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01/07/2011 | FRANCE | N°348413

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 01 juillet 2011, 348413


Vu l'ordonnance n° 1002658 du 12 avril 2011, enregistrée le 13 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nîmes, avant qu'il soit statué sur la demande de M. et Mme Raymond A, M. et Mme Henri A et M. et Mme Christian C, tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2010 par lequel la sous-préfète du Vigan a autorisé le personnel du département du Gard à pénétrer dans les propriétés de la commune de Sumène en vue de réaliser les études et les relevés relatifs à la déviation de la

RD n° 999, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2...

Vu l'ordonnance n° 1002658 du 12 avril 2011, enregistrée le 13 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nîmes, avant qu'il soit statué sur la demande de M. et Mme Raymond A, M. et Mme Henri A et M. et Mme Christian C, tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2010 par lequel la sous-préfète du Vigan a autorisé le personnel du département du Gard à pénétrer dans les propriétés de la commune de Sumène en vue de réaliser les études et les relevés relatifs à la déviation de la RD n° 999, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 1er et 3 à 7 de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 mars 2011 au greffe du tribunal administratif de Nîmes, présenté pour M. et Mme Raymond A, demeurant ..., M. et Mme Henri A, demeurant ... et M. et Mme Christian C, demeurant à ..., en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 37 et 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi du 29 décembre 1892 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Ranquet, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat lui a transmis, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics, les agents de l'administration ou les personnes auxquelles elle délègue ses droits peuvent être autorisés, par arrêté préfectoral, à pénétrer dans les propriétés privées pour y exécuter les opérations nécessaires à l'étude des projets de travaux publics, en respectant les prescriptions procédurales énoncées au même article ; qu'en vertu de l'article 3 de la même loi, peut être autorisée par arrêté préfectoral l'occupation temporaire d'un terrain en vue d'y réaliser toute opération nécessaire à l'exécution de projets de travaux publics ; que les articles 4 à 7 de la même loi déterminent les règles de procédure, relatives notamment au constat préalable de l'état des lieux, auxquelles cette occupation temporaire est soumise ;

Considérant que les requérant soutiennent que ces dispositions permettent une privation de propriété sans que soient respectées les conditions posées à l'article 17 de la Déclaration du 26 août 1789 et qu'en instituant une procédure dépourvue de caractère contradictoire, elles méconnaissent l'obligation constitutionnelle qu'a le législateur d'entourer les atteintes au droit de propriété de garanties suffisantes ;

Sur la nature des dispositions contestées :

Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la Constitution : " Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire. / Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être modifiés par décrets pris après avis du Conseil d'Etat. (...) " ; que sur le fondement de ces dispositions, le décret du 12 mars 1965 a modifié l'article 7 de la loi du 29 décembre 1892 en y insérant les quatrième et cinquième alinéas dans leur rédaction actuellement en vigueur ; qu'ainsi, les dispositions de ces alinéas présentent un caractère réglementaire et ne sont pas au nombre des dispositions législatives susceptibles de faire l'objet d'un renvoi au Conseil constitutionnel en application de l'article 61-1 de la Constitution ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant que les dispositions des articles 1er, 3 à 6 et des trois premiers alinéas de l'article 7 de la loi du 29 décembre 1892 sont applicables au litige, qui tend à l'annulation d'un arrêté préfectoral autorisant sur le fondement de cette loi la réalisation, sur des propriétés privées, d'opérations nécessaires à des études et travaux ; que ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux exigences constitutionnelles en matière d'atteintes au droit de propriété résultant de l'article 2 de la Déclaration de 1789, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions des articles 1er, 3 à 6 et des trois premiers alinéas de l'article 7 de la loi du 29 décembre 1892 est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des quatrième et cinquième alinéas de l'article 7 de la même loi.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Raymond A, M. et Mme Henri A, M. et Mme Christian C, au Premier ministre et à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Copie en sera adressée au tribunal administratif de Nîmes.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 348413
Date de la décision : 01/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

54-10-01-01 PROCÉDURE. - ABSENCE - DISPOSITIONS AJOUTÉES PAR DÉCRET, EN APPLICATION DE L'ARTICLE 37, ALINÉA 2 DE LA CONSTITUTION, À UN TEXTE DE FORME LÉGISLATIVE.

54-10-01-01 Les dispositions ajoutées par décret à un texte de forme législative sur le fondement de l'article 37, alinéa 2 de la Constitution présentent un caractère réglementaire et ne sont pas, de ce fait, au nombre des dispositions législatives susceptibles de faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité.


Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2011, n° 348413
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Ranquet
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:348413.20110701
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