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30/06/1993 | FRANCE | N°80782;81845

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 30 juin 1993, 80782 et 81845


Vu, 1°) sous le n° 80 782, la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 30 juillet 1986, présentée pour la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, représentée par son président en exercice, à ce dûment autorisé par délibération du conseil de communauté en date du 19 septembre 1986 ; la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement du 26 juin 1986 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses conclusions dirigées d'une part, contre la Société Lyonnaise des Eaux et de

l'Eclairage et la société "Les Chantiers Modernes", d'autre part, cont...

Vu, 1°) sous le n° 80 782, la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 30 juillet 1986, présentée pour la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, représentée par son président en exercice, à ce dûment autorisé par délibération du conseil de communauté en date du 19 septembre 1986 ; la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement du 26 juin 1986 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses conclusions dirigées d'une part, contre la Société Lyonnaise des Eaux et de l'Eclairage et la société "Les Chantiers Modernes", d'autre part, contre la société Térastic ;
- d'ordonner une expertise aux fins de chiffrer le coût des travaux destinés à remédier au préjudice esthétique résultant du rebouchage des fissures et le montant total définitif des réparations exécutées devant incomber intégralement aux entreprises ;
- de condamner les entreprises aux frais d'expertise ;
Vu, 2°) sous le n° 81 845, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 septembre 1986 et 8 janvier 1987, présentés pour LA SOCIETE ANONYME "LES CHANTIERS MODERNES", dont le siège est ..., agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice ; LA SOCIETE ANONYME "LES CHANTIERS MODERNES" demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement du 26 juin 1986 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il condamne solidairement la Société Lyonnaise des Eaux et de l'Eclairage et l'entreprise "LES CHANTIERS MODERNES" à verser à la communauté urbaine de Bordeaux diverses indemnités et condamne l'entreprise "LES CHANTIERS MODERNES" à garantir la Société Lyonnaise des Eaux et de l'Eclairage ;
- de rejeter les demandes présentées devant le tribunal administratif de Bordeaux par la communaute urbaine de Bordeaux ;
- subsidiairement, de réduire l'indemnité allouée et de condamner la Société Lyonnaise des Eaux et de l'Eclairage à garantir la société "LES CHANTIERS MODERNES" ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de la Verpillière, Maître des requêtes,
- les observations de Me Boulloche, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, de Me Thomas-Raquin, avocat de la Société Lyonnaise des Eaux et de l'Eclairage et de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de la Société Les Chantiers Modernes,
- les conclusions de M. Sanson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n° 80 782 de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX et n° 81 845 de la société "LES CHANTIERS MODERNES" sont relatives la réparation des désordres constatés dans certains ouvrages de la station d'épuration du cours Louis Fargue à Bordeaux ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que l'article R. 172 du code des tribunaux administratifs, dans sa rédaction en vigueur à la date du jugement attaqué, prévoit que "les jugements ... visent l'ordonnance de clôture de l'instruction qui a pu être prise et, le cas échéant, l'ordonnance de réouverture" ;
Considérant que l'instruction devant le tribunal administratif de Bordeaux, close par ordonnance du 18 mars 1986, a été réouverte par ordonnance du 27 mars 1986 ; que, contrairement à la disposition précitée du code des tribunaux administratifs, ces ordonnances n'ont pas été visées par les premiers juges ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Sur la responsabilité de la société Terastic :
Considérant que la société Terastic n'est pas partie au marché faisant l'objet du présent litige ; que par suite, la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX n'est pas recevable à demander que la société Terastic soit condamnée à lui verser une somme de 268 148,71 F correspondant à la reprise de travaux de rebouchage des fissures exécutés par cette entreprise et qui se seraient révélés inefficaces ;
Sur la responsabilité de la société "LES CHANTIERS MODERNES" et de la société lyonnaise des eaux et de l'éclairage :

Considérant que, en plus des désordres initiaux qui ont affecté le gazomètre, la chaufferie, les digesteurs primaires et le détendeur stockeur, et qui ont fait l'objet d'un premier jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 12 décembre 1979, de nouvelles fissures sont apparues sur 150 mètres linéaires, puis sur 1 200 mètres linéaires ; que ces désordres, qui sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, engagent sur le fondement de la garantie décennale la responsabilité solidaire de la société lyonnaise des eaux et de l'éclairage, maître d' oeuvre chargé de la direction et du contrôle des travaux, et de l'entreprise "LES CHANTIERS MODERNES", chargée des travaux de génie civil ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le coût des travaux de réfection déjà exécutés s'élève au montant non contesté de 689 307,06 F ; que l'expert chiffre le montant des travaux restant à exécuter à 1 227 493,92 F, dont il y a lieu de déduire la somme de 268 148,71 F correspondant à la reprise d'une partie des opérations de colmatage effectuées par une autre société ;
Considérant que les travaux prescrits n'affecteront pas l'esthétique des ouvrages dans une mesure susceptible, compte tenu de leur destination, d'ouvrir droit à une indemnité supplémentaire ; que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX n'est pas non plus fondée à réclamer l'indemnisation du préjudice tenant à ce que les travaux de réparation ne seraient pas eux-mêmes couverts par une garantie décennale, dès lors qu'elle ne fait état à ce titre d'aucun préjudice direct et certain ;

Considérant en revanche que, compte tenu de la date d'apparition des désordres et de la longévité des ouvrages en béton, il n'y a pas lieu d'appliquer un abattement pour vétusté ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que les travaux de réparation seraient susceptibles d'apporter aux ouvrages une plus-value qu'il faudrait déduire de l'indemnité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant des indemnités dues à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX s'établit à 689 307,06 F au titre des travaux de réfection déjà exécutés et à 959 345,21 F au titre des travaux restant à exécuter ;
Sur les intérêts :
Considérant que, dans ses dernières écritures, la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX demande que les indemnités qui lui sont dues portent intérêts à compter du 1er décembre 1977, date d'enregistrement de son mémoire introductif d'instance ; qu'il y a lieu de faire droit à ces conclusions ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 4 novembre 1987 et 10 février 1989 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Sur le partage des responsabilités entre les constructeurs :
Considérant, en premier lieu, que le jugement du 12 décembre 1979 n'a statué sur l'appel en garantie formé par la société lyonnaise des eaux et de l'éclairage contre la société "LES CHANTIERS MODERNES" que pour ce qui concerne les premiers désordres constatés, qui affectaient principalement le gazomètre et les superstructures du bâtiment chaufferie ; que, par suite, la société lyonnaise des eaux et de l'éclairage n'est pas fondée à soutenir que l'existence de ce jugement, qui est devenu définitif, rend irrecevables les conclusions par lesquelles la société "LES CHANTIERS MODERNES" demande à ce que la société lyonnaise des eaux et de l'éclairage la garantisse des condamnations prononcées contre elle ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la cause principale des désordres réside dans un défaut d'exécution des ouvrages en béton par la société "LES CHANTIERS MODERNES" ; que, cependant, la société lyonnaise des eaux et de l'éclairage devait, en vertu des stipulations de l'article 1-3 du cahier des prescriptions spéciales, "veiller à ce que les ouvrages soient réalisés conformément aux règles de l'art et aux prescriptions du cahier des prescriptions spéciales" ; que les articles 3-8 à 3-12 prévoyaient expressément son intervention à tous les stades du bétonnage ; que, par suite, il y a lieu de mettre à la charge de la société "LES CHANTIERS MODERNES" et de la société lyonnaise des eaux et de l'éclairage respectivement 75 % et 25 % des condamnations prononcées au profit de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX par la présente décision ;
Sur les frais d'expertise exposés en première instance :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre les frais des expertises postérieures au jugement du 12 décembre 1979 du tribunal administratif de Bordeaux, à la charge de la société "LES CHANTIERS MODERNES" pour 75 % et à la charge de la société lyonnaise des eaux et de l'éclairage pour 25 % ;
Article 1er : Le jugement du 26 juin 1986 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La société "LES CHANTIERS MODERNES" et la société lyonnaise des eaux et de l'éclairage sont condamnées solidairement à verser à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX une somme de 689 307,06 F au titre des travaux de réfection déjà exécutés et une somme de 959 345,21 F au titre des travaux restant à exécuter. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 1977. Les intérêts échus les 4 novembre 1977 et 10 février 1989 seront capitalisés à chacune de ces deux dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La société "LES CHANTIERS MODERNES et la société lyonnaise des eaux et de l'éclairage supporteront respectivement 75 %et 25 % des indemnités mentionnées à l'article 2.
Article 4 : Les frais des expertises postérieures au jugement du12 décembre 1979 du tribunal administratif de Bordeaux sont mis à la charge de la société "LES CHANTIERS MODERNES" et de la société lyonnaise des eaux et de l'éclairage dans les proportions indiquées à l'article 3.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX devant le tribunal administratif de Bordeaux et des conclusions de sa requête est rejeté, ainsi que le recours incident de la société lyonnaise des eaux et de l'éclairage et le surplus des conclusions de la requête dela société "LES CHANTIERS MODERNES".
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, à la société "LES CHANTIERS MODERNES", à la société lyonnaise des eaux et de l'éclairage, à la société Terastic et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 80782;81845
Date de la décision : 30/06/1993
Sens de l'arrêt : Annulation évocation indemnités
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-07-03-02 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PREJUDICE INDEMNISABLE - EVALUATION -Evaluation du coût des travaux devant inclure la remise dans un état esthétique convenable compte tenu de la destination de l'ouvrage.

39-06-01-07-03-02 Responsabilité décennale des constructeurs engagée en raison de désordres rendant l'ouvrage impropre à sa destination. L'indemnité allouée au maître de l'ouvrage pour les travaux de réfection rendus nécessaires doit intégrer la remise dans un état esthétique convenable compte tenu de la destination de l'ouvrage.


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs R172


Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 1993, n° 80782;81845
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. de La Verpilière
Rapporteur public ?: M. Sanson

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:80782.19930630
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