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03/06/2004 | FRANCE | N°99NC00659

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ere chambre - formation a 3, 03 juin 2004, 99NC00659


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 22 mars 1999 sous le n° 99NC00659, complétée par des mémoires enregistrés respectivement les 20 décembre 1999, 14 avril et 1er décembre 2000 et le 21 mai 2001, présentée pour la COMMUNE DE THIONVILLE, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 29 mars 1999, par Mes Marchessou, Radius Viguier et Marty, avocats au barreau de Strasbourg ;

La COMMUNE DE THIONVILLE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 92/24 du 25 janvier 1999 par lequel

le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à obtenir l...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 22 mars 1999 sous le n° 99NC00659, complétée par des mémoires enregistrés respectivement les 20 décembre 1999, 14 avril et 1er décembre 2000 et le 21 mai 2001, présentée pour la COMMUNE DE THIONVILLE, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 29 mars 1999, par Mes Marchessou, Radius Viguier et Marty, avocats au barreau de Strasbourg ;

La COMMUNE DE THIONVILLE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 92/24 du 25 janvier 1999 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à obtenir la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 18 872 085, 56 francs en réparation du préjudice subi du fait de la fermeture de l'abattoir municipal, ainsi qu'une somme de 10 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 18 501 538, 80 francs majorée des intérêts légaux à compter du 3 janvier 1992, date de l'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif de Strasbourg et d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser 30 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a décidé que l'indemnité consécutive à la suppression de l'abattoir était soumise aux règles d'indemnisation édictées par le décret du 25 mars 1993, alors que le fait générateur du préjudice subi par la commune est antérieur au décret du 25 mars 1993, dans la mesure où il est constitué par la délibération du 21 juin 1990 par laquelle le conseil municipal a décidé de procéder à la suppression de l'abattoir ou, à défaut, par l'arrêté interministériel du 23 septembre 1992 valant accord du gouvernement ; ainsi, seules les dispositions du décret du 29 août 1967 avaient vocation à s'appliquer pour la détermination des modalités d'indemnisation dudit préjudice,

- le solde du préjudice à indemniser s'élève à la somme de 18 501 538,80 francs,

- le décret du 25 mars 1993 est entaché d'illégalité tant au regard des dispositions de l'article 12 de la loi du 8 juillet 1965 que de celles de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales,

- l'Etat s'était engagé à indemniser la commune à concurrence d'un montant fixé à 17 791 205,41 francs ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés respectivement les 26 octobre 1999, 29 mai et 25 juillet 2000, présentés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre conclut :

- au rejet de la requête susvisée ; à cette fin, il soutient que la commune ne peut invoquer l'existence d'une décision implicite de rejet intervenue le 12 août 1991 dans la mesure où un arrêté du 15 avril 1993, postérieur à la date d'entrée en vigueur du décret du 25 mars 1993, lui a attribué une indemnité et que l'administration n'a pas méconnu le principe de non rétroactivité des actes administratifs, que l'article 4 du décret du 25 mars 1993 n'est entaché d'aucune illégalité, que l'évaluation du préjudice est conforme aux dispositions de l'article 1er du décret du 25 mars 1993 et que la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée ;

- à la condamnation de la COMMUNE DE THIONVILLE à lui verser la somme de 10 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 mai 2004, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 65-543 du 8 juillet 1965 relative aux conditions nécessaires à la modernisation du marché de la viande ;

Vu le décret n° 67-729 du 29 août 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi n° 65-543 du 8 juillet 1965, modifié par le décret n° 93-475 du 25 mars 1993 ;

Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;

Vu le code de justice administrative et du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2004 :

- le rapport de Mme Catherine FISCHER-HIRTZ, Premier conseiller,

- les observations de Me X..., du cabinet d'avocats M et R, avocat de la COMMUNE DE THIONVILLE,

- et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la COMMUNE DE THIONVILLE a interjeté appel du jugement en date du 25 janvier 1999 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à obtenir la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 18 872 085,56 francs en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la fermeture de son abattoir municipal ;

Considérant que le décret du 25 mars 1993, pris pour l'application de l'article 12 de la loi du 8 juillet 1965 relative aux conditions nécessaires à la modernisation du marché de la viande, a modifié le décret du 29 août 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application de l'article 12 de ladite loi en fixant le mode de calcul de l'indemnité à laquelle a droit une commune ou un groupement de communes en réparation du préjudice causé par la fermeture d'un abattoir municipal ; que si les dispositions de l'article 4 du décret du 25 mars 1993 sont immédiatement applicables aux abattoirs pour lesquels aucun arrêté d'indemnisation n'a encore été pris à la date d'entrée en vigueur dudit décret, en revanche, les dispositions de ce décret relatives au mode de calcul de l'indemnité ne sont pas applicables aux situations définitivement constituées sous l'empire du décret du 29 août 1967 ;

Considérant que la COMMUNE DE THIONVILLE a, par une délibération du 21 juin 1990, décidé de procéder à la fermeture de son abattoir public, avec effet au 15 juillet 1990 ; que le retrait du plan d'équipement en abattoirs publics de l'abattoir de Thionville a été rendu effectif par un arrêté interministériel du 23 septembre 1992 qui fixe, pour chaque département, les conditions d'implantation rationnelle, de construction, de fonctionnement et de gestion des abattoirs publics ainsi que la liste des établissements publics et privés figurant au plan révisé ; que si le calcul de l'indemnisation consécutive à cette fermeture n'a été établi que le 15 avril 1993, par un arrêté intervenu postérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 25 mars 1993, l'indemnité due à la COMMUNE DE THIONVILLE par l'Etat devait être calculée selon les modalités prévues aux articles 2 et 3 du décret du 29 août 1967, dès lors que la situation de la COMMUNE DE THIONVILLE était définitivement constituée dès le 22 septembre 1992, antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 25 mars 1993 ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 2 du décret du 29 août 1967 : « L'indemnité due à une commune ou à un groupement de communes … doit réparer le préjudice que lui cause la suppression de l'abattoir. Ce préjudice est évalué d'après les modifications positives ou négatives que cette suppression apporte à la valeur du patrimoine de la commune ou du groupement de communes, les pertes, charges ou dépenses qu'elle entraîne, les profits et les ressources qu'elle procure. » ; que, sur le fondement des dispositions sus-rappelées, la COMMUNE DE THIONVILLE réclame le solde d'une somme de 32 378 127,19 francs, représentant, selon elle, son entier préjudice, soit un montant de 18 501 538, 80 francs constitué, d'une part, par la charge financière des intérêts des emprunts bancaires dont la collectivité a dû poursuivre le paiement pour le compte de la société SODEXAT, ex-concessionnaire des abattoirs, à qui elle avait accordé sa garantie, d'autre part, par la perte d'une somme de 1 242 285 francs correspondant à trois années de taxe professionnelle versée par la société exploitant l'abattoir, enfin, par la surévaluation de l'estimation de la valeur vénale de l'abattoir par les services de l'Etat ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la COMMUNE DE THIONVILLE ne saurait prétendre obtenir le remboursement des intérêts liés aux emprunts bancaires dès lors qu'elle n'établit pas avoir dû poursuivre leur règlement après le versement par l'Etat du capital restant dû ; que les conclusions tendant à obtenir réparation du préjudice lié à la non perception de la taxe professionnelle acquittée par la société SODEXAT doivent également être écartées, le préjudice allégué étant dépourvu de caractère direct et certain ;

Considérant, en revanche, que si l'Etat a estimé que le préjudice de la COMMUNE DE THIONVILLE ne s'élevait qu'à la somme de 13 876 588,39 francs, représentant le montant du capital restant dû après la fermeture de l'abattoir, déduction faite d'un montant de sept millions de francs correspondant à la valeur vénale de l'abattoir selon une estimation faite à la date de l'arrêté d'indemnisation par le service des domaines, il convient de tenir compte de l'impossibilité de fait pour la COMMUNE DE THIONVILLE de réaffecter cet ancien bâtiment à un autre usage et de condamner l'Etat à verser en sus à la requérante la somme de sept millions de francs, soit 1 065 449 euros ;

Sur les intérêts et sur les intérêts des intérêts :

Considérant que les sommes qui seront versées à la COMMUNE DE THIONVILLE, en application de la présente décision, porteront intérêt au taux légal à compter du 6 janvier 1992, jour de l'enregistrement par le Tribunal administratif de Strasbourg de sa demande ; que la COMMUNE DE THIONVILLE a demandé, par un mémoire du 14 avril 2000, la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE THIONVILLE est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à obtenir la condamnation de l'Etat à l'indemniser de son préjudice sur le fondement des dispositions du décret du 29 août 1967 ;

Sur les conclusions relatives aux frais exposés à l'occasion du litige et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative qui reprennent celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à la COMMUNE DE THIONVILLE une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 92/24 du Tribunal administratif de Strasbourg du 25 janvier 1999 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à la COMMUNE DE THIONVILLE la somme de un million soixante cinq mille quatre cent quarante-neuf euros (1 065 449 €) assortie des intérêts légaux à compter du 6 janvier 1992. Les intérêts échus à la date du 14 avril 2000 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à la COMMUNE DE THIONVILLE la somme de quatre mille euros (4 000 €) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE THIONVILLE est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE THIONVILLE, au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

6

Code : C+

Plan de classement : 01-08-03

60-01-02-01-01-02


Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: Mme Catherine FISCHER-HIRTZ
Rapporteur public ?: M. ADRIEN
Avocat(s) : CABINET M et R AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Date de la décision : 03/06/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 99NC00659
Numéro NOR : CETATEXT000007568413 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-06-03;99nc00659 ?
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