La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/06/2000 | FRANCE | N°95NT01313

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 02 juin 2000, 95NT01313


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 13 septembre 1995, présenté par le ministre de la défense ;
Le ministre de la défense demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n s 94-3023 - 94-3024 du 29 juin 1995 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à M. Yves X... une somme de 187 272 F, assortie des intérêts et des intérêts des intérêts, ainsi qu'une somme de 3 500 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de rejeter la demande présentée par M. X... deva

nt le Tribunal administratif de Nantes ;
Vu les autres pièces du dossier...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 13 septembre 1995, présenté par le ministre de la défense ;
Le ministre de la défense demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n s 94-3023 - 94-3024 du 29 juin 1995 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à M. Yves X... une somme de 187 272 F, assortie des intérêts et des intérêts des intérêts, ainsi qu'une somme de 3 500 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif de Nantes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger ;
Vu le décret n 68-349 du 19 avril 1968 portant extension aux personnels militaires et aux personnels civils de nationalité française relevant du ministère des armées des dispositions du décret n 67-290 du 28 mars 1967 susvisé ;
Vu le décret n 76-313 du 7 avril 1976 portant statut particulier du corps des ingénieurs techniciens d'études et de fabrications du ministère de la défense, abrogé par le décret n 89-750 du 18 octobre 1989 portant statut particulier du corps des ingénieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense ;
Vu l'arrêté interministériel du 13 décembre 1988 relatif aux conditions d'application aux fonctionnaires civils du ministère de la défense en service à l'étranger du décret n 67-290 du 28 mars 1967 susvisé, modifié par l'arrêté interministériel du 17 janvier 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mai 2000 :
- le rapport de M. RENOUF, premier conseiller,
- les observations de M. Yves X...,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Yves X..., alors ingénieur technicien d'études et de fabrications du ministère de la défense, a été affecté au service local des constructions et armes navales de Dakar (Sénégal) du 10 août 1982 au 31 octobre 1986 ; qu'au titre de cette affectation à l'étranger, il a perçu l'indemnité de résidence prévue par le décret susvisé du 28 mars 1967, rendu applicable aux personnels civils du ministère de la défense par le décret susvisé du 19 avril 1968, instauré par décision du ministre de la défense du 31 janvier 1983, et calculée en fonction de son classement dans le groupe 25 ; qu'à la suite de l'annulation, le 27 avril 1988, de cette dernière par décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux, un arrêté interministériel a, le 25 juillet 1991, opéré un classement dans le groupe 16, plus favorable à M. X... que celui sur le fondement duquel il avait perçu, avant son intervention, une indemnité de résidence ; que l'intéressé a alors demandé au Tribunal administratif de Nantes de lui appliquer ce nouveau classement au titre de la période du 1er janvier 1983 au 31 octobre 1986 ; que, faisant droit à sa demande, le Tribunal a condamné l'Etat à verser à M. X... une somme de 187 272 F, correspondant à ce nouveau classement, majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 mars 1990, et de leur capitalisation au 5 octobre 1994 ; que le ministre de la défense demande l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif de Nantes, alors que M. X... demande, par la voie de l'appel incident, que la somme que l'Etat a été condamné à lui verser soit portée à 213 270 F, que le point de départ des intérêts soit fixé au 22 octobre 1984 ou, à défaut, au 30 mai 1988, et non à compter du 6 mars 1990, et que les intérêts soient capitalisés à différentes dates ;
Sur l'appel du ministre de la défense et l'appel incident de M. X... ;
En ce qui concerne l'existence d'un préjudice :
Considérant qu'en ayant tardé à adopter les mesures d'application du décret susvisé du 28 mars 1967, rendu applicable aux personnels civils du ministère de la défense par un décret du 19 avril 1968, pour permettre de déterminer le montant de l'indemnité de résidence que les ingénieurs techniciens d'études et de fabrications du ministère de la défense étaient en droit de percevoir lorsqu'ils exerçaient leurs fonctions à l'étranger, alors que ces mesures d'application étaient devenues nécessaires, depuis la publication du décret du 7 avril 1976 portant statut particulier de ce corps, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... n'établit pas qu'en sa qualité d'ingénieur technicien d'études et de fabrications, il aurait dû être classé, lors de son séjour à Dakar, dans le groupe 16 accordé par l'arrêté interministériel susvisé du 25 juillet 1991 aux ingénieurs d'études et de fabrications, après constitution de ce corps par le décret susvisé du 18 octobre 1989 ayant revalorisé la carrière des ingénieurs techniciens d'études et de fabrications, dont le statut, issu du décret susvisé du 7 avril 1976, a été abrogé ;

Considérant, cependant, qu'il résulte également de l'instruction qu'eu égard aux fonctions exercées par les ingénieurs techniciens d'études et de fabrications du ministère de la défense, corps de catégorie A de la fonction publique de l'Etat, qui aux termes de l'article 2 du décret du 7 avril 1976 portant statut particulier du corps sont "sous l'autorité directe soit d'officiers, soit d'ingénieurs militaires ou civils, dont ils appliquent les directives, chargés, dans leur spécialité, de préparer, commander et contrôler les travaux d'ateliers ou chantiers d'études, essais et calculs, d'informatique, d'expertise ; ils peuvent être aussi chargés de missions de surveillance en usine. Ils organisent et encadrent le service dont ils ont la charge", le classement dans le groupe 25 qui, en ce qui concerne les arrêtés interministériels déjà intervenus pour le personnel civil du ministère de la défense, établis par référence à l'arrêté du 29 avril 1968 relatif aux personnels militaires et aux agents contractuels relevant du ministère des armées, s'appliquait à des agents de catégorie C, est entaché d'une insuffisance manifeste ; qu'ainsi, la faute commise par l'administration a causé à M. X... un préjudice ;
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice :
Considérant que les conclusions de M. X... tendant à ce que la responsabilité de l'Etat soit engagée pour la période du 1er août 1982 au 31 décembre 1982 sont présentées pour la première fois en appel et, par suite, sont irrecevables ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. X... en l'évaluant, pour la période du 1er janvier 1983 au 31 octobre 1986, à la différence entre, d'une part, l'indemnité de résidence qu'il aurait dû percevoir si le corps avait été classé dans le groupe 18, auquel il pouvait prétendre eu égard à ses fonctions et au classement déjà existant des personnels civils du ministère de la défense, classement d'ailleurs retenu spontanément par le ministre de la défense dans une décision de février 1987, et, d'autre part, les sommes qu'il a effectivement perçues au cours de cette période ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense est seulement fondé, dans cette limite, à demander la réformation du jugement du Tribunal administratif de Nantes du 29 juin 1995 ; que les conclusions d'appel incident présentées par M. X... sur ce point doivent être rejetées ;
En ce qui concerne le point de départ des intérêts :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si M. X... a demandé les 22 octobre 1984, 24 avril 1985 et 30 mai 1988 au ministre de la défense de réexaminer, pour la détermination de l'indemnité de résidence, le classement des ingénieurs techniciens d'études et de fabrications, ces réclamations n'étaient assorties d'aucune demande d'indemnité et ne sauraient, par suite, déterminer le point de départ des intérêts au taux légal qui lui sont dûs ; que l'intéressé n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a retenu la date du 1er juillet 1989 à laquelle il a saisi la juridiction administrative d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices subis concernant l'indemnité de résidence en litige ;
En ce qui concerne les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée, contrairement à ce que soutient le ministre de la défense en ce qui concerne la première de ces dates, les 17 juin 1991, 5 octobre 1994, 31 décembre 1996, 19 février 1998 et 28 février 2000 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Sur les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant, en premier lieu, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à payer une somme de 3 500 F à M. X... au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le Tribunal administratif ait fait une inexacte appréciation des frais exposés par M. X... en première instance ; que, par suite, les conclusions du ministre de la défense, d'une part, de M. X..., d'autre part, tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué doivent être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à M. X... une somme de 6 000 F au titre des frais exposés par celui-ci en appel et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La somme de cent quatre vingt sept mille deux cent soixante douze francs (187 272 F) que l'Etat a été condamné à verser à M. Yves X... par le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 29 juin 1995 est ramenée à la différence entre l'indemnité de résidence que M. Yves X... aurait perçue du 1er janvier 1983 au 31 octobre 1986 si lui avait été appliqué un classement dans le groupe 18 et celle qu'il a effectivement perçue au cours de cette même période.
Article 2 : La somme ainsi déterminée à l'article 1er ci-dessus portera intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 1989. Les intérêts échus les 17 juin 1991, 5 octobre 1994, 31 décembre 1996, 19 février 1998 et 28 février 2000 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 29 juin 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. Yves X... une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de la défense et des conclusions d'appel incident de M. Yves X... sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la défense et à M. Yves X....


Type d'affaire : Administrative

Analyses

ARMEES - PERSONNELS DES ARMEES - PERSONNELS CIVILS DES ARMEES.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - REMUNERATION - INDEMNITES ET AVANTAGES DIVERS.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - CONCLUSIONS RECEVABLES EN APPEL - CONCLUSIONS NOUVELLES.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RETARDS.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - ABSENCE OU EXISTENCE DU PREJUDICE - EXISTENCE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - MODALITES DE LA REPARATION - INTERETS - POINT DE DEPART.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - MODALITES DE LA REPARATION - INTERETS - CAPITALISATION.


Références :

Arrêté du 29 avril 1968
Arrêté du 25 juillet 1991
Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 67-290 du 28 mars 1967
Décret 68-349 du 19 avril 1968
Décret 76-313 du 07 avril 1976 art. 2
Décret 89-750 du 18 octobre 1989


Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. RENOUF
Rapporteur public ?: Mme COËNT-BOCHARD

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Date de la décision : 02/06/2000
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 95NT01313
Numéro NOR : CETATEXT000007534502 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2000-06-02;95nt01313 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award