La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/11/1991 | FRANCE | N°91-300

France | France, Conseil constitutionnel, 20 novembre 1991, 91-300


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 23 octobre 1991, par MM Jacques Barrot, Yves Fréville, Jean-Paul Fuchs, Edouard Landrain, Michel Voisin, Francis Geng, François Rochebloine, Michel Jacquemin, Christian Kert, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM Jean-Pierre Foucher, Hubert Grimault, Raymond Barre, Claude Birraux, Edmond Alphandéry, Germain Gengenwin, Gérard Grignon, Bernard Stasi, Pierre Méhaignerie, François Bayrou, Mme Christine Boutin, MM Jean-Jacques Hyest, Jean Briane, Adrien Zeller, Jean-Paul Virapoullé, Georges Chavanes, Charles Millon, Jean-Yves Haby, Mme Louise Moreau, M

M Jean Brocard, Aimé Kerguéris, Marc Laffineur, Maurice ...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 23 octobre 1991, par MM Jacques Barrot, Yves Fréville, Jean-Paul Fuchs, Edouard Landrain, Michel Voisin, Francis Geng, François Rochebloine, Michel Jacquemin, Christian Kert, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM Jean-Pierre Foucher, Hubert Grimault, Raymond Barre, Claude Birraux, Edmond Alphandéry, Germain Gengenwin, Gérard Grignon, Bernard Stasi, Pierre Méhaignerie, François Bayrou, Mme Christine Boutin, MM Jean-Jacques Hyest, Jean Briane, Adrien Zeller, Jean-Paul Virapoullé, Georges Chavanes, Charles Millon, Jean-Yves Haby, Mme Louise Moreau, MM Jean Brocard, Aimé Kerguéris, Marc Laffineur, Maurice Ligot, Jean-Luc Préel, Philippe Mestre, Francisque Perrut, Roger Lestas, Jean-Pierre Philibert, Jean-François Mattei, Georges Mesmin, Alain Moyne-Bressand, Georges Colombier, Jean-Guy Branger, Jean Proriol, Claude Gatignol, Jean-Marc Nesme, Mme Nicole Ameline, MM François d'Harcourt, Francis Saint-Ellier, Michel Meylan, Francis Delattre, Alain Griotteray, Rudy Salles, Charles Ehrmann, Jean Desanlis, Claude Wolff, François-Michel Gonnot, Gilles de Robien, Daniel Colin, Willy Diméglio, Claude Gaillard, Jean Seitlinger, Philippe Vasseur, Gérard Longuet, Roland Blum, Jacques Dominati, Charles Fèvre, Gilbert Gantier, Raymond Marcellin, Bernard Pons, Alain Cousin, Philippe Auberger, Claude-Gérard Marcus, Robert Pandraud, Régis Perbet, Bernard Schreiner, François Grussenmeyer, Arnaud Lepercq, Mme Suzanne Sauvaigo, MM Jean-Louis Masson, Jean-Marie Demange, Gérard Léonard, Pierre Raynal, Pierre-Rémy Houssin, Jean-Louis Goasduff, Mme Christiane Papon, MM Roland Nungesser, René Galy-Dejean, Mme Michèle Alliot-Marie, MM Jean de Lipkowski, Robert-André Vivien, Georges Tranchant, Arthur Dehaine, Pierre Pasquini, Pierre Bachelet, Jacques Boyon, René Couveinhes, Gérard Chasseguet, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi portant règlement définitif du budget de 1989 ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu le décret n° 82-770 du 9 septembre 1982 autorisant l'émission par le Trésor public d'obligations renouvelables ;
Vu le décret n° 87-1160 du 31 décembre 1987 relatif à l'émission de l'emprunt d'Etat Janvier 1988 et autorisant l'émission d'obligations assimilables du Trésor, modifié par le décret n° 88-935 du 30 septembre 1988 ;
Vu le décret n° 89-4 du 4 janvier 1989 relatif à l'émission de l'emprunt d'Etat Janvier 1989 et autorisant l'émission d'obligations assimilables du Trésor ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les auteurs de la saisine mettent en cause la conformité à la Constitution des articles 1, 3, 7, 11 et 14 de la loi portant règlement définitif du budget de 1989 soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ;
2. Considérant qu'ils font valoir que l'article 11 de la loi, qui fixe le solde des pertes et profits sur opérations de trésorerie, comporte, à concurrence de 13 776 millions de francs, une somme qui ne constitue pas une perte de trésorerie, mais est assimilable à une charge budgétaire ; qu'en effet, ladite somme correspond au montant des intérêts courus dans la valeur des obligations renouvelables du Trésor admises directement en souscription d'obligations assimilables du Trésor ; que la charge en résultant devait par suite être rangée parmi les charges permanentes de l'État au sens des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ; qu'il suit de là que la somme susmentionnée devait être ajoutée au montant des dépenses du titre I "Dette publique et dépenses en atténuation de recettes", qui sont au nombre de celles prises en compte par l'article 3 de la loi déférée pour l'établissement des dépenses ordinaires civiles du budget général de 1989 ;
3. Considérant qu'il est soutenu que l'erreur qui aurait été commise dans l'imputation de la charge de la dette publique entache par là même d'irrégularité l'article 1er de la loi déférée qui arrête les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour 1989, l'article 7 en tant qu'il fixe l'excédent des dépenses sur les recettes du budget général de 1989 et l'article 14, paragraphe I, en ce que ces différents articles ne prennent pas en compte au nombre des charges budgétaires pour l'année 1989, la somme de 13 776 millions de francs ;
4. Considérant que, pour les auteurs de la saisine, en raison de ces irrégularités, le projet de loi portant règlement définitif du budget de 1989 présenté par le Gouvernement n'a pas permis au Parlement d'exercer sur l'exécution du budget le contrôle politique qui lui appartient ; qu'en outre, il a été porté atteinte, selon eux, au pouvoir général de décision en matière financière que le Parlement tient de l'article 34 de la Constitution ;
5. Considérant que dans son article 2, alinéa 5, l'ordonnance susvisée du 2 janvier 1959 dispose que : "La loi de règlement constate les résultats financiers de chaque année civile et approuve les différences entre les résultats et les prévisions de la loi de finances de l'année, complétée, le cas échéant, par ses lois rectificatives" ; que l'article 35 de la même ordonnance précise le contenu du projet annuel de loi de règlement ; qu'il est spécifié au premier alinéa de cet article que le projet "constate le montant définitif des encaissements de recettes et des ordonnancements de dépenses se rapportant à une même année ; le cas échéant il ratifie les ouvertures de crédits par décrets d'avances et approuve les dépassements de crédits résultant de circonstances de force majeure." ; qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 35 le projet annuel de loi de règlement établit le compte de résultat de l'année qui comprend : a) Le déficit ou l'excédent résultant de la différence nette entre les recettes et les dépenses du budget général ; b) Les profits et les pertes constatés dans l'exécution des comptes spéciaux du Trésor ; c) Les profits et les pertes résultant éventuellement de la gestion des opérations de trésorerie ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 35 "le projet de loi de règlement autorise enfin le transfert du résultat de l'année au compte permanent des découverts du Trésor." ;
6. Considérant que, dans son article 36, l'ordonnance n° 59-2 prévoit que le projet de loi de règlement est accompagné : 1° D'annexes explicatives faisant connaître notamment l'origine des dépassements de crédit et la nature des pertes et des profits ;2° D'un rapport de la Cour des comptes et de la déclaration générale de conformité entre les comptes individuels des comptables et la comptabilité des ministres ;
7. Considérant qu'il ressort de ces différents textes qu'indépendamment des documents d'accompagnement énumérés à l'article 36 de l'ordonnance n° 59-2, la loi de règlement comporte deux catégories de dispositions ayant une portée différente ; d'une part, celles qui constatent les résultats des opérations de toute nature intervenues pour l'exécution du budget et établissent le compte de résultat de l'année ; d'autre part, celles qui opèrent, le cas échéant, des ajustements de crédits par rapport aux prévisions des lois de finances et autorisent le transfert du résultat de l'année au compte permanent des découverts du Trésor ;
8. Considérant que dans la mesure où elle procède à des constatations la loi de règlement ne peut que retracer, à partir des comptes, les ordonnancements de dépenses et les encaissements de recettes, quelle que soit la régularité des opérations effectuées ; que, s'agissant d'opérations qui présentent le caractère d'actes administratifs ou comptables, le contrôle de leur régularité appartient aux autorités et juridictions compétentes pour en connaître et ne relève pas du Conseil constitutionnel ; que la constitutionnalité de la loi de règlement, en celles de ses dispositions qui procèdent à des constatations, s'apprécie uniquement au regard des règles de valeur constitutionnelle qui définissent son contenu ;
9. Considérant qu'en tant qu'elle comporte des mesures relatives à des ajustements de crédits et au transfert du résultat de l'année au compte permanent des découverts du Trésor, la loi de règlement correspond à l'exercice du pouvoir général de décision qui appartient au Parlement en matière financière ; que les irrégularités pouvant affecter les opérations d'exécution du budget au vu desquelles s'exerce ce pouvoir de décision sont sans influence sur la conformité à la Constitution des dispositions de la loi de règlement qui prennent en compte lesdites opérations ;
10. Considérant qu'à la suite de l'intervention du décret n° 88-935 du 30 septembre 1988 les souscripteurs d'obligations assimilables du Trésor ont pu en acquitter le montant par l'apport d'obligations renouvelables du Trésor ; que les comptables du Trésor ont traité ces opérations comme une modalité de règlement d'une souscription d'emprunt devant être assimilée dans sa totalité à une opération de trésorerie entraînant pour le Trésor une perte ; que le projet de loi portant règlement définitif du budget de 1989 déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en a tiré les conséquences tant dans sa présentation que dans son contenu ; que le moyen tiré de ce que le traitement comptable des opérations susmentionnées serait irrégulier est, eu égard à la portée des dispositions d'une loi de règlement, inopérant ;
11. Considérant, dès lors, qu'il ne saurait être valablement soutenu que le projet de loi de règlement présenté par le Gouvernement n'aurait pas permis au Parlement d'exercer sur l'exécution du budget le contrôle politique qui lui appartient, alors surtout que le rapport de la Cour des comptes qui accompagnait le dépôt du projet comportait des observations sur les conditions de remboursement des obligations renouvelables du Trésor, qui mettaient les assemblées à même d'exercer leur contrôle en connaissance de cause ; qu'il n'a pas davantage été porté atteinte au pouvoir général de décision en matière financière que le Parlement tient de l'article 34 de la Constitution ;

Décide :
Article premier :
La loi portant règlement définitif du budget de 1989 n'est pas contraire à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Loi portant règlement définitif du budget de 1989
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

SAISINE DEPUTES

Les députés soussignés,

Considérant que, conformément aux dispositions de l'article 35 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, le projet de loi de règlement adopté définitivement par le Sénat le 9 octobre 1991 établit le compte de résultat de l'année 1989 en distinguant, en son article 7, le résultat du budget général, compte tenu du montant définitif des dépenses du titre I Dette publique arrêté à l'article 3, et, en son article 11, le solde des pertes et profits sur opérations de trésorerie ; que la constitutionnalité de la loi de règlement s'apprécie, en ce qui procède à des constatations, au regard des seules règles de valeur constitutionnelle qui définissent son contenu et qui figurent dans les articles 2 et 35 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 85-202 du 16 janvier 1986 ; que le respect de la distinction entre déficit du budget général et pertes résultant de la gestion de trésorerie, distinction prévue aux alinéas a et c de l'article 35 de l'ordonnance précitée, fait ainsi partie des dispositions de la loi de règlement qui font l'objet du contrôle de constitutionnalité ;

Considérant que les pertes diverses sur emprunts figurant à l'article 11 du projet de loi de règlement comprennent une charge que le rapport de la Cour des comptes, annexé à ce projet conformément à l'article 36 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 (page 108), a évaluée à 13 776 millions de francs et dont il reconnaît le caractère budgétaire ; que cette charge correspond en effet au montant des intérêts courus dans la valeur des obligations renouvelables du Trésor admises directement en souscription d'obligations assimilables du Trésor ; que les auteurs de la saisine ne contestent pas la régularité de cette opération de conversion effectuée dans le cadre de l'autorisation particulière donnée au ministre de l'économie et des finances par le décret n° 88-935 du 30 septembre 1988 et de l'autorisation générale à lui accordée par l'article 44 de la loi de finances pour 1989 ; qu'en revanche, comme le relève la Cour des comptes, " l'opération qui consiste à admettre simultanément capital et intérêts en une seule souscription comptabilisée totalement en opération de trésorerie a pour conséquence de ne pas faire apparaître en dépense budgétaire les intérêts échus ", alors que la charge de la dette figure parmi les charges permanentes de l'Etat conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance de janvier 1959 ; qu'il appartenait donc au Gouvernement de déterminer le montant certain des intérêts courus des obligations renouvelables du Trésor, depuis la date de leur émission jusqu'à celle, postérieure de plusieurs années, de leur échange ; qu'en effet le paiement des intérêts des obligations renouvelables du Trésor ne s'effectue pas annuellement mais seulement à la date de leur remboursement ou de leur échange ;

Considérant que, selon la décision précitée du Conseil constitutionnel, les textes à valeur constitutionnelle relatifs à la loi de règlement ont pour objet de permettre au Parlement d'exercer sur l'exécution du budget le contrôle politique qui lui appartient ; que ce contrôle politique porte manifestement sur la constatation du déficit du budget général visé au a de l'article 35 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et sur la constatation de la différence entre les résultats et les prévisions de la loi de finances qu'il a à approuver en vertu de l'article 2 de la même ordonnance ; qu'il convenait de présenter à l'article 7 du projet de loi de règlement un déficit de 99 milliards de francs, compte tenu du montant des intérêts des obligations renouvelables du Trésor converties, et non de 85,7 milliards de francs ; que la minoration d'environ 13 milliards de francs de ce déficit dans le projet de loi de règlement du budget de 1989 présenté par le Gouvernement n'a pas permis au Parlement d'exercer sur l'exécution du budget le contrôle politique qui lui appartient ;

Considérant qu'en tant qu'elle comporte des mesures relatives à des ajustements de crédit par rapport aux prévisions de la loi de finances la loi de règlement correspond, ainsi que l'a précisé le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée, à l'exercice du pouvoir général de décision qui appartient au Parlement en matière financière ; que l'article 3 du projet de loi de règlement du budget de 1989 non seulement constate mais aussi approuve les ajustements de crédit, de nature évaluative, de la charge de la dette ; que la non-incorporation dans celle-ci des intérêts courus pendant plusieurs années des obligations renouvelables du Trésor admises à l'échange aboutit à priver le Parlement de son pouvoir général de décision en matière financière en violation de l'article 34 de la Constitution ; que la généralisation de la pratique de la conversion avant échéance des obligations du Trésor sans inscription concomittante des intérêts courus pendant une période supérieure à l'année dans la charge de la dette conduirait à la limite à priver le Parlement de son pouvoir d'autorisation budgétaire en matière de charge de la dette, demandent au Conseil constitutionnel d'annuler les articles 1er, 3, 7, 11 et 14 du projet de loi de règlement du budget de 1989.


Références :

DC du 20 novembre 1991 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 20 novembre 1991 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi portant règlement définitif du budget de 1989 (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation: Cons. Const., décision n°91-300 DC du 20 novembre 1991

RTFTélécharger au format RTF
Origine de la décision
Date de la décision : 20/11/1991
Date de l'import : 02/11/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro de décision : 91-300
Numéro NOR : CONSTEXT000017666968 ?
Numéro NOR : CSCX9101234S ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.constitutionnel;dc;1991-11-20;91.300 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award