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07/07/1994 | FRANCE | N°94-342

France | France, Conseil constitutionnel, 07 juillet 1994, 94-342


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 28 juin 1994, par MM Jean Arthuis, Alphonse Arzel, René Ballayer, Bernard Barraux, Jacques Baudot, Claude Belot, Jean Bernadaux, Daniel Bernardet, François Blaizot, Jean-Pierre Blanc, Maurice Blin, André Bohl, Didier Borotra, Raymond Bouvier, Jean-Pierre Cantegrit, Paul Caron, Jean Cluzel, Francisque Collomb, Marcel Daunay, André Diligent, André Egu, Pierre Fauchon, Jean Faure, André Fosset, François Gautier, Jacques Genton, Henri G tschy, Jacques Golliet, Marcel Henry, Rémi Herment, Jean Huchon, Claude Huriet, Louis Jung, Pierre Lacour, Pie

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Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 28 juin 1994, par MM Jean Arthuis, Alphonse Arzel, René Ballayer, Bernard Barraux, Jacques Baudot, Claude Belot, Jean Bernadaux, Daniel Bernardet, François Blaizot, Jean-Pierre Blanc, Maurice Blin, André Bohl, Didier Borotra, Raymond Bouvier, Jean-Pierre Cantegrit, Paul Caron, Jean Cluzel, Francisque Collomb, Marcel Daunay, André Diligent, André Egu, Pierre Fauchon, Jean Faure, André Fosset, François Gautier, Jacques Genton, Henri G tschy, Jacques Golliet, Marcel Henry, Rémi Herment, Jean Huchon, Claude Huriet, Louis Jung, Pierre Lacour, Pierre Lagourgue, Alain Lambert, Bernard Laurent, Henri Le Breton, Edouard Le Jeune, Marcel Lesbros, Roger Lise, Jacques Machet, Jean Madelain, Kléber Malécot, René Marquès, François Mathieu, Louis Mercier, Daniel Millaud, Louis Moinard, Jacques Mossion, Robert Piat, Alain Poher, Jean Pourchet, Philippe Richert, Guy Robert, Pierre Schiélé, Michel Souplet, Georges Treille, Pierre Vallon et Albert Vecten, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer ;

Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 modifiée portant statut du territoire de la Polynésie française ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel habilite les commandants des bâtiments de l'État et les commandants de bord des aéronefs de l'État à exercer et à faire exécuter les mesures de contrôle et de coercition prévues par le droit international ainsi que les lois et règlements de la République ; qu'elle s'applique aux navires français dans tous les espaces maritimes, sous réserve des compétences reconnues aux Etats par le droit international de même qu'aux navires étrangers dans les espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française ainsi qu'en haute mer conformément au droit international ; qu'elle prévoit que la constatation des infractions est faite par les agents habilités par les textes particuliers applicables et selon les procédures prévues par ces textes et que le refus d'obtempérer aux injonctions faites en vertu de ses dispositions est puni de 1 000 000 F d'amende sans préjudice des poursuites qui pourraient être engagées "en application des dispositions pénales" ; que cette infraction peut également être constatée par les commandants en second et officiers en second des bâtiments de l'État outre les officiers et les agents de police judiciaire agissant conformément au code de procédure pénale ; que la juridiction compétente pour connaître de ce délit est celle du port ou de la position où le navire a été dérouté ou, à défaut, celle de la résidence administrative de l'agent qui a constaté ladite infraction ; que l'article 11 de la loi dispose que cette dernière est applicable dans les territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte ;
2. Considérant que les sénateurs auteurs de la saisine soutiennent que la loi déférée est dans son ensemble ou tout du moins en son article 11 contraire à la Constitution faute d'avoir été adoptée conformément à la procédure prescrite par l'article 74 de la Constitution, en faisant valoir que le texte de cette loi n'a pas été soumis pour avis dans les délais requis à l'assemblée territoriale de la Polynésie française ; qu'ils soulignent que cette assemblée qui a d'ailleurs donné un avis défavorable le 9 juin 1994 "compte tenu de la violation des règles constitutionnelles" n'a été consultée que le 27 mai 1994 alors que l'Assemblée nationale avait adopté en première lecture le projet de loi le 3 mai 1994 ; qu'ils font valoir que le territoire de la Polynésie française est doté d'une compétence de droit commun notamment en matière fiscale et douanière et que l'État est tenu de concéder au territoire l'exercice de compétences en matière d'exploitation de ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, du fond de la mer, de son sous-sol et des eaux sur-jacentes ; qu'ils se prévalent d'une assimilation des produits ainsi exploités à des produits du territoire dans le cadre de l'association des territoires d'outre-mer à la Communauté européenne ; qu'ils soutiennent enfin que la loi déférée ne saurait être regardée comme une "loi de souveraineté" dès lors qu'elle comporte une disposition précisant qu'elle est applicable aux territoires d'outre-mer ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 74 de la Constitution "Les territoires d'outre-mer de la République ont une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans les intérêts de la République.
Les statuts des territoires d'outre-mer sont fixés par des lois organiques qui définissent, notamment, les compétences de leurs institutions propres, et modifiés, dans la même forme, après consultation de l'assemblée territoriale intéressée.
Les autres modalités de leur organisation particulière sont définies et modifiées par la loi après consultation de l'assemblée territoriale intéressée" ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi susvisée du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française : "Les autorités de l'État sont compétentes dans les matières suivantes :
1° Relations extérieures, sans préjudice des dispositions de l'article 38 ;
2° Contrôle de l'immigration et contrôle des étrangers ;
3° Communications extérieures en matière de navigation, dessertes maritime et aérienne et de postes et télécommunications, sous réserve des dispositions du 9 de l'article 26 ;
5° Relations financières avec l'étranger et commerce extérieur, sauf les restrictions quantitatives à l'importation, le programme annuel d'importation et les autorisations préalables aux projets d'investissements directs étrangers ;
6° Défense ;
7° Importation, commerce et exportation du matériel militaire, d'avions et de munitions de toutes catégories ;
9° Maintien de l'ordre, le gouvernement du territoire devant être informé de toutes les mesures prises ; sécurité civile en concertation avec le gouvernement du territoire dans le cadre des dispositions de l'article 32 ;
13° Justice, organisation judiciaire et organisation de la profession d'avocat, frais de justice criminelle, correctionnelle et de police, droit pénal sous réserve des dispositions des articles 25 (5), 30, 64, 65 et 66, commissions d'office, procédure pénale..." ; que ce même article dispose en outre que "l'État exerce ses droits de souveraineté et de propriété sur son domaine public et privé, terrestre, maritime et aérien. Sous réserve des engagements internationaux et des dispositions prises pour leur application, l'État concède au territoire, dans les conditions prévues par un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'État, pris après avis de l'assemblée territoriale, l'exercice de compétences en matière d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques, du fond de la mer, de son sous-sol et des eaux sur-jacentes" ;
5. Considérant qu'il ressort des dispositions précitées que la loi déférée porte sur des matières relevant de la compétence de l'État sans modifier aucune des conditions et réserves dont celle-ci est assortie en vertu de la loi susvisée du 6 septembre 1984 ; qu'elle n'introduit, ne modifie ou ne supprime aucune disposition spécifique au territoire de la Polynésie française touchant à l'organisation particulière de ce dernier ; que dès lors elle pouvait lui être rendue applicable sans consultation de l'assemblée territoriale telle qu'elle est prévue par l'article 74 de la Constitution ; que par suite le moyen tiré des conditions dans lesquelles cette consultation a été, en l'espèce, effectuée est inopérant ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief invoqué par les auteurs de la saisine doit être écarté ;
7. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever une question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen ;

Décide :
Article premier :
La loi relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer n'est pas contraire à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro de décision : 94-342
Date de la décision : 07/07/1994
Loi relative aux modalités de l'exercice par l'État de ses pouvoirs de contrôle en mer
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

SAISINE SENATEURS

Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, les sénateurs soussignés ont l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel l'ensemble de la loi relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer.

La loi n'ayant pas été adoptée selon la procédure requise par la Constitution est contraire à la Constitution.

L'article 74 de la Constitution dispose que " les territoires d'outre-mer de la République ont une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République. () Les autres modalités de leur organisation particulière sont définies et modifiées par la loi après consultation de l'assemblée territoriale intéressée ".

Si l'avis n'est pas obligatoirement requis avant le dépôt du texte devant le Parlement (CC décision n° 85-196 du 8 août 1985), il doit l'être avant que l'assemblée ne se prononce sur le texte comme l'a décidé le conseil dans cette même décision.

Dans le cas présent, l'Assemblée nationale a examiné le projet de loi le 3 mai 1994 alors que le territoire de Polynésie française n'a été consulté que le 27 mai 1994.

L'avis du territoire n'a donc pas été émis en temps utile, cet avis n'ayant pas été transmis à l'Assemblée nationale avant son examen.

L'assemblée territoriale donnera d'ailleurs un avis défavorable le 9 juin 1994 " compte tenu de la violation des règles constitutionnelles ".

Ainsi, la loi a été adoptée en méconnaissance de l'article 74 de la Constitution. L'assemblée territoriale de Polynésie française n'ayant pas été consultée en temps utile pour la bonne information du Parlement, comme l'exige l'article 74 de la Constitution, doit être reconnue inconstitutionnelle, tout du moins les dispositions tendant à son extension aux territoires d'outre-mer.

La procédure de consultation était pourtant obligatoire.

Si le Gouvernement invoque le caractère non obligatoire de cet avis, le contenu du texte exigeait une consultation de l'assemblée territoriale.

Le statut de la Polynésie française de 1984 reconnaît au territoire une compétence de droit commun. Le territoire est notamment compétent en matière fiscale d'une manière générale et douanière en particulier. L'Etat n'est compétent que pour des sujets précis déterminés à l'article 3 de la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984, modifiée par la loi n° 90-612 du 12 juillet 1990, portant statut du territoire de la Polynésie française. Le projet de loi en question n'est pas relatif aux domaines déterminés comme relevant expressément de l'Etat. Le maintien de l'ordre ni la sécurité civile ne peuvent être considérés comme couvrant le domaine envisagé par le texte.

L'article 3 du statut de la Polynésie française dispose dans son dernier alinéa que " L'Etat exerce ses droits de souveraineté et de propriété sur son domaine public et privé, terrestre, maritime ou aérien. Sous réserve des engagements internationaux et des dispositions prises pour leur application, l'Etat concède au territoire, dans les conditions prévues par un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de l'assemblée territoriale, l'exercice de compétences en matière d'exploitation de ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, du fond de mer, de son sous-sol et des eaux surjacentes. La concession est donc une exigence depuis 1984.

En outre la décision du 25 juillet 1991 relative à l'association des PTOM à la Communauté européenne permet de considérer comme originaires des PTOM (dont la Polynésie française) : les produits minéraux extraits de leur sol et de leurs fonds de mer ou d'océan.

D'autre part, le PTOM peut affréter des navires de pays tiers pour des activités de pêche dans sa zone économique exclusive. Enfin, il est précisé que les termes " PTOM " couvrent également les eaux territoriales (cf annexe II, titre V, article 2, de la décision d'association [Journal officiel des communautés européennes du 19 septembre 1991]).

Dans la mesure où est employé le style personnel (" sa zone économique exclusive "), les territoires bénéficient à tout le moins de l'usufruit et sont compétents pour ces domaines.

La loi concerne donc bien l'organisation des TOM Il devrait préciser que le territoire est bénéficiaire des amendes et des saisies effectuées, et que toute formule transactionnelle doit l'être en sa présence et avec son accord.

Dans ces conditions, la non-consultation dans les délais nécessaires de l'assemblée territoriale rend la procédure anticonstitutionnelle.

Quant à l'argument selon lequel il s'agirait d'une loi de souveraineté, il tombe de lui-même dans la mesure où l'article 9 précise que la présente loi sera applicable aux TOM En effet, il a toujours été affirmé qu'une loi de souveraineté s'appliquait en tant que telle à l'ensemble du territoire français sans qu'une telle mention soit nécessaire. Il faut également souligner à ce titre que le haut-commissaire de Polynésie française a saisi l'assemblée territoriale sur la base de l'article 74 de la Constitution.

Cette consultation était donc exigée par l'article précité. Mais, si elle a eu lieu, elle n'a pas été faite dans les conditions requises. Le projet de loi doit donc être reconnu inconstitutionnel ou tout du moins l'article étendant son application aux TOM.


Références :

DC du 07 juillet 1994 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 07 juillet 1994 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi relative aux modalités de l'exercice par l'État de ses pouvoirs de contrôle en mer (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°94-342 DC du 07 juillet 1994
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1994:94.342.DC
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