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14/06/2000 | FRANCE | N°98NT02195

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 14 juin 2000, 98NT02195


Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés au greffe de la Cour les 28 août 1998 et 19 mai 1999, présentés pour la coopérative des agriculteurs de la Mayenne dont le siège est ... (Mayenne), représentée par ses dirigeants légaux et la coopérative laitière Maine Anjou dont le siège est ... (Sarthe), représentée par ses dirigeants légaux, par Me X..., avocat au barreau de Nantes ;
La coopérative des agriculteurs de la Mayenne et la coopérative laitière Maine Anjou demandent à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-51, 94-52, 94-53, 94-985, 94-1107

et 94-1108 du 20 mai 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a ...

Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés au greffe de la Cour les 28 août 1998 et 19 mai 1999, présentés pour la coopérative des agriculteurs de la Mayenne dont le siège est ... (Mayenne), représentée par ses dirigeants légaux et la coopérative laitière Maine Anjou dont le siège est ... (Sarthe), représentée par ses dirigeants légaux, par Me X..., avocat au barreau de Nantes ;
La coopérative des agriculteurs de la Mayenne et la coopérative laitière Maine Anjou demandent à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-51, 94-52, 94-53, 94-985, 94-1107 et 94-1108 du 20 mai 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des états exécutoires du 8 décembre 1993 par lesquels le directeur de l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT) a réclamé à la coopérative des agriculteurs de la Mayenne respectivement le paiement des sommes de 14 634 813, 51 F au titre du prélèvement supplémentaire respectivement pour la campagne laitière 1990/1991, de 9 105 355, 50 F pour la campagne 1988/1989, et de 9 332 127, 11 F pour la campagne 1989/1990 ;
2 ) d'annuler les décisions susmentionnées ;
3 ) de prononcer le sursis à exécution du jugement attaqué ;
4 ) à titre subsidiaire de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle ;
5 ) de condamner l'ONILAIT à lui verser une somme de 150 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le règlement n 804/68 du Conseil des communautés européennes du 27 juin 1968 modifié ;
Vu le règlement n 857/84 du Conseil des communautés européennes du 31 mars 1984 ;
Vu le règlement n 1546/88 de la Commission des communautés européennes du 3 juin 1988 ;
Vu la loi n 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n 83-247 du 18 mars 1983 ;
Vu le décret n 85-367 du 26 mars 1985 ;
Vu le décret n 90-85 du 23 janvier 1990 ;
Vu le décret n 91-157 du 11 février 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mai 2000 :
- le rapport de Mme STEFANSKI, premier conseiller,

- les observations de Me CAVAILLE, avocat de la coopérative des agriculteurs de la Mayenne et de la coopérative laitière Maine Anjou,
- les observations de Me CARRERE, substituant Me ANCEL, avocat de l'ONILAIT,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 15 du décret du 18 mars 1983 portant création d'un Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers, le directeur "est ordonnateur des recettes et des dépenses de l'Office ainsi que de celles prévues par les règlements des communautés européennes" ; qu'ainsi, le directeur de l'ONILAIT avait qualité pour signer les états exécutoires du 8 décembre 1993 contestés, par lesquels il a demandé à la coopérative des agriculteurs de la Mayenne de verser, au titre des campagnes 1988/1989, 1989/1990 et 1990/1991 le prélèvement supplémentaire pour dépassement de sa quantité de référence laitière prévu par l'article 5 quater du règlement n 804/68 du Conseil des communautés européennes en date du 27 juin 1968 modifié ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent ..." ; que le prélèvement supplémentaire susmentionné est dû par tout acheteur ou producteur sur les quantités de lait livrées qui dépassent sa quantité annuelle de référence ; que si l'ordre de recettes et l'état exécutoire contestés ont été établis par l'ONILAIT à la suite d'un contrôle qui a révélé que la coopérative des agriculteurs de la Mayenne n'avait pas déclaré l'intégralité des quantités de lait que les producteurs lui avaient livrées, ils n'ont pour objet que le recouvrement du prélèvement supplémentaire éludé par la coopérative et non l'application des sanctions prévues par le décret n 90-85 du 23 janvier 1990 qui ont d'ailleurs fait l'objet d'autres décisions de l'ONILAIT ; qu'eu égard à l'obligation faite à l'ONILAIT, en application de la réglementation communautaire ainsi que du décret du n 91-157 du 11 février 1991, de procéder au recouvrement du prélèvement supplémentaire dû par les acheteurs, les décisions par lesquelles cet établissement met ce prélèvement à la charge des acheteurs, ne peuvent être regardées comme des décisions administratives individuelles défavorables qui doivent être motivées en vertu de l'article 1er précité de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant que tout ordre de recettes ou état exécutoire doit indiquer les bases de liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il a été émis, à moins que ces bases n'aient été préalablement portées à la connaissance du débiteur ; que si la coopérative des agriculteurs de la Mayenne soutient que le taux du prélèvement supplémentaire ne figure pas dans l'état exécutoire du 16 juin 1994, il résulte de l'instruction que par des lettres du 13 mai 1993 et du 29 juillet 1993 l'ONILAIT lui a communiqué les résultats du contrôle sur place effectué en novembre 1992, et l'a informée notamment du total des collectes de lait non déclarées et du montant du prélèvement dû ; que, dès lors, elle a été mise à même, ainsi qu'elle l'a d'ailleurs fait, d'avoir connaissance et de discuter de l'ensemble des bases de liquidation du prélèvement ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la coopérative des agriculteurs de la Mayenne a été mise à même de contester l'ensemble des éléments du redressement opéré ; que par une lettre du 13 mai 1993, l'ONILAIT lui a communiqué les conclusions résultant du contrôle sur place régulièrement effectué en novembre 1992 par des agents de l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA) sur la base du décret n 85-367 du 26 mars 1985 et de l'article 19 du décret susvisé du 11 février 1991, et lui a laissé un délai de réponse de quinze jours ; qu'elle a pu présenter ses observations, dont il a été tenu compte pour diminuer le redressement, tout au long de la procédure ; qu'ainsi, en tout état de cause, la coopérative des agriculteurs de la Mayenne n'est pas fondée à se prévaloir de ce que le principe du contradictoire ou les droits de la défense auraient été méconnus ; qu'aucun texte de droit communautaire ou de droit interne, ni aucun principe général du droit n'exigeait qu'elle soit informée qu'elle pouvait se faire assister d'un avocat ; que les requérantes ne sont pas fondées à invoquer la méconnaissance des stipulations des articles 6-1, 6-2 et 6-3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'énoncent aucune règle ou aucun principe dont le champ d'application s'étendrait au delà des procédures contentieuses suivies devant les juridictions, à l'égard de l'ONILAIT qui n'est pas une juridiction au sens de ces stipulations ;
Considérant que, contrairement à ce que soutiennent la coopérative des agriculteurs de la Mayenne et la coopérative laitière Maine Anjou, aucun principe général du droit communautaire ou du droit interne n'imposaient à l'ONILAIT de délai pour procéder au recouvrement du prélèvement litigieux ; que la coopérative des agriculteurs de la Mayenne a été informée du montant des dépassements par rapport à sa quantité de référence ; qu'en vertu de l'article 5 du décret susvisé du 11 février 1991, elle était tenue de conserver une comptabilité-matière indiquant notamment les quantités de lait collectées auprès de chaque producteur ; qu'ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'était pas en mesure de répercuter le prélèvement sur les producteurs de lait ; qu'en tout état de cause, les règlements communautaires et la réglementation française, qui exigent des acheteurs de lait qu'ils conservent les documents relatifs aux livraisons effectuées par les producteurs, la mettent en mesure de procéder aux répercussions du prélèvement supplémentaire sur les producteurs qui ont dépassé leurs quantités de référence ;

Considérant que si l'article 5 quater du règlement n 804/68 du Conseil des communautés européennes dans sa rédaction issue du règlement susmentionné n 856/84 prévoit que, dans le cadre de la formule B dont la France a choisi de faire application, le prélèvement supplémentaire est dû par les acheteurs de lait et que "l'acheteur redevable du prélèvement répercute ce dernier sur les seuls producteurs qui ont augmenté leurs livraisons, proportionnellement à leur contribution au dépassement de la quantité de référence de l'acheteur", ces dispositions n'ont pas pour effet d'imposer aux Etats membres l'instauration d'une procédure de répercussion du prélèvement sous contrôle de l'autorité publique, mais prévoient au contraire qu'il appartient aux acheteurs de procéder à cette répercussion sur les producteurs ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la réglementation française méconnaîtrait le règlement n 856/84 ne peut être accueilli ;
Considérant que le choix par la France de la formule B résulte des dispositions de l'article 5 quater du règlement n 804/68 du Conseil des communautés européennes dans sa rédaction issue du règlement n 856/84 du 31 mars 1984 dont la réglementation française s'est bornée sur ce point à faire application ; que, par suite, les moyens tirés de ce que cette réglementation méconnaîtrait les principes d'égalité et de proportionnalité sont en tout état de cause inopérants ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : "1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ... équitablement ... par un tribunal qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle" ;
Considérant que lorsque le juge administratif est, comme en l'espèce, saisi de conclusions dirigées contre un état exécutoire ou un ordre de recettes, il lui appartient, après avoir contrôlé les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, de décider, selon le résultat de ce contrôle, de maintenir ou de réduire le montant de la somme demandée à l'intéressé et éventuellement de l'en décharger ; qu'en revanche, les dispositions relatives au prélèvement supplémentaire ne l'habilitent pas davantage que l'administration elle-même à en moduler le taux ; que le respect des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'implique pas non plus que le juge module le montant du prélèvement ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable ne peut être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la coopérative des agriculteurs de la Mayenne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'ONILAIT qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la coopérative des agriculteurs de la Mayenne et à la coopérative laitière Maine Anjou la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions de condamner la coopérative des agriculteurs de la Mayenne et la coopérative laitière Maine Anjou à payer à l'ONILAIT une somme de 6 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la coopérative des agriculteurs de la Mayenne et de la coopérative laitière Maine Anjou est rejetée.
Article 2 : La coopérative des agriculteurs de la Mayenne et la coopérative laitière Maine Anjou verseront à l'ONILAIT une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la coopérative des agriculteurs de la Mayenne, à la coopérative laitière Maine Anjou, à l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 98NT02195
Date de la décision : 14/06/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

AGRICULTURE - CHASSE ET PECHE - PRODUITS AGRICOLES - ELEVAGE ET PRODUITS DE L'ELEVAGE - PRODUITS LAITIERS.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT A UN PROCES EQUITABLE (ART - 6) - CHAMP D'APPLICATION.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 83-247 du 18 mars 1983 art. 15
Décret 85-367 du 26 mars 1985
Décret 90-85 du 23 janvier 1990
Décret 91-157 du 11 février 1991 art. 19, art. 5
Instruction du 13 mai 1993
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. LALAUZE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2000-06-14;98nt02195 ?
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