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29/12/1999 | FRANCE | N°99-424

France | France, Conseil constitutionnel, 29 décembre 1999, 99-424


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 1999, par MM. Jean-Louis DEBRÉ, Philippe DOUSTE-BLAZY, José ROSSI, Jean-Claude ABRIOUX, Bernard ACCOYER, Mme Michèle ALLIOT-MARIE, MM. René ANDRÉ, André ANGOT, Philippe AUBERGER, Jean AUCLAIR, Gautier AUDINOT, Mmes Martine AURILLAC, Roselyne BACHELOT-NARQUIN, MM. Jean BARDET, François BAROIN, Christian BERGELIN, André BERTHOL, Léon BERTRAND, Jean-Yves BESSELAT, Jean BESSON, Franck BOROTRA, Bruno BOURG-BROC, Philipe BRIAND, Christian CABAL, Gilles CARREZ, Mme Nicole CATALA, MM. Richard CAZENAVE, Jean-Paul CHARIÉ, Jean-Marc CHAV

ANNE, François CORNUT-GENTILLE, Alain COUSIN, Jean-Michel CO...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 1999, par MM. Jean-Louis DEBRÉ, Philippe DOUSTE-BLAZY, José ROSSI, Jean-Claude ABRIOUX, Bernard ACCOYER, Mme Michèle ALLIOT-MARIE, MM. René ANDRÉ, André ANGOT, Philippe AUBERGER, Jean AUCLAIR, Gautier AUDINOT, Mmes Martine AURILLAC, Roselyne BACHELOT-NARQUIN, MM. Jean BARDET, François BAROIN, Christian BERGELIN, André BERTHOL, Léon BERTRAND, Jean-Yves BESSELAT, Jean BESSON, Franck BOROTRA, Bruno BOURG-BROC, Philipe BRIAND, Christian CABAL, Gilles CARREZ, Mme Nicole CATALA, MM. Richard CAZENAVE, Jean-Paul CHARIÉ, Jean-Marc CHAVANNE, François CORNUT-GENTILLE, Alain COUSIN, Jean-Michel COUVE, Charles COVA, Henri CUQ, Lucien DEGAUCHY, Arthur DEHAINE, Jean-Pierre DELALANDE, Patrick DELNATTE, Jean-Marie DEMANGE, Xavier DENIAU, Yves DENIAUD, Patrick DEVEDJIAN, Eric DOLIGÉ, Guy DRUT, Jean-Michel DUBERNARD, Jean-Pierre DUPONT, Christian ESTROSI, Jean-Claude ÉTIENNE, Jean FALALA, Jean-Michel FERRAND, François FILLON, Roland FRANCISCI, Yves FROMION, Robert GALLEY, Henri de GASTINES, Hervé GAYMARD, Jean-Pierre GIRAN, Michel GIRAUD, Jacques GODFRAIN, Louis GUÉDON, Jean-Claude GUIBAL, Lucien GUICHON, Gérard HAMEL, Michel HUNAULT, Michel INSHAUSPÉ, Christian JACOB, Didier JULIA, Alain JUPPÉ, Jacques KOSSOWSKI, Robert LAMY, Pierre LASBORDES, Thierry LAZARO, Pierre LELLOUCHE, Jean-Claude LEMOINE, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Philippe MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Jacques MASDEU-ARUS, Mme Jacqueline MATHIEU-OBADIA, MM. Gilbert MEYER, Charles MIOSSEC, Pierre MORANGE, Renaud MUSELIER, Jacques MYARD, Jean-Marc NUDANT, Patrick OLLIER, Robert PANDRAUD, Jacques PELISSARD, Etienne PINTE, Bernard PONS, Robert POUJADE, Didier QUENTIN, Jean-Bernard RAIMOND, André SCHNEIDER, Bernard SCHREINER, Frantz TAITTINGER, Jean TIBÉRI, Georges TRON, Anicet TURINAY, Jean UEBERSCHLAG, Léon VACHET, François VANNSON, Roland VUILLAUME, M. Jean-Luc WARSMANN, Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, MM. Jean-Pierre ABELIN, Pierre-Christophe BAGUET, Jacques BARROT, Dominique BAUDIS, Jean-Louis BERNARD, Claude BIRRAUX, Emile BLESSIG, Mme Christine BOUTIN, MM. Loïc BOUVARD, Jean BRIANE, Dominique CAILLAUD, Hervé de CHARETTE, René COUANAU, Charles de COURSON, Yves COUSSAIN, Léonce DEPREZ, Renaud DONNEDIEU de VABRES, Jean-Pierre FOUCHER, Germain GENGENWIN, Hubert GRIMAULT, Pierre HÉRIAUD, Patrick HERR, Mmes Anne-Marie IDRAC, Bernadette ISAAC-SIBILLE, MM. Henry JEAN-BAPTISTE, Jean-Jacques JÉGOU, Christian KERT, Edouard LANDRAIN, Jacques LE NAY, François LÉOTARD, Maurice LEROY, Roger LESTAS, Maurice LIGOT, Christian MARTIN, Pierre MÉHAIGNERIE, Pierre MICAUX, Hervé MORIN, Jean-Marie MORISSET, Dominique PAILLE, Henri PLAGNOL, Jean-Luc PRÉEL, Marc REYMANN, François ROCHEBLOINE, Rudy SALLES, André SANTINI, Michel VOISIN, Jean-Jacques WEBER, Pierre-André WILTZER, Mme Nicole AMELINE, M. François d'AUBERT, Mme Sylvia BASSOT, MM. Roland BLUM, Dominique BUSSEREAU, Pierre CARDO, Antoine CARRÉ, Pascal CLÉMENT, Georges COLOMBIER, Bernard DEFLESSELLES, Francis DELATTRE, Franck DHERSIN, Laurent DOMINATI, Dominique DORD, Charles EHRMANN, Nicolas FORISSIER, Gilbert GANTIER, Claude GATIGNOL, Claude GOASGUEN, François GOULARD, Pierre HELLIER, Michel HERBILLON, Philippe HOUILLON, Aimé KERGUÉRIS, Marc LAFFINEUR, Jean-Claude LENOIR, Pierre LEQUILLER, Alain MADELIN, Jean-François MATTEI, Michel MEYLAN, Alain MOYNE-BRESSAND, Yves NICOLIN, Paul PATRIARCHE, Bernard PERRUT, Jean PRORIOL, Jean RIGAUD, Joël SARLOT, Jean-Pierre SOISSON, Guy TEISSIER et Gérard VOISIN, députés, d'une part, et par MM. Henri de RAINCOURT, Jean ARTHUIS, Louis ALTHAPE, Denis BADRE, Jean BERNARD, Roger BESSE, Jean BIZET, Maurice BLIN, Paul BLANC, Christian BONNET, James BORDAS, Jean BOYER, Gérard BRAUN, Jean-Claude CARLE, Auguste CAZALET, Gérard CESAR, Jean CLOUET, Charles-Henri de COSSE BRISSAC, Jean-Patrick COURTOIS, Jean DELANEAU, Jacques DELONG, Robert DEL PICCHIA, Fernand DEMILLY, Gérard DERIOT, Jacques DOMINATI, Ambroise DUPONT, Jean-Léonce DUPONT, Daniel ECKENSPIELLER, Jean-Paul EMIN, Hubert FALCO, Pierre FAUCHON, André FERRAND, Hilaire FLANDRE, Jean-Pierre FOURCADE, Bernard FOURNIER, Serge FRANCHIS, Philippe FRANÇOIS, Yves FREVILLE, Yann GAILLARD, René GARREC, Patrice GELARD, Francis GIRAUD, Paul GIROD, Francis GRIGNON, Louis GRILLOT, Hubert HAENEL, Mme Anne HEINIS, MM. Daniel HOEFFEL, Jean-Paul HUGOT, Jean-François HUMBERT, Roger HUSSON, Jean-Jacques HYEST, Alain JOYANDET, Pierre LAFFITTE, Alain LAMBERT, René-Georges LAURIN, Jean-Louis LORRAIN, Roland du LUART, Klébert MALECOT, André MAMAN, Philippe MARINI, René MARQUES, Serge MATHIEU, Philippe NOGRIX, Joseph OSTERMANN, Jacques OUDIN, Jacques PEYRAT, Michel PELCHAT, Jean PEPIN, Guy POIRIEUX, Ladislas PONIATOWSKI, Jean PUECH, Jean-Marie RAUSCH, Charles REVET, Henri REVOL, Louis-Ferdinand de ROCCA SERRA, Raymond SOUCARET, Michel SOUPLET, Louis SOUVET, René TREGOUET, François TRUCY, André VALLET, Xavier de VILLEPIN, Serge VINCON, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances pour 2000, d'autre part

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code pénal ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 99-422 DC du 21 décembre 1999 ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 24 décembre 1999 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 2000 en dénonçant son absence de sincérité, et en mettant en cause plus particulièrement, en tout ou en partie, ses articles 22, 59, 67, 94 et 96 ; que les sénateurs requérants critiquent pour leur part ses articles 3, 20, 21, 57, 67, 69, 91, 96, 103, 106 et 107 ;

- SUR LA SINCÉRITÉ DE LA LOI DE FINANCES :

2. Considérant qu'il est soutenu que la loi déférée manquerait, à quatre titres, au principe de sincérité budgétaire ;

3. Considérant, en premier lieu, que les auteurs des deux saisines contestent l'évaluation des recettes fiscales de l'Etat pour 2000, qui ne tiendrait pas compte " de la tendance très dynamique des encaissements en 1999, ainsi que du niveau effectif de la croissance économique en 1999 " ; qu'ils invoquent à cet égard la révision de l'évaluation du produit de l'impôt sur les sociétés pour l'année en cours, opérée à l'initiative du Gouvernement lors de la discussion de la loi de finances rectificative pour 1999 ;

4. Considérant, en l'espèce, qu'il ne ressort pas des éléments fournis au Conseil constitutionnel que les évaluations de recettes pour 2000 prises en compte à l'article d'équilibre soient, eu égard à l'amplitude de la sous-estimation alléguée rapportée aux masses budgétaires, entachées d'une erreur manifeste ; que, compte tenu des règles de perception de l'impôt sur les sociétés, le rehaussement inscrit dans la loi de finances rectificative pour 1999 n'impliquait pas nécessairement un ajustement de l'évaluation pour 2000 du produit de cet impôt figurant dans l'état A annexé à l'article 67 de la loi déférée ; que, si, au cours de l'exercice 2000, les recouvrements de recettes constatés dépassaient sensiblement les prévisions, il appartiendrait au Gouvernement de soumettre aux assemblées, comme il s'y est au demeurant engagé, un projet de loi de finances rectificative ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que les députés auteurs de la première saisine dénoncent " des mécanismes de sous-évaluation " du nombre d'emplois publics ; qu'ils invoquent en particulier l'existence d'agents " payés sur crédits " aux ministères de l'éducation nationale, de l'intérieur et de la justice, non comptabilisés dans les emplois de ces ministères ; qu'ils font valoir que " l'absence d'intégration de ces emplois publics dans la loi de finances pour 2000 " serait contraire aux dispositions de l'ordonnance susvisée du 2 janvier 1959 et que " toute dépense de l'Etat à caractère permanent doit nécessairement figurer dans une loi de finances " ; qu'ils allèguent enfin, s'agissant des " emplois-jeunes ", que " le caractère temporaire de ces contrats ne doit pas justifier l'absence de prise en compte de ces agents de droit public dans le budget de l'Etat " ;

6. Considérant que l'article premier de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée dispose, en son cinquième alinéa, que " Les créations et transformations d'emplois ne peuvent résulter que de dispositions prévues par une loi de finances... " ; que l'article 32 de la même ordonnance prévoit que le projet de loi de finances de l'année est accompagné d'annexes explicatives faisant connaître notamment " par chapitre, le coût des services votés (...) et les mesures nouvelles qui justifient les modifications proposées au montant antérieur des services votés, et notamment les crédits afférents aux créations, suppressions et transformations d'emplois " ; qu'aux termes des deuxième et quatrième alinéas de son article 43, les décrets de répartition des crédits de la loi de finances de l'année " ne peuvent apporter aux chapitres ou comptes, par rapport aux dotations correspondantes de l'année précédente, que les modifications proposées par le Gouvernement dans les annexes explicatives, compte tenu des votes du Parlement. (...) Les créations, suppressions et transformations d'emplois résultent des modifications de crédits correspondantes dûment explicitées par les annexes. " ;

7. Considérant que, si ces dispositions n'impliquent pas nécessairement de faire figurer dans la loi de finances un tableau d'ensemble des emplois budgétaires de l'Etat, elles exigent en revanche que le Parlement, lorsqu'il se prononce sur les crédits des différents ministères, soit informé avec précision des effectifs d'agents titulaires et non-titulaires employés par l'Etat à titre permanent, ainsi que des dotations afférentes à leur rémunération ; que le pouvoir réglementaire, en matière de création, suppression et transformation de ces emplois, est lié par les informations figurant dans les annexes explicatives, compte tenu des votes du Parlement sur les crédits correspondants ;

8. Considérant, en l'espèce, que les annexes explicatives accompagnant le projet de loi de finances faisaient apparaître les crédits nécessaires à la rémunération des maîtres d'internat, surveillants d'externat et maîtres auxiliaires, adjoints de sécurité et agents de justice, ainsi que leurs effectifs et le nombre des postes créés, transformés et supprimés ; que l'existence de recrutements en surnombre ne ressort pas de la loi déférée ; que les dispositions précitées de l'ordonnance susvisée du 2 janvier 1959 n'imposent pas que soit inscrite dans la loi de finances une comptabilisation des effectifs d'autres personnes morales que l'Etat, lorsque celui-ci participe en tout ou partie à la rémunération des intéressés, dès lors que cette charge est prise en compte dans la loi de finances ; qu'ainsi doivent être écartés les moyens tirés du défaut de sincérité dans la présentation des emplois ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'il serait porté atteinte à la sincérité de la loi de finances, selon les députés requérants, du fait des transferts de recettes fiscales au bénéfice de la sécurité sociale, qui correspondraient " à une débudgétisation massive des ressources fiscales ", en contradiction avec les principes d'unité et d'universalité de la loi de finances ;

10. Considérant, ainsi qu'il ressort de la décision du 21 décembre 1999 susvisée du Conseil constitutionnel sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, que les mesures critiquées n'encourent pas le reproche formulé par les requérants ;

11. Considérant que les députés requérants font en outre grief à la loi déférée de ne pas retracer deux impositions : la contribution sur les heures supplémentaires et la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, affectées par la loi de financement de la sécurité sociale précitée au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale ;

12. Considérant que ces contributions, dont la première est prévue par une loi actuellement déférée au Conseil constitutionnel, sont affectées à un établissement public ; que les dépenses de ce dernier n'incombent pas par nature à l'Etat ; que lesdites contributions n'ont donc pas nécessairement à figurer dans la loi de finances, ainsi qu'il ressort du premier alinéa de l'article premier de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée, lequel prévoit que les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources de l'Etat ; qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 31 de ladite ordonnance, il appartient seulement au législateur, dans le cadre de la première partie de la loi de finances, de procéder à l'autorisation générale de perception des impôts affectés aux collectivités et aux établissements publics ; que, dès lors, nonobstant les inconvénients inhérents à toute débudgétisation du point de vue du contrôle des finances publiques, les principes d'unité et d'universalité budgétaires n'ont pas été méconnus ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que, selon les sénateurs auteurs de la seconde saisine, le principe de sincérité budgétaire ne serait pas respecté par l'article 69 qui autorise les crédits relatifs aux mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services civils ; qu'ils allèguent à cet effet que n'auraient pas été inscrites les dotations nécessaires pour faire face à deux dépenses annoncées par le Gouvernement et portant, l'une sur la pérennisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, l'autre sur le versement par l'Etat d'une subvention à la Caisse nationale des allocations familiales au titre de ses dépenses relatives au fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles ;

14. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article premier de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée : " Lorsque des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n'ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance. " ;

15. Considérant que ces dispositions n'imposent pas de prévoir dans la loi de finances initiale les conséquences budgétaires de décisions à venir dont, comme en l'espèce, le coût, la date et les modalités de mise en oeuvre restent à déterminer ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que doivent être rejetés les moyens tirés du caractère insincère de la loi déférée ;

- SUR L'ARTICLE 3 :

17. Considérant que cet article a pour objet, en insérant un article 80 duodecies dans le code général des impôts, de conférer un fondement législatif propre à l'imposition, au titre de l'impôt sur le revenu, des indemnités versées aux salariés à l'occasion de la rupture du contrat de travail, ainsi qu'aux mandataires sociaux et dirigeants d'entreprise à l'occasion de la cessation de leurs fonctions ;

18. Considérant que, s'agissant des salariés, l'article 3 prévoit une exonération partielle ; que la fraction exonérée ne peut être inférieure au montant prévu par l'accord collectif ou par la loi, ni à la moitié des indemnités de licenciement, ni au double de la rémunération annuelle brute perçue au cours de la deuxième année civile précédant le licenciement ; qu'elle ne peut cependant excéder un montant égal à la moitié de la première tranche de l'impôt de solidarité sur la fortune ;

19. Considérant que l'article 3 rend applicable le même plafond d'exonération aux indemnités perçues par les mandataires sociaux et dirigeants d'entreprise en cas de cessation forcée de leurs fonctions ;

20. Considérant que les sénateurs requérants allèguent que la limite supérieure de l'exonération ainsi définie porterait atteinte à un " principe selon lequel les indemnités qui ont le caractère de dommages-intérêts ne sauraient être soumises à l'impôt sur le revenu " ; que la fixation d'un plafond d'exonération unique méconnaîtrait le principe d'égalité devant les charges publiques ; que les règles d'imposition prévues pour les dirigeants et mandataires sociaux seraient également contraires à ce principe ;

21. Considérant, en premier lieu, qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n'interdit de façon générale et absolue l'imposition de sommes versées à titre d'indemnités ; qu'il était loisible au législateur de prévoir l'imposition des indemnités versées à l'occasion de la cessation de fonctions, à condition de prendre en compte les capacités contributives des intéressés ; qu'en fixant un plafond d'exonération se traduisant par un mécanisme d'abattement à la base, et en déterminant, comme elle l'a fait, le niveau de ce plafond, la disposition critiquée n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

22. Considérant, en second lieu, que la distinction établie entre salariés, d'une part, dirigeants et mandataires sociaux, d'autre part, est justifiée par leur différence de situation au regard des règles applicables à la cessation de leurs fonctions ;

23. Considérant que les moyens soulevés doivent donc être rejetés ;

- SUR L'ARTICLE 20 :

24. Considérant que cet article porte de 2,5 % à 5 % le taux forfaitaire, prévu au I de l'article 216 du code général des impôts, de la quote-part pour frais et charges qui, dans le cadre du régime des sociétés mères et filiales, n'est pas admise en déduction du bénéfice de la société mère ;

25. Considérant que la saisine des sénateurs dénonce une méconnaissance du principe d'égalité entre sociétés mères " au détriment des sociétés mères détentrices de participations dans des sociétés françaises, et en faveur de celles qui détiennent des participations dans des sociétés de droit étranger ne disposant pas d'un système équivalent à l'avoir fiscal " ; qu'il est allégué en effet que ces dernières seront imposables sur les seuls dividendes reçus, alors que les autres sociétés mères le seront sur les dividendes reçus majorés de l'avoir fiscal qui leur est attaché ;

26. Considérant que l'avoir fiscal constitue un supplément de revenu pour la société mère ; qu'ainsi, à produit égal, aucune différence de traitement ne résulte de l'article critiqué ; que, dès lors, le moyen soulevé manque en fait ;

- SUR L'ARTICLE 21 :

27. Considérant que cet article réduit de 45 % à 40 % le taux de l'avoir fiscal attaché aux dividendes versés par les sociétés françaises à leurs actionnaires personnes morales ; qu'il neutralise l'incidence de cette réduction par une majoration, au taux de 20 %, du précompte acquitté par les sociétés distributrices ; que les sénateurs requérants soutiennent que ce dispositif de majoration entraînerait une discrimination entre les personnes morales actionnaires, selon que les bénéfices sont réalisés en France ou à l'étranger ;

28. Considérant que la majoration de ce crédit d'impôt ne s'applique qu'aux dividendes distribués après avoir été soumis au précompte ; que le mécanisme institué par l'article critiqué assure un traitement fiscal identique, quelle que soit l'origine des dividendes versés, aux personnes morales concernées ; que, par suite, le moyen tiré d'une atteinte au principe d'égalité manque en fait ;

- SUR L'ARTICLE 22 :

29. Considérant que, selon les députés requérants, le législateur aurait méconnu le champ de sa propre compétence en ne définissant pas avec une précision suffisante les conditions de délivrance de l'agrément ministériel permettant l'application du régime de sursis d'imposition des plus-values en cas de scission ou d'apport partiel d'actif prévu à l'article 210 B du code général des impôts, lorsque les conditions d'application de plein droit de ce régime ne sont pas remplies ;

30. Considérant qu'aux termes de l'article critiqué :

" L'agrément est délivré lorsque, compte tenu des éléments faisant l'objet de l'apport :

" a. L'opération est justifiée par un motif économique, se traduisant notamment par l'exercice par la société bénéficiaire de l'apport d'une activité autonome ou l'amélioration des structures, ainsi que par une association entre les parties ;

" b. L'opération n'a pas comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l'évasion fiscales ;

" c. Les modalités de l'opération permettent d'assurer l'imposition future des plus-values mises en sursis d'imposition. " ;

31. Considérant que la première condition n'habilite l'autorité administrative qu'à vérifier la réalité du motif économique de l'opération d'apport partiel d'actif, sans pouvoir apprécier l'opportunité de celle-ci ; que la condition relative à l'absence de fraude s'imposerait même dans le silence de la loi ; que la troisième condition ne peut donner lieu qu'à des vérifications de nature technique ;

32. Considérant qu'en fixant ainsi les conditions objectives nécessaires et suffisantes pour la délivrance de l'agrément, le législateur a suffisamment encadré l'action de l'autorité administrative ; qu'au surplus, la délivrance de l'agrément constituant un droit pour les sociétés remplissant les conditions fixées par la loi, son refus doit être motivé ; que, par suite, doit être écarté le grief tiré d'une méconnaissance du sixième alinéa de l'article 34 de la Constitution qui réserve à la loi la fixation des règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ;

- SUR L'ARTICLE 57 :

33. Considérant que le II de cet article modifie l'article 1609 undecies du code général des impôts ; qu'il supprime l'affectation au fonds national du livre des redevances sur l'édition des ouvrages de librairie et sur l'emploi de la reprographie, lesquelles seront directement affectées au Centre national du livre ;

34. Considérant que, contrairement à ce qu'allèguent les sénateurs requérants, l'affectation de contributions de nature fiscale à un établissement public n'est contraire à aucune règle, ni à aucun principe de valeur constitutionnelle ;

- SUR L'ARTICLE 59 :

35. Considérant que cet article, qui insère dans le code général des impôts un article 302 bis ZE, institue, à compter du 1er juillet 2000, une contribution de 5 % sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives, et en affecte le produit au compte d'affectation spéciale intitulé " fonds national pour le développement du sport " ;

36. Considérant que, selon les députés requérants, le produit attendu de la nouvelle contribution " pénalisera fortement le sport professionnel, sans que son produit prévisionnel soit suffisant pour aider de façon significative l'ensemble des clubs sportifs amateurs " ; qu'ils allèguent en conséquence que cet article ne respecterait pas le principe de nécessité de l'impôt, qui découle de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

37. Considérant que l'article critiqué ne modifie pas les règles d'intervention du fonds national pour le développement du sport ; que la nécessité de la contribution contestée résulte de l'intérêt général qui s'attache aux missions de ce fonds ; que les critères d'assujettissement retenus sont objectifs et rationnels ; que, dès lors, le moyen tiré de l'atteinte portée au principe de nécessité de l'impôt ne peut qu'être rejeté ;

- SUR L'ARTICLE 91 :

38. Considérant que le II de cet article, auquel s'adressent les griefs des sénateurs requérants, insère dans le livre des procédures fiscales un article L. 13-0A ainsi rédigé : " Les agents de l'administration des impôts peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues par les personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l'article 226-13 du code pénal. Ils ne peuvent demander de renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes " ;

39. Considérant qu'il est soutenu que, " le terme d'informations ayant un champ d'application très large " et la référence à l'article 226-13 du code pénal n'offrant " aucune garantie de confidentialité à la personne bénéficiaire des prestations " d'un dépositaire du secret professionnel, il serait porté une atteinte indirecte au respect de la vie privée ;

40. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées, éclairées par les débats parlementaires à l'issue desquels elles ont été adoptées, que le législateur a entendu délimiter strictement le champ des informations demandées, qui ne peuvent porter ni sur l'identité des clients, ni sur la nature des prestations fournies ; que les dispositions de l'article 226-13 du code pénal, auquel renvoie expressément l'article L. 13-0A du livre des procédures fiscales, s'appliqueraient en cas de révélation, par une personne qui en est dépositaire, des informations couvertes par cet article ;

41. Considérant, dès lors, que manque en fait le grief tiré d'une atteinte au respect de la vie privée ;

- SUR L'ARTICLE 94 :

42. Considérant que cet article, qui insère les articles 150-0A à 150-0E dans le code général des impôts, procède à la fusion des différents régimes d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux applicables aux particuliers dans la gestion de leur patrimoine privé ; que le régime unique mis en place assujettit les plus-values au taux de 16 %, dès lors que le montant annuel des cessions excède une limite fixée, par le I de l'article 150-0A, à 50 000 francs par foyer fiscal ;

43. Considérant que les députés requérants critiquent la " non prise en compte de la situation familiale du contribuable" dans la fixation de cette limite ;

44. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés " ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

45. Considérant qu'à la différence de la taxation des revenus du foyer fiscal par application du barème progressif de l'impôt sur le revenu, la disposition critiquée prévoit l'imposition, selon un taux unique, du produit d'opérations de gestion du patrimoine ; que le seuil de cession, repris du I de l'article 92 B du code général des impôts par l'article L. 150-0A, répond à un objectif de simplification, en dispensant d'obligations déclaratives les contribuables ne réalisant que des opérations de faible ampleur ; qu'il est en revanche dépourvu de lien avec le montant des plus-values qui constitue l'assiette de l'impôt ; qu'en ne faisant pas dépendre de la situation familiale du contribuable le seuil de déclenchement de l'imposition, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité devant l'impôt ;

- SUR L'ARTICLE 96 :

46. Considérant que cet article a pour objet de permettre aux communes d'instituer une taxe due par toute personne exerçant une activité commerciale non salariée à durée saisonnière sur leur territoire ; qu'il insère à cet effet les articles L. 2333-87 à L. 2333-90 dans le code général des collectivités territoriales ;

47. Considérant que les auteurs des deux saisines contestent la conformité de ladite taxe au principe d'égalité devant l'impôt affirmé par les articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que la superficie du local ou du véhicule où l'activité est exercée, qui en constitue l'assiette, serait, selon eux, indépendante des capacités contributives des redevables ; que l'absence de prise en compte de la durée d'installation serait source d'inégalité ; que l'exonération des redevables de la taxe professionnelle dans la commune comporterait des risques de détournement et de discrimination ; que les députés requérants critiquent les imprécisions de l'article en matière de recouvrement et s'élèvent contre l'assujettissement du conducteur lorsque l'activité s'exerce exclusivement dans un véhicule ; que, pour leur part, les sénateurs requérants font valoir qu'" en accordant aux communes un pouvoir de contrôle et de constatation des infractions aux règles régissant cette taxe, le dispositif prévu à cet article méconnaît les garanties élémentaires dont les contribuables doivent bénéficier. " ;

48. Considérant qu'en vertu du nouvel article L. 2333-88 du code général des collectivités territoriales, la taxe " est due pour l'année d'imposition à la date de la première installation. " ; que son article L. 2333-89 prévoit un " tarif uniforme, qui ne peut être inférieur à 50 francs par mètre carré, ni excéder 800 francs le mètre carré " ;

49. Considérant qu'en ne prenant pas en compte la durée d'installation dans la commune d'activités commerciales non sédentaires, le législateur a méconnu, en l'espèce, le principe d'égalité devant les charges publiques ; que par suite, l'article 96 doit être regardé comme contraire à la Constitution ;

- SUR L'ARTICLE 103 :

50. Considérant que cet article complète le barème de majorations fiscales de l'article 1728 du code général des impôts, afin de prévoir une pénalité spécifique de 80 % en cas de découverte d'une " activité occulte " ;

51. Considérant que les sénateurs requérants soutiennent que l'article 103 porterait atteinte à la présomption d'innocence ; qu'il introduirait une confusion avec les autres majorations prévues à l'article 1728 précité, et qu'il violerait les principes de proportionnalité et de nécessité des sanctions ;

52. Considérant qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation de l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale, qui découle nécessairement de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, avec le principe énoncé par son article 8, aux termes duquel : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée " ;

53. Considérant qu'il résulte de ces dernières dispositions, qui s'appliquent à toute sanction ayant le caractère de punition, qu'une peine ne peut être infligée qu'à la condition que soient respectés les principes de légalité des délits et des peines, de nécessité des peines, et de non-rétroactivité de la loi répressive plus sévère ; que s'impose en outre le respect des droits de la défense ;

54. Considérant que la notion d'activité occulte est définie avec une précision suffisante par le livre des procédures fiscales ; qu'en effet, son article L. 169 prévoit le délai de reprise de l'administration " lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce " ; que la pénalité qu'il est prévu d'instituer au 3 de l'article 1728 précité ne peut s'appliquer qu'à cette double condition ; qu'il incombera à l'administration d'apporter la preuve de l'exercice occulte de l'activité professionnelle ; que les droits de la défense sont suffisamment garantis par l'application des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, en vertu duquel, avant la mise en recouvrement de la pénalité, le contribuable peut présenter ses observations durant un délai de trente jours à compter de la notification des motifs pour lesquels l'administration envisage la majoration ;

55. Considérant par ailleurs que, contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, la pénalité nouvelle ne peut être infligée cumulativement avec les majorations de 40 % et 80 % prévues, à défaut de déclaration après une première et une deuxième mises en demeure, aux deuxième et troisième alinéas du même article ;

56. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la disposition critiquée ne porte atteinte à aucun principe, ni à aucune règle de valeur constitutionnelle ;

- SUR L'ARTICLE 106 :

57. Considérant que cet article a pour objet de renforcer la sanction des omissions ou inexactitudes dans les facturations, pour l'établissement de la taxe sur la valeur ajoutée ; que les sénateurs requérants soutiennent que cette disposition porte atteinte aux droits de la défense, ainsi qu'au caractère contradictoire de la procédure de redressement ;

58. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1740 ter A inséré par le I de l'article 106 dans le code général des impôts : " Toute omission ou inexactitude constatée dans les factures ou documents en tenant lieu mentionnés aux articles 289 et 290 quinquies donne lieu à l'application d'une amende de 100 F par omission ou inexactitude. Toutefois, l'amende due au titre de chaque facture ou document ne peut excéder le quart du montant qui y est ou aurait dû y être mentionné. " ; que le II complète l'article L. 80 H du livre des procédures fiscales pour permettre l'application de ladite amende à la suite de la mise en oeuvre du droit d'enquête ; que le III complète l'article 1736 du code général des impôts pour prévoir la constatation de l'amende par l'administration fiscale ;

59. Considérant que ces dispositions tendent à permettre l'application, à l'issue de la mise en oeuvre du droit d'enquête, d'amendes adaptées à la nature des contrôles exercés ; que le droit d'enquête prévu par les articles L. 80 F et suivants du livre des procédures fiscales a pour objet de " rechercher les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée... " ; qu'il n'a ni pour objet, ni pour effet, d'établir des suppléments d'imposition ; qu'en fixant à 100 francs par erreur ou omission le montant forfaitaire de l'amende et en la plafonnant au quart du montant de chaque facture, le législateur n'a pas prévu une sanction manifestement disproportionnée à la gravité des manquements constatés ;

60. Considérant que, selon le deuxième alinéa de l'article 1740 ter A inséré dans le code général des impôts, " cette amende ne peut être mise en recouvrement avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contrevenant la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai des observations. Elle est recouvrée suivant les procédures et sous les garanties prévues pour les taxes sur le chiffre d'affaires. Les réclamations sont instruites et jugées comme pour ces taxes. " ; qu'il ressort des termes mêmes de cet article qu'est suffisamment garanti le respect des droits de la défense, lequel s'impose au demeurant à l'autorité administrative dans le silence de la loi ; que les griefs doivent donc être rejetés ;

- SUR L'ARTICLE 107 :

61. Considérant que l'article 107 abroge l'article L. 80 C du livre des procédures fiscales, aux termes duquel : " L'intervention, auprès d'un contribuable sur le territoire national, d'un agent de l'administration fiscale d'un pays étranger, rend nuls et de nul effet le redressement ainsi que toute poursuite fondée sur celui-ci " ;

62. Considérant, que, selon les sénateurs requérants, cette abrogation porterait atteinte à la souveraineté nationale, en permettant aux agents des administrations fiscales étrangères d'effectuer des contrôles sur le territoire national ;

63. Considérant que l'abrogation de l'article L. 80 C du livre des procédures fiscales n'a pas pour effet, par elle-même, de permettre aux agents de services fiscaux étrangers de conduire en France leurs investigations ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 10 et L. 45 du livre des procédures fiscales, les agents de l'administration française sont seuls habilités à assurer le contrôle de l'ensemble des impôts et taxes dus par les contribuables ; que, par suite, le grief allégué manque en fait ;

- SUR L'ARTICLE 113 :

64. Considérant qu'aux termes de cet article : " Afin de maintenir le contrôle parlementaire, tous les projets, quel que soit leur montant, financés dans la zone de solidarité prioritaire sur les crédits figurant au budget du ministère des affaires étrangères et qui relevaient de la compétence du Fonds d'aide et de coopération au 31 décembre 1999 ne peuvent être mis en oeuvre par le ministère qu'après l'accord préalable du comité directeur du Fonds d'aide et de coopération ou de l'organe de décision qui lui sera substitué, au sein duquel continueront à siéger des représentants de chaque assemblée " ; que ces dispositions, exclusivement relatives à une procédure de décision relevant du pouvoir exécutif, ne sont pas au nombre de celles qui, conformément à l'article premier de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée, peuvent trouver leur place dans une loi de finances ; qu'il suit de là que l'article 113 a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ;

65. Considérant qu'il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,

Décide :

Article premier :

Les articles 96 et 113 de la loi de finances pour 2000 sont déclarés contraires à la Constitution.

Article 2 :

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 décembre 1999, présidée par M. Yves GUÉNA et où siégeaient : MM. Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Alain LANCELOT, Mme Noëlle LENOIR, M. Pierre MAZEAUD et Mme Simone VEIL.


Synthèse
Numéro de décision : 99-424
Date de la décision : 29/12/1999
Loi de finances pour 2000
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

La loi de finances pour 2000, adoptée le 21 décembre 1999, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs. Les requérants adressent à la loi de nombreuses critiques qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I - Sur la sincérité de la loi de finances pour 2000

A/ Selon les députés et les sénateurs saisissants, le Conseil constitutionnel devrait annuler l'article d'équilibre et, partant, l'ensemble de la loi, au motif que n'est pas respecté, à plusieurs titres, le principe de sincérité.

1) Tel serait le cas, en premier lieu, de l'évaluation des recettes attendues pour l'exercice à venir, qui ne tiendrait pas compte des plus-values constatées en 1999 ni, par conséquent, du niveau de recettes fiscales de l'Etat qui devraient normalement être perçues au cours de l'exercice 2000. Aux yeux des requérants, les données actuellement disponibles auraient dû conduire le Gouvernement à inscrire des montants plus élevés au titre des prévisions de recettes.

2) En deuxième lieu, les auteurs de la saisine font valoir que la loi de finances sous-estimerait le nombre réel d'emplois publics, en méconnaissance des prescriptions des articles 1er et 32 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Tel serait le cas, selon eux, d'un certain nombre d'emplois au sein des ministères de l'éducation nationale, de l'intérieur et de la justice.

3) En troisième lieu, les requérants estiment que la sincérité de la loi est également affectée par le non respect des principes d'universalité et d'unité budgétaires en raison de changements d'affectation de recettes fiscales, en particulier au profit de la sécurité sociale. Ils estiment, à cet égard, que la loi de finances ne dresse pas un tableau exhaustif des recettes et dépenses de l'Etat. Ils soutiennent que les transferts ainsi opérés s'analysent comme une opération de débudgétisation et reviennent sur les critiques, précédemment adressées à la loi de financement de la sécurité sociale, à propos de la possibilité de changer l'affectation de recettes qui, auparavant, relevaient du budget de l'Etat. Plus généralement, ils considèrent que la coexistence des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ne permet pas au Parlement d'exercer son contrôle sur l'état des finances publiques, entendues au sens large.

4) Enfin, les sénateurs considèrent que les dépenses inscrites au titre des mesures nouvelles du budget du ministère de l'emploi et de la solidarité omettent deux charges évaluées au total à 5,7 milliards de francs : la majoration de l'allocation de rentrée scolaire et une subvention à la Caisse nationale d'allocations familiales pour financer le fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles.

B/ Ces critiques ne sont pas fondées.

1) S'agissant des évaluations de recettes, il convient tout d'abord de bien distinguer ce qui relève des débats d'experts ou de l'appréciation politique sur la gestion des finances publiques de ce qui peut mettre en cause la conformité à la Constitution de la loi de finances au regard du principe de sincérité du budget. Ce principe, en effet, s'applique ici à un exercice de prévision marqué par des aléas importants, pour les raisons suivantes notamment :

- il s'agit d'évaluer, avant que l'année en cours soit achevée, les recettes de l'ensemble de l'année suivante ; à ce titre, la prévision des recettes jusqu'à la fin de l'année 2000 comporte encore plus d'incertitudes que celle des recettes de l'année en cours ;

- les masses en jeu sont d'une importance telle (1 614 milliards de francs de recettes fiscales nettes à structure et législation constantes) qu'un faible écart par rapport à la prévision initiale déplace plusieurs milliards ou dizaines de milliards de francs ;

- impôt par impôt, les effets de calendrier, les modes de recouvrement et les modifications de la législation compliquent encore l'exercice.

Dans ces conditions, les chiffres retenus par le Gouvernement peuvent évidemment faire l'objet de débats, et il s'avère au demeurant que les recettes finalement enregistrées font généralement apparaître des écarts significatifs avec les prévisions de la loi de finances initiale. Mais au plan juridique, seule une sous-évaluation manifeste, certaine et volontaire des prévisions dénaturant la signification du contrôle parlementaire sur ces prévisions, pourrait donner prise à un contrôle de constitutionnalité.

C'est compte tenu de ces considérations préalables que les précisions suivantes peuvent être apportées.

a) En premier lieu, les prévisions de recettes fiscales pour 2000 ont été construites à partir d'hypothèses de croissance qui ne pas sont pas remises en cause aujourd'hui.

Elles ont en effet été réalisées entre le mois d'août et le mois de septembre sur la base des prévisions de croissance établies par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et partagées par les économistes réunies au sein de la commission économique de la Nation. Ces prévisions de croissance du produit intérieur brut (PIB) sont fondées sur une fourchette allant de +2,6% à +3% en 2000.

Les recettes fiscales nettes " spontanées " du projet de loi de finances s'établissaient sur ces bases à 1614 milliards de francs à structure constante, contre 1546 dans l'évaluation révisée pour 1999, soit une progression de 4,4%.

Compte tenu du solde des recettes budgétisées et de celles transférées à la sécurité sociale dans la loi de finances (-42,6 milliards de francs) et de l'impact des allégements fiscaux sur les recettes fiscales nettes de l'Etat en 2000 (-24,8), les recettes du projet de loi de finances ont été évaluées à 1546 milliards de francs, soit 1877,4 en recettes brutes. La progression de 6 milliards de francs des recettes brutes évoquées par les requérants n'est donc pas établie à structure constante. La progression est en fait de 78,9 milliards de francs pour les recettes brutes et de 68 pour les recettes nettes.

Cette progression de 4,4% des recettes fiscales nettes peut être rapprochée de la progression prévisionnelle de l'activité économique, mesurée entre 3,8% et 4,2% (en valeur), soit une élasticité moyenne de 1,1, supérieure à celle couramment utilisée par les économistes pour mesurer l'impact de la croissance sur les finances publiques. Il ne peut donc être établi que les recettes seraient sous-évaluées compte tenu des prévisions de croissance.

Au surplus, on observera qu'une variation -théorique- de 0,5 point du PIB (évalué à 9169 milliards de francs pour 2000) par rapport à cette prévision conduirait à un surcroît de richesse nationale de 45 milliards de francs, soit un aléa sur les recettes de l'Etat de moins de 8 milliards de francs compte tenu du poids des prélèvements de l'Etat dans le PIB (16,9 points, cf rapport économique et financier page 204).

A titre rétrospectif, on peut souligner que l'exercice 1999 témoigne de la volatilité des prévisions de croissance à l'horizon d'un an ou de dix-huit mois (2,7% dans les prévisions initiales, revues à 2,3% à mi-année puis réévaluées à la hausse en fin d'exercice) et de la difficulté d'en prévoir l'impact sur les recettes de l'année (+24,3 milliards de francs de recettes totales nettes par rapport à la loi de finances initiale.

b) En second lieu, la révision des recettes d'impôt effectuée en décembre (11,3 milliards de francs) n'a pas d'impact sur l'évaluation des recettes fiscales en 2000.

Les estimations retenues en loi de finances initiale ne profitent en effet pas de manière automatique des encaissements exceptionnels de 1999, puisque la révision a porté pour l'essentiel sur les recettes de l'impôt sur les sociétés. On rappellera que cet impôt est assis sur un solde (le bénéfice) et liquidé selon une méthode qui procède elle même par acomptes et par solde, la liquidation étant au total imputée sur plusieurs exercices.

Les bénéfices imposables en 1999 progresseront moins vite qu'en 1998 (cf rapport économique et financier et fascicule voies et moyens). Cette moindre progression des bénéfices escomptés en 1999 par rapport à 1998 n'a toutefois pas conduit les entreprises à réduire notablement l'acompte versé au 15 décembre par rapport aux prévisions initiales. C'est ce constat qui a conduit le Gouvernement à réviser à la hausse de 10 milliards de francs les recettes d'impôt sur les sociétés en 1999. De multiples facteurs vont cependant conduire les entreprises à verser tout au long de l'année 2000 un impôt sur les sociétés inférieur à celui de 1999 : outre la moindre progression du bénéfice imposable, on citera l'effet de la suppression totale de la surtaxe de l'impôt sur les sociétés, ainsi que la non reconduction des facteurs de progression de 1999 (plus-values exceptionnelles sur vente d'actions par exemple, épuisement des reports à nouveau de la période passée) et la constitution de provisions pour faire face au bogue informatique. Enfin, les entreprises qui auraient versé un acompte de décembre 1999 trop important (expliquant la révision opérée par le Gouvernement en fin d'année) pourraient en demander le remboursement en 2000, réduisant ainsi les recettes nettes de l'Etat.

c) Enfin, les méthodes évoquées pour contester les évaluations du Gouvernement ne peuvent être considérées comme fiables.

Deux critiques majeures peuvent en effet être adressées aux méthodes d'extrapolation des recettes 1999 sur lesquelles les saisissants fondent leur argumentation :

- la méthode de l'extrapolation linéaire à partir des encaissements observés en cours d'année conduit à négliger les effets de calendrier et à ignorer l'impact des modifications de législation (comme l'anticipation au 15 septembre des baisses de TVA ou l'impact de la baisse de la surtaxe d'impôt sur les sociétés sur les recettes de décembre) ;

- la méthode fondée sur l'extrapolation du ratio " recettes en cours d'année/recettes définitives " se révèle fausse : reprise pour les 13 dernières années, elle n'approche les résultats définitifs à moins de dix milliards près que dans moins d'un cas sur deux ; on observera d'ailleurs que la fourchette indiquée par les requérants comporte un écart de 100% (14 à 28 milliards de francs) dans le calcul des recettes pour 1999, déniant tout caractère prédictif à cette méthode.

2) Les requérants affirment que 120.000 emplois publics auraient été créés dans des conditions contraires aux termes de l'ordonnance organique et portant atteinte à la sincérité de la loi de finances pour 2000.

Cependant, le chiffre de 120.000 n'a pas de signification .

Les requérants font en effet masse des créations d'emplois-jeunes réalisées au cours de plusieurs exercices (70.000 à l'éducation nationale, 20.000 adjoints de sécurité et 2000 agents de justice depuis 1997), du traitement réservé à la rentrée 1997 aux maîtres auxiliaires (27.000 cités par les requérants) et de la situation des surveillants de l'éducation nationale en 2000 (5270). Or, cette addition amalgame des mesures relevant de la politique de l'emploi et des mesures relatives aux rémunérations d'agents publics.

Par ailleurs, la spécificité de chacune des situations en cause doit être soulignée :

- les emplois-jeunes, dont le financement participe de la politique de l'emploi du Gouvernement, ne peuvent être pris en compte au titre des créations d'emplois budgétaires ; il s'agit d'emplois subventionnés par l'Etat, dont les employeurs sont principalement les établissements locaux d'enseignement et dont les contrats à durée déterminée (au plus 5 ans) ne prévoient pas un droit à titularisation (y compris ceux disposant de contrats de droit public et employés aux ministères de l'intérieur et de la justice) ;

- les maîtres auxiliaires ont vu leur situation harmonisée à partir de la rentrée 1997 et aucun recrutement n'est prévu à ce titre dans la loi de finances pour 2000 ;

- les maîtres d'internat et surveillants d'externat remplissent quant à eux des tâches à temps partiel et leurs contrats sont limités à 1 an renouvelable.

C'est en prenant en compte ces caractéristiques particulières que doit être vérifiée la mise en oeuvre des dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959 relatives aux emplois publics. A cet égard, deux points doivent être soulignés :

- les dispositions combinées des articles 1er, 32 et 43 de l'ordonnance imposent que les mesures de création, de suppression et de transformation d'emplois soient détaillées dans les annexes explicatives par ministère qui accompagnent le projet de loi de finances, sans toutefois définir ce qu'il y a lieu d'entendre par " emplois " ;

- aucune disposition organique ne prévoit de vote spécifique relatif à l'évolution des emplois, ni la présentation et l'approbation d'un tableau de synthèse des emplois budgétaires ; les dispositions de droit commun sur le vote des services votés et mesures nouvelles s'appliquent donc en matière de crédits de rémunérations, à la lumière des mesures relatives aux emplois présentées dans les annexes par ministère.

Dans ces conditions, les critiques dirigées contre la présentation retenue dans le projet de loi de finances pour 2000 paraissent dépourvues de portée juridique.

En effet, les annexes explicatives par ministère comportent toutes les indications nécessaires à propos des différentes catégories d'agents évoquées par les députés et l'information du Parlement a été très complète, comme en témoignent au demeurant les rapports des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat. S'agissant notamment de l'éducation nationale, l'annexe " bleue " décrit précisément, au titre des mesures nouvelles et de la présentation des " agrégats ", les évolutions en cause et les crédits correspondants. Dès lors, et quels que soient les contours exacts à donner à la notion d'emploi mentionnée par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, les prescriptions de ses articles 1er, 32 et 43 ont été pleinement respectées.

D'autre part, rien n'impose au Gouvernement de présenter dans le cadre du projet de loi de finances une récapitulation, par ministère ou globale, faisant masse des différentes catégories de personnels , y compris ceux dont le mode d'emploi et de rémunération est très spécifique, comme c'est le cas, à des degrés divers, des emplois-jeunes ou des surveillants de l'éducation nationale. Le Gouvernement peut donc, comme il l'a fait, retenir une présentation de l'évolution des " emplois budgétaires " tenant compte de ces spécificités et n'agrégeant que les emplois répondant à certaines caractéristiques.

3) En ce qui concerne la question des changements d'affectation de recettes fiscales et des " débudgétisations ", on observera au préalable que les points soulevés par les saisissants ont été, pour l'essentiel, tranchés par la décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999 relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, qui a validé la création, sous forme d'établissement public, du fonds de financement de la réforme des cotisations sociales patronales de sécurité sociale, alimenté notamment par une fraction de droit de consommation sur les tabacs, par la nouvelle contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, par la taxe générale sur les activités polluantes et par une fraction du droit de consommation sur les alcools.

Cela étant, les critiques des saisissants appellent sur le fond les remarques suivantes.

Les principes d'unité et d'universalité budgétaires qui résultent des dispositions de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 n'ont pas pour effet d'interdire au législateur d'affecter une ressource fiscale à une personne publique autre que l'Etat ni de procéder à des modifications de la structure ou du périmètre du budget de l'Etat. Comme le Conseil constitutionnel l'a jugé à de nombreuses reprises, et en dernier lieu dans sa décision du 21 décembre dernier relative à la loi de financement de la sécurité sociale, le législateur peut décider d'affecter le produit d'une imposition existante ou nouvelle à un établissement public. Il peut également transférer des compétences et les moyens correspondants de l'Etat à une autre collectivité publique - établissement public ou collectivité territoriale -, sous réserve des dépenses permanentes qui, par nature, doivent figurer dans le budget de l'Etat.

Cette dernière notion, dégagée notamment par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 94-351 DC du 29 décembre 1994, ne saurait être interprétée aussi extensivement que le font les députés auteurs de la saisine : le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de préciser qu'elle ne concerne pas les majorations de pension accordées dans certains cas aux retraités du régime agricole (n° 95-369 DC du 28 décembre 1995) ni certaines dépenses incombant jusqu'à présent à l'Etat dans le domaine de la santé publique (n° 99-422 DC déjà citée). C'est donc à tort que la saisine des députés cherche à faire entrer dans cette catégorie les charges afférentes au financement de la couverture maladie universelle ou à la réduction de la durée du travail.

Pour les mêmes raisons, la mesure prévue à l'article 57, et critiquée par les sénateurs saisissants, qui a pour objet d'affecter directement des redevances au Centre national du livre, établissement public à caractère administratif créé en 1946, est en conformité avec les dispositions de l'ordonnance organique de 1959 ; il s'agit au demeurant d'une simplification, puisque cette mesure permet corrélativement la suppression, par l'article 75, du compte d'affectation spéciale n° 902-16 " Fonds national du livre ".

Par ailleurs, les considérations développées par la saisine des députés en ce qui concerne les domaines respectifs de la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, leur articulation et l'opportunité d'une fusion de ces deux textes, ne paraissent pas appeler de réponse du Gouvernement dans le cadre des présentes observations. Est ici en cause, en effet, une situation qui résulte directement de la mise en oeuvre de dispositions de la Constitution et des lois organiques prises pour son application.

4) En dernier lieu, les requérants considèrent que le défaut de prise en compte de deux réformes annoncées par le Premier ministre met en cause la sincérité des dépenses de la loi de finances à hauteur de 5,7 milliards de francs.

Ce moyen ne saurait être retenu.

L'allocation de rentrée scolaire (ARS) a été majorée depuis 1996. Cette allocation majorée a constitué une dépense de la Caisse nationale des allocations familiales partiellement remboursée par l'Etat. Elle a été financée, selon les années, par décret d'avances ou par la loi de finances rectificative. Le montant de cette majoration et son financement ont évolué dans le temps, la charge revenant à l'Etat ne constituant pas une dépense stable d'une année sur l'autre.

Le Premier ministre a annoncé que le niveau majoré de l'ARS (1600 F) serait pérennisé. Le montant ainsi relevé de l'ARS, prestation familiale prévue par le code de la sécurité sociale, sera donc désormais financé par la Caisse nationale des allocations familiales, comme l'ensemble des prestations de cette catégorie, sans que l'Etat ait à en rembourser une partie.

La majoration des dépenses de la sécurité sociale en résultant a été prise en compte dans les prévisions de dépenses de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 et n'a donc pas à figurer dans la loi de finances.

Par ailleurs, le transfert au budget de l'Etat du financement du fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FASTIF) a été évoqué comme une des pistes complétant la réforme.

Cette mesure, qui nécessite des dispositions législatives qui ne figurent ni dans la loi de finances ni dans la loi de financement de la sécurité sociale et dont le calendrier n'a pas été précisé, permettrait à la Caisse nationale des allocations familiales de dégager des moyens contribuant au financement de l'ARS majorée. Si elle était confirmée, il conviendrait de prévoir les ouvertures de crédits correspondantes dans la loi de finances pour 2001.

II - Sur l'article 3

A) L'article 3 de la loi déférée insère, dans le code général des impôts, un article 80 duodecies qui entend clarifier le régime d'imposition des sommes versées à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail ou de la cessation de fonctions de mandataire social. Après avoir posé le principe de la soumission de ces sommes à l'impôt sur le revenu, la loi en excepte un certain nombre d'indemnités dont le versement est prévu par le code du travail ou par des accords collectifs.

Le deuxième alinéa du nouvel article 80 duodecies précise en outre que la fraction exonérée des indemnités de licenciement, lorsqu'elles dépassent les prévisions légales ou conventionnelles, ne peut être inférieure, ni à 50% de leur montant, ni à deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié l'année précédant la rupture. Toutefois les sommes exonérées ne peuvent excéder un montant égal à la moitié de la première tranche de l'impôt de solidarité sur la fortune, soit actuellement 2,35 millions de francs.

Selon les sénateurs, auteurs du second recours, la limite ainsi fixée porte atteinte à un principe d'où il résulterait que les indemnités ayant le caractère de dommages-intérêts ne sont pas imposables. Cette mesure créerait une inégalité de traitement injustifiée entre les contribuables, selon que les indemnités perçues se situent en deçà ou au-delà du seuil. Enfin le législateur aurait également méconnu le principe d'égalité devant les charges publiques en prévoyant des dispositions spécifiques à une catégorie socio-professionnelle.

B) Pour sa part, le Gouvernement estime que cette disposition est conforme à la Constitution.

1) Il faut en premier lieu rappeler qu'à l'heure actuelle, le régime, au regard de l'impôt sur le revenu, des indemnités versées aux salariés ou aux mandataires sociaux à l'occasion de la cessation du contrat de travail ou de mandat social est singulièrement complexe. Il repose sur l'application, au cas par cas, d'un principe général selon lequel toutes les sommes versées à cette occasion sont imposables dans la mesure où elles ne réparent pas un préjudice, notamment d'ordre moral ou professionnel, distinct de celui résultant pour l'intéressé de la seule perte de sa rémunération. Ce principe a été déduit des dispositions du code général des impôts, et notamment de celles de l'article 12 et des articles 79 et suivants, qui donnent une définition large de la rémunération imposable.

De ce fait, le sort définitif des indemnités au regard de l'impôt sur le revenu dépend d'une appréciation des circonstances propres à chaque situation particulière. Pourtant, les parties préjugent souvent du caractère de dommages et intérêts non imposable des sommes versées, notamment dans la rédaction des accords transactionnels qui accompagnent fréquemment la rupture. La partie versante et le bénéficiaire sont alors incités à ne pas les déclarer. Dès lors que cette appréciation n'est opposable ni à l'administration, ni au juge de l'impôt, il en résulte une grande insécurité juridique, qui est facteur d'inégalités importantes entre les contribuables.

Lorsque la déclaration du contribuable est vérifiée, l'administration et, le cas échéant, le juge, procèdent de la manière suivante pour identifier la part imposable de l'indemnité perçue, et qui se compose, a priori, d'une partie financière et d'une partie non financière.

a) La composante financière, qui peut apparaître soit comme un complément de revenu au titre de la période passée, soit comme une compensation de la perte de revenus futurs, est naturellement dans le champ de l'impôt sur le revenu tel qu'il est défini à l'article 12 du code général des impôts. Le fait qu'elle ait pour élément générateur la rupture d'un contrat ne modifie pas cette analyse. L'unique particularité de ce revenu est que, alors qu'il n'est pas par sa nature annuel, il est toutefois appréhendé sur une seule année, et donc imposable au titre de cette seule année, ce qui, compte tenu de la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu, peut conduire à des conséquences excessives. L'article 163-0 A du code général des impôts, qui prévoit dans ce cas l'application du mécanisme du quotient, résout cette difficulté.

b) La composante non financière peut apparaître, en conséquence de la règle qui vient être rappelée, comme tout à fait exceptionnelle. Elle doit en effet être justifiée par les troubles causés par la rupture, notamment par l'atteinte à l'honneur de l'intéressé qu'elle a pu comporter.

C'est pour mettre fin aux incertitudes découlant de la complexité de ces critères et pour fournir a priori aux intéressés des indications claires que l'article 3 pose un principe général d'imposition de l'ensemble des indemnités de rupture du contrat de travail, sous réserve des indemnités versées dans le cadre de plans sociaux ou à l'occasion de ruptures abusives, et de la fraction des indemnités de licenciement qui n'excède pas le montant prévu par l'accord collectif applicable ou, à défaut, par la loi. Et c'est dans le même but que la loi définit les seuils mentionnés plus haut.

Au demeurant, le Parlement s'est déjà fixé par le passé un tel objectif. En effet, par le 3° de l'article 10 de la loi n° 96-1160 du 27 décembre 1996 de financement de la sécurité sociale pour 1997, codifié en particulier au 5° du II de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, il a précisé l'assiette qu'il convenait de retenir pour l'assujettissement des indemnités de licenciement à la contribution sociale généralisée, laquelle est une imposition de toute nature frappant le revenu, et soumise à ce titre aux mêmes exigences constitutionnelles que la législation sur l'impôt sur le revenu.

2) En deuxième lieu, on observera que l'argumentation des sénateurs requérants est inopérante, dès lors qu'il n'existe aucun principe de valeur constitutionnelle conférant aux indemnités perçues par un salarié ou un mandataire social à la suite de la rupture du contrat de travail ou de mandat social le caractère de dommages et intérêts non soumis à l'impôt sur le revenu.

En matière d'imposition, les seules contraintes constitutionnelles sont celles tirées du principe d'égalité devant les charges publiques. Dès lors qu'il se détermine suivant des critères objectifs et rationnels, il est a priori loisible au législateur de déterminer celles des indemnités qu'il entend imposer, sous réserve, bien entendu, de ne pas conférer un caractère confiscatoire au prélèvement.

3) En troisième lieu, et en tout état de cause, cette argumentation manque en fait, dès lors que la simplification de ce régime retient, sans méconnaître le principe d'égalité, une solution plutôt avantageuse pour les contribuables concernés.

a) Tout d'abord, il règle de manière spécifique, par une exonération totale, un certain nombre de cas où l'on peut raisonnablement considérer qu'un préjudice non financier existe. Il s'agit tout d'abord des indemnités versées à la suite d'une rupture abusive ou irrégulière du contrat de travail. Il s'agit également des indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre de plans sociaux.

b) Ensuite, il assortit la règle d'ores et déjà retenue en matière de contribution sociale généralisée - à savoir l'exonération de la fraction de l'indemnité de licenciement qui n'excède pas le montant conventionnel ou légal -, d'un mécanisme correcteur, qui ne peut jouer qu'à la hausse, et qui, dans la pratique, porte la part exonérée au niveau le plus élevé reconnu par la jurisprudence du Conseil d'Etat, lorsque celui-ci est amené à se prononcer en cas de contentieux.

La fixation du seuil en valeur absolue que contestent les sénateurs consiste donc seulement, dans les cas où le code du travail ne reconnaît a priori aucun préjudice non financier, à plafonner le mécanisme de relèvement de la fraction exonérée de l'indemnité. En instituant ce plafonnement, le législateur n'a méconnu aucune exigence.

c) La rupture d'égalité entre les contribuables n'est pas plus avérée. Le mécanisme retenu n'emporte, pour le contribuable dont l'indemnité perçue dépasse de peu le plafond retenu, aucune conséquence disproportionnée par rapport à ce dépassement. L'article 3 de la loi de finances pour 2000 n'institue qu'un plafonnement exceptionnel, selon un mécanisme courant en matière fiscale. Il ne s'agit nullement d'un " effet de seuil " brutal, mais d'un abattement à la base analogue, dans son principe, à celui dont le Conseil constitutionnel a admis la validité, en matière de cotisations sociales, dans sa décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999. En conséquence, deux contribuables percevant des indemnités dont l'une est juste inférieure au plafond et l'autre juste supérieure, sous réserve par ailleurs qu'ils soient soumis à la même convention collective et qu'ils aient perçu le même salaire, ne verront leur imposition différer que de quelques francs.

d) Enfin, s'agissant du sort particulier réservé aux mandataires sociaux, dont les auteurs de la saisine contestent qu'ils puissent être traités différemment par la loi, il convient de remarquer qu'ils ne sont pas dans la même situation juridique que les salariés, puisque leur contrat de mandat est, en vertu notamment des articles 55, 110 et 116 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, révocable à tout moment. L'assiette retenue par le législateur pour l'imposition des indemnités perçues par ces mandataires sociaux n'est pas plus défavorable que celle fixée pour l'imposition des indemnités perçues par les salariés.

En définitive, il importe de souligner que cette mesure a essentiellement pour objet et pour effet de procéder à une clarification et à une simplification de la règle de droit en cette matière afin, notamment, de la rendre plus accessible. Ce faisant, le législateur poursuit des objectifs dont le caractère constitutionnel a récemment été mis en évidence (n° 99-421 DC du 16 décembre 1999).

III - Sur l'article 20

A) L'article 20 de la loi de finances pour 2000 porte de 2,5 % à 5 % la quote-part de frais et charges qui n'est pas admise en déduction des produits de participation du bénéfice de la société mère, dans le cadre du régime " mère-fille ". Cette quote-part est calculée sur le montant total des dividendes, crédit d'impôt compris. Cette règle est conforme à la directive 90/435/CE du 23 juillet 1990 concernant le régime des sociétés mères et filiales qui prévoit que " le montant forfaitaire ne peut excéder 5 % des bénéfices distribués par la société filiale " (art. 4, point 2), le crédit d'impôt devant être considéré comme un bénéfice distribué.

Le recours des sénateurs fait grief à cet article d'introduire une discrimination entre les sociétés concernées, suivant qu'elles bénéficient ou non de l'avoir fiscal.

B) Ce moyen manque en fait.

En effet, toutes les sociétés mères recevant un dividende assorti d'un avoir fiscal, qu'il provienne d'une filiale française ou d'une filiale étrangère résidente d'un pays lié avec la France par une convention prévoyant le transfert de l'avoir fiscal (c'est le cas de l'Italie), seront traitées de la même manière.

Il est erroné de prétendre, comme le font les requérants, qu'une différence de traitement est créée " à produit égal ", car tel n'est pas le cas. Le Conseil constitutionnel a rappelé dans sa décision n° 97-395 du 30 décembre 1997 portant sur la loi de finances pour 1998 " qu'il résulte des termes mêmes de l'article 158 bis du code général des impôts (...) que l'avoir fiscal est un élément constitutif du revenu ". La société mère recevant un dividende auquel est attaché un crédit d'impôt bénéficie d'un revenu plus élevé que celle qui reçoit un dividende sans crédit d'impôt.

Il n'y a dès lors aucune distorsion mais seulement des différences de situation, se traduisant logiquement par des différences de traitement, en fonction de la possibilité ou non d'un tel transfert de crédit d'impôt.

IV - Sur l'article 21

A) L'article 21 modifie les dispositions du VI de l'article 158 bis du code général des impôts relatif à l'avoir fiscal. Le crédit d'impôt prévu par le I de l'article 158 bis est porté à 40 % de l'excédent de précompte versé par la société distributrice. Par ailleurs, ce crédit est majoré d'un montant égal à 20 % de ce précompte.

Pour contester cette disposition, les sénateurs, auteurs du second recours, soutiennent que la neutralisation de la diminution du taux de l'avoir fiscal au regard du précompte créerait une rupture d'égalité entre les actionnaires selon l'origine des dividendes distribués. Cette mesure aurait ainsi pour conséquence de traiter plus durement l'actionnaire attributaire d'un dividende prélevé sur des bénéfices réalisés en France par rapport à l'actionnaire touchant un dividende prélevé sur des bénéfices réalisés à l'étranger.

B) Cette critique n'est pas fondée.

On rappellera d'abord que l'avoir fiscal, créance détenue par l'actionnaire sur le Trésor, est destiné à tenir compte de l'impôt sur les sociétés qui a déjà frappé le bénéfice lors de sa réalisation.

Lorsque l'impôt sur les sociétés payé par la société distributrice est insuffisant pour gager l'avoir fiscal octroyé aux actionnaires, cette société doit acquitter un précompte destiné à compenser cette insuffisance. Le précompte ne se justifie donc que pour former un avoir fiscal et n'a pas vocation à devenir un impôt de distribution autonome et définitif.

Le dispositif de majoration de l'avoir fiscal permet de restituer à l'actionnaire, sous forme d'avoir fiscal, la totalité du précompte acquitté par la société distributrice. Ainsi, le précompte, conformément à sa vocation première, gage parfaitement l'avoir fiscal et ne constitue qu'un prélèvement temporaire. Ce dispositif ne crée pas un avantage particulier pour l'actionnaire mais conduit simplement à lui restituer le montant d'impôt qui a été prélevé à la source au niveau de la société distributrice et qui, sans cette restitution, excéderait l'avoir fiscal qui lui a été accordé.

Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'actionnaire touchant un dividende prélevé sur des résultats soumis à l'impôt sur les sociétés n'est pas placé dans une situation plus défavorable que celui qui reçoit un dividende ayant comme origine un résultat étranger (ou un résultat français non soumis à l'impôt sur les sociétés). Si le premier ne bénéficie pas de la majoration de l'avoir fiscal, c'est que la distribution dont il a bénéficié a échappé totalement au précompte. Ces deux actionnaires sont donc placés sur un strict pied d'égalité : soit la distribution n'est pas soumise au précompte et aucune majoration n'est accordée ; soit la distribution est soumise au précompte qui est alors restitué à l'actionnaire sous forme d'avoir fiscal. Dès lors, toutes les distributions soumises au précompte, qu'elles portent sur des résultats étrangers ou sur des résultats réalisés en France, sont traités de manière identique.

La mesure contestée simplifie ainsi très sensiblement, sans porter atteinte au principe d'égalité, le dispositif de restitution du précompte institué l'an dernier, qui impose à la société distributrice d'identifier son actionnariat de manière précise. Dans la plupart des cas, cette information n'est connue que postérieurement au paiement du précompte, ce qui oblige à recourir à une procédure de réclamation.

C'est donc à tort que sa conformité à la Constitution est critiquée.

V - Sur l'article 22

A) L'article 22 de la loi déférée modifie le régime fiscal de sursis d'imposition des plus-values d'apport applicable aux opérations d'apports partiels d'actif et de scissions prévu à l'article 210 B du code général des impôts. Ces opérations bénéficient en principe du régime de faveur de plein droit, mais peuvent également bénéficier du régime de faveur sur agrément lorsque les conditions d'application du régime de plein droit ne sont pas satisfaites. L'article 22 de la loi déférée assouplit les conditions d'application du régime de plein droit et encadre la procédure d'agrément ministériel.

Les députés requérants considèrent que les conditions auxquelles la loi subordonne cet agrément ne sont pas définies avec suffisamment de précision. Tel serait le cas, selon eux, des critères à retenir pour vérifier que l'opération est justifiée par un motif économique. A leurs yeux, la loi accorde au ministre un pouvoir discrétionnaire incompatible avec les obligations que l'article 34 de la Constitution assigne au législateur. Les députés auteurs du recours voient également un aspect contradictoire dans la condition relative à la nécessité d'assurer l'imposition future des plus-values placées en sursis d'imposition.

B) Cette argumentation repose sur une interprétation erronée, tant de la jurisprudence constitutionnelle que de la disposition contestée.

Comme le Conseil constitutionnel vient de le rappeler dans sa décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999, la compétence que l'article 34 de la Constitution assigne au législateur en matière d'imposition ne lui interdit nullement d'en déléguer une partie à l'autorité administrative, dès lors que cette délégation fait l'objet d'un encadrement suffisant. S'agissant des agréments fiscaux, la décision n° 87-237 DC du 30 décembre 1987 a précisé qu'il était loisible au législateur de subordonner à un agrément ministériel l'application de certaines dispositions fiscales, sous réserve que le ministre ne soit pas investi d'un pouvoir discrétionnaire. Il appartient donc au législateur de définir lui-même les critères au vu desquels le ministre devra se prononcer sur la demande d'agrément.

C'est précisément ce que font les nouvelles dispositions insérées au 3 de l'article 210 B. Contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, ces conditions sont parfaitement claires.

1) En ce qui concerne, en premier lieu, le caractère économique de l'opération, la condition posée par la loi est celle de la réalité du motif économique de l'opération et non de sa pertinence. Ainsi le ministre sera-t-il amené à vérifier cette réalité et non à juger au fond de l'intérêt économique de l'opération. Cette condition ne laisse place à aucune subjectivité. Elle est en outre nécessaire, dès lors qu'il s'agit de ne pas accorder le régime de faveur à des opérations purement patrimoniales. Cette condition est, enfin, en parfaite conformité avec la directive communautaire du 23 juillet 1990 relative aux fusions, scissions, apports partiels d'actif et opérations d'échanges de titres.

2) En second lieu, le texte prévoit un mécanisme de suivi permettant à l'administration de conserver le droit d'imposer les plus-values placées en sursis d'imposition par les sociétés apporteuses et bénéficiaires de l'apport. Le recours à l'agrément reste possible pour celles des opérations qui ne peuvent satisfaire aux conditions du régime de plein droit. L'agrément permet alors d'aménager, en fonction des circonstances particulières de l'opération, les obligations incombant aux sociétés apporteuses et bénéficiaires de l'apport.

De la sorte, les plus-values en sursis d'imposition restent effectivement taxables, comme dans le régime de plein droit. Cette condition ne donne à l'administration aucun pouvoir discrétionnaire. Elle lui permet seulement d'organiser le sursis d'imposition en fonction des contraintes particulières qui conduisent les sociétés à ne pas se placer sous le régime de plein droit. Il en est notamment ainsi en cas de filialisation d'établissement stable français par une société étrangère. En effet, dans ce cas, il serait impossible à l'administration, dans le régime de plein droit, d'assurer la taxation ultérieure des plus-values de cession des titres détenus par cette société dès lors que celle-ci n'est pas astreinte aux obligations fiscales françaises.

3) On soulignera enfin que la rédaction adoptée met bien en évidence que l'agrément est de droit dès lors que les conditions fixées par la loi sont remplies. Le ministre devra donc fonder sa décision d'agrément sur les critères objectifs que la loi a définis et qui ne peuvent donner lieu à aucune appréciation subjective ou discrétionnaire.

Ainsi, le paragraphe 3 nouveau de l'article 210 B du CGI conférera au ministre le seul pouvoir de s'assurer, conformément à l'objectif poursuivi par le législateur, que les opérations qui lui sont présentées satisfont aux conditions fixées par la loi. Il en résulte que le législateur n'a pas méconnu sa compétence et que l'article 22 est conforme à la Constitution.

VI - Sur l'article 59

A) L'article 59 insère, dans le code général des impôts, un article 302 bis ZE créant une contribution sur la cession des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives à un service de télévision. Assise sur les recettes perçues au titre de la cession du droit de diffusion, cette imposition est mise à la charge des titulaires de ce droit.

L'article 59 prévoit en outre que ce prélèvement est affecté au fonds national pour le développement du sport. En choisissant une telle affectation, le législateur a entendu permettre une certaine péréquation des ressources entre les différentes fédérations sportives.

Pour contester cette disposition, les auteurs de la saisine font valoir qu'elle méconnaît le principe de nécessité de l'impôt, dans la mesure où le produit attendu de ce prélèvement ne pourra pas, selon eux, apporter une aide significative aux clubs sportifs amateurs, compte tenu du nombre élevé de ceux-ci.

B) Cette argumentation est inopérante, car aucune norme s'imposant au législateur ne subordonne la validité d'une imposition à son affectation.

Lorsque, comme en l'espèce, une imposition appréhende une matière imposable spécifique, sa conformité à la Constitution est assurée, dès lors, d'une part, que la détermination de son assiette repose sur des critères objectifs et rationnels, et d'autre part, que la taxe est destinée, comme toute imposition, à financer des dépenses d'intérêt général.

1) Sur le premier point, on observera que le prélèvement assujettit une catégorie homogène de contribuables, le fait que la taxation n'atteigne que les droits encaissés en France n'étant en rien contraire au principe d'égalité.

2) Par ailleurs, et contrairement à ce que semblent considérer les auteurs de la saisine, la question de la constitutionnalité d'une imposition est totalement indépendante de celle de son affectation : aucune norme constitutionnelle n'exige qu'une recette spécifique soit affectée au financement de dépenses ayant un lien avec le prélèvement en cause. C'est au demeurant ce que le Conseil constitutionnel vient de juger dans sa décision, déjà citée, du 21 novembre 1999, à propos de l'affectation du produit de la taxe générale sur les activités polluantes au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales. On rappellera d'ailleurs que le principe est plutôt, au contraire, celui de l'universalité, auquel le législateur peut toutefois déroger, sous la réserve que pose l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 : lorsqu'une affectation est prévue au sein du budget de l'Etat, il appartient à la loi de finances de la décider, ce que l'article 59 fait en l'espèce.

Mais, même dans une telle hypothèse où une recette spécifique vient financer des dépenses regroupées au sein d'un compte d'affectation spéciale, la conformité à la Constitution d'une telle affectation n'est nullement subordonnée à l'existence d'un lien quelconque entre l'objet du prélèvement et les dépenses que ce compte a pour mission de financer : il suffit que le compte en cause finance des dépenses d'intérêt général, ce qui est évidemment le cas en l'espèce.

Le législateur peut donc se déterminer en fonction de considérations purement financières, sans qu'aucune disposition de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, ni aucune exigence constitutionnelle, ne lui imposent de rechercher une corrélation ou une adéquation entre l'objet du prélèvement et la nature de la dépense.

Dans le domaine des comptes d'affectation spéciale, de nombreux exemples témoignent de l'affectation de recettes qui, tout en ayant le caractère de "ressources particulières", au sens de l'article 25 de l'ordonnance organique, n'ont pas de lien spécifique avec les dépenses retracées au sein de ce compte : ainsi, le fonds national pour le développement du sport est-il alimenté également par un prélèvement sur les jeux de hasard, qui concourt d'ailleurs aussi au financement du fonds national pour le développement de la vie associative ; de même le fonds national pour le développement des adductions d'eau est-il, de longue date, alimenté par un prélèvement sur le pari mutuel sur les hippodromes.

La circonstance qu'en l'espèce, il existe une corrélation entre l'objet du prélèvement, qui porte sur des recettes réalisées à l'occasion de manifestations sportives, et sa destination, qui contribuera au financement d'actions en faveur du sport, ne découle que d'un choix fait, en opportunité, par le législateur. L'on ne saurait donc en critiquer utilement le bien-fondé en se fondant sur des hypothèses relatives à la manière dont les sommes ainsi prélevées pourraient être dépensées.

VII - Sur l'article 91

A) Le II de l'article 91 insère, dans le code général des impôts, un article L 13-0 A précisant la nature des informations que les agents de l'administration des impôts peuvent demander aux personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l'article 226-13 du code pénal.

Pour contester cette disposition, les sénateurs, auteur du second recours, font valoir qu'elle ne comporte pas de garanties suffisantes. Ils estiment, à cet égard, que le terme " informations " a un champ d'application très large. En outre, la rédaction du texte n'offrirait pas de garanties de confidentialité à la personne bénéficiaire des prestations, la réserve de l'article 226-13 du code pénal étant insuffisamment claire.

B) Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.

1) En premier lieu, il résulte des termes mêmes du nouvel article L 13-0-A - comme d'ailleurs de son objet, qui est de concilier le respect des secrets protégés par la loi avec l'objectif constitutionnel de lutte contre la fraude fiscale - que les seules informations que les agents de l'administration des impôts pourront demander sont celles " relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes " perçues par les professionnels concernés. Le législateur a, en outre, pris soin de compléter cette énumération par l'interdiction expresse, faite à ces agents, de " demander des renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes ".

On soulignera d'ailleurs que le projet de loi prévoyait aussi la demande de " tous documents ", mais qu'un amendement du rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale lors de la première lecture de la deuxième partie du projet de loi a supprimé ces termes. Les débats sur cet amendement, adopté avec l'accord du gouvernement, montrent clairement que le législateur " dans un souci d'apaisement " a souhaité " limiter les demandes de l'administration aux informations et supprimer les documents " (J.O. A.N. débats, 1ère séance du 22 novembre 1999, page 9857).

Le moyen tiré de l'absence de précision sur les " informations " visées par le II de l'article 91 manque donc en fait.

2) Tout aussi vaine est, en second lieu, la critique fondée sur une prétendue ambiguïté du texte quant à l'application de l'article 226-13 du code pénal : d'une part, en effet, les interdictions posées par ce texte et les sanctions qu'il prévoit sont d'application générale, et s'appliqueraient donc à ceux qui s'affranchiraient de ces interdictions dans l'application de l'article L 13-0 A, sans qu'il soit besoin de le rappeler, d'autre part, la loi a, en l'espèce, précisément fait référence à l'article 226-13 afin d'identifier sans ambiguïté les " personnes dépositaires du secret professionnel " que vise le nouvel article L 13-0 A.

Les moyens invoqués à l'encontre de l'article 91 par le recours des sénateurs ne pourront donc qu'être écartés.

VIII - Sur l'article 94

A) L'article 94 de la loi de finances réforme, en les unifiant, les différents régimes d'imposition des plus-value de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux applicables aux particuliers dans la gestion de leur patrimoine privé.

Afin de rendre ce régime d'imposition plus simple, et plus accessible, la loi procède à un réécriture de dispositions qui étaient auparavant réparties entre plusieurs articles différents, en reprenant certaines des règles qui étaient auparavant en vigueur. L'article 94 insère dans le code général des impôts un article 150-0 A qui prévoit l'assujettissement à l'impôt sur le revenu, à un taux de 16 %, des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux réalisées par les particuliers dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé lorsque le montant annuel des cessions est supérieur à 50 000 F. En deçà de cette limite, les plus-values sont exonérées d'impôt sur le revenu.

Aux yeux des députés requérants, ce nouveau dispositif méconnaît l'article 13 de la " Déclaration universelle des droits de l'homme " en ne prenant pas en compte la situation familiale du contribuable et, par là-même, ses facultés contributives.

B) Cette critique n'est pas fondée, car elle se méprend sur la portée exacte du dispositif contesté.

On soulignera d'abord que cet article n'institue aucune imposition nouvelle. Procédant d'une inspiration voisine de celle de la codification, il réalise la fusion à droit constant de régimes d'imposition existants.

Aussi, le seuil d'imposition que contestent les requérants figurait déjà à l'article 92 B du code général des impôts, issu de la loi n° 76-660 du 19 juillet 1976, et modifié notamment par la loi n° 78-688 du 5 juillet 1978 et par la loi n° 82-1126 du 29 décembre 1982. Fixé à l'origine à 150 000 F et indexé sur le barème de l'impôt sur le revenu jusqu'en 1995, le seuil de cession a progressivement diminué de 345 800 F en 1995, à 200 000 F en 1996, à 100 000 F en 1997 (article 71 de la loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995 portant loi de finances pour 1996) et à 50 000 F à compter du 1er janvier 1998 (article 77 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998).

Contrairement à ce que suggère l'argumentation des saisissants, il ne s'agit nullement d'une mesure d'assiette. En réalité, l'objectif que s'est fixé le législateur depuis 1978 par l'instauration du mécanisme du seuil de cession est un objectif de simplification de l'impôt sur le revenu. Ce mécanisme apparaît en effet comme le mieux adapté pour éviter de faire peser des obligations déclaratives sur des contribuables qui réalisent des cessions de faible montant.

Pour atteindre un tel objectif, il n'est ni pertinent, ni nécessaire sur le plan constitutionnel de moduler le seuil en fonction de la composition du foyer.

En effet, le dispositif qu'ils contestent n'a pas le caractère d'un abattement à la base. A la différence d'un abattement, qui a pour effet de modifier l'assiette d'un revenu soumis à l'impôt, le mécanisme du seuil de cession intervient comme un élément de la définition du champ d'application. Le franchissement du seuil de 50.000 F de titres cédés sur l'année distingue les contribuables qui seront éventuellement imposables, dans la mesure où ces cessions auront fait apparaître des plus-values de cession éventuelles, de ceux qui ne le seront pas, parce que la modestie du montant de leurs transactions justifie qu'ils soient dispensés de rechercher si les cessions réalisées se sont traduites par des pertes ou par des gains et, le cas échéant, de déclarer ces derniers.

Or, autant l'assiette de l'impôt peut parfois se prêter à l'exercice de " conjugalisation ", et l'abattement sur les dividendes d'actions prévu au 3 de l'article 158 du code général des impôts (8.000 F pour les contribuables célibataires, veufs et divorcés et 16.000 F pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune) en est un exemple très clair, autant la détermination du champ d'application de l'impôt suivant la situation de famille du contribuable n'obéirait à aucune logique pertinente.

A cet égard, le critère choisi pour définir le champ d'application de l'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières a véritablement cet effet, et ne commande nullement, même de manière indirecte, l'assiette de l'impôt. Il n'y a en effet aucune corrélation immédiate entre le montant des cessions et celui des plus-values. Bien plus, le dépassement du seuil de cession, parce qu'il fait entrer le contribuable dans le champ d'application de l'impôt, permet seul la prise en compte ou le report des éventuelles moins-values ; les moins-values réalisées par un contribuable dont les cessions n'atteignent pas le seuil de 50 000 F ne sont pas dans le champ d'application, et elles ne sont ni imputables ni reportables. Ce dernier élément montre d'ailleurs qu'une " conjugalisation " du seuil ne se ferait pas exclusivement au bénéfice du contribuable.

Le mécanisme du seuil de cession est ainsi une règle de champ d'application qui peut, selon les cas, s'avérer favorable ou défavorable aux contribuables. Elle remplit l'objectif de simplification qui lui est assigné, sans méconnaître le principe d'égalité devant l'impôt.IX -Sur l'article 96

A) Afin de ne pas laisser exemptes de toute taxation locale les activités saisonnières éphémères à caractère commercial, l'article 96 de la loi de finances pour 2000 offre aux communes d'exercice de ces activités la possibilité d'instituer une taxe ponctuelle dont le régime est défini par les nouveaux articles L 2333-87 à L 2333-90 insérés dans le code général des collectivités territoriales.

Pour contester cet article, les auteurs des recours soutiennent qu'en retenant comme base de l'impôt un critère de superficie du local accueillant l'activité saisonnière qui, selon eux, ne tient pas compte des facultés contributives des personnes concernées, le législateur a méconnu les articles 13 et 14 de la Déclaration de 1789.

Ils considèrent également que le dispositif d'exonération visant les redevables de la taxe professionnelle exerçant leur profession dans la commune comporte une imprécision porteuse de risques de détournement. Cette disposition introduirait en outre une discrimination à l'égard des autres contribuables exerçant le même type d'activité saisonnière.

Ils font également valoir que texte ne tient pas compte de la durée d'installation et risque de se traduire par plusieurs impositions d'un même commerçant saisonnier au cours d'une seule année.

Enfin, la saisine des sénateurs estime excessif et dangereux, au regard des garanties sur lesquelles les contribuables sont en droit de compter, le pouvoir reconnu aux communes en matière de perception et de contrôle de cette taxe.

B) Ces critiques appellent les observations suivantes.

L'objet de l'article 96 est d'instaurer, au regard des impôts locaux, une égalité de traitement entre les contribuables qui exercent des activités commerciales saisonnières et ceux qui exploitent de façon traditionnelle un commerce.

En effet, le défaut d'assujettissement à une quelconque taxation locale des contribuables qui exercent des activités saisonnières induit des distorsions de concurrence entre commerçants, puisque les uns contribuent aux charges publiques, tandis que les autres échappent à toute contribution, alors qu'ils bénéficient des services et structures de la collectivité d'accueil de leur activité.

La taxe instituée par l'article 96 corrige donc une situation inéquitable et poursuit ainsi une finalité conforme au principe défini à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme.

L'assiette de la taxe est déterminée par la surface du local ou de l'emplacement constitutif de cette installation. Elle est ainsi logiquement constituée par cet élément physique, seul aisément appréhendable, eu égard au caractère éphémère des activités visées. Le principe d'égalité devant les charges publiques ne s'oppose pas à ce que le législateur choisisse une base d'imposition fixe en fonction de la superficie occupée par l'activité considérée. Ce principe est d'ailleurs celui retenu pour l'ensemble des impôts locaux. Il est objectif et paraît pertinent au regard des activités assujetties à la taxe.

Il convient en outre d'observer que les griefs d'inconstitutionnalité relevés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998, lors de l'institution d'une taxe identique dans le cadre de la loi de finances pour 1999, ont été pris en compte par le législateur. La fixation du tarif par les communes fait l'objet d'un encadrement prévu par la loi. De surcroît, seul l'exploitant saisonnier est le redevable réel de l'impôt, la mention du conducteur figurant dans la deuxième phrase du nouvel article L 2333-87 devant nécessairement s'entendre comme visant celui qui exploite une activité s'exerçant dans un véhicule.

Par ailleurs, c'est à tort que les députés requérants font valoir que celui qui procédera à trois opérations sur l'année se verra imposer trois fois, puisque la loi dispose que la taxe est due annuellement, et ne peut donc être perçue plusieurs fois par une commune au titre d'une même année.

Enfin, on voit mal en quoi le rôle donné aux communes dans la mise en oeuvre de ce dispositif serait incompatible avec les garanties dont les contribuables doivent bénéficier, alors que la décision précitée du Conseil constitutionnel a admis, dans son principe, que le législateur confère de telles attributions à ces collectivités.

X - Sur l'article 103

A) L'article 103 de la loi contestée complète le barème des majorations fiscales figurant à l'article 1728 du code général des impôts en ajoutant, à celles qui visent les personnes qui se sont abstenues, malgré mise en demeure, de déposer une déclaration ou de présenter un acte, une majoration de 80% applicable en cas de découverte d'une activité occulte.

Le recours des sénateurs estime que cette sanction porte atteinte à la présomption d'innocence, qu'elle introduit un risque de confusion avec les autres pénalités instaurées par le code général des impôts et viole les principes de proportionnalité et de nécessité.

B Aucun de ces moyens ne peut être retenu.

1) En premier lieu, la présomption d'innocence n'est en rien atteinte. L'existence d'une pénalité n'implique en aucune façon qu'il existe un renversement de la charge de la preuve. L'administration devra toujours démontrer que le contribuable concerné exerçait une activité professionnelle de manière occulte. Les droits de la défense sont également respectés, puisque cette majoration ne pourra être mise en recouvrement avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration fait connaître à l'intéressé, en application de l'article L 80 D du livre des procédures fiscales, les raisons pour lesquelles elle estime que cette majoration doit s'appliquer.

2) En deuxième lieu, l'instauration de cette pénalité ne modifie en rien la procédure d'imposition, qui est toujours organisée par l'article L. 68 du livre des procédures fiscales. De plus, la notion d'activité occulte, contrairement à ce qu'affirment les auteurs de la saisine, est déjà présente dans différents textes du livre des procédures fiscales (articles L. 12, L. 47 C et L. 169) et sa définition ne comporte aucune ambiguïté. L'activité occulte est celle d'un contribuable qui " n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce " (Art. L. 169 du livre des procédures fiscales). Ce contribuable est, alors, également inconnu des administrations sociales.

3) En troisième lieu, l'instauration de cette pénalité répond à une véritable nécessité, dans la mesure où elle vient combler un vide juridique, et respecte le principe de proportionnalité, d'autant que son taux est cohérent avec celui des autres sanctions fiscales.

Actuellement, l'exercice d'une activité de manière entièrement occulte est moins sévèrement sanctionné que des comportements consistant à déposer des déclarations minorées ou à déposer ses déclarations hors délai. L'article 1728 du code général des impôts prévoit une pénalité de 40 % pour les contribuables qui ne déposent pas de déclaration dans les trente jours d'une mise en demeure et une pénalité de 80 % pour ceux qui ne déposent pas de déclaration dans les trente jours d'une seconde mise en demeure. L'article 1729 du code général des impôts instaure une pénalité de 40 % pour les contribuables qui déposent des déclarations mais dont la mauvaise foi a été reconnue et une pénalité de 80 % pour ceux qui se sont livrés à des manœuvres frauduleuses. Rien n'est prévu en revanche pour les contribuables qui exercent leur activité de manière totalement occulte et au détriment du budget de la sécurité sociale et de l'Etat.

Les nécessités de lutte contre l'économie souterraine imposaient de remédier à cette anomalie. Avant le vote de l'article 103, un contribuable qui exerçait une activité occulte et qui déposait une déclaration dans les trente jours d'une mise en demeure ne se voyait appliquer aucune autre majoration que celle de 10 % prévue par l'article 1728. L'instauration de cette nouvelle pénalité, loin de porter atteinte à la proportionnalité des peines, rétablit l'équilibre entre la gravité de l'infraction et l'ampleur de la sanction. C'est pourquoi son taux a été fixé à une niveau cohérent avec celui des autres pénalités sanctionnant des comportements similaires.

4) Enfin, il n'y aura pas confusion des pénalités. Ainsi, un contribuable ne pourra se voir imposer concurremment la pénalité de 80 % sanctionnant une activité occulte et la pénalité de 40 % ou 80 % sanctionnant l'absence de dépôt des déclarations après mise en demeure. C'est pourquoi cette pénalité a été introduite au 3 de l'article 1728 du code général des impôts. Visant une hypothèse différente, elle constitue une pénalité alternative et non cumulative par rapport aux pénalités existantes.

XI - Sur l'article 106

A) L'article 106 insère, dans le code général des impôts, un nouvel article 1740 ter A destiné à réprimer plus efficacement les manquements en matière de facturation pour l'établissement de la TVA : d'une part, il sanctionne les omissions ou inexactitudes constatées dans la rédaction des factures que doivent établir les professionnels, par la création d'une amende de 100 F par omission ou inexactitude, le montant de la pénalité étant plafonné au quart du montant de la facture ; d'autre part, il permet à l'administration fiscale d'appliquer cette sanction à l'issue d'une procédure de droit d'enquête.

Les sénateurs auteurs de la seconde saisine contestent la possibilité ainsi offerte d'appliquer cette sanction dans le cadre d'une procédure de droit d'enquête. Ils estiment que le nombre des amendes applicables dans le cadre de cette procédure ne doit pas être étendu et que l'application, dans ces conditions, de cette amende porte atteinte aux droits de la défense et au principe de la procédure de redressement contradictoire.

B Ces critiques ne sont pas fondées, dès lors que les requérants se méprennent sur la portée de ce dispositif.

1) En premier lieu, le but de la mesure est uniquement de permettre l'application, à l'issue d'un droit d'enquête, d'amendes adaptées au type de contrôle effectué. Le droit d'enquête permet de rechercher dans une entreprise les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les professionnels assujettis à la TVA. Les différentes sanctions instaurées concernent uniquement ces manquements : amende de 5000 F pour le défaut de tenue et de présentation des registres obligatoires (article 1725 A du code général des impôts), amende de 50 % des sommes concernées pour l'établissement de fausses factures ou la vente sans factures (article 1740 ter du code général des impôts) et amende de 100 F pour les factures présentant des omissions ou inexactitudes (article 1740 ter A du code général des impôts).

Seules les infractions aux règles de facturation sont ainsi concernées. L'exercice par l'administration de ce droit d'enquête spécifique n'a ni pour objet, ni pour effet, d'établir des suppléments d'imposition. Il ne peut donc, en aucun cas, déboucher sur des pénalités sanctionnant des manquements de nature fiscale, tels que des dissimulations de recettes par exemple. Ce type de sanctions continue à ne pouvoir être appliqué qu'à l'issue d'une procédure de vérification ou de contrôle prévue par les dispositions du livre des procédures fiscales.

L'article 106 étant étranger à la notion même de redressement, le moyen tiré d'une atteinte à la procédure de redressement contradictoire est donc inopérant.

2) En second lieu, contrairement aux affirmations des requérants, le dispositif prévu ne porte pas atteinte aux droits de la défense. L'administration est toujours tenue d'apporter la preuve des omissions ou inexactitudes constatées. C'est ainsi que la notification doit comporter tous les éléments de droit et de fait permettant au contribuable de contester la position de l'administration. En outre, le texte prévoit expressément que le contribuable dispose d'un délai de trente jours avant la mise en recouvrement pour faire valoir ses observations. Il rappelle enfin explicitement le droit de réclamation.

On rappellera, au demeurant, que cette procédure est strictement identique à celle de l'article 1740 ter, qui a été validée par la décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997 dans laquelle le Conseil constitutionnel souligne " que le principe constitutionnel des droits de la défense s'impose à l'autorité administrative sans qu'il soit besoin, pour le législateur, d'en rappeler l'existence ".

Enfin, l'appareil de sanctions ainsi créé s'inscrit dans le strict cadre du principe de proportionnalité que le Conseil constitutionnel avait rappelé à cette occasion.

XII - Sur l'article 107

A) L'article 107 de la loi de finances pour 2000 abroge l'article L 80C du livre des procédures fiscales qui rendait nuls les redressements et poursuites fondés sur l'intervention d'un agent d'une administration fiscale d'un pays étranger.

Le recours des sénateurs estime que cette disposition porte atteinte à la souveraineté nationale.

B- Cette critique n'est pas fondée, dès lors que, là encore, les requérants se méprennent sur la portée de l'article qu'ils contestent.

1) En premier lieu, contrairement à ce qui est affirmé, la suppression de l'article L 80 C n'a pas pour effet direct d'autoriser les agents des administrations fiscales étrangères à intervenir dans les procédures de redressement concernant les contribuables nationaux. Le contrôle d'un contribuable français ne peut être effectué que sur la base des procédures de contrôle et de redressement prévues par le livre des procédures fiscales. En l'occurrence, l'article L. 45 donne pouvoir de contrôle aux seuls agents de l'administration fiscale française. En conséquence, les contribuables continuent à bénéficier de tous les droits et garanties qui leur ont été accordés par le législateur.

Il n'y a donc aucune atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, ni transfert de compétence à des instances communautaires ou d'autres pays européens.

2) En second lieu, il convient de souligner que le Parlement n'a souhaité l'abrogation de cet article que pour faciliter l'adhésion de la France à la Convention du Conseil de l'Europe du 25 janvier 1988 concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale. L'adhésion à cette convention n'étant pas effective, il paraît prématuré de se prononcer quant à ses effets sur l'étendue de la souveraineté nationale.

Au surplus, la convention n'institue pas davantage la possibilité pour une administration fiscale étrangère d'effectuer des contrôles en France. Elle se limite à prévoir la possibilité, pour un fonctionnaire étranger, d'assister à des opérations de contrôle, comme le montrent les termes mêmes de son article 9 : " 1 A la demande de l'autorité compétente de l'Etat requérant, l'autorité compétente de l'Etat requis peut autoriser des représentants de l'autorité compétente de l'Etat requérant à assister à la partie appropriée d'un contrôle fiscal dans l'Etat requis. 2 Si la demande est acceptée, l'autorité compétente de l'Etat requis fait connaître aussitôt que possible à l'autorité compétente de l'Etat requérant la date et le lieu du contrôle, l'autorité ou le fonctionnaire chargé de ce contrôle, ainsi que les procédures et conditions exigées par l'Etat requis pour la conduite du contrôle. Toute décision relative à la conduite du contrôle fiscal est prise par l'Etat requis ".

En définitive, la suppression de l'article L 80 C du livre des procédures fiscales n'enfreint aucun principe constitutionnel, ne porte aucune atteinte à la souveraineté de l'Etat français et ne donne aucune compétence aux agents des administrations fiscales étrangères pour contrôler les déclarations des résidents français.

*

Aucun des griefs invoqués à l'encontre de la loi de finances pour 2000 n'étant de nature à en justifier la censure, le Gouvernement estime que le Conseil constitutionnel ne pourra que rejeter les recours dont il est saisi.

Les sénateurs soussignés défèrent au Conseil Constitutionnel la loi de finances pour 2000, définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le 21 décembre 1999.

Les sénateurs soussignés demandent au Conseil Constitutionnel de décider notamment que les articles [dans la numérotation définitive] 3, 20, 21, 57, 67, 69, 91, 96, 103, 106 et 107 ne sont pas conformes à la Constitution, notamment pour les motifs développés ci-dessous ainsi que de se saisir de tout autre article dont il lui paraîtrait opportun de soulever d'office la conformité à la Constitution.

Article 3

Cet article soumet à imposition les indemnités versées aux salariés ou aux mandataires sociaux à l'occasion de la cessation de leurs fonctions.

Cet article méconnaît le principe selon lequel les impositions doivent être proportionnées aux facultés contributives des contribuables. En effet, la fraction de ces indemnités destinées à réparer le préjudice subi ne saurait entrer dans le champ de ces facultés contributives. Or, la fixation d'un seuil d'imposition en valeur absolue, quel que soit son montant, porte gravement atteinte au principe selon lequel les indemnités qui ont le caractère de dommages-intérêts ne sauraient être soumises à l'impôt sur le revenu. En effet, le seuil retenu ne peut prétendre marquer la définition absolue d'un niveau de préjudice erga omnes.

En outre, ce seuil crée une inégalité de traitement entre les contribuables, selon que les indemnités perçues se situent en-deçà ou au-delà du seuil.

Dans une décision du 27 décembre 1973, le Conseil constitutionnel a examiné la disposition de l'article 180 de la loi de finances pour 1974, qui ne permettait pas au contribuable d'établir sa bonne foi si les bases d'impositions excédaient 50 % de la limite de la dernière tranche du barème de l'imposition sur le revenu.

Il a constaté que cette disposition « porte atteinte au principe de l'égalité devant la loi contenu dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le Préambule de la Constitution. ».

En outre, le principe de l'égale répartition de la contribution en raison des facultés, s'il n'interdit pas au législateur de mettre à la charge d'une ou plusieurs catégories socioprofessionnelles déterminées une certaine aide à une ou plusieurs autres catégories socioprofessionnelles, s'oppose à une rupture caractérisée du principe d'égalité devant les charges publiques entre tous les citoyens.

Article 20

Cet article a pour objet d'augmenter le taux de la quote-part de frais et charges à 5 % du produit total des participations pour l'application du régime mère-fille de l'impôt sur les sociétés.

L'assiette de calcul retenue par la législation française pour le calcul de la quote-part de frais et charges prévue par la nouvelle rédaction de l'article 216 du code général des impôts sur les produits distribués par une filiale à sa mère dans le cadre du régime mères et filiales, outre qu'elle n'est pas conforme à celle prescrite par la directive n° 90/435/CE du 23 juillet 1990 concernant le régime des sociétés mères et filiales, est source de distorsion de traitement au détriment des sociétés mères françaises détentrices de participations dans des sociétés françaises et en faveur de celles qui détiennent des participations dans des sociétés de droit étranger ne disposant pas d'un système équivalent à l'avoir fiscal.

En effet, l'article 216 du CGI dispose que cette quote-part est fixée à 5 % du produit total des participations, crédits d'impôt compris.

En raison de l'inclusion de l'avoir fiscal dont sont assorties les distributions de sociétés françaises dans cette assiette, le pourcentage de dividendes à réintégrer dans l'assiette imposable de la société mère atteint 7,5 % des dividendes (l'avoir fiscal étant égal à 50 % de ceux-ci). Les sociétés mères seront donc imposées sur 7,5 % des dividendes reçus de leurs filiales françaises, alors qu'à produit égal, les sociétés mères de filiales établies dans un autre Etat membre supporteront une imposition sur une assiette limitée à 5 % si les produits qu'elles reçoivent n'ouvrent pas droit à l'avoir fiscal.

Selon un considérant classique, le juge constitutionnel affirme que le principe d'égalité « ne s'oppose, ni à ce que le législateur règle de façons différentes des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. »

Le présent article doit être analysé en fonction de ce considérant.

Le Conseil Constitutionnel a estimé qu'il y avait méconnaissance du principe d'égalité lorsque le législateur traite de façon différente des contribuables placés dans des conditions quasiment identiques, ce qui doit être retenu en l'espèce.

Article 21

Cet article prévoit un nouveau dispositif de neutralisation de la diminution du taux de l'avoir fiscal au regard du précompte mobilier. Ce dispositif prévoit que lorsque les sommes distribuées donnent lieu chez la société distributrice au paiement du précompte ( par exemple, si la société mère redistribue des dividendes issus d'une filiale étrangère), l'avoir fiscal octroyé aux actionnaires personnes morales (au taux de 40 %) est rehaussé de 20 % du montant du précompte acquitté, ce qui le ramène à son montant normal, c'est-à-dire 50 %.

Or, bien qu'elle soit favorable aux actionnaires qui en bénéficient, cette correction crée une discrimination et donc une rupture de l'égalité entre les actionnaires selon l'origine des dividendes distribués.

En effet, un actionnaire attributaire d'un dividende prélevé sur des bénéfices réalisés en France (donc, ne donnant pas lieu au paiement du précompte) sera plus durement traité qu'un actionnaire touchant un dividende prélevé sur des bénéfices réalisés à l'étranger, puisque le second bénéficiera, grâce au mécanisme de neutralisation du précompte acquitté au taux de 50 % d'un avoir fiscal de 50 %, contre 40 % pour le premier.

Article 57

Cet article institue une affectation des redevances sur l'édition des ouvrages de librairie et sur l'emploi de la reprographie au Centre national du Livre.

Le constituant a entendu faire en sorte que les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat et posé au sein du budget deux principes fondamentaux, celui d'universalité et celui de l'unité. Ce dernier principe commande à son tour une règle de principe, l'interdiction des affectation de recettes à des dépenses particulières, hors du budget de l'Etat.

La multiplication des démembrements administratifs et la règle selon laquelle des prélèvements obligatoires pourraient, sans contrariété avec la Constitution, leur être affectés limitent considérablement, et abusivement, la portée de ces principes. Le Conseil constitutionnel s'est par ailleurs souvent prononcé contre ces démembrements et préconisé à ce titre des opérations de « rebudgétisation ».

Il convient, pour ces motifs, de censurer l'article 57.

Article 67

Cet article est relatif à l'équilibre général du budget. Il ne respecte pas, dans son volet recettes, l'obligation de sincérité du budget et des comptes, dont le principe a été reconnu par le Conseil constitutionnel à plusieurs reprises.

Les évaluations de recettes associées au projet de loi de finances ne tiennent pas compte de la tendance très dynamique des encaissements en 1999, ainsi que du niveau effectif de la croissance économique en 1999, phénomènes sous-estimés par le Gouvernement alors qu'ils étaient perceptibles dès le dépôt du projet de loi de finances.

En outre, le Gouvernement a admis, le 20 décembre 1999, une sous-évaluation des recettes pour 1999. Il aurait dû, dès qu'il avait eu connaissance de cette sous-évaluation, soit le 15 décembre selon ses affirmations, proposer une réévaluation des recettes du projet de loi de finances pour 2000 en discussion en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale le 17 décembre.

Il apparaît ainsi que la sincérité du projet de loi de finances doit être appréciée à tout stade du débat parlementaire. Le Gouvernement doit réviser ses évaluations en fonction de l'évolution des données dont il a connaissance et qui influent sur les recettes et l'équilibre, la sincérité de la loi s'appréciant au jour de son adoption. Défini le 15 septembre en fonction des données connues alors, l'équilibre du projet de loi de finances aurait donc du être adapté en fonction de l'évolution de ces données jusqu'à la nouvelle lecture de l'Assemblée nationale.

Article 69

Cet article est relatif aux mesures nouvelles en dépenses ordinaires des services civils. Il ne respecte pas le principe de sincérité budgétaire, notamment en ce qui concerne le titre IV du ministère de l'emploi et de la solidarité, II. Santé et solidarité.

Le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de se prononcer sur la sincérité du budget dans sa décision n° 94-351 DC du 29 décembre 1994.

Dans son 4ème considérant et les suivants, il a vérifié qu'il n'y avait pas méconnaissance des règles d'affectation fixées par l'ordonnance du 2 janvier 1959. Il a alors censuré la pratique de la non budgétisation de dépenses certaines. Dans son 6ème considérant, il a fait remarquer que « considérant que le respect des règles d'unité et d'universalité budgétaires ainsi énoncées s'impose au législateur ; que ces règles fondamentales font obstacle à ce que des dépenses, qui [...] présentent pour lui un caractère permanent ne soient pas prises en charge par le budget ou soient financées par des ressources que celui-ci ne détermine pas [...] ».

Dans son 16ème considérant, il a examiné s'il y avait eu dissimulation de charges publiques. Dans son 19ème considérant, il a examiné attentivement s'il y avait sous-évaluation de certaines dépenses.

En conséquence, le Conseil constitutionnel se reconnaît le droit de contrôler la crédibilité des prévisions de recettes et de l'évaluation des dépenses.

Or, dans le cas d'espèce, le Gouvernement a annoncé deux dépenses nouvelles en 2000, qu'il n'a pas voulu inscrire dans le projet de loi de finances. Il s'agit de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire et d'une subvention à la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) pour financer le fonds d'action sociale des travailleurs salariés.

Ces deux éléments viennent altérer la sincérité du budget de la santé et de la solidarité en sous-estimant volontairement ses dépenses familiales réelles d'environ 5,7 milliards de francs.

La première mesure a été annoncée par le Premier ministre lors de la conférence de la famille le 7 juillet 1999 et concerne la pérennisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS).

L'ARS est une prestation familiale délivrée par la CNAF. Depuis plusieurs années, elle bénéficie d'une majoration exceptionnelle systématiquement reconduite, à la charge de l'Etat, figurant dans la loi de finances rectificative de l'année, et avancée par la CNAF. Le montant de la majoration était de 6,8 milliards de francs en 1999.

L'allocation de rentrée scolaire (ARS)

;1997 ;1998 ;1999 ;2000

Montant total (F) ;1.600 ;1.600 ;1.600 ;1.600

dont majoration (F) ;1.180 ;1.176 ;1.173 ;1.173

Charge CNAF (MMF) ;2,3 ;2,35 ;2,5 ;5

Charge Etat (MMF) ;6,3 ;6,4 ;6,8 ;4,7

Coût total (MMF) ;8,6 ;8,75 ;9,3 ;9,7

Le secrétariat d'Etat au budget a toujours refusé d'inscrire en loi de finances initiale cette majoration en raison de son caractère potentiel : il n'était pas certain que l'Etat déciderait de majorer l'ARS. Or cette année, lors de la conférence de la famille, le Premier ministre a annoncé que cette majoration serait pérennisée et prise en charge progressivement par la CNAF. La ministre de l'emploi et de la solidarité et le rapport de la commission des comptes de la Sécurité sociale ont repris cet engagement qui s'est traduit par la prévision d'une dépense de 2,5 milliards de francs en 2000 à la charge de la CNAF à ce titre. Le solde (4,7 milliards de francs au moins) devrait donc en toute logique figurer dans le projet de loi de finances pour 2000.

La seconde mesure concerne les prestations familiales. Lors de la conférence de la famille, le Premier ministre a annoncé que l'Etat verserait à la CNAF une subvention d'un milliard de francs couvrant les dépenses qu'elle engage pour le Fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles (FASTIF) en guise de contrepartie pour le transfert progressif de la majoration de l'ARS vers la CNAF.

La ministre de l'emploi et de la solidarité a répété cet engagement lors de la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000. Il figure également dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1999. Cependant, ce transfert d'un milliard de francs ne figure pas dans le projet de loi de finances pour 2000. La ministre a expliqué le 10 novembre devant la commission des finances du Sénat que ces crédits seraient inscrits dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000.

Ces deux annonces montrent bien que la sincérité du projet de loi de finances pour 2000 est altérée. Le Gouvernement reconnaît qu'une dépense de 5,7 milliards de francs interviendra en 2000, mais ne l'inscrit pas dans le projet de loi de finances contrairement aux dispositions du quatrième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, aux termes desquelles : « La loi de finances de l'année prévoit et autorise, pour chaque année civile, l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat. »

Article 91

Cet article est relatif à une modification des règles d'opposabilité du secret professionnel à l'administration fiscale.

Le Conseil Constitutionnel a donné au respect de la vie privée une valeur constitutionnelle dans sa décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999. « Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression » ; que la liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée. ».

Le secret professionnel garantit le respect de la vie privée. En conséquence, la remise en cause de ce dernier constitue une atteinte indirecte au respect de la vie privée. L'article 91 doit donc concilier deux objectifs à valeur constitutionnelle, à savoir la lutte contre la fraude et le respect de la vie privée.

Or, cet article ne respecte pas les règles de nécessité et de proportionnalité en raison de sa rédaction très ambiguë. Ainsi, il est prévu que l'administration des impôts peut demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues par les personnes dépositaires du secret professionnel. Or, le terme « d'informations » a un champ d'application très large. En outre, la rédaction proposée pour l'article L. 13-0 A nouveau du livre des procédures fiscales ne permet pas d'apporter les garanties suffisantes en matière de respect de la vie privée malgré la référence aux dispositions de l'article 226-13 du code pénal qui sanctionne la révélation d'une information à caractère secret. En particulier, la rédaction de l'article L. 13-0 A, qui n'exclut du champ des informations à communiquer aux agents des impôts que celles relatives à la nature des prestations fournies, n'offre aucune garantie de confidentialité à la personne bénéficiaire des prestations. La non transgression du secret professionnel n'est, en particulier, pas garantie. En effet, la référence à l'article 226-13 du code pénal devrait constituer une réserve à l'article L. 13-0 A, ce que l'expression « en vertu des dispositions de l'article 226-13 » ne laisse pas entendre.

Article 96

Cet article porte création d'une taxe communale facultative sur les activités commerciales non salariées à caractère saisonnier.

Le Conseil Constitutionnel a déjà censuré à deux reprises la création de cette taxe. Dans sa décision n° 98-402 du 25 juin 1998, le Conseil Constitutionnel a invalidé la disposition pour des raisons de procédure législative. Dans sa décision n° 98-405 du 29 décembre 1998, il a considéré que le législateur avait méconnu l'étendue de sa compétence en fixant de manière imprécise les règles relatives aux modalités de recouvrement de la taxe.

Cette taxe méconnaît le principe d'égalité devant l'impôt :

- la superficie d'un local ou d'un véhicule est indépendante des facultés contributives des redevables ;

- la non-prise en compte de la durée d'installation des activités introduit une inégalité en faveur des activités sédentaires et porte atteinte à la liberté de circulation ;

- les personnes déjà assujetties à la taxe professionnelle pour une activité dans la commune sont exonérées du paiement de cette taxe. Il peut découler de cette mesure une discrimination à l'encontre des autres exploitants d'activités saisonnières, lorsque l'activité saisonnière exonérée est sans rapport avec l'activité principale pour laquelle l'exploitant acquitte la taxe professionnelle dans la commune.

En outre, en accordant aux communes un pouvoir de contrôle et de constatation des infractions aux règles régissant cette taxe, le dispositif prévu à cet article méconnaît les garanties élémentaires dont les contribuables doivent bénéficier.

Article 103

Cet article est relatif aux sanctions fiscales appliquées aux activités occultes.

L'article IX de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen précise que « tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit déclaré coupable ». La présomption d'innocence fait donc partie des principes fondamentaux du droit pénal et de la procédure pénale.

Parallèlement, le régime fiscal français est fondé sur la présomption de bonne foi des contribuables qui constitue l'un des principes fondamentaux du droit fiscal.

Le présent article prévoit une majoration de 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. Son objectif, à savoir la lutte contre la fraude fiscale, a valeur constitutionnelle, mais il doit être concilié avec une autre valeur constitutionnelle, à savoir la présomption de l'innocence. Or, cet article porte atteinte au principe de la présomption de la bonne foi, sans apporter les garanties nécessaires, notamment par une définition des activités occultes. En outre, il introduit une confusion entre les majorations de 40 % et de 80 % prévues à l'article 1728 du code général des impôts liées au refus du contribuable de déposer sa déclaration malgré les mises en demeure et la majoration proposée qui vise à sanctionner le contribuable exerçant une activité occulte sans qu'il soit procédé à une mise en demeure préalable. Il y a donc violation des principes de proportionnalité et de nécessité.

Article 106

Cet article a pour objet de renforcer le dispositif des amendes fiscales en cas d'omissions ou d'inexactitudes.

Le Conseil constitutionnel ne peut accepter le II de cet article qui autorise l'application des amendes prévues au nouvel article 1740 ter A suite à la mise en oeuvre du droit d'enquête (article L. 80 H du livre des procédures fiscales).

En effet, le droit d'enquête ne s'apparente pas à une procédure de contrôle fiscal. Les éventuels manquements relevés lors de cette procédure font l'objet d'un procès-verbal et non de sanctions immédiates.

En conséquence, s'il est acceptable que le droit d'enquête puisse donner lieu à l'application de l'amende prévue à l'article 1725 A du code général des impôts, qui sanctionne le défaut de présentation ou de tenue des registres obligatoires en matière de TVA, le nombre des amendes applicables dans le cadre de cette procédure ne doit pas être étendu.

Lors de l'examen de l'article 56 de la loi de finances pour 1988, le Sénat avait déjà rejeté la disposition qui prévoyait que le droit d'enquête pouvait donner lieu à l'application des amendes prévues à l'article 1740 ter (qui sanctionne les fausses facturations ou la dissimulation d'identité ou d'adresse) et au nouveau 1740 ter A, qui devait sanctionner les omissions ou inexactitudes constatées dans les factures.

Cet article ayant été déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel, l'article 85 de la loi de finances a élargi l'application d'amendes suite à la mise en oeuvre du droit d'enquête aux seules amendes prévues à l'article 1740 ter du code général des impôts.

Pour autant, ce principe reste dangereux dans la mesure où il permet à l'administration fiscale de sanctionner des contribuables sans avoir à engager de contrôle fiscal. Or, le formalisme de cette procédure garantit le respect des droits de la défense, notamment son caractère contradictoire. Le présent article apparaît donc contraire à l'article XVI de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 selon lequel « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée [...] n'a point de constitution ».

A cet égard, il convient de faire remarquer que le nombre des amendes susceptibles d'être appliquées suite à la mise en oeuvre du droit d'enquête s'est encore accru : en effet, l'article 105 de la loi de finances complète l'article 1740 ter du code général des impôts en instaurant une amende de 50 % en cas de non délivrance de facture lors d'une vente entre professionnels.

Cette multiplication des amendes applicables en dehors de la procédure de contrôle fiscal crée une insécurité juridique contraire à l'Etat de droit.

Article 107

Cet article supprime l'article L. 80 du livre des procédures fiscales qui interdit aux agents d'une administration fiscale étrangère d'opérer des contrôles sur le territoire national sous peine de nullité des procédures.

L'article 3 de la Constitution de 1958 dispose que « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».

L'article 88-2 dispose que « sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'Union économique et monétaire européenne ».

Or, la France n'a pas signé la convention du Conseil de l'Europe dite « d'assistance mutuelle en matière fiscale », prévoyant l'intervention de fonctionnaires des administrations fiscales des Etats signataires sur le territoire d'autres Etats signataires.

En outre, la Constitution ne prévoit pas d'abandon de souveraineté en matière de contrôle fiscal.

A contrario, la possibilité pour une administration fiscale étrangère d'effectuer des contrôles en France serait contraire à l'article XV de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui dispose que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».Les députés soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 2000 et lui demandent de la déclarer non conforme à la Constitution pour les motifs ci-dessous énoncés :

I - Absence manifeste de sincérité de la loi de finances pour l'année 2000 :

Le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 94-351 DC du 29 décembre 1994 (Rec p. 140) relative à la loi de finances pour 1995 confirmée par sa décision n° 95-369 DC du 28 décembre 1995 relative à la loi de finances pour 1996, rappelé l'obligation faite au gouvernement de respecter le principe de sincérité budgétaire et donc son obligation d'information pleine et entière du Parlement sur l'état de nos finances publiques.

Ce principe de sincérité s'applique à la loi de finances dans son ensemble, c'est-à-dire en tant qu'acte de prévision comme en tant qu'acte d'autorisation.

Or, la loi de finances pour l'année 2000 adoptée définitivement le 21 décembre 1999 méconnaît de manière évidente ce principe de sincérité sur ces deux volets de l'acte budgétaire et met manifestement en cause la substance même de l'équilibre économique et financier sur lequel les parlementaires sont appelés à se prononcer.

A - Absence de prévisions budgétaires sincères pour l'exercice 2000 :

1 - La loi de finances 2000 sous-évalue les recettes de l'Etat pour l'exercice à venir :

Le budget étant établi par principe pour le prochain exercice, il est nécessaire d'évaluer à l'avance avec le maximum de précision, la nature et le montant des dépenses à effectuer et l'importance des recettes qui pourront être recouvrées. Ce n'est qu'à cette condition que le Parlement, représentant de la Nation, pourra réellement déterminer la charge qui va peser sur les contribuables et donner en conséquence un consentement éclairé. C'est également pour cette raison que l'aspect prévisionnel du budget revêt un caractère obligatoire en finances publiques.

Or, la loi de finances pour 2000 ne répond pas à cette obligation de sincérité de la prévision concernant son volet recettes du fait de la conjonction de deux éléments :

* La sous-estimation certaine des plus values de recettes fiscales pour l'exercice 1999 et par voie de conséquence, le niveau global des recettes fiscales brutes de l'exercice 2000 :

Ce chiffrage des plus values de recettes de l'année en cours est un élément essentiel de calcul des prévisions de l'exercice budgétaire à venir. Il a, en effet, un impact direct sur le montant des recettes inscrites en loi de finances initiale et influence mécaniquement le volet recettes de l'exercice 2000, donc l'équilibre budgétaire.

Or, le gouvernement a volontairement minoré les plus values de recettes fiscales brutes pour l'exercice 1999 et donc sous-estimé le montant des recettes fiscales brutes inscrites en loi de finances 2000.

Tout au long de l'examen du projet de loi de finances pour 2000 au Parlement, le Gouvernement s'est référé aux plus values de recettes pour 1999 calculées sur la base des estimations du mois de juillet dernier, utilisées lors du cadrage budgétaire gouvernemental.

Sur la base de ces estimations calculées à la moitié de l'exercice budgétaire, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a estimé à 11.2 milliards de francs les plus values de recettes fiscales pour 1999 par rapport à la loi de finances initiale, auxquelles il convenait de soustraire le coût des mesures d'allègements fiscaux contenues dans la loi de finances 2000 et applicables dès le 15 septembre 1999, à savoir la baisse de T.V.A sur les travaux d'entretien et de rénovation dans les logements et la baisse des droits de mutations, représentant, d'après le Gouvernement, 5.2 milliards de francs de pertes de recettes fiscales sur trois mois et demi. Le Gouvernement présentait donc, en septembre, un solde de plus values de recettes de 6 milliards de francs.

Or, dès le mois de septembre, cette réévaluation des recettes fiscales nettes de l'Etat au titre de 1999 paraissait nettement insuffisante entraînant mécaniquement une sous-évaluation incontestable du montant total des recettes fiscales attendues en 2000.

D'ailleurs, cette insuffisante révision des recettes de l'Etat au titre de 1999 a été dénoncée tant dans les développements consacrés à cette question par M. Philippe MARINI, rapporteur général du Sénat (Rapport 1999-2000, n°89 tome I p 92-96) que dans les interventions des orateurs de l'opposition lors de l'examen, en première lecture, du projet de loi de finances pour 2000 à l'Assemblée comme au Sénat.

En effet, l'analyse approfondie de l'exécution des derniers exercices budgétaires depuis 1995 montre que le ratio entre les recettes fiscales brutes encaissées au 31 juillet, base de l'évaluation gouvernementale, et les recettes fiscales brutes totales en fin d'exercice est à peu près constant et se situe entre 57.2 et 57.7%.

En conséquence, si l'on calcule le montant des recettes fiscales 1999 sur la base des hypothèses bases et hautes de ce ratio, les recettes brutes pour 1999 devraient osciller entre 1884.2 et 1901.7 milliards de francs.

Après déduction du coût des mesures fiscales applicables à compter du 15 septembre 1999, 5.2 milliards de francs et prise en compte des remboursements et dégrèvements sur la base de l'exercice 98, on aboutit à un niveau des plus values de recettes fiscales nettes au titre de 1999 qui se situe entre 20 et 35 milliards de francs, soit un chiffre au moins trois fois plus élevé que l'évaluation gouvernementale.

La seule raison qui pouvait conduire le Gouvernement à réviser aussi peu le montant des recettes fiscales attendues en 1999 tient au léger fléchissement conjoncturel observé au début de cette année, conséquence des crises financières internationales passées.

Or, il n'est pas imaginable que le Gouvernement ait calculé ses hypothèses de recettes 2000 sur la base de la conjoncture observée au début de l'année 1999, dans la mesure où celui-ci anticipait un phénomène passager et temporaire. D'ailleurs, l'expression de « trou d'air » utilisée par l'ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie pour qualifier ce fléchissement de la croissance en atteste.

Ses propos tenus lors de la discussion générale de la première lecture de la loi de finances pour 2000 à l'Assemblée nationale le confirment (JO Débats assemblée nationale - 1ère séance du 19 octobre 1999 p.7578) : « La crise russe aurait certes une influence, mais qu'elle ne causerait qu'un trou d'air et que nous retrouverions assez vite le rythme de la croissance ».

Facteur aggravant pour le Gouvernement, le caractère temporaire et passager de ce fléchissement conjoncturel avait été prévu plus tôt encore dans l'année 1999. En effet, en mai, dans le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques, le Gouvernement soulignait : « L'économie française devrait renouer dès le second semestre 1999, avec une croissance soutenue. Les derniers indicateurs conjoncturels indiquent l'arrêt de la dégradation du climat dans l'industrie et confirme la vigueur de la consommation ». Ainsi, pour ne prendre que l'exemple de la consommation en produits manufacturés, le rapport reconnaissait sa croissance exceptionnelle au premier trimestre de 1999 (proche de 6% en glissement annuel).

Dès le mois de mai, le Gouvernement savait que le phénomène de « trou d'air »était donc non seulement passager mais qui plus est quasiment terminé, ce que confirmaient tous les conjoncturistes, que la reprise sur la deuxième moitié de l'année serait soutenue. Il n'y avait donc aucune raison de sous-estimer aussi fortement le montant prévisionnel des recettes fiscales attendues en 2000.

En outre, le fléchissement de la croissance n'avait eu aucun impact sur les rentrées de recettes fiscales bien au contraire. L'ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le soulignait lors de la même discussion générale à l'Assemblée : « La croissance est en effet un peu moins forte que prévu, mais les recettes, loin de ne pas être au rendez-vous, sont excédentaires ».

Dans l'exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2000, le Gouvernement évoquait le « niveau élevé des recettes fiscales perçues au premier semestre de 1999 : + 7.8% par rapport à la même période 1998, contre plus 5.7% prévus en loi de finances initiales ». S'agissant de l'impôt sur les sociétés, la progression était encore plus spectaculaire (+33%). Ce phénomène doit être souligné avec d'autant plus d'insistance que la croissance avait faibli par rapport au rythme de 1998 (+3.2%).

Il apparaît clairement que le Gouvernement a volontairement minoré ses révisions de recettes fiscales tout au long de 1999 au point de vider de son sens le projet de loi de finances pour 2000 avant même que celui-ci ne soit voté par les deux assemblées.

En effet, dès le fin du mois d'octobre 1999, les services du ministère de l'économie et des finances ont apporté une nouvelle preuve de la sous-évaluation des recettes fiscales. Si l'on se rapporte aux chiffres publiés par le ministère de l'économie et des finances concernant l'exécution de la loi de finances 1999 sur les 10 premiers mois de l'année, chiffres parus alors que commençait à l'Assemblée nationale l'examen du collectif budgétaire, la manipulation apparaît évidente.

Ainsi, l'exécution budgétaire à la fin du mois d'octobre 1999 montrait une progression des rentrées fiscales de 9.7%, soit 8.7% après remboursements et dégrèvements, donc manifestement supérieur au chiffre prévu en loi de finances pour 2000. Les estimations des services de Berçy apparaissaient donc supérieures de 2 points à celle du ministère de l'économie et des finances.

Cette différence de chiffrage se manifeste d'ailleurs pour l'ensemble des impôts.

Pour l'impôt sur le revenu, le projet de loi de finances rectificative pour 1999 présenté en première lecture à l'Assemblée annonçait une hausse de 7.1% des recettes par rapport au budget initial alors que l'exécution affichée fin octobre 1999 enregistrait déjà une progression de 10.1% par rapport à octobre 1998.

Pour l'impôt sur les sociétés, le Gouvernement annonçait 18.5% de progression sur l'année. Celle-ci s'établissait déjà à 28.1% en octobre 99 par rapport à octobre 1998, soit un écart de 9.6 points.

Mais c'est certainement sur les recettes de T.V.A que l'absence de sincérité des chiffres annoncés par le Gouvernement apparaît la plus évidente. Alors que la croissance est supérieure à 3%, voire atteint 4% en cette fin d'année, que la consommation des ménages est en constante progression selon les déclarations même du gouvernement, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'a pas hésité à affirmer devant l'Assemblée nationale que les recettes de T.V.A. pour 1999 connaîtraient une importante moins value : « on note cependant des moins values sur les autres impôts que j'ai estimé à 11.6 milliards de francs en particulier sur la T.V.A » (JO Débats Assemblée nationale, 1ère séance du 8 décembre 1999 - p 10 690). Or, selon les estimations de recettes de T.V.A affichées par le collectif en première lecture à l'Assemblée, ces recettes devraient progresser de 24 milliards de francs par rapport à loi de finances initiale, soit une hausse de 3.8%. Il convient de plus de rappeler qu'ici encore l'exécution sur les 10 premiers mois de l'année 99 présentée par les services du ministère de l'économie et des finances affichent une augmentation de 4.5%, soit d'ores et déjà 0.7 point de plus que l'estimation annuelle présentée par le collectif initial.

Le Gouvernement et sa majorité ont d'ailleurs ouvertement reconnu le caractère insatisfaisant de ces évaluations budgétaires.

Ainsi, lors de l'examen du collectif 1999 en première lecture à l'Assemblée nationale, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déclaré « Lorsque le Gouvernement évoque une plus value fiscale de 13 milliards de francs par rapport à ce qui figurait dans la loi de finances pour 1999 votée l'année dernière, cela me paraît une estimation prudente. » (JO Débats Assemblée nationale, 1ère séance du 8 décembre 1999 - p 10 705). Cette prudence a d'ailleurs été confirmée par les propos du rapporteur général de l'Assemblée nationale « Cette réévaluation des plus values de recettes fiscales nettes paraît prudente. En effet, lorsqu'on la confronte aux résultats constatés à la fin d'octobre 1999 et à ceux de l'exercice 1998 à la même époque, l'éventualité d'une plus-value plus forte à la fin de l'année ne peut être totalement exclue » (JO Débats Assemblée nationale, 1ère séance du 8 décembre 1999 - p 10 693).

Prudent mais cependant sûr de son fait, le Gouvernement a, tout en affirmant le bien fondé de ses évaluations de recettes lors de l'examen en première lecture du collectif 1999 à l'Assemblée, annoncé en substance qu'un nouveau collectif interviendrait dès les mois de mars ou avril 2000. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a en effet déclaré « J'ai pris l'engagement devant le président et le rapporteur général de la commission des finances, ainsi que devant l'ensemble de la représentation nationale, de faire le point au mois d'avril lorsque nous aurons les vrais chiffres de 1999, c'est-à-dire lorsque nous connaîtrons les recettes des mois de novembre et décembre. S'il apparaît à ce moment là que le Gouvernement a été trop prudent, nous pourrons alors envisager une baisse de la taxe d'habitation pour l'an 2000. » (JO Débats Assemblée nationale, 1ère séance du 8 décembre 1999 - p 10 705).

Il n'aura pas fallu attendre l'expiration de ce délai pour que le Gouvernement réévalue à la hausse, les plus-values de recettes fiscales pour 1999. A la veille de l'examen en lecture définitive de la loi de finances pour l'année 2000 par l'Assemblée nationale, il a, en effet, subrepticement présenté un amendement au Sénat réévaluant ces ressources de plus de 10 milliards de francs. L'introduction de cet amendement devant le Sénat contrevient en outre manifestement à la priorité d'examen donnée à l'Assemblée nationale en matière budgétaire par l'article 39 alinéa 2 de notre Constitution. Compte tenu de l'ampleur de la modification apportée au collectif, une lettre rectificative aurait de plus paru nécessaire.

En conséquence, en augmentant de 10 milliards de francs le chiffre des plus values de recettes pour 1999 initialement fixé à 13 milliards, le Gouvernement déclare 23 milliards de francs en plus values de recettes brutes 99. Il convient d'en déduire les 5,2 milliards de dispositions fiscales applicables dès le 15 septembre 1999, soit un solde après dégrèvements et remboursements de 17,8 milliards de francs. Or, il convient de souligner que lors de son intervention devant le Sénat sur le collectif budgétaire, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a indiqué que ce projet de loi avait été élaboré en novembre « avec une réévaluation de recettes de 10 milliards de francs ». Si l'on tient compte de ce chiffre, les plus values annoncées pour l'exercice 99 par le Gouvernement ne seraient plus que de 20 milliards, soit en recettes nettes de 14,8 milliards de francs.

Dans les deux cas, le chiffre du Gouvernement reste inférieur à l'estimation la plus basse de notre calcul sur la base de la corrélation constante entre l'exécution au mois de juillet et celle de fin d'année et correspond, au plus, à la moitié de notre option haute. Or, compte tenu de l'état d'avancement de l'exercice budgétaire, l'hypothèse la plus haute apparaît aujourd'hui la plus probable du fait du fort taux de croissance observé ces derniers mois, 4% en rythme annuel selon les déclarations du Gouvernement.

Par ailleurs, les raisons invoquées par le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 1999 au Sénat, pour affirmer le bien fondé de son amendement ne permettent pas de justifier cette manipulation et l'atteinte manifeste ainsi portée aux droits du Parlement.

Le ministre de l'économie a ainsi indiqué que le collectif « a été préparé en novembre avec une réévaluation des recettes de 10 milliards de francs. Depuis, nous avons une vision plus précise des recouvrements supplémentaires ».

Si le Gouvernement a établi l'équilibre financier du collectif en novembre, comment a t-il pu continuer à se fonder, lors du débat en première lecture à l'Assemblée (8 décembre 1999) sur les chiffres de recouvrement du 31 août 1999 et non sur les chiffres d'exécution des 10 premiers mois de l'année, fournis dès le début du mois de décembre par ses services et donc connus au moment de l'élaboration de ce collectif ?

Comment justifier d'avoir attendu la veille de l'examen définitif de la loi de finances pour 2000 à l'Assemblée, pour déposer cet amendement de réévaluation au Sénat, alors que dès l'examen de ce texte en première lecture à l'Assemblée, le Gouvernement bénéficie des éléments d'information nécessaires à cette réévaluation ?

La seule raison est la volonté du Gouvernement de se constituer, en sous-estimant les recettes 1999 et donc 2000, un réserve de recettes fiscales, qualifiée par les parlementaires de « cagnotte », au mépris des principes fondamentaux du droit budgétaire d'annualité, d'universalité et de sincérité de la loi de finances.

Le projet de loi de finances rectificative pour 1999 et plus encore l'amendement déposé tardivement au Sénat réévaluant de plus de 10 milliards de francs le montant des plus values de recettes pour 1999 apporte donc une nouvelle preuve de cette manifeste sous-estimation des recettes 2000.

* A cette sous-estimation des plus values de recettes fiscales pour 1999, s'ajoute une absence d'évaluation de l'évolution des recettes fiscales pour l'exercice 2000 :

Un rapide comparatif des chiffres fournis par la loi de finances pour 2000 et la loi de finances rectificative pour 1999 concernant l'évaluation des ressources fiscales brutes sur les trois exercices budgétaires 97, 98, 99 et des prévisions gouvernementales pour 2000 apporte la preuve de la sous-évaluation manifeste des recettes fiscales de l'exercice à venir.

En effet, les recettes fiscales brutes se sont établies en 97, à 1682 milliards de francs.

Elles ont été de 1769 milliards en 98 avec une croissance de 3,2%, soit une progression de 87 milliards de francs.

En 1999, en tenant compte des seules évaluations du Gouvernement, elles devraient s'établir, en incorporant l'amendement de réévaluation de 10 milliards de francs présentés au Sénat, à 1871 milliards avec une croissance de 2,7 voire 2,8%. La différence avec 1998 serait donc, d'au moins, 92 milliards de francs.

Or, la loi de finances pour 2000 prévoit 1877 milliards de francs de recettes fiscales brutes, soit 6 milliards de francs de plus que les évaluations de recettes fiscales 99 présentés par le Gouvernement en fin d'exercice budgétaire.

Il convient de rappeler que la loi de finances pour 2000 se fonde sur une croissance soutenue aux alentours des 3% et que l'ensemble des organismes d'analyse économique situe la croissance de la France pour 2000 aux alentours des 3,5%. Comment peut-on alors expliquer qu'avec une croissance équivalente à celle de 98 et supérieure à celle de 99, la progression des recettes 2000 serait presque 10 fois moins élevée que celle de 99 ? La seule explication est l'absence totale d'évaluation fiable des recettes fiscales par la loi de finances 2000. Au-delà même du principe de sincérité, c'est l'existence même du volet recettes de la loi de finances qui est ici remise en cause.

2 - Le volet « dépenses » de la loi de finances pour l'année 2000, notamment l'évaluation du nombre d'emplois publics, connaît lui aussi des mécanismes de sous-évaluation remettant en cause la sincérité de la loi de finances :

L'ordonnance organique du 2 janvier 1959 précise, comme nous l'avons déjà souligné, dans son article 1er que la loi de finances initiales doit retracer l'ensemble des recettes et dépenses de l'exercice. Son article 32 rappelle en outre que sur le volet dépenses, la loi de finances est accompagné d'un certain nombre d'annexes explicatives qui concernant les mesures nouvelles, doivent justifier « des modifications apportés aux services votés, notamment les crédits afférents aux créations, suppressions et transformations d'emplois ».

A la lecture de la loi de finances pour l'année 2000, le Gouvernement présente, en apparence, un nombre d'emplois publics stable par rapport à celui de 1999. Cette stabilité affichée est justifiée par une importante politique de « redéploiements » des effectifs pour l'exercice 2000, comme cela avait été également en 98 et 99.

Or, cette apparente maîtrise des effectifs de la fonction publique d'Etat dissimule en réalité la création, en trois exercices budgétaires, de 120 000 emplois publics, qui ne respecte pas les termes de l'ordonnance de 1959.

A l'appui de cette analyse, il convient de considérer les manipulations manifestes intervenues dans la gestion des emplois publics au sein du ministère de l'éducation nationale.

Plusieurs techniques de dissimulation ont en effet été ainsi mises en oeuvre. La première consiste à rémunérer des surveillants « sur crédits ». Ce dispositif permet ainsi de dégager artificiellement des postes budgétaires utilisés pour procéder au recrutement de nouveaux surveillants. Pour la loi de finances 2000, 4270 emplois équivalent temps plein supprimés sur le chapitre 3193 article 60 et réintégrés sur un chapitre qui ne comptabilise pas d'emploi en principe. Il convient de plus d'ajouter à ces 4270 postes les 1000 nouveaux surveillants recrutés directement « sur crédits ». Les représentants des personnels de l'éducation nationale, notamment la Fédération syndicale unitaire, ont d'ailleurs dénoncé ces manipulations que le ministre de l'éducation nationale a, lui même, implicitement reconnu dans le journal Le Monde du 24 novembre 1999.

De même, 5 000 « emplois jeunes » payés intégralement sur le budget de l'Etat sont inscrits au budget 2000 sans pour autant que des postes budgétaires aient été comptabilisés à cet effet. Ils s'ajoutent aux 60 000 aides éducateurs recrutés selon le même mécanisme par l'éducation nationale en 98.

Il convient également de signaler que 27 000 maîtres auxiliaires sont, dans le cadre de la loi de finances 2000, rémunérés par des crédits d'heures, alors qu'ils bénéficient d'un contrat permanent.

Enfin, une pratique de plus en plus courante consiste à recruter plus d'enseignants lors d'un concours que le nombre de postes autorisés par le Parlement par l'utilisation de procédés contractuels. Ce mécanisme concerne aujourd'hui plus de 10 000 agents.

Pour le seul secteur de l'éducation nationale, il s'agit ainsi de près de 100 000 emplois non budgétisés officiellement.

Mais, l'éducation nationale n'a pas le monopole de telles pratiques. Ainsi, le ministère de l'intérieur affichera en 2000 un effectif de 20 000 agents de sécurité dont 4150 recrutements supplémentaires pour le prochain exercice budgétaire. Or, alors que la loi du 16 octobre 1997 a qualifié ces personnels d'agents de droit public, ceux-ci ne sont pas comptabilisés en tant que tels par la présente loi de finances. De même, 2000 agents de justice seront (en 2000) recrutés en tant qu'agents de droit public sans pour autant être comptabilisés dans les emplois de ce ministère.

Or, il convient de rappeler que l'article 1er de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 précise que « les créations et transformations d'emplois ne peuvent résulter que de dispositions prévues par une loi de finances ». Cette absence d'intégration de ces emplois publics dans la loi de finances pour 2000 est donc contraire aux dispositions de l'ordonnance de 1959 dont la valeur supra législative a été reconnue par le Conseil constitutionnel selon une jurisprudence constante depuis sa décision n°60-8 DC du 11 août 1960 relative à la taxe radiophonique.

De plus, lors de l'examen de la loi de finances pour 1995, le Conseil constitutionnel a rappelé que toute dépense de l'Etat à caractère permanent doit nécessairement figurer dans la loi de finances (5ème et 6ème considérants de la décision n° 94-351 du 29 décembre 1994).

Or, le caractère permanent de la dépense de personnels est évident, en ce qui concerne les maîtres auxiliaires bénéficiant d'un contrat permanent ou le recrutement d'enseignants en surnombre par rapport aux autorisations votées par le Parlement.

Quant aux diverses utilisations du dispositif dit « emploi-jeunes » pour assurer des missions de service public, le caractère temporaire de ces contrats ne doit pas justifier l'absence de prise en compte de ces agents de droit public dans le budget de l'Etat. Ceci est d'autant plus évident que le Gouvernement vient d'annoncer le lancement d'une réflexion sur la redéfinition des frontières de la fonction publique pour tenir compte de ces emplois et donc en assurer la pérennité.

Ainsi tant sur le plan de l'évaluation des recettes que sur celui des charges permanentes de l'Etat, la loi de finances 2000 porte des atteintes manifestes au principe constitutionnel de sincérité budgétaire et donc aux pouvoirs de contrôle du Parlement. Or, pour que le Parlement puisse exercer effectivement ce contrôle, il doit être correctement informé. Pour cela, il convient que les prévisions contenues dans les documents budgétaires qui lui sont fournies soient suffisamment crédibles, ce qui n'est manifestement pas le cas pour la loi de finances 2000.

Mais l'absence de sincérité de la loi de finances 2000 ne se manifeste pas uniquement au niveau des prévisions budgétaires, elle entache également la fonction d'autorisation de la loi de finances, c'est-à-dire le consentement de l'impôt par les représentants de la Nation.

B - Non respect par le budget 2000 des principes constitutionnels d'unicité et d'universalité de la loi de finances remettant en cause la sincérité même de la loi.

Dans le cadre de l'analyse des prévisions de recettes pour 2000, il a été précédemment démontré la sous-évaluation manifeste, de la part du gouvernement, des recettes fiscales brutes du prochain exercice. Or, l'une des causes premières de cette sous-estimation découle des changements importants d'affectation des recettes fiscales pour l'année à venir.

Comme le souligne, en effet, le rapport du sénateur Philippe MARINI dans son tome I relatif « au budget 2000 et à son contexte économique et financier (p 96-97) », si la loi de finances pour 2000 n'affiche une progression de recettes brutes que de 6 milliards de francs, les recettes effectives pour cet exercice devraient « progresser de 39 milliards de francs par rapport aux évaluations révisées de 1999 » sans tenir compte des 10 milliards de francs de recettes supplémentaires annoncées dans le cadre du collectif.

L'explication de cette importante différence de chiffrage se trouve dans le transfert de 45,2 milliards de francs de recettes fiscales au bénéfice de la sécurité sociale, alors que la loi de finances 2000 ne réintègre au budget de l'Etat, pour se conformer aux prescriptions de la Cour des Comptes et du Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997, que 1,7 milliard de recettes fiscales ( 1 fraction de la taxe sur les bureaux en Ile de France de la totalité de la taxe sur les installations nucléaires de base, et d'autres taxes affectées) et de 8,9 milliards de francs de recettes non fiscales au titre des fonds de concours.

La loi de finances pour 2000 procède donc, de toute évidence à une débudgétisation massive des ressources fiscales en totale contradiction avec deux des principes fondamentaux de notre droit budgétaire, l'unicité et l'universalité de la loi de finances.

Le principe d'unicité se définit en effet comme l'obligation faite au Gouvernement de présenter dans un seul et même document, en l'occurrence la loi de finances, l'ensemble des recettes et dépenses budgétaires.

Affirmé dès l'origine de notre droit budgétaire moderne, il est mentionné à deux reprises par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 et a donc, comme elle, une valeur supralégislative :

Article 2 de l'ordonnance « La loi de finances de l'année prévoit et autorise, pour chaque année civile, l'ensemble des ressources et dépenses de l'Etat » ;

Article 18 « L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général. »

Le principe de l'universalité budgétaire affirmé de manière constante depuis les ordonnances de 1817 pour les recettes et 1822 pour les dépenses et aujourd'hui par l'article 18 de l'ordonnance distingue, quant à lui, au sein de ce budget unique les recettes et les dépenses. Les ressources fiscales doivent ainsi être regroupées en une seule masse affectée au financement de l'ensemble des dépenses. Il a pour corollaire le principe de non-affectation des recettes fiscales ainsi défini par l'ordonnance du 2 janvier 1959 : « Dans tous les autres cas (hors budgets annexes, comptes spéciaux du trésor), l'affectation est exceptionnelle et ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances, d'initiative gouvernementale. Aucune affectation n'est possible si les dépenses résultent d'un droit permanent reconnu par la loi ».

Ces deux principes n'ont pour seuls objectifs que d'assurer d'une part, la clarté de la loi de finances et d'autre part, le contrôle efficace du parlement sur les finances publiques.

Or, la loi de finances pour l'année 2000 méconnaît ces deux principes :

1 - Le non respect du principe d'unicité : la loi de finances 2000 ne dresse pas un tableau exhaustif des recettes et dépenses de l'Etat :

Si l'on analyse, en effet, les recettes et dépenses prévues par la loi de finances et la loi de financement pour l'année prochaine, on constate en effet un mouvement massif de transferts de recettes du budget de l'Etat vers celui de la sécurité sociale.

Selon les éléments concordants des rapports budgétaires sur ces deux textes, la loi de financement de la sécurité sociale bénéficiera ainsi de 60 milliards de recettes fiscales, se répartissant en 15.4 milliards de francs de nouveaux prélèvements et 44.6 de transferts de la loi de finances ainsi répartis :

Impositions transférées depuis le budget de l'Etat en milliards de francs : 44.6

Droits sur les tabacs pour le financement des 35 heures : 39.5

Droits sur les tabacs pour la CMU : 3.5

Droits sur les tabacs pour le fonds amiante : 0.2

Taxe générale sur les activités polluantes (dispositif initial) : 2

Impositions créées : 15.4

Cotisations sociales sur les bénéfices : 4.3

Extension de la taxe générale sur les activités polluantes : 1.2

Contribution de 1.75% sur le chiffre d'affaires santé des organismes complémentaires : 1.8

Taxation des heures supplémentaires dans les entreprises n'ayant pas signé d'accord en faveur de la réduction du temps de travail : 7.5

Total : 60

Or, la loi de finances 2000 ne retrace pas l'ensemble de ces opérations, notamment en ce qui concerne la taxe sur les heures supplémentaires ou encore la cotisation sociale sur les bénéfices que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a pourtant qualifié d'imposition lors de l'examen de la loi de finances 2000 au Sénat (JO Débats Sénat 25 novembre p. 6290).

Par ailleurs, si l'affectation d'une recette fiscale à un établissement public peut à titre exceptionnel être opérée, celles établies par la loi de finances 2000 au bénéfice du fonds de financement des 35 heures institué par l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale doivent être regardés comme contraires au principe d'unicité. En effet on assiste, de plus en plus, à la création par l'Etat d'établissements publics administratifs dotés de l'autonomie financière pour assurer des missions permanentes. Or, cette autonomie financière est largement factice, dans la mesure où les ressources essentielles de l'organisme proviennent de subventions du budget général de l'Etat. il s'agit d'une atteinte à l'unité budgétaire profonde et regrettable, en ce que les opérations retracées dans ces budgets autonomes auraient dû figurer dans le budget de l'Etat.

Le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale créé par la loi du financement de la sécurité sociale 2000 est un établissement public national à caractère administratif et est amené à assurer une mission à caractère permanent. Le transfert de recettes fiscales vers ce fonds doit donc s'analyser comme une opération de débudgétisation, c'est à dire le fait de transférer des dépenses pouvant figurer ou ayant figuré au budget de l'Etat sur d'autres budgets, collectivités locales, établissements publics et organismes privés. Ces opérations sont manifestes dans la loi de finances 2000.

Aussi, la taxe générale sur les activités polluantes a été instituée par l'article 30 de la loi de finances pour 1999. Il s'agissait donc d'une recette fiscale figurant au budget de l'Etat.

Cette même taxe étendue est, cette année affectée au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales. Il en va, de même, pour les parts particulièrement importantes de droit sur les tabacs affectés au fonds de financement des 35 heures, au fonds de financement de la couverture maladie universelle ou encore au fonds d'indemnisation des travailleurs, de l'amiante.

Le caractère pervers de ces transferts de recettes porte, par là même, également atteinte, au principe d'universalité et au principe de non affectation des recettes budgétaires.

2 - Le non respect du principe d'universalité par la remise en cause manifeste du principe de non affectation des recettes.

Il convient tout d'abord de rappeler que le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 93- 328 DC du 16 décembre 1993 relative à l'emploi et à la formation professionnelle, a clairement réaffirmé le caractère exceptionnel des affectations de recettes et la nécessité de faire obligatoirement figurer ce type d'opération dans la loi de finances.

Soulevant d'office ce moyen, le Conseil a, en effet, jugé que l'affectation d'une recette au budget général de l'Etat pour compenser une charge supportée par les caisses de sécurité sociale est une affectation n'entrant pas dans les exceptions définies par l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 et doit, en conséquence, être inscrite au budget de l'Etat :

« Considérant que les droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts constituent une recette de l'Etat inscrite au budget général ; qu'en prévoyant d'en affecter une partie pour compenser une charge supportée par les caisses de la sécurité sociale sans que cette affectation entre dans le cadre d'une des exceptions visées, par l'article 18 de l'ordonnance, le législateur a méconnu le principe de l'universalité budgétaire ».

Sur la base de cette décision, il convient, tout d'abord, de dénoncer l'interprétation initiale qu'en avait faite le gouvernement considérant que le transfert total d'une recette fiscale du budget de l'Etat vers celui de la sécurité sociale, en l'espèce celui de la taxe générale sur les activités polluantes, ne nécessitait pas une disposition d'affectation au sein de la loi de finances pour 2000. Comme l'ont démontré les parlementaires de l'opposition, en particulier M. Gilles Carrez lors de son exception d'irrecevabilité en première lecture de la loi de finances 2000 à l'Assemblée nationale, l'article 18 de l'ordonnance vise l'ensemble des recettes et leur affectation et non le caractère partiel de celle-ci.

Certes, le gouvernement a finalement introduit, en fin de 1ère lecture à l'Assemblée nationale, un article affectant la taxe générale sur les activités polluantes au fonds de financement des 35 heures. Cependant, le caractère obligatoire de l'affectation, quel que soit son montant et de manière toute particulière lorsque celle-ci est totale procédant à une débudgétisation de fait, doit être réaffirmé. En effet, le non respect de ce principe conduirait à permettre au gouvernement de modifier la nature même d'une recette budgétaire comme l'a défendu le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lors de la 1ère lecture à l'Assemblée nationale (JO Débats Assemblée nationale, 2ème séance du 19 octobre 1999 p7617). En réponse à l'exception d'irrecevabilité : « l'article 1er de l'ordonnance, auquel vous vous êtes référé, ne dispose nullement que le budget de l'Etat doive retracer les recettes de sécurité sociale. Dans ces conditions, il est tout à fait normal qu'elles ne soient pas retracée dans le budget ». Une telle interprétation, si elle était confirmée, constituerait une atteinte manifeste au principe de consentement de l'impôt par les représentants de la Nation.

De plus, si la nécessité de respecter, en ce domaine, le mécanisme de l'affectation budgétaire de la recette est ainsi justifiée du point de vue procédural , il convient de s'interroger sur leur constitutionalité quant à leur objet même. En effet, les affectations auxquelles procède la loi de finances pour 2000 entrent dans les cas d'affectation reconnues par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.

L'article 18 de l'ordonnance organique fixe, en effet, le cadre exhaustif des opérations d'affectation.

En dehors du cas des budgets annexes et comptes spéciaux du Trésor, l'affectation doit, en effet, rester exceptionnelle. Par ailleurs, aucune affectation n'est possible si les dépenses résultent d'un droit permanent reconnu par la loi.

Lorsque les transferts de recettes ainsi affectés par la loi de finances initiale atteignent les 60 milliards de francs, il paraît en effet légitime de s'interroger sur le caractère exceptionnel d'une telle procédure.

Par ailleurs, la justification de ces affectations exceptionnelles se trouve dans le lien étroit existant entre la recette affectée et la dépense en cause. On peut aussi prendre comme exemple, l'affectation traditionnelle, jusqu'à la loi de finances 2000, de la taxe de défrichement au fonds forestier national.

Or, les affectations auxquelles procède la loi de finances 2000, ne répondent manifestement pas à cette condition.

On peut en effet, légitimement s'interroger sur la justification de l'affectation de la taxe générale sur les activités polluantes créée par la loi de finances 1999 au nom de la fiscalité écologique et du principe « pollueur payeur » pour un an après, financer la réduction autoritaire du temps de travail.

De même, l'affectation de la quasi totalité des droits portant sur les tabacs, dont l'augmentation est traditionnellement justifiée par la lutte contre le tabagisme, peut être légitime lorsqu'il s'agit de financer les 35 heures, la couverture universelle ou encore la lutte contre l'amiante.

Certes, la décision du Conseil de 1993 précédemment visée permettant l'affectation d'une partie des droits sur les tabacs au fonds de solidarité vieillesse ou celle de la contribution de remboursement de la dette sociale pourrait paraître justifier de telles affectations.

Cependant, l'analyse de ces précédents démontre leur absence de similitude avec les affectations opérées par la présente loi de finances.

En effet, si l'on se réfère à la reprise par l'Etat de la dette de la sécurité sociale, partielle en 1993 dans le cadre du fonds de solidarité vieillesse puis avec le CRDS en 96, la jurisprudence du Conseil (93-330 DC du 29 décembre 1993) a défini cette affectation comme une simple opération de trésorerie de l'Etat effectuée conformément aux articles 6 et 15 de l'ordonnance organique précitée.

Les affectations auxquelles procède la loi de finances pour 2000, de part leur ampleur ne peuvent s'assimiler, cette fois à de simples opérations de trésorerie.

Enfin, il convient de s'interroger sur la compatibilité de ces mesures au regard de l'interdiction d'affectation de recettes lorsque les dépenses résultent d'un droit permanent reconnu par la loi. Le caractère permanent est en effet manifeste, en ce qui concerne le financement de la couverture maladie universelle ou celui du financement des 35 heures. Or, dans sa décision n° 95-369 DC du 28 décembre 1995 relative à la loi de finances pour 1996, le Conseil a censuré, sur le fondement de cette distinction entre dépenses permanentes et non permanentes, la débudgétisation de certaines dépenses de personnel.

Tant dans son aspect prévisionnel que dans celui de l'autorisation des prélèvements obligatoires, la loi de finances apparaît donc non sincère et remet en cause la fiabilité de l'article d'équilibre sur lequel les parlementaires ont été appelés à se prononcer.

Le caractère massif et répétitif, voire occulte de ces dérogations aux principes de notre droit budgétaire ne permet en effet plus au Parlement, et par la même à la Nation, d'avoir une vision globale de l'état de nos finances publiques, du niveau de nos prélèvements obligatoires et donc au final, de l'exactitude des charges pesant sur les contribuables.

C'est pourquoi, au nom du respect du principe de sincérité budgétaire et des pouvoirs de contrôle du Parlement, les députés soussignés demandent au Conseil de mettre fin à ces dérives en déclarant l'article d'équilibre de la loi de finances pour 2000 non conforme à la constitution et par voie de conséquence, l'ensemble du présent texte budgétaire.

Il est, en effet, aujourd'hui urgent de mettre fin à cette débudgétisation progressive de nos recettes fiscales, qui s'inscrit en totale contradiction avec le nécessaire processus de rebudgétisation des fonds de concours affirmé par le conseil constitutionnel dans sa décision relative à la loi de finances pour 1998 (97-395 DC du 30 décembre 1997).

Il convient d'ailleurs de remarquer que le processus de réintégration des fonds de concours dans la loi de finances a été, cette année, relativement limité et que le gouvernement a refusé d'apporter à l'Assemblée les éléments d'information nécessaires à ses travaux concernant les fonds de concours, restant à intégrer (cf : Rapport Henry CHABERT n°1861 annexe 16 p24 et suivantes).

Par ailleurs, le rétablissement des pouvoirs de contrôle du Parlement sur l'état de nos finances publiques au sens large devrait, à terme, conduire à la fusion de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale initiales. Comme l'ont appelé de leurs voeux de très nombreux parlementaires tant à l'assemblée qu'au Sénat et comme l'a reconnu, lors de son audition devant la commission des affaires sociales du Sénat, le premier président de la cour des comptes en précisant qu'il est « désormais nécessaire d'établir un budget consolidé des collectivités publiques correspondant à l'ensemble des prélèvements obligatoires ».

Il n'appartenait pas à l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 ni à celle de 1996, de fixer la liste exhaustive, par nature, des dépenses et recettes relevant de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale. Cependant, la multiplication des requalifications et réaffectations en tant que dépense ou recette à caractère budgétaire ou social sur des montants particulièrement importants d'une année sur l'autre, nuit aujourd'hui de manière manifeste, au bon examen de ces lois et à leur clarté.

Ces procédés contreviennent donc manifestement à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi reconnu par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999.

En acceptant ces requalifications annuelles, on soumet par ailleurs le périmètre de chacune de ces deux lois aux aléas des alternances et des rapports au sein de la majorité. Les périmètres budgétaire et social deviendraient ainsi une pure donnée politique qui ne s'inscrirait plus dans un cadre juridique précis. Dans ce cas, tout contrôle réel de la structure de ces lois, de leur articulation et donc de l'état de nos finances publiques deviendrait impossible et rendrait le débat parlementaire illusoire.

II - Plusieurs articles spécifiques doivent également être déclarés non conformes à la Constitution en ce qu'ils contreviennent à certains de nos principes fondamentaux :

A - L'article 22 relatif aux fusions de sociétés doit être déclaré non conforme à la constitution pour incompétence négative du législateur.

Cet article réforme en effet le régime des fusions de sociétés défini depuis la loi n°65-566 du 12 juillet 1965 et prévu par l'article 210 B. Ce dispositif permet aussi aux entreprises de procéder à certaines restructurations (fusions, apports partiels d'actifs, scissions) sans qu'il en résulte une imposition. L'accès à un tel dispositif résultait , jusqu'à la présente loi de finances, de l'octroi d'un agrément ministériel.

L'article 22 de la loi de finances 2000 fait de ce régime fiscal d'exception le régime de droit commun pour toute session dans laquelle la société bénéficiaire de l'apport s'engage à conserver, pendant trois ans, les titres reçus en rémunération de son apport et à calculer la plus-value de cession sur ces titres par rapport à la valeur notifiée dans ses écritures des actifs apportés. Dans ce cadre, l'obligation d'agrément ministériel est dorénavant supprimée.

Si par contre l'opération de fusion ne répond pas à ce double engagement, le bénéfice de ce régime fiscal nécessitera l'octroi d'un agrément ministériel délivré, sous conditions, que :

1 - l'opération visée est justifiée par un motif économique, se traduisant notamment par l'exercice, pour la société bénéficiaire de l'apport d'une activité autonome ou l'amélioration des structures, ainsi que par une association entre les parties,

2 - l'opération n'a pas comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux, la fraude ou l'évasion fiscale,

3 - les modalités de l'opération permettent d'assurer l'imposition future des plus-values mises en sursis d'imposition.

A la seule lecture des conditions ainsi énoncées, leur caractère particulièrement large et subjectif, soumet l'octroi de l'agrément au seul pouvoir discrétionnaire du ministre, qui aura donc, comme dans le régime antérieur, une totale liberté de l'accorder ou de le refuser.

En effet, aucune précision n'est apportée dans l'article de la loi de finances, sur les critères économiques qu'utilisera l'administration fiscale pour apprécier le bien fondé économique de l'opération et de l'effectivité des objectifs poursuivis en terme d'autonomie de l'activité concernée et d'amélioration des structures de la société. Or, ces critères doivent être remplis pour justifier du respect de la 1ère condition d'agrément fixée par la loi.

De même la condition selon laquelle « les modalités de l'opération doivent permettre d'assurer l'imposition des plus-values mises en sursis d'imposition » paraît contradictoire. En effet, l'imposition des plus-values résulte, à l'évidence, des déclarations auxquelles sont astreintes les entreprises concernées et non aux conditions même de l'apport partiel d'actif. Or, ces obligations déclaratives sont définies par le 3 de l'article 210A qui renvoie expressément à l'article 210 B.

En conséquence, le caractère imprécis ou trop vague des conditions justifiant l'octroi de l'agrément permet de redonner, implicitement, la totalité de son pouvoir d'appréciation à l'administration fiscale.

Or, dans sa décision n° 87-237 DC du 30 décembre 1987 relative aux agréments fiscaux, le Conseil constitutionnel a rappelé « qu'à défaut d'autres critères fixés par la loi, l'exigence d'un agrément n'a pas pour conséquence de conférer à l'autorité ministérielle le pouvoir, qui n'appartient qu'à la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution, de déterminer le champs d'application d'un avantage fiscal [...] la fixation des règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.

Le nouveau régime des fusions de sociétés défini par l'article 22 de la loi de finances pour 2000 méconnaît cette obligation d'exercice pleine et entière de la compétence par le législateur, et doit, en conséquence, être déclaré non conforme à la constitution pour incompétence négative.

B - L'article 59 de la loi de finances 2000 instaurant une contribution fiscale sur la cession à un service de télévision des droits de diffusions des manifestations ou compétitions sportives à hauteur de 5% :

Cet article crée un prélèvement de 5% sur les droits de retransmission télévisée des manifestations sportives et physiques afin d'alimenter le Fonds national pour le développement du sport.

La justification de l'établissement de cette nouvelle imposition donnée par le Gouvernement est d'assurer une certaine péréquation des ressources entre les différentes fédérations.

Le secrétaire d'Etat au budget a indiqué lors de l'examen de cet article en première lecture à l'Assemblée nationale (JO Débats Assemblée nationale, 3ème séance du 22 octobre 1999 p. 8018) qu'il s'agissait d'une « mutualisation d'une partie des recettes ». Ce terme de mutualisation employant traditionnellement dans le cadre de mécanismes d'assurance volontaire est étonnant en matière fiscale. Par ailleurs, le ministre a indiqué que cette mutualisation doit permettre de rétablir une « certaine égalité entre fédérations sportives ».

Or, comme l'a souligné, dans son rapport au Sénat, M. Philippe MARINI (Rapport n°89 1999-2000 tome II fascicule 1, p 425 à 430), si les besoins des clubs sportifs amateurs existent réellement, cette nouvelle imposition qui pénalisera fortement le sport professionnel, devrait rapporter en année pleine, 150 millions de francs. Or, le nombre des clubs amateurs dans notre pays est d'environ 171 000. Le produit de la taxe rapporté au nombre de bénéficiaires se limiterait à quelques centaines de francs par club.

Ce chiffre démontre à lui seul que la création de cette nouvelle imposition ne permettra pas, contrairement aux déclaration du gouvernement, de rétablir ne serait ce qu'une certaine égalité de moyens entre les différentes fédérations sportives et ne répond donc pas à l'objectif d'intérêt général censé en justifier la nécessité.

Cet article doit en conséquence être déclaré comme non conforme à la Constitution au motif qu'il ne respecte pas le principe constitutionnel de nécessité de l'impôt.

C - L'article 94 de la loi de finances ne respecte pas le principe de 13 de la déclaration universelle des droits de l'Homme :

Cet article fusionne les différents régimes d'imposition des plus values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux des particuliers, substitue au régime du report d'imposition en vigueur un sursis d'imposition et modifie les modalités d'exercice du contrôle fiscal sur ces opérations.

Si l'objectif de simplification de notre législation fiscale ainsi opérée est louable, il convient de s'interroger sur la non prise en compte dans ce nouveau régime d'imposition de la situation familiale du contribuable.

En effet, l'article 13 de la déclaration de 1789 affirme clairement le principe de la proportionnalité de l'impôt aux capacités contributives du redevable. Ce principe de proportionnalité a d'ailleurs été, à maintes reprises, réaffirmé par la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel. Or, la non prise en compte par l'article 94 de la loi de finances pour 2000 de la situation familiale du contribuable contrevient à ce principe constitutionnel.

D - L'article 96 instituant une nouvelle taxe sur les activités commerciales saisonnières est contraire au principe d'égalité devant l'impôt affirmé par les articles 13 et 14 de la déclaration de 1789 :

Cet article a en effet pour objet de permettre aux communes d'instituer une taxe due par toute personne exerçant une activité saisonnière non salariée, à caractère commercial, sur leur territoire.

Il convient tout d'abord de rappeler que le Conseil constitutionnel a déjà eu à se prononcer à deux reprises sur la constitutionnalité de telles taxes :

- Décision n° 98-402 du 25 juin 1998 relative à la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier de 1998 qui a considéré que l'amendement instituant cette taxe ayant été présenté après la réunion de la commission mixte paritaire, était en conséquence inconstitutionnel au regard des dispositions de l'article 45 de notre Constitution ;

- Décision n° 98-405 du 29 décembre 1998 sur la loi de finances pour 1999 qui a rappelé « qu'il appartient au législateur, sur le fondement de l'article 34 de la Constitution, de fixer les règles de recouvrement des impositions de toutes natures » et que « le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence qu'il tient de la Constitution ». L'article doit donc « sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, être regardé comme contraire à la Constitution ».

Or, l'article 96 de la loi de finances comporte d'importantes imprécisions en matière de recouvrement et de modalités d'imposition. En effet, la taxe, lorsqu'elle s'exerce exclusivement dans un véhicule, est à la charge du conducteur. Or, il s'agit d'une situation de fait et non de droit. Ce dispositif aurait dû prendre en compte non le conducteur mais le propriétaire du véhicule ou le titulaire du contrat de location.

Le dispositif de l'article 96 de la loi de finances pour 2000 apporte certes certaines précisions sur les modalités de recouvrement de cette nouvelle imposition. Cependant, ce nouveau dispositif apparaît contraire au principe de proportionnalité de l'impôt aux capacités contributives du contribuable et au principe d'égalité devant les charges publiques.

En effet, la calcul de cette nouvelle taxe se fera sur la base de la superficie du local accueillant l'activité saisonnière. Or, la superficie d'un local est totalement indépendante des facultés contributives des redevables

De même, l'article 96 exonère de cette taxe sur les activités saisonnières les redevables de la taxe professionnelle exerçant traditionnellement dans la commune. Si ce dispositif a pour objectif d'éviter qu'un même contribuable ne soit imposé deux fois sur son activités par la commune, l'imprécision du texte adopté permet de s'interroger sur les risques de détournement que pourrait comporter cette exonération. En effet, elle pourrait permettre à tout contribuable ayant son activité principale dans la commune de s'exonérer de la taxe sur les activités saisonnières pour toute activité saisonnières alors même qu'elle ne serait pas en rapport avec l'activité principale exercée dans la commune. Cette disposition introduit implicitement une préférence communale et une discrimination vis à vis des autres contribuables exerçant le même type d'activité saisonnière. De plus, un tel dispositif risque d'entraîner des fraudes par le biais de prête-noms.

Par ailleurs, l'exonération de la taxe pour les redevables de la taxe professionnelle sur le territoire communal est valable de manière générale, alors que le dispositif de l'article 96 ne tient pas compte de la durée d'installation de l'activité sur le territoire. En conséquence, un commerçant saisonnier qui procédera à trois opérations sur l'année, se verra imposer trois fois au titre de cette taxe sur la même activité, alors que dans le même temps, l'exonération du paiement de la taxe bénéficiant au contribuable communal est justifiée par la volonté de ne pas imposer deux fois la même activité. Il y a donc manifestement une contradiction entre ces deux argumentations conduisant à créer une inégalité devant l'impôt.

Il convient donc de déclarer l'article 96 de la loi de finances pour 2000 non conforme à la Constitution.

Pour l'ensemble de ces motifs et notamment sur celui de la non sincérité, les députés soussignés demandent au Conseil constitutionnel de déclarer la loi de finances pour 2000 non conforme à la Constitution.


Références :

DC du 29 décembre 1999 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 29 décembre 1999 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi de finances pour 2000 (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°99-424 DC du 29 décembre 1999
Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1999:99.424.DC
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