », est valide et n’en est pas un à durée indéterminée, même si l’employeur n’en connaît pas la fin (J. Pineau, D. Burman et S. Gaudet, Théorie des obligations (4e éd. 2001), par J. Pineau et S. Gaudet, par. 282; voir aussi Lluelles et Moore, no 2149). Si un tel mécanisme de renouvellement peut ainsi être reconnu en droit de l’emploi, où le Code édicte que les contrats doivent être à durée déterminée ou indéterminée (art. 2086 C.c.Q.), à plus forte raison doit-il l’être en matière commerciale, où aucun article semblable n’existe.

[60] Nous notons à ce sujet qu’Uniprix a du reste elle-même soutenu devant toutes les cours que le contrat d’affiliation est à durée déterminée. Ce n’est qu’à titre subsidiaire et de façon hypothétique qu’elle a soutenu que si le contrat était à durée indéterminée, elle pouvait le résilier moyennant un préavis raisonnable. Les pharmaciens-membres ont pour leur part maintenu devant toutes les instances que le contrat est à durée déterminée. Il serait incongru de conclure que le contrat d’affiliation est à durée indéterminée, alors qu’aucune des parties n’adhère de prime abord à cette désignation.

[61] Qui plus est, conclure que le contrat en serait un à durée indéterminée produirait des résultats contraires à ce que les parties ont en toute logique voulu envisager. Comme l’a reconnu l’avocat d’Uniprix à l’audience devant nous, caractériser de cette façon la durée du contrat vaudrait nécessairement pour toutes les parties en cause. Il deviendrait alors possible, tant pour Uniprix que pour les pharmaciens-membres, d’y mettre fin à tout moment moyennant un préavis raisonnable. Aucune disposition du contrat d’affiliation ne suggère de quelque façon que ce soit qu’il s’agisse là de l’intention commune des parties, bien au contraire. De plus, cela signifierait que dès les premiers mois de la relation, les pharmaciens-membres ou Uniprix auraient pu mettre fin au contrat s’ils l’avaient souhaité. Cette conclusion serait tout à fait contraire à l’intention des parties qui, en se liant pour des termes déterminés de cinq ans, voulaient à tout le moins assurer une certaine stabilité à leur relation, ce dont a convenu la juge dissidente en Cour d’appel (par. 27). Cela serait enfin incompatible avec la nature même de leur relation qui, vu les investissements initiaux importants qu’elle requiert, doit nécessairement s’inscrire dans une perspective de plus longue durée.

[62] À tout cela, notre collègue oppose une notion à laquelle aucune des parties au contrat d’affiliation n’a fait référence. Elle suggère que le terme extinctif du contrat serait « hybride » et, de ce fait, contraire à l’art. 1517 C.c.Q. Cette notion de terme « hybride », qui serait contraire au droit civil québécois et qui mènerait à la conclusion que le contrat est alors à durée indéterminée, n’est abordée ni en doctrine, ni en jurisprudence. Selon nous, cette approche ne peut être retenue. L’exercice d’interprétation du contrat auquel nous convie le droit civil québécois, que ce soit à sa première ou à sa deuxième étape, mène à la même conclusion. Les parties au contrat d’affiliation voulaient se lier pour des périodes définies et successives de cinq ans, tout en laissant aux pharmaciens-membres l’entière discrétion de renouveler ou non le contrat. Interpréter la clause 10 comme stipulant une durée indéterminée au contrat contrecarrerait cette commune intention des parties, ce que ni l’exercice d’interprétation ni celui de qualification ne permettent au juge québécois de faire.

(c) L’effet de l’art. 1512 C.c.Q. sur la durée du contrat

[63] De la même manière, le recours à l’art. 1512 C.c.Q. pour fixer un terme au contrat d’affiliation ne résiste guère plus à l’analyse. Aucune des parties n’a soulevé cet argument devant les cours inférieures. Seule la juge en chef de la Cour d’appel y a fait référence dans sa dissidence. Dans son argumentaire devant notre Cour, Uniprix y renvoie sans grande conviction. À notre avis, cet argument est aussi voué à l’échec.

[64] L’article 1512 C.c.Q. se lit comme suit :
1512. Lorsque les parties ont convenu de retarder la détermination du terme ou de laisser à l’une d’elles le soin de le déterminer et qu’à l’expiration d’un délai raisonnable, elles n’y ont point encore procédé, le tribunal peut, à la demande de l’une d’elles, fixer ce terme en tenant compte de la nature de l’obligation, de la situation des parties et de toute circonstance appropriée.

Le tribunal peut aussi fixer ce terme lorsqu’il est de la nature de l’obligation qu’elle soit à terme et qu’il n’y a pas de convention par laquelle on puisse le déterminer.

[65] Cet article prévoit que le tribunal peut fixer le terme d’un contrat dans trois situations distinctes : lorsque les parties ont retardé la détermination du terme et qu’elles ne l’ont pas fixé dans un délai raisonnable; lorsqu’elles ont laissé à l’une d’elles le soin de le déterminer et que cela n’a pas été fait dans un délai raisonnable; ou lorsqu’il est de la nature de l’obligation qu’elle soit à terme et qu’aucune convention ne permet de déterminer ce terme.

[66] Dans chacune de ces trois situations, aucun terme n’est déjà fixé dans le contrat en cause. L’article 1512 C.c.Q. s’applique en l’absence d’un terme ou devant un terme incertain. Il n’a pas été adopté pour faire échec au renouvellement automatique d’un contrat dont le terme est clairement défini. En conséquence, il ne peut s’appliquer en l’espèce, puisque les parties ont fixé un terme de cinq ans à leur contrat. Le fait que ce terme puisse être renouvelé n’en altère pas pour autant le caractère déterminé.

[67] À tout événement, l’art. 1512 C.c.Q. ne peut s’appliquer puisqu’aucune des parties n’en a fait la demande. Le juge Émond, un des juges majoritaires de la Cour d’appel, l’a souligné : le libellé de l’article prévoit que son application se fait à la demande de l’une des parties. Il s’agit donc d’un recours autonome qui doit être intenté pour pouvoir s’appliquer. Depuis l’arrêt rendu dans le présent pourvoi, la Cour d’appel du Québec a d’ailleurs entériné cette position à l’unanimité. Comme elle l’a affirmé récemment, « [u]ne demande formelle de fixer un terme à l’obligation [. . .] [doit] donc être adressée au tribunal pour permettre à [la partie visée] de savoir que ses droits [sont] susceptibles d’être modifiés » (Triou c. Teman, 2016 QCCA 908, par. 14 (CanLII)).

[68] Somme toute, peu importe l’angle sous lequel on analyse la situation, le juge de première instance n’a commis aucune erreur manifeste et déterminante en concluant que le contrat d’affiliation est à durée déterminée et que sa clause 10 donne aux pharmaciens-membres la faculté unilatérale de le renouveler à tous les cinq ans, sans qu’Uniprix ne puisse s’y opposer. Puisque le contrat n’est pas à durée indéterminée, Uniprix ne peut le résilier moyennant un préavis raisonnable, et il n’est pas possible d’appliquer l’art. 1512 C.c.Q. pour lui fixer un terme.

B. La validité des contrats aux effets perpétuels en droit civil québécois

[69] Dans un deuxième temps, si le contrat ne lui accorde ni la faculté de s’opposer à son renouvellement, ni celle d’y mettre fin sans cause, Uniprix soutient que ses effets peuvent alors être perpétuels, car le contrat peut la lier tant et aussi longtemps que les pharmaciens-membres respectent leurs obligations et désirent le renouveler pour des termes successifs de cinq ans. Cela étant, Uniprix plaide que de tels effets perpétuels seraient illégaux en droit civil québécois, puisque contraires au Code et à l’ordre public. Elle ajoute que ce vice de perpétuité doit être sanctionné en écartant les modalités de renouvellement prévues par les parties et en caractérisant le contrat de contrat à durée indéterminée, ce qui lui permettrait dès lors d’y mettre fin sans cause, moyennant l’envoi d’un préavis raisonnable.

[70] À notre avis, cet argument est mal fondé. Comme l’ont conclu la Cour supérieure et les juges majoritaires de la Cour d’appel, rien dans le Code n’interdit les effets potentiellement perpétuels d’un contrat tel que le contrat d’affiliation. Rien ne permet non plus de conclure que ces contrats sont contraires à l’ordre public.

[71] Dans ses motifs, notre collègue ne se prononce pas sur cette question, à notre avis centrale au litige. Elle décide plutôt de ne pas s’y attarder au motif qu’une clause aux effets potentiellement perpétuels ne pourrait pas s’inférer en l’absence d’une stipulation expresse. Nous sommes en désaccord avec cette affirmation. Ni la doctrine ni la jurisprudence québécoise, pas plus du reste que les parties en l’espèce, ne suggèrent qu’une stipulation expresse soit requise pour donner effet au terme d’un contrat aux effets potentiellement perpétuels. Bien au contraire, les professeurs Lluelles et Moore notent par exemple qu’« [à] part l’hypothèse — peu vraisemblable en pratique — d’une stipulation expresse de perpétuité, on doit conclure au caractère perpétuel dans [certaines] hypothèses », entre autres lorsque « le contrat est conclu pour une durée déterminée (un an, cinq ans, par exemple), mais sujet à un renouvellement automatique à chaque échéance pour une période identique, sans possibilité, pour chaque partie, de mettre en échec la reconduction » (no 2144). Il s’agit là d’une situation analogue à celle du contrat d’affiliation, soit d’un contexte où la volonté de se lier potentiellement à perpétuité s’infère des termes du contrat, sans stipulation expresse en ce sens. Dans BMW Canada inc., la Cour d’appel du Québec reconnaît également qu’un renouvellement perpétuel peut être implicite et découler d’une preuve d’usage (par. 140 (CanLII)).

[72] Le principe fondamental du consensualisme prévaut en droit civil québécois à moins qu’une « forme particulière ou solennelle [soit] exigée comme condition nécessaire à la formation du contrat » (art. 1414 C.c.Q.). Comme le rappellent les professeurs Baudouin et Jobin, « l’obligation contractuelle naît de la rencontre des deux volontés sans qu’il soit nécessaire à la validité du contrat de l’exprimer à travers une forme particulière, prescrite par la loi » (no 90). La difficulté que pose l’effet potentiellement perpétuel du contrat doit être résolue non pas par une approche formaliste, mais par une analyse de l’intention commune des parties en relation avec les dispositions du Code et l’ordre public. Une fois cernée cette intention commune, il importe peu que les effets potentiellement perpétuels du contrat découlent ou non d’une stipulation expresse. La métaphore qu’emploie notre collègue à cet égard (au par. 167) nous semble mal adaptée. Si le Code impose, sous peine de nullité, un formalisme à l’échange de vœux à l’occasion d’un mariage (art. 365 à 377 et 380 C.c.Q.; Règles sur la célébration du mariage civil ou l’union civile, RLRQ, c. CCQ, r. 3), il ne le fait pas pour un contrat innommé d’affiliation de nature commerciale conclu entre parties averties.

(1) Les dispositions du C.c.Q.

[73] Le C.c.Q. n’interdit pas les effets potentiellement perpétuels d’un contrat comme celui qui nous occupe. Avant de nous pencher sur l’analyse des dispositions du C.c.Q., il est utile de tracer un court historique des contrats dits perpétuels à l’ère du Code civil du Bas Canada (« C.c.B.-C. »).

(a) Les contrats perpétuels et le C.c.B.-C.

[74] À l’époque du C.c.B.-C., rien n’empêchait les parties de se lier contractuellement à perpétuité. Aucune disposition du C.c.B.-C. ne prévoyait une telle interdiction. De plus, la doctrine reconnue confirme que de tels contrats étaient alors parfaitement légaux (Baudouin et Jobin, no 102). À ce chapitre, cette doctrine s’appuie principalement sur les arrêts de notre Cour.

[75] Ainsi, dès 1945, notre Cour confirmait la validité d’un contrat qui permettait l’exploitation de l’énergie hydraulique du canal Lachine pour une période de 21 ans, renouvelable à la seule discrétion de l’exploitant (Consumers Cordage Co. c. St. Gabriel Land & Hydraulic Co., [1945] R.C.S. 158, p. 161). Elle concluait alors que [TRADUCTION] « suivant les règles de droit applicables au Québec, une clause de renouvellement perpétuel d’un contrat n’est ni contraire à l’ordre public ni interdite par la loi » (p. 166). Au final, notre Cour décidait qu’il fallait s’en remettre à la volonté des parties contractantes, notant que « [leur] intention doit prévaloir » (p. 167).

[76] Près de vingt ans plus tard, notre Cour confirmait la validité d’un bail d’une durée d’un an qui se renouvelait automatiquement « jusqu’à ce que le dit bail soit annulé par un avis écrit du locataire au locateur » (Cyclorama de Jérusalem Inc. c. Congrégation du Très Saint Rédempteur, [1964] R.C.S. 595, p. 597). Interprétant les termes de ce contrat, notre Cour concluait que puisque les parties avaient prévu que seule la locatrice puisse annuler le bail, elles avaient par le fait même exclu « que le bail puisse aussi se terminer par un avis du locateur » (p. 600). Elle a confirmé la validité de ce contrat malgré ses effets perpétuels, notant que « la question du bail à perpétuité a été définitivement déterminée par cette Cour dans la cause de Consumers Cordage » (p. 599).

[77] Par ailleurs, dans la même foulée, la Cour d’appel du Québec faisait écho à ces arrêts, en 1979, en déclarant valide un bail résidentiel d’un an [TRADUCTION] « [qui pouvait] être reconduit à ma demande (i.e. à la demande du locataire appelant) d’année en année au même loyer et aux mêmes conditions, etc. » (Neale c. Katz, [1979] C.A. 192, p. 193). Le juge Mayrand écrivait alors, malgré l’opinion d’une certaine doctrine québécoise et française de l’époque, que depuis Consumers Cordage, il « paraît fort douteux que le bail à perpétuité en droit civil québécois soit nul ou même annulable » (p. 194). Nous estimons inopportun d’écarter ce précédent qui prend appui sur ces deux arrêts de notre Cour.

[78] Bien que les arrêts Cyclorama et Neale aient porté plus spécifiquement sur des contrats de bail, il convient de noter que le contrat en cause dans Consumers Cordage était un contrat innommé, ce qui appuie la prétention selon laquelle le C.c.B.-C. n’interdisait pas la perpétuité des contrats, qu’il s’agisse ou non d’un bail.

(b) Les contrats perpétuels et le C.c.Q.

[79] Lors de l’adoption du C.c.Q., le législateur n’a pas changé l’état général du droit à cet égard, mais il a choisi de limiter pour des motifs bien précis la durée de certains contrats. Il a par exemple limité la durée du service de la rente à un maximum de 100 ans suivant sa constitution (art. 2376 C.c.Q.). Il a également prévu qu’un bail commercial peut se prolonger jusqu’à 100 ans à partir de sa prise d’effet (art. 1880 C.c.Q.). Comme les Commentaires du ministre l’indiquent, le législateur voulait par l’adoption de ce dernier article « mettre fin à la controverse sur la validité du bail perpétuel, en l’interdisant expressément » (Québec, ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice, t. II, Le Code civil du Québec — Un mouvement de société (1993), p. 1181). Enfin, le législateur a spécifiquement prévu la possibilité de résilier un cautionnement illimité (art. 2362 C.c.Q.). Les Commentaires du ministre indiquent que cet article a été adopté parce qu’il « a semblé contraire à l’ordre public qu’un engagement puisse être perpétuel » (p. 1482).

[80] Uniprix soutient que ces quelques articles illustrent l’intention du législateur d’interdire toute obligation aux effets potentiellement perpétuels en droit civil québécois. Ce raisonnement est cependant réfuté par une majorité des auteurs de doctrine sur le sujet.

[81] Les professeurs Lluelles et Moore refusent de voir dans l’encadrement de certains contrats une interdiction plus générale de la perpétuité au Québec. À leur avis, « la durée d’un contrat n’est soumise à aucun plafond, sauf exception du législateur, et sous réserve qu’un juge ne qualifie de perpétuel un contrat intuitu personae, en raison d’une durée excessive au regard des droits fondamentaux de la personne » (no 2044 (en italique dans l’original; note en bas de page omise)). À leurs yeux, « le codificateur moderne du Québec n’a pas condamné en principe le contrat perpétuel [et] s’est contenté de l’encadrer en en réduisant la portée, dans un petit nombre de contrats » (no 2154). Ils sont également d’avis que les clauses de renouvellement automatique comme celle adoptée par les parties en l’espèce sont tout à fait valides, opinant que « [s]i le contrat ne prévoit pas [de] faculté de blocage [pour une des parties], on devrait présumer que la reconduction ne peut être contrecarrée » (no 2194 (note en bas de page omise)). Ce n’est que de façon hypothétique, si la perpétuité était jugée illégale ou contraire à l’ordre public — ce qu’ils n’admettent pas —, que les professeurs Lluelles et Moore suggèrent qu’il faudrait alors maintenir la validité d’un contrat aux effets perpétuels « tout en requalifiant sa durée illimitée en une durée simplement indéterminée, ouvrant la voie à la faculté de résiliation » (no 2158).

[82] Les professeurs Baudouin et Jobin adoptent une position légèrement différente. Selon ces derniers, les dispositions qui limitent la durée de certains contrats « reflètent la politique du législateur sur la durée des contrats et doivent en conséquence être étendues par analogie à tout autre contrat » (no 102). Néanmoins, plutôt que de traiter les contrats perpétuels comme des contrats à durée indéterminée, comme le propose Uniprix, ils suggèrent d’en réduire dans ce cas la durée à un siècle (ibid.). Cette solution vise vraisemblablement à donner effet à la volonté des parties de se lier pour une longue période, sans pour autant leur permettre de le faire de façon illimitée.

[83] Seule une doctrine isolée appuie l’argument d’Uniprix. Les professeurs Pineau, Burman et Gaudet se fondent en effet sur les mêmes articles du C.c.Q. et sur leur analyse du droit français pour conclure « que le droit québécois, à l’instar du droit français, considère l’obligation perpétuelle comme contraire à l’ordre public » (par. 284). Selon ces derniers, un contrat qui se renouvelle à la discrétion d’une seule partie doit nécessairement être assimilé à un contrat à durée indéterminée (par. 280, note 929). Pourtant, ils reconnaissent la validité d’un contrat d’emploi selon lequel l’employeur serait lié à perpétuité pour des termes successifs de cinq ans. Ils opinent même qu’un tel contrat ne serait pas à durée indéterminée, puisque « l’employeur ne pourrait pas décider unilatéralement de renvoyer son employé (sans juste cause), sous le prétexte qu’il s’agit d’un contrat perpétuel » (par. 282).

[84] Cette analyse proposée par les professeurs Pineau, Burman et Gaudet, en plus d’être parfois contradictoire, est perfectible et ne permet pas de résoudre la question sur le fond. Elle suggère qu’en limitant la durée de certains contrats lors de l’adoption du C.c.Q., le législateur avait en fait l’intention d’interdire de façon générale les contrats aux effets perpétuels. À notre avis, ce raisonnement n’est pas convaincant. Au moment d’adopter le C.c.Q., le législateur québécois connaissait manifestement l’état du droit qui prévalait sous le C.c.B.-C. Il était bien conscient des enjeux soulevés par de tels contrats, comme en font foi les Commentaires du ministre qui traitent de la perpétuité en lien avec certains articles spécifiques uniquement. Malgré tout, il a décidé de n’encadrer que certains types de contrats particuliers, refusant d’adopter une disposition générale qui aurait interdit tout contrat à portée perpétuelle. Il faut en conclure que rien dans le C.c.Q. n’interdit les contrats perpétuels, sauf dans les cas spécifiques prévus par le législateur.

[85] En ce qui concerne l’analogie avec le droit français sur laquelle se fondent les professeurs Pineau, Burman et Gaudet, nous l’estimons incomplète et peu concluante. Tout d’abord, il convient de noter que le législateur français a récemment adopté une disposition interdisant de façon expresse tout contrat perpétuel (art. 1210 C. civ.). Le législateur québécois n’a pas cru bon faire de même; la posture respective des deux législateurs n’est donc pas comparable.

[86] Cela dit, il est vrai qu’avant cette récente modification législative française, certains auteurs français avaient conclu sur la base de quelques articles d’application spécifique que la perpétuité était en principe contraire à l’ordre public (voir p. ex. J. Carbonnier, Droit civil, t. 4, Les obligations (22e éd. 2000), no 140). Cette opinion était cependant largement fondée sur « la finalité de protection de la liberté individuelle » (J. Ghestin, C. Jamin et M. Billiau, Les effets du contrat (3e éd. 2001), no 264; voir p. ex. Cass. civ. 1re, 18 janvier 2000, Bull. civ. 1 10, no 98-10.378). Or, la liberté individuelle n’est en jeu que dans certains types de contrats. D’ailleurs, d’autres auteurs avaient constaté l’approche plus nuancée adoptée par certains tribunaux français qui avaient confirmé la validité de certaines obligations perpétuelles, surtout en matière commerciale, tout en invalidant celles qui auraient véritablement affecté la liberté individuelle (Ghestin, Jamin et Billiau, no 200, citant Cass. civ., 25 juin 1907, D.P. 1907.1.337; voir aussi Lluelles et Moore, no 2153). Comme nous le verrons lors de la discussion sur la notion d’ordre public, cette approche nuancée est préférable à une interdiction catégorique de toute obligation perpétuelle. Elle n’a toutefois aucun impact dans le cas présent.

[87] Tout comme la doctrine majoritaire, la jurisprudence québécoise actuelle n’est d’aucun secours pour Uniprix sur ce point. Le seul arrêt rendu depuis l’adoption du C.c.Q. qui porte directement sur la question qui nous occupe est celui de la Cour d’appel en l’espèce. Aucune autre décision n’a traité de la légalité de contrats innommés ayant des effets potentiellement perpétuels. Bref, ni les dispositions du Code, ni la doctrine, ni la jurisprudence ne fournissent d’appui à la position d’Uniprix selon laquelle un contrat d’affiliation ayant potentiellement des effets perpétuels est contraire au droit civil québécois.

(2) Ordre public

[88] Même si un contrat aux effets potentiellement perpétuels tel que le contrat d’affiliation ne contrevient à aucune disposition du Code, Uniprix insiste et soutient que la clause de renouvellement devrait néanmoins être jugée illégale. Cette illégalité résulterait cette fois de l’application de la conception plus générale de l’ordre public. Nous sommes d’avis qu’Uniprix a tort là également.

[89] L’ordre public est l’une des rares limites à la liberté contractuelle en droit civil québécois (art. 9 C.c.Q.). Il se définit « comme “l’imposition de considérations sociales, morales, économiques ou politiques” de la société dans les rapports juridiques » (Baudouin et Jobin, no 97, citant G. Goldstein et N. Mestiri, « La liberté contractuelle et ses limites », dans B. Moore, dir., Mélanges Jean Pineau (2003), 299, p. 310). Bien que « la plupart des principes d’ordre public [soient] codifiés [. . .], [ils] peuvent [aussi] être de création judiciaire » puisque « les tribunaux ont le pouvoir d’élever au rang de principe d’ordre public toute règle non écrite qui s’accorde avec les valeurs fondamentales de la société à un moment donné de son évolution » (Goulet c. Cie d’Assurance-Vie Transamerica du Canada, 2002 CSC 21, [2002] 1 R.C.S. 719, par. 43 et 46).

[90] Il est vrai que le « caractère variable, protéiforme et évolutif [du] concept d’ordre public rend [. . .] fort difficile toute tentative de définition précise ou exhaustive de son contenu » (Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) inc., 2003 CSC 17, [2003] 1 R.C.S. 178, par. 52). Néanmoins, il faut dans tous les cas être en mesure de lier la notion d’ordre public à des valeurs ou à des principes précis auxquels pourraient contrevenir les stipulations contractuelles en cause. Les tautologies ne suffisent pas. Malgré cela, que ce soit dans son mémoire ou à l’audience, Uniprix est incapable d’identifier les valeurs fondamentales qui seraient mises à mal par les contrats perpétuels, et plus particulièrement par le contrat d’affiliation qui la lie aux pharmaciens-membres. De même, les professeurs Pineau, Burman et Gaudet, sur lesquels Uniprix s’appuie, affirment que les contrats perpétuels seraient contraires à l’ordre public sans pour autant identifier les valeurs fondamentales qui seraient menacées (par. 284). À notre avis, les obligations perpétuelles ne choquent en elles-mêmes aucune valeur fondamentale de notre société, et ne sont pas contraires à l’ordre public de façon générale.

[91] Nous convenons que, dans certaines circonstances, l’imposition d’obligations perpétuelles pourrait choquer l’ordre public. Par exemple, la protection de la liberté individuelle et des droits fondamentaux est une valeur fondamentale de notre société. C’est pourquoi le législateur a limité la durée des contrats de travail, afin de préserver la liberté des travailleurs (Baudouin et Jobin, no 441; Asphalte Desjardins inc. c. Québec (Commission des normes du travail), 2013 QCCA 484, par. 50 (CanLII); infirmé en appel, mais pas sur ce point : 2014 CSC 51, [2014] 2 R.C.S. 514). Pour les contrats dont les attributs n’ont pas été encadrés par le législateur, il faut tout autant « concilier deux principes, l’autonomie de la volonté et la liberté des personnes — surtout des personnes physiques » (Lluelles et Moore, no 2154). Il s’ensuit qu’il serait probablement contraire à l’ordre public d’imposer de façon perpétuelle des obligations dont la nature mettrait en jeu la personne même et la liberté d’un individu (ibid., no 2156).

[92] Ces divers principes s’appliquent aux clauses de renouvellement automatique comme celle qui lie les parties. Dans un contexte de partenariat corporatif et commercial comme celui qui unit Uniprix et les pharmaciens-membres, que le contrat laisse la faculté de renouvellement à l’entière discrétion d’un des contractants ne choque pas l’ordre public. La liberté individuelle des contractants n’est pas en jeu et l’ordre public ne saurait faire échec à la volonté des parties. Comme le suggèrent les professeurs Lluelles et Moore, « [d]ans les contrats où l’ordre public n’exerce aucune pression significative, comme le bail commercial ou les contrats de distribution ou de franchise, la clause n’accordant cette faculté qu’à un seul contractant devrait être légale » (no 2196).

[93] Dans cette perspective, il convient de noter que le Code prévoit une porte de sortie pour les parties vulnérables qui seraient liées à perpétuité par un contrat d’adhésion. Selon les circonstances, une clause rendant un contrat d’adhésion perpétuel, au détriment de l’adhérent, pourrait être jugée abusive, et donc nulle (art. 1379 et 1437 C.c.Q.). Mais cela n’est encore une fois d’aucun secours pour Uniprix. Le dossier révèle que le contrat d’affiliation est le fruit de négociations entre les pharmaciens-membres et Uniprix. Dans le contexte commercial de leur relation, il saurait difficilement se qualifier de contrat d’adhésion. Même si c’était le cas, les pharmaciens-membres seraient considérés comme les adhérents (art. 1379 C.c.Q.), et Uniprix pourrait fort mal invoquer le caractère potentiellement abusif de la clause de renouvellement (art. 1437 C.c.Q.).

(3) Les décisions citées par Uniprix

[94] Forts de ces constatations auxquelles ils ont adhéré, tant sur l’interprétation du Code que sur la notion d’ordre public, les juges majoritaires de la Cour d’appel ont conclu que le contrat d’affiliation, malgré ses effets potentiellement perpétuels, était tout à fait légal en droit civil québécois. Bien qu’il s’agisse du seul arrêt qui a clairement tranché cette question sous le Code, Uniprix oppose à cette conclusion certaines décisions qui auraient à son avis retenu la solution inverse. Cependant, contrairement à ce qu’elle affirme, ces décisions n’énoncent pas un principe général selon lequel les contrats aux effets perpétuels sont invalides en droit québécois, que ce soit sur la base des dispositions du Code ou de la notion d’ordre public. Les contrats en cause dans ces décisions ne reflétaient tout simplement pas l’intention des parties de se lier potentiellement à perpétuité. En conséquence, elles sont de peu d’utilité pour résoudre le problème que pose ce pourvoi.

[95] Dans BMW Canada inc., le contrat en cause se distinguait du présent contrat d’affiliation, en ce qu’il ne contenait aucun terme ni mécanisme de renouvellement (par. 11-12). Il stipulait simplement la faculté de résiliation sans cause du concessionnaire, sans prévoir de faculté similaire pour BMW Canada. C’est dans ce contexte bien précis que la Cour d’appel a conclu, après avoir interprété le contrat, « qu’il serait abusif de conclure que l’absence d’indication quant au terme, dans ce cas précis, signifi[ait] que BMW Canada renonçait ainsi, et pour toujours, à son droit de mettre fin au contrat sans cause » (par. 109 (nous soulignons)).

[96] Loin de condamner les contrats perpétuels de façon générale, la Cour d’appel a évoqué dans ce même arrêt la possibilité que d’autres contrats aient un effet perpétuel, suivant l’intention des parties. Elle a affirmé que « [l]a preuve d’usage aurait peut-être pu permettre de conclure que, malgré le silence du contrat, les parties voulaient implicitement soumettre le constructeur à une obligation de renouvellement perpétuel » (par. 140). Or, si le renouvellement perpétuel d’un contrat peut découler d’un usage, à plus forte raison peut-il découler des termes adoptés par les parties dans leur contrat.

[97] L’affaire Bombardier Produits récréatifs inc. (BRP) c. Christian Moto Sport inc. (CMS), 2012 QCCA 1670, se distingue aussi de ce pourvoi, puisque le contrat en cause avait un terme défini que les parties avaient décidé de renouveler d’un commun accord pendant plusieurs années (par. 11 (CanLII)). La seule question qui se posait était de savoir s’il était abusif pour l’une des parties de décider de ne pas renouveler le contrat à l’arrivée du terme convenu (par. 40). C’est dans ce contexte que la Cour d’appel a réitéré que les exigences de la bonne foi, à elles seules, ne peuvent donner « au concessionnaire un droit au renouvellement de son contrat à perpétuité », à l’encontre des termes du contrat (par. 41-43).

[98] Le contrat en cause dans Placements Sergakis inc. c. Société des loteries vidéo du Québec inc., 2009 QCCS 4976, prévoyait quant à lui expressément la faculté de résiliation unilatérale de chacune des parties (par. 25 (CanLII)). La question à répondre se limitait à déterminer si la Société avait exercé ce droit de façon abusive. C’est dans ce contexte particulier que la Cour d’appel a écrit que « le franchisé n’a pas un droit au renouvellement indéfini de son contrat même si le franchiseur ne peut invoquer un manquement à ses obligations contractuelles » (9077-0801 Québec inc., par. 33 (CanLII)).

[99] L’affaire E. & S. Salsberg inc. c. Dylex Ltd., [1992] R.J.Q. 2445 (C.A.), se distingue elle aussi du présent pourvoi. Elle mettait en cause un contrat verbal d’une durée indéterminée que les deux parties contractantes avaient accepté de renouveler d’année en année, et dans lequel le prix d’achat était fixé annuellement par les parties (p. 2449). Par contre, le renouvellement n’était pas laissé à la discrétion d’une seule des parties, comme c’est le cas en l’espèce; il était assujetti au consentement des parties quant au prix. C’est dans ce contexte bien précis que, selon la Cour d’appel, les parties avaient voulu se lier pour une durée indéterminée et qu’il fallait par conséquent permettre sa résiliation sans cause, moyennant un préavis raisonnable (ibid.).

[100] Ces quatre arrêts de la Cour d’appel du Québec montrent certainement que lorsque les parties n’ont pas fixé de terme à leurs obligations, leur contrat est à durée indéterminée et peut être résilié moyennant un préavis raisonnable. Ils ne sont toutefois d’aucun secours dans une situation où les parties ont assorti leur contrat d’un terme et d’un mécanisme de renouvellement clairs, dont les effets sont potentiellement perpétuels. Seule l’affaire BMW Canada inc. aborde brièvement cette éventualité, mais elle laisse la porte ouverte à l’existence d’un renouvellement perpétuel lorsque telle est l’intention commune des parties, comme ici.

[101] Par ailleurs, il est vrai que la Cour supérieure a déjà affirmé que « [n]ul ne peut s’attendre à ce qu’une telle convention de concession soit perpétuelle et que les parties en s’y engageant ne peuvent y mettre fin » (Bussières (Véhicules récréatifs Gascon enr.) c. Yamaha Motor Canada Ltd., 2006 QCCS 905, par. 88-93 (CanLII)). Elle a aussi affirmé qu’« [a]ucun contrat à exécution successive dans le temps n’est éternel ni ne peut prétendre s’appliquer de façon perpétuelle » (Bertrand Équipements inc. c. Kubota Canada ltée, [2002] R.J.Q. 1329, p. 1331 et 1333-1334; Équipement LDL inc. c. Toyota Canada inc., 2008 QCCS 4943, par. 15 (CanLII)). Cependant, ces décisions précèdent l’arrêt de la Cour d’appel en l’espèce, ce qui atténue fortement leur pertinence. En outre, les contrats en cause dans ces affaires prévoyaient expressément la faculté de résiliation sans cause de la partie qui avait mis fin au contrat. La question qui se posait était de savoir si cette faculté avait été exercée de manière abusive. Placés dans leur contexte, les propos de la Cour supérieure ne sauraient justifier une interdiction générale des contrats perpétuels.

[102] Finalement, Uniprix s’appuie sur l’affaire Parkway Pontiac Buick inc. c. General Motors du Canada ltée, 2012 QCCS 618, dans laquelle le contrat en cause prévoyait que le concessionnaire avait [TRADUCTION] « l’assurance qu’il pourrait conclure une nouvelle [entente] à la date d’expiration du contrat » (par. 59 (CanLII)). Or, ce renouvellement en apparence automatique n’a pas été invalidé par la cour, bien au contraire. Saisie d’une requête en injonction interlocutoire, elle a certes soulevé certains doutes sur l’interprétation à donner au contrat et a noté qu’il reviendrait au juge du fond de procéder à cet examen, mais elle a tout de même conclu que le concessionnaire avait démontré une apparence de droit au renouvellement du contrat (par. 64 et 73). La cour n’a aucunement abordé la question de la perpétuité, et aucun jugement sur le fond n’a été rendu puisque le dossier a fait l’objet d’un règlement hors cour.

(4) Application au contrat d’affiliation

[103] Le contrat d’affiliation qui lie les pharmaciens-membres à Uniprix n’entre dans aucune des catégories de contrats auxquelles le législateur québécois impose une durée maximale. Ce contrat ne prévoit pas non plus d’obligations dont la perpétuité potentielle pourrait être contraire à l’ordre public. Pour calquer les propos des professeurs Lluelles et Moore, Uniprix correspond à une « personn[e] moral[e] [. . .] de grande envergure » dont la liberté individuelle n’est pas remise en cause par le fait de devoir assumer des obligations à perpétuité (no 2154).

[104] Le caractère perpétuel des obligations d’Uniprix est d’autant plus raisonnable que, comme nous l’avons mentionné précédemment, elle a été créée dans l’unique but de servir ses actionnaires-membres, dont font partie les pharmaciens-membres. Comme l’a expliqué leur avocat à l’audience, « Uniprix est la création de Manon Gosselin et d’une centaine d’autres pharmaciens en 1977 »; c’était « la volonté de ces pharmaciens-là d’être desservis pour toujours, d’avoir avec leur créature une relation à caractère permanent » (transcription, p. 55 et 59). La clause de renouvellement en est le reflet : « On leur permet [. . .] de partir [. . .] Mais [. . .] on ne permet pas à Uniprix de s’en aller. On ne [le lui] permet pas parce que c’est notre créature » (ibid., p. 59-60). Autrement dit, la raison d’être commerciale de la relation entre les parties rend tout à fait logique qu’Uniprix se soit engagée à assumer des obligations à l’égard des pharmaciens-membres tant et aussi longtemps qu’ils voudraient rester affiliés à elle.

VI. Conclusion

[105] Rien ne permet d’écarter la conclusion du juge de première instance selon laquelle le contrat d’affiliation est à durée déterminée et permet uniquement aux pharmaciens-membres de le renouveler à l’arrivée de chaque terme. C’est à bon droit que la Cour supérieure et la majorité de la Cour d’appel ont conclu que les parties au litige ont voulu se lier par un mécanisme de renouvellement dont les effets peuvent être perpétuels. Ce mécanisme de renouvellement est tout à fait légal, puisque la durée du type de contrat qui les lie n’a pas été limitée par le législateur québécois et que le caractère potentiellement perpétuel des obligations qu’il impose ne répugne pas et ne contrevient pas à l’ordre public en droit civil québécois. En conséquence, l’avis de non-renouvellement envoyé par Uniprix est contraire aux termes du contrat d’affiliation et est inopposable aux pharmaciens-membres. Puisque ce contrat n’est pas à durée indéterminée, Uniprix ne pouvait pas le résilier sans cause moyennant un préavis raisonnable, comme elle a tenté de le faire.

[106] Pour ces motifs, nous sommes d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Version française des motifs de la juge en chef McLachlin et des juges Côté et Rowe rendus par

LA JUGE CÔTÉ —

[107] Les enjeux soulevés dans le présent appel se résument à deux questions : le juge de première instance a t il commis une erreur en refusant d’interpréter le contrat en cause? Puis, même s’il n’a pas commis une telle erreur, a t il eu tort de ne pas qualifier la convention de contrat à durée indéterminée, même si, suivant sa lecture de cette convention, elle lie l’appelante potentiellement à perpétuité? Je répondrais à ces deux questions par l’affirmative.

[108] En ce qui a trait à la première question, le juge de première instance a conclu que la clause 10 du contrat d’affiliation est claire et n’a pas besoin d’être interprétée : 2013 QCCS 6251. À mon avis, il a eu tort. Une lecture du contrat dans son intégralité révèle des ambiguïtés qui auraient dû le mener à interpréter la commune intention des parties comme le prescrit l’art. 1425 du Code civil du Québec (« C.c.Q. » ou « Code »), plutôt que de trancher l’affaire à la première étape du processus d’interprétation.

[109] Cependant, même si la conclusion du juge de première instance sur le premier point pouvait être maintenue, le fait qu’il n’ait pas correctement qualifié le terme du contrat ne peut résister à un examen en appel. Selon sa lecture de la convention, les parties auraient voulu que leur entente ait l’effet juridique de lier l’appelante potentiellement à perpétuité, mais les intimées pour une période de seulement cinq ans. Sur ce fondement, les juges majoritaires de la Cour d’appel ont qualifié la convention de contrat à durée déterminée de cinq ans, même si elle lie l’appelante potentiellement à perpétuité. Ils ont conclu ainsi, en dépit du fait que, eu égard à l’appelante, le prétendu terme de cinq ans du contrat ne constitue aucunement un terme extinctif. À mon avis, cette conclusion est entachée d’une erreur de droit. Compte tenu de la lecture qu’en a faite le juge du procès, la durée du contrat peut être qualifiée soit de durée déterminée à perpétuité avec la possibilité unilatérale d’y mettre fin chaque cinq ans pour une partie — c’est à dire à durée déterminée pour toujours — soit de durée indéterminée. Je suis d’accord avec la juge en chef Duval Hesler, dissidente (2015 QCCA 1427), pour dire que la deuxième qualification est la bonne et permet aux parties de résilier le contrat moyennant un préavis raisonnable. Un terme perpétuel ne devrait pas être présumé, à moins que les parties aient expressément indiqué leur intention à cet égard.

[110] Je serais donc d’avis d’accueillir le pourvoi et de déclarer que le contrat d’affiliation prend fin à la date de la décision de la Cour.

A. La question de fait : l’interprétation de la clause 10 du contrat

(1) Le cadre d’interprétation

[111] Comme mes collègues l’ont expliqué, le présent pourvoi découle d’un litige quant au sens d’une clause de renouvellement stipulée dans un contrat d’affiliation conclu entre les parties. Il est donc utile de commencer par l’examen du cadre général régissant l’interprétation des contrats en droit québécois. Ce cadre comporte essentiellement deux étapes.

[112] D’abord, le juge de première instance doit appliquer la « règle de l’acte clair ». Pour ce faire, il examine le libellé du contrat. Si celui ci est clair, l’analyse s’arrête là — un contrat sans ambiguïté doit être appliqué, et non interprété : Samen Investments Inc. c. Monit Management Ltd., 2014 QCCA 826, par. 45 à 48 (CanLII).

[113] C’est uniquement lorsque le contrat présente une ambiguïté qu’il est nécessaire de l’interpréter : Bisignano c. Système électronique Rayco ltée, 2014 QCCA 292, par. 11 (CanLII); et il y a ambiguïté lorsque le libellé du contrat soulève un doute quant à son sens dans l’esprit d’une personne raisonnable : F. Gendron, L’interprétation des contrats (2e éd. 2016), p. 27. Le simple fait que les parties proposent deux interprétations divergentes d’une clause ne signifie pas, en soi, qu’elle est ambiguë : J. L. Baudouin et P. G. Jobin, Les obligations (7e éd. 2013), par. 413. Pour déterminer s’il y a ou non une telle ambiguïté, le juge de première instance procède plutôt à une analyse « superficielle », dans le sens où il se concentre principalement sur le texte du contrat. Recourir aux art. 1425 à 1432 C.c.Q. (« De l’interprétation du contrat ») dès la première étape de l’analyse constitue donc une erreur sur le plan des principes : D. Lluelles et B. Moore, Droit des obligations (2e éd. 2012), par. 1571; Baudouin et Jobin, par. 413; J. Pineau, D. Burman et S. Gaudet, Théorie des obligations (4e éd. 2001), par J. Pineau et S. Gaudet, p. 399 et 400; voir également Turenne c. Banque Nationale du Canada, [1983] J.Q. no 354 (QL) (C.A.), par. 26.

[114] En conséquence, à la première étape de l’analyse, le contexte pertinent se trouve principalement à l’intérieur même du contrat : Baudouin et Jobin, par. 413. S’il existe un doute quant au sens de son libellé, il faut alors interpréter le contrat en procédant à la deuxième étape de l’analyse : voir, par ex., J.V. c. Cie d’assurance vie Croix Bleue, 2013 QCCA 1686, par. 17 (CanLII).

[115] À la deuxième étape, le juge de première instance doit cerner l’intention des parties. Comme son ancêtre, l’art. 1013 du Code civil du Bas Canada, l’art. 1425 C.c.Q. énonce le principe cardinal de l’interprétation :
1013. C.c.B. C. Lorsque la commune intention des parties dans un contrat est douteuse, elle doit être déterminée par interprétation plutôt que par le sens littéral des termes du contrat.
1425. C.c.Q. Dans l’interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés.

[116] Contrairement aux règles de la common law, l’art. 1425 exige que la personne qui interprète un contrat privilégie l’intention commune des parties plutôt que le libellé de la convention. Le point de départ du principe d’interprétation énoncé à l’art. 1425 [TRADUCTION] « est donc l’opposé de celui de la common law, selon lequel on doit rechercher le sens objectif des mots utilisés dans les contrats, dans le contexte [. . .] où ils sont utilisés » : S. Grammond, A. F. Debruche et Y. Campagnolo, Quebec Contract Law (2011), par. 284 (je souligne); concernant l’approche en common law, voir Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633, par. 57 et 58. Lorsqu’il recherche quelle est l’intention commune des parties, le juge de première instance est guidé par les règles d’interprétation énoncées aux art. 1425 à 1432 (« De l’interprétation du contrat ») et 1434 à 1439 (« De la force obligatoire et du contenu du contrat ») du C.c.Q. À cette étape, tant le libellé du contrat lui même que les éléments de preuve extrinsèques relatifs, par exemple, aux circonstances, aux documents préparatoires, aux négociations, aux usages ainsi qu’à l’intention subjective et au comportement des parties peuvent être pris en compte. L’approche à adopter lors de la deuxième étape de l’interprétation est donc hautement contextuelle : Baudouin et Jobin, par. 416, 418 et 419.

[117] Il découle de la logique en deux étapes du cadre décrit précédemment qu’interpréter un contrat en l’absence d’ambiguïté constitue une erreur donnant lieu à révision : Gregory c. Château Drummond inc., 2012 QCCA 601, par. 55 à 61 (CanLII); Pépin c. Pépin, 2012 QCCA 1661, par. 91 (CanLII). La règle voulant que l’ambiguïté soit un prérequis à l’interprétation est bien antérieure à l’adoption du C.c.Q. : voir Alexis Nihon Cie c. Dupuis, [1960] R.C.S. 53, p. 58 et 59 (« Quand les termes d’un contrat sont clairs et non ambigus, aucune preuve testimoniale ne peut être reçue pour interpréter le document »); Turenne, par. 6 (« Les règles d’interprétation du Code civil ne doivent être utilisées que s’il y a un doute dans le sens à donner à un contrat. Il n’y a pas lieu de recourir à ces règles lorsque le texte du contrat ou la clause litigieuse est clair. »); Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris, [1990] 2 R.C.S. 1029, p. 1044 (« lorsque le contrat n’est pas ambigu et que son sens est clair, il n’y a pas de motif à interprétation »).

[118] Par conséquent, avec en toile de fond ce cadre en deux étapes, j’aborde maintenant la question de savoir si la clause 10 du contrat est ambiguë.

(2) La clause en litige

[119] Le litige en l’espèce tourne autour du sens de la clause 10 du contrat :

10. DURÉE :
Nonobstant toutes dispositions écrites ou verbales contraires, la présente convention débutera le jour de sa signature et demeurera en vigueur pour une période de soixante (60) mois ou pour une période égale à la durée du bail du local où est située la pharmacie. LE MEMBRE devra, six (6) mois avant l’expiration de la convention, faire signifier à LA COMPAGNIE son intention de quitter LA COMPAGNIE ou de renouveler la convention;
À défaut par LE MEMBRE d’envoyer l’avis prescrit par poste recommandée, la convention sera réputée renouvelée. [. . .]
(d.a., vol. VII, p. 26)

[120] L’appelante — la compagnie — soutient que cette clause exige des intimées qu’elles donnent un préavis de leur intention de renouveler ou non le contrat. Selon elle, cette exigence est stipulée à son bénéfice, et ne l’empêche pas de refuser le renouvellement du contrat. Les intimées — le membre — ont eu gain de cause devant les deux juridictions inférieures en s’appuyant fermement sur l’expression « sera réputée renouvelée ». Elles font valoir que, à moins qu’elles ne donnent un avis de non renouvellement, ces mots créent une présomption absolue de renouvellement. Autrement dit, elles soutiennent que la clause 10 lie l’appelante à perpétuité, sous réserve uniquement de leur décision unilatérale qu’il en soit autrement. Dans cette optique, seules les intimées peuvent décider, six mois avant l’expiration de chaque période de cinq ans, si le contrat est renouvelé ou non.

[121] En première instance, le juge a conclu que la clause 10 n’était pas ambiguë :
Après avoir examiné cette clause sous tous ses angles, le Tribunal conclut qu’elle est claire et sans ambiguïté. Dans un tel cas, la tâche du Tribunal n’est pas d’interpréter cette clause, mais de l’appliquer. En outre, dans ce cas, il n’est ni nécessaire ni utile de référer à la preuve extrinsèque faite par les parties. [Référence omise; par. 30 (CanLII).]

[122] Le juge de première instance n’a donc pas interprété le contrat. Il a conclu que la clause 10 conférait au membre « le droit de renouveler la convention à son gré, tous les cinq ans » : par. 40. Par conséquent, il a statué que l’appelante ne pouvait pas s’opposer au renouvellement : par. 45.

[123] La conclusion du juge de première instance portant que le contrat est clair et n’a pas besoin d’être interprété est susceptible de révision seulement en cas d’erreur manifeste et déterminante : Centre de santé et de services sociaux de l’Énergie c. Société immobilière Lemieux inc., 2011 QCCA 972, par. 5 (CanLII). Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont statué que la conclusion du juge de première instance à la première étape de l’analyse ne constituait pas une telle erreur : par. 56 (CanLII). Avec égards pour l’opinion contraire, je ne suis pas d’accord.

[124] Premièrement, il ne ressort pas clairement du libellé de la clause 10 que celle ci est stipulée uniquement en faveur des intimées. Le sens ordinaire de cette clause impose aux intimées l’obligation de donner un avis : « LE MEMBRE devra. . . ». Cette obligation a pour corollaire que l’appelante a le droit de recevoir un avis : « . . . faire signifier à LA COMPAGNIE son intention de quitter LA COMPAGNIE ou de renouveler la convention » (je souligne). Selon le libellé de cette clause, il est donc évident que l’appelante est la bénéficiaire de l’obligation de donner l’avis. Cependant, rien dans le libellé de la clause ne précise que la présomption de renouvellement qui y est énoncée au deuxième paragraphe est stipulée en faveur d’une partie ou de l’autre. Le fait que la présomption ne s’applique que si les intimées font défaut à leur obligation de donner l’avis prescrit suggère qu’elle existe pour protéger les attentes légitimes de l’appelante en l’absence de tout avis à l’effet contraire, et non pour la lier à perpétuité.

[125] Deuxièmement, le renvoi à d’autres parties du contrat ne résout en rien cette ambiguïté. Les intimées soulignent que l’appelante a été créée « pour le bénéfice de pharmaciens propriétaires [. . .] » (clause 1). Cela ne veut toutefois pas dire que quelque clause du contrat ait été stipulée en faveur des intimées. En fait, les dispositions relatives aux dommages en cas de terminaison (clause 11), à l’indemnisation (clause 12), aux dommages intérêts punitifs (clause 13) et aux autres dommages intérêts liquidés à la fin du contrat (clause 15) sont toutes clairement formulées contre les intimées. De plus, même si le contrat prévoit clairement la possibilité de résiliation et de fin du contrat à la clause 11 et ailleurs, il ne prévoit rien concernant les droits de résiliation en tant que tels, sauf la mention à la clause 10 de l’obligation du membre de donner un avis de son intention de quitter la compagnie ou de renouveler le contrat.

[126] Troisièmement, l’ambiguïté est amplifiée par l’interaction entre la stipulation expresse d’un terme de 60 mois et la clause de renouvellement. La présence d’une clause contractuelle qui prévoit expressément un terme de 60 mois signifie habituellement que les obligations des deux parties prendront fin à l’expiration de ce terme. Or, lorsqu’on la lit à la lumière de la disposition portant sur le renouvellement, la clause semble fonctionner de façon asymétrique en liant l’appelante, mais non les intimées, potentiellement à perpétuité. Le sens ordinaire du libellé de la clause ne s’appliquerait donc pas à l’appelante, puisque ses obligations ne prennent jamais fin. Dans un tel scénario, la logique de la Cour d’appel dans Cogefimo inc. c. Société Coinamatic inc., [1998] R.D.I. 193 est pertinente :
Ainsi, il ne saurait y avoir de terme, au sens propre du mot, s’il y a renouvellement automatique et le renouvellement ne saurait être automatique, au sens français de ce mot, s’il y a terme, c’est à dire expiration ou extinction du droit.
Cette jonction apparemment contradictoire des termes justifie, à mon avis, et ceci dit avec égards pour le premier juge, l’application des règles d’interprétation. . . . [p. 196]

[127] Pour cette raison, la Cour d’appel a conclu que le juge de première instance avait commis une erreur en statuant que la clause en question était claire, et donc qu’il aurait dû l’interpréter. Il est évident que la coexistence d’un terme et d’une clause de renouvellement ne donne pas toujours lieu, en soi, à une ambiguïté. Cependant, la clause de renouvellement en l’espèce contredit et colore le terme stipulé de façon à en déformer le sens ordinaire en lui donnant effet seulement pour une des parties. Cela ajoute à l’ambiguïté de la clause 10.

[128] Quatrièmement, lorsque l’interprétation présentée par les intimées — selon laquelle l’appelante est liée à perpétuité à leur seule discrétion — est placée dans le contexte des autres stipulations de la convention, le résultat déraisonnable qui en découle justifie un examen pour savoir si les parties avaient l’intention d’être liées de cette façon. La clause 1 prévoit que l’appelante existe au bénéfice de ses membres (au pluriel), et non au bénéfice d’un membre individuel. La possibilité que les intérêts d’un membre précis soient en conflit avec ceux du groupe soulève la question de savoir si les parties avaient l’intention que l’appelante soit toujours redevable envers chaque membre individuel.

[129] En dernier lieu, la mesure dans laquelle le renouvellement est « automatique » est une question qui demeure entière. Par exemple, la clause de renouvellement ne stipule pas que « ce contrat sera renouvelé automatiquement, à moins d’avis contraire du MEMBRE ». Le renouvellement dépend plutôt de l’avis clair fourni par le membre quant à son intention de mettre fin à l’entente ou de la renouveler, et, en cas de défaut quant à cette obligation, une conséquence s’ensuit : « À défaut par LE MEMBRE d’envoyer l’avis prescrit par poste recommandée, la convention sera réputée renouvelée. . . . » Cette formulation rend le renouvellement conditionnel, et non automatique. La clause 10 exige que les intimées donnent un avis de leur intention de mettre fin à l’entente ou de la renouveler. La clause de renouvellement ne s’applique que si elles ne le font pas.

[130] Cet ensemble de facteurs aurait dû mener le juge de première instance à passer à la deuxième étape de l’analyse et à interpréter le contrat. Il a plutôt conclu qu’une interprétation n’était pas nécessaire. Il a donc refusé d’examiner la preuve relative à l’intention commune des parties : par. 30. Comme l’a expliqué le juge Morissette de la Cour d’appel, une erreur manifeste et dominante « tient, non pas de l’aiguille dans une botte de foin, mais de la poutre dans l’œil » : J.G. c. Nadeau, 2016 QCCA 167, par. 77 (CanLII). À mon avis, la décision du juge de première instance selon laquelle il n’était pas tenu d’interpréter le contrat constitue une telle erreur.

[131] Ceci m’amène à l’approche adoptée par mes collègues. Selon eux, le juge de première instance n’a pas commis d’erreur à la première étape de l’analyse lorsqu’il a établi que le contrat n’avait pas à être interprété. Ils soutiennent néanmoins que l’issue du présent pourvoi dépend de l’interprétation du contrat à la deuxième étape de l’analyse : par. 33 et 52. À l’appui de leur opinion, ils souscrivent à des critiques d’auteurs concernant la règle de l’acte clair selon lesquelles même les actes clairs devraient être interprétés : par. 52, citant Gendron, p. 36. En procédant à la deuxième étape de l’analyse, mes collègues entreprennent une démarche qui suppose, pour reprendre leurs propos, « l’examen d’une multitude d’éléments factuels » : par. 41. Ce faisant, ils examinent le droit applicable à la recherche de l’intention des parties, le contexte de leur relation et leur conduite. Mais le juge de première instance n’est pas allé aussi loin. Ayant conclu que le contrat était clair, il a estimé qu’il était inutile de tirer des conclusions quant au contexte factuel entourant le contrat. S’il a eu raison de conclure comme il l’a fait quant au premier élément, il est inutile de faire référence au contexte factuel entourant le contrat.

[132] Qui plus est, avec égards pour l’opinion contraire, rien dans l’examen que font mes collègues du contexte en question aux par. 53 et 54 de leurs motifs ne résout l’ambiguïté en faveur des intimées. Premièrement, comme je l’ai expliqué précédemment, le fait que l’appelante existe pour le bénéfice de tous ses membres (clause 1) suggère qu’elle ne se lierait pas à perpétuité envers un seul membre si les intérêts de ce dernier entraient en conflit avec ceux du groupe. D’ailleurs, dans la présente affaire, l’appelante souhaitait déménager la pharmacie à un nouvel endroit de manière à protéger sa marque et ses parts de marché, et ce, au bénéfice de tous ses membres. Cela n’était pas compatible avec les intérêts personnels des intimées, et a donc donné lieu au litige.

[133] Deuxièmement, le fait que le contrat ait antérieurement été renouvelé à deux reprises avec l’approbation tacite de l’appelante ne dit rien quant à la possibilité ou non pour elle de s’opposer au renouvellement. Une telle situation est tout aussi compatible avec l’interprétation selon laquelle la présomption de renouvellement opère en faveur de l’appelante seulement si les intimées ne se conforment pas à leur obligation d’envoyer un avis. Selon moi, l’interprétation que font mes collègues du contrat ne fait que souligner les incohérences internes de son libellé qui le rendent ambigu.

[134] Avec égards pour l’opinion contraire, le fait que mes collègues procèdent à la deuxième étape de l’analyse et qu’ils souscrivent aux observations des intimées au sujet du contexte factuel entourant le contrat contredit la conclusion voulant que ce dernier n’ait pas besoin d’être interprété. S’il est nécessaire de chercher à connaître l’intention commune des parties, comme le font mes collègues, c’est que la clause 10 est ambiguë, et que le juge de première instance a commis une erreur en concluant autrement.

[135] Toutefois, l’erreur commise par le juge de première instance quant au premier élément ne requiert pas l’intervention de la Cour relativement aux faits. Même si on tient pour acquis, quant à la première question, que sa lecture de la clause 10 ― c. à d. que le contrat est automatiquement renouvelé sauf si les intimées s’y opposent ― est correcte, le contrat devrait être qualifié de contrat à durée indéterminée et l’appel accueilli sur ce fondement. Comme je l’explique plus loin, et contrairement à mes collègues, j’estime que la deuxième question soulevée par le présent pourvoi ― soit celle relative à la qualification appropriée du terme du contrat ― soulève une question de droit distincte qui est déterminante pour l’issue du présent pourvoi.

B. La question de droit : la qualification de la durée du contrat

[136] L’appelante soutient essentiellement que si l’ensemble du contrat ― et pas seulement une des obligations qu’il crée ― est d’une durée de cinq ans, les deux parties devraient être assujetties à ce terme. Autrement dit, l’appelante fait valoir que, en droit, la durée du contrat ne peut être hybride, de sorte qu’elle lie les intimées pour cinq ans et l’appelante à perpétuité. Cela soulève une question sur laquelle la Cour ne s’est pas penchée : un contrat peut il être considéré à juste titre comme un contrat à durée déterminée de cinq ans lorsque son terme ne s’applique pas à une des parties qui est liée potentiellement à perpétuité ?

[137] Comme je l’explique plus loin, on doit répondre à cette question par la négative, et le contrat d’affiliation doit être qualifié de contrat à durée indéterminée. Bien que le juge de première instance n’ait pas expressément qualifié la durée du contrat, il a implicitement conclu que ce dernier pouvait lier l’appelante potentiellement à perpétuité. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont conclu que la convention était un contrat à durée déterminée de cinq ans, mais qu’il liait néanmoins l’appelante potentiellement à perpétuité : par. 57. Dans ses motifs dissidents, la juge en chef Duval Hesler a conclu que le contrat devait être qualifié de contrat à durée indéterminée : par. 20. À mon avis, elle avait raison.

(1) Le concept juridique de la qualification

[138] Avant de qualifier la durée du contrat d’affiliation, il est utile d’examiner plus généralement le concept de qualification.

[139] La qualification d’un contrat détermine la catégorie juridique dont il relève, et, donc, les conséquences juridiques qui s’y rattachent : Lluelles et Moore, par. 1729. Dépendamment de sa qualification, un contrat peut contenir des obligations implicites en droit, ou peut faire l’objet de règles d’interprétation particulières. Même si la qualification et l’interprétation d’un contrat sont des démarches distinctes et ne devraient pas être confondues, elles peuvent parfois se ressembler : Baudouin et Jobin, par. 56. Il y a cependant une différence fondamentale entre l’interprétation et la qualification. Si, à l’étape de l’interprétation, le tribunal recherche l’intention commune des parties, à l’étape de la qualification, il n’est pas lié par celle que les parties ont donnée au contrat, ni même par celle que les parties préfèrent :
L’opération qui consiste à qualifier un contrat dépend exclusivement du juge. Ce dernier n’est pas lié par le titre que les parties donnent à leur convention ou par le vocabulaire qu’elles utilisent dans ses clauses, ni par le formulaire de contrat auquel elles recourent. En effet, « le juge ne s’arrêtera [. . .] pas à “l’étiquette juridique” apposée par les parties sur leur contrat. Il lui restituera son exacte qualification. Il s’attachera donc à le “requalifier” afin de lui appliquer son régime juridique réel ». [Je souligne; notes de bas de page omises.]
(Lluelles et Moore, par. 1735.)

[140] La qualification constitue donc une démarche objective qui attribue des conséquences juridiques suivant les effets recherchés par les parties, tels qu’ils ressortent d’un examen du libellé de leur convention. Dans la plupart des cas, l’intention subjective des parties n’est pas pertinente : P. Fréchette, « La qualification des contrats : aspects théoriques » (2010), 51 C. de D. 117, p. 146. Les parties auront donc « peu d’influence sur la qualification qui sera ultérieurement donnée à leur contrat » : ibid., p. 117. La qualification est plutôt une question de droit qui est « réservée au juge » : ibid.; Tétreault c. Gagnon, [1962] R.C.S. 766; Gendron, p. 17.

[141] La qualification évoque en outre une notion plus large dans la mesure où elle reflète la préférence du droit des obligations envers un raisonnement qui s’amorce par un classement par catégories, et qui se poursuit par la détermination des conséquences juridiques découlant de cette catégorisation. Cette approche doit être distinguée de celle de la common law qui [TRADUCTION] « évite la taxonomie par principe, et s’appuie sur des faits concrets plutôt que sur des catégories abstraites comme point de départ du raisonnement juridique » : N. Kasirer, « Pothier from A to Z », dans B. Moore, éd., Mélanges Jean Pineau (2003), 387, p. 389.

[142] Mes collègues adoptent un point de vue différent. Au par. 40 de leurs motifs, ils affirment que la juge en chef Duval Hesler a eu tort de qualifier la convention de contrat à durée indéterminée. À leur avis, il est impossible d’ainsi qualifier le contrat, parce qu’un terme est une modalité d’un contrat qui doit être interprétée sur le plan factuel et non pas qualifiée sur le plan du droit : par. 39. Tel que je comprends leur position, pour mes collègues, puisque la clause 10 stipule un terme de cinq ans sur le plan des faits, le contrat a nécessairement une durée déterminée de cinq ans sur le plan du droit, et ce, même s’il peut lier une des parties potentiellement à perpétuité. Ainsi, selon eux, la question de savoir si « la Cour d’appel a créé une antinomie légale en acceptant que le Contrat d’affiliation soit à la fois à durée déterminée et perpétuelle » (m.a., par. 51) n’est pas du tout une question de droit, puisque la résolution de cette question est dictée purement par les faits.

[143] Avec égards pour l’opinion contraire, je refuse d’adopter l’approche étroite de la qualification adoptée par mes collègues. Elle est contraire à la doctrine bien établie selon laquelle la détermination du terme d’un contrat est une question de qualification juridique : J. Azéna, La durée des contrats successifs (1969), par. 113 à 133; voir aussi le traitement de la question du caractère déterminé du terme comme une question de qualification dans J. Mestre, « Obligations et contrats spéciaux : Obligations en général » (1993), 2 R.T.D. Civ. 343, p. 356; B. Starck, H. Roland et L. Boyer, Droit civil : les obligations, vol. 2, Contrat (6e éd., 1998), par. 1308. En outre, l’approche adoptée par mes collègues est difficile à concilier avec l’objet de la qualification. En effet, la qualification porte sur les effets juridiques de la convention; or, selon la lecture du juge de première instance, l’effet juridique recherché par la clause de renouvellement est de lier l’appelante potentiellement à perpétuité, et non pour seulement cinq ans. En outre, comme je l’explique, leur approche n’est pas compatible avec le fait que la présence ou l’absence d’un terme extinctif fait partie de l’essence même des contrats à exécution successive.

[144] Je ne partage pas non plus l’opinion de mes collègues selon laquelle la résolution de la deuxième question est tributaire des faits. Puisque, pour les fins de l’exercice de qualification qui suit, j’adopte la lecture qu’a faite le juge de première instance du contrat, ni l’intention des parties ni le contexte factuel entourant le contrat ne sont pertinents pour sa qualification. En effet, le juge de première instance n’a pas expressément procédé à la qualification et, dans la mesure où il l’a fait implicitement, il a refusé d’examiner l’intention commune des parties en ce qui a trait à la négociation du terme, ou tout autre élément de preuve extrinsèque relatif au contrat. Dans ce cas de figure, je ne vois aucune raison de traiter la question de la qualification en l’espèce comme une question mixte de fait et de droit, ainsi que le suggèrent mes collègues au par. 41 de leurs motifs. La seule question qu’il reste à trancher, et que je vais maintenant aborder, est une question de droit pur.

(2) Effet juridique d’un terme et qualification de la durée du contrat en l’espèce

[145] Le contrat d’affiliation dont il est question en l’espèce est il à durée déterminée? Si oui, quelle est sa durée?

[146] « On définit le contrat à durée déterminée comme “ celui dont l’échéance est fixée par un évènement futur et certain, dont la réalisation ne dépend pas exclusivement de la volonté des parties ” » : Azéma, par. 84 (référence omise).

[147] Lorsqu’il met fin à l’ensemble du contrat, un terme extinctif éteint toutes les obligations créées par ce dernier : voir art. 1517 C.c.Q. : Baudouin et Jobin, par. 559; voir également Tancelin, Des obligations en droit mixte du Québec (7e éd. 2009), par. 443. Comme l’ont noté certains auteurs, puisque le terme extinctif est un élément essentiel ou constitutif du contrat à exécution successive, c’est à tort qu’on le désigne comme une modalité :

Mais cette allusion à un terme extinctif [à l’art. 1517] ne doit pas faire illusion. Il ne s’agit guère d’une modalité affectant une des obligations d’un contrat, mais, tout simplement, de la fin d’un contrat à exécution successive, stipulée à l’avance par les parties. Ainsi, un bail peut contenir un terme : il sera d’une durée de deux ans, par exemple. On remarquera que ce prétendu terme extinctif vise la totalité d’une relation obligationnelle (comme un contrat) ― et non une de ses obligations (contraire à la lettre de l’article 1517). En outre, contrairement au terme suspensif, le terme extinctif concerne l’existence même des obligations, et nullement leur simple exigibilité. À l’arrivée du terme extinctif, les obligations des parties cessent d’exister; on ne peut dire qu’elles cessent seulement d’être exigibles. En principe, donc, le terme extinctif, comme modalité d’une obligation, est une fausse notion. [Je souligne; notes de bas de page omises.]
(Lluelles et Moore, par. 2507)

Quoique cet élément de durée soit mentionné dans le régime particulier des contrats nommés, les problèmes essentiels que soulève la durée du contrat relèvent bel et bien de la théorie générale des contrats. Qu’un contrat puisse être perpétuel est une question centrale, qui ne relève certainement pas du domaine des modalités, se caractérisant par leur caractère facultatif, donc secondaire, au sens de non obligatoire. [Je souligne.]
(Tancelin, par. 443)

[148] Le Code traite donc de deux types de contrats à exécution successive : ceux ayant un terme extinctif (c. à d., ceux qui sont à durée déterminée), et ceux qui n’en ont pas (c. à d., ceux qui sont à durée indéterminée).

[149] Selon la lecture du contrat que fait le juge de première instance, l’effet juridique recherché par le libellé de l’entente intervenue entre les parties est de lier l’appelante pour un terme potentiellement perpétuel, et les intimées pour un terme de seulement cinq ans. Comment devrait on qualifier cet arrangement compte tenu de la distinction binaire qu’établit le droit entre les contrats ayant un seul terme extinctif et ceux qui n’en ont aucun? Pour répondre à cette question, il faut examiner le mécanisme juridique du contrat.

[150] Suivant la lecture qu’a faite le juge de première instance, la clause 10 crée un mécanisme de renouvellement automatique du contrat déclenché par le silence des parties. Puisque le contrat est renouvelé sans négociations, aucun changement ne peut être apporté à ses éléments essentiels lors du renouvellement. L’entente demeure la même. Dans le passé, certains auteurs étaient incertains quant à savoir si, dans ce cas de figure, un nouveau contrat est formé ou si celui qui existe déjà est simplement prolongé. Ils ont tout de même suggéré ce qui suit :

Il semblerait qu’il s’agisse du même contrat, étant donné l’absence de césure dans le temps et l’absence de toute formalité effectuée pour sa réalisation, à la différence de l’option ou de la tacite reconduction. [Note de bas de page omise.]
(Lluelles et Moore, par. 2195)

[151] Récemment, la Cour d’appel a dissipé cette incertitude en concluant qu’une clause de renouvellement automatique prolonge le même contrat, plutôt que d’en créer un nouveau :

En prévoyant la reconduction automatique de leur entente, les parties ont en quelque sorte convenu de proroger le contrat au delà de son terme initial. Il ne s’agit en définitive que d’une modification du terme initialement prévu, qui se voit en quelque sorte reporté dans le temps. À l’expiration du terme initialement prévu, c’est donc le même contrat qui continue.

La clause de renouvellement est ainsi libellée que la décision de repousser le terme du contrat d’un autre 60 mois est connue avant même l’arrivée du terme initial. En effet, la clause 6 stipule qu’à défaut d’un avis de non renouvellement par l’une ou l’autre des parties au moins 90 jours avant la fin de la période initiale (ou renouvelée), le contrat est reconduit automatiquement. Le silence des parties dans le délai imparti constitue en quelque sorte leur accord de prorogation, confirmant ainsi le maintien en vigueur du contrat au delà de l’échéance initialement prévue. [Je souligne.]
(Services Matrec inc. c. CFH Sécurité inc., 2014 QCCA 221, par. 38 et 39 (CanLII))

[152] L’effet juridique de la clause de renouvellement est donc de proroger le contrat pour une période additionnelle. Elle ne crée pas de contrats itératifs de cinq ans; elle proroge plutôt le premier contrat. Le lien juridique entre les parties n’est donc jamais rompu. Autrement dit, le contrat n’atteint jamais son terme. En outre, puisque seules les intimées peuvent s’opposer au renouvellement, l’effet juridique du terme de cinq ans — l’extinction du contrat — ne s’applique qu’à elles c’est à dire que seules les intimées bénéficient d’un terme certain qui éteindra leurs obligations : voir Azéma, par. 93. Du point de vue de l’appelante, la date à laquelle le contrat prend fin est totalement incertaine.

[153] Comme je l’ai indiqué précédemment, en réalité, le contrat aurait donc un terme hybride : un de cinq ans qui s’applique aux intimées, et un potentiellement perpétuel ou d’une durée indéterminée, qui s’applique à l’appelante. La question à laquelle la Cour doit répondre est celle de savoir si un tel terme peut exister sur le plan juridique, ou si un prétendu terme doit fonctionner de façon symétrique au bénéfice des deux parties pour pouvoir être qualifié de terme extinctif.

[154] Au paragraphe 57 de leurs motifs, mes collègues reconnaissent qu’un contrat ne peut avoir une durée déterminée pour une partie et une durée indéterminée pour l’autre partie. Cependant, ils n’abordent pas directement la question de la qualification. Ils soutiennent plutôt que le contrat est d’une durée déterminée de cinq ans (en droit), mais qu’il a un effet perpétuel sur l’appelante, avant d’évaluer la validité d’un contrat perpétuel en droit.

[155] À mon avis, la distinction que font mes collègues entre la durée en droit et la durée effective est artificielle. L’utilisation par les parties de l’expression « 60 mois » ne devrait donc pas dicter la qualification du contrat en droit : Lluelles et Moore, par. 1735. Par exemple, si un bail faisant l’objet d’un litige stipule un terme fixe de moins de 100 ans, mais que, par l’effet d’une clause de renouvellement unilatéral, il lie une partie pour plus longtemps, le fait que les parties aient inutilement prévu un terme plus court ne soustrairait assurément pas l’entente à l’application de l’art. 1880 C.c.Q. qui réduit les baux à 100 ans. Or, suivant l’approche adoptée par mes collègues, il semble que cela serait ce qui surviendrait, puisque le terme prévu par les parties serait sacro saint.

[156] Parmi les décisions citées par mes collègues, une seule porte expressément sur un terme hybride fondé sur la distinction entre un terme exprès d’une durée perpétuelle et un terme exprès plus court qui a un effet perpétuel. Dans un obiter de la décision Neale c. Katz, [1979] C.A. 192, le juge Mayrand a fait une distinction entre un bail à durée perpétuelle — c’est à dire un bail assorti d’un terme pour toujours — et un bail dont la durée prévue est moins longue, mais a un caractère perpétuel pour seulement une des parties par application d’une clause de renouvellement : p. 194. Cependant, à l’appui de cette distinction, le juge Mayrand s’est fondé sur deux décisions de common law ainsi que sur une lecture inadéquate de la doctrine française. Je n’adopterai donc pas son raisonnement.

[157] À mon avis, le terme d’un contrat doit fonctionner de façon symétrique pour les deux parties. Autrement dit, un contrat n’est pas à durée déterminée si son terme ne s’applique pas aux deux parties. Cette position est cohérente avec l’effet juridique d’un terme, puisqu’il met fin aux obligations personnelles. Cela est aussi cohérent avec le caractère corrélatif de ces obligations personnelles créées par le contrat, puisque les droits d’une partie sont le reflet des obligations de l’autre partie, aussi longtemps que les deux subsistent. Je conclus donc que, lorsqu’il s’agit de qualification, la Cour ne devrait pas entériner la possibilité qu’un terme soit hybride sans procéder à un examen attentif de la légalité d’un tel mécanisme.

[158] En concluant ainsi, je suis consciente du fait que, dans le contexte commercial, les parties peuvent vouloir conclure des ententes à long terme, voire perpétuelles, ainsi que du fait qu’il peut être souhaitable, à titre de considération générale, de permettre de telles ententes. À mon sens, le mécanisme légal que constitue la notion de terme extinctif envisagé par l’art. 1517 C.c.Q. est suffisamment solide pour répondre à ces réalités commerciales, et il n’est donc pas nécessaire de le dénaturer en entérinant la possibilité qu’il puisse exister un terme hybride.

[159] Puisque le terme du contrat ne peut être qualifié d’hybride, quelle en est la qualification appropriée considérant la lecture de l’entente faite par le juge de première instance? Le juge de première instance a conclu qu’en raison du renouvellement automatique, l’appelante était liée potentiellement à perpétuité, sous réserve uniquement de la décision unilatérale des intimées qu’il en soit autrement. Selon moi, l’entente peut être qualifiée de deux façons. Soit le contrat est d’une durée perpétuelle — c’est à dire qu’il est d’une durée déterminée pour toujours et que le membre a l’option périodique de s’en retirer, auquel cas l’analyse de la question de l’ordre public qu’ont faite mes collègues devient pertinente ―, soit le contrat est d’une durée indéterminée, parce qu’il n’y a pas de terme extinctif clair.

[160] À mon avis, et comme la juge en chef Duval Hesler l’a conclu, la qualification appropriée est la deuxième :
En l’espèce, en effet, la clause 10 fait du contrat d’affiliation, dont la durée est en apparence déterminée, un contrat à durée indéterminée, puisque sa date de terminaison, par l’effet de cette clause, devient inconnue, du moins de la part d’Uniprix. [Par. 20]

[161] Cette conclusion est compatible avec le principe bien établi portant que les contrats qui ont prétendument un terme extinctif certain doivent être qualifiés de contrats à durée indéterminée lorsque la réalisation du terme est dépendante de la décision d’une seule partie : voir Azéma, par. 89; Starck, Roland et Boyer, par. 1308; Mestre, p. 356; auquel ont souscrit Lluelles et Moore, par. 2045, notes 21 et 23.

[162] Cette conclusion est également compatible avec la réticence du droit à ce que la perpétuité soit inférée en l’absence d’une stipulation expresse des parties en ce sens. Même en supposant, sans décider, que mes collègues ont raison de dire que la perpétuité n’est pas contraire à l’ordre public, je n’irais pas aussi loin que d’inférer du libellé de la clause 10 l’existence d’un terme d’une durée perpétuelle. Les tribunaux québécois ont refusé d’inférer la perpétuité lorsque les parties n’ont pas clairement précisé de durée déterminée aux yeux du droit dans leur entente, et ont qualifié ces conventions de contrats à durée indéterminée : E. & S. Salsberg inc. c. Dylex Ltd., [1992] R.J.Q. 2445 (C.A.); Standard Broadcasting Corp. c. Stewart, [1994] R.J.Q. 1751 (C.A.); BMW Canada inc. c. Automobiles Jalbert inc., 2006 QCCA 1068; 9077 0801 Québec inc. c. Société des loteries vidéo du Québec inc., 2012 QCCA 885. Par conséquent, je conclus que le contrat d’affiliation doit être qualifié de contrat à durée indéterminée.

[163] Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire que je me penche sur le rôle — le cas échéant — que joue l’art. 1512 du C.c.Q. dans le présent pourvoi. La question qu’il reste à trancher est plutôt celle de savoir si l’avis de résiliation donné par l’appelante était raisonnable dans les circonstances.

(3) Le contrat d’affiliation peut être résilié moyennant un préavis raisonnable

[164] Comme la Cour d’appel l’a reconnu dans BMW Canada, un contrat à durée indéterminée peut être résilié moyennant un préavis raisonnable :
En somme, s’agissant d’un contrat à durée indéterminée, les tribunaux concluent, après étude du contrat et en l’absence de clauses à l’effet contraire, à la possibilité de résiliation, sans motifs, moyennant l’envoi d’un avis suffisant. Ils estiment que, sauf circonstances exceptionnelles, il serait déraisonnable de soutenir que les parties à une entente commerciale souhaitent, ou s’attendent, lors de la conclusion de l’entente, que celle ci dure indéfiniment, particulièrement lorsque leur relation en est une qui exige confiance et collaboration. [Note de bas de page omise; par. 108 (CanLII).]

[165] Le droit de résilier un contrat moyennant un préavis raisonnable « est de l’essence du contrat à durée indéterminée et [. . .] en conséquence, les cas de résiliation prévus au contrat ne sont pas limitatifs » : Pineau, Burman et Gaudet, p. 506, note 930 (je souligne).

[166] Le caractère raisonnable de l’avis de résiliation dans un cas donné repose en grande partie sur les faits et sur le contexte : voir, p. ex., 9077 0801 Québec inc., par. 30 (CanLII) et BMW Canada, par. 116. Compte tenu de sa lecture du contrat, le juge de première instance n’a tiré aucune conclusion sur ce point. Cependant, il ressort clairement des faits que l’appelante a envoyé un avis de résiliation le 26 juillet 2012. À la lumière de ce fait, je conclus qu’à la date de la décision de notre Cour, les intimées auront bénéficié d’un préavis raisonnable. Et, ce faisant, je ne me prononce pas de façon définitive sur la période minimale requise qui constituerait un préavis raisonnable en l’espèce. Je conclus donc que, compte tenu de l’avis donné le 26 juillet 2012, le contrat d’affiliation conclu entre les parties prend fin à la date de la décision de la Cour.

[167] Je reconnais que les mécanismes du droit civil applicables en l’espèce sont assez complexes. Mais, comme toujours, le raisonnement sous jacent est simple. Un tribunal devrait éviter de maintenir deux parties dans un mariage malheureux lorsqu’une seule des parties a une porte de sortie, en l’absence de vœux exprès à cet effet. Autrement dit, au moment de qualifier la durée d’un contrat, on ne doit pas inférer la perpétuité.

C. Dispositif

[168] Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi et de déclarer que le contrat d’affiliation prend fin à la date de la décision de la Cour.

Pourvoi rejeté avec dépens, la juge en chef MCLACHLIN et les juges CÔTÉ et ROWE sont dissidents.
Procureurs de l’appelante : Miller Thomson, Montréal; LCM Avocats inc., Montréal; Robinson Sheppard Shapiro, Montréal.
Procureurs des intimées : Jolicœur Lacasse, Québec.

CORAM : La juge en chef McLachlin et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon, Côté, Brown et Rowe

RÉFÉRENCE : Uniprix inc. c. Gestion Gosselin et Bérubé inc., 2017 CSC 43

MOTIFS DE JUGEMENT CONJOINTS : Les juges Wagner et Gascon (avec l’accord des juges Abella, Moldaver, Karakatsanis et Brown)

MOTIFS DISSIDENTS : La juge Côté (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et du juge Rowe)

APPEL ENTENDU : 12 janvier 2017
JUGEMENT RENDU : 28 juillet 2017
DOSSIER : 36718

NOTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada.


Synthèse
Référence neutre : 2017CSC43 ?
Date de la décision : 28/07/2017

Analyses

Contrats — Interprétation — Intention des parties — Contrat d’affiliation — Durée et modalités de renouvellement — Clause du contrat prévoyant son renouvellement à la discrétion d’une seule partie — Validité d’un contrat aux effets potentiellement perpétuels

Le juge de première instance a t il erré en concluant que la clause de renouvellement est claire et qu’elle représente fidèlement l’intention commune des parties d’octroyer à l’une d’elles la faculté unilatérale de le renouveler à tous les cinq ans, sans que l’autre partie ne puisse s’y opposer? — L’effet potentiellement perpétuel du contrat d’affiliation est il illégal en droit civil québécois, car contraire au Code civil du Québec ou à l’ordre public?


Parties
Demandeurs : Uniprix inc.
Défendeurs : Gestion Gosselin et Bérubé inc. et Manon Gosselin et Bernard Bérubé, pharmaciens, S.E.N.C.
Proposition de citation de la décision: Canada, Cour suprême, 28 juillet 2017, 2017CSC43


Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2017-07-28;2017csc43 ?
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