La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2017 | CANADA | N°2017CSC62

Canada | Canada, Cour suprême, 15 décembre 2017, 2017CSC62


Association canadienne des avocats du mouvement syndical, Association canadienne de la construction, Community Legal Assistance Society, West Coast Women’s Legal Education and Action Fund, Retail Action Network, Alberta Federation of Labour, International Association of Machinists and Aerospace Workers Local Lodge 99, Commission ontarienne des droits de la personne et Bureau d’Aide Juridique Afro-Canadien

Intervenants

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon, Côté, Brown et Rowe


Motifs de jugement : Le juge Rowe (avec l’accord des juges Moldaver, Karak...

Association canadienne des avocats du mouvement syndical, Association canadienne de la construction, Community Legal Assistance Society, West Coast Women’s Legal Education and Action Fund, Retail Action Network, Alberta Federation of Labour, International Association of Machinists and Aerospace Workers Local Lodge 99, Commission ontarienne des droits de la personne et Bureau d’Aide Juridique Afro-Canadien

Intervenants

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon, Côté, Brown et Rowe

Motifs de jugement : Le juge Rowe (avec l’accord des juges Moldaver, Karakatsanis, Wagner et Gascon)

Motifs concordants : La juge Abella

Motifs dissidents : La juge en chef McLachlin (avec l’accord des juges Côté et Brown)

Note : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada.

Répertorié : British Columbia Human Rights Tribunal c. Schrenk

2017 CSC 62

No du greffe : 37041.

2017 : 28 mars; 2017 : 15 décembre.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon, Côté, Brown et Rowe.

en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique

Droits de la personne — Tribunal des droits de la personne — Compétence — Discrimination — Emploi — Loi interdisant à une « personne » de faire preuve de discrimination envers une autre « relativement à son emploi » — Champ d’application de l’interdiction — Plainte faisant état d’allégations de discrimination de la part d’un collègue sur le lieu de travail — Est‑ce qu’une personne autre que l’employeur ou le superviseur du plaignant peut se rendre coupable de discrimination « relativement à l’emploi» ? — Le tribunal des droits de la personne de la Colombie‑Britannique a‑t‑il commis une erreur en concluant qu’il avait compétence pour examiner la plainte ? — Human Rights Code, R.S.B.C. 1996, c. 210, art. 1 « emploi », « personne », 13(1)(b), 27(1)(a).

S‑M était un ingénieur civil à l’emploi d’Omega and Associates Engineering Ltd. engagée pour des travaux de réfection d’une route. Omega disposait de certains pouvoirs de supervision à l’égard des employés de Clemas Construction Ltd., le principal entrepreneur du projet. Clemas a embauché S comme contremaître du site et directeur des travaux. Lorsque S a formulé des commentaires racistes et homophobes à l’endroit de S‑M sur le chantier, ce dernier en a avisé Omega. Après que S eut tenu d’autres propos discriminatoires, Omega a demandé à Clemas de renvoyer S du chantier. Bien que Clemas l’ait renvoyé sur‑le‑champ, S a continué à participer aux travaux d’une manière ou d’une autre. Lorsqu’il s’est avéré que le harcèlement continuait, Clemas a congédié S.

S‑M a déposé une plainte contre S devant le British Columbia Human Rights Tribunal (« Tribunal »), alléguant qu’il avait été victime de discrimination fondée sur la religion, le lieu d’origine et l’orientation sexuelle. S a demandé le rejet de la plainte faisant valoir que l’art. 13 du Human Rights Code ne s’appliquait pas parce que S‑M n’avait pas de lien d’emploi avec S. Le Tribunal a conclu qu’il avait compétence pour examiner la plainte et, en conséquence, il a rejeté la demande de S fondée sur l’al. 27(1)a) du Code. La Cour suprême de la Colombie‑Britannique a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par S, mais la Cour d’appel a accueilli le pourvoi de ce dernier et conclu que le Tribunal avait commis une erreur de droit en concluant qu’il avait compétence pour examiner la plainte.

Arrêt (la juge en chef McLachlin et les juges Côté et Brown sont dissidents) : Le pourvoi est accueilli.

Les juges Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon et Rowe : Le champ d’application de l’al. 13(1)b) du Code ne se limite pas à la protection des employés uniquement contre le harcèlement discriminatoire de la part de leurs supérieurs en milieu de travail. À la lecture du Code conformément au principe moderne d’interprétation législative et aux règles particulières qui s’appliquent à l’interprétation de la législation en matière de droits de la personne, l’al. 13(1)b) interdit la discrimination envers les employés dès lors que cette dernière a un lien suffisant avec le contexte d’emploi. Cela peut comprendre la discrimination de la part de leurs collègues, même ceux qui travaillent pour un autre employeur.

Pour déterminer si un comportement discriminatoire a un lien suffisant avec le contexte d’emploi, le Tribunal doit procéder à une analyse contextuelle qui tient compte de toutes les circonstances pertinentes. Les facteurs qui peuvent éclairer cette analyse comprennent le fait de savoir : 1) si l’intimé faisait partie intégrante du milieu de travail du plaignant; 2) si la conduite reprochée a été adoptée sur le lieu de travail du plaignant; et, 3) si le comportement a nui à l’emploi du plaignant ou à son environnement de travail. Cette liste de facteurs n’est pas exhaustive et l’importance relative de chacun d’entre eux dépend des circonstances. Cette interprétation contextuelle favorise la réalisation des objets du Code en reconnaissant que la vulnérabilité des employés découle non seulement de leur subordination à leur employeur sur le plan économique, mais aussi du fait qu’ils ne peuvent échapper aux personnes qui font preuve de discrimination, comme un collègue harceleur.

Cette approche contextuelle pour déterminer si une conduite constitue de la discrimination « relativement à [l’]emploi » est étayée par le libellé, l’économie et l’objet du Code. Elle est tout autant étayée par l’historique législatif du Code et elle est conforme à la jurisprudence récente.

Le texte de l’al. 13(1)b) interdit la discrimination relativement à l’emploi dont fait preuve toute « personne ». Dans le contexte du Code, le mot « personne » désigne la catégorie d’acteurs à qui s’applique l’interdiction prévue à l’al. 13(1)b). Le sens ordinaire du mot « personne » est large et il comprend un éventail d’acteurs plus étendu que simplement toute personne qui exerce un pouvoir économique sur le plaignant. La définition du mot « personne » énoncée à l’article premier du Code n’est pas exhaustive et prévoit des sens additionnels qui complètent son sens ordinaire. Ensuite, l’expression « relativement à l’emploi» (« regarding employment ») est déterminante parce qu’elle délimite le type de discrimination que proscrit l’al. 13(1)b). En l’espèce, elle indique que la discrimination en cause doit de quelque manière être reliée au contexte de l’emploi et n’interdit pas uniquement la discrimination qui a cours dans le contexte des relations hiérarchiques en milieu de travail. L’alinéa 13(1)b) définit qui peut souffrir de discrimination dans le contexte du travail plutôt que de limiter ceux qui peuvent faire preuve de discrimination. Ainsi, il prohibe le comportement discriminatoire qui vise les employés dans la mesure où ce comportement a un lien suffisant avec le contexte d’emploi.

L’économie du Code favorise cette interprétation contextuelle de l’al. 13(1)b). Premièrement, la présomption contre la redondance en matière de rédaction législative sous‑tend le point de vue selon lequel l’interdiction de la discrimination « relativement à l’emploi » ne s’applique pas qu’aux employeurs, qui sont déjà visés par l’interdiction de faire preuve de discrimination relativement « aux modalités [d’]emploi ». En outre, lorsque le Code vise à limiter la catégorie d’acteurs à qui s’applique une interdiction précise, il utilise une formulation précise qui contraste avec le terme général « personne ». Enfin, la structure du Code favorise une approche qui considère l’emploi comme un contexte qui requiert de remédier à l’exploitation de la vulnérabilité plutôt que comme une relation qui nécessite une protection unidirectionnelle.

Le principe moderne d’interprétation exige que les tribunaux abordent le texte de la loi de la manière qui reflète le mieux les objets qui la sous‑tendent. En l’espèce, l’approche contextuelle est conforme aux objectifs de réparation énoncés à l’art. 3 du Code puisqu’il permet aux employés d’intenter un plus vaste éventail de recours devant le Tribunal.

Enfin, bien que l’historique législatif ne soit pas déterminant, il indique que la législature de la Colombie‑Britannique avait l’intention d’élargir le champ d’application de l’al. 13(1)b) lorsqu’elle a supprimé le mot « employeur » et l’a remplacé par le terme beaucoup plus large « personne ».

En conséquence, appliquant la norme de la décision correcte, le Tribunal n’a pas commis d’erreur en concluant que la conduite de S était visée par l’al. 13(1)b) en dépit du fait qu’il n’était ni l’employeur de S‑M ni son superviseur sur son lieu de travail. En tant que contremaître du chantier, il faisait inévitablement partie intégrante du milieu de travail de S‑M. Le comportement discriminatoire de S a eu une incidence néfaste sur le milieu de travail puisqu’il a forcé S‑M à subir des affronts répétés à sa dignité. Ce comportement constituait de la discrimination relativement à l’emploi : il a été adopté contre un employé par une personne qui faisait partie intégrante du contexte de son travail. La plainte de S‑M relevait donc de la compétence du Tribunal d’examiner une plainte fondée sur l’al. 13(1)b) du Code.

La juge Abella : La question en l’espèce est celle de savoir s’il peut y avoir discrimination en matière d’emploi aux termes du Human Rights Code de la Colombie‑Britannique lorsque le harceleur ne se trouve pas dans une situation d’autorité par rapport au plaignant. L’analyse requiert de se pencher sur ce que représente la discrimination en matière d’emploi d’une manière qui soit compatible avec les principes bien établis par la Cour en droit de la personne et qui en découle, et non uniquement en fonction du libellé particulier du Code. Appliquer ces principes amène à conclure qu’un employé est protégé contre la discrimination reliée ou associée à son emploi, qu’il ou elle se retrouve ou non dans une situation d’autorité. En conséquence, le Tribunal a compétence pour entendre la plainte.

Le point de départ de l’analyse de la discrimination est le test de discrimination prima facie énoncé dans l’arrêt Moore c. Colombie‑Britannique (Éducation), [2012] 3 R.C.S. 360. Dans le contexte de l’emploi, le plaignant doit démontrer qu’il possède une caractéristique protégée par le Code, qu’il a subi un effet préjudiciable « relativement à son emploi », et que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable. La question soulevée par l’al. 13(1)(b) est de savoir si le plaignant a subi un effet préjudiciable relié ou associé à son emploi. L’alinéa 13(1)b) a pour objet de protéger tous les employés contre l’indignité de la conduite discriminatoire dans un milieu de travail, qu’elle survienne verbalement ou autrement. L’analyse relative à la discrimination a trait à l’effet sur le plaignant, et non à l’intention ou à l’autorité de la personne qui aurait eu une conduite discriminatoire. L’essentiel consiste à savoir si ce harcèlement a un effet préjudiciable sur le milieu de travail du plaignant. La discrimination peut survenir et survient en l’absence d’inégalité de pouvoir économique. Son interprétation ne peut dépendre de hiérarchies techniques d’autorité qui sont susceptibles de faire échec aux objectifs des lois sur les droits de la personne. Toute personne a le droit d’être protégée contre la discrimination en milieu de travail, y compris celles qui sont en situation d’autorité. Cette approche répond à la réalité des milieux de travail modernes, dont bon nombre sont constitués de diverses structures organisationnelles.

Bien que les employeurs aient l’obligation et la capacité particulière de lutter contre la discrimination, cela n’empêche pas que des individus ayant une conduite discriminatoire puissent également être tenus responsables, peu importe s’ils se trouvent en situation d’autorité. Le fait d’interdire à toutes les « personne[s] » dans un milieu de travail de faire preuve de discrimination reconnaît que la prévention de la discrimination en matière d’emploi est une responsabilité qui incombe à tous ceux qui partagent un milieu de travail. Cela est d’autant plus vrai lorsque l’employeur ne réussit pas, malgré tous ses efforts, à régler la question ou lorsque, comme en l’espèce, la victime de la conduite discriminatoire se trouve elle‑même dans une situation comportant une certaine autorité. Le degré de contrôle et la capacité du harceleur à mettre fin à la conduite offensante sont manifestement pertinents, mais ces facteurs relèvent des fondements factuels, et non de la compétence du Tribunal en ce qui a trait à l’examen de la plainte.

La juge en chef McLachlin et les juges Côté et Brown (dissidents) : L’interdiction relative à la discrimination en milieu de travail prévue à l’al. 13(1)b) du Human Rights Code s’applique seulement aux relations employeurs‑employés et aux relations semblables et permet que des plaintes soient portées contre les personnes responsables de faire en sorte que les milieux de travail sont exempts de discrimination. Cette conclusion est compatible avec le libellé, le contexte et l’objet de l’al. 13(1)b), ainsi qu’avec la jurisprudence. En conséquence, le Tribunal n’avait pas compétence pour examiner la plainte.

Le texte de la disposition suggère globalement que le législateur voulait cibler la discrimination commise directement par un employeur ou une personne qui entretient une relation semblable à une relation d’emploi avec le plaignant, ou la discrimination causée par leur inaction. L’article premier du Code définit le mot « emploi » sous l’angle de la relation entre le plaignant et l’employeur, le commettant, le maître ou le mandant, ce qui tend à indiquer que c’est la nature ou l’étendue de la responsabilité à l’égard du travail ou du milieu de travail qui détermine qui peut faire preuve de discrimination « relativement à l’emploi» pour l’application de l’al. 13(1)b). L’utilisation du mot « personne » au début du par. 13(1) n’a aucune incidence sur le champ d’application de la disposition puisque les mots contrôlant l’étendue de la protection sont « relativement à l’emploi ».

Une interprétation contextuelle du par. 13(1) étaye également ce point de vue. Premièrement, l’art. 14 prévoit une protection distincte contre la discrimination dont se rendent coupables les syndicats et les associations. Si l’al. 13(1)b) était interprété de façon à permettre que des plaintes soient faites contre qui que ce soit dans le milieu de travail, une grande partie de l’art. 14 serait redondante. Deuxièmement, le régime du Code suggère que les art. 7 à 14 n’étaient pas censés régir des actes privés de discrimination entre particuliers de façon générale. Dans les dispositions où l’interdiction peut sembler à première vue assez vaste pour englober des communications ou des interactions privées entre particuliers plus généralement, des exclusions précises sont prévues. Il n’y a pas de telles exclusions à l’al. 13(1)b), tout simplement parce que cette disposition ne devait pas s’appliquer à des plaintes aussi larges. Troisièmement, le régime du Code appuie également la thèse selon laquelle le législateur voulait viser les inégalités de pouvoir — plutôt que de viser tous les actes de discrimination, il s’est concentré sur la discrimination exercée par des personnes qui sont en position de pouvoir par rapport à des individus plus vulnérables. Quatrièmement, si l’al. 13(1)b) permettait le dépôt d’une plainte contre S en raison des courriels qu’il a envoyés après son renvoi du projet et du milieu de travail, la façon dont cette disposition et le par. 7(2) pourraient être conciliés n’est pas claire. Conformément à cette disposition, aucune plainte ne peut être portée en raison d’une communication discriminatoire, mais privée, entre particuliers. Finalement, le par. 44(2) du Code confirme l’intention du législateur de cibler la discrimination découlant d’une relation d’emploi ou d’une relation équivalente. Il fait en sorte que les employeurs et leurs équivalents sont défendeurs dans les plaintes relatives à la discrimination en milieu de travail.

Le fait que le législateur a choisi de se concentrer sur les personnes responsables d’assurer que le milieu de travail est exempt de discrimination confirme aussi l’objet du Code. Si elles faillissent à la tâche d’intervenir pour prévenir la discrimination ou y remédier, l’al. 13(1)b) s’applique. Bien que cette interprétation puisse laisser sans recours fondés sur le Code certaines victimes de la discrimination de la part de leurs collègues, le recours d’un employé est de s’adresser à l’employeur ou à la personne responsable de s’assurer que le milieu de travail est exempt de discrimination. Si l’employeur ne fait pas cesser le comportement discriminatoire, l’employé peut intenter un recours contre lui en vertu de l’art. 43 du Code.

Finalement, l’interprétation de l’al. 13(1)b) reposant sur les responsabilités de l’employeur et ses équivalents est conforme à la jurisprudence, tandis que l’interprétation large proposée par les juges majoritaires serait contraire à la jurisprudence de deux façons. D’abord, elle restreindrait le principe selon lequel la nature de la relation entre le plaignant et le défendeur est décisive pour juger de l’application ou non de l’al. 13(1)b). Ensuite, il est difficile de voir comment une personne dans une position de collègue, comme S, pourrait justifier sa conduite par une norme professionnelle justifiée.

Jurisprudence

Citée par le juge Rowe

Arrêt examiné : McCormick c. Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L./s.r.l., 2014 CSC 39, [2014] 2 R.C.S. 108; arrêts mentionnés : Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons‑Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536; Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1987] 1 R.C.S. 1114; Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84; Université de la Colombie‑Britannique c. Berg, [1993] 2 R.C.S. 353; Janzen c. Platy Enterprises Ltd., [1989] 1 R.C.S. 1252; R. c. Proulx, 2000 CSC 5, [2000] 1 R.C.S. 61; Gravel c. Cité de St‑Léonard, [1978] 1 R.C.S. 660; R. c. Ulybel Enterprises Ltd., 2001 CSC 56, [2001] 2 R.C.S. 867; Merk c. Association internationale des travailleurs en ponts, en fer structural, ornemental et d’armature, section locale 771, 2005 CSC 70, [2005] 3 R.C.S. 425.

Citée par la juge Abella

Distinction d’avec l’arrêt : McCormick c. Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L./s.r.l., 2014 CSC 39, [2014] 2 R.C.S. 108; arrêts mentionnés : Winnipeg School Division No. 1 c. Craton, [1985] 2 R.C.S. 150; Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons‑Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536; Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84; Moore c. Colombie‑Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, [2012] 3 R.C.S. 360; Stewart c. Elk Valley Coal Corp., 2017 CSC 30, [2017] 1 R.C.S. 591; Janzen c. Platy Enterprises Ltd., [1989] 1 R.C.S. 1252.

Citée par la juge en chef McLachlin (dissidente)

Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; McCormick c. Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L./s.r.l., 2014 CSC 39, [2014] 2 R.C.S. 108; Nouveau‑Brunswick (Commission des droits de la personne) c. Potash Corporation of Saskatchewan Inc., 2008 CSC 45, [2008] 2 R.C.S. 604; Université de la Colombie‑Britannique c. Berg, [1993] 2 R.C.S. 353; Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84; Janzen c. Platy Enterprises Ltd., [1989] 1 R.C.S. 1252; Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3.

Lois et règlements cités

Administrative Tribunals Act, S.B.C. 2004, c. 45, art. 59.

Human Rights Act, S.B.C. 1969, c. 10, art. 2(d) « employer », 5.

Human Rights Act, S.B.C. 1984, c. 22, art. 8.

Human Rights Act, S.M. 1974, c. 65, art. 6(1)(a).

Human Rights Amendment Act, 1992, S.B.C. 1992, c. 43, art. 6.

Human Rights Code, R.S.B.C. 1996, c. 210, art. 1 « discrimination », « employment », « person », 3, 7 à 14, 27, 37(2)(a), (b), (c)(i), (d)(iii), 43, 44.

Human Rights Code of British Columbia Act, S.B.C. 1973, c. 119, art. 1.

Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976‑77, c. 33, art. 7b).

Doctrine et autres documents cités

Driedger, Elmer A. Construction of Statutes, 2nd ed., Toronto, Butterworths, 1983.

Hall, Michael. « Racial Harassment in Employment : An Assessment of the Analytical Approaches » (2006‑2007), 13 C.L.E.L.J. 207.

Sullivan, Ruth. Sullivan on the Construction of Statutes, 6th ed., Markham (Ont.), LexisNexis, 2014.

Sullivan, Ruth. Statutory Interpretation, 3rd ed., Toronto, Irwin Law, 2016.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (les juges MacKenzie, Willcock et Fenlon), 2016 BCCA 146, 86 B.C.L.R. (5th) 221, 385 B.C.A.C. 185, 665 W.A.C. 185, 2016 CLLC ¶230‑025, [2016] 9 W.W.R. 440, 400 D.L.R. (4th) 44, 84 C.H.R.R. D/40, [2016] B.C.J. No. 658 (QL), 2016 CarswellBC 869 (WL Can.), qui a infirmé une décision de la juge Brown, 2015 BCSC 1342, [2015] B.C.J. No. 1629 (QL), 2015 CarswellBC 2155 (WL Can.), confirmant une décision du British Columbia Human Rights Tribunal, 2015 BCHRT 17, [2015] B.C.H.R.T.D. No. 17 (QL), 2015 CarswellBC 190 (WL Can.). Pourvoi accueilli, la juge en chef McLachlin et les juges Côté et Brown sont dissidents.

Katherine Hardie et Devyn Cousineau, pour l’appelant.

Mark D. Andrews, c.r., David G. Wong et Stephanie D. Gutierrez, pour l’intimé.

Douglas Wray et Jesse Kugler, pour l’intervenante l’Association canadienne des avocats du mouvement syndical.

David Outerbridge et Jeremy Opolsky, pour l’intervenante l’Association canadienne de la construction.

Lindsay M. Lyster et Juliana Dalley, pour l’intervenante Community Legal Assistance Society.

Clea F. Parfitt et Rajwant Mangat, pour l’intervenant West Coast Women’s Legal Education and Action Fund.

Robin J. Gage, Kate Feeney et Erin Pritchard, pour l’intervenant Retail Action Network.

Kristan McLeod, pour les intervenantes Alberta Federation of Labour et International Association of Machinists and Aerospace Workers Local Lodge 99.

Reema Khawja, pour l’intervenante la Commission ontarienne des droits de la personne.

Faisal Mirza, Danardo Jones et Dena M. Smith, pour l’intervenant le Bureau d’Aide Juridique Afro‑Canadien.

Version française du jugement des juges Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon et Rowe rendu par

Le juge Rowe —

I. Introduction

[1] Le présent pourvoi porte sur la portée de l’interdiction de faire preuve de discrimination [traduction] « relativement à [l’]emploi » (« regarding employment ») au sens de l’al. 13(1)b) du Human Rights Code, R.S.B.C. 1996, c. 210 de la Colombie‑Britannique. Le 3 avril 2014, M. Mohammadreza Sheikhzadeh‑Mashgoul a déposé une plainte auprès de l’appelant, le British Columbia Human Rights Tribunal (« Tribunal »), contre l’intimé, M. Edward Schrenk, dans laquelle il alléguait avoir été victime de discrimination en matière d’emploi fondée sur la religion, le lieu d’origine et l’orientation sexuelle. M. Schrenk a répondu en présentant une demande de rejet fondée sur l’al. 27(1)a) du Code. Il y soutenait que la conduite qui lui était reprochée ne constituait pas de la discrimination « relativement à [l’]emploi », et qu’elle échappait donc à la compétence du Tribunal. L’essentiel de l’argument de M. Schrenk est simple : puisqu’il ne se trouvait pas dans une position d’autorité économique par rapport à M. Sheikhzadeh‑Mashgoul — il n’était ni son employeur ni son supérieur dans le milieu de travail — sa conduite, aussi flagrante ait‑elle été, ne pouvait pas être considérée comme de la discrimination « relativement à [l’]emploi » au sens du Code.

[2] La question en litige est donc de savoir si une personne autre que l’employeur du plaignant ou son superviseur à son lieu de travail peut faire preuve de discrimination « relativement à [l’]emploi ». Soyons clairs, il ne s’agit pas de savoir si la conduite reprochée à M. Schrenk constituerait de la discrimination; personne ne le remet en question. Dans le présent appel, il s’agit plutôt de savoir si un tel comportement discriminatoire constituait de la discrimination « relativement à [l’]emploi ».

[3] Je conclus par l’affirmative. Le champ d’application de l’al. 13(1)b) du Code ne se limite pas à la protection des employés uniquement contre le harcèlement discriminatoire de la part de leurs supérieurs en milieu de travail. Cette protection s’applique plutôt à tous les employés qui sont victimes de discrimination lorsque cette dernière a un lien suffisant avec le contexte de leur emploi. Cela peut comprendre la discrimination de la part de leurs collègues, même ceux qui travaillent pour un autre employeur. En conséquence, le Tribunal n’a pas commis d’erreur en concluant que la conduite de M. Schrenk était visée par l’al. 13(1)b) en dépit du fait qu’il n’était ni l’employeur de M. Sheikhzadeh‑Mashgoul ni son superviseur sur son lieu de travail.

II. Faits

[4] M. Sheikhzadeh‑Mashgoul était un ingénieur civil à l’emploi d’Omega and Associates Engineering Ltd., une firme d’ingénierie engagée par la municipalité de Delta en Colombie‑Britannique pour superviser les travaux de réfection d’une route. À ce titre, il a supervisé les travaux de Clemas Constracting Ltd., le principal entrepreneur en construction engagé par Delta pour effectuer ces travaux.

[5] Le contrat intervenu entre Delta et Clemas précisait qu’Omega, dans le cadre de ses fonctions d’ingénieur‑conseil, disposait de certains pouvoirs de supervision à l’égard des employés de Clemas, notamment le droit de demander le renvoi de tout travailleur de cette dernière qui semblait [traduction] « incompétent ou agi[ssai]t de façon désordonnée ou immodérée » .

[6] Les travaux ont commencé en août 2013. Clemas a embauché M. Schrenk comme contremaître du site et directeur des travaux. Rien n’indique que MM. Sheikhzadeh‑Mashgoul et Schrenk s’étaient rencontrés auparavant.

[7] M. Sheikhzadeh‑Mashgoul a quitté l’Iran pour immigrer au Canada et il se définit comme étant musulman. Dans sa plainte auprès du Tribunal, il invoque plusieurs incidents impliquant M. Schrenk. Dans le cadre de l’examen de la question en litige dans le présent appel, ni le Tribunal ni la Cour n’ont tiré de conclusions de fait, ni n’ont tranché sur le fond la plainte de M. Sheikhzadeh‑Mashgoul. Les faits allégués par ce dernier ont plutôt été considérés comme véridiques.

[8] Le premier incident a eu lieu en septembre 2013, lorsque M. Schrenk a demandé à M. Sheikhzadeh‑Mashgoul quelles étaient ses origines. Quand il a appris l’origine et la religion de ce dernier, M. Schrenk lui a demandé devant d’autres employés : [traduction] « Tu vas pas nous faire sauter dans un attentat suicide hein? » : 2015 BCHRT 17 (« décision du Tribunal »), par. 18 (CanLII). Un autre incident a eu lieu en novembre 2013, lorsque M. Schrenk a bousculé M. Sheikhzadeh‑Mashgoul et l’a traité de « sale musulman de merde » : ibid., par. 20. Au moment où M. Sheikhzadeh‑Mashgoul était sur le point d’appeler son superviseur, M. Schrenk lui a demandé : « Vas‑tu appeler ton ami gay? » : ibid., par. 23.

[9] M. Sheikhzadeh‑Mashgoul a discuté des commentaires de M. Schrenk avec son employeur, Omega. À l’occasion d’une réunion de routine entre M. Schrenk, M. Sherkhzadeh‑Mashgoul et des représentants d’Omega, de Delta et de Clemas il a été question de renvoyer M. Schrenk du chantier s’il ne modifiait pas son comportement.

[10] M. Schrenk n’a pas modifié son comportement. Le 13 décembre 2013, il a crié à M. Sheikhzadeh‑Mashgoul : [traduction] « Retourne à la mosquée d’où tu viens » : décision du Tribunal, par. 28. Après cet incident, Delta et Omega ont demandé à Clemas de renvoyer M. Schrenk du chantier. Bien que Clemas l’ait renvoyé sur‑le‑champ, M. Schrenk a continué à participer aux travaux d’une manière ou d’une autre jusqu’en janvier 2014. Ensuite, il est demeuré à l’emploi de Clemas, mais a été affecté à d’autres projets.

[11] Le renvoi de M. Schrenk n’a pas mis fin aux soucis de M. Sheikhzadeh‑Mashgoul. En mars 2014, M. Schrenk lui a envoyé un courriel non sollicité, dans lequel il faisait des insinuations désobligeantes concernant son orientation sexuelle. M. Schrenk a transféré le courriel à deux superviseurs de Clements; M. Sheikhzadeh‑Mashgoul l’a transféré à Omega, qui l’a ensuite acheminé à Clemas. Le directeur des travaux de Clemas a demandé à M. Schrenk d’arrêter d’envoyer de tels courriels. Toutefois, le lendemain, M. Schrenk a envoyé un autre courriel désobligeant de nature homophobe à M. Sheikhzadeh‑Mashgoul. Ce courriel a également été transféré à Clemas, après quoi celle‑ci a congédié M. Schrenk le 28 mars 2014.

[12] Le 3 avril 2014, M. Sheikhzadeh‑Mashgoul a déposé une plainte devant le Tribunal contre M. Schrenk, Clemas et Delta, alléguant qu’il avait été victime de discrimination fondée sur la religion, le lieu d’origine et l’orientation sexuelle, tous des motifs de discrimination interdits par le Code. Par la suite, il a retiré sa plainte contre Delta.

[13] M. Schrenk et Clemas ont demandé le rejet de la plainte aux termes des al. 27(1)a), b) et c) et du sous‑al. 27(1)d)(ii) du Code. Ils ont soutenu que selon l’al. 27(1)a), le Tribunal n’avait pas compétence à l’égard de la plainte parce que M. Sheikhzadeh‑Mashgoul n’avait de lien d’emploi ni avec Clemas ni avec M. Schrenk et que, par conséquent, l’art. 13 du Code ne s’appliquait pas. Le présent appel ne porte que sur la demande présentée par M. Schrenk et fondée sur l’al. 27(1)a).

III. Dispositions législatives pertinentes

[14] Les dispositions pertinentes du Code sont les suivantes :

[traduction]

1 Les définitions qui suivent s’appliquent au présent Code :

. . .

« emploi » s’entend notamment des relations commettant‑préposé, maître‑apprenti ou mandant‑mandataire, si une partie substantielle des services du mandataire a trait aux affaires d’un seul mandant, et le mot « employer » a un sens correspondant;

. . .

« personne » s’entend notamment d’un employeur, d’un bureau de placement [une personne qui entreprend, avec ou sans rémunération, de trouver des employés pour un employeur ou de trouver un emploi pour des personnes], d’une association d’employeurs [une association d’employeurs formée notamment pour réglementer les relations entre les employeurs et les employés], d’une association professionnelle [une organisation, autre qu’un syndicat ou une association d’employeurs, à laquelle l’appartenance est nécessaire pour exercer un métier, un emploi ou une profession] et d’un syndicat [une association d’employés créée notamment pour réglementer les relations entre employés et employeurs];

. . .

3 Le présent Code a pour objets :

(a) de favoriser l’existence en Colombie‑Britannique d’une société dépourvue d’obstacle à la participation pleine et libre à la vie économique, sociale, politique et culturelle de cette province;

(b) de favoriser un climat de compréhension et de respect mutuel où tous ont la même dignité et les mêmes droits;

(c) de prévenir la discrimination interdite par le présent Code;

(d) de déceler et éliminer les formes d’inégalité persistantes liées à la discrimination interdite par le présent Code;

(e) de fournir un recours aux personnes qui sont victimes de discrimination contrairement au présent Code.

. . .

13 (1) Une personne ne peut

(a) soit refuser d’employer ou de continuer d’employer une personne,

(b) soit faire preuve de discrimination envers une personne relativement à son emploi ou aux modalités de son emploi,

du fait de sa race, de sa couleur, de son ascendance, de son lieu d’origine, de ses opinions politiques, de sa religion, de son état matrimonial, de sa situation familiale, de ses déficiences mentales ou physiques, de son sexe, de son orientation sexuelle, de son identité ou expression de genre ou de son âge, ou en raison de sa déclaration de culpabilité à l’égard d’une infraction criminelle ou d’une infraction punissable par procédure sommaire qui n’ont aucun rapport avec l’emploi actuel ou envisagé de la personne en question.

. . .

27 (1) Un membre ou une formation peut, à tout moment après le dépôt d’une plainte, rejeter une plainte en totalité ou en partie, avec ou sans audience si, à son avis, l’une ou l’autre des circonstances suivantes est applicable :

(a) la plainte ou une partie de la plainte ne relève pas de la compétence du tribunal;

(b) les actes ou omissions allégués ou une partie d’entre eux ne contreviennent pas au présent Code;

(c) il n’existe aucune possibilité raisonnable que le plaignant ait gain de cause;

(d) connaître en totalité ou en partie de la plainte :

(i) n’apporterait rien à la personne, au groupe ou à la catégorie censés avoir été victime de discrimination,

(ii) ne servirait pas les fins poursuivies par le présent Code;

. . .

44 (1) Toute poursuite engagée sous le régime du présent Code à l’égard d’un syndicat, d’une association d’employeurs ou d’une association professionnelle peut être intentée en son nom.

(2) Les actes ou choses faites ou omises par un employé, un cadre, un dirigeant, un représentant ou un mandataire d’une personne dans l’exercice de ses pouvoirs sont réputés être des actes ou choses faites ou omises par cette personne.

IV. Décisions des juridictions inférieures

A. British Columbia Human Rights Tribunal, 2015 BCHRT 17

[15] Dans leur demande de rejet, M. Schrenk et Clemas ont tous les deux fait valoir que le Tribunal n’avait pas compétence au titre de l’al. 13(1)b), puisqu’aucun d’entre eux ne se trouvait dans une relation d’emploi avec M. Sheikhzadeh‑Mashgoul. M. Schrenk a souligné qu’il ne pouvait pas faire preuve de discrimination envers M. Sheikhzadeh‑Mashgoul relativement à son emploi puisqu’il n’exerçait aucun contrôle sur lui.

[16] Le Tribunal a conclu qu’il avait compétence pour examiner la plainte. En conséquence, il a rejeté les demandes de M. Schrenk et de Clemas fondées sur l’al. 27(1)a). Il a également rejeté leur demande de rejet de la plainte fondée sur d’autres alinéas de l’art. 27. Cette dernière partie de la décision n’est pas abordée dans le présent pourvoi.

[17] En ce qui concerne l’al. 13(1)b), le Tribunal a conclu qu’il interdit à une [traduction] « personne » de faire preuve de discrimination relativement à l’emploi et que le Code ne limite pas la portée du mot « personne » à un employeur ou à une personne ayant une relation semblable à une relation d’emploi avec le plaignant. Le Tribunal a tenu compte de la déclaration suivante de la Cour dans McCormick c. Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L./s.r.l., 2014 CSC 39, [2014] 2 R.C.S. 108 : « [l]e Code est une loi quasi constitutionnelle, qui commande une interprétation généreuse afin de permettre la réalisation de ses larges objectifs d’intérêt public » : par. 17. Compte tenu de cet énoncé, le Tribunal a conclu que l’art. 13 « protège les personnes lorsqu’elles se trouvent dans un contexte d’emploi », y compris le plaignant qui est un employé « souffrant d’un désavantage dans son emploi en totalité ou en partie en raison de son appartenance à un groupe protégé » : par. 45. Le Tribunal a également jugé que la protection prévue à l’art. 13 « ne se limite pas à la discrimination faite par un employeur » : par. 46. En effet, il a conclu :

. . . [d]ans la foulée de la généreuse interprétation du Code reprise par la Cour suprême du Canada dans McCormick, la protection des employés sur un chantier de construction contre d’autres parties sur ce chantier relève du vaste objectif d’intérêt public du Code. Les employés et entrepreneurs dépendants sur un chantier de construction peuvent travailler pour différents employeurs, mais, comme les employés d’un seul lieu de travail avec un seul employeur, ils prennent tous part à une entreprise commune : effectuer les travaux, quels qu’ils soient. Généralement, ils travaillent en étroite proximité et interagissent les uns avec les autres. Il serait trop artificiel et contraire au vaste objectif d’ordre public du Code d’exclure des employés d’un chantier de construction des protections offertes par l’art. 13 simplement parce que l’auteur du comportement discriminatoire allégué travaillait sur le chantier, mais pour un autre employeur. [par. 50]

[18] En ce qui a trait à la demande de M. Schrenk, le Tribunal a conclu qu’il pouvait être tenu responsable au titre de l’art. 13 puisque M. Sheikhzadeh‑Mashgoul était un employé — même s’il n’était pas un employé de Clemas ou de M. Schrenk — qui prétendait que le harcèlement discriminatoire que M. Schrenk lui aurait fait subir a nui à son travail. Le Tribunal a conclu que cette discrimination pouvait se produire même si M. Sheikhzadeh‑Mashgoul, en tant qu’ingénieur superviseur, avait une influence importante sur la façon dont Clemas et M. Schrenk effectuaient leur travail.

B. Cour suprême de la Colombie‑Britannique, 2015 BCSC 1342

[19] M. Schrenk a demandé le contrôle judiciaire de la décision du Tribunal. Comme il l’avait fait devant ce dernier, M. Schrenk a soutenu que la plainte n’entrait pas dans le champ d’application de l’al. 13(1)b) parce que, à la lumière des facteurs énoncés dans McCormick, M. Sheikhzadeh‑Mashgoul n’avait de relation d’emploi ni avec lui ni avec Clemas.

[20] La juge Brown a rejeté la demande. Après avoir appliqué la norme de la décision correcte comme l’exige la loi de la Colombie‑Britannique intitulée Administrative Tribunals Act, S.B.C. 2004, c. 45, elle a conclu que le Tribunal n’avait pas commis d’erreur dans son interprétation de l’al. 13(1)b) et dans l’application de cette disposition à l’affaire. À son avis, la question devant le Tribunal n’était pas celle de savoir si M. Sheikhzadeh‑Mashgoul avait une relation d’emploi avec M. Schrenk ou avec Clemas, mais plutôt de savoir s’il avait fait l’objet de discrimination « relativement à son emploi ». La juge Brown a estimé que l’interprétation préconisée par M. Schrenk était trop étroite, et a plutôt conclu que le fait de limiter le champ d’application de l’al. 13(1)b) aux recours intentés contre un employeur ou un autre employé du même employeur serait [traduction] « contraire au bon sens et à la situation actuelle en matière d’emploi » : par. 9 (CanLII).

C. Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, 2016 BCCA 146, 400 D.L.R. (4th) 44

[21] La Cour d’appel a accueilli l’appel de M. Schrenk à l’unanimité. Au vu de la norme de la décision correcte, elle a jugé que le Tribunal avait commis une erreur de droit en concluant qu’il avait compétence pour examiner la plainte.

[22] Le juge Willcock de la Cour d’appel a indiqué que la conclusion du Tribunal selon laquelle il avait compétence était fondée sur trois facteurs : [traduction] « M. Sheikhzadeh‑Mashgoul était un “employé”. . .; le comportement a nui à son emploi; et [M. Schrenk], la source alléguée de la discrimination, était une “personne” » : par. 32. Le juge Willcock a exprimé une opinion différente à cet égard : selon lui, il ne s’agissait de savoir ni si M. Schrenk était visé par la définition de « personne », ni si M. Sheikhzadeh‑Mashgoul occupait un « emploi », mais plutôt de savoir « si l’allégation de [M. Sheikhzadeh‑Mashgoul] contre [M. Schrenk] était une plainte relative à une conduite qui pouvait constituer de la discrimination “relativement à son emploi” » : par. 30.

[23] Le juge Willcock a conclu que la compétence pour examiner une plainte fondée sur l’al. 13(1)b) n’avait pas une portée assez vaste pour englober [traduction] « la conduite de quiconque pourrait avoir nui à un employé dans le cadre de son emploi » : par. 31. Il a fait la distinction suivante :

Il y a une différence entre les fardeaux émotif et psychologique que portent les gens désavantagés en raison de commentaires désobligeants, méchants ou irréfléchis faits par des personnes qu’ils côtoient au quotidien, et ceux qui découlent de la discrimination relativement à l’emploi. En ce qui a trait aux premiers, un tribunal des droits de la personne pourrait ne rien pouvoir faire. Les gens racistes et xénophobes causent des dommages pénibles et permanents, mais ceux‑ci peuvent être évités dans la rue par ceux qui en sont la cible sans crainte de conséquences financières en lien avec leur emploi. Par contre, les personnes victimes de discrimination ne devraient pas avoir à porter un fardeau économique en raison de cette discrimination. C’est dans cette sphère que le législateur a pris des mesures, et c’est un de ces maux que le Code veut expressément enrayer. [par. 33]

[24] Selon le juge Willcock, pour conclure qu’il y a eu discrimination « relativement à [l’]emploi », il faut qu’il y ait eu exercice abusif du pouvoir économique dans une relation traditionnelle [traduction] de « maître‑serviteur », et c’est tout ce que l’al. 13(1)b) vise à empêcher : Code, art. 1. Par conséquent, selon lui, la compétence du Tribunal se limite à examiner les plaintes formulées contre ceux qui ont le pouvoir de faire subir une conduite discriminatoire comme condition d’emploi. Sur ce fondement, le juge Willcock a conclu :

Toutes les insultes subies par les employés, même dans le cadre de leur emploi, ne constituent pas de la discrimination relativement à l’emploi. De telles insultes peuvent constituer une telle discrimination si l’auteur revêt l’autorité de l’employeur et peut donc faire subir une telle conduite malvenue au plaignant comme condition d’emploi, ou si l’employeur tolère la conduite fautive. Si l’auteur de la conduite fautive n’a aucun tels pouvoir ou autorité, le Tribunal a compétence pour examiner si l’employeur du plaignant a joué un certain rôle en permettant que la conduite ait été adoptée ou se soit poursuivie, auquel cas l’insulte est subie du fait même de l’emploi. Cela dit, même dans de tels cas, le Tribunal n’a pas compétence à l’égard de l’auteur de la faute. [Soulignement omis; par. 36.]

[25] Appliquant ce raisonnement à la présente affaire, le juge Willcock a conclu que le Tribunal n’avait pas [traduction] « compétence pour examiner une plainte contre une personne qui est grossière, insultante ou insupportable, mais qui n’est pas dans une position où elle peut obliger le plaignant à subir cette conduite comme condition de son emploi » : par. 44. Par conséquent, le Tribunal n’avait pas compétence à l’égard de M. Schrenk puisque celui‑ci n’était pas en position d’imposer une conduite discriminatoire à M. Sheikhzadeh‑Mashgoul comme condition de son emploi.

[26] Le Tribunal a interjeté appel de la décision de la Cour d’appel devant la Cour.

V. Question

[27] Le Tribunal a‑t‑il commis une erreur en concluant que le harcèlement discriminatoire qu’adopte un collègue peut être visé par l’interdiction de faire preuve de discrimination « relativement à [l’]emploi » prévue à l’al. 13(1)b) du Code?

VI. Analyse

[28] La norme de contrôle est celle de la décision correcte, tel qu’il est prévu à l’art. 59 de la Administrative Tribunals Act. Comme l’a énoncé la Cour dans Dunsmuir c. New Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au par. 50 : « [l]a cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse ». Il est donc nécessaire que la Cour effectue sa propre analyse pour décider si le Tribunal a commis une erreur dans son interprétation de l’al. 13(1)b).

[29] Je signale dès le départ que le présent appel exige que nous procédions à une interprétation législative. La question dont la Cour est saisie est celle de savoir si le libellé de l’al. 13(1)b) du Code ne vise que la discrimination dont se rendent coupables un employeur ou un superviseur dans le milieu de travail. Même si nous divergeons d’opinion quant au résultat, la Juge en chef et moi sommes tous les deux d’avis que, pour répondre à cette question, il faut interpréter l’expression « relativement à [l’]emploi ». Pour cette raison, et soit dit en tout respect, je ne partage pas l’opinion de la juge Abella lorsqu’elle suggère que notre analyse n’a pas à être fondée sur « [le] libellé particulier du Code de la Colombie‑Britannique » : par. 73. S’il est vrai que la jurisprudence relative aux droits de la personne donne des indications considérables quant à la portée de la « discrimination » en général, le point de départ de notre analyse demeure le libellé adopté par la législature de la Colombie‑Britannique lorsqu’il s’agit de définir la portée de la discrimination « relativement à [l’]emploi » spécifiquement.

[30] Dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 21, citant E. A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 87, la Cour a souscrit au principe moderne d’interprétation des lois qui doit guider notre interprétation du Code en l’espèce :

Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou une solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’[économie] de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

[31] S’ajoutent au principe moderne d’interprétation les règles particulières qui s’appliquent à celle des lois sur les droits de la personne. Les protections que celles‑ci garantissent sont fondamentales pour notre société. C’est pourquoi ces lois doivent recevoir une interprétation large et libérale afin qu’elles puissent atteindre leurs objectifs : Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons‑Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, p. 546‑547; Canadian National Railway Co. c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1987] 1 R.C.S. 1114, p. 1133‑1136; Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84, p. 89‑90. Comme la Cour l’a affirmé, « [l]e Code est une loi quasi constitutionnelle, qui commande une interprétation généreuse afin de permettre la réalisation de ses larges objectifs d’intérêt public » : McCormick, par. 17. À la lumière de ces principes, les tribunaux doivent favoriser les interprétations qui s’harmonisent avec les objets des lois sur les droits de la personne comme le Code, plutôt que d’adopter des interprétations étroites ou techniques qui contrecarreraient ces objets : R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (6e éd. 2014), § 19.3‑19.7.

[32] Cela dit, cette « méthode d’interprétation ne permet pas à une commission ou à une cour de justice de faire abstraction des termes de la Loi pour empêcher les pratiques discriminatoires où que ce soit » : Université de la Colombie‑Britannique c. Berg, [1993] 2 R.C.S. 353, p. 371. C’est pourquoi notre interprétation de l’al. 13(1)b) doit se fonder sur le libellé ainsi que sur l’économie de la loi et tenir compte de son objet général.

A. Le libellé de l’alinéa 13(1)b)

[33] Le libellé du Code constitue la première indication que nous devons adopter l’interprétation large de l’al. 13(1)b) que préconise le Tribunal. Par souci de commodité, je reproduis encore une fois l’art. 13 du Code :

[traduction]

13 (1) Une personne ne peut

(a) soit refuser d’employer ou de continuer d’employer une personne,

(b) soit faire preuve de discrimination envers une personne relativement à son emploi ou aux modalités de son emploi,

du fait de sa race, de sa couleur, de son ascendance, de son lieu d’origine, de ses opinions politiques, de sa religion, de son état matrimonial, de sa situation familiale, de ses déficiences mentales ou physiques, de son sexe, de son orientation sexuelle, de son identité ou expression de genre ou de son âge, ou en raison de sa déclaration de culpabilité à l’égard d’une infraction criminelle ou d’une infraction punissable par procédure sommaire qui n’ont aucun rapport avec l’emploi actuel ou envisagé de la personne en question.

[34] Il faut commencer notre analyse par le mot « personne » (« person ») utilisé à la première ligne du par. 13(1). Dans son sens ordinaire, ce mot se rapporte généralement à un être humain. Dans le contexte du Code, il désigne également la catégorie d’acteurs à qui s’applique l’interdiction prévue à l’al. 13(1)b). Le sens ordinaire du mot « personne » est large; il comprend assurément un éventail d’acteurs plus étendu que simplement toute personne qui exerce un pouvoir économique sur le plaignant. Il est d’ailleurs significatif que le législateur ait choisi d’interdire la discrimination « relativement à [l’]emploi » dont fait preuve toute « personne ». S’il avait voulu limiter cette interdiction aux employeurs — ou à une autre catégorie étroite d’individus —, il aurait très bien pu le faire en utilisant un terme dont le sens est plus étroit que celui du mot « personne ».

[35] Je note par ailleurs que l’article premier du Code donne la définition inclusive suivante :

[traduction]

1 Les définitions qui suivent s’appliquent au présent Code :

. . .

« personne » s’entend notamment d’un employeur, d’un bureau de placement [une personne qui entreprend, avec ou sans rémunération, de trouver des employés pour un employeur ou de trouver un emploi pour des personnes], d’une association d’employeurs [une association d’employeurs formée notamment pour réglementer les relations entre les employeurs et les employés], d’une association professionnelle [une organisation, autre qu’un syndicat ou une association d’employeurs, à laquelle l’appartenance est nécessaire pour exercer un métier, un emploi ou une profession] et d’un syndicat [une association d’employés créée notamment pour réglementer les relations entre employés et employeurs];

[36] Bien que le Code énumère les divers individus et entités qui sont visés par la définition de « personne » de l’article premier, celle‑ci n’est pas exhaustive. Puisque cette définition « s’entend notamment de » (« includes ») ces individus et entités, elle ne se limite expressément pas à ceux‑ci. À mon avis, le Code prévoit des sens additionnels au mot « personne » qui, pour les fins de l’application du Code, complètent le sens ordinaire du mot. En ce sens, M. Schrenk est une « personne » au sens ordinaire du mot, et une compagnie employeur, comme Clemas, est une « personne » au sens supplémentaire du mot que précise l’article premier du Code.

[37] Ensuite, l’expression « relativement à [l’]emploi » (« regarding employment ») est déterminante parce qu’elle délimite le type de discrimination que proscrit l’al. 13(1)b). Pour commencer, je souligne que le mot « relativement » (« regarding ») sert à relier deux idées d’une façon générale. En l’espèce, il est question de discrimination « relativement » à l’emploi, c’est‑à‑dire qu’elle doit de quelque manière être reliée au contexte de l’emploi. Cette interprétation est compatible avec des décisions antérieures de la Cour concernant la discrimination en milieu de travail selon diverses lois sur les droits de la personne. Dans Robichaud, par exemple, le juge La Forest a défini l’expression « dans le cadre de leurs emplois » utilisée à l’al. 7b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976‑77, chap. 33, comme signifiant « relié aux fonctions ou à l’emploi » et « reliés ou associés de quelque manière à l’emploi » : p. 92 et 95. Cette interprétation large a également été adoptée par le juge en chef Dickson dans Janzen c. Platy Enterprises Ltd., [1989] 1 R.C.S. 1252, p. 1293, à l’égard de l’expression anglaise « in respect of employment » qui se trouve à l’al. 6(1)a) de la loi du Manitoba intitulée Human Rights Act, S.M. 1974, c. 65. Selon le juge en chef Dickson, la différence entre les expressions « in the course of employment » (en anglais dans la version française des motifs) et « dans le cadre de son emploi » n’a pas d’importance : p. 1293. Les différences entre ces expressions et l’expression « relativement à [l’]emploi » sont tout aussi négligeables.

[38] Suivant mon interprétation du Code, les mots « relativement à [l’]emploi » n’interdisent pas uniquement la discrimination qui a cours dans le contexte des relations hiérarchiques en milieu de travail. Si c’était le cas, ces mots voudraient essentiellement dire qu’il est question de discrimination « par les employeurs ou les supérieurs en milieu de travail ». Or, à mon avis, l’al. 13(1)b) ne limite pas qui peut faire preuve de discrimination. Il définit plutôt qui peut souffrir de discrimination dans le contexte du travail. Ainsi, il prohibe le comportement discriminatoire qui vise les employés dans la mesure où ce comportement a un lien suffisant avec leur contexte d’emploi. Pour juger si un comportement est de ceux qui sont prohibés, il faut adopter une approche contextuelle qui tient compte des faits particuliers de chaque demande afin de déterminer s’il existe un tel lien suffisant entre la discrimination et le contexte d’emploi. Si c’est le cas, celui qui a adopté le comportement a fait preuve de discrimination « relativement à [l’]emploi » et le plaignant peut solliciter une mesure de réparation contre cet individu.

[39] La Juge en chef propose plutôt que — même si l’al. 13(1)b) est censé « vise[r] à englober toutes les formes de discrimination en milieu de travail » — son champ d’application se limite « aux personnes responsables d’intervenir lors des incidents en question et d’y mettre fin » : par. 123 (italiques dans l’original). Elle écrit que « [l]’“emploi” qui fait l’objet de la protection garantie par l’al. 13(1)b) est défini sous l’angle de la relation entre le plaignant et l’employeur, le commettant, le maître ou le mandataire » : par. 109. En ce sens, elle propose d’interpréter l’expression « relativement à [l’]emploi » suivant une approche étroite fondée sur les relations, et selon laquelle la discrimination, telle qu’elle est envisagée par l’al. 13(1)b), ne pourrait être la responsabilité que de certains individus parmi ceux avec qui se tissent des relations d’emploi — à savoir, les employeurs et les superviseurs sur le lieu de travail.

[40] Je suis d’avis d’écarter cette approche pour deux raisons. Premièrement, bien que je convienne que le mot [traduction] « emploi » dans le Code évoque, entre autres, une relation entre un employeur et un employé, il ne s’ensuit pas pour autant que la discrimination « relativement à [l’]emploi » doivent être perpétrée seulement par une personne partie à une telle relation. En fait, il serait indûment formaliste de supposer que la seule relation pouvant avoir une incidence sur l’emploi d’un travailleur est celle qu’il partage avec son employeur. D’autres relations au travail — p. ex. celles entretenues entre collègues — peuvent être source de discrimination « relativement à [l’]emploi », et ce, même si seul l’employeur exerce un contrôle sur le chèque de paye.

[41] Deuxièmement, l’approche de la Juge en chef pour interpréter l’expression « relativement à [l’]emploi » est nécessairement fondée sur une vision étroite de la façon dont le pouvoir s’exerce en milieu de travail. À mon avis, sa prémisse est la suivante : étant donné que la seule relation définie par un déséquilibre de pouvoir est celle qui lie l’employeur et l’employé, c’est seulement l’employeur qui est en position de faire preuve de discrimination « relativement à [l’]emploi ». Dans ce contexte, le pouvoir est de nature essentiellement économique. Suivant cette approche, puisque l’employeur contrôle les avantages économiques et les conditions de travail, seule sa conduite pourrait donc constituer de la discrimination « relativement à [l’]emploi ».

[42] Soit dit en tout respect, cette approche ne rend pas compte de la réalité de l’exercice du pouvoir en milieu de travail. Tout d’abord, même sans être employeurs, certaines personnes peuvent exercer un pouvoir économique sur les employés. En effet, on pourrait prétendre que celui qui fréquente régulièrement un restaurant, par exemple, peut exercer une contrainte économique sur un serveur avec les pourboires. Si l’exercice d’un pouvoir économique est au cœur du concept de discrimination « relativement à [l’]emploi », alors, cette relation, elle aussi, devrait être comprise dans son champ d’application.

[43] Fait plus important, le contrôle sur le plan économique n’est toutefois qu’une façon pour une personne d’exercer un pouvoir sur une autre. Les hommes peuvent exercer un pouvoir genré sur les femmes, les blancs un pouvoir à caractère racial sur les personnes appartenant aux minorités visibles. L’exploitation de la hiérarchie fondée sur les identités pour perpétuer la discrimination à l’endroit de groupes marginalisés peut être tout aussi dommageable pour un employé que la subordination économique. En effet, les objets du Code qui y sont énumérés portent expressément au‑delà du retrait des barrières [traduction] « économiques » à la participation à la vie de la société et visent aussi l’élimination des barrières « sociales, politiques et culturelles » : al. 3a).

[44] Certes, ces exemples ne se limitent pas au contexte de l’emploi. Ils sont toutefois exacerbés dans ce contexte où le plaignant est particulièrement vulnérable. C’est le cas parce que, dans le contexte de leur travail, les employés sont captifs de ceux qui cherchent à faire preuve de discrimination à leur endroit. Certains passages des motifs de la Cour d’appel illustrent d’ailleurs cet argument. Au par. 33, le juge Willcock tente d’établir une distinction entre la discrimination « relativement à [l’]emploi » et [traduction] « les commentaires [. . .] irréfléchis faits par des personnes qu[e l’on] côtoient au quotidien », et il le fait en soutenant que ces commentaires « peuvent être évités dans la rue par ceux qui en sont la cible sans crainte de conséquences financières en lien avec leur emploi ». Peut‑être, mais cela ne fait que mettre en lumière la vulnérabilité unique des employés dans le contexte de leur travail. Qu’un serveur soit harcelé par le propriétaire d’un restaurant ou par le gérant d’un bar, par un collègue ou par un client régulier et estimé, il est néanmoins harcelé dans une situation à laquelle il ne peut pas échapper simplement en poursuivant son chemin.

B. L’économie du Code

[45] L’obligation d’interpréter le texte législatif d’une façon [traduction] « qui s’harmonise avec l’économie de la loi » favorise l’interprétation large de l’al. 13(1)b) que je propose : Driedger, p. 87. Guidés par ce principe moderne, les tribunaux doivent s’abstenir d’interpréter des dispositions précises isolément; les dispositions individuelles doivent plutôt être examinées au regard de l’ensemble de la loi, chaque disposition servant à interpréter le sens donné aux autres dispositions : voir Sullivan, § 13.3. Cette règle garantit que les lois sont interprétées comme des déclarations législatives cohérentes. À cet égard, [traduction] « [l]e législateur est présumé ne pas utiliser de mots superflus ou dénués de sens, ne pas se répéter inutilement, ni s’exprimer en vain » : ibid, § 8.23.

[46] Cette présomption doit jouer un rôle dans notre interprétation de manière à ce qu’aucune disposition du Code ne soit « interprétée de façon telle qu’elle devienne superfétatoire » : R. c. Proulx, 2000 CSC 5, [2000] 1 R.C.S. 61, par. 28. Pourtant, tel serait précisément le résultat si nous adoptions l’interprétation proposée par M. Schrenk. Il en est ainsi parce que l’al. 13(1)b) comporte deux interdictions disjonctives : la première porte sur la discrimination relative à [traduction] l’« emploi »; la seconde sur la discrimination relativement « aux modalités d’emploi ». À mon avis, cela suggère que la première vise la discrimination contre les employés en général, tandis que la seconde vise la discrimination par les employeurs spécifiquement, puisque seuls ces derniers exercent un contrôle sur les modalités de l’emploi. On pourrait soutenir que limiter la discrimination « relativement à [l’]emploi » aux circonstances où l’employeur agit de telle sorte qu’une discrimination qui perdure soit une « condition » d’emploi — que ce soit par ses propres actions ou par son inaction face à la discrimination dont des tiers font preuve — la rendrait redondante au regard de la discrimination « relativement aux modalités d’emploi », contrairement à la présomption de non‑redondance : Code, al. 13(1)b). Bien que cette conclusion ne soit pas décisive en elle‑même, elle favorise l’interprétation large que je propose.

[47] L’examen de la structure répétitive du libellé du Code renforce davantage l’interprétation de l’al. 13(1)b) voulant qu’il s’applique au‑delà des relations employeur‑employé. Plus particulièrement, lorsque le Code vise à limiter la catégorie d’acteurs à qui s’applique une interdiction précise, il utilise une formulation précise plutôt que d’interdire à une « personne » d’avoir une conduite discriminatoire. Par exemple, l’art. 12 du Code limite expressément aux [traduction] « employeur[s] » la catégorie d’acteurs qui peuvent faire preuve de discrimination relativement aux salaires. De la même façon, l’art. 14 interdit spécifiquement aux « syndicat[s], association[s] d’employeurs ou association[s] professionnelle[s] » de faire preuve de discrimination en lien avec divers aspects de l’appartenance au syndicat. L’usage contrastant du mot général « personne » avec ces mots précis porte à croire que l’interdiction de la discrimination « relativement à [l’]emploi » prévue à l’al. 13(1)b) ne s’applique pas qu’aux employeurs. Soit dit en tout respect, je ne partage par le point de vue de la Juge en chef selon lequel le mot « personne » qui figure au par. 13 « n’a aucune incidence sur le champ d’application de la disposition » : par. 110. Cela me semble irréconciliable avec le fait que, lorsque le législateur a cherché à restreindre l’applicabilité de l’interdiction aux « employeurs », il l’a fait de manière explicite.

[48] Enfin, la structure du Code favorise une approche qui considère l’emploi comme un contexte qui requiert de remédier à l’exploitation de la vulnérabilité plutôt que comme une relation qui nécessite une protection unidirectionnelle. Selon la Juge en chef, l’économie du Code reflète une intention de protéger deux choses : premièrement, des relations spécifiques — soit, celles qui unissent les clients et les propriétaires d’entreprises (art. 8), les propriétaires et les locataires (art. 10), ainsi que les employeurs et les employés (art. 13) — et deuxièmement, les communications publiques — c.‑à‑d. les publications discriminatoires (art. 7) et les offres d’emploi (art. 11). À mon avis, toutefois, l’angle contextuel rend mieux compte de l’économie des art. 7 à 14 parce qu’il explique complètement la logique qui sous‑tend ces dispositions du Code. En effet, elles traitent toutes de contextes de vulnérabilité dans lesquels peuvent survenir de la « discrimination » (qui, selon la définition qu’en donne l’article premier, s’applique à tous ces contextes); une affirmation qui s’applique aux art. 7 et 11. Les publications discriminatoires sont interdites par l’art. 7, non pas parce qu’elles sont publiques, mais parce que les groupes minoritaires sont particulièrement vulnérables eu égard aux discours haineux dans le contexte de la publication. Il en va de même pour le contexte des offres d’emploi discriminatoires (art. 11) qui sont, elles aussi, diffusées publiquement.

[49] La Juge en chef affirme au contraire que l’économie des art. 7 à 14 vise deux choses : certaines relations et communications publiques. Quant à ces dernières, elle soutient que le Code « n’[est] pas censé[. . .] régir des actes privés de discrimination entre particuliers » : par. 117. Or, cette affirmation n’est pas compatible avec ce qu’elle concède être des relations visées par le Code. Les interactions qui ont cours dans les contextes relatifs aux logements (art. 8), à la propriété (art. 9), aux contrats locatifs (art. 10), aux salaires équitables (12) et à l’emploi (art. 13) sont toutes de nature « privée », en ce sens qu’elles interviennent sans le concours de l’État et qu’elles peuvent survenir discrètement. Cela étant, pour que l’économie du Code constitue un tout harmonieux, il faut interpréter les art. 7 à 14 comme décrivant des contextes de vulnérabilité et non pas des actes discriminatoires exclusivement publics (art. 7 et 11), puisqu’il ne fait aucun doute que le Code vise également des actes privés (art. 8 à 10, 12 et 13).

C. Les objets du Code

[50] Le principe moderne d’interprétation exige que les tribunaux abordent le texte de la loi de la manière qui reflète le mieux les objets qui la sous‑tendent. Ce raisonnement découle de l’obligation qui incombe aux tribunaux d’interpréter les mots d’une loi d’une façon qui s’harmonise avec son objet et avec l’intention du législateur. Comme le note la professeure Sullivan, [traduction] « [d]ans la mesure où le libellé du texte le permet, les interprétations qui sont conformes à l’objet de la loi ou qui favorisent la réalisation de cet objet devraient être adoptées, tandis que les interprétations qui contrecarrent ou minent l’objet de la loi devraient être évitées » : Sullivan, § 9.3.

[51] L’énoncé clair des objets prévus dans le Code doit guider notre interprétation de l’al. 13(1)b) :

[traduction]

3 Le présent Code a pour objets :

(a) de favoriser l’existence en Colombie‑Britannique d’une société dépourvue d’obstacle à la participation pleine et libre à la vie économique, sociale, politique et culturelle de cette province;

(b) de favoriser un climat de compréhension et de respect mutuel où tous ont la même dignité et les mêmes droits;

(c) de prévenir la discrimination interdite par le présent Code;

(d) de déceler et éliminer les formes d’inégalité persistantes liées à la discrimination interdite par le présent code;

(e) de fournir un recours aux personnes qui sont victimes de discrimination contrairement au présent Code.

[52] Il s’agit là d’un objectif ambitieux qui milite en faveur d’une interprétation large et non restrictive des mots « relativement à [l’]emploi » utilisés à l’al. 13(1)b). D’ailleurs, rien dans les objets énoncés du Code ne suggère que l’application de l’al. 13(1)b) devrait se limiter aux relations formelles d’emploi ou à celles qui ressemblent à une relation d’emploi en raison du contrôle économique et de la dépendance entre les parties. Les objets énoncés ne suggèrent pas non plus que le régime législatif devrait servir à remédier seulement à la discrimination pouvant découler en milieu de travail des inégalités de pouvoir sur le plan économique, tandis que les autres types de harcèlement discriminatoire pourraient y persister en toute impunité.

[53] Une vision nuancée de la discrimination sous‑tend la conclusion selon laquelle un des objets de l’al. 13(1)b) est de protéger les employés de l’atteinte à la dignité que cause un comportement discriminatoire en milieu de travail. Certes, les personnes ayant un pouvoir formel peuvent faire preuve de discrimination contre les employés lorsqu’elles prennent des décisions relatives à l’embauche, à l’avancement, aux mesures disciplinaires et à la résiliation des contrats d’emploi — si ces décisions sont fondées sur une caractéristique protégée. Il serait toutefois superficiel de conclure que les employeurs et les autres supérieurs sont les seuls qui peuvent faire preuve de discrimination « relativement à [l’]emploi ». Bien que la discrimination exercée par un employeur soit particulièrement insidieuse pour les raisons invoquées par la Cour d’appel — en ce qu’elle exploite une inégalité de pouvoir sur le plan économique — d’autres formes de comportement peuvent constituer de la discrimination « relativement à [l’]emploi », même en l’absence d’un tel pouvoir.

[54] J’ajoute que le Code n’a pas comme seul objet de prévenir la discrimination. Il vise également à [traduction] « favoriser un climat de compréhension et de respect mutuel où tous ont la même dignité et les mêmes droits » et à « fournir un recours aux personnes qui sont victimes de discrimination contrairement au présent Code » : al. 3b) et e). L’interprétation du Code que préconise la Juge en chef va à l’encontre de ces objectifs, puisqu’elle attribue la responsabilité de la protection des droits de la personne exclusivement à ceux qui exercent l’autorité officielle dans la relation d’emploi. Elle comporte également le risque que les victimes de discrimination ne disposent d’aucun recours dans de nombreuses situations. Selon une approche étroite, l’employeur serait l’unique responsable de faire en sorte que le milieu de travail soit exempt de discrimination. Autrement dit, si un employé est victime de discrimination de la part d’un collègue, il ne pourrait, en vertu du Code, intenter un recours que contre son employeur. Cela obligerait ce dernier à intervenir en imposant des mesures disciplinaires à l’auteur de la faute ou en mettant fin à son emploi, par exemple, mais l’employé visé par le comportement discriminatoire ne pourrait pas intenter directement de recours contre l’auteur de la faute.

[55] Cette interprétation étroite découlerait apparemment du fait que la discrimination n’est « relative[. . .] à l’emploi » que lorsqu’elle est le fait de l’employeur — ou, à tout le moins, tolérée par lui. Puisque ce dernier est le seul acteur à posséder un pouvoir formel dans le cadre de la relation d’emploi, il serait le seul à pouvoir être tenu responsable s’il faillit à prévenir la discrimination ou à en réparer les effets. Cela ne pose pas de problème pour la Juge en chef selon qui « il y aura toujours une entité dans tout contexte de travail qui est responsable de faire en sorte que les travailleurs jouissent d’un milieu exempt de discrimination » : par. 123. C’est pourquoi elle conclut que l’al. 13(1)b) ne « s’attaque [qu’] aux personnes responsables d’intervenir lors des incidents en question et d’y mettre fin » : par. 123. Soit dit en tout respect, cette vision étroite ne permet pas d’atteindre les objectifs de réparation du Code (et, dans le contexte de la discrimination en matière d’emploi, ne tient pas compte de la façon dont le Code « s’attaque » aux « personne[s] » et non aux « personnes responsables d’intervenir » : par. 13(1)). Par exemple, que pourrait faire un employé lorsque son employeur n’a aucun pouvoir disciplinaire à l’égard de l’auteur de la faute? Que se passerait‑il lorsque, comme en l’espèce, l’auteur de la faute et l’employé n’ont pas le même employeur? Si on se fondait sur l’interprétation étroite, l’auteur fautif échapperait à toute responsabilité découlant de l’al. 13(1)b) et le plaignant se retrouverait sans recours.

[56] À mon avis, même si la personne qui exerce un contrôle sur l’emploi du plaignant peut être principalement responsable de s’assurer que le milieu de travail est exempt de discrimination — une responsabilité reconnue au par. 44(2) du Code — il ne s’ensuit pas que la personne ayant une relation de contrôle et de dépendance avec le plaignant est exclusivement responsable de l’atteinte des objectifs du Code. Ces objectifs ambitieux exigent que les auteurs individuels de discrimination soient tenus responsables de leurs actes. Cela signifie que, en plus d’intenter une action contre son employeur, le plaignant peut aussi intenter un recours contre l’auteur individuel de la discrimination, ce qui est particulièrement pertinent lorsque le collègue continue à agir de manière discriminatoire malgré toutes les mesures prises par l’employeur pour qu’il cesse d’agir de la sorte.

[57] L’exemple suivant illustre les conséquences pratiques qui découleraient de l’adoption d’une approche étroite qui se concentrerait uniquement sur le comportement discriminatoire des employeurs. Voyons le cas d’un employé qui subit pendant des années le harcèlement discriminatoire dont se rend coupable un collègue en secret, de telle sorte que l’employeur n’en connaît pas l’existence, même s’il supervise le lieu de travail avec diligence. Suivant l’approche étroite, il ne pourrait s’agir de discrimination « relativement à [l’]emploi » puisque l’employeur ne serait pas conscient du problème de discrimination et il ne pourrait donc pas lui être reproché de ne pas intervenir. Il en découlerait une conséquence pernicieuse, soit que, dans la mesure où l’employeur aurait fait preuve d’une diligence raisonnable, le Tribunal pourrait conclure à l’absence de discrimination « relativement à [l’]emploi » à l’endroit du plaignant pour la période précédant le moment où il a trouvé le courage de rapporter les années d’abus que lui a fait subir son collègue.

[58] L’interprétation étroite aurait pour conséquence de laisser un nombre de recours restreints à l’employé. Dès lors qu’il est informé du comportement discriminatoire, on présume que l’employeur va prendre des mesures disciplinaires à l’endroit du collègue qui a harcelé le plaignant durant de nombreuses années, voire même le congédier. Le Tribunal peut toutefois aller plus loin. Il peut, à l’instar de l’employeur, ordonner que le fautif mettre fin à son comportement discriminatoire : Code, al. 37(2)a). Il pourrait toutefois aussi lui ordonner de [traduction] « réparer » le tort causé par son comportement discriminatoire : sous‑al. 37(2)c)(i); ordonner au fautif d’indemniser le plaignant : sous‑al. 37(2)d)(iii); et déclarer le comportement discriminatoire, ce qui peut avoir un poids symbolique : al. 37(2)b). Ces mesures de réparation vont au‑delà de celles que peut adopter un employeur et favorisent la réalisation des objectifs du Code.

[59] En définitive, une approche fondée sur les relations ne laisserait aux plaignants que trop peu de recours et restreindrait l’éventail des acteurs qui pourraient être tenus responsables de leur conduite. Elle aurait en outre pour conséquence regrettable que les fautifs, comme M. Schrenk, pourraient être à l’abri d’un recours en responsabilité devant le Tribunal uniquement parce qu’ils n’ont pas le même employeur que la victime qu’ils harcèlent. En revanche, l’approche contextuelle que je propose permet aux employés d’intenter un plus vaste éventail de recours devant le Tribunal. Cela est conforme aux objectifs de réparation du Code. Dans la mesure où tant l’interprétation fondée sur les relations de l’expression « relativement à [l’]emploi » que celle fondée sur les contextes sont plausibles, l’approche interprétative énoncée dans notre jurisprudence relative aux droits de la personne favorise la plus généreuse des deux.

D. L’historique législatif de l’alinéa 13(1)b)

[60] Il est bien établi qu’on peut se fonder sur l’historique législatif d’une loi pour orienter l’interprétation de ses termes : Gravel c. Cité de St‑Léonard, [1978] 1 R.C.S. 660; voir aussi R. c. Ulybel Enterprises Ltd., 2001 CSC 56, [2001] 2 R.C.S. 867, par. 33. L’évolution législative d’un texte de loi fait partie du « contexte global » dont il faut tenir compte dans le cadre de l’approche moderne d’interprétation des lois : Merk c. Association internationale des travailleurs en ponts, en fer structural, ornemental et d’armature, section locale 771, 2005 CSC 70, [2005] 3 R.C.S. 425, par. 28. Dans le cas qui nous occupe, l’historique législatif de l’art. 13 favorise l’interprétation large du champ d’application de l’al. 13(1)b).

[61] L’historique législatif du Code est particulièrement instructif puisqu’il suggère que la législature de la Colombie‑Britannique a graduellement élargi l’éventail des parties à qui il est interdit de faire preuve de discrimination relativement à [l’]emploi. En 1969, l’interdiction visant la discrimination [traduction] « en matière d’emploi » (« in regard to employment ») dans ce qui était à l’époque la loi intitulée Human Rights Act, S.B.C. 1969, c. 10, ne s’appliquait qu’à l’« employeur » : art. 5. La définition de ce mot comprenait « tout agent, personne, société, corporation, gérant, représentant, entrepreneur ou sous‑entrepreneur qui a, directement ou indirectement, la charge ou la responsabilité de l’emploi d’une personne » : al. 2d). En 1973, la définition d’employeur a été supprimée, et celle d’emploi a été ajoutée : Human Rights Code of British Columbia Act, S.B.C. 1973, c. 119, art. 1. À ce stade, les employeurs étaient les seules parties à qui il était spécifiquement interdit de faire preuve de discrimination relativement à [l’]emploi. Cette situation a changé en 1984 lorsque l’interdiction a été élargie à toute [traduction] « personne agissant pour son compte ou pour le compte d’autrui » : Human Rights Act, S.B.C. 1984, c. 22, art. 8.

[62] En 1992, une modification essentielle a été adoptée : la loi a été modifiée pour interdire à une [traduction] « personne » de faire preuve de discrimination à l’égard d’une autre personne « en matière d’emploi » (« with respect to employment ») : Human Rights Amendment Act, 1992, S.B.C. 1992, c. 43, art. 6. En 1996, le texte de cette disposition a été changé à « relativement à [l’]emploi » (« regarding employment ») (al. 13(1)b)) lors de l’entrée en vigueur du Code qui est toujours en vigueur. Cet historique illustre l’élargissement de l’éventail des parties assujetties aux recours prévus dans le Code pour discrimination, qui est passé de [traduction] « toute personne [. . .] qui a [. . .] la charge ou la responsabilité de l’emploi d’une personne » à « personne ».

[63] Bien que l’historique législatif du Code ne soit pas déterminant, il tend fortement à indiquer que la législature de la Colombie‑Britannique avait l’intention d’élargir le champ d’application de l’al. 13(1)b) lorsqu’elle a supprimé le mot [traduction] « employeur » et l’a remplacé par le terme beaucoup plus large « personne ». La présomption voulant que la modification législative soit faite dans un but précis étaye cette conclusion : Sullivan, § 23.22. L’évolution du libellé de l’al. 13(1)b) indique l’intention du législateur d’élargir plutôt que de restreindre la responsabilité de faire en sorte que le milieu de travail soit exempt de discrimination à tous ceux qui sont dans une position où ils peuvent faire preuve de discrimination relativement à l’emploi d’une autre personne.

E. La pertinence de l’arrêt McCormick

[64] Selon l’interprétation proposée par M. Schrenk et adoptée par la Cour d’appel, les mots « relativement à [l’]emploi » limitent le champ d’application de l’al. 13(1)b) aux relations définies par le contrôle (de la part de l’auteur de la discrimination) et la dépendance (de la part du plaignant). Autrement dit, pour que la plainte tombe sous le coup de l’al. 13(1)b), il est nécessaire que l’auteur de la discrimination exerce un contrôle sur le plaignant et que, corolairement, celui‑ci soit dans une situation de dépendance par rapport à l’auteur de la discrimination. Cette limite, selon l’intimé, découle du fait que seule la personne qui contrôle l’emploi du plaignant peut faire preuve de discrimination relativement à cet emploi. Il s’ensuit selon lui que les recours en application du par. 13 ne s’appliquent que contre les personnes qui sont dans une position de pouvoir officiel ou économique par rapport au plaignant, soit son employeur ou ses supérieurs. Pour cette raison, M. Schrenk se fonde sur les facteurs énoncés dans McCormick pour déterminer s’il entretenait une relation de contrôle et de dépendance avec M. Sheikhzadeh‑Mashgoul et, par conséquent, pour déterminer si leur relation était de celles qui tombent sous le coup de l’al. 13(1)b).

[65] Une telle application de l’arrêt McCormick est malavisée. L’interprétation de la « relation d’emploi » exposée au par. 23 de ce jugement a été utilisée pour établir si la personne qui aurait subi de la discrimination était dans une relation d’emploi pour l’application du Code. Autrement dit, McCormick a indiqué qui sont les personnes qui jouissent de la protection offerte par l’art. 13 du fait qu’elles sont des employées. Cependant, une fois qu’il est établi que le plaignant est un employé, l’arrêt McCormick n’aborde pas la question de savoir qui peut être considéré comme l’auteur de la discrimination relativement à l’emploi.

[66] La Juge en chef semble adopter un point de vue semblable à celui de M. Schrenk lorsqu’elle affirme que McCormick « a confirmé que la nature de la relation entre le plaignant et le défendeur est décisive pour juger de l’application ou non de l’al. 13(1)b) » : par. 130. Soit dit en tout respect, l’approche fondée sur le contexte que je propose n’écarte pas cet examen de la relation entre les protagonistes; elle ne fait qu’appliquer cet examen comme l’a fait la Cour dans McCormick : au plaignant potentiel. Cet arrêt requiert en effet un examen de la relation, mais uniquement en ce qui a trait à la personne qui peut souffrir de discrimination dans le cadre du travail, et non à celle qui peut s’en rendre coupable. Dans McCormick, la Cour conclut que celui qui n’est pas un employé au sens du Code ne peut subir de discrimination dans le cadre de l’emploi : par. 45‑46. Elle ne conclut pas que seuls les employeurs peuvent faire preuve de discrimination dans le cadre de l’emploi. Cela découle du fait que c’est la vulnérabilité associée au statut d’employé qui justifie la protection législative particulière prévue au Code. L’approche contextuelle que je propose est compatible avec McCormick dans la mesure où cet arrêt limite la protection que confère l’al. 13(1)b) aux employés.

F. Conclusion sur le champ d’application de l’alinéa 13(1)b)

[67] À la lecture du Code conformément au principe moderne d’interprétation législative et aux règles particulières qui s’appliquent à l’interprétation de la législation en matière de droits de la personne, je conclus que l’al. 13(1)b) interdit la discrimination envers les employés dès lors que cette dernière a un lien suffisant avec le contexte d’emploi. Pour déterminer si un comportement discriminatoire a un tel lien suffisant, le Tribunal doit procéder à une analyse contextuelle qui tient compte de toutes les circonstances pertinentes. Les facteurs qui peuvent éclairer cette analyse comprennent le fait de savoir : 1) si le défendeur faisait partie intégrante du milieu de travail du plaignant; 2) si la conduite reprochée a été adoptée sur le lieu de travail du plaignant; et, 3) si le comportement a nui à l’emploi du plaignant ou à son environnement de travail. Cette liste de facteurs n’est pas exhaustive et l’importance relative de chacun d’entre eux dépend des circonstances. À mon avis, cette interprétation contextuelle favorise la réalisation des objets du Code en reconnaissant que la vulnérabilité des employés découle non seulement de leur subordination à leur employeur sur le plan économique, mais aussi du fait qu’ils ne peuvent échapper aux personnes qui font preuve de discrimination, comme un collègue harceleur.

[68] Dans cette optique, je ne conteste pas l’opinion selon laquelle le fait de savoir si la discrimination se manifeste « en milieu de travail » ou est « reliée ou associée à [l’] emploi [du plaignant] » peut être pertinent pour la qualifier de discrimination « relativement à [l’]emploi » : motifs de la juge Abella, par. 74. Je suis toutefois d’avis que des conclusions uniquement à cet effet ― sans qu’il y ait un lien suffisant avec le contexte d’emploi ― ne permettraient pas de conclure à l’existence de discrimination relativement à l’emploi.

[69] En appliquant à la présente affaire cette approche fondée sur le contexte, je conclus que la conduite reprochée à M. Schrenk est visée par l’al. 13(1)b). En tant que contremaître du chantier, il faisait inévitablement partie intégrante du milieu de travail de M. Sheikhzadeh‑Mashgoul. En dénigrant ce dernier sur la base de la religion, du lieu d’origine et de l’orientation sexuelle, le comportement discriminatoire de M. Schrenk a eu une incidence néfaste sur le milieu de travail puisqu’il a forcé M. Sheikhzadeh‑Mashgoul à subir des affronts répétés à sa dignité. Ce comportement constituait de la discrimination relativement à l’emploi : il a été adopté contre un employé par une personne qui faisait partie intégrante du contexte de son travail. La plainte de M. Sheikhzadeh‑Mashgoul relevait donc de la compétence du Tribunal d’examiner une plainte fondée sur l’al. 13(1)b) du Code.

VII. Dispositif

[70] Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi et de confirmer la décision du Tribunal. Puisqu’aucune partie n’a sollicité de dépens, je n’en adjugerai pas.

Version française des motifs rendus par

La juge Abella —

[71] Mohammedreza Sheikhzadeh‑Mashgoul est un ingénieur civil qui a fait l’objet de commentaires et de courriels dénigrants concernant son lieu d’origine, sa religion et son orientation sexuelle, de la part d’Edward Schrenk, qui travaillait pour un employeur différent, mais sur le même chantier de construction. M. Sheikhzadeh‑Mashgoul a déposé une plainte auprès du British Columbia Human Rights Tribunal contre M. Schrenk et son employeur, Clemas Contracting Ltd., dans laquelle il alléguait avoir été victime de discrimination en matière d’emploi en contravention de l’al. 13(1)b) du Human Rights Code, R.S.B.C. 1996, c. 210.

[72] M. Schrenk et son employeur ont présenté une demande de rejet de la plainte en application de l’al. 27(1)a)[1] du Code, sur la base que le Tribunal n’avait pas compétence à l’égard de la plainte. Selon eux, puisque M. Schrenk ne se trouvait pas dans une position d’autorité par rapport à M. Sheikhzadeh‑Mashgoul, sa conduite ne pouvait pas constituer de la discrimination [traduction] « relativement à [l’]emploi » au sens de l’al. 13(1)b).

[73] La question en l’espèce est celle de savoir s’il peut y avoir discrimination en matière d’emploi aux termes du Code lorsque le harceleur ne se trouve pas dans une situation d’autorité par rapport au plaignant. J’ai pris connaissance des motifs du juge Rowe et je souscris à sa conclusion, mais, avec égard, j’adopterais une approche différente. Il me semble que l’analyse qu’il faut faire en l’espèce requiert de se pencher sur ce que représente la discrimination en matière d’emploi d’une manière qui soit compatible avec nos principes bien établis en droit de la personne et qui en découle, et non uniquement en fonction du libellé particulier du Code de la Colombie‑Britannique.

[74] Appliquer ces principes amène, selon moi, à conclure qu’un employé est protégé contre la discrimination reliée ou associée à son emploi, y compris contre le harcèlement humiliant et dégradant en milieu de travail, qu’il ou elle se retrouve ou non dans une situation d’autorité. Le Tribunal, en conséquence, a compétence pour entendre la plainte.

Contexte

[75] M. Sheikhzadeh‑Mashgoul, qui est musulman, a quitté l’Iran pour s’établir au Canada. Il travaille pour le cabinet d’ingénierie Omega and Associates Engineering Ltd., qui a été engagée par la municipalité de Delta pour fournir des services d’ingénieurs‑conseils relativement à des travaux de réfection d’une route. M. Sheikhzadeh‑Mashgoul était responsable de superviser les travaux effectués en sous‑traitance par Clemas, qui avait embauché M. Schrenk comme contremaître du chantier.

[76] M. Sheikhzadeh‑Mashgoul se plaint de nombreux commentaires offensants formulés par M. Schrenk pendant les travaux concernant son lieu d’origine, sa religion et son orientation sexuelle. Quand il a appris la religion et le lieu d’origine de M. Sheikhzadeh‑Mashgoul, M. Schrenk lui a demandé : [traduction] « Tu vas pas nous faire sauter dans un attentat suicide hein? » Il a aussi poussé M. Sheikhzadeh‑Mashgoul et l’a traité de « sale musulman de merde » en présence d’autres employés de Clemas. Au moment où M. Sheikhzadeh‑Mashgoul était sur le point d’appeler son superviseur à la suite d’un vif échange avec M. Schrenk, ce dernier lui a demandé : « Vas‑tu appeler ton ami gay? »

[77] M. Sheikhzadeh‑Mashgoul a rencontré des représentants d’Omega, de Clemas et de Delta, y compris M. Schrenk, moment lors duquel les participants ont convenu que si M. Schrenk ne modifiait pas son comportement, il serait renvoyé du chantier. M. Schrenk a néanmoins continué à agir comme il l’avait fait, disant à M. Sheikhzadeh‑Mashgoul : [traduction] « Retourne à la mosquée d’où tu viens ». Même après avoir été renvoyé du chantier, M. Schrenk a continué à harceler M. Sheikhzadeh‑Mashgoul en lui envoyant des courriels offensants. En conséquence, Clemas a décidé de congédier M. Schrenk.

[78] M. Sheikhzadeh‑Mashgoul a déposé une plainte auprès du Tribunal contre M. Schrenk, Clemas et Delta, dans laquelle il alléguait avoir été victime de discrimination en matière d’emploi. Par la suite, il a retiré sa plainte contre Delta. M. Schrenk et Clemas ont tous deux présenté une demande de rejet de la plainte en application de l’al. 27(1)a), alléguant que le Tribunal n’avait pas compétence.

[79] Dans une décision de Walter Rilkoff, le Tribunal a conclu qu’il avait compétence à l’égard de la plainte. De l’avis du Tribunal, l’interdiction visant la discrimination en matière d’emploi s’applique aux [traduction] « personne[s] », et ne se limite pas à ceux qui entretiennent une relation d’emploi directe avec le plaignant ou qui exercent un contrôle sur celui‑ci.

[80] En Cour suprême de la Colombie‑Britannique, la juge Brown a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Schrenk. À son avis, la question n’était pas de savoir si M. Sheikhzadeh‑Mashgoul avait une relation d’emploi avec M. Schrenk et Clemas, mais plutôt de savoir s’il avait fait l’objet de discrimination relativement à son emploi. Une interprétation plus étroite du Code serait contraire au bon sens et à la situation actuelle relative à l’emploi.

[81] La Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a accueilli l’appel de M. Schrenk dans une décision unanime : (2016), 400 D.L.R. (4th) 44. Elle était en désaccord avec l’analyse du Tribunal, concluant plutôt que la discrimination en matière d’emploi peut seulement se produire si une personne se trouve dans une situation d’autorité et peut obliger le plaignant à subir cette conduite comme condition d’emploi. En l’absence d’une telle autorité, le Tribunal peut [traduction] « se demander si l’employeur du plaignant a joué un certain rôle en permettant la conduite », mais il n’a pas compétence à l’égard du contrevenant individuel.

[82] Avec égards, il n’est pas nécessaire que le harceleur se trouve dans une situation d’autorité pour qu’il soit assujetti à la compétence du Tribunal. M. Schrenk se fonde sur McCormick c. Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L./s.r.l., [2014] 2 R.C.S. 108, pour faire valoir que l’existence d’une relation de contrôle et de dépendance entre le plaignant et le défendeur est déterminante.

[83] L’arrêt McCormick portait sur la question de savoir s’il peut y avoir discrimination en matière d’emploi lorsque le plaignant a lui‑même rédigé la condition d’emploi contractuelle dont il se plaint et qu’il y a souscrit. Dans un contexte de harcèlement, l’analogie directe serait celle d’une situation où un harceleur prétendrait être la victime d’un environnement de travail discriminatoire alors que c’est sa propre conduite qui aurait empoisonné le milieu de travail. L’arrêt McCormick ne visait pas à limiter la compétence du Tribunal seulement aux situations où un traitement discriminatoire est infligé par quelqu’un en position d’autorité.

[84] Je conviens avec le Tribunal et la Cour suprême de la Colombie‑Britannique que le Tribunal a compétence pour examiner la plainte.

Analyse

[85] Il est bien établi que le Code a un caractère quasi constitutionnel et devrait être interprété généreusement afin de permettre la réalisation de ses vastes objectifs d’intérêt public : Winnipeg School Division No. 1 c. Craton, [1985] 2 R.C.S. 150; Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons‑Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, p. 547. Ces objectifs incluent la protection des personnes contre les traitements préjudiciables fondés sur des caractéristiques collectives protégées; bref, déceler et éliminer les actes discriminatoires : Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84, p. 92; McCormick, par. 18. Cet objectif ambitieux est énoncé à l’art. 3[2] du Code et est appliqué dans le contexte de l’emploi au moyen du par. 13(1), qui énonce :

[traduction]

Discrimination en matière d’emploi

13 (1) Une personne ne peut

a) soit refuser d’employer ou de continuer d’employer une personne,

b) soit faire preuve de discrimination envers une personne relativement à son emploi ou aux modalités de son emploi,

du fait de sa race, de sa couleur, de son ascendance, de son lieu d’origine, de ses opinions politiques, de sa religion, de son état matrimonial, de sa situation familiale, de ses déficiences mentales ou physiques, de son sexe, de son orientation sexuelle, de son identité ou expression de genre ou de son âge, ou en raison de sa déclaration de culpabilité à l’égard d’une infraction criminelle ou d’une infraction punissable par procédure sommaire qui n’ont aucun rapport avec l’emploi actuel ou envisagé de la personne en question.

[86] La présente affaire fait intervenir l’al. 13(1)b). Le point de départ de l’analyse de la discrimination est le test de discrimination prima facie énoncé dans l’arrêt Moore c. Colombie‑Britannique (Éducation), [2012] 3 R.C.S. 360, une affaire portant sur la discrimination dans la prestation de services éducatifs à des enfants ayant des troubles d’apprentissage. Ce test a récemment été réaffirmé dans un contexte d’emploi dans l’arrêt Stewart c. Elk Valley Coal Corp., [2017] 1 R.C.S. 591. En conséquence, dans le présent pourvoi, pour établir qu’il y a eu discrimination prima facie, M. Sheikhzadeh‑Mashgoul doit démontrer qu’il possède une caractéristique protégée par le Code, qu’il a subi un effet préjudiciable « relativement à son emploi », et que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable : Moore, par. 33.

[87] Les mots « relativement à son emploi » (« regarding employment ») ont reçu une interprétation large depuis la décision de la Cour dans Robichaud. Dans cet arrêt, le juge La Forest a interprété que l’expression « in the course of employment » utilisée dans le texte anglais de l’al. 7b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976‑77, c. 33, signifiait « relié aux fonctions ou à l’emploi », ou « relié de quelque manière à l’emploi » : p. 92 et 95. Le même sens a été donné à l’expression anglaise « in respect of employment » dans Janzen c. Platy Enterprises Ltd., [1989] 1 R.C.S. 1252, p. 1293. Cette interprétation s’applique tout autant en l’espèce. La question est donc de savoir si M. Sheikhzadeh‑Mashgoul a fait l’objet de discrimination, c’est‑à‑dire s’il a subi un effet préjudiciable relié à son emploi.

[88] Il ressort clairement de ce test que l’analyse relative à la discrimination a trait à l’effet sur le plaignant, et non à l’intention ou à l’autorité de la personne qui aurait eu une conduite discriminatoire. Cette insistance sur l’effet, et non sur l’intention, était la base sur laquelle, dans Stewart, la juge en chef McLachlin a refusé d’ajouter la nécessité de conclure à un processus décisionnel stéréotypé ou arbitraire au test servant à établir s’il y a une discrimination prima facie : par. 45.

[89] Les affaires de discrimination comportant du harcèlement en milieu de travail reposent aussi sur cette importance accordée à l’effet. Dans Janzen, le harcèlement sexuel a été défini de manière non exhaustive comme incluant la « conduite de nature sexuelle non sollicitée qui a un effet défavorable sur le milieu de travail ou qui a des conséquences préjudiciables en matière d’emploi pour les victimes du harcèlement » : p. 1284. L’essentiel consiste à savoir si ce harcèlement a [traduction] « un effet préjudiciable sur le milieu de travail du plaignant » : Michael Hall, « Racial Harassment in Employment: An Assessment of the Analytical Approaches » (2006‑2007), 13 C.L.E.L.J. 207, p. 212.

[90] L’alinéa 13(1)b) a pour objet de protéger les employés contre l’indignité de la conduite discriminatoire, qu’elle survienne verbalement ou autrement, dans un milieu de travail. La discrimination peut survenir et survient en l’absence d’inégalité de pouvoir économique. Son interprétation ne peut dépendre de hiérarchies techniques d’autorité qui sont susceptibles de faire échec aux objectifs des lois sur les droits de la personne. Bien que la discrimination en matière d’emploi soit bien souvent, comme on peut s’y attendre, axée sur la capacité des employeurs à faire subir une conduite discriminatoire aux plaignants comme condition d’emploi, toute personne a le droit d’être protégée contre la discrimination en milieu de travail, y compris celles qui sont en situation d’autorité.

[91] C’est ce qui ressort de la façon dont les dispositions législatives de la Colombie‑Britannique ont élargi l’éventail des personnes pouvant être tenues responsables de discrimination en matière d’emploi au‑delà des employeurs et de leurs représentants. L’alinéa 13(1)b), qui interdit maintenant à toute [traduction] « personne » de faire preuve de discrimination en matière d’emploi, est le résultat d’une série de modifications législatives. En 1969, seul [traduction] l’« employeur » était assujetti à l’interdiction de faire preuve de discrimination en matière d’emploi : Human Rights Act, S.B.C. 1969, c. 10, art. 5. En 1984, cette interdiction a été élargie à toute [traduction] « personne agissant pour son compte ou pour le compte d’autrui » : Human Rights Act, S.B.C. 1984, c. 22, art. 8. En 1992, cette interdiction a encore une fois été élargie pour interdire à toute [traduction] « personne » de faire preuve de discrimination en matière d’emploi : Human Rights Amendment Act, 1992, S.B.C. 1992, c. 43, art. 6. Il me semble qu’il s’agit là d’un indice clair que la législature voulait empêcher non seulement l’« employeur » de faire preuve de discrimination en matière d’emploi, mais aussi toute personne dans le milieu de travail.

[92] Cette approche répond à la réalité des milieux de travail modernes, dont bon nombre sont constitués de diverses structures organisationnelles qui peuvent comprendre différents employeurs et des relations de travail complexes. Le fait d’interdire à toutes les [traduction] « personne[s] » dans un milieu de travail de faire preuve de discrimination reconnaît que la prévention de la discrimination en matière d’emploi est une responsabilité qui incombe à tous ceux qui partagent un milieu de travail.

[93] Il n’y a aucun doute que les employeurs ont l’obligation et la capacité particulière de lutter contre la discrimination, mais cela n’empêche pas que des individus ayant une conduite discriminatoire puissent également être tenus responsables, peu importe s’ils se trouvent en situation d’autorité. Cela est d’autant plus vrai lorsque l’employeur ne réussit pas, malgré tous ses efforts, à régler la question ou, comme en l’espèce, lorsque la victime de la conduite discriminatoire se trouve elle‑même dans une situation comportant une certaine autorité. Le degré de contrôle et la capacité du harceleur à mettre fin à la conduite offensante sont manifestement pertinents, mais ces facteurs relèvent des fondements factuels, et non de la compétence du Tribunal en ce qui a trait à l’examen de la plainte.

[94] M. Sheikhzadeh‑Mashgoul allègue avoir été victime de harcèlement discriminatoire fondé sur son lieu d’origine, sa religion et son orientation sexuelle. Le fait que M. Schrenk ne se trouve pas dans une situation d’autorité par rapport à lui ne prive pas le Tribunal de sa compétence d’examiner la plainte fondée sur l’al. 13(1)b) pour déterminer si, à la lumière de la preuve, il y a eu discrimination.

[95] Le pourvoi est accueilli et la conclusion du Tribunal selon laquelle il avait compétence relativement à la plainte est rétablie. Les parties ont convenu de ne réclamer aucuns dépens.

Version française des motifs de la juge en chef McLachlin et des juges Côté et Brown rendus par

La juge en chef —

I. Introduction

[96] La question qui se pose dans le présent pourvoi est celle de savoir si l’interdiction relative à la discrimination en milieu de travail prévue à l’art. 13 du Human Rights Code, R.S.B.C. 1996, c. 210 de la Colombie‑Britannique, s’applique seulement aux relations employeurs‑employés et aux relations semblables. La Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a conclu par l’affirmative, et je souscris à cette opinion. En conséquence, je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

[97] Le paragraphe 13(1) du Code prescrit ce qui suit :

[traduction]

13 (1) Une personne ne peut

a) soit refuser d’employer ou de continuer d’employer une personne,

b) soit faire preuve de discrimination envers une personne relativement à son emploi ou aux modalités de son emploi;

du fait de sa race, de sa couleur, de son ascendance, de son lieu d’origine, de ses opinions politiques, de sa religion, de son état matrimonial, de sa situation familiale, de ses déficiences mentales ou physiques, de son sexe, de son orientation sexuelle, de son identité ou expression de genre ou de son âge, ou en raison de sa déclaration de culpabilité à l’égard d’une infraction criminelle ou d’une infraction punissable par procédure sommaire qui n’a aucun rapport avec l’emploi actuel ou envisagé de la personne en question.

[98] Le plaignant, M. Sheikhzadeh‑Mashgoul, a travaillé pour Delta, une municipalité en Colombie‑Britannique, sur un projet de réfection de routes à titre de représentant sur le chantier du cabinet d’ingénieurs‑conseils (Omega and Associates Engineering Ltd.). L’intimé, M. Schrenk, a travaillé sur le même projet comme contremaître pour le principal entrepreneur (Clemas Contracting Ltd.). Ils ont travaillé ensemble sur le même chantier, mais n’avaient pas le même employeur. Les allégations de discrimination à l’endroit de M. Sheikhzadeh‑Mashgoul concernaient des commentaires racistes et homophobes formulés par M. Schrenk sur le chantier. Le plaignant a avisé son employeur, Omega, qu’il était victime de harcèlement. Cette dernière a demandé à Clemas de renvoyer M. Schrenk du chantier, ce qu’elle a fait. Peu après, M. Schrenk a arrêté complètement de travailler sur ce projet. Il a tout de même continué à envoyer des courriels désobligeants au plaignant. Lorsque Clemas a été informé de l’existence de ces courriels, elle a congédié M. Schrenk.

[99] Le plaignant a présenté une plainte contre M. Schrenk, Delta et Clemas; toutefois, seule la plainte contre M. Schrenk est toujours pertinente. M. Schrenk a demandé le rejet de la plainte sans audience en application du par. 27(1) du Code, faisant valoir, notamment, qu’il n’y avait pas de relation d’emploi entre lui et le plaignant. Le British Columbia Human Rights Tribunal (« Tribunal ») a conclu que le champ d’application de l’art. 13 est large et ne se limite pas aux situations où il y a une relation semblable à une relation d’emploi, ce qui lui donnait compétence pour examiner la plainte : 2015 BCHRT 17. La Cour suprême de la Colombie‑Britannique a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Schrenk : 2015 BCSC 1342.

[100] La Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a infirmé ces décisions : 2016 BCCA 146, 400 D.L.R. (4th) 44. Elle a conclu que le Tribunal n’avait pas compétence pour examiner la plainte, parce que M. Schrenk et le plaignant n’entretenaient pas de relation d’emploi ou une relation semblable. La discrimination [traduction] « relativement à [l’]emploi » (« regarding employment ») dont il est question à l’al. 13(1)b) exige que l’auteur de la faute reprochée exerce un certain pouvoir ou contrôle sur le plaignant.

[101] Je souscris à cette opinion. La présente affaire repose entièrement sur l’interprétation de l’al. 13(1)b) du Code. Je conclus que la protection qu’offre cette disposition vise principalement la relation d’emploi — une relation entre un employeur et un employé ou une relation semblable. L’alinéa 13(1)b) permet que des plaintes soient portées contre les personnes responsables de faire en sorte que les milieux de travail sont exempts de discrimination. Cette conclusion est compatible avec le libellé, le contexte et l’objet de l’al. 13(1)b), ainsi qu’avec la jurisprudence.

II. Analyse

[102] La question est de savoir si le Tribunal a interprété correctement le par. 13(1) du Code.

[103] Pour interpréter une disposition législative comme le par. 13(1), la Cour doit examiner le texte ou les mots de la disposition, son contexte législatif et social, ainsi que son objet : Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27. Il est toujours utile de consulter les décisions judiciaires antérieures portant sur l’interprétation de la disposition. L’objectif ultime est d’établir quelle était l’intention du législateur. Les lois sur les droits de la personne devraient recevoir une interprétation large afin de permettre la réalisation de leurs objectifs axés sur le public : McCormick c. Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L./s.r.l., 2014 CSC 39, [2014] 2 R.C.S., 108, par. 17; Nouveau‑Brunswick (Commission des droits de la personne) c. Potash Corporation of Saskatchewan Inc., 2008 CSC 45, [2008] 2 R.C.S. 604, par. 65‑69. Cependant, l’interprétation doit tout de même être fondée sur le libellé des dispositions pertinentes : Université de la Colombie‑Britannique c. Berg, [1993] 2 R.C.S. 353, p. 371.

A. Libellé

[104] Globalement, le libellé de l’al. 13(1)b) appuie la conclusion selon laquelle la disposition vise la discrimination perpétrée par un employeur ou une personne qui entretient une relation semblable à une relation d’emploi avec le plaignant.

[105] L’alinéa 13(1)b) assure une protection contre la discrimination par une personne envers une autre relativement à son emploi, et qui est fondée sur les motifs protégés précisés. Les mots [traduction] « relativement à son emploi » et « personne » sont déterminants.

[106] L’article premier du Code définit comme suit les mots « emploi » et « personne » :

[traduction]

« emploi » s’entend notamment des relations commettant‑préposé, maître‑apprenti ou mandant‑mandataire, si une partie substantielle des services du mandataire a trait aux affaires d’un seul mandant, et le mot « employer » a un sens correspondant;

. . .

« personne » s’entend notamment d’un employeur, d’un bureau de placement, d’une association d’employeurs, d’une association professionnelle et d’un syndicat;

[107] Le segment de phrase de l’al. 13(1)b) — discrimination [traduction] « relativement à son emploi ou aux modalités de son emploi » — est à première vue assez général pour comprendre toute conduite relative à l’emploi dans le milieu de travail. Cela dit, il convient de souligner que le mot choisi n’est pas « milieu de travail », mais « emploi »; le premier ne comporte aucune connotation quant à l’existence d’une relation employeur‑employé, contrairement au second.

[108] L’article premier du Code définit le mot [traduction] « emploi » sous l’angle des relations : « “emploi” s’entend notamment des relations commettant‑préposé, maître‑apprenti ou mandant‑mandataire, si une partie substantielle des services du mandataire a trait aux affaires d’un seul mandant. . . ». De plus, bien que la définition commence par le mot « includes » (« s’entend notamment »), ce qui suggère que la liste qui suit n’est pas exhaustive, elle prévoit expressément que l’« emploi » ne comprend pas la relation entre un mandant et un mandataire si ce n’est pas une partie substantielle des services de ce mandataire qui a trait aux affaires de ce mandant. Cela tend à indiquer que c’est la nature ou l’étendue de la responsabilité à l’égard du travail ou du milieu de travail qui détermine qui peut faire preuve de discrimination « relativement à [l’]emploi » pour l’application de l’al. 13(1)b).

[109] En interprétant la définition du mot [traduction] « emploi » de l’article premier dans le contexte de l’expression « relativement à l’emploi » de l’al. 13(1)b), nous pouvons la reformuler comme suit : « relativement à toute activité découlant d’une relation commettant‑préposé, maître‑apprenti ou mandant‑mandataire, si une partie substantielle des services du mandataire a trait aux affaires d’un seul mandant ». L’« emploi » qui fait l’objet de la protection garantie par l’al. 13(1)b) est défini sous l’angle de la relation entre le plaignant et l’employeur, le commettant, le maître ou le mandant. Cela est logique. Les employeurs, commettants, maîtres, mandants ou leurs équivalents exercent tous un certain pouvoir et ont des responsabilités à l’égard du milieu de travail dans lequel évolue le plaignant. Si le législateur provincial avait voulu que l’al. 13(1)b) permette le dépôt de plaintes contre qui que soit dans un milieu de travail, il est difficile de comprendre pourquoi il aurait pris la peine d’utiliser le mot « emploi » plutôt que l’expression « milieu de travail » et de définir ensuite ce mot sous l’angle de la relation entre l’employeur et l’employé, le maître et l’apprenti, ou le mandant et le mandataire, en en limitant ainsi la portée aux situations où l’employeur ou son équivalent exerce un contrôle ou un pouvoir sur l’employé, l’apprenti ou le mandataire. L’inclusion distincte de l’expression « relativement [. . .] aux modalités de son emploi » à l’al. 13(1)b) laisse entendre que le législateur voulait viser tant le comportement découlant de la relation entre une personne en situation d’autorité et son employé de façon générale que la discrimination précise dans l’entente qui crée cette relation.

[110] On soutient que l’utilisation du mot [traduction] « personne » au début du par. 13(1) (« [u]ne personne ne peut ») plutôt qu’« employeur », « commettant », « maître » ou « mandant » dénote le souhait du législateur que la disposition s’applique à des situations de discrimination allant au‑delà du pouvoir de l’employeur, du commettant, du maître ou du mandant. Or, si l’on accepte que les mots contrôlant l’étendue de la protection sont « relativement à [l’]emploi » (c.‑à‑d. relativement à une question découlant d’une relation de commettant‑préposé ou d’une relation semblable), cet argument perd de sa force. Le mot « personne » n’a aucune incidence sur le champ d’application de la disposition.

[111] En résumé, même si le texte ou les mots de la disposition ne sont pas entièrement clairs, ils suggèrent globalement que le législateur voulait cibler la discrimination commise directement par un employeur, un commettant, un maître ou un mandant ou l’équivalent contre un employé dans le cadre de leur relation, ou la discrimination causée par leur inaction.

B. Contexte

[112] Une interprétation contextuelle du par. 13(1) étaye le point de vue selon lequel le législateur visait la discrimination découlant d’une relation employeur‑employé ou d’une relation semblable.

[113] Lors de l’interprétation d’une disposition législative, il faut tenir compte du contexte législatif — c’est‑à‑dire de la façon dont la disposition s’intègre et fonctionne dans le régime législatif lorsqu’elle est prise en considération avec d’autres dispositions : voir R. Sullivan, Statutory Interpretation, (3e éd. 2016), p. 173‑179. Chaque disposition est présumée avoir un rôle à jouer au sein du régime général. L’interprétation d’une disposition qui rend une autre disposition redondante ou qui contredit d’autres dispositions ou la loi dans son ensemble indique fortement que le législateur voulait que cette disposition soit interprétée différemment.

[114] Le Code porte sur de nombreux types de discrimination, y compris la discrimination faite par les syndicats et les associations (art. 14); les publications discriminatoires (art. 7); et la discrimination dans la location de locaux (art. 10).

[115] Le premier élément contextuel dont il est question est la protection distincte prévue à l’art. 14 du Code contre la discrimination dont se rendent coupables les syndicats et les associations professionnelles. Ce type de discrimination est, par définition, lié au travail du plaignant. Si l’al. 13(1)b) était interprété de façon à permettre que des plaintes soient faites contre qui que ce soit dans le milieu de travail, une grande partie de l’art. 14 serait redondante. Inversement, si l’al. 13(1)b) se limite aux plaintes entre des personnes ayant une relation employeur‑employé ou une relation semblable, il est évident que l’art. 14 est nécessaire. Évidemment, il est possible que le législateur ait voulu cette redondance, partielle ou totale, et qu’il ait inclus les syndicats dans une disposition distincte simplement pour mettre en évidence cette question précise et fournir plus de détails, comme il l’a fait dans une certaine mesure pour la discrimination salariale à l’art. 12. Cependant, il est tout aussi, sinon plus, plausible que le législateur n’ait pas eu l’intention d’inclure dans le champ d’application de l’al. 13(1)b) la discrimination de la part de syndicats ou de groupes semblables, et qu’il a ensuite décidé de l’inclure à l’art. 14.

[116] De façon plus générale, le Code distingue nettement les interactions privées entre des particuliers, qui ne sont généralement pas visées, et les catégories désignées de relations, qui sont visées. Le régime du Code consiste à décrire les catégories de protections générales fondées sur des relations ou des activités, et à exclure les interactions entre les particuliers qui, autrement, seraient visées. En conséquence, conformément à l’art. 7 (publications discriminatoires), aucune plainte ne peut être portée en raison d’une communication discriminatoire, mais privée, entre particuliers (par. 7(2)). De plus, conformément à l’art. 10 (discrimination dans la location de locaux), aucune plainte ne peut être portée à l’égard de la conduite discriminatoire d’une personne dans son choix de colocataire (al. 10(2)a)). Outre l’art. 13, les dispositions de la loi portent sur des situations où de telles exceptions ne sont pas nécessaires parce qu’elles ne sont pas pertinentes : les art. 8 et 9 décrivent des transactions commerciales; l’art. 11 décrit des communications publiques par nature (affichage d’emplois); l’art. 12 décrit des décisions qui ne peuvent être prises que par un employeur (discrimination salariale). Enfin, comme je l’ai déjà mentionné, l’art. 14 vise les syndicats et les associations professionnelles. Le régime du Code suggère donc que, lorsqu’un type précis de discrimination pourrait être interprété comme englobant des interactions privées entre particuliers, le rédacteur a choisi des termes restrictifs pour indiquer clairement que la sphère privée échappe au champ d’application du Code.

[117] Nous pouvons donc en déduire que le législateur était guidé par la politique législative générale selon laquelle les art. 7 à 14 du Code devaient s’appliquer à la discrimination découlant de certaines catégories de relations ou, dans le cas des art. 7 et 11 spécifiquement, de communications publiques discriminatoires. Ils n’étaient pas censés régir des actes privés de discrimination entre particuliers de façon générale ― ils étaient censés traiter uniquement des interactions spécifiques qu’ils décrivent. Cette politique étaye la position suivant laquelle l’al. 13(1)b) ne se voulait pas une disposition qui permet le dépôt de plaintes fondées sur l’ensemble des interactions d’une personne en milieu de travail, sauf si de telles interactions ont une incidence sur l’emploi (défini comme une relation) plutôt que simplement sur le travail, en termes larges. Dans les dispositions où l’interdiction peut sembler à première vue assez vaste pour englober des communications ou des interactions privées entre particuliers plus généralement (p. ex. les art. 7 et 10), des exclusions précises sont prévues. Il n’y a pas de telles exclusions à l’al. 13(1)b), tout simplement parce que cette disposition ne devait pas s’appliquer à des plaintes aussi larges.

[118] Le régime du Code appuie également la thèse selon laquelle le législateur voulait viser les inégalités de pouvoir. Les personnes visées par un grand nombre d’articles sont celles qui contrôlent l’accès à un service (art. 8), à un logement (art. 8 et 10), à une propriété ou un immeuble locatif (art. 9 et 10), à un salaire équitable (art. 12) ou à l’appartenance à une association (art. 14). Plutôt que de viser tous les actes de discrimination, le législateur — lorsqu’il ne traite pas spécifiquement du tort découlant de communications publiques discriminatoires — s’est concentré sur la discrimination exercée par des personnes qui sont en position de pouvoir par rapport à des individus plus vulnérables. Tous ces exemples sont le reflet de différents contextes qui peuvent ouvrir la voie à de la discrimination; c’est pourquoi ils sont énumérés dans le Code. Cela dit, le législateur est allé plus loin en indiquant quels types de relations ou de communications sont particulièrement préoccupants dans ces contextes. Ceux‑ci donnent donc davantage de précisions quant à la nature des recours qui peuvent être intentés en application du Code.

[119] Une autre difficulté réside dans le fait que, si l’al. 13(1)b) permettait le dépôt d’une plainte contre M. Schrenk en raison des courriels qu’il a envoyés après son renvoi du projet et du milieu de travail, la façon dont cette disposition et le par. 7(2) pourraient être conciliés n’est pas claire. À quel moment une communication entre des personnes qui ne travaillent plus ensemble devient‑elle privée?

[120] Le paragraphe 44(2) du Code, qui prévoit que [traduction] « [l]es actes ou choses faites ou omises par un employé [. . .] d’une personne dans l’exercice de ses pouvoirs sont réputés être des actes ou choses faites ou omises par cette personne », confirme l’intention du législateur de cibler la discrimination découlant d’une relation d’emploi ou d’une relation équivalente. Il fait en sorte que les employeurs et leurs équivalents sont défendeurs dans les plaintes relatives à la discrimination en milieu de travail. Cela est compatible avec l’interprétation de l’al. 13(1)b) que je propose et avec les décisions de la Cour dans Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84, p. 91‑96, et Janzen c. Platy Enterprises Ltd., [1989] 1 R.C.S. 1252, p. 1292‑1294, qui, soit dit en tout respect, mettent uniquement l’accent sur l’étendue de la responsabilité de l’employeur à l’égard de la conduite des employés envers les autres dans le milieu de travail. Le paragraphe 44(2) suggère que des considérations relatives au contrôle sur le milieu de travail, à la réparation systémique et à la responsabilité ultime sous‑tendent de telles plaintes.

[121] On fait valoir que l’interprétation de l’al. 13(1)b) devrait être fondée sur le contexte général du harcèlement en milieu de travail, qui peut provenir non seulement des employeurs, mais aussi de nombreuses autres sources. Bien que cela puisse être vrai, la question en litige est de savoir si nous pouvons inférer que le législateur voulait que cette disposition vise toutes les plaintes contre quiconque fait preuve de discrimination en milieu de travail — que celle‑ci repose sur l’existence d’une relation d’inégalité de pouvoir ou non. L’interprétation contextuelle du régime et des dispositions du Code laisse entendre que l’intention du législateur ne visait pas ce dernier type de relations.

C. Objet

[122] L’alinéa 3a) du Code énonce un objectif ambitieux : [traduction] « [. . .] favoriser l’existence en Colombie‑Britannique d’une société dépourvue d’obstacle à la participation pleine et libre à la vie économique, sociale, politique et culturelle de cette province ». L’alinéa b) a aussi un sens large : « [. . .] favoriser un climat de compréhension et de respect mutuel où tous ont la même dignité et les mêmes droits ». Cependant, les trois autres objectifs — qui sont axés sur la discrimination, l’inégalité et les recours — sont expressément limités aux mesures qui se trouvent dans le Code. Ainsi, l’objet du Code, décrit correctement, est de contribuer aux objectifs à long terme énoncés aux al. 3a) et b) au moyen des outils spécifiques qu’il offre pour combattre la discrimination et l’inégalité.

[123] Mon interprétation de l’al. 13(1)b) est compatible avec cet objectif. Cette disposition peut être interprétée de telle sorte qu’elle vise la discrimination en milieu de travail qui découle d’une relation employeur‑employé ou ses équivalents. Elle vise à englober toutes les formes de discrimination en milieu de travail que pourrait subir un travailleur. Cependant, elle s’attaque aux personnes responsables d’intervenir lors des incidents en question et d’y mettre fin. Si les personnes responsables de garantir que les milieux de travail sont exempts de discrimination faillissent à la tâche d’intervenir pour prévenir la discrimination ou y remédier, l’al. 13(1)b) s’applique. Puisqu’il y aura toujours une entité dans tout contexte de travail qui est responsable de faire en sorte que les travailleurs jouissent d’un milieu exempt de discrimination, cette interprétation de l’al. 13(1)b) ne contrecarre pas l’objet du Code.

[124] On fait valoir que cette interprétation de l’al. 13(1)b) laisserait certaines victimes de la discrimination de la part de leurs collègues sans recours — un résultat qui serait contraire au vaste objectif réparateur de lois comme le Code. Ce n’est pas le cas. Certes, limiter l’interprétation de l’al. 13(1)b) aux relations employeur‑employé et aux relations équivalentes pourrait empêcher le dépôt de plaintes en vertu du Code contre des collègues qui seraient harceleurs. Cela, par contre, ne ferait pas obstacle au dépôt de plaintes contre les entités responsables de faire en sorte que le milieu de travail est exempt de discrimination, comme un employeur commun ou encore des individus ou organisations autres responsables du milieu de travail en cause.

[125] Une employée qui ne peut pas quitter son travail n’est pas captive du harcèlement que lui fait subir un collègue. Son recours n’est pas de confronter ce dernier, mais plutôt de s’adresser à l’employeur ou à la personne responsable de s’assurer que le milieu de travail est exempt de discrimination. Si l’employeur ne fait pas cesser le comportement discriminatoire, l’employée peut intenter un recours contre lui sans crainte de représailles : Code, art. 43. Lorsque l’employeur ne prend pas les mesures appropriées pour mettre fin à la discrimination, le Tribunal peut décider que la conduite de l’employeur elle‑même constitue de la discrimination, donnant ainsi à l’employée accès à l’éventail complet des recours prévus au Code.

[126] On fait valoir que le harcèlement dont se rend coupable un passant sur le lieu de travail ou subi par celui‑ci devrait être visé par l’al. 13(1)b). Or, le Code vise déjà ce type de harcèlement. Si un travailleur subit de la discrimination et que la personne chargée de le protéger (p. ex. l’employeur) omet de s’acquitter de cette obligation, l’al. 13(1)b) entre en jeu. Il en serait de même quant au client qui harcèle un employé, comme un client qui harcèle le serveur d’un restaurant. L’employeur a l’obligation d’intervenir et, s’il ne le fait pas, il peut être tenu responsable aux termes de l’al. 13(1)b). Si c’est le client qui subit du harcèlement, il peut se prévaloir des recours prévus aux par. 8(1) et 10(1) et à l’art. 9 du Code.

[127] On soutient aussi en l’espèce qu’une conception de l’al. 13(1)b) fondée sur l’emploi n’offre à M. Sheikhzadeh‑Mashgoul aucun recours contre M. Schrenk directement en réponse aux courriels qu’il lui a envoyés une fois qu’ils ne travaillaient plus ensemble. Cette conclusion résulte toutefois de l’exclusion expresse de la protection prévue au par. 7(2) du Code des personnes qui reçoivent des communications privées discriminatoires. Si le courriel discriminatoire est diffusé publiquement, le par. 7(1) s’applique. Toutefois, s’il demeure privé, le Code est clair : il ne prévoit aucun recours. Interpréter l’al. 13(1)b) de telle sorte qu’il vise de tels courriels alors qu’ils sont privés reviendrait à faire fi du libellé exprès du Code.

[128] Finalement, on suggère que limiter l’al. 13(1)b) aux relations d’emploi et aux relations semblables dégage les auteurs de discrimination de toute responsabilité directe à l’égard de leur conduite. Cela ne signifie pas pour autant que la discrimination aura libre cours. Plutôt que de permettre sans distinction toutes les plaintes contre quiconque commet un acte de discrimination ou tient des propos discriminatoires dans un milieu de travail, le législateur a choisi de se concentrer sur les personnes responsables d’assurer que le milieu de travail est exempt de discrimination. Loin de miner l’objet du Code, ce choix le confirme.

D. Conformité à la jurisprudence

[129] L’interprétation de l’al. 13(1)b) reposant sur les responsabilités de l’employeur et ses équivalents est conforme à la jurisprudence.

[130] Premièrement, l’interprétation large proposée par mes collègues restreindrait la décision de la Cour dans McCormick, où elle a confirmé que la nature de la relation entre le plaignant et le défendeur est décisive pour juger de l’application ou non de l’al. 13(1)b). Si seul un environnement de travail commun ou un « lien suffisant avec le contexte d’emploi » (motifs du juge Rowe, par. 67) est nécessaire pour établir le lien entre le plaignant et le défendeur aux termes de l’al. 13(1)b), il serait superflu de tenir compte de la relation entre les parties comme McCormick prescrit de le faire. Deuxièmement, il est difficile de voir comment une personne dans une position de collègue, comme M. Schrenk, pourrait justifier sa conduite par une norme professionnelle justifiée, tel que l’explique l’arrêt Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3, qui énonce le cadre d’analyse servant à évaluer les plaintes de discrimination en milieu de travail. Selon l’interprétation que je préconise, ces difficultés ne se posent pas.

III. Conclusion

[131] Pour ces motifs, je conclus que le champ d’application de l’al. 13(1)b) se limite aux plaintes découlant d’une relation d’emploi ou d’une relation équivalente. Je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

Pourvoi accueilli, la juge en chef McLachlin et les juges Côté et Brown sont dissidents.

Procureur de l’appelant : British Columbia Human Rights Tribunal, Vancouver.

Procureurs de l’intimé : Fasken Martineau DuMoulin, Vancouver.

Procureurs de l’intervenante l’Association canadienne des avocats du mouvement syndical : CaleyWray, Toronto.

Procureurs de l’intervenante l’Association canadienne de la construction : Torys, Toronto.

Procureurs de l’intervenante Community Legal Assistance Society : Moore Edgar Lyster, Vancouver; Community Legal Assistance Society, Vancouver.

Procureurs de l’intervenant West Coast Women’s Legal Education and Action Fund : Clea F. Parfitt, lawyer, Vancouver; West Coast LEAF, Vancouver.

Procureurs de l’intervenant Retail Action Network : Underhill, Boies Parker, Gage & Latimer, Vancouver; BC Public Interest Advocacy Centre, Vancouver.

Procureurs des intervenantes Alberta Federation of Labour et International Association of Machinists and Aerospace Workers Local Lodge 99 : Chivers Carpenter, Edmonton.

Procureur de l’intervenante la Commission ontarienne des droits de la personne : Commission ontarienne des droits de la personne, Toronto.

Procureurs de l’intervenant le Bureau d’Aide Juridique Afro‑Canadien : Faisal Mirza Professional Corporation, Mississauga; Bureau d’Aide Juridique Afro‑Canadien, Toronto.

[1] Les demandes de rejet ont été présentées en application des al. 27(1)a), b), c) et du sous‑al. d)(ii). Seul l’al. 27(1)a) est en cause dans le présent pourvoi. Il prévoit :

27 (1) Un membre ou une formation peut, à tout moment après le dépôt d’une plainte, rejeter une plainte en totalité ou en partie, avec ou sans audience si, à son avis, l’une ou l’autre des circonstances suivantes est applicable :

a) la plainte ou une partie de la plainte ne relève pas de la compétence du tribunal;

[2] [traduction]

3 Le présent Code a pour objets : a) de favoriser l’existence en Colombie-Britannique d’une société dépourvue d’obstacle à la participation pleine et libre à la vie économique, sociale, politique et culturelle de cette province; b) de favoriser un climat de compréhension et de respect mutuel où tous ont la même dignité et les mêmes droits; c) de prévenir la discrimination interdite par le présent Code; d) de déceler et éliminer les formes d’inégalité persistantes liées à la discrimination interdite par le présent code; e) de fournir un recours aux personnes qui sont victimes de discrimination contrairement au présent Code.


Synthèse
Référence neutre : 2017CSC62 ?
Date de la décision : 15/12/2017

Analyses

Droits de la personne — Tribunal des droits de la personne — Compétence — Discrimination — Emploi — Loi interdisant à une « personne » de faire preuve de discrimination envers une autre « relativement à son emploi » — Champ d’application de l’interdiction — Plainte faisant état d’allégations de discrimination de la part d’un collègue sur le lieu de travail — Est‑ce qu’une personne autre que l’employeur ou le superviseur du plaignant peut se rendre coupable de discrimination « relativement à l’emploi» ? — Le tribunal des droits de la personne de la Colombie‑Britannique a‑t‑il commis une erreur en concluant qu’il avait compétence pour examiner la plainte ?

S‑M était un ingénieur civil à l’emploi d’Omega and Associates Engineering Ltd. engagée pour des travaux de réfection d’une route. Omega disposait de certains pouvoirs de supervision à l’égard des employés de Clemas Construction Ltd., le principal entrepreneur du projet. Clemas a embauché S comme contremaître du site et directeur des travaux. Lorsque S a formulé des commentaires racistes et homophobes à l’endroit de S‑M sur le chantier, ce dernier en a avisé Omega. Après que S eut tenu d’autres propos discriminatoires, Omega a demandé à Clemas de renvoyer S du chantier. Bien que Clemas l’ait renvoyé sur‑le‑champ, S a continué à participer aux travaux d’une manière ou d’une autre. Lorsqu’il s’est avéré que le harcèlement continuait, Clemas a congédié S. S‑M a déposé une plainte contre S devant le British Columbia Human Rights Tribunal (« Tribunal »), alléguant qu’il avait été victime de discrimination fondée sur la religion, le lieu d’origine et l’orientation sexuelle. S a demandé le rejet de la plainte faisant valoir que l’art. 13 du Human Rights Code ne s’appliquait pas parce que S‑M n’avait pas de lien d’emploi avec S. Le Tribunal a conclu qu’il avait compétence pour examiner la plainte et, en conséquence, il a rejeté la demande de S fondée sur l’al. 27(1)a) du Code. La Cour suprême de la Colombie‑Britannique a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par S, mais la Cour d’appel a accueilli le pourvoi de ce dernier et conclu que le Tribunal avait commis une erreur de droit en concluant qu’il avait compétence pour examiner la plainte.


Parties
Demandeurs : British Columbia Human Rights Tribunal
Défendeurs : Edward Schrenk
Proposition de citation de la décision: Canada, Cour suprême, 15 décembre 2017, 2017CSC62


Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2017-12-15;2017csc62 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award