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25/01/1995 | FRANCE | N°94-357

France | France, Conseil constitutionnel, 25 janvier 1995, 94-357


Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 décembre 1994 par MM Martin Malvy, Gilbert Annette, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Balligand, Claude Bartolone, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Michel Berson, Jean-Claude Bois, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Didier Boulaud, Jean-Pierre Braine, Laurent Cathala, Henri d'Attilio, Camille Darsières, Mme Martine David, MM Bernard Davoine, Jean-Pierre Defontaine, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Pierre Ducout, Dominique Dupilet, Jean-Paul Durieux, Henri Emmanuelli, Laurent Fabius, Jacques Floch,

Michel Fromet, Pierre Garmendia, Kamilo Gata, Jean ...

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 décembre 1994 par MM Martin Malvy, Gilbert Annette, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Balligand, Claude Bartolone, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Michel Berson, Jean-Claude Bois, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Didier Boulaud, Jean-Pierre Braine, Laurent Cathala, Henri d'Attilio, Camille Darsières, Mme Martine David, MM Bernard Davoine, Jean-Pierre Defontaine, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Pierre Ducout, Dominique Dupilet, Jean-Paul Durieux, Henri Emmanuelli, Laurent Fabius, Jacques Floch, Michel Fromet, Pierre Garmendia, Kamilo Gata, Jean Glavany, Jacques Guyard, Jean-Louis Idiart, Frédéric Jalton, Serge Janquin, Charles Josselin, Jean-Pierre Kucheida, André Labarrère, Jean-Yves Le Déaut, Louis Le Pensec, Alain Le Vern, Marius Masse, Didier Mathus, Jacques Mellick, Louis Mexandeau, Didier Migaud, Mme Véronique Neiertz, MM Paul Quilès, Alain Rodet, Mme Ségolène Royal, MM Henri Sicre, Roger-Gérard Schwartzenberg, Daniel Vaillant, Régis Fauchoit, Gérard Saumade, Jean-Pierre Michel, Jean-Pierre Chevènement, Georges Sarre et Emile Zuccarelli, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi portant diverses dispositions d'ordre social ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés, auteurs de la saisine, défèrent au Conseil constitutionnel la loi portant diverses dispositions d'ordre social et notamment ses articles 92, 95 et 119 ;
- SUR L'ARTICLE 92 :
2. Considérant que cet article prévoit à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 1996 et dans la limite d'un plafond fixé par décret la possibilité d'affecter les contributions des employeurs et des salariés mentionnées à l'article L. 351-3-1 du code du travail au financement d'actions de reclassement professionnel destinées à des bénéficiaires du régime de l'assurance chômage, dans le cadre de conventions de coopération conclues à cet effet entre divers signataires que cet article énumère ;
3. Considérant que les requérants font grief à cet article de modifier au profit d'organismes employeurs l'affectation de cotisations qui seraient dues aux travailleurs privés d'emploi ; de n'avoir pas subordonné la mise en oeuvre du régime qu'il prévoit au consentement des intéressés ; enfin de n'avoir pas déterminé, en méconnaissance de l'article 34 de la Constitution, le statut des personnes concernées par les actions de reclassement et notamment les conditions régissant leur contrat de travail ;
4. Considérant en premier lieu que les contributions prévues à l'article L. 351-3-1 du code du travail ont le caractère de cotisations sociales à la charge des employeurs et des salariés ; que si ces cotisations permettent de financer l'allocation d'assurance prévue à l'article L. 351-3, il était loisible au législateur d'en prévoir pour une partie l'affectation, dans un but d'intérêt général, à des mesures de reclassement ou de réinsertion destinées à des salariés privés d'emploi entrant dans le champ de ce régime d'assurance ;
5. Considérant en deuxième lieu que la circonstance que l'attribution des avantages résultant d'un tel régime pourrait être subordonnée sous certaines conditions à l'absence de refus sans motif légitime d'un travail ou d'une formation ne méconnaît en tout état de cause aucun droit, ni aucun principe à valeur constitutionnelle ;
6. Considérant en troisième lieu qu'en renvoyant à des conventions de coopération les conditions dans lesquelles des actions de reclassement professionnel pourraient se dérouler, le législateur n'a pas autorisé la remise en cause des dispositions législatives en vigueur applicables aux contrats de travail qui seraient ainsi conclus et notamment aux droits qui en résulteraient pour les salariés concernés ; que dès lors le grief tiré d'une méconnaissance par le législateur de sa compétence ne saurait qu'être écarté ;
- SUR L'ARTICLE 95 :
. En ce qui concerne la procédure :
7. Considérant que les saisissants font grief au Gouvernement d'avoir introduit le texte dont est issu l'article 95 de la loi déférée sous forme d'amendement et non dans un projet de loi, en méconnaissance de l'article 39 de la Constitution ; qu'ils font valoir à cette fin que ces dispositions sont "substantielles" et qu'elles n'ont "rien d'impromptu" ;
8. Considérant que le premier alinéa de l'article 44 énonce que "les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement" ; que, dès lors, les dispositions du 2ème alinéa de l'article 39 de la Constitution, lesquelles n'imposent la consultation du Conseil d'État et la délibération en Conseil des ministres que pour les projets de loi avant leur dépôt sur le bureau de la première assemblée saisie et non pour les amendements, n'ont pas été méconnues du seul fait de l'introduction de la disposition en cause par voie d'amendement gouvernemental ; que les dispositions de l'article 95 ne méconnaissent pas par leur portée les limites inhérentes au droit d'amendement ;
. En ce qui concerne le fond :
9. Considérant que cet article modifie le régime des associations intermédiaires fixé par l'article L. 128 du code du travail ;
10. Considérant que le I de cet article dispose notamment que l'objet de ces associations consiste à embaucher des personnes sans emploi rencontrant des difficultés particulières d'insertion ou de réinsertion en énumérant certaines catégories d'entre elles ; qu'il précise les conditions dans lesquelles leur est délivré un agrément par l'État ; que son II prévoit que "lorsque l'activité de l'association intermédiaire est exercée dans le cadre de son objet statutaire", les dispositions répressives du code du travail prévues en matière de travail temporaire et de marchandage ne lui sont pas applicables, à l'exception de celles qui résultent du deuxième alinéa de l'article L. 125-3 de ce code ; que son III fait obstacle à l'embauche par une association intermédiaire d'une personne pour effectuer des travaux particulièrement dangereux ; que son IV précise que sont assimilées à du travail effectif les périodes passées en formation par les salariés mis à la disposition de tiers notamment à l'initiative de telles associations ;
11. Considérant que les requérants allèguent que, par l'extension à "toutes sortes de demandeurs d'emploi" des possibilités d'embauche ouvertes aux associations intermédiaires, le I de cet article méconnaît à un double titre le principe d'égalité entre les bénéficiaires potentiels d'une part selon qu'ils seront ou non effectivement embauchés par de telles associations, d'autre part selon qu'ils seront embauchés par ces dernières ou employés par des sociétés spécialisées dans le travail intérimaire ; qu'en outre ils soutiennent qu'en l'absence d'application des dispositions répressives prévue par le II de cet article, l'exigence constitutionnelle de protection des travailleurs se trouverait privée de garanties légales notamment s'agissant du prêt illégal de main-d'oeuvre ou du marchandage ainsi que de l'intervention de l'inspection du travail ; que l'exonération de responsabilité qui en résulterait méconnaît également au bénéfice des associations intermédiaires le principe d'égalité ;
12. Considérant d'une part que les dispositions du I de l'article en cause se bornent à étendre le champ d'intervention des associations intermédiaires aux personnes sans emploi rencontrant des difficultés particulières d'insertion et à mentionner explicitement que peuvent être embauchés par elles les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, les jeunes en difficulté et les personnes prises en charge au titre de l'aide sociale ; qu'eu égard aux difficultés et aux handicaps qui peuvent affecter l'insertion professionnelle des personnes concernées, le législateur a pu leur ouvrir la faculté d'être employées par les associations intermédiaires sans méconnaître le principe d'égalité ;
13. Considérant d'autre part que si le II de cet article exonère sans portée rétroactive de l'application des dispositions répressives ci-dessus analysées l'activité des associations intermédiaires, il vise exclusivement le cas dans lequel cette activité est exercée en conformité avec l'objet statutaire de l'association auquel il appartient à l'autorité administrative de veiller sous le contrôle du juge ; qu'un tel objet défini par le I de cet article, exclut par nature les opérations à but lucratif impliquant le prêt de main-d'oeuvre ou le marchandage ; qu'en outre aucune disposition de l'article en cause n'a pour objet ou pour effet de faire obstacle à l'exercice des missions des inspecteurs du travail telles que celles-ci résultent du livre sixième du code du travail ; que dès lors le moyen tiré d'une méconnaissance du principe d'égalité entre les associations intermédiaires et les sociétés spécialisées dans le travail intérimaire, ainsi que le grief tenant à la mise en cause de garanties à valeur constitutionnelle résultant de principes fondamentaux du droit du travail ne sauraient qu'être écartés ;
- SUR L'ARTICLE 119 :
14. Considérant que cet article valide l'arrêté du 25 novembre 1993 portant approbation de la convention nationale des médecins et l'arrêté du 22 mars 1994 portant approbation d'un avenant à cette convention ;
15. Considérant d'une part que les auteurs de la saisine soutiennent que cette validation est contraire à la Constitution en ce qu'elle valide directement des actes déférés au juge administratif ;
16. Considérant que le législateur, compétent aux termes de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux de la sécurité sociale a, pour des raisons d'intérêt général, la faculté d'user de son pouvoir de valider, comme lui seul peut le faire en l'espèce, les arrêtés en cause qui seraient exposés sinon à des annulations contentieuses ; que les validations contestées ne méconnaissent pas l'autorité de décisions de justice devenues définitives et correspondent à un but d'intérêt général ;
17. Considérant d'autre part que les requérants font valoir que les actes validés seraient en eux-mêmes entachés d'inconstitutionnalité ;
18. Considérant qu'ils font grief à la convention en cause de ne pas correspondre au texte signé par les partenaires sociaux le 21 octobre 1993 et allèguent en outre qu'a été prise en compte une signature par un syndicat dont la représentativité aurait été acquise en méconnaissance du principe d'égalité ; qu'ils soulignent que seuls les médecins qui relèvent actuellement d'un régime d'honoraires libres pourront continuer à bénéficier d'un droit d'option entre ce secteur et le secteur à honoraires conventionnés alors que ceux qui ont d'ores et déjà opté pour ce dernier ne pourront plus modifier ce choix ; qu'ils soutiennent qu'est ainsi créée une rupture d'égalité entre des personnes ayant les mêmes titres et compétences et assurant les mêmes fonctions ;
19. Considérant que les arrêtés validés portant approbation de la convention visée par l'article 119 et de son avenant concernent des actes définis avec précision ; que les conditions dans lesquelles ils ont été élaborés, notamment quant à la qualité des signataires de la convention, ne sont pas en elles-mêmes de nature à entacher la loi d'inconstitutionnalité ; que les mesures de validation prises par le législateur ne peuvent être regardées comme ayant méconnu le principe d'égalité ;
20. Considérant qu'il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution ;

Décide :
Article premier :
Sont déclarés conformes à la Constitution les articles 92, 95 et 119 de la loi portant diverses dispositions d'ordre social.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 janvier 1995.
Le président, Robert BADINTER


Loi portant diverses dispositions d'ordre social
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

SAISINE DEPUTES: Monsieur le président, Madame, Messieurs,

Nous avons l'honneur, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de déférer à votre examen la loi portant diverses dispositions d'ordre social, telle qu'elle a été définitivement adoptée par le Parlement.

Nous paraissent devoir particulièrement retenir votre attention les articles 92, 95 et 119.

1 Sur l'article 92

Cette disposition, qui figurait dans le texte initial du projet, a fait l'objet de deux amendements adoptés. Elle vise à permettre aux partenaires sociaux de mettre en uvre l'accord Unedic du 8 juin 1994 relatif aux formes expérimentales d'intervention particulière du régime d'assurance chômage en faveur du reclassement des chômeurs indemnisés.

En elle-même, l'idée de substituer au traitement passif du chômage un traitement actif n'est naturellement pas en cause, et les députés soussignés ont déjà contribué à la mettre en uvre dans le passé.

Toutefois, cette évolution souhaitable ne saurait se faire qu'à des conditions strictes, respectueuses des droits de tous ceux qu'elle concerne et dans le cadre des principes constitutionnels gouvernant la matière. Tel ne paraît pas être le cas en l'espèce.

En application de l'article 92, il sera désormais possible, dans le cadre d'une convention de coopération, que les associations ou entreprises qui offriront à un chômeur indemnisé une activité, d'une durée maximale de six mois, destinée à faciliter son reclassement, reçoivent directement de l'Unedic le montant des allocations normalement destinées au chômeur. En outre, la période en cause sera imputée sur les droits à l'assurance chômage.

Ce dispositif semble contraire à la Constitution à plusieurs titres.

En premier lieu, l'indemnisation du chômage est un droit qu'ont acquis tous les cotisants à cette assurance spécifique. Pourtant, cette indemnisation, dans le dispositif envisagé, ne reviendrait plus à son titulaire mais à l'association ou à l'entreprise qui lui offrirait une activité. De ce fait, une aide serait ainsi allouée directement aux entreprises et associations, financée exclusivement par les cotisations Assedic. Or, pour obligatoires qu'elles sont, ces cotisations ne constituent pas pour autant des impôts, et il n'appartient pas au législateur d'en modifier la destination sans qu'en ait été modifiée la nature.

En second lieu, aucune garantie formelle n'est apportée, ni par la loi, ni par l'accord du 8 juin 1994, ni par les projets de conventions déjà publiés pour s'assurer du consentement des intéressés. Certes, diverses références sont faites à des " candidatures ", certes ceux auxquels s'appliquera l'article 92 sont présumés en être " bénéficiaires ", mais il n'en demeure pas moins que jamais leur consentement formel n'est exigé, ni sur le principe du reclassement professionnel, ni sur ses modalités, ni sur le choix de l'entreprise ou de l'association concernées.

En troisième lieu, la loi demeure muette sur le statut des personnes concernées.

Actuellement, l'article L 351-3 du code du travail dispose que l'allocation est attribuée au travailleur. Tout autre est le système dans lequel cette allocation est versée aux entreprises qui organisent l'action de reclassement. De même, l'article L 351-20 dudit code prévoit que les allocations peuvent se cumuler avec les revenus procurés par une activité occasionnelle ou réduite. Tout autre est le système dans lequel l'allocation ne bénéficie plus à la personne mais continue à être imputée sur ses droits, alors qu'elle se trouve en situation d'activité.

Non seulement, donc, les intéressés pourront désormais se trouver simultanément dans les situations contradictoires de demande d'emploi et d'exercice d'une activité, mais encore ils seront placés de ce fait dans une espèce de " no man's land " juridique : chômeur indemnisé, pour une période imputable sur ses droits à assurance, l'intéressé sera en même temps lié à une entreprise ou une association par un contrat dont la loi ne définit aucun des termes.

En conséquence, et dans la meilleure des hypothèses, il reviendra à l'Unedic de définir les règles applicables aux personnes concernées. Ainsi, entre autres griefs, le législateur a-t-il inconstitutionnellement abandonné le soin de déterminer les normes régissant les activités exercées en application de l'article 92.

Ainsi, d'une part, l'article 92 de la loi qui vous est déférée méconnaît le principe rappelé par votre décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, selon lequel " les cotisations versées aux régimes obligatoires de sécurité sociale qui résultent de l'affiliation à ces régimes constituent des versements à caractère obligatoire de la part des employeurs comme des assurés ; que ces cotisations ouvrent vocation à des droits aux prestations et avantages servis par ces régimes " (n° 119). D'autre part, le législateur, auquel l'article 34 de la Constitution confie expressément le soin de déterminer " les principes fondamentaux du droit du travail ", abandonne ici ce soin à l'Unedic.

Pour ces deux raisons au moins, l'article 92 ne pourra échapper à la censure.

2 Sur l'article 95

Cet article est le produit d'une histoire législative brève mais mouvementée. Le dispositif qu'il introduit avait été une première fois avancé au printemps, sous forme de proposition de loi, et les obstacles qui s'étaient élevés alors avaient conduit ses auteurs à reculer, mais pas à désarmer pour autant. La preuve en est que, absent du projet, il est apparu en cours de discussion sur celui-ci, sous la forme d'un amendement présenté par le Gouvernement.

On ne manquera pas de s'étonner de l'apparition de cet amendement, conjointement avec un certain nombre d'autres également présentés par le Gouvernement, dès après le dépôt du projet au Sénat. On est en droit de s'interroger sur le sens que conserve la première phrase du second alinéa de l'article 39 de la Constitution. En effet, des dispositions qui n'ont rien d'impromptu, et qui sont substantielles, sont omises du projet soumis au Conseil d'Etat et délibéré en conseil des ministres, puis elles sont introduites par voie d'amendements du Gouvernement, déposées devant la commission de la première assemblée saisie, laquelle, en fait, se trouve donc confrontée simultanément à un projet de loi en bonne et due forme et à un complément de projet élaboré en dehors des formes imposées par l'article 39.

Cela souligné, c'est sur le fond de l'article additionnel que portent les critiques principales.

A nouveau, et en préalable, il convient d'indiquer que les associations intermédiaires, visées par la disposition contestée, remplissent un rôle essentiel dont chacun vante à juste titre l'utilité et l'efficacité. Pour autant, ni cette utilité ni cette efficacité ne sauraient gagner à l'application de règles nouvelles qui méconnaissent la Constitution. Tel est pourtant le cas de celles introduites par cet article 95.

Pour le mesurer, il faut rappeler que les associations intermédiaires bénéficient d'avantages nombreux et importants. Outre le financement public qu'elles reçoivent initialement, elles sont exonérées des cotisations d'assurances sociales et d'allocations familiales, ainsi que de charges fiscales (TVA, taxe professionnelle).

1. Ces privilèges dérogatoires au droit commun, en premier lieu, sont justifiés par le souci de faciliter le retour à l'emploi de personnes se trouvant dans une situation telle que, sans ces avantages particuliers, elles perdraient en fait toute chance de réinsertion.

Mais cette justification est également une limite : rien, en effet, ne permet que soit potentiellement étendu à toutes sortes de demandeurs d'emploi un régime dérogatoire qui n'est légitime que pour certains d'entre eux, limitativement définis. Faute d'une telle limitation, suffisamment précise, l'égalité serait rompue entre les demandeurs d'emploi selon qu'une association intermédiaire choisit, à peu près discrétionnairement, de les prendre en charge ou non.

Or la nouvelle rédaction que l'article 95 prétend donner au I de l'article L 128 du code du travail est à la fois nettement plus extensive et nettement moins précise que la rédaction actuelle.

A la notion de réinsertion est substituée celle " d'insertion ou réinsertion " couvrant donc désormais, parmi d'autres, les demandeurs d'un premier emploi. A l'énumération, indicative mais significative, de l'actuel article L 128 est substituée, en tout et pour tout, la notion de " difficultés particulières ", dont l'interprétation relèvera du seul choix de chaque association intermédiaire. Une énumération figurait certes dans le projet, mais elle a finalement été supprimée faute de pouvoir être rédigée dans des conditions jugées satisfaisantes (Journal officiel, AN, p 8752). Aussi est-ce donc bien le souci de n'écarter a priori personne de l'embauche par une association intermédiaire qui a conduit à la rédaction finalement retenue, lors même qu'une autre formulation eût été possible pour correspondre aux intentions exprimées par le législateur (avec une énumération " fermée ", s'achevant par une rubrique " ouverte " couvrant les situations exceptionnelles).

C'est en vain qu'on objecterait que la mention de " difficultés particulières " suffirait à définir les personnes relevant des associations intermédiaires. Dès lors qu'on a renoncé à l'énumération de situations que l'on sait particulièrement difficiles (chômeurs de longue durée, RMistes, chômeurs âgés de plus de cinquante ans), soit toute difficulté est particulière, soit aucune ne l'est. Aussi, en fin de compte, est-ce la seule appréciation, éventuellement changeante, de chaque association qui, sans qu'il soit ni juridiquement ni matériellement possible d'exercer un contrôle effectif, opérera le départ entre les personnes et conduira donc entre elles à des réponses qui pourront n'être pas les mêmes pour des demandeurs d'emploi pourtant placés dans des conditions identiques.

Bref, l'imprécision permet les discriminations que la Constitution prohibe.

2. Il en va d'autant plus ainsi, en second lieu, que ces catégories imprécises de personnes sans emploi se trouveraient placées dans un statut indéterminé.

Il existe en effet des sociétés spécialisées dans le travail intérimaire, soumises à tous les prélèvements dont sont exonérées les associations intermédiaires. L'activité de celles-ci nuira évidemment à l'activité de celles-là. Mais l'essentiel est ailleurs.

Depuis 1982, les agences d'intérim sont tenues au respect de dispositions protectrices encore enrichies en 1990, offrant la garantie de paiement des salaires, la protection contre les risques professionnels, l'égalité de traitement avec les salariés de l'utilisateur, la médecine du travail.

Or rien de tel n'est prévu pour les personnes relevant des associations intermédiaires. Intrinsèquement constitutive d'une rupture d'égalité, la situation ainsi créée serait d'autant plus grave que des chefs d'entreprise, qui, par définition, sont à la recherche des solutions les plus avantageuses pour l'entreprise, seront fatalement conduits à privilégier les associations intermédiaires par rapport aux agences d'intérim, à la fois plus coûteuses et plus contraignantes. De ce fait, et en quelque sorte mécaniquement, au lieu que les associations intermédiaires complètent, pour des demandeurs d'emploi en situation exceptionnellement difficile, le travail accompli par les agences d'intérim, on assistera à un transfert : les chefs d'entreprise chercheront à obtenir par les associations intermédiaires les concours qu'ils trouvent actuellement dans les sociétés d'intérim, tandis que les demandeurs d'emploi les plus défavorisés, du fait de cette concurrence nouvelle, se trouveront irrémédiablement écartés.

Il ne s'agit pas là seulement d'une situation de fait, mais bien des conséquences prévisibles de la situation de droit, discriminatoire, introduite par la disposition contestée, en ce qu'elle crée, entre demandeurs d'emploi, des situations très différentes, selon qu'ils relèvent des agences d'intérim ou des associations intermédiaires, sans que, compte tenu notamment de la définition nouvelle des personnes concernées par l'article L 128, ces différences soient légitimées par des situations précisément distinctes.

3. Le II de l'article 95, en troisième lieu, exonère l'activité des associations intermédiaires des dispositions répressives sanctionnant l'essentiel des infractions prévues aux articles L 124-1 à L 124-19 et L 125-1 à L 125-4 du code du travail.

Certes, ces exonérations sont subordonnées au fait que l'association exerce ses activités " dans le cadre de son objet statutaire ". Mais il convient de souligner ici que la recherche de l'objet statutaire sera d'autant plus illusoire que le texte aurait pour effet de dessaisir l'inspection du travail au profit du préfet, seul compétent désormais pour contrôler les associations intermédiaires.

En elle-même, cette conséquence est contraire aux principes généraux du droit du travail, issus du préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'à la convention n° 81 de l'Organisation internationale du travail, régulièrement ratifiée par le Parlement français en 1950.

Elle prend d'autant plus de relief, en outre, qu'elle prive de garanties légales l'exigence constitutionnelle de protection des travailleurs, en l'occurrence contre le prêt illégal de main-d' uvre ou le marchandage.

Enfin, cette disposition aboutit à exonérer de toute responsabilité les personnes physiques ou morales concernées par les chapitres IV et V du code du travail auquel les textes renvoient de manière générale, quelle que soit la nature ou la gravité des actes qui pourraient être imputés. C'est parfaitement contraire au principe d'égalité, comme vous avez eu l'occasion de le déclarer formellement dans votre décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 (n° 9).

Ainsi, alors que l'on sait, comme les travaux préparatoires l'ont rappelé, que, parmi les associations intermédiaires qui dans leur écrasante majorité font un travail remarquable, il s'en glisse un nombre malheureusement croissant qui ne voient dans ce statut qu'un moyen commode de bénéficier de toutes sortes de dérogations, ce texte, loin de protéger les premières et de pourchasser les secondes, les affranchit toutes du respect de dispositions essentielles du code du travail, ce qui, naturellement, ne profite qu'à celles qui n'entendaient pas s'y plier.

A tous ces titres donc, l'article 95 de la loi qui vous est déférée ne saura résister à la censure.

3 Sur l'article 119

Cet article porte validation de deux arrêtés des 25 novembre 1993 et 22 mars 1994 portant approbation, le premier, de la convention nationale des médecins et, le second, d'un avenant à celle-ci, qui font tous deux l'objet de recours actuellement pendant devant le Conseil d'Etat.

Notons, en premier lieu, que la convention, dont l'arrêté d'approbation est ainsi validé, met en jeu quelque cinq cent millions d'actes médicaux annuels, représentant avec les prescriptions consécutives, environ 250 milliards de francs. Ces données de fait peuvent certes plaider pour l'existence de raisons d'intérêt général que le Conseil constitutionnel a prises en compte à plusieurs reprises en matière de validation. Mais ces mêmes données excluent qu'on puisse parler ici d'une mesure ponctuelle et limitée, notion tout aussi présente dans vos précédentes décisions.

Notons encore, en second lieu, que le Gouvernement a été très chiche en explications, les parlementaires étant simplement invités à procéder à une validation préventive, comme il y en eut déjà un certain nombre, par crainte d'une annulation pour vices de forme qui ruinerait les efforts déployés en matière de contrôle de l'évolution des dépenses de santé. Or, d'une part, les moyens soulevés devant le juge administratif ne se bornaient certes pas à des griefs de pure forme, d'autre part, comme cela a été malgré tout souligné dans les débats, les mesures qu'il s'agit de valider sont fort loin d'avoir produit les effets économiques allégués.

En réalité, cette validation est contraire à la Constitution à la fois en elle-même et en ce qu'elle valide un texte lui-même contraire à la Constitution.

1. Il est constant que, à une exception près sur laquelle on reviendra, la validation d'actes administratifs, en plus des conditions tenant au respect de l'autorité de la chose jugée et au respect du principe de non-rétroactivité en matière répressive, n'est possible que :

: lorsqu'elle résulte de la décision législative de modifier rétroactivement les règles que le juge a mission d'appliquer (n° 80-119 DC du 22 juillet 1980, n° 7), et/ou

: lorsqu'elle concerne non pas l'acte déféré au juge administratif mais les mesures consécutives à celui-ci (n° 83-159 DC du 19 juillet 1983 ; n° 85-192 DC du 24 juillet 1985).

En revanche, la validation directe et intégrale, par la loi, d'un acte relevant normalement de la compétence réglementaire et faisant l'objet d'un recours juridictionnel est impossible, sauf à méconnaître les limites que le Conseil constitutionnel a rappelées dans ses décisions précitées.

L'unique exception, à l'occasion de laquelle a été admise la validation directe de l'acte attaqué devant le juge administratif, est celle qui résulte de votre décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982 (n° 31). Mais il s'agissait là d'un cas spécial, celui de l'organisation particulière des TOM, dans lequel le législateur a la maîtrise de la répartition des compétences : modifier celle-ci revenait donc, en quelque sorte, à altérer rétroactivement des règles sur lesquelles le Parlement a une compétence générale, dont il détermine lui-même l'usage qu'il entend faire.

Dans les autres domaines, au contraire, la répartition des compétences entre la loi et le règlement résulte de la Constitution et non de l'appréciation du législateur. Si, donc, ce dernier peut toujours modifier, y compris rétroactivement, les règles qu'il revient au juge d'appliquer, s'il peut même faire siennes les mesures prises en application d'un acte administratif contesté, voire annulé (décision n° 85-192 DC précitée), en revanche il ne peut valider directement un acte déféré au juge et qui, à aucun titre, ne ressortit à ses compétences.

Pour l'avoir méconnu, l'article 119 doit, à ce premier titre, être déclaré non conforme à la Constitution.

2. En tout état de cause si, dans les conditions précédemment rappelées, la loi peut valider des actes administratifs illégaux, elle ne saurait valider des actes, quels qu'ils soient, qui seraient inconstitutionnels.

A propos de la ratification implicite des ordonnances de l'article 38 de la Constitution, la décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 avait posé le principe selon lequel " il appartiendrait au Conseil constitutionnel de dire si les dispositions auxquelles la ratification confère valeur législative sont conformes à la Constitution " (n° 24).

De la même manière, c'est à l'occasion de leur validation que le Conseil constitutionnel doit dire si des dispositions qui, par l'effet de cette validation elle-même, échapperont ensuite à tout juge, sont conformes à la Constitution.

Or tel n'est pas le cas des conventions dont l'article 119 prétend valider les arrêtés d'approbation.

Premièrement, le texte de la convention nationale approuvé par l'arrêté validé n'est pas celui qui avait été signé par les partenaires sociaux le 21 octobre 1993 (Journal officiel, Sénat, séance du 17 novembre 1994, pages 5759 et suivantes). Or, pas plus que le pouvoir réglementaire, le législateur ne peut modifier une convention présentée comme n'étant qu'approuvée.

Deuxièmement, la convention ne pouvait être approuvée qu'à condition d'être signée par au moins une organisation représentative de médecins généralistes et une organisation représentative de médecins spécialistes. Cette condition n'a été remplie que grâce à la signature de la CSMF et du syndicat des médecins libéraux (SML). Or ce dernier avait fait l'objet d'une enquête légale de représentativité, aboutissant à une décision de rejet en date du 12 janvier 1993. Puis, alors que d'autres demandes de reconnaissance de représentativité avaient été déposées, une nouvelle décision, datée du 11 juin 1993, accordait la représentativité au SML, sans qu'une nouvelle enquête eût été organisée. De ce fait, ce syndicat a bénéficié d'un privilège parfaitement exorbitant, rompant l'égalité avec les autres syndicats pétitionnaires de reconnaissance de représentativité (par exemple FMF et UCCSF). Aussi est-ce seulement au prix de cette violation manifeste du principe constitutionnel d'égalité que la convention a pu être considérée comme signée.

Ainsi, parce que cette signature est consécutive à la méconnaissance d'un principe constitutionnel, ce vice entache également l'approbation par arrêté puis la validation législative dudit arrêté.

Troisièmement et plus fondamentalement encore, la convention prévoit l'existence de deux secteurs : le secteur 1 à honoraires conventionnés et le secteur 2 à honoraires libres.

Jusqu'à présent, l'option en faveur de l'un ou l'autre secteur relevait du libre choix de chaque médecin, était ouverte à tous, et ne durait que ce que durait la convention elle-même, l'option étant ainsi rouverte à chaque nouvelle convention.

Or, par l'effet des articles 8, 9 et 43 de la convention, et s'agissant des médecins déjà installés à la date d'entrée en vigueur de la convention, seuls ceux du secteur 2 conserveront désormais le droit d'option.

En conséquence, les médecins qui avaient antérieurement choisi le secteur 1, dans des conditions qui leur permettaient de modifier leur choix à l'occasion d'une convention suivante, se trouvent soudainement enfermés, de manière définitive et irrévocable, dans ce qui était une option temporaire et révocable au moment où ils l'ont souscrite.

Certes, il est constant que nul n'a droit au maintien d'une réglementation. Aussi n'est-ce pas sur le principe même du changement que porte la critique. En revanche, la rupture d'égalité est grave et manifeste entre des médecins qui présentent tous les mêmes titres, compétences et fonctions. Selon que, à une date où il n'était pas envisageable que cette option pourrait emporter des conséquences définitives, ils avaient choisi le secteur 1 ou le secteur 2, ils se trouveraient désormais titulaires de droits totalement différents, les uns conservant un droit d'option que les autres perdraient.

Autant il était loisible au législateur, s'il l'estimait nécessaire, de rendre l'option définitive pour tout le monde, après une période transitoire permettant à chacun de reconsidérer son choix à cette lumière nouvelle, autant, même, il eût été possible, à l'extrême, de supprimer toute option, tout de suite et pour tout le monde, autant, en revanche, pas plus la convention que l'arrêté que la loi ne peuvent violer le principe d'égalité, entre médecins en l'espèce, en fermant aux uns le droit d'option qui reste ouvert aux autres.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que l'article 119 de la loi qui vous est déférée ne manquera pas d'être censuré.

Nous vous prions, Monsieur le président, Madame et Messieurs les conseillers, d'agréer l'expression de notre haute considération.

OBSERVATIONS DU GOUVERNEMENT EN REPONSE A LA SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL EN DATE DU 27 DECEMBRE 1994 PAR SOIXANTE DEPUTES.

LOI PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS D'ORDRE SOCIAL

Soixante députés ont déféré au Conseil constitutionnel la loi portant diverses dispositions d'ordre social.

I : Sur l'article 92

L'article 92 de la loi déférée a pour objet d'autoriser le régime d'assurance chômage à utiliser à titre expérimental, jusqu'au 31 décembre 1996, une partie : très limitée : de ses ressources pour financer des actions de reclassement, ainsi que l'ont souhaité les partenaires sociaux signataires d'un accord conclu le 8 juin 1994.

Depuis son origine, le régime d'assurance chômage repose sur un système conventionnel, la loi (article L 351-1 et suivants du code du travail) ne traçant qu'un cadre juridique très large et renvoyant, pour son application, à un accord conclu entre partenaires sociaux et agréé par l'Etat.

Dans la mesure où l'accord du 8 juin 1994 pouvait conduire à verser des allocations de chômage sous des formes parfois dérogatoires au droit commun (dérogation notamment à la condition de recherche d'emploi) et dès lors que ces allocations sont financées par des contributions obligatoires des employeurs et des salariés, un texte législatif pouvait paraître nécessaire pour permettre ces novations. Il convient de remarquer toutefois que le régime d'assurance chômage intervient déjà, dans le cadre législatif actuel, par convention avec l'Etat ou par accord entre partenaires sociaux, sous des formes autres que le versement d'allocations de chômage à des demandeurs d'emploi.

Ainsi l'Unedic participe notamment :

: au financement de la rémunération des stagiaires, en leur versant une allocation formation-reclassement ;

: au financement des allocations servies aux personnes en convention de conversion.

En outre, le régime d'assurance chômage peut consacrer chaque année 2 p 100 des dépenses d'indemnisation (soit plus de 2 milliards de francs) au titre des fonds sociaux sous forme d'aides individuelles diverses à des personnes en difficulté, allocataires ou simples anciens cotisants. Or les expérimentations qui seront menées dans le cadre de l'accord du 8 juin ont été financièrement limitées à 500 MF par an.

Compte tenu de cet aspect expérimental, limité dans le temps et financièrement encadré, ainsi que du désir des partenaires sociaux de mener des expériences diverses dans le cadre d'un accord qu'ils ont eux-mêmes souhaité le plus ouvert possible (cet accord en effet ne fixe que deux limites : une durée maximale de versement des aides de six mois, pour des personnes allocataires depuis au moins huit mois), le texte législatif ne pouvait être trop restrictif. En particulier, ce texte ne pouvait fixer dans le détail la nature des expérimentations envisagées.

Aussi est-ce faire un procès d'intention au législateur que de prétendre que ce projet remet en cause les droits à indemnisation des bénéficiaires d'allocations de chômage, qu'il place les intéressés dans un statut mal défini et qu'aucune garantie n'est apportée pour s'assurer de leur consentement.

1 La disposition déférée n'est pas entachée d'incompétence négative

Est à cet égard dénoncé le " silence de la loi " sur le statut des personnes concernées, silence qui entacherait la loi, selon les requérants, d'une " incompétence négative ". A les en croire, le statut des bénéficiaires ne serait plus défini par le droit du travail, mais par les conventions de coopération conclues en application du deuxième alinéa de l'article 92.

Le grief est non fondé. Les conventions de coopération n'ont pour objet ni de déroger aux dispositions du droit du travail ni de modifier les statuts que ce droit a créés, qu'il s'agisse de celui de demandeur d'emploi ou de salarié. Ces conventions de coopération ont pour objet essentiel de préciser les conditions dans lesquelles l'action expérimentale de reclassement se déroulera (nature et durée) ainsi que les obligations respectives des parties. En particulier, parmi ces obligations, l'entreprise adhérente devra s'engager à conclure avec le bénéficiaire soit un contrat à durée indéterminée, soit un contrat à durée déterminée correspondant au minimum à la durée de l'action de reclassement. Elle devra respecter les dispositions légales et conventionnelles applicables en matière de salaires.

2 Le projet ne remet nullement en cause le droit à indemnisation des bénéficiaires d'allocations de chômage

Le statut du bénéficiaire sera soit celui d'un chômeur indemnisé, soit celui d'un salarié. Dans le premier cas, l'intéressé continuera à percevoir ses allocations. Il en sera de même dans le second cas, mais ces allocations transiteront par l'employeur qui n'aura plus à sa charge que le complément de salaire à concurrence du minimum conventionnel applicable à l'intéressé.

Dans cette dernière situation, la totalité de la rémunération versée constitue un salaire avec tous les avantages y afférents, en particulier en ce qui concerne la couverture sociale et la constitution de nouveaux droits à l'assurance chômage. Toutefois, comme dans le dispositif de " l'activité réduite " ou des " conventions de conversion ", les droits à l'indemnisation seront en partie consommés pendant cette période. Néanmoins, la délibération de l'Unedic prévoyant la possibilité d'exercer des activités réduites ne fait pas double emploi avec cette expérimentation, car elle n'a pas pour objet d'inciter les employeurs à embaucher les chômeurs indemnisés.

Aussi est-il faux de prétendre que ces dispositifs modifieront la nature des cotisations d'assurance chômage, puisque ces dernières continueront de financer des prestations individuelles à des chômeurs.

3 En troisième lieu, rien ne permet d'affirmer que le consentement des intéressés ne sera pas recueilli dans les différents types d'expérimentations qui seront mises en uvre

A titre liminaire, il convient de remarquer qu'aucune disposition particulière n'a jamais été estimée nécessaire pour recueillir de façon formelle l'accord des intéressés lorsqu'il leur est proposé de bénéficier d'une formule d'aide au reclassement, qu'il s'agisse de formations ou de contrats de travail aidés. Les dispositions relatives au contrôle des demandeurs d'emploi et aux sanctions auxquelles s'exposent les personnes qui refusent sans motif légitime un emploi convenable ou une formation s'appliquent dans les conditions du droit commun.

En tout état de cause, dans le cas particulier du financement d'une période d'insertion dans une entreprise, le consentement de l'intéressé sur la poursuite du versement de ses allocations de chômage se manifestera par la signature d'un bulletin d'adhésion à la convention de coopération.

II. : Sur l'article 95

1. Le premier grief est tiré d'une violation de l'article 39 de la Constitution

Le Gouvernement n'a fait qu'user du droit d'amendement qui lui est reconnu par l'article 44 de la Constitution. Les délais de mise au point de ces dispositions, qui ne dépassent pas les limites inhérentes au droit d'amendement, n'ont pas permis de les incorporer au projet examiné par le Conseil d'Etat.

2 Le deuxième grief est tiré de l'extension excessive des publics visés par les associations intermédiaires, extension entraînant, si on comprend bien le recours, une rupture d'égalité

Cette argumentation manque en fait.

Les dispositions dérogatoires du droit commun dont bénéficient les associations intermédiaires sont justifiées par le souci de faciliter le retour à l'emploi de personnes se trouvant dans une situation telle que, sans ces avantages particuliers, elles perdraient en fait toute chance de réinsertion.

Contrairement à ce qu'affirment les requérants, la notion de " personnes sans emploi rencontrant des difficultés particulières d'insertion " est précisée par la loi, qui donne une liste indicative.

La nouvelle rédaction du I de l'article L 128 ne modifie que très légèrement la définition actuelle de l'objet des associations intermédiaires :

L'ancienne rédaction était la suivante :

" Elle (l'association intermédiaire) a pour objet d'embaucher des personnes dépourvues d'emploi et éprouvant des difficultés de réinsertion, notamment les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, les chômeurs de longue durée et les chômeurs âgés de plus de cinquante ans "

La nouvelle rédaction indique :

" L'association a pour objet d'embaucher des personnes sans emploi rencontrant des difficultés particulières d'insertion ou de réinsertion, notamment les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, les chômeurs âgés de plus de cinquante ans, les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, les jeunes en difficulté, les personnes prises en charge au titre de l'aide sociale "

Ces deux rédactions ne diffèrent que sur deux points :

a) La mention des difficultés particulières d'insertion :

Le texte permet ainsi de lever toute ambiguïté sur le fait que ses bénéficiaires peuvent être des personnes n'ayant pas réussi à s'insérer sur le marché du travail, notamment les jeunes en difficulté qui n'auraient jamais travaillé ou certains bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, qui n'ont jamais accédé à un emploi régulier. La prise en charge de ces publics se trouve donc affirmée dans la loi, alors qu'elle ne l'était pas auparavant. Loin d'entraîner un élargissement vers des publics qui ne rencontreraient pas de réelles difficultés sur le marché de l'emploi, la mention du mot " insertion " contribue à bien orienter l'action des associations intermédiaires vers les publics les moins préparés à affronter le marché du travail. Le mot " particulières " permet également de privilégier le recrutement de personnes qui ont des difficultés spécifiques. La précision ainsi apportée exprime la priorité donnée par le législateur à la lutte contre l'exclusion.

b) L'énoncé des différentes catégories diffère de l'ancien sur trois points :

Il mentionne en effet les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, les jeunes en difficulté et les personnes prises en charge au titre de l'aide sociale, dont les difficultés d'insertion ou de réinsertion sont souvent très importantes. Si la loi précise le champ d'action des associations intermédiaires, c'est afin de mieux orienter le recrutement de celles-ci vers des publics qui ne peuvent que très difficilement bénéficier d'autres dispositifs d'aide à l'insertion.

Le grief tiré de la prétendue rupture d'égalité résultant de l'imprécision des termes de la loi manque donc en fait.

A ces précisions s'ajoute le caractère plus rigoureux de la procédure d'agrément. Celui-ci doit être renouvelé dans les conditions dans lesquelles il a été délivré et ne peut donc plus l'être par tacite reconduction. Il peut également être suspendu pour trois mois ou retiré si l'association ne respecte pas ses engagements, alors qu'auparavant seul le retrait était possible.

L'absence de pouvoir de suspension avait pu dissuader le représentant de l'Etat dans le département d'intervenir, dans le souci d'éviter une sanction trop sévère. L'option nouvelle renforcera donc en réalité la rigueur du contrôle.

Enfin, la possibilité de conclure une convention de coopération avec l'ANPE doit permettre à l'association intermédiaire de " cibler " plus étroitement son action sur les publics visés par la loi. Cette convention de coopération, si elle n'est pas obligatoire, constitue une garantie vis-à-vis de l'objet de l'association et un moyen pour celle-ci d'appuyer sa demande de renouvellement d'agrément.

Contrairement à ce qu'affirme le recours, la nouvelle rédaction de l'article L 128 constitue bien un moyen de réserver le bénéfice de ses dispositions aux personnes en grande difficulté et d'encadrer efficacement l'action des associations intermédiaires. Elle ne permet nullement une ouverture de celles-ci à tous les publics.

3 Le troisième grief dénonce plus particulièrement une rupture d'égalité entre associations intermédiaires et entreprises de travail temporaire

Selon les requérants, la loi introduirait entre les deux types d'organismes une discrimination non justifiée par la différence des activités et des publics concernés. Ainsi, les garanties apportées aux associations intermédiaires ne seraient pas justifiées par leur objet social.

Le grief n'est fondé dans aucun de ses éléments.

a) L'activité des associations intermédiaires et celle des entreprises de travail temporaire sont profondément différentes.

La loi n'introduit pas de rupture d'égalité, car les agences d'intérim et les associations intermédiaires sont placées dans des situations radicalement différentes tant au regard de leur objet que de leurs publics :

: les entreprises de travail temporaire recrutent des personnes disposant d'une qualification ou d'une spécialisation plus ou moins étendues, mais toujours incontestables. Leur vocation est en effet de permettre aux entreprises de répondre promptement et efficacement à des besoins temporaires. Ainsi l'article L 124-1 du code du travail dispose qu'une entreprise de travail temporaire ne met de salariés à disposition d'utilisateurs " qu'en fonction d'une qualification convenue " et qu'elle les " embauche et rémunère à cet effet ". De même, la loi n'encadre le champ d'activité des entreprises de travail temporaire qu'en prévoyant les cas de recours au travail intérimaire : remplacement d'un salarié, accroissement temporaire d'activité et emplois saisonniers ou temporaires par nature (art L 124-2-1 du code du travail) ;

: à l'inverse, les associations intermédiaires constituent des structures d'insertion ou de réinsertion professionnelle bénéficiant à des publics éprouvant de grandes difficultés à accéder au marché du travail et, très généralement, non qualifiés. C'est pourquoi la loi définit strictement leur objet, qui est de mettre à la disposition de personnes physiques ou morales des personnes sans emploi rencontrant des difficultés particulières d'insertion ou de réinsertion pour des activités non assurées par l'initiative privée ou l'action des collectivités publiques ou par des organismes bénéficiant de ressources publiques. L'agrément préfectoral délivré après avis des organisations professionnelles concernées et du comité départemental de l'insertion par l'économie, comme la possibilité de suspendre ou de retirer cet agrément constituent des garanties contre tout risque de dérive.

Il est donc clair que les associations intermédiaires constituent un dispositif spécifique d'accès au monde du travail. Le fait que, depuis la loi du 19 décembre 1989, elles aient aussi pour missions l'accueil des personnes en difficulté de réinsertion, leur accompagnement et le suivi de leur itinéraire dans leur démarche de réinsertion, confirme la vocation de ces associations.

b) En tout état de cause, les salariés des associations intermédiaires bénéficient d'un statut protecteur.

Les nouvelles dispositions légales (1er alinéa du 3 de l'article L 128 du code du travail) garantissent aux salariés des associations intermédiaires l'application des dispositions de l'article L 125-3, alinéa 2, du code du travail. Ce texte permet en effet d'appliquer à ces salariés les dispositions protectrices dont bénéficient les salariés des entreprises de travail temporaire. Mentionnons les dispositions relatives à la responsabilité de l'utilisateur dans les conditions d'exécution du travail, incluant les obligations afférentes à la médecine du travail (art L 124-4-6) et à l'accès des salariés temporaires aux moyens de transports collectifs et aux installations collectives dont peuvent bénéficier les salariés de l'utilisateur (art L 124-4-7) ; les dispositions relatives aux calculs d'effectifs en matière de représentation du personnel (art L 124-14) ; celles relatives au droit applicable aux salariés étrangers (art L 341-3) ; ou celles fixant les modalités de calcul de l'indemnité afférente à un accident du travail (art L 412-3 et suivants du code de la sécurité sociale).

En outre le III de l'article 95 de la loi insère (2e alinéa nouveau du 3 de l'article L 128 du code du travail) une disposition prévoyant qu'en aucun cas une association intermédiaire ne peut embaucher un salarié pour effectuer des travaux particulièrement dangereux figurant sur une liste dressée par arrêté ministériel. Il s'agit là encore de l'application aux salariés des associations intermédiaires d'une disposition protectrice, également prévue pour les salariés intérimaires par l'article L 124-2-3 du code du travail.

Il est donc totalement inexact de présenter les salariés des associations intermédiaires comme dotés d'un niveau de protection si bas que, même à qualification inférieure, les employeurs trouveraient intérêt à les employer plutôt que d'avoir recours à l'embauche ou aux entreprises de travail temporaire.

4 En quatrième lieu, les requérants soutiennent que la loi est contraire au principe d'égalité devant la loi pénale dès lors qu'elle exonère les associations intermédiaires et leurs animateurs de toute responsabilité pénale

Le grief n'est pas fondé.

La modification du 3 de l'article L 128 du code du travail est purement rédactionnelle et n'a pas la portée juridique que lui prêtent les requérants. Elle n'a pas non plus d'incidence sur des procédures juridictionnelles en cours.

En effet, la nouvelle formulation se borne, dans un souci de précision et de clarté, à rappeler un principe général du droit : l'ordre de la loi ou le commandement de l'autorité légitime constituent un fait justificatif supprimant la responsabilité pénale.

Ce principe d'irresponsabilité pénale tiré de l'autorisation de la loi était inscrit à l'article 327 de l'ancien code pénal et figure désormais à l'article 122-4, alinéa 1er, du nouveau code : " N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires. "

En l'espèce, la nouvelle rédaction de l'article L 128 du code du travail vient rappeler que l'association intermédiaire, dont la mission est strictement définie par la loi, ne peut se voir reprocher une infraction pénale (prêt de main-d' uvre à but lucratif-marchandage) lorsqu'elle reste dans le cadre de sa mission.

Les responsables d'une telle association, dont la loi précise que la mission n'a pas de caractère lucratif, ne peuvent pas être poursuivis pour des infractions, dont un des éléments est la finalité lucrative, tant que l'association ne sort pas du cadre statutaire (et légal) de sa mission.

A contrario, tout membre d'une telle association qui, sous couvert d'une association intermédiaire, se livrerait en réalité, à des fins lucratives ou en dehors de l'objet statutaire, à du prêt de main-d' uvre ou à une autre infraction au code du travail ne saurait bénéficier de l'exemption légale et continuerait d'être passible de poursuites comme par le passé.

En conclusion, la modification rédactionnelle, purement formelle, de ce texte n'a qu'une portée limitée au rappel d'un principe plus général figurant à l'article 122-4 du nouveau code pénal et ne crée aucune cause d'irresponsabilité nouvelle.

Dans ces conditions, la question de son application dans le temps ne présente donc pas de réel intérêt pour les procédures en cours à l'entrée en vigueur de la loi. Cette disposition n'aura d'effet ni sur les procédures engagées ni sur la recherche des responsabilités, dès lors que les actes incriminés ont été commis en dehors du cadre légal ou statutaire de l'association intermédiaire, qui n'a pas été véritablement modifié. Le nouveau texte ne peut en effet être interprété comme rendant plus douces les incriminations applicables.

5 Enfin, le cinquième grief est tiré de ce que les dispositions déférées seraient contraires aux principes généraux du droit du travail en dessaisissant l'inspection du travail au profit du préfet

Ce grief manque en fait.

L'inspection du travail conserve l'intégralité de ses compétences de contrôle de l'activité des associations intermédiaires.

Il convient de rappeler que les associations intermédiaires ne peuvent exercer leur activité, depuis leur création par la loi du 27 janvier 1987, qu'après agrément par l'Etat, le décret du 30 avril 1987 ayant confié cette compétence au préfet. Les pouvoirs du préfet et de l'inspecteur du travail sont clairement distingués et préservés par la loi. Le préfet délivre l'agrément, contrôle le respect des conditions d'exercice fixées par sa décision et peut suspendre ou retirer cet agrément.

Les pouvoirs du préfet concernant l'agrément laissent intactes les compétences de contrôle reconnues à l'inspection du travail. En effet, l'inspecteur du travail exerce une compétence propre de droit commun, telle que reconnue par la Convention 81 de l'Organisation internationale du travail, ratifiée en 1950, et telle que fixée au livre VI du code du travail. Conformément à l'article L 611-1 du code du travail, qui confie aux inspecteurs du travail une mission générale de contrôle, ceux-ci sont chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail et de constater les infractions à ces dispositions. Ainsi, les compétences de l'inspecteur du travail couvrent sans ambiguïté les associations intermédiaires, leur activité et leur fonctionnement. L'argument selon lequel l'inspection du travail serait dessaisie au profit du préfet est donc dénué de tout fondement.

III. : Sur l'article 119

Les requérants contestent tant la constitutionnalité de la validation elle-même que celle des actes validés.

1 Sur la constitutionnalité de la validation

a) La validation répond à d'impérieuses nécessités d'intérêt général.

L'actuelle convention médicale a été négociée et approuvée sur le fondement des dispositions introduites dans le code de la sécurité sociale par la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 qui en ont profondément modifié l'esprit et le contenu.

Acte à objet essentiellement tarifaire à l'origine, la convention est devenue l'instrument essentiel d'une régulation médicalisée des dépenses grâce à la fixation annuelle :

: d'objectifs de dépenses portant sur les honoraires et les prescriptions des médecins libéraux ;

: des tarifs des honoraires de ces médecins ;

: de références médicales qui doivent concourir à la réalisation de ces objectifs.

La spécificité du dispositif de maîtrise mis en place est de reposer en effet sur l'édiction de normes de bonne pratique médicale permettant d'éviter les soins et les prescriptions qui sont manifestement inutiles.

L'inflexion très nette des dépenses de médecine ambulatoire en 1994 est venue confirmer la pertinence de la démarche retenue et d'une maîtrise intelligente des dépenses visant à améliorer la relation entre le coût et la qualité d'ensemble du système de soins français.

L'objectif d'évolution de la dépense de soins induite par les médecins (actes et prescriptions) avait été fixé pour 1994 à 3,4 p 100. Ce taux sera très largement respecté : fin octobre, l'évolution sur dix mois, comparés aux dix mêmes mois de l'année 1993, est de 1,4 p 100 pour l'ensemble des régimes d'assurance maladie.

Pour le seul régime général, la commission des comptes de la sécurité sociale prévoit dans son rapport d'octobre une évolution de 1,4 p 100 pour l'agrégat " médecins ", contre 4,9 p 100 en 1993, 6,2 p 100 en 1992, 8,2 p 100 en 1991.

Une analyse plus fine des postes de l'assurance maladie (biologie, certaines classes de médicaments) démontre la corrélation très forte entre la modération de l'évolution des dépenses et l'édiction des références médicales.

L'annulation de la convention aurait pour conséquence la remise en cause de l'ensemble du dispositif de maîtrise des coûts, la loi ne prévoyant de dispositif de substitution que pour la fixation des honoraires.

Elle aurait pour première conséquence de priver de base légale l'ensemble des décisions intervenues sur le fondement de la convention depuis son approbation (décisions de remboursement des assurés sur la base des tarifs fixés par la convention ; participation des caisses au financement des avantages sociaux des médecins), créant un désordre juridique important.

Elle aurait pour deuxième conséquence l'impossibilité de fixer un objectif d'évolution des dépenses pour l'année 1995.

Elle aurait surtout pour principal effet de rendre inapplicables les références médicales. Cette perspective est doublement préoccupante : du point de vue de la santé puisque ces références contribuent à améliorer la qualité des soins dispensés ; du point de vue des comptes de l'assurance maladie, les références médicales étant l'instrument privilégié pour atteindre en 1995 un taux de progression de la dépense en soins ambulatoires proche de 2,3 p 100 et contenir ainsi le déficit prévisionnel de l'assurance maladie pour 1995 à près de 30 milliards (soit un résultat proche de celui attendu pour 1994).

A défaut d'instrument permettant la maîtrise concertée des dépenses des soins ambulatoires, les pouvoirs publics ne disposeraient que de moyens réglementaires de beaucoup plus faible portée, leur permettant seulement d'influer sur les conditions du remboursement (déremboursement, ticket modérateur) et sur le prix des actes (nomenclature), sans effet sur le volume des actes produits.

Ces moyens, de ce fait, seraient peu efficaces à terme pour contenir la progression des dépenses et susceptibles, s'ils étaient exagérément utilisés, de compromettre l'égal accès aux soins.

Il n'est donc pas contestable que la validation répond à d'impérieuses nécessités d'intérêt général.

b) La validation contestée ne méconnaît pas l'autorité de la chose jugée :

L'article 119 satisfait par ailleurs à la seconde condition essentielle fixée par le Conseil constitutionnel en la matière puisqu'il ne porte pas atteinte à l'autorité de la chose jugée.

Contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que cette disposition a pour effet de valider directement un acte déféré au juge n'est pas à soi seule constitutive d'inconstitutionnalité. En effet, le but de toute validation est bien de prévenir l'annulation d'un acte dont le juge a été ou pourrait être saisi, afin d'éviter les conséquences dommageables de cette annulation pour l'intérêt général. C'est ce que le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision du 22 juillet 1980 en estimant que " le fait que la loi (soumise à son examen) intervient dans une matière ayant donné lieu à des recours actuellement pendants n'est pas de nature à faire regarder cette loi comme non conforme à la Constitution. "

On ne saurait enfin soutenir, comme le font les requérants, que le législateur n'aurait aucun titre à intervenir en la matière, alors justement que les articles L 162-5 et suivants du code de la sécurité sociale définissent le régime des conventions.

2 Sur la constitutionnalité de la convention

A titre liminaire, on s'interrogera sur la possibilité, pour le Conseil constitutionnel, d'examiner, à l'occasion de la validation d'un acte réglementaire, les stipulations de la convention que ce dernier approuve. En outre, le parallèle établi par les requérants avec la ratification d'une ordonnance est sans portée, la convention n'acquérant pas valeur législative du fait de la validation des arrêtés.

Aussi, ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'on répondra aux trois moyens dirigés contre la convention elle-même.

En premier lieu, à la supposer établie, la circonstance que la convention n'aurait pas été valablement approuvée par certains de ses signataires ne met en cause aucun principe constitutionnel.

En second lieu, la signature de la convention par le syndicat des médecins libéraux ne constitue pas une violation du principe d'égalité dès lors que cette organisation syndicale a été légalement reconnue représentative.

Enfin, les médecins ayant choisi le secteur I en application d'une précédente convention se trouvent dans une situation différente de ceux ayant opté pour le secteur II. La différence de traitement appliquée aux deux catégories de médecins est, en tout état de cause, justifiée par des raisons d'intérêt général, en relation évidente avec le but poursuivi. Le maintien d'une ouverture du secteur II est en effet contraire aux objectifs de l'égal accès aux soins et de maîtrise des dépenses.

Au surplus, il convient d'observer que, contrairement à ce qu'affirment les requérants, la situation ainsi créée n'est ni " définitive " ni " irrévocable ". En effet, la portée des dispositions des articles 8 et 9 de la convention est appelée à diminuer du fait de l'entrée en vigueur de l'article 10. Les signataires de la convention se sont donné comme objectif de mettre fin au statu quo tel qu'il existe depuis 1990 par la création d'un secteur optionnel autorisant les médecins à pratiquer des tarifs servant de base au remboursement plus élevés, secteur qui pourrait accueillir des médecins à la fois des secteurs I et II.

Pour ces raisons, le Gouvernement demande au Conseil constitutionnel de rejeter le présent recours.


Références :

DC du 25 janvier 1995 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 25 janvier 1995 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi portant diverses dispositions d'ordre social (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation: Cons. Const., décision n°94-357 DC du 25 janvier 1995

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Origine de la décision
Date de la décision : 25/01/1995
Date de l'import : 02/11/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro de décision : 94-357
Numéro NOR : CONSTEXT000017666667 ?
Numéro NOR : CSCX9500601S ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.constitutionnel;dc;1995-01-25;94.357 ?
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