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07/05/1997 | FRANCE | N°95NT00898

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 07 mai 1997, 95NT00898


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 juillet 1995, présentée pour l'Office public d'HLM de Saumur, dont le siège est ..., représenté par son président, par la SCP d'avocats DUCROS-PIELBERG-BUTRUILLE ;
L'Office demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-2020 du 12 mai 1995 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 10 juin 1994 du président de l'Office public licenciant M. X... pour faute disciplinaire, a enjoint, sous astreinte définitive de 500 F par jour de retard, l'Office public de réintégrer M. X... et a condamné

ledit Office à verser à M. X... une somme de 5 000 F sur le fondemen...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 juillet 1995, présentée pour l'Office public d'HLM de Saumur, dont le siège est ..., représenté par son président, par la SCP d'avocats DUCROS-PIELBERG-BUTRUILLE ;
L'Office demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-2020 du 12 mai 1995 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 10 juin 1994 du président de l'Office public licenciant M. X... pour faute disciplinaire, a enjoint, sous astreinte définitive de 500 F par jour de retard, l'Office public de réintégrer M. X... et a condamné ledit Office à verser à M. X... une somme de 5 000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n 88-145 du 15 février 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 1997 :
- le rapport de M. LEMAI, président-rapporteur,
- les observations de Me Y..., se substituant à Me PIELBERG, avocat de l'OPHLM de Saumur, les observations de M. X...,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si l'Office public d'HLM de Saumur reproche au tribunal de ne pas avoir examiné les faits qu'il avait invoqués relatifs aux conditions dans lesquelles M. X... utilisait son véhicule de fonction, il ne ressort pas de la lettre de licenciement du 10 juin 1994, ni d'aucune autre pièce versée au dossier, que ces faits seraient au nombre des griefs qui ont été notifiés à M. X... au cours de la procédure de licenciement ; que l'appréciation des conditions d'utilisation dudit véhicule étant ainsi sans incidence sur la légalité de la décision de licenciement, l'Office n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé ;
Sur la légalité de la décision de licenciement :
Considérant que la décision en date du 10 juin 1994 par laquelle le président de l'Office public d'HLM de Saumur a prononcé le licenciement de M. X... de ses fonctions de directeur, pour fautes graves, est fondée sur les motifs que l'intéressé a manqué à ses obligations professionnelles, notamment en dissimulant au nouveau président du conseil d'administration élu le 29 décembre 1992 le renouvellement de son contrat intervenu le 9 octobre 1992 ainsi que les observations sur ce renouvellement faites le 3 décembre 1992 par le préfet de Maine-et-Loire, a manqué à ses obligations de réserve, de discrétion professionnelle et de délicatesse à l'égard du président, des administrateurs de l'Office et des élus du conseil municipal, a engagé dans des conditions irrégulières des dépenses inconsidérées dans son logement de fonction et, enfin, a détourné et utilisé à des fins personnelles un matériel appartenant à l'Office ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ne peut être sérieusement soutenu que le nouveau président du conseil d'administration de l'Office ignorait la décision de son prédécesseur de renouveler le contrat de M. X... et qu'il est constant que les observations du préfet sur cette décision ont été effectivement transmises au président alors en exercice ; que, dans ces conditions, la seule circonstance, à la supposer établie, que M. X... n'aurait pas pris l'initiative de communiquer au nouveau président, dès son élection, le contrat et les observations en cause ne saurait constituer un acte de dissimulation ; que si l'Office soutient que M. X... aurait également manqué à ses obligations de conseil en s'abstenant d'informer le président qui a décidé le renouvellement du contrat des irrégularités que comportait le nouveau contrat, ce grief n'a pas, en tout état de cause, été retenu dans les motifs de la décision attaquée ; que, de même, la circonstance que le conseil d'administration aurait été tenu dans l'ignorance des décisions de son président relatives à la situation de M. X... ne peut être utilement invoquée à l'encontre de ce dernier ;

Considérant, en deuxième lieu, que s'il ressort des pièces versées au dossier, notamment de la lettre par laquelle quatre des cinq représentants du conseil municipal de la ville de Saumur exposent les raisons de leur démission du conseil d'administration à l'origine de la désignation d'un nouveau président, que des dissensions existaient entre l'ancien président et une partie de son conseil, en particulier en ce qui concerne la politique à mener à l'égard d'une société municipale d'économie mixte, lesdites pièces n'établissent pas que M. X... aurait pris dans ce domaine des initiatives excédant les directives données par le président dont il dépendait hiérarchiquement ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il n'est pas démontré, ni même véritablement allégué, que les dépenses effectuées dans le logement de fonction de M. X..., lequel avait été attribué à l'intéressé par son contrat initial de décembre 1991, auraient été engagées dans des conditions irrégulières ; que la circonstance qu'une partie de ces dépenses auraient été indûment comptabilisées en section d'exploitation ne saurait suffire à établir que M. X... aurait cherché à soustraire les dépenses en cause au contrôle des organes compétents de l'Office ;
Considérant, enfin, que l'Office n'apporte pas la preuve, comme il en a la charge, qu'il serait propriétaire d'un matériel qui n'aurait pas été restitué par M. X... ; que, comme il a été dit ci-dessus, le grief tiré de ce que M. X... aurait fait une utilisation abusive de son véhicule de fonction n'a pas été invoqué à l'appui de la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Office n'établit pas que M. X... aurait commis des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision du 10 juin 1994 prononçant le licenciement de M. X... ;
Sur l'application de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-2 introduit dans le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel par la loi du 8 février 1995 : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ( ...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt" ;

Considérant que l'engagement de M. X... a été reconduit à compter du 16 décembre 1992 pour une durée de trois ans, renouvelable expressément, par le contrat du 9 octobre 1992 ; que ce contrat a été résilié par une décision du 8 janvier 1993 qui a pris effet le 8 avril 1993 ; qu'à la suite de l'annulation de cette résiliation par un jugement du tribunal administratif du 23 décembre 1993, M. X... a été réintégré le 17 mai 1994 ; que, faisant usage, à la demande de M. X..., des dispositions sus-rappelées de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le tribunal a, par le jugement attaqué, enjoint à l'Office public d'HLM de Saumur de réintégrer sans délai M. X... dans ses fonctions de directeur "pour la durée contractuelle fixée, de façon à ce que la durée effective d'exécution du contrat soit de trois ans, la période comprise entre le 8 avril 1993 et la date de réintégration n'étant pas prise en compte" ;
Considérant que l'exécution du jugement du tribunal administratif du 12 mai 1995, confirmé par le présent arrêt, implique nécessairement la réintégration dans ses fonctions de M. X... à compter de la date de son éviction illégale, soit le 10 juin 1994 ; que, toutefois, les dispositions de l'article L.8-2 ne confèrent pas au juge administratif le pouvoir d'imposer à l'administration la poursuite d'un contrat au-delà de son terme, tel qu'il résulte des stipulations dudit contrat ; que, par suite, l'Office public d'HLM de Saumur est fondé à demander la réformation du jugement du 12 mai 1995 en tant qu'il lui a enjoint de réintégrer M. X... pour une durée s'étendant au-delà du 16 décembre 1995, terme du contrat conclu le 9 octobre 1992 ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner l'Office public d'HLM de la ville de Saumur à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais qu'il a exposés ;
Article 1er : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Nantes du 12 mai 1995 est annulé en tant qu'il enjoint à l'Office public d'HLM de la ville de Saumur de réintégrer M. X... dans ses fonctions pour une durée se prolongeant au-delà du 16 décembre 1995.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'Office public d'HLM de la ville de Saumur est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de M. X... tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office public d'HLM de la ville de Saumur, à M. X... et au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 95NT00898
Date de la décision : 07/05/1997
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - EFFETS DES ANNULATIONS - Annulation du licenciement d'un agent contractuel - Portée dans le temps de l'obligation de réintégration.

36-13-02, 54-06-07-008 Si l'exécution d'un jugement annulant le licenciement d'un agent contractuel implique nécessairement la réintégration de cet agent à compter de la date de son éviction illégale, les dispositions de l'article L. 8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ne confèrent pas au juge administratif le pouvoir d'imposer à l'administration la poursuite d'un contrat au-delà de son terme. En conséquence, réformation de la mesure d'exécution prescrite par le tribunal administratif en tant qu'elle impose à l'administration de procéder à une réintégration impliquant une poursuite du contrat au-delà de son terme afin de permettre à l'agent d'exercer effectivement ses fonctions pendant une durée correspondant à celle prévue à ce contrat.

PROCEDURE - JUGEMENTS - EXECUTION DES JUGEMENTS - PRESCRIPTION D'UNE MESURE D'EXECUTION - Exécution de l'annulation du licenciement d'un agent contractuel - Portée dans le temps de l'obligation de réintégration.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-2, L8-1
Loi 95-125 du 08 février 1995


Composition du Tribunal
Président : M. Marchand
Rapporteur ?: M. Lemai
Rapporteur public ?: Mme Coënt-Bochard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1997-05-07;95nt00898 ?
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