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22/01/1990 | FRANCE | N°89-269

France | France, Conseil constitutionnel, 22 janvier 1990, 89-269


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 1989, d'une part, par MM Bernard Pons, Jacques Chirac, Alain Juppé, Michel Péricard, Etienne Pinte, Alain Jonemann, Pierre Bachelet, Pierre-Rémy Houssin, Mme Christiane Papon, MM Jacques Chaban-Delmas, Arthur Dehaine, Philippe Auberger, Mme Michèle Alliot-Marie, MM François Grussenmeyer, Claude Barate, Gabriel Kaspereit, Michel Inschauspé, Alain Cousin, René Couveinhes, Pierre Pasquini, Robert-André Vivien, Christian Estrosi, Jean-Paul de Rocca Serra, Régis Perbet, Pierre Raynal, Didier Julia, Claude-Gérard Marcus, Robert Pand

raud, Eric Raoult, Nicolas Sarkozy, Jean-Michel Couve, Mme R...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 1989, d'une part, par MM Bernard Pons, Jacques Chirac, Alain Juppé, Michel Péricard, Etienne Pinte, Alain Jonemann, Pierre Bachelet, Pierre-Rémy Houssin, Mme Christiane Papon, MM Jacques Chaban-Delmas, Arthur Dehaine, Philippe Auberger, Mme Michèle Alliot-Marie, MM François Grussenmeyer, Claude Barate, Gabriel Kaspereit, Michel Inschauspé, Alain Cousin, René Couveinhes, Pierre Pasquini, Robert-André Vivien, Christian Estrosi, Jean-Paul de Rocca Serra, Régis Perbet, Pierre Raynal, Didier Julia, Claude-Gérard Marcus, Robert Pandraud, Eric Raoult, Nicolas Sarkozy, Jean-Michel Couve, Mme Roselyne Bachelot, MM Patrick Balkany, Jacques Toubon, Pierre Mazeaud, Mmes Elisabeth Hubert, Suzanne Sauvaigo, Nicole Catala, MM Louis de Broissia, Dominique Perben, Pierre Mauger, Jean-Luc Reitzer, Bernard Schreiner, Michel Giraud, Christian Cabal, Olivier Dassault, Georges Gorse, Robert Poujade, Patrick Devedjian, Jean Kiffer, Mmes Michèle Barzach, Lucette Michaux-Chevry, MM Jean Besson, Michel Cointat, Roland Nungesser, Jean-Paul Charié, Jean-Claude Mignon, Henri Cuq, Léon Vachet, Christian Bergelin, Edouard Balladur, Serge Charles, Bernard Debré, Charles Millon, Pierre Micaux, Georges Colombier, François-Michel Gonnot, Jean-Pierre de Peretti della Rocca, Alain Moyne-Bressand, Michel Meylan, Jean-Pierre Philibert, Paul Chollet, Jacques Farran, Jean Brocard, Pascal Clément, Robert Cazalet, Arthur Paecht, Georges Durand, André Rossinot, Jean-Guy Branger, François Léotard, Jean-Marc Nesme, Emile Koehl, Charles Ehrmann, Roger Lestas, Charles Fevre, Philippe Mestre, José Rossi, Jean-François Mattei, Philippe Vasseur, Willy Dimeglio, Marc Reymann, Gilles de Robien, Mme Yann Piat, MM Jacques Blanc, Paul-Louis Tenaillon, Pierre Lequiller, Marc Laffineur, René Garrec, Michel d'Ornano, Gérard Longuet, Jean-Luc Preel, Henri Bayard, Georges Mesmin et, d'autre part, par MM Jean-Jacques Hyest, Raymond Barre, Léonce Deprez, Francis Geng, Jean-Jacques Jegou, Jean-Paul Fuchs, Henry Jean-Baptiste, Ambroise Guellec, Dominique Baudis, Germain Gengenwin, Jean-Pierre Foucher, Xavier Hunault, Loïc Bouvard, Serge Franchis, Mme Christine Boutin, MM Bruno Durieux, Michel Jacquemin, Gérard Vignoble, Adrien Zeller, Jean-Marie Daillet, Edouard Landrain, Pierre Méhaignerie, Jean-Jacques Weber, Michel Voisin, Yves Fréville, François Rochebloine, Jean Briane, Mme Monique Papon, MM René Couanau, Jean-Yves Cozan, Adrien Durand, Christian Kert, Hubert Grimault, Claude Birraux, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM Jacques Barrot, Jean-Paul Virapoullé, Georges Chavane, François Bayrou, Gérard Grignon, Bernard Stasi, Bernard Bosson, François d'Harcourt, André Santini, René Beaumont, députés, et le 23 décembre 1989 par MM Michel Alloncle, Jean Amelin, Hubert d'Andigné, Honoré Bailet, Jean Barras, Jacques Bérard, Roger Besse, Amédée Bouquerel, Yvon Bourges, Jacques Braconnier, Mme Paulette Brisepierre, MM Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Pierre Carous, Auguste Cazalet, Jean Chamant, Jacques Chaumont, Michel Chauty, Jean Chérioux, Henri Collette, Maurice Couve de Murville, Charles de Cuttoli, Jacques Delong, Charles Descours, Michel Doublet, Franz Duboscq, Alain Dufaut, Marcel Fortier, Philippe François, Philippe de Gaulle, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginesy, Georges Gruillot, Yves Guéna, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Bernard Hugo,
Roger Husson, André Jarrot, André Jourdain, Gérard Larcher, René-Georges Laurin, Marc Lauriol, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Michel Maurice-Bokanowski, Jacques de Menou, Mme Hélène Missoffe, MM Geoffroy de Montalembert, Jean Natali, Paul d'Ornano, Jacques Oudin, Charles Pasqua, Alain Pluchet, Christian Poncelet, Roger Rigaudière, Jean-Jacques Robert, Mme Nelly Rodi, MM Josselin de Rohan, Roger Romani, Jean Simonin, Jacques Sourdille, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, René Trégouët, Jacques Valade, Serge Vincon, Raymond Bourgine, Désiré Debavelaère, Lucien Lanier, Michel Rufin, Claude Prouvoyeur, André-Georges Voisin, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu le mémoire ampliatif présenté au nom des députés auteurs de la première saisine, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 23 décembre 1989 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que la conformité à la Constitution de la loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé est contestée en raison des conditions de son adoption par l'Assemblée nationale, qui seraient contraires à l'article 49 de la Constitution, de l'insertion par voie d'amendement de certains de ses articles et du contenu de l'article 17 ;
- SUR LA PROCEDURE D'ADOPTION DE L'ENSEMBLE DE LA LOI :
2. Considérant que les députés auteurs de la première saisine et les signataires de la deuxième saisine contestent la régularité de la procédure d'adoption de la loi ; qu'ils relèvent que le projet de loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé a été adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après recours à la procédure d'engagement de responsabilité sur un texte prévue par l'article 49, alinéa 3, de la Constitution ; qu'en l'absence du Premier ministre c'est un membre du Gouvernement qui a engagé la responsabilité de celui-ci lors de la deuxième séance du 15 décembre 1989 ; qu'ils soutiennent que cette procédure est irrégulière au motif que le Premier ministre a seul le pouvoir d'engager la responsabilité du Gouvernement qu'il dirige ; que, s'il est vrai que Monsieur JOSPIN a été désigné pour assurer l'intérim des fonctions du Premier ministre, le décret l'y habilitant était inopposable aux députés car il n'est entré en vigueur, conformément au décret du 5 novembre 1870, qu'un jour franc après sa publication, c'est-à-dire en l'occurrence le 16 décembre 1989 ; qu'il est soutenu, en outre, que les conditions dans lesquelles a été mis en oeuvre l'article 49, alinéa 3, de la Constitution sont contraires tant à l'esprit de ce texte qu'à l'usage parlementaire ;
. En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'article 49 de la Constitution :
3. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution "le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un texte. Dans ce cas, le texte est condidéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent." ;
4. Considérant que l'exercice de la prérogative conférée au Premier ministre par le troisième alinéa de l'article 49 n'est soumis à aucune condition autre que celles résultant de ce texte ;
5. Considérant que dans la mesure où le Conseil des ministres avait délibéré au cours de sa réunion du 15 novembre 1989 sur l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le projet de loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé, les conditions posées par la Constitution pour la mise en œuvre, à propos de l'examen de ce dernier texte, de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution se trouvaient réunies ;
. En ce qui concerne l'intérim du Premier ministre :
6. Considérant qu'en conférant, par décret en date du 14 décembre 1989, à Monsieur Lionel JOSPIN, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports la charge d'assurer l'intérim de Monsieur Michel ROCARD, Premier ministre, pendant l'absence de ce dernier, le Président de la République a, ainsi que l'y habilite l'article 5 de la Constitution, pris les dispositions nécessaires pour assurer la continuité de l'action gouvernementale ; que, sur le même fondement et pour des motifs analogues, le décret individuel chargeant un ministre de l'intérim du Premier ministre produit effet immédiatement sans attendre sa publication au Journal officiel ; que Monsieur JOSPIN possédait l'intégralité des pouvoirs attachés à la fonction qui lui était confiée à titre intérimaire ; qu'il avait, par suite, compétence pour engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote d'un texte, en application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l'article 49 de la Constitution doit être écarté ;
- SUR LES CONDITIONS D'INSERTION, SOUS FORME D'AMENDEMENTS, DE L'ARTICLE 17 ET DES ARTICLES 34 A 49 :
8. Considérant qu'il est soutenu que plusieurs articles de la loi déférée ont été adoptés dans des conditions non conformes à la Constitution ;
9. Considérant que les critiques portent tout d'abord sur l'article 17 ; que les députés auteurs de la première saisine, tout comme les sénateurs auteurs de la troisième saisine, font valoir que l'article 17 tire son origine d'un amendement adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale après l'échec de la commission mixte paritaire qui excède par son objet et sa portée les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement en vertu des dispositions combinées des articles 39 et 44 de la Constitution ; que l'adoption de l'amendement dont est issu l'article 17 est critiquée, de surcroît, par les sénateurs auteurs de la troisième saisine, au regard de l'article 45 de la Constitution ;
10. Considérant que les députés auteurs de la première saisine relèvent également qu'excèdent par leur objet et leur portée les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement les dispositions des articles 34 à 49 qui concernent la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales ;
11. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit d'amendement, qui est le corollaire de l'initiative législative, peut, sous réserve des limitations posées aux troisième et quatrième alinéas de l'article 45, s'exercer à chaque stade de la procédure législative ; que, toutefois, les adjonctions ou modifications ainsi apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, alinéa 1, et 44, alinéa 1, de la Constitution, ni être sans lien avec ce dernier ni dépasser par leur objet et leur portée les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement qui relève d'une procédure spécifique ;
12. Considérant que l'amendement qui est à l'origine de l'article 17 a pour objet de modifier les dispositions du premier alinéa de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale qui sont relatives à la définition des rapports entre les caisses primaires d'assurance maladie et les médecins et d'en tirer les conséquences sur le libellé du deuxième alinéa de l'article L. 162-5 et des articles L. 162-6, L. 162-7 et L. 162-8 du même code ; que l'amendement dont est issu l'article 34 soumet les médicaments utilisés pour des préparations magistrales aux mêmes procédures de contrôle que les spécialités pharmaceutiques ; que les amendements qui sont à l'origine des articles 35 à 49 ne font que modifier et compléter sur des points limités certaines des dispositions de la loi n° 88-1138 du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales ;
13. Considérant que ces diverses dispositions ne sont pas sans lien avec le texte en discussion ; que, tant par leur objet, qui est étroitement spécifié, que par leur portée, elles n'ont pas dépassé les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement ;
14. Considérant, dans ces conditions, qu'il convient d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance tant de l'article 45 de la Constitution que des dispositions combinées des articles 39 et 44 ;
- SUR L'ARTICLE 17 RELATIF AUX RAPPORTS ENTRE LES MEDECINS ET LES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE :
15. Considérant que l'article 17 de la loi comporte deux paragraphes ; que le paragraphe I, qui modifie le premier alinéa de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, dispose que : "Les rapports entre les caisses d'assurance maladie et les médecins sont définis par des conventions nationales conclues séparément pour les médecins généralistes et les médecins spécialistes, par la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et une ou plusieurs organisations syndicales les plus représentatives pour l'ensemble du territoire de médecins généralistes ou de médecins spécialistes ou par une convention nationale conclue par la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et au moins une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire de médecins généralistes et une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire de médecins spécialistes" ; que le paragraphe II de l'article 17 apporte au deuxième alinéa de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale ainsi qu'aux articles L. 162-6, L. 162-7 et L. 162-8 de ce code des modifications destinées à substituer au concept de convention unique la notion de pluralité de conventions ;
16. Considérant que les députés auteurs de la première saisine estiment que la possibilité d'organiser par des conventions distinctes les rapports entre les caisses primaires d'assurance maladie et les médecins spécialistes, d'une part, généralistes, d'autre part, implique que les modalités de remboursement des soins dispensés aux assurés sociaux soient différentes selon que le médecin auquel ils s'adressent relève de l'une ou l'autre convention ; qu'il s'ensuit, d'après eux, que se trouvent par là même violés le principe d'égalité, le principe du libre choix du médecin, le principe de l'unité de la profession médicale ainsi que la liberté d'exercice de cette profession ; qu'en tout état de cause, le législateur a méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ainsi que les dispositions de son article 21 relatives à l'exercice du pouvoir réglementaire national par le Premier ministre ;
. En ce qui concerne les moyens tirés de la violation des règles de compétence :
17. Considérant qu'il est soutenu qu'en se bornant à renvoyer à des conventions la définition des rapports entre les médecins et les caisses primaires d'assurance maladie le législateur a méconnu sa propre compétence ; qu'à supposer même qu'elles apparaissent conformes à l'article 34 de la Constitution, les dispositions nouvelles de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, rapprochées de l'article L. 162-6 de ce code, sont en contradiction avec les deux premiers alinéas de l'article 21 de la Constitution qui confèrent au Premier ministre, sous réserve des pouvoirs du Président de la République, l'exercice du pouvoir réglementaire national ;
18. Considérant que cette argumentation doit être examinée en fonction tant du contenu propre de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale que des autres dispositions de ce code qui définissent les rapports des médecins et des organismes de sécurité sociale ;
19. Considérant qu'en vertu de l'article L. 162-6, tel qu'il est modifié par l'article 17-II de la loi, la ou les conventions prévues à l'article L. 162-5 ont pour objet de déterminer les obligations des caisses primaires d'assurance maladie et des médecins et de fixer les tarifs, honoraires et frais accessoires dus aux médecins par les assurés sociaux en dehors des cas de dépassement autorisés par la ou les conventions ; qu'une convention n'entre en vigueur, lors de sa conclusion ou lors d'une tacite reconduction, qu'après approbation par les ministres compétents ; que, selon l'article L. 162-8, dans sa rédaction modifiée par le paragraphe II de l'article 17, "pour les médecins non régis par la ou les conventions nationales, ou, à défaut de convention nationale, les tarifs servant de base au remboursement des honoraires sont fixés par arrêté interministériel" ;
- Quant au moyen tiré de la violation de l'article 34 :
20. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, "la loi détermine les principes fondamentaux : … de la sécurité sociale" ; qu'au nombre des principes fondamentaux relevant de la compétence du législateur figure celui d'après lequel le tarif des honoraires médicaux pour les soins délivrés aux assurés sociaux est fixé par voie de convention passée avec les praticiens ou leurs organisations représentatives ou, à défaut, par voie d'autorité ; qu'en revanche, ressortit à la compétence du pouvoir réglementaire la détermination des modalités de mise en œuvre des principes fondamentaux posés par le législateur ; qu'il suit de là que l'article 17 de la loi déférée ne méconnaît pas les dispositions de l'article 34 de la Constitution ;
- Quant au moyen tiré de la violation de l'article 21 :
21. Considérant qu'en vertu de l'article 21 de la Constitution le Premier ministre assure l'exécution des lois et, sous réserve des dispositions de l'article 13, exerce le pouvoir réglementaire ; qu'il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres ;
22. Considérant que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité publique autre que le Premier ministre le soin de fixer des normes permettant la mise en œuvre des principes posés par la loi, dès lors que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu ;
23. Considérant que l'entrée en vigueur de l'une ou l'autre des conventions prévues par l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale est subordonnée à son approbation par l'autorité ministérielle ; que cette approbation a pour effet de conférer un caractère réglementaire aux stipulations de la convention qui entrent dans le champ des prévisions de l'article L.162-6 du code précité ; que ce mécanisme de mise en œuvre des principes posés par la loi, dont la sphère d'application et la portée sont étroitement circonscrites, n'est pas contraire à l'article 21 de la Constitution ;
. En ce qui concerne le moyen tiré de la violation du principe d'égalité tel qu'il est défini par le Préambule de la Constitution de 1946 :
24. Considérant que, dans leur mémoire ampliatif, les auteurs de la première saisine se réfèrent aux dispositions du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 en vertu desquelles la nation "garantit à tous… la protection de la santé" ; qu'ils analysent cette disposition comme une affirmation spécifique du principe d'égalité qui commande que le remboursement aux assurés sociaux d'une partie des honoraires versés aux médecins soit effectué dans le même cadre juridique pour tous les assurés et tous les actes médicaux concernés ; qu'ils soutiennent que la réalisation de cet objectif serait nécessairement affectée par la possibilité nouvelle de conventions distinctes ;
25. Considérant qu'en vertu du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, la nation "garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs." ;
26. Considérant qu'il incombe au législateur comme à l'autorité réglementaire, selon leurs compétences respectives, de déterminer, dans le respect des principes posés par le onzième alinéa du Préambule, leurs modalités concrètes d'application ; qu'il leur appartient en particulier de fixer des règles appropriées tendant à la réalisation de l'objectif défini par le Préambule ; qu'à cet égard, le recours à une convention pour régir les rapports entre les caisses primaires d'assurance maladie et les médecins vise à diminuer la part des honoraires médicaux qui restera, en définitive, à la charge des assurés sociaux et, en conséquence, à permettre l'application effective du principe posé par les dispositions précitées du Préambule ; que la possibilité d'organiser par des conventions distinctes les rapports entre les caisses primaires d'assurance maladie et respectivement les médecins généralistes et les médecins spécialistes a pour dessein de rendre plus aisée la conclusion de telles conventions ; que, dans ces conditions, il ne saurait être fait grief à l'article 17 de la loi de méconnaître les dispositions du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;
. En ce qui concerne le moyen tiré de la violation du principe du libre choix du médecin par le malade :
27. Considérant que, selon les députés auteurs de la première saisine, le principe du libre choix du médecin par le malade a valeur constitutionnelle, de même que son corollaire la liberté de prescription du médecin ; qu'ils font valoir que la dualité des conventions affectera ces principes en ce qu'elle créera une discrimination financière qui dissuadera "les assurés de choisir l'une des catégories de médecins concernée par l'une ou l'autre convention" et influera sur la liberté de prescription des médecins généralistes ;
28. Considérant que l'article 17 de la loi ne méconnaît en rien les principes invoqués ; qu'au surplus, demeure en vigueur l'article L. 162-2 du code de la sécurité sociale qui se réfère à des principes déontologiques fondamentaux et notamment au libre choix du médecin par le malade et à la liberté de prescription du médecin ;
29. Considérant, dans ces conditions, et sans même qu'il soit besoin de déterminer si les principes en cause ont valeur constitutionnelle, que le moyen invoqué manque en fait ;
. En ce qui concerne les moyens relatifs à l'unité de la profession médicale et au libre exercice de cette profession :
30. Considérant que l'article 17 de la loi n'affecte par lui-même ni le libre choix du médecin par le malade, ni la liberté de prescription du médecin ; qu'au demeurant, ces principes déontologiques sont rappelés par les dispositions, qui restent inchangées, de l'article L. 162-2 du code de la sécurité sociale ; que, par suite, le moyen tiré de l'atteinte au libre exercice de la profession médicale doit, en tout état de cause, être écarté ; qu'il en va de même du moyen tiré de l'allégation d'"unité du corps médical" ;
31. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'article 17 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 24 RELATIF A L'ALLOCATION SUPPLEMENTAIRE DU FONDS NATIONAL DE SOLIDARITE :
32. Considérant que l'article 24 de la loi confère à l'article L. 815-5 du code de la sécurité sociale une nouvelle rédaction aux termes de laquelle "l'allocation supplémentaire n'est due aux étrangers qu'en application des règlements communautaires ou de conventions internationales de réciprocité" ;
33. Considérant que le législateur peut prendre à l'égard des étrangers des dispositions spécifiques à la condition de respecter les engagements internationaux souscrits par la France et les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République ;
34. Considérant que l'allocation supplémentaire du fonds national de solidarité est accordée à des personnes âgées, notamment à celles devenues inaptes au travail, dans le cas où elles ne disposeraient pas d'un montant de ressources, quelle qu'en soit l'origine, leur assurant un minimum vital ; que l'octroi de cette allocation est subordonné à un délai de résidence sur le territoire français ;
35. Considérant que l'exclusion des étrangers résidant régulièrement en France du bénéfice de l'allocation supplémentaire, dès lors qu'ils ne peuvent se prévaloir d'engagements internationaux ou de règlements pris sur leur fondement, méconnaît le principe constitutionnel d'égalité ;
36. Considérant qu'il suit de là que l'article 24 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 27 RELATIF A LA TARIFICATION APPLICABLE DANS LES UNITES ET LES CENTRES DE LONG SEJOUR :
37. Considérant que l'article 27 comporte quatre paragraphes ; que le paragraphe I vise à régulariser le régime de tarification des services de long séjour compte tenu de l'absence d'intervention du décret en Conseil d'État prévu par le deuxième alinéa de l'article 52-1 ajouté à la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 par l'article 8 de la loi n° 78-11 du 4 janvier 1978 ; que le paragraphe II dispose que l'élément de tarification qui est relatif aux prestations de soins est fixé dans la limite d'un plafond ; que le paragraphe III précise le domaine d'intervention du décret en Conseil d'État mentionné à l'article 52-1 de la loi du 31 décembre 1970 modifiée ; que selon le paragraphe IV : "les dispositions prévues aux paragraphes II et III du présent article sont applicables au plus tard jusqu'à l'entrée en vigueur de la réforme des conditions de prise en charge des personnes âgées dépendantes dont le Parlement sera saisi avant le 31 décembre 1990" ;
38. Considérant que la référence faite par ces dispositions à une réforme législative "dont le Parlement sera saisi avant le 31 décembre 1990" a le caractère d'une injonction adressée au Gouvernement de déposer un projet de loi ; qu'une telle disposition ne trouve de base juridique ni dans l'article 34, ni dans aucune des autres dispositions de la Constitution ;
39. Considérant qu'il suit de là qu'il y a lieu de déclarer contraires à la Constitution, dans le texte du paragraphe IV de l'article 27, les mots "dont le Parlement sera saisi avant le 31 décembre 1990" ;
- SUR L'ARTICLE 46 RELATIF A DES DISPOSITIONS DIVERSES CONCERNANT LA PROTECTION DES PERSONNES QUI SE PRETENT A DES RECHERCHES BIOMEDICALES :
40. Considérant que la loi n° 88-1138 du 20 décembre 1988 a inséré dans le code de la santé publique un livre II bis intitulé : "Protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales" ; que l'article 46 de la loi déférée a pour objet d'ajouter à ce livre II bis un titre VI intitulé : "Dispositions diverses" composé des articles L. 209-22 et L. 209-23 ; qu'en vertu de ce dernier article les dispositions du livre II bis du code de la santé publique "sont applicables dans les territoires d'outre-mer et dans les collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte" ;
41. Considérant qu'aux termes de l'article 74 de la Constitution : "Les territoires d'outre-mer de la République ont une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République. Cette organisation est définie et modifiée par la loi après consultation de l'Assemblée territoriale intéressée" ;
42. Considérant que certaines des dispositions du livre II bis du code de la santé publique, que la loi déférée modifie et complète dans ses articles 35 à 48, touchent à l'organisation particulière des territoires d'outre-mer, au sens de l'article 74 de la Constitution ; que, dès lors, leur extension à ces territoires aurait dû être précédée de la consultation des assemblées territoriales intéressées ; qu'une telle consultation n'ayant pas eu lieu, l'article L. 209-23, ajouté au code de la santé publique par l'article 46 de la loi déférée, en tant qu'il rend le livre II bis du code de la santé publique applicable aux territoires d'outre-mer, a méconnu l'article 74 de la Constitution ;
- SUR LES AUTRES DISPOSITIONS DE LA LOI :
43. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution de la loi soumise à son examen ;

Décide :
Article premier :
Sont déclarés contraires à la Constitution dans le texte de la loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé :
l'article 24 ;
à l'article 27, les mots : " dont le Parlement sera saisi avant le 31 décembre 1990 " ;
à l'article 46, les mots " dans les territoires d'outre-mer et ".
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

SAISINE SENATEURS

Les sénateurs soussignés défèrent au Conseil constitutionnel l'article 17 de la loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé, adoptée le 21 décembre 1989.

En vertu de l'article 61 de la Constitution, les sénateurs soussignés demandent au Conseil constitutionnel de déclarer ladite loi non conforme à la Constitution.

L'amendement du Gouvernement qui est devenu l'article 17 dans la loi déférée au Conseil constitutionnel constitue une novation législative qui aurait dû faire l'objet d'un projet de loi et de plus il excède selon les termes utilisés par le Conseil constitutionnel, par son objet comme par sa portée, les limites inhérentes au droit d'amendement.

Le fait que le titre du projet auquel l'amendement a été rattaché soit lui-même particulièrement vague ne peut être invoqué pour écarter le grief suivant lequel, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, un amendement ne doit pas être sans lien avec le projet de loi sur lequel il porte. Si c'était le cas, il serait aisé au Gouvernement et au Parlement de tourner les contraintes de cette jurisprudence en donnant un titre vague à chaque projet de loi qui deviendrait ainsi susceptible de devenir un recueil de dispositions disparates et sans lien entre elles.

Enfin, et bien que le Conseil constitutionnel ait admis que le droit d'amendement peut s'exercer à chaque stade de la procédure législative, il convient de souligner que la procédure employée constitue un véritable abus de droit au regard de l'article 45 de la Constitution.

En effet, cet article garantit un certain nombre d'étapes logiques dans l'élaboration de la loi : navette entre les deux chambres, puis tentative de conciliation entre elles par le biais d'un organe spécifique, la commission mixte paritaire, et, en cas d'échec de celle-ci, dernière tentative de conciliation par une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale (quelle que soit la chambre initialement saisie du projet), puis au Sénat, l'Assemblée nationale décidant en dernier ressort et ne pouvant à ce stade qu'approuver ou rejeter en bloc soit le texte élaboré par la commission mixte paritaire, soit le dernier texte adopté par elle, modifié le cas échéant par les amendements adoptés par le Sénat au cours de sa nouvelle lecture (art 114 du règlement de l'Assemblée nationale).

Il résulte d'ailleurs de ces dispositions que la dernière lecture du Sénat n'est pas assimilable aux lectures antérieures de cette chambre : elle n'aboutit pas à un texte qui serait ensuite transmis à l'Assemblée nationale pour être discuté par celle-ci ; à ce stade, le Sénat ne peut qu'approuver le texte adopté en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale ou qu'y apporter des amendements qui n'ont comme signification que de constituer, un par un, des suggestions que certains députés pourraient reprendre sous forme d'amendement au niveau de la dernière lecture à l'Assemblée nationale.

Dès lors, introduire une disposition additionnelle nouvelle en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale aboutit pour le Gouvernement à interdire toute navette sur cette disposition entre les deux chambres ou toute recherche d'un accord par le biais d'une commission mixte paritaire. Car en effet, à ce stade de la procédure, le Sénat ne peut qu'avaliser en bloc la proposition du Gouvernement en nouvelle lecture, mettant ainsi un terme à la navette, soit qu'il la rejette, soit qu'il suggère à l'Assemblée nationale des modifications. Mais, dans ces deux derniers cas, cela aboutit à contraindre le Sénat à s'en remettre tout de suite à la sagesse de l'Assemblée nationale sans possibilité d'échanges avec celle-ci.

Lorsqu'un tel comportement se double, à l'Assemblée nationale, d'un recours à l'article 49-3 de la Constitution qui suspend tout débat, ou aboutit par la combinaison de plusieurs procédures constitutionnelles à une véritable parodie d'examen des projets de loi par le Parlement.

Aussi, les signataires de ce recours demandent au Conseil constitutionnel de déclarer que l'introduction de dispositions législatives nouvelles en nouvelle lecture est contraire à la Constitution, de manière à couper court à une dérive qui permet au Gouvernement de faire pression sur le législateur, souvent pour de simples raisons de délais, qui est ainsi amené à adopter des mesures nouvelles parfois fort importantes sans avoir un temps minimum de réflexion.

Cet abus de procédure est encore plus critiquable lorsque le Gouvernement l'utilise lui-même sous la pression de ses services, soucieux de vider les tiroirs en fin de session parlementaire.

A défaut d'une telle décision de principe, la combinaison, dans le cas d'espèce, de ce qui a été précédemment développé avec non seulement l'ampleur de l'amendement en cause, mais encore l'utilisation immédiate de l'article 49-3 de la Constitution, conduit les signataires de ce recours à demander au Conseil constitutionnel de déclarer que la procédure législative utilisée n'a été conforme ni à la Constitution ni à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

DEUXIEME SAISINE DEPUTES Les députés soussignés défèrent au Conseil constitutionnel le projet de loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé et lui demandent de décider que ladite loi est non conforme à la Constitution pour les motifs suivants :

Lors de la deuxième séance du vendredi 15 décembre 1989, en vertu de l'article 49-3 de la Constitution, M Lionel Jospin, ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, a engagé la responsabilité du Gouvernement en remplacement du Premier ministre, alors en déplacement, en vue de l'adoption, en nouvelle lecture, du projet de loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé. Cette procédure est contraire à la Constitution et politiquement contestable.

1. La procédure mise en uvre est contraire à la lettre, à l'esprit et à la pratique de la Constitution.

La mise en uvre de l'article 49-3 est contraire à la lettre de la Constitution :

En effet, selon cet article et conformément à la lettre et à l'esprit de l'article 21 de la Constitution, qui dispose que le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement, seul le Premier ministre en personne et par oral peut engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale, après délibération du conseil des ministres.

Conformément à la lettre de la première phrase de l'article 49-3 qui emploie l'indicatif et qui ne prévoit aucune possibilité de délégation, seul le Premier ministre décide et engage la responsabilité du Gouvernement. C'est d'ailleurs le chef du Gouvernement qui en demande l'autorisation au conseil des ministres et c'est à lui seul que l'autorisation est accordée. Il ne peut être question de déléguer ce droit qu'en cas d'empêchement définitif.

Il s'ensuit :

Qu'il est exclu qu'un membre du Gouvernement, hormis son chef, ne puisse venir engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée (acte qui engage collectivement et gravement l'ensemble du Gouvernement) ;

Qu'en outre la délégation n'est, en général, admise, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, et selon la doctrine, que pour assurer la continuité de l'action gouvernementale et donc pour des attributions administratives générales qui sont traditionnellement dévolues au Premier ministre et qu'il ne peut assurer directement ;

Qu'enfin les attributions essentielles qui fondent le régime parlementaire de la Ve République ne peuvent être exercées que par leurs titulaires ; qu'ainsi le Président de la République assurant l'intérim ne peut exercer le droit de dissolution.

Par ailleurs, s'il pouvait être admis que le ministre chargé de l'intérim du Premier ministre (notion pourtant radicalement différente de celle de Premier ministre) puisse en personne engager la responsabilité du Gouvernement, le décret du 14 décembre 1989 qui charge de l'intérim, M Lionel Jospin, ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, n'a été publié au Journal officiel que le 15 décembre 1989. Qu'en conséquence, et en vertu du décret-loi du 5 novembre 1870 qui dispose que les règlements publiés au Journal officiel n'entrent en vigueur qu'un jour franc après leur promulgation, le ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, était incompétent lors de la deuxième séance du vendredi 15 décembre 1989 pour engager la responsabilité du Gouvernement sur le projet de loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé qui a été considéré comme adopté en l'absence du vote d'une motion de censure.

La mise en uvre de l'article 49-3 est contraire à l'esprit de la Constitution :

Les dispositions minutieuses adoptées en 1958, quant à l'engagement de la responsabilité du Gouvernement (adoption au conseil des ministres, engagement du Gouvernement par le Premier ministre, délais) démontrent que les constituants ont cherché à apporter des garanties procédurales pour éviter tout engagement de responsabilité intempestif par un membre autre que le chef du Gouvernement.

La procédure mise en uvre par l'article 49-3, et plus spécialement dans son alinéa 3, rappelle que les constituants ont voulu mettre fin aux procédés employés sous les Républiques précédentes, selon lesquels le Gouvernement voyait sa responsabilité engagée par un ministre sans l'accord du Premier ministre.

La lecture des travaux préparatoires de la Constitution prouve clairement que les constituants ont voulu éviter cet écueil en considérant que le Premier ministre, et lui seul, pouvait, selon une procédure solennelle et orale, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale.

La mise en uvre de l'article 49-3 est contraire à l'usage de la Constitution :

Depuis 1958, le Premier ministre est toujours venu à la tribune de l'Assemblée nationale, en personne, engager la responsabilité du Gouvernement et cela quel que soit l'état de la procédure législative. La seule exception réside en l'engagement de la responsabilité du Gouvernement par M Jean Poperen, ministre chargé des relations avec le Parlement lors de la deuxième séance du 28 avril 1989 pour l'adoption en première lecture, du projet de loi approuvant le Xe Plan (procédure qui n'a fait l'objet d'aucun recours).

Hormis cette unique exception, dont l'inconstitutionnalité est patente dans la mesure où l'engagement de la responsabilité du Gouvernement a été effectué par le ministre chargé des relations avec le Parlement, la pratique d'une part conforte la présente analyse juridique et d'autre part, tend à révéler l'existence d'une coutume constitutionnelle en la matière.

2. La procédure employée ne respecte par les droits du Parlement.

La lecture de l'ensemble des travaux préparatoires et surtout des discours des constituants, démontrent que cette procédure ne devait être employée qu'exceptionnellement dans la mesure où elle prive au moins partiellement l'Assemblée de ses fonctions éminentes (le vote de la loi).

Acte politiquement important et juridiquement grave, puisque privant de facto l'Assemblée nationale d'une de ses fonctions essentielles, il ne saurait être admis qu'un membre du Gouvernement, quel qu'il soit, remplace le Premier ministre pour annoncer à la tribune de l'Assemblée nationale l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur un texte qui sera adopté en l'absence du dépôt et du vote d'une motion de censure.

En conséquence, l'engagement de la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur un texte ne peut être exercé que par le Premier ministre en personne. Il ne peut être admis que cette attribution constitutionnelle fondamentale, attachée à la personne même du chef du Gouvernement, soit déléguée.

En conséquence, l'engagement de la responsabilité du Gouvernement par le ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, sur le projet de loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé est contraire à la Constitution.

Telles sont les raisons pour lesquelles les auteurs de la saisine estiment que par l'utilisation qui a été faite de l'article 49-3 de la Constitution, le projet de loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé est contraire à la Constitution.

PREMIERE SAISINE DEPUTES

Les députés soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé afin qu'il plaise au conseil de reconnaître l'inconstitutionnalité de la procédure d'adoption, ainsi que celle des articles 7 A et 14 à 14 sexdecies pour les motifs ci-joints.

En ce qui concerne la validité de la procédure législative.

La première partie du projet de loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé a été adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture par recours à la procédure de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. En l'absence du Premier ministre, c'est M Lionel Jospin, ministre d'Etat, chargé de l'éducation nationale, qui, chargé de l'intérim du Gouvernement, a engagé la responsabilité de celui-ci le vendredi 19 décembre à 19 h 5.

Cette procédure appelle deux remarques quant à la compétence du ministre chargé de l'intérim et quant à l'opposabilité du décret organisant l'intérim :

1. Sur la compétence :

L'article 49, alinéa 3, de la Constitution précise " le Premier ministre peut après délibération du conseil des ministres engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote d'un texte ".

En l'absence de toute autre hypothèse, il apparaît clairement que le Premier ministre a seul le pouvoir de mettre en uvre la procédure de l'article 49-3 à l'exclusion de tout autre membre du Gouvernement.

A contrario, les articles 41, 43 ou 44 de la Constitution parmi d'autres, montrent bien que lorsque le constituant a voulu élargir certains pouvoirs à tous les membres du Gouvernement, il l'a précisé en évoquant alors " le Gouvernement " et non pas " le Premier ministre ".

Ni l'article 49 ni aucun autre article ne prévoit l'hypothèse de l'intérim du Premier ministre, ce qui amène à penser en respectant une lecture stricte de la Constitution, que seul le Premier ministre en titre et en personne peut exercer les pouvoirs que la Constitution lui reconnaît à titre exclusif.

Si l'article 21 prévoit que le Premier ministre " peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres " d'une part, il n'est pas certain que les pouvoirs de l'article 49 entrent dans cette catégorie et, d'autre part, cette délégation formelle n'a pas eu lieu en l'occurrence. Le décret du 14 décembre du Président de la République ne constitue en aucune manière une délégation de cette nature.

L'intérim décidé par décret en l'absence de toute précision constitutionnelle ne saurait concerner que les seuls pouvoirs réglementaires du Premier ministre afin d'assurer la continuité de " l'exécution des lois " dont il a la charge de fait de l'article 21.

Le recours à l'article 49-3 par une autre personne que le Premier ministre en titre est donc contraire à la Constitution. Il constitue en l'espèce un vice grave de procédure impliquant l'annulation du texte déféré.

2. A supposer que l'intérim du Premier ministre puisse s'exercer dans le domaine constitutionnel, il ne peut être opposé en l'espèce.

En effet, en vertu du décret-loi du 5 novembre 1870, le décret n'entre en vigueur qu'un jour franc après sa promulgation, c'est-à-dire en l'occurrence le 16 décembre à zéro heure.

La décision d'engager la procédure de l'article 49-3 ayant été prise le 15, elle a été prise par une personne qui n'avait pas compétence pour le faire. Il y a donc là aussi vice de procédure.

Enfin, le texte qui est déféré a été adopté en dernière lecture après que le Premier ministre ait engagé une nouvelle fois la responsabilité de son gouvernement conformément à l'article 49-3 le lundi 18 décembre.

Or, l'article 49-3 précise que le Premier ministre ne peut engager cette procédure " qu'après délibération du conseil des ministres ".

Le compte rendu officiel du conseil des ministres du 13 décembre ne mentionne nulle part une telle délibération.

Il apparaît donc, sauf à recueillir de plus amples informations sur la rationalité de cette délibération, que le Premier ministre a méconnu une disposition de la Constitution en engageant la responsabilité du Gouvernement en l'absence de délibération préliminaire.

Le texte a donc été adopté selon une procédure qui a méconnu une exigence constitutionnelle.

Ce vice de forme constitue à lui seul un motif d'annulation.

En ce qui concerne l'article 7 bis A :

L'article 7 bis A est contraire au préambule de la Constitution de 1946, au principe d'égalité devant la loi et aux articles 39, alinéa 1, et 44, alinéa 1, de la Constitution, ainsi qu'à la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la définition de la notion d'amendement (86-225 DC du 23 janvier 1987).

L'article 7 bis A introduit une distinction entre les médecins généralistes et les médecins spécialistes en organisant deux types différents de convention.

Jusqu'à présent les conventions conclues entre les organisations syndicales représentatives et les caisses primaires d'assurance maladie recouvraient la totalité de la médecine ambulatoire respectant ainsi le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, qui affirme que " la Nation garantit à tous la protection de la santé ".

L'organisation de la multiplicité des conventions constitue la contradiction matérielle de ce principe.

En instituant un système de conventions multiples et différenciées, le texte déféré introduit le risque de voir se créer dans notre pays des zones entières non conventionnées, portant ainsi atteinte au principe de droit à la santé évoqué par le préambule.

En effet, certaines de ces organisations comprennent à la fois des spécialistes et des généralistes et seraient donc soumises à un traitement différent de celles qui comprennent uniquement les médecins de l'une des deux catégories, alors que leur vocation est identique et que le principe même de conventionnement ne saurait être divisé.

L'article 7 bis A est contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la notion d'amendement.

En effet, le Conseil, à plusieurs reprises, et notamment dans sa décision 86-225 DC du 23 janvier 1987, a affirmé que l'exercice du droit d'amendement était limité et qu'un amendement ne devrait pas constituer un projet de loi déguisé.

Or, en l'occurrence, le fait d'introduire des règles entièrement nouvelles dans les procédures de conventionnement de la médecine ambulatoire constitue manifestement, par l'importance et les répercussions que va avoir cette disposition sur l'avenir de notre médecine, un projet à lui tout seul et non un simple amendement au texte déféré.

Il convient donc de déclarer l'inconstitutionnalité de l'article pour ces motifs.

En ce qui concerne les articles 14 à 14 sexdecies :

De même, les articles 14 à 14 sexdecies sont-ils contraires à la jurisprudence du conseil précitée relative à l'exercice du droit d'amendement.

En effet, les dispositions introduites par ces articles, du fait de leur portée tant morale que philosophique et scientifique, ainsi que des conséquences éthiques qu'elles induisent, ne sauraient, sans méconnaître la Constitution, figurer à titre accessoire dans une loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé.

Il convient donc de déclarer l'inconstitutionnalité de ces articles pour ces motifs.


Références :

DC du 22 janvier 1990 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 22 janvier 1990 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation: Cons. Const., décision n°89-269 DC du 22 janvier 1990

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Origine de la décision
Date de la décision : 22/01/1990
Date de l'import : 11/01/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro de décision : 89-269
Numéro NOR : CONSTEXT000017667723 ?
Numéro NOR : CSCX9010591S ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.constitutionnel;dc;1990-01-22;89.269 ?
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