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30/12/1997 | FRANCE | N°97-395

France | France, Conseil constitutionnel, 30 décembre 1997, 97-395


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 19 décembre 1997, par MM Jean-Louis Debré, François Bayrou, Philippe Séguin, Alain Juppé, Jean Charroppin, Jean-Claude Lemoine, Yves Deniaud, Louis de Broissia, Mme Roselyne Bachelot, MM Jean-Jacques Guillet, Jean de Gaulle, Christian Bergelin, Charles Miossec, Bernard Schreiner, Gilbert Meyer, Christian Cabal, Georges Tron, Jean-Claude Mignon, André Angot, Richard Cazenave, Robert Galley, Jacques Kossowski, Michel Terrot, Serge Poignant, Jacques Godfrain, Philippe Chaulet, Charles Cova, Mme Martine Aurillac, MM Jean Auclair, Patrick Delnatte,

François Baroin, Jean-Claude Etienne, Robert Pandraud,...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 19 décembre 1997, par MM Jean-Louis Debré, François Bayrou, Philippe Séguin, Alain Juppé, Jean Charroppin, Jean-Claude Lemoine, Yves Deniaud, Louis de Broissia, Mme Roselyne Bachelot, MM Jean-Jacques Guillet, Jean de Gaulle, Christian Bergelin, Charles Miossec, Bernard Schreiner, Gilbert Meyer, Christian Cabal, Georges Tron, Jean-Claude Mignon, André Angot, Richard Cazenave, Robert Galley, Jacques Kossowski, Michel Terrot, Serge Poignant, Jacques Godfrain, Philippe Chaulet, Charles Cova, Mme Martine Aurillac, MM Jean Auclair, Patrick Delnatte, François Baroin, Jean-Claude Etienne, Robert Pandraud, Pierre Lasbordes, Jean-Pierre Delalande, Robert Poujade, Jean-Paul Charié, Patrick Ollier, Christian Estrosi, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Giran, Léon Vachet, Jean-Michel Ferrand, Jean-Michel Couve, Mme Michèle Alliot-Marie, MM Philippe Auberger, François Cornut-Gentille, Mme Françoise de Panafieu, MM Philippe Briand, Etienne Pinte, Roland Vuillaume, Jean Ueberschlag, Robert Lamy, Christian Jacob, Henry Chabert, Thierry Lazaro, Patrice Martin-Lalande, Bruno Bourg-Broc, Jean Marsaudon, Jacques Pélissard, Alain Cousin, Jean-Bernard Raimond, Victor Brial, Frantz Taittinger, Lucien Guichon, Eric Doligé, Jean Tiberi, André Schneider, Didier Julia, Patrick Devedjian, Edouard Balladur, Yves Fromion, Bernard Pons, Olivier de Chazeaux, Renaud Muselier, Louis Guédon, Pierre Albertini, Claude Goasguen, Jean-Jacques Weber, Henri Plagnol, Philippe Vasseur, Hervé de Charette, Laurent Dominati, Pierre-André Wiltzer, Jean-Louis Bernard, Jean-Claude Lenoir, Charles Ehrmann, René Couanau, Edouard Landrain, Roger Lestas, Pierre Micaux, Michel Meylan, Maurice Ligot, Dominique Baudis, Pascal Clément, Alain Madelin, Pierre-Christophe Baguet, Mme Christine Boutin, MM Renaud Donnedieu de Vabres, André Santini, Antoine Carré, Loïc Bouvard, Arthur Paecht, José Rossi, Dominique Bussereau, Pierre Méhaignerie, Renaud Dutreil, Jean-Jacques Jégou, Yves Nicolin, Pierre Hériaud, Charles de Courson, Paul Patriarche, François Goulard, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM Dominique Paillé, Gilbert Gantier, François d'Aubert, François Loos, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances pour 1998 ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998 ;
Vu la loi n° 48-1268 du 17 août 1948 modifiée relative au redressement financier, notamment son article 5 ;
Vu la loi n° 49-1034 du 31 juillet 1949 modifiée portant aménagement de la taxe locale additionnelle aux taxes sur le chiffre d'affaires, notamment son article 6, ensemble l'article 29 de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 et l'article 37 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 ;
Vu la loi de finances pour 1993 (n° 93-1376 du 30 décembre 1992) ;
Vu la loi de finances pour 1995 (n° 94-1162 du 29 décembre 1994) ;
Vu la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995) ;
Vu la loi de finances pour 1997 (n° 96-1181 du 30 décembre 1996) ;
Vu la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code rural ;
Vu les observations complémentaires présentées par les auteurs de la saisine, enregistrées le 22 décembre 1997 ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 24 décembre 1997 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 1998 en mettant en cause sa procédure d'adoption, la sincérité de sa présentation et de son équilibre financier et plus particulièrement, en tout ou partie, ses articles 12, 19, 41, 80, 85, 111 et 119 ;
- SUR LA PROCEDURE LEGISLATIVE :
2. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que la loi de finances pour 1998 a été adoptée selon une procédure non conforme aux exigences constitutionnelles, au motif que le délai prévu à l'article 38 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée, relatif au dépôt du projet de loi et des annexes qui doivent l'accompagner, n'aurait pas été respecté ;
3. Considérant qu'en prévoyant que le projet de loi de finances et les documents qui lui sont annexés doivent être mis à la disposition des membres du Parlement au plus tard le premier mardi d'octobre, l'article 38 de l'ordonnance précitée a pour objet d'assurer leur information en temps utile pour leur permettre de se prononcer sur le projet de loi de finances dans les délais prévus à l'article 47 de la Constitution ;
4. Considérant que le projet de loi de finances a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 24 septembre 1997 ; que, si le dépôt officiel des annexes explicatives accompagnant le projet de loi de finances est intervenu le 11 octobre 1997, soit quatre jours après le délai fixé par l'article 38 de l'ordonnance, il est constant que l'ensemble des documents mentionnés au premier alinéa de cet article était à la disposition des parlementaires avant le premier mardi d'octobre ;
5. Considérant que le retard invoqué n'a donc pu avoir pour effet de priver le Parlement de l'information à laquelle il a droit pendant toute la durée du délai dont il dispose pour l'examen de la loi de finances ; que, dès lors, le moyen ne saurait être retenu ;
- SUR LES MOYENS TIRES DU CARACTERE INSINCERE DE LA LOI DE FINANCES :
6. Considérant que les députés requérants font, en premier lieu, valoir que la loi de finances aurait dû tirer les conséquences, conformément à la volonté du constituant, des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, dans la mesure où elles auraient une incidence sur la détermination du revenu imposable, sur le calcul de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, sur le niveau de l'épargne et sur celui des prélèvements obligatoires ; que les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 dont il n'aurait pas été tenu compte comprendraient la substitution de la contribution sociale généralisée aux cotisations d'assurance maladie, l'augmentation des taux de cette contribution sur les produits de l'épargne, la mise sous condition de ressources des allocations familiales et la diminution du montant de certaines prestations familiales ; qu'il résulterait en particulier de ce défaut de prise en compte que le rapport économique et financier, annexé au projet de loi de finances, comporterait des indications chiffrées inexactes en ce qui concerne le montant des prélèvements obligatoires ; que la sincérité de la présentation de la loi de finances s'en trouverait affectée ;
7. Considérant que, s'il n'incombe pas nécessairement à la loi de finances de l'année de prendre en compte des dispositions provenant de textes de loi dont l'adoption n'est pas définitive, il résulte toutefois des termes mêmes des articles L.O. 111-6 et L.O. 111-7 du code de la sécurité sociale, qui ont fixé les dates et délais d'examen de la loi de financement de la sécurité sociale, que le législateur organique a entendu mettre le Parlement en mesure de tenir compte, au cours de l'examen du projet de loi de finances, des incidences économiques et fiscales des mesures figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale ; que les documents annexés au projet de loi de finances, notamment le rapport économique et financier, doivent ainsi permettre aux parlementaires de discuter et de voter la loi de finances en disposant des informations nécessaires à l'exercice du pouvoir législatif ;
8. Considérant, toutefois, qu'en l'espèce, il résulte des documents mis à la disposition du Parlement, comme des travaux parlementaires, que les conséquences de la loi de financement de la sécurité sociale sur le budget de l'État ont été prises en compte soit dans la préparation et la présentation du projet de loi de finances, soit au cours de son examen et dans le texte définitivement adopté ; que, dès lors, le grief doit être écarté ;
9. Considérant que les députés requérants allèguent, en second lieu, que certaines dépenses ne figurent pas dans le budget général, en méconnaissance de l'article 6 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée ; qu'ainsi sont comptabilisées, au sein du compte d'affectation spéciale du produit des privatisations, des dotations en capital destinées à des organismes publics qui n'ont pas vocation à être privatisés, alors qu'elles devraient être inscrites au budget général ; que le rôle du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables a été élargi en méconnaissance de ses missions d'origine ; que des crédits devant abonder certains chapitres budgétaires du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, au titre de fonds de concours, ont en réalité un caractère fiscal et devraient figurer dans le budget général ;
. En ce qui concerne les comptes d'affectation spéciale :
10. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 25 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée : "Les comptes d'affectation spéciale retracent des opérations qui, par suite d'une disposition de loi de finances prise sur l'initiative du Gouvernement, sont financées au moyen de ressources particulières. Une subvention inscrite au budget général de l'État ne peut compléter les ressources d'un compte spécial que si elle est au plus égale à 20 % du total des prévisions de dépenses." ;
11. Considérant, d'une part, que les comptes d'affectation spéciale constituent une procédure d'affectation de certaines recettes à certaines dépenses, conformément aux dispositions des articles 18, 23 et 25 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée et qu'ils n'ont ni pour objet, ni pour effet, de faire échapper des recettes et des dépenses de l'État à l'approbation du Parlement dans le cadre de la loi de finances ;
12. Considérant, d'autre part, que le financement, par le compte d'affectation "produits de cession de titres, parts et droits de sociétés", des dotations et apports à l'ensemble des entreprises publiques et établissements publics est conforme aux prévisions de l'article 71 de la loi de finances pour 1993, modifié par l'article 62 de la loi de finances pour 1997, qui a institué ce compte ; que le financement éventuel, par le compte d'affectation spéciale "fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables", des investissements et gros entretien du réseau routier national et d'une part des dépenses entrant dans le cadre des contrats de plan État-Régions, dans le domaine des transports, ne contrevient pas aux missions assignées à ce fonds par l'article 47 de la loi de finances pour 1995 qui l'a institué ; que les moyens invoqués doivent par suite être rejetés ;
. En ce qui concerne les fonds de concours :
13. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 19 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée : "Les fonds versés par des personnes morales ou physiques pour concourir avec ceux de l'État à des dépenses d'intérêt public, ainsi que les produits de legs et donations attribués à l'État ou à diverses administrations publiques, sont directement portés en recettes au budget. Un crédit supplémentaire de même montant est ouvert par arrêté du ministre des finances au ministre intéressé. L'emploi des fonds doit être conforme à l'intention de la partie versante ou du donateur. Des décrets pris sur le rapport du ministre des finances peuvent assimiler le produit de certaines recettes de caractère non fiscal à des fonds de concours pour dépenses d'intérêt public" ;
14. Considérant que des crédits correspondant au prélèvement institué par le dernier alinéa de l'article 5 de la loi du 17 août 1948 susvisée, relative au redressement financier, ainsi qu'aux prélèvements effectués en application des dispositions de l'article 6 de la loi du 31 juillet 1949 susvisée, portant aménagement de la taxe locale additionnelle aux taxes sur le chiffre d'affaires, ont été depuis lors rattachés au budget des services financiers en application de ces lois ; que le maintien de ce rattachement par voie de fonds de concours, après l'entrée en vigueur de l'ordonnance susvisée du 2 janvier 1959, n'est pas conforme aux dispositions précitées de son article 19, dès lors que les recettes de ces fonds sont en majorité de caractère fiscal ; que le maintien de ce rattachement affecte en outre la prévision de dépenses du budget général ; que, toutefois, les dépenses en cause sont intégralement retracées dans les comptes définitifs de l'exercice soumis au Parlement dans le cadre de la loi de règlement, en application de l'article 35 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ; que, par ailleurs, le Parlement a pu être informé des caractéristiques de ces fonds de concours, tant à travers l'annexe qui en dresse, conformément à l'article 111 de la loi de finances pour 1996, l'état récapitulatif, qu'à l'occasion des travaux de ses commissions des finances ; que, si la procédure de rattachement par voie de fonds de concours, pour ceux de ces crédits qui sont compris dans les recettes du budget général, conduit à affecter l'évaluation du déficit prévisionnel en loi de finances initiale, l'atteinte ainsi portée à la sincérité de la loi de finances ne conduit pas pour autant, en l'espèce, à déclarer la loi déférée contraire à la Constitution ; que les crédits relatifs aux fonds de concours visés par la présente requête seront dûment réintégrés, suivant les prescriptions de l'ordonnance susvisée du 2 janvier 1959, dans le budget général de l'État "dès le projet de loi de finances pour 1999" ; que, dans ces conditions, le grief invoqué ne peut être accueilli ;
- SUR L'ARTICLE 12 :
15. Considérant que cet article abaisse de 90 000 F à 45 000 F le plafond de dépenses retenues pour le calcul de la réduction d'impôt accordée au titre des sommes versées pour l'emploi d'un salarié à domicile ; qu'il le maintient toutefois à 90 000 F pour les contribuables invalides dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne ou ayant à leur charge une telle personne ou un enfant ouvrant droit au complément d'allocation d'éducation spéciale ;
16. Considérant que les requérants soutiennent que cet article est entaché d'une rétroactivité inconstitutionnelle ;
17. Considérant que le principe de non rétroactivité des lois n'a valeur constitutionnelle, en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'en matière répressive ; qu'il est loisible au législateur d'adopter des dispositions fiscales rétroactives dès lors qu'il ne prive pas de garantie légale des exigences constitutionnelles ; que l'article 12 n'édicte pas une sanction ; qu'il modifie un avantage fiscal antérieurement accordé dont aucune règle constitutionnelle n'impose le maintien ; que, dès lors, en tout état de cause, le grief doit être écarté ;
- SUR L'ARTICLE 19 :
18. Considérant que cet article a pour objet de plafonner la restitution de l'avoir fiscal à 500 F pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et à 1 000 F pour les contribuables mariés soumis à imposition commune et prévoit que, "lorsque l'avoir fiscal pris en compte pour le calcul du revenu net global est supérieur au montant de ce revenu, la fraction non restituée de cet avoir fiscal, qui excède le revenu net global, est retranchée du revenu net global de l'année suivant celle de la perception des dividendes" ;
19. Considérant que les requérants soutiennent que cette disposition, qui conduit à imposer des contribuables sur une somme qu'ils n'ont jamais perçue, porte à plusieurs titres une atteinte grave au principe d'égalité devant l'impôt ; qu'elle pénalise ainsi les titulaires des revenus les plus faibles et, à revenu égal, les contribuables chargés de famille et disposant à ce titre de plusieurs parts de quotient familial ; qu'elle ne trouve cependant pas à s'appliquer dans de nombreuses situations, sans que cette différence de traitement soit justifiée ; qu'enfin, la correction prévoyant le report de l'avoir fiscal non restitué sur les revenus des capitaux mobiliers de l'année suivant celle de la perception des dividendes ne pourra profiter qu'aux contribuables subissant des déficits supérieurs au montant des dividendes ;
20. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 158 bis du code général des impôts, dans sa rédaction actuellement en vigueur, que l'avoir fiscal est un élément constitutif du revenu dont disposent les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises ; qu'il est compris dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire ; qu'il prend la forme d'un crédit ouvert sur le Trésor ; qu'il est reçu par l'État en paiement de l'impôt ; qu'il est restitué aux personnes physiques dans la mesure où son montant excède celui de l'impôt dont elles sont redevables ;
21. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, l'État s'acquitte de sa dette, soit en imputant le montant de l'avoir fiscal sur l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire, soit, dans le cas où le montant de cet avoir est supérieur à l'impôt dû, en lui restituant la différence ;
22. Considérant que l'article 19 ne modifie l'article 158 bis du code général des impôts qu'en vue de plafonner le montant de l'avoir fiscal restitué, ainsi qu'il résulte d'ailleurs de l'exposé des motifs de la loi ;
23. Considérant qu'en prévoyant que l'avoir fiscal continuera à être intégralement restitué, sous forme d'une réduction de leur imposition, aux contribuables dont l'impôt sur le revenu est au moins égal au montant de cet avoir fiscal, alors que sa restitution sera désormais plafonnée à 500 F pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et à 1 000 F pour les contribuables mariés soumis à imposition commune, lorsque l'impôt dû par ces contribuables est inférieur au montant de cet avoir fiscal, le législateur a établi une différence de traitement entre les bénéficiaires de l'avoir fiscal qui n'est justifiée par aucune différence de situation en rapport avec l'objet de l'article 158 bis du code général des impôts même ainsi modifié ; que cette différence de traitement demeure injustifiée nonobstant la possibilité de retrancher l'avoir fiscal non restitué du revenu net global de l'année suivant celle de la distribution des dividendes ; que, dès lors, l'article 19 méconnaît le principe d'égalité devant l'impôt et doit être regardé comme contraire à la Constitution ;
24. Considérant que la censure de l'article 19 ne remet pas en cause les données générales de l'équilibre financier, bien que cette disposition figure en première partie de la loi de finances ;
- SUR L'ARTICLE 41 :
25. Considérant que cet article augmente les tarifs de la taxe de sécurité et de sûreté sur les aéroports due par les entreprises de transport aérien au profit du budget annexe de l'aviation civile ;
26. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que l'augmentation de 39,3 % du produit de la taxe de sécurité et de sûreté sur les aéroports, à laquelle procède cet article, contrevient aux dispositions des articles 20 et 21 de l'ordonnance susvisée du 2 janvier 1959, en accroissant la part d'une ressource qui ne correspond pas au paiement d'un prix en contrepartie d'une prestation ; qu'elle porte atteinte à la sincérité du budget annexe de l'aviation civile en méconnaissance des règles d'affectation prévues par l'article 18 de ladite ordonnance ; qu'enfin, le législateur n'a pas été mis en mesure de connaître l'utilisation du produit de cette taxe, en violation de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
27. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 20 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée : "Les opérations financières des services de l'État que la loi n'a pas dotés de la personnalité morale et dont l'activité tend essentiellement à produire des biens ou à rendre des services donnant lieu au paiement de prix peuvent faire l'objet de budgets annexes." ; qu'à ceux du premier alinéa de son article 21 : "Les budgets annexes comprennent, d'une part, les recettes et les dépenses d'exploitation, d'autre part, les dépenses d'investissement et les ressources spéciales affectées à ces dépenses" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour l'essentiel, les recettes des budgets annexes doivent être constituées de rémunérations pour services rendus et que la part des ressources fiscales qui leur sont affectées doit demeurer réduite ; que tel est encore le cas de la taxe de sécurité et de sûreté sur les aéroports ; que, dans ces conditions, le grief doit être écarté ;
28. Considérant, en second lieu, que les règles d'unité et d'universalité s'appliquent aux budgets annexes ; que, si l'institution de la taxe de sécurité et de sûreté sur les aéroports a pour vocation de financer l'accomplissement de missions générales de sécurité et de sûreté, elle n'a pas pour autant donné lieu à une affectation ; que, dès lors, à supposer que le produit de cette taxe soit supérieur aux dépenses de sécurité et de sûreté comprises dans le budget annexe de l'aviation civile, elle constitue une recette de ce budget annexe qui concourt aux conditions de son équilibre général ; que, dans ces conditions, son augmentation n'a pas méconnu les règles fixées par l'article 18 de l'ordonnance susvisée du 2 janvier 1959 ; que le Parlement a pu, comme pour les autres impôts, exercer les compétences qui lui sont reconnues par l'article 34 de la Constitution sans que soient méconnues les exigences tirées de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que, par suite, les autres griefs invoqués doivent être rejetés ;
- SUR L'ARTICLE 80 :
29. Considérant que cet article a pour objet de rendre déductible de l'assiette de l'impôt sur le revenu, dans les limites prévues à l'article 154 quinquies du code général des impôts, la fraction de la contribution sociale généralisée affectée au financement de l'assurance maladie ;
30. Considérant que les députés requérants soutiennent qu'une telle disposition établit une discrimination contraire à l'égalité devant l'impôt entre les revenus d'activité et de remplacement, d'une part, et les revenus et produits du capital, d'autre part ;
31. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qu'affirment les requérants, l'article 80 n'a ni pour objet, ni pour effet de traiter les revenus et produits du patrimoine différemment des autres revenus au regard de la déductibilité de la contribution sociale généralisée ; qu'en effet, ces revenus et produits, dans leur ensemble, bénéficient de cette déductibilité dès lors qu'ils sont soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu ;
32. Considérant, en second lieu, que le principe d'égalité, s'il implique qu'à des situations semblables il soit fait application de règles semblables, n'interdit nullement qu'à des situations différentes soient appliquées des règles différentes ; qu'il appartenait au législateur de prévoir, afin de ne pas remettre en cause le caractère progressif du montant de l'imposition du revenu des personnes physiques, que la déductibilité partielle de la contribution sociale généralisée continuerait à ne bénéficier qu'aux revenus et produits soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu et non à ceux soumis à un taux proportionnel ; que, par suite, le grief doit être écarté ;
- SUR L'ARTICLE 85 :
33. Considérant que cet article a pour objet de renforcer le contrôle et la répression des facturations manquantes, incomplètes ou inexactes pour l'établissement de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, notamment, le IV et le V dudit article instituent des sanctions spécifiques pour les manquements aux règles de facturation, en prévoyant les garanties applicables ;
34. Considérant que les députés requérants soutiennent que cet article méconnaît les principes généraux du droit et notamment le respect des droits de la défense ; qu'il établit des sanctions automatiques et disproportionnées, en méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que le législateur aurait dû préciser que les sanctions administratives prévues par cet article sont exclusives de sanctions pénales et aménager un délai de trente jours entre la notification de la sanction et la mise en recouvrement de l'amende ;
35. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : "Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés" ;
36. Considérant qu'il suit nécessairement de ces dispositions ayant force constitutionnelle que l'exercice des libertés et droits individuels ne saurait en rien excuser la fraude fiscale, ni en entraver la légitime répression ; que, toutefois, il appartient au législateur d'assurer la conciliation de ce principe avec celui qu'énonce l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, aux termes duquel : "La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée" ;
37. Considérant qu'il résulte de ces dernières dispositions, qui s'appliquent à toute sanction ayant le caractère de punition, comme des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qu'une peine ne peut être infligée qu'à la condition que soient respectés le principe de légalité des délits et des peines, le principe de nécessité des peines, le principe de non-rétroactivité de la loi répressive d'incrimination plus sévère ainsi que le principe du respect des droits de la défense ;
38. Considérant, en premier lieu, que le principe constitutionnel des droits de la défense s'impose à l'autorité administrative sans qu'il soit besoin, pour le législateur, d'en rappeler l'existence ; qu'il incombera aux services de l'État, chargés d'appliquer les dispositions du livre des procédures fiscales et du code général des impôts modifiées ou ajoutées par l'article 85 de la loi déférée, de respecter ces droits ;
39. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du nouvel article 1740 ter A, inséré dans le code général des impôts par le IV de l'article 85 de la loi déférée : "Toute omission ou inexactitude constatée dans les factures ou documents en tenant lieu mentionnés aux articles 289 et 290 quinquies donne lieu à l'application d'une amende de 100 F par omission ou inexactitude. Le défaut de présentation de ces mêmes documents entraîne l'application d'une amende de 10 000 F par document non présenté. Ces amendes ne peuvent être mises en recouvrement avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contrevenant la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations. Les amendes sont recouvrées suivant les procédures et sous les garanties prévues pour les taxes sur le chiffre d'affaires. Les réclamations sont instruites et jugées comme pour ces taxes." ; que, nonobstant les garanties de procédure dont il est ainsi assorti, ce nouvel article pourrait, dans nombre de cas, donner lieu à l'application de sanctions manifestement hors de proportion avec la gravité de l'omission ou de l'inexactitude constatée, comme d'ailleurs avec l'avantage qui en a été retiré ; qu'il y a lieu, dès lors, de déclarer contraire à la Constitution le IV de l'article 85 et, par voie de conséquence, les mots "et 1740 ter A" au III du même article ;
40. Considérant, en revanche, qu'en modifiant l'article 1740 ter du code général des impôts afin de sanctionner la délivrance d'une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle d'une amende égale à 50 % du montant de la facture, le législateur n'a pas établi une amende fiscale manifestement disproportionnée au manquement ; qu'il n'a pas méconnu, ce faisant, les exigences de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
41. Considérant que, toutefois, lorsqu'une sanction administrative est susceptible de se cumuler avec une sanction pénale, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ; qu'il appartiendra donc aux autorités administratives et judiciaires compétentes de veiller au respect de cette exigence ; que, sous cette réserve, le V de l'article 85 n'est pas contraire à la Constitution ;
- SUR LES AUTRES ARTICLES DONT L'INCONSTITUTIONNALITE EST ALLEGUEE :
42. Considérant que les requérants soutiennent que les articles 111 et 119 seraient étrangers au domaine des lois de finances, tel que défini par l'article 1er de l'ordonnance susvisée du 2 janvier 1959 ;
. En ce qui concerne l'article 111 :
43. Considérant que cet article prévoit la prorogation pour un an du dispositif de congé de fin d'activité, institué jusqu'au 31 décembre 1997 par la loi du 16 décembre 1996 susvisée ;
44. Considérant que cet article aura une incidence directe et immédiate sur les charges de l'État qui devra assumer, dans les conditions prévues par ce dispositif, le coût du départ des fonctionnaires et agents non titulaires concernés par sa prorogation ; qu'il pouvait, dès lors, figurer dans une loi de finances ;
. En ce qui concerne l'article 119 :
45. Considérant que cet article étend les compétences de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat à la transformation de locaux agricoles en logements, lorsque ces locaux sont situés dans une zone de revitalisation rurale ;
46. Considérant que cette disposition ne concerne pas la détermination des ressources et charges de l'État ; qu'elle n'a pas pour but d'organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ou d'imposer aux agents des services publics des responsabilités pécuniaires ; qu'elle n'a pas davantage le caractère d'une disposition d'ordre fiscal ; qu'enfin, elle n'entraîne ni création ni transformation d'emplois au sens du cinquième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée ; qu'ainsi l'article 119 est étranger à l'objet des lois de finances ; qu'il suit de là que cet article a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 75 :
47. Considérant que cet article élargit les missions du fonds de gestion de l'espace rural en supprimant l'exigence d'une participation des agriculteurs ou de leurs groupements aux projets d'intérêt collectif au financement desquels ce fonds contribue ; que cet aménagement des missions du fonds n'est pas accompagné d'un accroissement des crédits budgétaires correspondants ; que cette disposition ne concerne pas la détermination des ressources et charges de l'État ; qu'elle n'a pas non plus pour but d'organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ou d'imposer aux agents des services publics des responsabilités pécuniaires ; qu'elle n'a pas davantage le caractère d'une disposition d'ordre fiscal ; qu'enfin, elle n'entraîne ni création ni transformation d'emplois au sens du cinquième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée ; qu'ainsi l'article 75 est étranger à l'objet des lois de finances ; qu'il suit de là que cet article a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ;
48. Considérant qu'il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution ;

Décide :
Article premier :
Sont déclarés contraires à la Constitution :
l'article 19 ;
l'article 75 ;
le IV de l'article 85 et, au deuxième alinéa du III, les mots : " et 1740 ter A " ;
l'article 119.
Article 2 :
Le V de l'article 85 est déclaré non contraire à la Constitution sous la réserve indiquée dans la présente décision.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 décembre 1997, où siégeaient : MM Roland DUMAS, président, Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean CABANNES, Maurice FAURE, Yves GUÉNA, Alain LANCELOT, Mme Noëlle LENOIR et M Jacques ROBERT.


Synthèse
Numéro de décision : 97-395
Date de la décision : 30/12/1997
Loi de finances pour 1998
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi de finances pour 1998 :

Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, d'un recours dirigé contre la loi de finances pour 1998, adoptée le 18 décembre 1996.

Les requérants estiment que plusieurs dispositions de ce texte méconnaissent diverses règles constitutionnelles. Ils considèrent en outre que certains articles ne relèvent pas du domaine des lois de finances.

Cette saisine appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I : Sur les critiques adressées à l'ensemble de la loi

A : Les auteurs du recours estiment en premier lieu que la loi de finances a été votée selon une procédure non conforme aux exigences constitutionnelles, le projet de loi de finances et certaines de ses annexes n'ayant été déposés et distribués qu'avec retard.

Cette critique n'est pas fondée.

Aux termes du premier alinéa de l'article 38 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, " le projet de loi de finances de l'année, y compris le rapport et les annexes explicatives prévues à l'article 32, est déposé et distribué au plus tard le premier mardi d'octobre de l'année qui précède l'exécution du budget ".

Cet alinéa doit être interprété à la lumière de l'article 47 de la Constitution et de l'article 39 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, qui fixent les délais d'examen par le Parlement des projets de loi de finances et dont l'objet essentiel est de permettre qu'interviennent en temps utile, et plus spécialement avant le début d'un exercice, les mesures d'ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale, tout en garantissant à chaque assemblée les délais d'examen fixés par l'article 47 de la Constitution (décisions n° 86-209 DC du 3 juillet 1986 et n° 90-285 DC du 28 décembre 1990).

Dans cette perspective, un retard de quelques jours dans la distribution de certaines annexes explicatives n'est pas de nature à vicier la procédure d'adoption de la loi de finances, dès lors que le Parlement a disposé en temps utile de l'information à laquelle il a droit (décision n° 82-154 DC du 29 décembre 1982).

En conformité avec cette jurisprudence, la pratique constante depuis 1959 consiste à mettre en uvre les dispositions constitutionnelles et organiques qui tendent à garantir le vote de la loi de finances avant la fin de l'année précédant son exécution, tout en permettant au Parlement de disposer à la fois de l'information et du temps nécessaires à l'exercice normal de ses prérogatives budgétaires.

La procédure suivie pour le projet de loi de finances pour 1998 n'est, de ce point de vue, en rien différente de celle des années précédentes, étant précisé que le premier mardi d'octobre est, cette année, tombé le 7.

Ainsi, le projet de loi de finances lui-même a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le jour même de son adoption par le conseil des ministres, le 24 septembre, et un certain nombre d'exemplaires d'un tirage provisoire ont été fournis à la Commission de finances simultanément. Le projet de loi de finances a été mis en distribution générale le 6 octobre, comme en atteste le feuilleton n° 15 de l'Assemblée nationale.

Le rapport économique et financier a été également mis en distribution le 6 octobre. Quant aux fascicules par ministère (" bleus "), ils ont, comme chaque année, été transmis et distribués au fur et à mesure de leur impression par l'Imprimerie nationale, à partir du 25 septembre. Les derniers de ces fascicules ont été mis en distribution le 6 octobre.

Cependant, le dépôt officiel de ces annexes n'a, par accord avec les services de l'Assemblée et comme il est d'usage, été effectué que le 11 octobre, point de départ des délais fixés par l'article 39 de l'ordonnance du 2 janvier 1959. L'Assemblée nationale a ainsi pu disposer de quarante jours pour la première lecture et le Sénat de vingt jours, et l'examen du projet de loi de finances par le Parlement a pu s'achever le 18 décembre, dernier jour des travaux du Parlement avant l'interruption de la fin d'année, dans le respect du délai global de soixante-dix jours.

Au total, cette chronologie montre :

: qu'en pratique, tous les documents mentionnés au premier alinéa de l'article 38 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ont été mis en distribution avant le 7 octobre, et donc au moins une semaine avant le début des débats en séance publique à l'Assemblée nationale ;

: que le dépôt officiel des annexes n'a été décalé que de quelques jours, de façon à permettre à l'Assemblée nationale et au Sénat de disposer du maximum de temps dans le respect des délais prescrits par la Constitution et la loi organique.

B : Les saisissants font valoir qu'en raison d'un défaut de coordination entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, certains documents annexés au projet de loi de finances, en particulier le rapport économique et financier, seraient manifestement insincères.

Ce moyen ne saurait être accueilli.

1. En premier lieu, si la Constitution et les textes organiques pris pour son application fixent les conditions de préparation et de présentation du projet de loi de finances, d'une part, et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'autre part, et de leurs annexes, aucune disposition ne précise les modalités selon lesquelles la coordination de ces deux textes doit être assurée, en termes de contenu et de calendrier.

De manière générale, le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de rappeler que ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre d'une loi de finances des griefs tirés de la non-prise en compte d'éléments figurant dans un texte de loi dont l'adoption n'est pas définitive ou dans une loi de finances antérieure (décision n° 94-351 DC du 29 décembre 1994).

Cela étant, on notera qu'en pratique l'Assemblée nationale, saisie de l'ensemble des documents relatifs au projet de loi de finances avant le 7 octobre, a pu disposer de l'ensemble des documents relatifs au projet de loi de financement de la sécurité sociale le 15 octobre, de sorte que toute l'information nécessaire à un examen coordonné des deux textes était disponible à cette date, c'est-à-dire en tout début de première lecture du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale.

2. En second lieu, et contrairement à ce qui est soutenu, le Gouvernement a veillé à articuler les deux projets dans toute la mesure du possible, tant au stade de la préparation que lors de la présentation au Parlement.

Ainsi, les hypothèses économiques sous-jacentes aux deux projets, dont il est rendu compte dans le rapport économique et financier, sont les mêmes, qu'il s'agisse des prévisions d'inflation, de salaire moyen, ou d'emploi. Le " bouclage " macro-économique des deux projets et leur effet global sur les comptes publics est cohérent, notamment en ce qui concerne le montant et la répartition entre recettes et dépenses des mesures de redressement et leurs conséquences économiques (impact sur le revenu disponible, sur la consommation, etc).

Le rapport économique et financier (REF) mentionne la nature des mesures de redressement incluses dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (tome II, p 75) : basculement des cotisations maladie sur la CSG, extension de l'assiette des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, mise sous condition de ressources des allocations familiales et recalibrage de l'AGED. Ces mesures ont été quantifiées pour permettre au Gouvernement de faire connaître au Parlement, dès la présentation du projet de loi de finances, la prévision de déficit des administrations sociales qui découle du projet de loi de financement de la sécurité sociale (REF, tome II, p 76).

L'information donnée aux parlementaires sur le niveau des prélèvements obligatoires s'est donc appuyée sur une évaluation des mesures prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale (cf p 77 du REF, tome II).

Dès lors, les requérants ne peuvent invoquer une insincérité manifeste des annexes explicatives.

En tout état de cause, il convient de rappeler que ces informations ont un caractère prévisionnel (rapport entre le montant prévisionnel des impôts, taxes et cotisations sociales et le montant prévisionnel du PIB) dont la nature est différente des chiffres figurant dans la loi de finances elle-même. Le taux de prélèvements obligatoires constitue un agrégat indispensable pour apprécier la politique économique du Gouvernement, mais son niveau n'interfère pas directement avec la sincérité des recettes, des dépenses et du solde de la loi de finances. Ainsi le rapport économique et financier, par exemple, indique-t-il bien que la prévision du déficit des administrations publiques et des prélèvements obligatoires s'appuie sur des informations partielles en matière d'administrations publiques locales.

La cohérence a également été assurée dans les données chiffrées communes aux deux séries de documents : dotations de l'Etat (charges sociales de l'Etat employeur, subventions aux régimes sociaux, compensations démographiques entre régimes faisant intervenir l'Etat) et taxes affectées à la sécurité sociale.

Enfin, la coordination des deux projets de loi a été organisée pendant les débats.

SAISINE DEPUTES :

Les députés soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 1998, définitivement adoptée par l'Assemblée nationale, le 19 décembre 1997.

Les députés soussignés demandent au Conseil constitutionnel de décider que la loi précédemment citée n'est pas conforme à la Constitution pour les motifs développés ci-dessous.

I : Sur l'ensemble de la loi

1. La loi de finances pour 1998 a été votée selon une procédure non conforme aux exigences constitutionnelles. En effet, l'article 38 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances prévoit que " le projet de loi de finances de l'année, y compris le rapport et les annexes explicatives prévus à l'article 32, est déposé et distribué au plus tard le premier mardi d'octobre de l'année qui précède l'année d'exécution du budget ".

Or ce délai n'a pas été respecté pour le projet de loi de finances proprement dit. Il ne l'a pas non plus été pour certaines annexes explicatives prévues à l'article 32 de l'ordonnance susvisée qui ont été distribuées avec retard.

2. La réforme constitutionnelle de 1996 (loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996) et la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 font obligation au Gouvernement de présenter au Parlement au mois d'octobre, un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui doit être examiné pendant l'examen du projet de loi de finances et dont le contenu doit non seulement être coordonné, mais plus encore, compatible avec celui du projet de loi de finances.

La Cour des comptes l'a d'ailleurs souligné dans son dernier rapport sur la sécurité sociale (septembre 1997) : " Le calendrier de préparation de la loi de financement est lui-même un peu décalé par rapport à celui du projet de loi de finances (). Néanmoins, les calendriers sont suffisamment proches pour que les deux projets puissent être établis sur les mêmes hypothèses économiques et comporter les mêmes évaluations pour toutes les données communes ".

Or cette procédure n'a manifestement pas été suivie en l'espèce.

Les données annexées à la présentation du projet de loi de finances indiquent explicitement que ni l'opération de transfert des cotisations d'assurance maladie sur la CSG, ni l'augmentation de la CSG sur l'épargne, ni la diminution des prestations familiales n'ont été prises en compte pour la préparation de la loi de finances pour 1998, alors même que ces éléments ont une incidence importante sur le revenu disponible, sur le revenu imposable et l'impôt sur le revenu, sur le niveau de l'épargne et celui des prélèvements obligatoires.

Il résulte de cette absence de coordination des deux projets de loi que certains documents annexés à la loi de finances pour 1998 et prévus explicitement à l'article 32 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 sont manifestement insincères. C'est notamment le cas du rapport économique et financier qui constitue la première annexe citée à l'article 32 de l'ordonnance précitée et qui présente un caractère essentiel, tant en ce qui concerne les résultats connus, que les perspectives d'avenir.

Dans ce rapport, il est fait état de chiffres des prélèvements obligatoires manifestement inexacts. Ceux-ci entachent donc profondément l'analyse que l'on peut porter sur l'évolution des prélèvements obligatoires depuis l'entrée en fonction du nouveau Gouvernement et rendent impossible toute analyse économique fiable des effets de la loi de finances pour 1998, dans la mesure où ils représentent un élément capital de la politique budgétaire.

A l'évidence, le Gouvernement a procédé ainsi, dans un but délibéré de masquer l'augmentation globale des prélèvements obligatoires et la diminution des prestations sociales. Mais, ce faisant, il a manifestement violé la volonté du constituant qui a souhaité, tant par la forme des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, que par l'imbrication des calendriers d'examen, assurer une parfaite coordination de ces deux lois.

3. Il apparaît également que certaines opérations (débudgétisations) altèrent l'équilibre du budget et sont par conséquent de nature à modifier sensiblement le jugement que l'on peut porter sur les conditions de réalisation de l'équilibre de la loi de finances pour 1998.

Par exemple, certaines dépenses ne figurent pas dans le budget, contrairement aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance précitée :

: la comptabilisation sur le compte d'affectation spéciale du produit des privatisations, de dotations en capital à des organismes publics, établissements ou entreprises publiques qui n'ont pas vocation à être privatisés. Ces dépenses devraient figurer dans le budget de l'Etat stricto sensu en tant que dépenses budgétaires et non comme affectation du produit des privatisations (dotations à Réseau ferré de France, à GIAT Industrie, à Charbonnages de France) ;

: le développement du Fonds interministériel pour les transports terrestres et les voies navigables (FITTVN) qui se voit désormais confier le gros entretien du réseau routier national et le financement d'une part des contrats Etat-Région, ce qui ne correspond plus à sa mission d'origine.

En outre, la sur-représentation des fonds de concours dénoncée par le rapport parlementaire n° 305 de M Henry Chabert (économie, finances et industrie : services financiers, monnaies et médailles) altère la sincérité de la loi de finances pour 1998. La plus grande partie de ces fonds de concours recourent indûment à cette procédure puisqu'il s'agit en fait de produits fiscaux. Ainsi, les crédits de l'article 5 et de l'article 6 présentent un caractère fiscal évident et devraient donc figurer dans le budget de l'Etat. D'ailleurs, la loi de finances pour 1996 imposait, dans son article 110, la réintégration au sein du budget général de tous ces fonds à compter de 1997, ce qui n'a pas été fait.

II. : Concernant les articles 12, 19, 80, 85, 41, 119

et 111 de la loi de finances pour 1998

Les articles précités de la loi de finances pour 1998 soulèvent de nombreux problèmes juridiques :

: l'article 12 qui réduit de moitié la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile et dont le caractère rétroactif est évident, s'agissant d'une disposition fiscale incitative ;

: l'article 9 qui prévoit de plafonner la restitution de l'avoir fiscal aux personnes physiques à 500 F pour un célibataire, veuf ou divorcé et 1 000 F pour un couple soumis à imposition commune et porte une atteinte grave au principe d'égalité devant l'impôt ;

: l'article 80 qui prévoit la déductibilité partielle de la CSG des bases de l'impôt sur le revenu et établit une discrimination contraire à l'égalité devant l'impôt entre les revenus et produits du patrimoine ;

: l'article 85 relatif au droit d'enquête qui méconnaît les principes généraux du droit, et notamment le respect des droits de la défense ;

: l'article 41 qui prévoit une augmentation de la taxe de sécurité et de sûreté et porte ainsi atteinte à la sincérité du budget annexe de l'aviation civile, en méconnaissant le principe d'affectation de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 précitée ;

: l'article 119 qui prévoit une extension des compétences de l'Agence nationale de l'amélioration de l'habitat. Cet article étant manifestement un cavalier budgétaire, il n'a pas sa place dans une loi de finances ;

: l'article 111, prorogeant pour un an le dispositif du congé de fin d'activité, institué jusqu'au 31 décembre 1997 par la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996. Cette disposition étant manifestement un cavalier budgétaire, elle n'a pas sa place dans une loi de finances.

Pour ces motifs et d'autres que les soussignés se réservent d'invoquer et de développer, la loi de finances pour 1998 doit être déclarée non conforme à la Constitution.

Les députés soussignés attacheraient le plus grand intérêt à recevoir les remarques du secrétaire général du Gouvernement et souhaiteraient pouvoir y répondre utilement.

SAISINE COMPLEMENTAIRE DEPUTES :

I : Sur le plafonnement de la restitution

de l'avoir fiscal aux personnes physiques

L'article 19 de la loi de finances pour 1998 a pour objet de limiter le remboursement par le Trésor de l'avoir fiscal aux personnes physiques domiciliées en France à 500 F pour un contribuable célibataire, veuf ou divorcé et 1 000 F pour un couple soumis à imposition commune.

L'avoir fiscal, institué pour éviter une nouvelle imposition entre les mains de l'actionnaire des bénéfices distribués par une société française, représente l'impôt sur les sociétés déjà payé par la société distributrice et vaut crédit d'impôt sur le Trésor qui s'impute sur le revenu dû par l'actionnaire.

Egal à la moitié des sommes effectivement versées par la société, il ne peut être utilisé que s'il est compris dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire. Ce revenu brut, dont la partie correspondant à l'avoir fiscal est " virtuelle ", est taxé selon la tranche marginale d'impôt sur le revenu du contribuable. L'avoir fiscal est ensuite retranché de l'impôt brut.

Il s'agit bien d'éviter un phénomène de double imposition, pour preuve le fait que la société distributrice devra payer le précompte mobilier si les sommes objet de la distribution n'ont pas subi l'impôt sur les sociétés au taux plein ou si elles l'ont subi il y a plus de cinq ans. Les dispositions de l'article déféré conduiraient dans certains cas à faire payer le précompte sur des bénéfices de plus de cinq ans, afin de gager l'avoir fiscal, et à ne pas rembourser l'avoir fiscal au contribuable, le Trésor serait alors doublement gagnant.

Le dispositif aménagé par l'article 19 méconnaît le principe d'égalité devant l'impôt à plusieurs titres.

En premier lieu, le plafonnement du remboursement de l'avoir fiscal pénalise les titulaires des revenus les plus faibles. En effet, seuls les contribuables payant suffisamment d'impôt sur le revenu pour imputer l'avoir fiscal continueront à se faire restituer la totalité de l'avoir fiscal. Les autres, bien que la société ait acquitté l'impôt sur les bénéfices distribués, ne récupéreront que 500 F, ou 1 000 F pour un couple. Ce sont donc les contribuables modestes qui subissent de plein fouet la mesure.

En deuxième lieu, alors qu'ils n'ont pas les mêmes charges de famille, deux contribuables ayant des revenus de même montant seront traités différemment au regard de ce dispositif. Le contribuable sans charges de famille, dont la cotisation d'impôt est plus forte, conservera le bénéfice du paiement de tout son avoir fiscal et celui chargé de famille, dont la cotisation est plus faible, sera privé d'une partie du crédit ouvert sur le Trésor.

En troisième lieu, le dispositif de l'article 19 laisse intacte dans plusieurs cas la restitution de l'avoir fiscal aux personnes redevables d'un impôt insuffisant pour en obtenir l'imputation intégrale : lorsqu'il s'agit de personnes physiques domiciliées à l'étranger ; lorsqu'il s'agit d'institutions de retraite ; lorsqu'il s'agit de dividendes attachés aux actions détenues dans un plan d'épargne en actions, au travers d'un plan d'épargne d'entreprise ou acquis au moyen des sommes provenant de la participation des salariés : ainsi que dans de nombreuses autres situations.

En quatrième lieu, la correction prévoyant que lorsque l'avoir fiscal pris en compte pour le calcul du revenu global, la fraction non restituée est retranchée des revenus des capitaux mobiliers de l'année suivant celle de la perception des dividendes, ne peut jouer que pour les contribuables subissant des déficits supérieurs au montant des dividendes, non pour les autres : ceux-là ne peuvent imputer sur les revenus ultérieurs l'avoir fiscal non remboursé.

Plus généralement, le dispositif de l'article 19 conduit à imposer les contribuables visés sur une somme, l'avoir fiscal non remboursé, qu'ils n'ont pas perçue.

Pour toutes ces raisons, l'article 19 méconnaît le principe d'égalité devant l'impôt, au respect duquel le Conseil constitutionnel a rappelé le législateur fiscal à plusieurs reprises.

Certes, peuvent être traitées de manière différente des personnes qui sont dans des situations différentes, ou être aménagées des différences de traitement dans un but d'intérêt général, mais c'est à la condition que, dans l'un et l'autre cas, ces différences aient un rapport direct avec l'objet de la loi (en ce sens notamment CC 96-380 DC 23 juillet 1996, Rec. 107, considérant 8).

Mais, d'une part, doivent être retenus des critères objectifs et rationnels en fonction des buts que se propose le législateur (CC 96-385 DC 30 décembre 1996, Rec. 145, considérant 4) ; d'autre part, même si des différences peuvent être admises, le principe d'égalité en toute hypothèse ne peut donner lieu à une rupture caractérisée (CC 85-200 DC 16 janvier 1986, Rec. 9, considérant 17).

En l'espèce, aucun critère objectif et rationnel ne justifie les différences de traitement résultant de l'article 19 ; celui-ci procède à une rupture caractérisée du principe de l'égalité de tous devant les charges publiques.

Il doit donc être déclaré contraire à la Constitution.

II. : La déductibilité de la CSG des bases

de l'impôt sur le revenu

L'article 80, dans le prolongement de l'extension de la CSG et de l'augmentation de son taux, prévoit sa déductibilité, pour l'établissement de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, qui pour certains des revenus sur lesquels elle porte, non sur les autres.

Pour l'essentiel, la déductibilité est admise par le législateur pour les salaires et revenus d'activité, les retraites et certains revenus de remplacement (indemnités de chômage) ; elle ne l'est pas pour les revenus et produits du capital (dividendes, revenus fonciers, intérêts, plus-values immobilières).

Pour établir cette différence de traitement, le législateur a sans doute cru pouvoir s'inspirer de l'origine de l'augmentation du taux de CSG qui pèse sur les salariés et autres personnes assimilées : cette augmentation vient en remplacement des cotisations de sécurité sociale auxquelles ils étaient assujettis précédemment. Ces cotisations étaient déductibles. Corrélativement le législateur a voulu également rendre déductible la partie de la CSG qui les remplace. En revanche, les revenus et produits du capital n'étant pas soumis précédemment à des cotisations de sécurité sociale venant en déduction du revenu imposable, le législateur a cru pouvoir décider que l'augmentation de CSG qui les frappe n'avait pas à être rendue déductible.

Ce faisant, le législateur a oublié le principe même de la réforme des cotisations sociales et de leur remplacement par la CSG ; le système comporte par lui-même fiscalisation du financement de la sécurité sociale.

Le financement n'est plus assuré par des cotisations sociales mais par l'impôt. Cela se traduit par l'extension de la CSG à des revenus autres que ceux du travail et, pour des revenus du travail, par la substitution de la CSG aux cotisations sociales. Tous les titulaires de revenus contribuent désormais au financement de la sécurité par l'impôt : c'est donc en tant qu'impôt que doit être déterminé le régime de la CSG.

Le Conseil constitutionnel a expressément considéré, dans sa décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990 (Rec. 95, considérant 8 et suivants) que, sous l'intitulé " Institution d'une contribution sociale généralisée ", la loi crée une contribution sociale sur les revenus d'activité et sur les revenus de remplacement, une contribution sociale sur les revenus du patrimoine et une contribution sociale sur les produits de placement : que ces contributions nouvelles entrent dans la catégorie des " impositions de toutes natures " visées à l'article 34 de la Constitution, dont il appartient au législateur de " fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement ".

Le Conseil constitutionnel a certes considéré aussi " que les contributions concernant respectivement les revenus d'activité et les revenus de remplacement, les revenus du patrimoine et les produits de placement constituent des impositions distinctes ; que, pour l'application du principe d'égalité devant l'impôt, la situation des personnes redevables s'apprécie au regard de chaque imposition prise isolément ; que, dans chaque cas, le législateur doit, pour se conformer au principe d'égalité, fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels " et " en outre, que dans la mesure où les contributions ont pour finalité commune la mise en oeuvre du principe de solidarité nationale, la détermination des redevables des différentes contributions ne saurait aboutir à une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques entre tous les citoyens ".

Il a admis que, pour les salariés, l'assiette de la CSG soit constituée par le montant brut, moyennant une déduction forfaitaire de 5 % représentative des frais professionnels, et, pour les autres revenus, par leur montant net, en " considérant que les choix ainsi effectués par le législateur pour la détermination de l'assiette des catégories de revenus ne créent pas de disparité manifeste ".

Depuis cette décision, la fiscalisation du financement de la sécurité sociale s'est développée, notamment avec l'institution de la cotisation de solidarité (v CC 91-302 DC du 30 décembre 1991, Rec. 137) et du remboursement de la dette sociale (v CC 95-370 DC du 30 décembre 1995, Rec. 269).

Les nouvelles dispositions accroissant le montant de la CSG vont dans le même sens : c'est par l'impôt et non plus par des cotisations sociales que le financement de la sécurité sociale se trouve désormais principalement assuré.

C'est donc selon le régime de l'impôt que cette contribution doit être établie.

A cet égard, il n'y a plus lieu de tenir compte des particularités relatives aux cotisations sociales versées précédemment par les assujettis : précisément, en adoptant un nouveau système de financement, le législateur a voulu introduire une rupture avec le système précédent. Le nouveau régime doit être aménagé selon les principes qui lui sont propres, non pas en considération de solutions antérieures.

En tenant compte de ces solutions antérieures, le législateur se contredit lui-même dans son propre dispositif.

Cette contradiction logique s'accompagne d'une contradiction par rapport au principe d'égalité dès lors qu'elle aboutit à traiter différemment des situations qui, au regard du dispositif nouveau, sont identiques.

Désormais, tous les revenus sont assujettis à la CSG et à l'augmentation voulue par la loi de finances pour 1998.

Pour le régime de la CSG et particulièrement de cette augmentation, tous les revenus doivent être traités de la même manière.

Si le législateur veut que la CSG soit déductible des revenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, il doit admettre cette déductibilité quelle que soit l'origine de ces revenus.

En 1990, le Conseil constitutionnel n'a admis le système d'assiette différenciée de la CSG, distinguant entre les revenus d'activité et les autres, que parce que tous étaient déterminés selon un système tenant compte des frais professionnels (forfaitaires pour les uns, réels pour les autres) : la différence d'origine pouvait justifier un système différent de détermination des frais professionnels déductibles des revenus imposables, elle n'aurait pas justifié que certains des revenus en cause ne bénéficient pas d'une déductibilité pour frais professionnels.

Le même raisonnement se retrouve en 1997 pour la déductibilité de la CSG des revenus imposés à l'impôt sur le revenu. A l'égard de la CSG, tous les revenus imposés sont dans la même situation : la différence d'origine des revenus soumis à la CSG est sans rapport avec l'impôt sur le revenu car, pour tous les revenus soumis à la CSG, le résultat (à savoir l'obligation de payer cet impôt) est le même. En conséquence, le montant de la CSG doit être déductible des revenus soumis à l'impôt sur le revenu, quelle que soit l'origine de ces revenus.

Le législateur a donc violé le principe d'égalité devant l'impôt en faisant bénéficier seulement les salaires et revenus d'activité, les retraites et certains revenus de remplacement de la déductibilité de la CSG à laquelle ils sont soumis, et non les revenus et produits du capital.

A ce titre, l'article 80 doit être déclaré contraire à la Constitution.

III. : Le droit d'enquête relatif au contrôle

des opérations intracommunautaires au regard de la TVA

L'article 85 modifie le cadre juridique du droit d'enquête relatif au contrôle des opérations intracommunautaires au regard de la TVA. Lorsque ce droit d'enquête spécifique a été institué en juillet 1992, plusieurs précautions avaient été prises par le législateur pour garantir les droits du contribuable, notamment les droits de la défense.

Les modifications apportées par le Sénat au projet de loi déposé par le Gouvernement corrigeaient les graves imperfections du texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale malgré les améliorations issues des travaux de la commission des finances.

Le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale a d'ailleurs insisté au cours des débats parlementaires sur les dangers du texte du Gouvernement qui risquait de conduire à l'arbitraire et ne respectait pas les principes généraux du droit.

Le Gouvernement s'est opposé aux modifications demandées par le Parlement au motif que la lutte contre la fraude fiscale exigeait des moyens renforcés.

Le texte définitif méconnaît donc, contre l'avis partagé par les deux chambres, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, notamment celui des droits de la défense, ainsi que d'autres principes constitutionnels, pourtant souvent rappelés au législateur fiscal par le Conseil constitutionnel.

Il faut d'abord rappeler que toute enquête doit être entourée de garanties, comme l'a souligné le Conseil constitutionnel notamment dans ses décisions n° 83-164 DC du 29 décembre 1983 (Rec. 67) et n° 84-184 DC du 29 décembre 1984 (Rec. 94). Si " l'exercice des libertés et droits individuels ne saurait en rien excuser la fraude fiscale ni en entraver la légitime répression " et " si les nécessités de l'action fiscale peuvent exiger que des agents du fisc soient autorisés à opérer des investigations dans les lieux privés, de telles investigations ne peuvent être conduites que dans le respect de l'article 66 de la Constitution qui confie à l'autorité judiciaire la sauvegarde de la liberté individuelle sur tous ses aspects ".

Il est nécessaire de préciser le domaine ouvert aux investigations en question, de faire vérifier par le juge le bien-fondé de ces investigations et de lui permettre d'en contrôler le déroulement. De manière générale, il faut des garanties " suffisantes pour assurer le respect des droits et des libertés de valeur constitutionnelle ".

Les " visites d'entreprise " doivent elles-mêmes être entourées de ces garanties (CC 90-281 DC 27 décembre 1990, Rec. 91 ; 90-286 DC 28 décembre 1990, Rec. 107).

Il y a au moins lieu de rappeler ces exigences à propos du droit d'enquête auquel se rapporte l'article contesté : une visite inopinée, sans avertissement préalable, sans intervention du juge judiciaire, ne peut être admise.

Au-delà des garanties procédurales dont l'insuffisance fait apparaître une violation de la Constitution, l'article 85 est critiquable au fond, en ce qui concerne les sanctions attachées à deux comportements :

: d'une part, selon l'article 1740 ter A nouveau du CGI, " toute omission ou inexactitude constatée dans les factures ou documents en tenant lieu mentionnés aux articles 289 et 290 quinquies donne lieu à l'application d'une amende de 100 F par omission ou inexactitude. Le défaut de présentation de ces mêmes documents entraîne l'application d'une amende de 10 000 F par document non présenté. "

: d'autre part, selon l'article 1740 ter alinéa 2 nouveau du CGI, " les personnes qui délivrent une facture ne correspondant pas à une livraison ou une prestation de services réelles sont redevables d'une amende fiscale égale à 50 % du montant de la facture ".

Ces dispositions sont contraires à la Constitution au moins à deux titres : elles établissent une sanction automatique : elles en fixent le montant à un niveau disproportionné.

Sur le caractère automatique d'une sanction, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de se prononcer ; il l'a dénoncé.

La décision n° 88-284 DC du 17 janvier 1989 (Rec. 18), parmi les motifs qui ont conduit à admettre l'attribution d'un pouvoir de sanction au Conseil supérieur de l'audiovisuel, retient notamment celui " qu'aucune sanction ne revêt un caractère automatique ".

" qu'aucune sanction ne revêt un caractère automatique ".

Il en va de même dans la décision 97-389 DC du 22 avril 1997 (Journal officiel, p 6271) : " les sanctions administratives prévues par la présente loi ne revêtent pas un caractère automatique ".

A contrario, des sanctions revêtant un caractère automatique sont contraires aux principes constitutionnels applicables à toute sanction ayant le caractère d'une punition.

Or tel est le cas en l'espèce. Les termes employés dans les dispositions ci-dessus reproduites ne laissent aucune marge d'appréciation à l'autorité administrative. En particulier les verbes sont au temps indicatif, valant ici impératif (" donne lieu à l'application d'une amende de 100 F " ; " entraîne l'application d'une amende de 10 000 F " ; " sont redevables d'une amende fiscale égale à 50 % du montant de la dépense ").

Ce caractère automatique de la sanction méconnaît les droits de la défense, dont le respect est fondamental en matière de sanction, qu'elle soit non juridictionnelle ou juridictionnelle, fiscale ou administrative.

A ce titre, les dispositions ci-dessus reproduites sont contraires à la Constitution.

Elles le sont aussi par leur caractère disproportionné, auquel leur caractère automatique donne d'ailleurs une particulière évidence : il y a d'autant plus disproportion qu'il y a automaticité.

Dans sa décision 87-237 DC du 30 décembre 1987 (Rec. 63), le Conseil constitutionnel a considéré expressément que " l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose notamment que "la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires" ; que le principe ainsi énoncé ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s'étend à toute sanction ayant le caractère d'une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire ". Il a jugé qu'en l'espèce l'amende fiscale pour divulgation du montant du revenu d'une personne, égale au montant des revenus divulgués, était " une sanction qui pourrait, dans nombre de cas, revêtir un caractère manifestement disproportionné ".

De la même manière, au moins l'amende de 10 000 F par document non présenté et l'amende égale à 50 % du montant de la facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de services revêtent un caractère manifestement disproportionné par rapport à l'infraction commise, celle-ci fût-elle dûment établie.

A ce titre encore, les dispositions contestées doivent être déclarées contraires à la Constitution.

Plus généralement elles sont contraires à la Constitution en ce qu'elles instituent des sanctions administratives de nature pécuniaire sans préciser qu'elles ne peuvent se cumuler avec une sanction pénale. Dans sa décision 96-378 DC du 23 juillet 1996 (Rec. 99), le Conseil constitutionnel a expressément considéré (considérant 15) " qu'en particulier une sanction administrative de nature pécuniaire ne peut se cumuler avec une sanction pénale ".

Or l'arsenal répressif dont dispose le fisc à l'encontre des contribuables peut le conduire à faire condamner par le juge pénal un contribuable ayant manqué aux obligations sanctionnées par les amendes prévues par le nouveau texte.

En n'écartant pas expressément cette éventualité, celui-ci a encore violé un principe constitutionnel.

C'est un motif supplémentaire de la déclarer contraire à la Constitution.

Il s'en ajoute un autre propre à l'article 1740 ter A Alors que l'article 1740 ter aménage un délai de trente jours entre la notification du document faisant connaître la sanction et la mise en recouvrement de l'amende, l'article 1740 ter A ne prévoit pas un même dispositif. Il méconnaît ainsi l'exigence du respect des droits de la défense, rappelée notamment par le Conseil constitutionnel dans sa décision 89-268 DC du 29 décembre 1989 (Rec. 110), lorsqu'il a censuré (considérant 86 à 90) l'amende sanctionnant l'obligation de se conformer à certains modes de règlement, qui pouvait être recouvrée sans que les droits de la défense aient préalablement été observés.

Ainsi, par tous ses aspects, l'article 85 est contraire à la Constitution.

IV. : Sur l'augmentation de la taxe de sécurité et de sûreté

L'article 41 de la loi de finances pour 1998 prévoit une augmentation de 39,3 % du produit de la taxe de sécurité et de sûreté. Cette augmentation a pour conséquence de porter atteinte à la sincérité du budget annexe de l'aviation civile en méconnaissant le principe d'affectation de l'article 18 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

En outre, ni les documents budgétaires ni la discussion du projet de loi de finances dans les deux assemblées du Parlement n'ont permis au législateur de connaître l'utilisation du produit de la taxe de sécurité et de sûreté, en violation de l'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

L'article 18 de l'ordonnance n° 59-2 précitée constitue une exception à la règle de non-affectation des recettes, en prévoyant, en ses deuxième et troisième alinéas, que " certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations spéciales prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux du Trésor ou de procédures comptables particulières au sein du budget général ou d'un budget annexe.

" L'affectation à un compte spécial est de droit pour les opérations de prêts et d'avances. L'affectation par procédure particulière au sein du budget général ou d'un budget annexe est décidée par voie réglementaire dans les conditions prévues à l'article 19. Dans tous les autres cas, l'affectation est exceptionnelle et ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances, d'initiative gouvernementale. Aucune affectation n'est possible si les dépenses résultent d'un droit permanent reconnu par la loi. "

L'article 20 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 précitée dispose, pour sa part, que " les opérations financières de services de l'Etat que la loi n'a pas dotés de la personnalité morale et dont l'activité tend essentiellement à produire des biens ou à rendre des services donnant lieu au paiement de prix peuvent faire l'objet de budgets annexes ". L'article 21 de l'ordonnance précise en son premier alinéa que " les budgets annexes comprennent, d'une part, les recettes et les dépenses d'exploitation, d'autre part, les dépenses d'investissement et les ressources spéciales affectées à ces dépenses ".

Le budget annexe répond donc au principe d'affectation et constitue une dérogation à la règle de l'unité et de l'universalité budgétaire.

Pour le budget annexe de l'aviation civile, les recettes comprennent la redevance de route, la redevance pour services terminaux et les recettes tirées d'autres prestations de services, soit un ensemble de ressources donnant lieu au paiement d'un prix en contrepartie d'une prestation, conformément aux articles 20 et 21 de l'ordonnance n° 59-2 précitée.

En instituant à l'article 302 bis K du code général des impôts une taxe de sécurité et de sûreté au projet du budget annexe de l'aviation civile, le législateur a inclus dans les recettes de ce budget annexe une ressource qui ne correspond pas au paiement d'un prix en contrepartie d'une prestation. Dans son avis du 17 juillet 1990, le Conseil d'Etat avait admis cette disposition en y émettant une condition :

" Si, en revanche, les missions de la direction générale, en ce qui concerne la sûreté des passagers dans les aéroports, ne peuvent être regardées comme tendant à rendre des services donnant lieu au paiement d'un prix, dès lors qu'en ce domaine, le législateur a créé la taxe définie à l'article 302 bis K du code général des impôts, ces activités ne représentent, du point de vue tant des moyens en personnel que des charges financières, qu'une part très faible de l'ensemble de l'activité de la direction générale de l'aviation civile qui serait reprise dans le budget annexe : il s'ensuit que, même en tenant compte de cette part des missions de la direction générale, les conditions définies à l'article 20 resteraient remplies ; par suite, il est loisible au législateur de créer un budget annexe pour les opérations financières de la direction de l'aviation civile correspondant à l'ensemble des missions ci-dessus rappelées et de décider que les recettes correspondant au produit de la taxe de sûreté sur les aéroports seront affectées à ce budget. "

La taxe de sécurité et de sûreté finance des actions de nature régalienne et n'a pas vocation, au regard de l'ordonnance n° 59-2 précitée, à être inscrite en recette au budget annexe de l'aviation civile. Elle ne correspond pas à une recette prévue par l'article 21, alinéa premier, de l'ordonnance n° 59-2 précitée. Cette situation a été néanmoins admise tant que la taxe apportait un produit résiduel dans l'ensemble des ressources. Mais tel n'est plus le cas, ainsi que l'a constaté la Cour des comptes dans son rapport public de 1994 :

" A plusieurs reprises, l'attention du Gouvernement a été attirée sur la dérive du budget annexe de l'aviation civile. Ces avertissements répétés ont concerné les recettes et les dépenses.

" La place prise dans le budget annexe de l'aviation civile par des dépenses d'intérêt général amène d'abord à se demander si leur rattachement au budget annexe de l'aviation civile n'est pas injustifié.

" Plus grave, elle a pour conséquence de remettre en cause l'existence du budget annexe de l'aviation civile dès lors que nombre des opérations financières qu'il retrace ne sont pas au nombre de celles qui peuvent figurer dans un budget annexe. "

La forte majoration de la taxe de sécurité et de sûreté par l'article 41 du projet de loi de finances pour 1998 pose la question de l'affectation de la part de cette taxe non allouée aux seules dépenses de sécurité. Soit cette part est affectée à d'autres tâches régaliennes : et nous nous retrouvons en présence d'opérations non prévues au sein d'un budget annexe : soit elle est affectée à des opérations relevant de biens ou de services, en méconnaissance de l'article 20 de l'ordonnance précitée, ce qui relève d'une pratique dénoncée à plusieurs reprises par les rapporteurs spéciaux du Parlement et la Cour des comptes.

L'augmentation de 39,5 % de la taxe de sécurité et de sûreté conduit à penser que son produit est affecté à d'autres tâches que des tâches de nature régalienne, mais le Parlement n'est pas en mesure de les connaître. Les documents budgétaires distribués avec la loi de finances ne contiennent aucune information sur cette question.

Le rapporteur spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale avait indiqué dans son rapport (n° 305, annexe n° 29, p 17) qu'il attendrait les explications du Gouvernement. Il a interrogé M le ministre chargé des transports en séance publique (première séance du 24 octobre 1997, Journal officiel, Débats, Assemblée nationale, p 4613 et 4614) et n'a reçu qu'une réponse de principe (première séance du 24 octobre 1997, Journal officiel, Débats, Assemblée nationale, p 4636) alors qu'il attendait le détail, poste par poste, de la part du produit de la taxe de sécurité et de sûreté non affecté en 1998 aux missions de sécurité.

Or, l'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 prévoit que " Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ". Il s'avère qu'à aucun moment de la procédure budgétaire le Gouvernement n'a indiqué au Parlement l'emploi qu'il comptait faire du produit de la taxe de sécurité et de sûreté. Or la nécessité pour le Parlement d'être informé en temps utile a été rappelée à maintes reprises par le Conseil constitutionnel (94-351 DC du 29 décembre 1994, Rec. 140). En conséquence, l'augmentation de cette taxe n'apparaît pas justifiée. Ainsi, pour les motifs exposés ci-dessus, l'article 41 de la loi de finances pour 1998 et, par conséquent, le budget annexe de l'aviation civile, dont la présentation n'est plus sincère, doivent être déclarés contraires à la Constitution.

V : Sur l'extension des compétences de l'Agence nationale de l'amélioration de l'habitat et la prorogation du congé de fin d'activité

L'article 119 procède à une extension des compétences de l'Agence nationale de l'amélioration de l'habitat.

Quant à l'article 111, il proroge pour un an le dispositif de congé de fin d'activité institué par la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996, jusqu'au 31 décembre 1997.

Dans une jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel a censuré les cavaliers budgétaires (CC 76-73 DC du 28 décembre 1976, Rec. 41 : Conventions de coopération avec les établissements d'enseignement supérieur privés ; CC 85-201 DC du 28 décembre 1985, Rec 85 et 85-203 DC du 28 décembre 1985, Rec 87 : Intégration du personnel enseignant dans le corps des instituteurs ; ).

En l'espèce, les deux dispositions précitées sont à l'évidence des cavaliers budgétaires et doivent donc être déclarées contraires à la Constitution.


Références :

DC du 30 décembre 1997 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 30 décembre 1997 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi de finances pour 1998 (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°97-395 DC du 30 décembre 1997
Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1997:97.395.DC
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