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06/07/1994 | FRANCE | N°94-341

France | France, Conseil constitutionnel, 06 juillet 1994, 94-341


Le Conseil constitutionnel a été saisi, en premier lieu, le 8 juin 1994, par MM Martin Malvy, Gilbert Annette, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Balligand, Claude Bartolone, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Didier Boulaud, Michel Berson, Jean-Claude Bois, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Jean-Pierre Braine, Laurent Cathala, Jean-Pierre Chevènement, Camille Darsières, Henri d'Attilio, Mme Martine David, MM Bernard Davoine, Jean-Pierre Defontaine, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Pierre Ducout, Dominique Dupilet, Jean-Paul Durieux, Henri Emma

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Le Conseil constitutionnel a été saisi, en premier lieu, le 8 juin 1994, par MM Martin Malvy, Gilbert Annette, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Balligand, Claude Bartolone, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Didier Boulaud, Michel Berson, Jean-Claude Bois, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Jean-Pierre Braine, Laurent Cathala, Jean-Pierre Chevènement, Camille Darsières, Henri d'Attilio, Mme Martine David, MM Bernard Davoine, Jean-Pierre Defontaine, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Pierre Ducout, Dominique Dupilet, Jean-Paul Durieux, Henri Emmanuelli, Laurent Fabius, Jacques Floch, Pierre Garmendia, Kamilo Gata, Jean Glavany, Jacques Guyard, Jean-Louis Idiart, Frédéric Jalton, Serge Janquin, Charles Josselin, Jean-Pierre Kucheida, André Labarrère, Jean-Yves Le Déaut, Louis Le Pensec, Alain Le Vern, Marius Masse, Didier Mathus, Jacques Mellick, Louis Mexandeau, Jean-Pierre Michel, Didier Migaud, Mme Véronique Neiertz, MM Paul Quilès, Alain Rodet, Mme Ségolène Royal, MM Georges Sarre, Henri Sicre, Roger-Gérard Schwartzenberg, Daniel Vaillant, Michel Fromet, Régis Fauchoit et Gérard Saumade, députés, et, en second lieu, le 9 juin 1994, par MM Claude Estier, René Regnault, Jacques Carat, Mme Josette Durrieu, MM Léon Fatous, Marcel Bony, Jean Peyrafitte, Germain Authié, Claude Cornac, Gérard Miquel, Jean-Pierre Demerliat, Michel Dreyfus-Schmidt, Louis Philibert, Fernand Tardy, Marcel Charmant, Roger Quilliot, Guy Penne, Philippe Labeyrie, Michel Manet, Francis Cavalier-Benezet, Albert Pen, Pierre Biarnes, Philippe Madrelle, Michel Sergent, Jean-Luc Melenchon, Michel Charasse, Jean-Louis Carrère, Paul Loridant, Roland Bernard, William Chervy, Michel Moreigne, Bernard Dussaut, Claude Saunier, Raymond Courrière, Robert Laucournet, Jacques Bialski, Gérard Gaud, Marcel Vidal, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM François Autain, Charles Metzinger, Roland Huguet, René-Pierre Signe, Franck Sérusclat, Aubert Garcia, Gérard Roujas, Mme Françoise Seligmann, MM Guy Allouche, Robert Castaing, Paul Raoult, Roland Courteau, Louis Perrein, Jacques Bellanger, François Louisy, André Vezinhet, Tony Larue, Jean Besson, André Rouvière, Claude Fuzier, Rodolphe Desiré et Mme Marie-Madeleine Dieulangard, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative à la date du renouvellement des conseillers municipaux ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ;
Vu le code électoral ;
Vu le décret n° 64-231 du 14 mars 1964 modifié pris pour l'application de la loi du 6 novembre 1962 susvisée ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés auteurs de la première saisine comme les sénateurs auteurs de la seconde saisine soutiennent que les articles 1er et 2 de la loi déférée ne sont pas conformes à la Constitution ; que l'article 3 et dernier de cette loi ayant pour seul objet d'en prévoir l'application dans les territoires d'outre- mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte, ils font valoir que ladite loi est dans son ensemble contraire à la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 1ER :
2. Considérant que l'article 1er prévoit que, par dérogation aux dispositions de l'article L. 227 du code électoral, le prochain renouvellement des conseillers municipaux aura lieu en juin 1995 et que le mandat de ceux-ci sera soumis à renouvellement en mars 2001 ;
3. Considérant que les députés auteurs de la première saisine soutiennent que le report du renouvellement des conseils municipaux n'est pas nécessaire et que d'autres modifications du calendrier électoral étaient envisageables ; qu'ils mettent en cause la proximité des élections municipales ainsi reportées par rapport à l'élection présidentielle qui se déroulerait alors antérieurement ; qu'ils font valoir que, dès lors, la loi déférée porte atteinte à l'exercice du droit de suffrage ainsi qu'à la libre administration des collectivités locales et qu'en outre les conditions dans lesquelles se succéderaient l'élection présidentielle et les élections municipales traduisent un détournement de pouvoir et sont génératrices d'inégalités entre les candidats ; qu'ils affirment enfin que la loi comporte une "violation caractérisée de l'esprit, sinon de la lettre, de l'article 12 de la Constitution" ; que les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, soutiennent que le report des élections municipales ne présente pas les garanties d'objectivité et de clarté qui doivent s'attacher à toute consultation électorale et, par suite, porte atteinte au principe de libre administration des collectivités locales ; que par ailleurs la différence de durée entre le mandat des conseillers municipaux qui se trouverait prorogé et celui des conseillers municipaux à élire lors du renouvellement général des conseils méconnaîtrait le principe d'égalité ;
4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 72 de la Constitution "Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les territoires d'outre-mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi" ; que le deuxième alinéa du même article dispose que "Ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi" ; qu'en vertu du troisième alinéa de l'article 24 de la Constitution, le Sénat, qui est élu au suffrage indirect, "assure la représentation des collectivités territoriales de la République" ; que, selon le troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution, le suffrage "est toujours universel, égal et secret" ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions constitutionnelles ci-dessus rappelées que le législateur, compétent pour fixer les règles concernant le régime électoral des assemblées locales, peut, sous réserve du respect des dispositions et principes de valeur constitutionnelle, librement modifier ces règles ; que la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient donc pas de rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à ces objectifs ;
6. Considérant en outre que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ;
7. Considérant qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi que le législateur a justifié la prorogation du mandat des conseillers municipaux par la nécessité d'éviter des difficultés de mise en oeuvre de l'organisation de l'élection présidentielle prévue en 1995 ; que cette prorogation et par suite la réduction du mandat des conseillers municipaux à élire a été limitée à trois mois et revêt un caractère exceptionnel ; que le choix opéré par le législateur n'est pas manifestement inapproprié aux objectifs qu'il s'est fixés ; que ce choix ne crée, dans son principe, ni dans ses modalités matérielles d'organisation, de confusion dans l'esprit des électeurs avec d'autres consultations électorales ; que dans cette mesure l'article 1er de la loi n'apparaît contraire ni au droit de suffrage garanti par l'article 3 de la Constitution, ni au principe de libre administration des collectivités locales, ni au principe d'égalité ;
- SUR L'ARTICLE 2 :
8. Considérant que cet article prévoit que pour le prochain renouvellement des conseils municipaux, la durée de la période pendant laquelle les candidats peuvent avoir recueilli des fonds dans les conditions prévues par l'article L. 52-4 du code électoral est portée à quinze mois ; qu'il doit s'interpréter comme prolongeant de trois mois la période déterminée par ce dernier article ; qu'il dispose par ailleurs que toutefois les comptes de campagne qui doivent être établis par les candidats ne retraceront au titre des dépenses que celles qui auront été engagées ou effectuées en vue de l'élection pendant la période mentionnée par ledit article ;
9. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir que la loi méconnaît le principe d'égalité dès lors qu'elle aurait favorisé des candidats avertis par avance de la prorogation de durée ainsi prévue ; que les sénateurs mettent en cause également une violation du principe d'égalité des citoyens devant la loi au motif que certains candidats devront déposer des comptes de campagne retraçant leurs recettes et leurs dépenses sur douze mois alors que pour les autres candidats les comptes de campagne retraceraient les recettes sur quinze mois et les dépenses sur douze mois seulement ;
10. Considérant qu'ainsi qu'il a été rappelé ci- dessus le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ;
11. Considérant d'une part qu'aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral applicable aux élections municipales : "Pendant l'année précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour du scrutin où l'élection a été acquise, un candidat à cette élection ne peut avoir recueilli des fonds en vue du financement de sa campagne que par l'intermédiaire d'un mandataire nommément désigné par lui qui est soit une association de financement électorale, soit une personne physique dénommée "le mandataire financier" ; que d'autre part les articles L. 52-5 et L. 52-6 du même code disposent respectivement que "L'association ne peut recueillir de fonds que pendant la période prévue à l'article L. 52-4" et que "Le mandataire financier ne peut recueillir de fonds que pendant la période prévue à l'article L. 52-4 " ;
12. Considérant qu'en décidant la prolongation de trois mois ci-dessus mentionnée le législateur a entendu prendre en compte la circonstance que pendant la période séparant le 1er mars 1994 du 1er juin 1994, des associations de financement ont pu être constituées ou des mandataires désignés et que ceux-ci ont pu collecter des fonds conformément à la législation alors applicable ;
13. Considérant qu'il a toutefois décidé, notamment compte tenu du maintien du montant du plafond prévu par l'article L. 52-11 du code électoral, de ne pas modifier la période durant laquelle sont prises en compte les dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection ; qu'ainsi les différences de situation susceptibles d'être créées répondent à la volonté du législateur d'assurer la mise en oeuvre des objectifs qu'il s'est fixés ; que dès lors les moyens tirés de violations du principe d'égalité doivent être écartés ;

Décide :
Article premier :
La loi relative à la date du renouvellement des conseillers municipaux n'est pas contraire à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro de décision : 94-341
Date de la décision : 06/07/1994
Loi relative à la date du renouvellement des conseillers municipaux
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

SAISINE DEPUTES Les députés soussignés à Monsieur le président, Madame et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, 2, rue de Montpensier, 75001 Paris Monsieur le président, Madame et Messieurs les conseillers,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi relative à la date du renouvellement des conseillers municipaux telle qu'elle a été adoptée par le Parlement.

La loi déférée a pour objet de reporter de mars à juin 1995 la date du prochain renouvellement général des conseils municipaux (article 1er) et de porter de douze à quinze mois la durée de la période pendant laquelle les candidats aux élections municipales peuvent recueillir des fonds en vertu de l'article L 52-4 du code électoral, période qui s'étend en conséquence du 1er mars 1994 au 1er juin 1995, alors que la période mentionnée audit article L 52-4 reste explicitement limitée à douze mois (du 1er juin 1994 au 1er juin 1995) en ce qui concerne le décompte des dépenses de campagne de ces candidats.

Cette modification du calendrier électoral intéresse incontestablement les conditions d'exercice du droit de suffrage et tout aussi certainement les garanties de la libre administration des collectivités territoriales.

Or, il résulte notamment de la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décisions n° 90-280 DC du 6 décembre 1990 et n° 93-331 DC du 13 janvier 1994) que le législateur ne peut modifier constitutionnellement les conditions d'exercice du droit de suffrage, et en particulier remettre en cause la stabilité des mandats électoraux, que dans des limites précises : la fixation du régime électoral des assemblées locales doit " se conformer aux principes d'ordre constitutionnel ", ce qui impliquait notamment en 1990 et en 1993 " que les électeurs soient appelés à exercer selon une périodicité raisonnable leur droit de suffrage ".

Plus généralement, la modification législative d'un calendrier électoral n'est constitutionnelle que, si, d'une part, elle est nécessaire au respect de règles ou de principes de valeur constitutionnelle, car l'expression du suffrage ne saurait dépendre de l'arbitraire d'une majorité, si, d'autre part, son contenu est conforme à ces règles et principes, ce qui suppose d'en analyser les effets au-delà des objectifs officiellement proclamés par les auteurs du texte, et si enfin sa finalité n'est contraire à aucune de ces règles et principes, car des préoccupations de commodité partisane ou d'intérêts personnels de notabilités ne peuvent davantage fonder pareille réforme.

Or, le report en juin 1995 des prochaines élections municipales n'est nullement nécessaire au respect des règles et principes constitutionnels (I) ; de surcroît, la loi déférée porte atteinte au droit de suffrage, viole le principe de libre administration des collectivités territoriales de la République et le principe constitutionnel d'égalité de traitement (II) ; enfin, la finalité purement tacticienne et partisane de cette loi révèle un incontestable détournement de pouvoir (III).

I Sur l'absence de nécessité du report en juin 1995 des élections municipales

Cette absence de nécessité est doublement établie, d'une part, en ce que le maintien de la date normale était juridiquement possible et politiquement praticable (A), d'autre part, à titre subsidiaire, en ce que deux autres solutions s'ouvraient au Gouvernement et à la majorité parlementaire s'ils souhaitaient malgré tout modifier l'échéance (B).

A Le maintien de la date normale était juridiquement possible et politiquement praticable

Le ministre de l'intérieur s'est évertué, tout au long du débat parlementaire, à démontrer que le calendrier des opérations préparatoires à l'élection présidentielle imposait juridiquement la modification de la date des prochaines élections municipales. Un examen attentif des dispositions constitutionnelles, organiques et législatives montre qu'il n'en est rien.

En vertu du troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution, les deux tours de la prochaine élection présidentielle devront avoir lieu soit les 16 et 30 avril 1995, soit les 23 avril et 7 mai 1995.

Le calendrier des jours fériés de 1995 a légitimement conduit le Gouvernement et l'ensemble des intervenants dans le débat parlementaire à considérer que les seules dates praticables étaient celles du 23 avril pour le premier tour de scrutin et du 7 mai pour l'éventuel second tour de scrutin.

Il en résulte, conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi organique n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée, que la publication de la liste des candidats à cette élection doit intervenir au plus tard le 7 avril 1995 et que le Conseil constitutionnel doit disposer, afin d'établir cette liste, des " présentations " de candidats par les catégories de citoyens (dont les maires) habilités à " parrainer " ceux-ci au plus tard le 4 avril à minuit.

Or, il convient que les " parrains " potentiels disposent d'un délai de réflexion raisonnable pour décider d'utiliser ou non leur faculté de " parrainage ". Le ministre de l'intérieur a évoqué un délai d'une vingtaine de jours ; les saisissants feront observer ici d'une part que les textes n'imposent pas de durée précise, d'autre part et surtout que le temps qui doit être ménagé est celui de la réflexion et non celui qui serait matériellement nécessaire pour remplir un formulaire de présentation : rien n'empêche un éventuel " parrain " de commencer à réfléchir aux propositions qui lui sont faites alors même qu'il n'aurait pas encore reçu ledit formulaire.

En l'état actuel de la réglementation (décret n° 64-231 du 14 mars 1964 modifié), les présentations de candidats par les " parrains " peuvent être adressées au Conseil constitutionnel à partir de la publication du décret convoquant les électeurs (article 1er du décret) ; le Gouvernement en a déduit que pour préserver le " délai raisonnable " de réflexion des " parrains " le décret de convocation des électeurs devait être pris le 16 mars 1995 (ce qui laisse en effet auxdits " parrains " dix-neuf jours pour envoyer leur présentation). Or l'article 3 du décret du 14 mars 1964 dispose en son alinéa 2 que l'envoi des formulaires de présentation aux " parrains " éventuels doit intervenir au moins quinze jours avant la publication du décret convoquant les électeurs. Poursuivant son compte à rebours, le Gouvernement en déduit que ces formulaires devront parvenir aux " parrains " au plus tard le 1er mars 1995.

Or le maintien de la date normale de renouvellement général des conseils municipaux signifiait que ces élections auraient lieu les 5 et 12 mars 1994. Il en résultait, compte tenu des dispositions du code des communes, que les maires seraient élus au plus tard le 19 mars. Le Gouvernement et la majorité en concluent qu'il n'aurait pas été possible d'expédier en temps voulu, soit le 1er mars au plus tard, les formulaires de présentation des candidats à l'élection présidentielle à des maires dont l'identité ne sera connue qu'entre le 17 et le 19 mars cette question de la date d'envoi des formulaires étant la seule et unique raison invoquée pour justifier le report des élections municipales. Petites causes, grands effets.

On a cependant peine à croire qu'un prétexte bureaucratique aussi mince, dont l'exposé suppose l'invocation de dispositions purement réglementaires et aisément modifiables d'ici l'année prochaine, puisse fonder la modification de la date à laquelle l'ensemble des citoyens français vont exercer leur droit de suffrage.

En réalité, aucune règle n'impose que les formulaires soient envoyés nominalement aux éventuels " parrains " : l'article 3 de la loi organique du 6 novembre 1962 fait référence aux " citoyens membres du Parlement, des conseils régionaux, des conseils généraux, du conseil de Paris, des assemblées territoriales d'outre-mer, maires ou membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger ".

C'est dire que le droit de présentation n'est pas ouvert intuitu personae mais bien à seule raison du mandat détenu par le " parrain " potentiel. Dès lors, rien n'empêche le Gouvernement d'adresser les formulaires de présentation à " Monsieur ou Madame le maire de ", étant entendu que l'identité et la qualité des " parrains " sont évidemment vérifiés par la suite avec la plus grande attention par le Conseil constitutionnel.

En d'autres termes, il n'est nullement besoin d'attendre que le nom des nouveaux maires soit connu pour envoyer lesdits formulaires : les envois en cause peuvent parfaitement intervenir avant le 19 mars 1995. Rien n'empêche que les formulaires soient envoyés dans les premiers jours de mars (par exemple le 6 mars), afin que puisse être publié quinze jours plus tard (le 21 mars) le décret de convocation du corps électoral pour le scrutin présidentiel.

Dans une telle hypothèse, les nouveaux maires, à supposer qu'ils n'aient pas été sollicités avant même leur élection ou leur réélection par les " présidentiables ", disposeront d'un délai de réflexion d'au moins seize jours (du 19 mars au plus tard jusqu'au soir du 4 avril) et d'un délai de deux semaines pour envoyer leur formulaire (du 21 mars, date de la publication du décret de convocation des électeurs, au soir du 4 avril). Eu égard aux précédents en la matière, nul ne saurait prétendre qu'un tel délai ne serait pas " raisonnable ".

A supposer même que l'on ne retienne pas cette analyse et que l'on considère que les formulaires de présentation doivent être adressés nominalement aux nouveaux maires, il suffisait encore de modifier la disposition de l'article 3 du décret du 14 mars 1964 qui impose un délai de quinze jours entre l'envoi des formulaires et la convocation du corps électoral pour résoudre la difficulté : l'envoi des formulaires pourrait par exemple intervenir dès le 20 mars (le nom de tous les maires étant connu au plus tard le 19) et le décret de convocation pourrait être publié le même jour ou le lendemain. Le délai de réflexion laissé aux " parrains " ne s'en trouverait en rien diminué, et on voit mal quel principe constitutionnel souffrirait dès lors de la quasi-concomitance entre les deux formalités.

Ainsi, en tout état de cause, le maintien de la date normale des élections municipales ne faisait-il en rien obstacle au déroulement correct du processus de préparation de l'élection présidentielle ; tout au plus exigeait-il la modification d'une disposition marginale d'un décret, laquelle n'eût en rien porté atteinte à une règle ou à un principe constitutionnel.

Le report du renouvellement des conseils municipaux n'était pas nécessaire ; il n'est donc pas constitutionnel.

B D'autres modifications du calendrier étaient juridiquement et politiquement envisageables

Il était en premier lieu parfaitement possible d'avancer de quelques jours la date du renouvellement des conseils municipaux. Le ministre de l'intérieur et la majorité parlementaire, soudain remarquablement attachés au respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ont prétendu qu'il y aurait là une sorte de dissolution anticipée des conseils municipaux qui ne manquerait pas d'être censurée. C'est faire preuve d'une extrême audace dans l'exégèse : d'une part, la réduction de la durée d'un mandat a déjà été jugée constitutionnelle (en 1990) ; il est vrai qu'il ne s'agissait pas d'un mandat en cours, mais le cas contraire n'a pas encore été tranché et n'appelle sans doute pas de réponse générale et absolue ; d'autre part et surtout, la réduction envisageable en l'espèce se serait limitée à quinze jours, ce qui suffit à exclure la qualification surprenante de dissolution anticipée et permet de ne point nourrir de doutes excessifs sur la constitutionnalité d'un aménagement aussi mineur et justifié.

Ainsi les élections municipales auraient-elles pu avoir lieu les 19 et 26 février 1995, ce qui eût là encore levé toutes les objections avancées par le Gouvernement.

Mais on pouvait également envisager un report desdites élections en septembre 1995, ce qui, à la différence de la solution retenue par la loi déférée, non seulement réglait le prétendu problème des " parrainages " mais aussi et surtout évitait la proximité excessive entre un scrutin national et un scrutin local tous deux de première importance, proximité que le Gouvernement prétendait vouloir exclure et a en réalité organisée ainsi qu'il sera ci-après démontré. Au surplus, telle est la solution que dicte une véritable tradition républicaine, attestée notamment par les précédents de 1967, de 1973 et de 1988.

Il a certes été objecté à cette solution, notamment par le ministre de l'intérieur, qu'elle conduirait à faire assurer le renouvellement de la série C des sénateurs, lequel doit également intervenir en septembre 1995, par des conseillers municipaux en fin de mandat dont la légitimité serait ainsi en quelque sorte dégradée.

L'argument ne manque pas de surprendre dans la mesure où il sert à justifier l'adoption d'une loi qui précisément fera " parrainer " des candidats à l'élection présidentielle par des maires en extrême fin de mandat ; on en déduira que le ministre de l'intérieur porte à la Haute Assemblée une considération nettement plus forte que celle que lui inspire l'institution présidentielle.

Plus sérieusement, il suffira sur ce point de constater qu'aucune règle juridique ne s'opposait à une telle solution.

D'ailleurs, le report en quelque sorte traditionnel des élections municipales en septembre aurait pu, pour satisfaire les scrupules du Gouvernement, s'accompagner de celui des élections sénatoriales, qui certes nécessitait une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées (ce que les équilibres politiques actuels ne paraissaient pas mettre hors d'atteinte du Gouvernement), mais qui n'aurait pas posé d'insurmontables problèmes pratiques. Il va de soi qu'un tel report des élections sénatoriales, contrairement aux dires du ministre de l'intérieur, eût été parfaitement constitutionnel dès lors que ses finalités eussent été l'évitement de " chevauchements " de campagnes électorales susceptibles d'altérer l'exercice du droit de suffrage et le souci de renforcer la légitimité du Sénat : le ministre semble ici sous-estimer l'honorabilité de ses propres préoccupations.

Ainsi, de quelque côté que l'on envisage la question, rien ne nécessitait que la date des prochaines élections municipales fût fixée en juin 1995. La modification du calendrier électoral décidée par la loi déférée ne s'appuie sur aucune nécessité réelle.

II. Le contenu de la loi déférée est contraire à trois règles ou principes de valeur constitutionnelle

La loi déférée aura pour effet inévitable de fausser les conditions d'exercice du droit de suffrage et de porter atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales de la République (A) ; elle viole en outre le principe constitutionnel d'égalité de traitement (B).

A Sur l'altération des conditions du droit de suffrage et l'atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales

Il suffit ici de rappeler les fortes formules tant du ministre de l'intérieur que des orateurs de la majorité au cours du débat parlementaire. Il faut, explique ainsi le sénateur Christian Bonnet dans le rapport qu'il présente au nom de la commission des lois, mettre les deux élections en cause " à l'abri d'interférences réciproques qui altéreraient nécessairement l'expression du suffrage " et qui interviendraient " à coup sûr au détriment de la démocratie locale, composante essentielle de la démocratie politique française " ; sa crainte est plus précisément que la campagne des élections municipales ne se trouve " éclipsée par la campagne présidentielle ".

On ne saurait mieux dire à ceci près que les craintes du sénateur Bonnet visaient les conséquences prétendues du maintien de la date normale des élections municipales, alors qu'elles s'adressent involontairement mais de plus fort à la loi déférée : le laps de temps séparant les deux scrutins non seulement ne sera pas plus important qu'en cas de maintien du statu quo, mais pourrait l'être moins et surtout la séquence " présidentielle-municipales " est génératrice d'interférences bien plus graves que celles qu'aurait produit la séquence inverse. On ne saurait en effet sérieusement contester que l'effet de " nationalisation altérante " du débat municipal produit par le résultat tout frais de l'élection présidentielle sera considérable, alors qu'à l'évidence le caractère national du débat présidentiel n'eût pas été menacé par l'intervention, six semaines auparavant, des élections municipales.

Qui ne voit que l'expression du suffrage se trouvera gravement faussée par le contexte national du mois de juin 1995 ? Il est vrai que la " nationalisation " des élections locales est un phénomène fréquent et difficilement évitable, mais le législateur ne saurait constitutionnellement la favoriser ni a fortiori l'organiser comme le fait la loi déférée en instituant volontairement une sorte de prime à la majorité nationale toute récente.

Il est en outre incontestable que la durée effective du débat municipal sera réduit à la portion congrue : les élections municipales, étant organisées les 11 et 18 juin 1995, interviendront à peine un mois après le second tour de l'élection présidentielle, c'est-à-dire à peine quinze jours après l'installation du nouveau Président de la République. En d'autres termes, la campagne pour ces élections se déroulera alors que l'attention des citoyens sera monopolisée par le début du nouveau septennat, par la composition et par la nomination d'un nouveau Gouvernement, voire par le débat sur une éventuelle dissolution. Il est clair que dans ces conditions les problèmes locaux passeront au second plan et qu'en tout état de cause le laps de temps pendant lesquels ils pourront être réellement discutés ne dépassera guère une semaine.

Le fait ne serait que regrettable s'il était le résultat de l'application mécanique du calendrier normal ; il n'est pas admissible dès lors qu'il résulte d'un choix volontaire du législateur, lequel organise ainsi un véritable escamotage du débat municipal et porte manifestement atteinte, ce faisant, et à l'exercice éclairé du droit de suffrage et à la libre administration des collectivités territoriales, laquelle suppose un contrôle effectif des électeurs sur la gestion des élus.

B Sur la violation du principe constitutionnel d'égalité de traitement

L'aménagement ad hoc du régime de financement des campagnes municipales par l'article 2 de la loi déférée est constitutif d'une rupture d'égalité caractérisée entre les candidats à ces élections.

Non seulement, en effet, la période de contrôle des dépenses électorales est désormais (et pour la première fois) dissociée de celle de contrôle des recettes, la première restant de douze mois alors que la seconde est portée à quinze mois, ce qui signifie clairement que les dépenses engagées de mars à juin 1994 ne feront l'objet d'aucune prise en compte ni d'aucun contrôle, et ce du fait d'une disposition rétroactive de la loi déférée, mais surtout cet élargissement des possibilités de financement a déjà profité à ceux des futurs candidats (et notamment des maires candidats à leur réélection) qui, ayant la chance d'être politiquement proches du Gouvernement, ont été avertis en temps utile du revirement de la position de ce dernier (lequel envisageait jusqu'à février dernier un report en septembre 1995), alors que d'autres candidats, qui se sont conformés à la loi en vigueur, ont dû restreindre d'autant leurs dépenses. La loi déférée a ainsi créé une sorte de " délit d'initiés politique ", seuls les candidats " bien informés " pouvant pendant trois mois dépenser impunément ad libitum.

Or, la loi électorale doit être connue avec certitude de tous en temps utile : sa publicité est une garantie indispensable de l'égalité entre les candidats ; en d'autres termes, toute rétroactivité est en la matière nécessairement discriminatoire.

L'organisation de l'" anticipation " d'une loi future plus laxiste par les seuls " initiés " est manifestement contraire au principe constitutionnel d'égalité de traitement.

On ajoutera que le principe même du report en juin 1995 des élections municipales, en plaçant celles-ci moins de six semaines après l'élection présidentielle, est générateur d'autres discriminations tout aussi incontestables. L'intervention dans une ville d'un " présidentiable ", à un mois et demi du scrutin municipal, peut se révéler pour le candidat dont il partage les options (par exemple pour le maire sollicitant sa réélection) un atout considérable. Là encore, il n'y aurait rien que de regrettable si cette altération des conditions de la compétition électorale n'était pas non seulement l'effet mais même l'un des objets majeurs de l'adoption de la loi déférée, qui cherche à maximiser les retombées d'une éventuelle victoire présidentielle sur les résultats des élections municipales.

Comment d'ailleurs gérer dans un tel contexte l'application de la réglementation relative au financement des campagnes ? Tel candidat et à l'élection présidentielle et, à tout hasard, à sa réélection comme maire d'une grande ville devra-t-il ventiler ses dépenses d'affichage à sa guise entre ses deux budgets de campagne ? Tel maire candidat à sa réélection, dont le portrait figurera en bonne place sur les affiches appelant à participer à la réunion électorale d'un " présidentiable " de passage, pourra-t-il bénéficier de cette publicité politique sans avoir à en intégrer le coût dans son compte de campagne, ce qui le favoriserait considérablement par rapport à ses concurrents ? La liste est ainsi fort longue des distorsions et des discriminations nécessairement induites par le choix, voulu d'ailleurs en toute connaissance de cause par les auteurs du texte, de la mi-juin 1995 pour le renouvellement des conseils municipaux.

III. La loi déférée est entachée de détournement de pouvoir

On a déjà remarqué à plusieurs reprises que le contenu des dispositions de la loi ne servait nullement, bien au contraire, les objectifs mis en avant par ses auteurs ; c'est tout particulièrement éclatant à propos de la nécessité d'éviter une trop grande proximité entre les scrutins présidentiel et municipaux. Mais le soupçon de dissimulation, derrière de telles considérations officielles, de mobiles moins avouables ne peut que se renforcer à l'analyse de l'élaboration du projet de loi.

On se bornera à rappeler sur ce point que le ministre de l'intérieur avait diffusé en août 1993 (notamment aux présidents de groupes du Sénat) un avant-projet de loi qui, sur la base des soucis réaffirmés par lui jusqu'à ce jour, prévoyait le report des élections municipales en septembre 1995, conformément à la tradition républicaine précitée. L'argumentation développée par le ministre dans l'exposé des motifs de cet avant-projet constitue le plus terrible réquisitoire que l'on puisse imaginer contre la loi finalement votée à son instigation. Que penser dès lors de la poursuite d'un discours désormais totalement contredit par les actes de son auteur ?

En réalité, la lecture de la presse depuis février 1994 montre qu'il n'a échappé à aucun observateur que, jusqu'à l'intérieur de la majorité actuelle, la question à résoudre était uniquement celle de l'attribution d'une sorte de " prime " au parti croyant pouvoir remporter l'élection présidentielle lors des élections municipales subséquentes. Tel était le calcul du Rassemblement pour la République, dont les dirigeants n'en ont d'ailleurs pas fait mystère ; telle était du même coup la crainte de l'Union pour la démocratie française, dont les dirigeants ont défendu avec force et conviction l'idée que toute modification de la date des élections municipales était inconstitutionnelle et d'ailleurs choquante jusqu'à ce qu'un accord sur la répartition des " têtes de liste ", intervenu en février 1994, leur ait permis de considérer avec moins d'anxiété le report des élections municipales au-delà de l'élection présidentielle. Faut-il ajouter que c'est sur les instances pressantes du maire de Paris, candidat déclaré à l'élection présidentielle, que le report au mois de juin 1995 a été décidé, ce qui lui évitait de choisir entre l'abandon de la proie pour l'ombre et la conjonction de deux campagnes logiquement incompatibles en quelques semaines ?

Ainsi, comme l'ont écrit plusieurs journalistes que nul n'a démentis, " une élection peut en cacher une autre ". En d'autres termes, l'objet réel de la loi déférée est d'organiser les retombées de l'élection présidentielle sur les élections municipales : c'est pour des raisons strictement tacticiennes et partisanes qu'ont été modifiées, à travers le calendrier électoral, les conditions d'exercice du droit de suffrage. Les commodités personnelles ou politiques qui résultent de telle " séquence d'élections " ne sont, à l'évidence, pas au nombre des buts qui peuvent fonder constitutionnellement la modification de la date d'un scrutin.

Enfin, il a été souligné que la loi déférée, en plaçant en juin 1995 le renouvellement des conseils municipaux, interdisait de facto au Président de la République fraîchement élu d'user de son droit de dissolution avant le mois de septembre. Mais le Premier ministre lui-même a répondu à cela que rien n'empêchait d'organiser concomitamment élections municipales et législatives.

Dès lors, de deux choses l'une : ou bien ces propos sont dignes de foi, et ils constituent l'aveu incontestable du détournement de pouvoir puisque toute la justification officielle de l'adoption de la loi déférée consistait à prétendre éviter le " télescopage " d'un scrutin national et d'un scrutin local ; ou bien ils ne le sont pas et le détournement de pouvoir n'en est pas moins établi, car il faut alors considérer que la loi déférée a pour objet et pour effet de faire effectivement obstacle à l'exercice du droit de dissolution pendant le premier trimestre du nouveau septennat.

Cette paralysie d'une prérogative présidentielle essentielle à l'équilibre des pouvoirs constitués serait au surplus particulièrement grave dans le contexte de ce premier trimestre : le nouveau président se verrait imposer une " cohabitation " au moment même où sa légitimité est la plus forte et où l'esprit de la Ve République commande qu'il puisse demander au peuple les moyens parlementaires de la conduite de sa politique. L'un des buts de la loi déférée serait ainsi, comme l'a confié en privé le Premier ministre à un journaliste, de rassurer discrètement l'actuelle majorité parlementaire sur l'immédiate " après-présidentielle " et de transformer le traditionnel " état de grâce " en une sorte d'" état de disgrâce institutionnelle ".

S'ajoute alors au détournement de pouvoir la violation caractérisée de l'esprit, sinon de la lettre, de l'article 12 de la Constitution, dont l'utilisation est sciemment rendue impossible au moment même où cet article est le plus indispensable à l'équilibre des institutions.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que les députés soussignés ont l'honneur de vous demander, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de déclarer non conforme à celle-ci l'ensemble de la loi qui vous est déférée.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le président, Madame et Messieurs les conseillers, l'expression de notre haute considération.

SAISINE SENATEURS

Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, les sénateurs soussignés ont l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi relative à la date du renouvellement des conseillers municipaux adoptée le 7 mai 1994 par le Parlement.

Les sénateurs soussignés demandent au Conseil constitutionnel de décider que l'ensemble de la loi précitée est non conforme à la Constitution.

L'année 1995 connaîtra une forte densité électorale ; trois séries d'élections sont inscrites au calendrier électoral : les élections municipales, présidentielle et sénatoriales. En outre, des élections législatives faisant suite à une dissolution de l'Assemblée nationale par le nouveau Président de la République ne sont pas à exclure.

C'est ainsi que le printemps 1995 verra le renouvellement général normal, en mars, des conseillers municipaux élus en 1989 et l'expiration du mandat du Président de la République qui interviendra le 20 mai 1995 :

: concernant les élections municipales aux termes de l'article L 227 du code électoral, " les conseillers municipaux sont élus pour six ans et renouvelés intégralement au mois de mars, à une date fixée au moins trois mois auparavant par décret en conseil des ministres " ;

: s'agissant de l'élection présidentielle, conformément aux dispositions de l'article 7 de la Constitution, " l'élection du nouveau président doit avoir lieu vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus avant l'expiration des pouvoirs du président en exercice " ; ainsi qu'il a été annoncé par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, au Sénat lors de l'examen de cette loi, l'élection présidentielle se déroulera les dimanches 23 avril et 7 mai 1995.

Compte tenu de la proximité de ces deux consultations de nature très différente qui doivent se dérouler en mars-avril de l'année prochaine, le législateur a choisi de proroger le mandat des conseillers municipaux, normalement renouvelable en mars, jusqu'en juin 1995.

A l'article 1er de la loi déférée, le législateur, en se contentant de reporter le scrutin municipal quelques semaines après l'élection présidentielle et en ne retenant que les conséquences de la brièveté des délais entre l'élection des maires et l'élection présidentielle sur la procédure de présentation des candidats à cette dernière élection par les citoyens habilités par la loi, a arbitré en faveur du " parrainage " au détriment de principes constitutionnels fondamentaux. Au surplus, la solution retenue par cette loi n'atteint pas l'objectif d'intérêt général qu'elle s'est fixé puisque ces deux consultations, tout aussi importantes l'une que l'autre pour le fonctionnement de nos institutions devraient se succéder à moins d'un mois d'intervalle, " ce qui ne manquerait pas de créer une confusion préjudiciable à l'expression du suffrage universel au détriment des élections municipales qui ne recueilleraient sans doute pas l'intérêt qu'elles méritent de la part des électeurs ", comme l'a souligné le rapporteur de l'Assemblée nationale.

L'article 2 en ne tirant pas toutes les conséquences du report des élections municipales au regard de la loi du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques entraîne de fait une rupture du principe d'égalité entre les différents candidats aux élections municipales dans les communes de plus de 9 000 habitants.

I Sur le report des élections municipales en juin 1995 (art 1er)

1° Le législateur est compétent pour déterminer la durée du mandat des élus locaux, mais dans le strict respect des principes dégagés par le Conseil constitutionnel en matière électorale.

Aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles " concernant le régime électoral des assemblées locales " et " détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales ", elle-même affirmée par le deuxième alinéa de l'article 72.

En conséquence, le législateur est compétent pour fixer les règles concernant le régime électoral des assemblées locales et peut, à ce titre, déterminer la durée du mandat des élus qui composent l'organe délibérant d'une collectivité territoriale.

Cette compétence a été confirmée par le Conseil constitutionnel notamment dans sa décision n° 90-280 du 6 décembre 1990 relative à la loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux qui précise que " toutefois, dans l'exercice de cette compétence, il (le législateur) doit se conformer aux principes d'ordre constitutionnel qui impliquent notamment que les électeurs soient appelés à exercer selon une périodicité raisonnable leur droit de suffrage ".

Il ressort de cette décision que l'exercice selon une périodicité raisonnable du droit de suffrage qui en l'espèce n'est pas en jeu n'est qu'un des principes constitutionnels qui s'impose au législateur dans l'exercice de cette compétence.

2° Le report des municipales tel qu'adopté par le Parlement méconnaît le principe constitutionnel selon lequel les garanties d'objectivité et de clarté doivent présider à toute consultation électorale et, par là même, porte atteinte au principe de libre administration des collectivités locales.

Dans sa décision n° 87-233 DC du 8 janvier 1988 à propos du délai dans lequel il peut être procédé à des élections locales (en l'espèce il s'agissait d'élections cantonales partielles), le Conseil constitutionnel précise que :

" En raison des garanties d'objectivité qui doivent présider à toute consultation électorale, le délai susceptible d'être retenu ne doit pas ouvrir à l'autorité administrative une possibilité de choix telle qu'elle puisse engendrer l'arbitraire, le délai risquerait d'affecter les conditions d'exercice de la libre administration des collectivités territoriales. "

Il ressort de cette décision et de la décision n° 90-280 précitée que, si le législateur est compétent pour fixer le délai dans lequel il peut être procédé à des élections locales, ses interventions sont limitées par l'obligation de respecter les principes constitutionnels qui notamment lui imposent d'entourer toute consultation électorale des garanties idoines d'objectivité tendant à préserver le caractère démocratique et sincère des élections et du scrutin.

Dans le cas présent, le législateur a porté atteinte aux principes constitutionnels de l'intangibilité de la durée d'un mandat en cours et l'obligation d'assurer les " garanties d'objectivité " à toute consultation.

En outre, en l'espèce, il est indéniable que l'élection présidentielle, compte tenu de son caractère national, de l'influence majeure qu'elle exerce sur le fonctionnement de nos institutions, des enjeux politiques qu'elle soulève et de la brièveté des délais qui la séparent des municipales, occultera mais aussi influencera ces élections de manière telle que le principe de libre administration des collectivités locales par des assemblées élues sera mis en cause dans son fondement même, et ce d'autant plus que la campagne électorale très brève se déroulera sous l'influence des élections présidentielles.

Par le passé, le législateur a été amené à modifier plusieurs fois la durée de mandats en cours, notamment pour éviter que des élections locales ne coïncident avec des élections nationales.

Le dernier exemple en date et le plus proche de la présente loi date de 1988 (loi n° 88-26 du 8 janvier 1988 relative aux élections cantonales).

Comme en 1988, il ressort tant des propos tenus par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, que de l'exposé des motifs du projet de loi qu'il est procédé au report des élections municipales normalement prévues en mars 1995 à juin 1995, pour " ménager aux présentateurs un délai conforme à celui dont ils ont disposé jusqu'alors " et, au surplus, éviter " la succession à des dates rapprochées de deux consultations de nature très différentes " qui " ne peut qu'être nuisible à la clarté de l'expression du suffrage universel par les effets d'influences réciproques ainsi induits ".

Si les motifs et les objectifs de cette loi sont bien analogues à ceux qui ont présidé à celle de 1988, si la solution retenue n'est pas différente dans son principe puisque dans les deux cas il s'agit de reporter une élection locale après l'élection présidentielle, il n'en va pas de même des conséquences en raison de la date retenue pour ce report.

En effet, en 1988 en reportant la date des élections cantonales en octobre, le législateur a concilié deux impératifs :

: ménager un temps suffisant pour la présentation des candidats à l'élection présidentielle ;

: préserver la clarté et la périodicité raisonnable du scrutin cantonnal.

En l'espèce, en reportant les élections municipales au mois de juin, soit moins d'un mois après l'élection présidentielle (compte tenu de l'installation du nouveau Président de la République et la formation d'un nouveau gouvernement) et en privilégiant l'opération du parrainage, le législateur n'a pas atteint le but qu'il s'était fixé, ni concilié les obligations constitutionnelles qui s'imposaient à lui, notamment l'objectivité et la clarté du scrutin municipal.

3° Le report des municipales tel qu'adopté par le Parlement méconnaît le principe constitutionnel selon lequel le législateur ne peut déroger au principe d'égalité que pour des raisons d'intérêt général.

* Dans sa décision n° 90-280 précitée, le Conseil constitutionnel relève que :

" Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que dans l'un et l'autre cas la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. "

Il ressort clairement de ce considérant que les différences de durée de mandat entre les deux séries de conseillers généraux trouvent leur justification dans des considérations d'intérêt général en rapport avec l'objet de la loi. Tant en 1990 qu'aujourd'hui, l'intérêt général est d'éviter la succession à des dates rapprochées de deux consultations de nature très différente reconnue comme nuisible à la clarté de l'expression du suffrage universel.

Or, si la loi présentement déférée a le même objectif, elle déroge au principe d'égalité pour des raisons qui ne sont pas liées à l'intérêt général ; d'autant que la difficulté mise en avant et relative à la procédure de présentation des candidats à l'élection présidentielle peut être résolue par la voie réglementaire, permettant ainsi de concilier les obligations constitutionnelles et les impératifs relatifs à l'organisation de l'élection présidentielle.

* En l'état actuel du droit, le renouvellement des conseillers municipaux a lieu au mois de mars et les pouvoirs du Président de la République expirent le 20 mai 1995. Dans la pratique, en 1995, le renouvellement des conseils municipaux se déroulerait les dimanches 5 et 12 mars, les nouveaux maires seraient alors élus au plus tard le 19 mars (art L 121-8 du code des communes).

Aux termes de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, les parrainages doivent être parvenus au Conseil constitutionnel dix-huit jours au moins avant le premier tour, soit en l'espèce le 4 avril.

Les opérations préparatoires à l'élection présidentielle sont donc enfermées dans un délai compris entre le 19 mars au plus tard (date d'élection des maires) et le 4 avril.

Le décret n° 64-231 du 14 mars 1964 précise deux choses :

: l'article 2 stipule que les présentations des candidats à l'élection du Président de la République sont adressées au Conseil constitutionnel à partir de la publication du décret convoquant les électeurs ;

: l'article 3 indique que la date à laquelle doit s'effectuer l'envoi des formulaires est fixée par décret et doit précéder d'au moins quinze jours la publication du décret convoquant les électeurs.

La date d'envoi des formulaires est ordinairement calculée de façon à ménager aux présentateurs et aux candidats potentiels un délai de réflexion suffisant.

Dans le cas présent, la combinaison de ces dispositions réglementaires entraîne de fait un télescopage, le 4 avril, de différentes opérations relatives au parrainage.

Cette difficulté purement administrative pourrait être résolue en modifiant les articles 2 et 3 du décret de 1964, afin de faire coïncider la date de convocation des électeurs avec la date d'envoi des formulaires de présentation aux citoyens habilités. Ces derniers seraient alors autorisés à adresser ces formulaires de présentation au Conseil constitutionnel dès leur réception, soit le 20 mars, et ce jusqu'au 4 avril.

Ainsi candidats et présentateurs disposeraient, surtout si l'on se réfère à la pratique du déroulement des opérations de parrainage, d'un délai suffisant et raisonnable et l'ordre normal des élections serait respecté.

Par ailleurs, si le parrainage est une opération importante, il ne faut pas pour autant en exagérer la portée ; son but est d'éviter dans la mesure du possible les candidatures fantaisistes en obligeant les candidats à disposer d'une certaine aura politique et qu'elles n'aient pas un caractère exclusivement local. Il faut souligner en outre qu'il suffit pour chaque candidat de recueillir seulement cinq cents signatures parmi lesquelles doivent figurer des élus d'au moins trente départements, sans que plus d'un dizième d'entre eux puissent être élus d'un même département. Au surplus, il faut relever que les maires ne sont pas les seuls citoyens habilités à présenter des candidats. Ont également cette compétence les parlementaires, les conseillers régionaux, les conseillers généraux, les conseillers de Paris, les membres des assemblées territoriales des territoires d'outre-mer et les membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger. Qui plus est, il faut noter qu'en cas de vacance de la présidence de la République le délai de présentation est fortement réduit.

En outre, cette solution ne laisse qu'un laps de temps très bref pour la campagne des municipales, nuisible à ce scrutin et à la démocratie locale (la brièveté de la campagne renforce l'inégalité des candidats entre les élus sortants et ceux qui sont candidats pour la première fois). Les lois de décentralisation ont conféré des pouvoirs étendus aux conseils municipaux, l'élection de leurs membres est donc un acte essentiel qui doit être entouré de toutes les garanties constitutionnelles de nature à garantir l'objectivité de ces élections, et la sincérité du scrutin et la libre administration de ces collectivités.

* Le renouvellement de la série C du Sénat souvent avancé pour justifier que les élections municipales ne peuvent être reportées à une autre date que celle retenue n'est pas opérant.

Aucun principe constitutionnel ne s'oppose à ce que les sénateurs de la série C soient élus par le collège des maires élus en 1989, dans la mesure où ils ont été élus en 1986 par le collège des maires issus des élections de 1983. En outre, dans sa décision n° 90-280 précitée, le Conseil constitutionnel a reconnu le prolongement d'un an d'un mandat en cours (les conseillers généraux élus en 1985 l'ont été pour sept ans) ; le renouvellement du mandat des conseillers municipaux élus en 1989 pourrait donc être reporté après les élections sénatoriales.

Aucune raison d'intérêt général ne justifie la différence de durée de mandat entre deux séries de conseillers municipaux induite par la solution retenue par la présente loi. Celle-ci, en privilégiant la procédure du parrainage, porte atteinte aux principes constitutionnels précités d'objectivité, d'égalité et de libre administration des collectivités locales ; qui plus est, elle ne prend pas en compte l'hypothèse d'une dissolution de l'Assemblée nationale dans la foulée de l'élection présidentielle.

II. Sur la prolongation de trois mois de la période de collecte de fonds en vue des élections municipales de juin 1995 (art 2)

Le dispositif prévu à l'article 2 est contraire au principe d'égalité des citoyens devant la loi.

Aux termes de l'article 2, premier alinéa, de la Constitution, la République " assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ".

L'article 2 de la loi présentement déférée ne satisfait pas à ces exigences.

Conformément à l'article L 52-4 du code électoral issu de la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques, les candidats aux élections peuvent recueillir des fonds pour l'organisation de leur campagne, par l'intermédiaire d'une association de financement ou d'un mandataire financier personne physique, pendant l'année précédant le premier jour du mois où cette élection est prévue.

En l'état actuel du droit, les candidats potentiels aux élections municipales de 1995 sont fondés à recueillir des fonds depuis le 1er mars 1994.

Afin de régulariser les opérations réalisées entre mars et juin 1994, il est proposé de prolonger de trois mois la période de collecte des fonds. La prolongation ne concernant que la collecte des fonds, les comptes de campagne des candidats aux élections municipales ne retraceront que les dépenses réalisées par eux pendant les douze mois précédant la date à laquelle l'élection aura lieu et non pendant les quinze mois d'activité de leurs associations de financement électoral ou de leurs mandataires financiers.

Ainsi tous les candidats ne se verront pas appliquer la loi sur le financement de la même manière. Pour certains, comme la loi actuelle l'impose, ils devront déposer des comptes de campagne retraçant leurs recettes et leurs dépenses sur douze mois ; pour les autres, les comptes de campagne retraceront les recettes sur quinze mois et les dépenses sur douze mois seulement.

Cette différence de traitement entraîne une rupture d'égalité des candidats devant la loi sur le financement parfaitement contraire à l'objet même de cette loi tant en ce qui concerne ses causes que sa finalité. En effet, la finalité de la loi de 1990 est de placer tous les candidats sur un même pied d'égalité en matière de propagande et de moyen de campagne (quel que soit le montant des recettes collectées par les uns et les autres) en plafonnant les dépenses électorales des candidats et en assurant un contrôle rigoureux de ces dépenses. En prévoyant, pour les candidats ayant créé une association de financement dès le 1er mars 1994, de ne pas faire figurer dans leurs comptes de campagne les dépenses effectuées entre mars et juin 1994, l'article 2 méconnaît le principe d'égalité des candidats voulu par la loi sur le financement.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que les sénateurs soussignés ont l'honneur de vous demander, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de déclarer non conforme à celle-ci l'ensemble de la loi qui vous est déférée.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le président, Madame et Messieurs les conseillers, l'expression de notre haute considération.


Références :

DC du 06 juillet 1994 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 06 juillet 1994 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi relative à la date du renouvellement des conseillers municipaux (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°94-341 DC du 06 juillet 1994
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1994:94.341.DC
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