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26/01/1977 | CJUE | N°76-76

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Capotorti présentées le 26 janvier 1977., Silvana di Paolo contre Office national de l'emploi., 26/01/1977, 76-76


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. FRANCESCO CAPOTORTI,

PRÉSENTÉES LE 26 JANVIER 1977 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.  Par une question parvenue à la Cour, le 28 juillet 1976, la Cour de cassation de Belgique vous a demandé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, d'interpréter l'article 71, paragraphe 1, b), (ii), du règlement CEE du Conseil no 1408, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communaut

. En substance, cette disposition donne au travailleur en chômage qui retourne dans son pays de résidenc...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. FRANCESCO CAPOTORTI,

PRÉSENTÉES LE 26 JANVIER 1977 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.  Par une question parvenue à la Cour, le 28 juillet 1976, la Cour de cassation de Belgique vous a demandé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, d'interpréter l'article 71, paragraphe 1, b), (ii), du règlement CEE du Conseil no 1408, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté. En substance, cette disposition donne au travailleur en chômage qui retourne dans son pays de résidence le droit de
bénéficier des prestations sociales selon la loi de ce pays, même lorsqu'il n'a existé précédemment aucun rapport d'assurance ou tout simplement de travail dans le cadre de cette loi.

La question d'interprétation s'est posée au cours d'un procès qui oppose une citoyenne italienne à l'Office de l'emploi de Belgique. Ce procès a pour origine le refus de cet organisme de verser à l'intéressée les prestations de chômage qu'elle demande après avoir travaillé quelque temps en Grande-Bretagne et être retournée au domicile familial en Belgique. Il convient de préciser que la demanderesse, née en Italie, s'est transférée en Belgique avec ses parents en 1965, elle y a eu une résidence
stable et elle y a fréquenté les écoles techniques secondaires inférieures (section commerciale) et supérieures (section secrétariat et langues) jusqu'à l'achèvement de ce cycle d'étude (juin 1972). En septembre 1972, elle s'est rendue en Angleterre dans le but principal, semble-t-il, de se perfectionner dans la langue anglaise. Pour couvrir les frais de son séjour, elle a travaillé dans un hôpital en qualité «d'aide domestique» jusqu'à la fin du mois de juillet 1973; puis elle est retournée en
Belgique.

Il ressort de l'ordonnance par laquelle la Cour de cassation belge a posé la question préjudicielle, que, durant son séjour en Angleterre, l'intéressée avait conservé sa résidence chez ses parents en Belgique. Étant revenue habiter chez ces derniers, après onze mois environ, elle a estimé pouvoir bénéficier de l'article 67, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, qui dispose que: «l'institution compétente d'un État membre, dont la législation subordonne l'acquisition, le maintien ou le
recouvrement du droit aux prestations à l'accomplissement de périodes d'assurance, tient compte, dans la mesure nécessaire, des périodes d'assurance ou d'emploi accomplies sous la législation de tout autre État membre, comme s'il s'agissait de périodes d'assurance accomplies sous la législation qu'elle applique, à condition toutefois que les périodes d'emploi eussent été considérées comme périodes d'assurance si elles avaient été accomplies sous cette législation». Il est vrai que le
paragraphe 3 précise que le paragraphe 1 mentionné ne s'applique que si l'intéressé a accompli en dernier lieu des périodes d'assurance selon les dispositions de la législation au titre de laquelle les prestations sont demandées; tandis que, comme nous l'avons vu, la demanderesse avait en dernier lieu travaillé en Angleterre. Mais le même paragraphe 3 excepte le cas prévu par l'article 71, paragraphe 1, b), (ii), cité dudit règlement concernant les droits des travailleurs en chômage qui, durant
leur dernière occupation, ont résidé dans un État membre autre que l'État auquel il appartient de verser les prestations. Selon cette disposition, «un travailleur autre qu'un travailleur frontalier, qui est en chômage complet et qui se met à la disposition des services de l'emploi sur le territoire de l'État membre où il réside ou qui retourne sur ce territoire, bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de cet État, comme s'il y avait exercé son dernier emploi; ces
prestations sont servies par l'institution du lieu de résidence et à sa charge (…)».

Quant à la législation belge, elle accorde l'indemnité de chômage au travailleur qui a totalisé 150 jours de travail ou assimilés au cours des dix derniers mois qui précèdent sa demande.

Le tribunal du travail de Bruxelles, statuant par un jugement du 28 octobre 1974 sur l'action intentée par l'intéressée contre l'Office national de l'emploi, avait estimé que toutes les conditions requises par le droit communautaire et par le droit belge pour reconnaître à la demanderesse le droit aux indemnités demandées étaient remplies.

La cour du travail de Bruxelles, devant laquelle l'Office national de l'emploi a attaqué le jugement précité, a été d'un avis différent. Dans son arrêt du 19 juin 1975, cette juridiction d'appel a estimé que l'intéressée ne remplissait pas les conditions requises par l'article 71, paragraphe 1, b), (ii), cité du règlement no 1408. Elle est parvenue à cette conclusion, en se fondant sur la décision 94 du 24 janvier 1974 de la commission administrative des Communautés européennes pour la sécurité
sociale des travailleurs migrants, qui a donné une interprétation des règles mentionnées plus haut. Nous étudierons sous peu le contenu et la valeur de cette décision.

La Cour de cassation belge, devant laquelle Mlle Di Paolo a intenté un recours contre la décision de la cour d'appel, vous a posé la question préjudicielle suivante:

«Quel sens et quelle portée faut-il donner, dans l'article 71, paragraphe 1, b), (ii), du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil des Communautés européennes aux mots “où il réside ou qui retourne sur ce territoire”, spécialement en ce qui concerne les notions de résidence et de retour sur le territoire; quels sont les critères applicables et à quel moment les conditions de résidence ou de retour sur le territoire doivent-elles être réalisées?»

2.  Par-delà la formulation large et générale de la question préjudicielle, il s'agit en substance d'établir si, dans un cas du genre de celui décrit plus haut, le travailleur en chômage peut invoquer le bénéfice de l'article 71, paragraphe 1, b), (ii), du règlement no 1408/71.

A cet égard, il faut tenir compte du caractère exceptionnel que revêt cette disposition non seulement par rapport à la règle citée de l'article 67, paragraphe 3, du règlement no 1408, mais encore par rapport à l'article 69, paragraphe 1, c), du même règlement. En effet, selon la première de ces dispositions, les indemnités de chômage sont accordées à condition que le travailleur en chômage ait accompli en dernier lieu des périodes d'assurance ou d'emploi, selon les dispositions de la législation
au titre de laquelle les prestations sont demandées. De son côté, la seconde disposition, en définissant les conditions relatives à la conservation du droit aux prestations du travailleur en chômage qui se rend dans un État membre autre que celui auquel il incombe de verser les prestations, limite ce droit à une période maximale de trois mois à compter de la date à laquelle l'intéressé a cessé d'être à la disposition des services de l'emploi de l'État qu'il a quitté. Ce caractère exceptionnel de
la disposition en question a très probablement inspiré la prise de position de la commission administrative des Communautés européennes pour la sécurité sociale des travailleurs migrants, à laquelle, nous l'avons déjà dit, la cour du travail de Bruxelles a attribué une valeur déterminante. Dans sa décision du 24 janvier, applicable à partir du 1er octobre 1972, cette commission a entendu délimiter plus clairement le champ d'application de l'article 71, paragraphe 1, b), (ii), du règlement
no 1408/71. Elle a spécifié, qu'en dehors des travailleurs saisonniers, cette règle s'applique:

a) aux travailleurs des transports internationaux, visés à l'article 14, paragraphe 1, b);

b) aux autres travailleurs exerçant normalement leur activité sur le territoire de plusieurs États membres, visés à l'article 14, paragraphe 1, c);

c) aux travailleurs occupes par une entreprise frontalière, visés à l'article 14, paragraphe 1, d),

lorsqu'ils résident sur le territoire d'un État membre autre que l'État compétent.

Dans les motifs de cette décision, la commission administrative observe que le transfert de la charge des prestations du pays d'emploi à celui de résidence, prévu par l'article 71, est acceptable dans le cas des travailleurs frontaliers et des travailleurs saisonniers ainsi que pour certaines catégories qui conservent les mêmes liens étroits avec le pays d'origine, tandis qu'il ne le serait pas si, par une interprétation extensive du concept de résidence, on faisait entrer dans le champ
d'application de cette règle, tous les travailleurs migrants qui ont un emploi de caractère suffisamment stable dans un État membre et qui ont laissé leur famille dans le pays d'origine. C'est pourquoi, la Commission estime, qu'en dehors des cas qu'elle a indiqués, il faut se fonder sur la présomption qu'un travailleur ayant un emploi suffisamment stable dans un État, y a aussi sa résidence.

Or, pour déterminer la portée de la décision en question, par rapport au cas d'espèce, il faut avant tout établir quelle en est la valeur juridique.

La commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants, prévue par le titre IV du règlement no 1408/71, est chargée, entre autres, de traiter toute question administrative ou d'interprétation découlant des dispositions du présent règlement et des règlements ultérieurs ou de tout accord ou arrangement à intervenir dans le cadre de ceux-ci «sans préjudice du droit des autorités, institutions et personnes intéressées de recourir aux procédures prévues par les législations
des États membres, par le présent règlement et par le traité» (article 81, a).

Un tel organe, pourvu d'attributions identiques, a également été prévu dans le règlement du Conseil no 3 de 1958, qui, comme on le sait, avait précédé le règlement no 1408/71 dans la réglementation de la matière couverte par ce dernier. La Cour a déjà eu l'occasion de se prononcer sur la portée des décisions de cet organe. L'arrêt du 5 décembre 1967, rendu dans l'affaire 19-67 (Van der Vecht, Recueil 1967, p. 458), précise que les décisions de la commission administrative ne peuvent avoir que
valeur d'avis et qu'elles n'ont pas d'incidence sur la validité et le contenu de la réglementation du Conseil. En conséquence, le dispositif de cet arrêt affirme, au point 3, que «les décisions de la commission administrative, prises en application de l'article 43, a), du règlement no 3, ne lient pas les juridictions». Compte tenu de l'identité des fonctions aujourd'hui attribuées à la Commission, prévue par le règlement no 1408/71, le même critère doit aussi valoir pour les décisions qu'elle
adopte en application de l'article 81, a), de ce règlement.

C'est pourquoi, même si l'on suppose que la Commission avait entendu attribuer un caractère limitatif à l'énumération des sujets susceptibles de bénéficier de la disposition de l'article 71, paragraphe 1, b), du règlement no 1408, cela n'obligerait pas les juridictions à adopter une interprétation conforme. Toutefois, il ne semble pas que la décision dont nous discutons ait prétendu énoncer une énumération limitative; elle entendait plutôt fournir des critères pratiques pour l'application de la
disposition citée en se référant à un système de simple présomption pour la détermination de la résidence. Enfin, il convient de tenir compte d'un fait révélé dans cette affaire par l'agent de la Commission des Communautés européennes: la commission administrative réexamine actuellement la matière, en vue d'un accroissement éventuel des catégories de sujets qui, à son avis, pourraient se prévaloir de la présomption de résidence dans un État autre que celui du dernier emploi et bénéficier ainsi
des dispositions de l'article 71.

3.  La question centrale de l'applicabilité de l'article 71, paragraphe 1, b), (ii), à un cas du genre de celui que est en instance devant la Cour de cassation belge, doit donc être examinée en faisant abstraction du fait qu'il n'entre pas dans les catégories indiquées par la commission administrative dans sa décision 94.

Cela dit, nous constatons qu'en définissant une des catégories de travailleurs qui peuvent bénéficier de ce système, l'article 71, paragraphe 1, b), (ii), se sert d'une notion en partie négative («un travailleur autre qu'un travailleur frontalier») et en partie positive: «qui est en chômage complet et qui se met à la disposition des services de l'emploi sur le territoire de l'État membre où il réside ou qui retourne sur ce territoire». Il s'agit sans aucun doute d'une disposition formulée d'une
manière large, au point de faire apparaître, à première vue, qu'il n'est pas approprié d'en limiter l'applicabilité aux catégories énumérées dans la décision 94 de la commission administrative.

Puisque l'élément essentiel pour l'application de la règle en question est celui de la résidence, il faut examiner tout d'abord si la réglementation communautaire relative à cette matière contient des éléments utiles pour l'interprétation de cette notion.

L'article 1 du règlement no 1408/71, qui énonce une série de définitions aux fins de l'application de ce règlement, établit, à la lettre h), que «le terme “résidence” signifie le séjour habituel». Sur la définition identique, déjà contenue dans le règlement no 3, la Cour s'est prononcée dans l'arrêt du 12 juillet 1973 rendu dans l'affaire 13-73 (Angénieux/Hakenberg, Recueil 1973, p. 935). Elle s'était occupée du problème dans la mesure où il s'agissait d'interpréter les articles 1, h), 12 et 13
du règlement no 3, à propos de la situation d'un représentant de commerce français qui, pendant neuf mois de l'année, se déplaçait en Allemagne pour y visiter sa clientèle mais sans y avoir un domicile fixe et passait le reste de l'année en France, où les entreprises représentées avaient leur siège. Le point 3 du dispositif de l'arrêt a précisé que «le terme “résidence” utilisé à l'article 13, paragraphe 1, c), alinéa 1, du règlement no 3 (modifié par le règlement no 24/64) et défini par
l'article 1, h), du même règlement désigne — s'agissant d'un représentant de commerce exerçant une activité du type décrit plus haut — le lieu où il a établi le centre permanent de ses intérêts et où il retourne dans l'intervalle de ses tournées».

Cette solution, correspondant strictement à la situation particulière des représentants de commerce, ne peut pas être transposée purement et simplement à notre cas. Néanmoins, il convient de mettre en relief deux passages des motifs de l'arrêt cité: l'un (le considérant no 29) selon lequel «la résidence doit être déterminée en tenant compte aussi de facteurs autres que professionnels»; l'autre (le considérant no 31) d'après lequel «la possession d'un domicile dans un État membre est à considérer
comme un facteur de stabilité». Il nous semble encore utile de noter la conformité de cette orientation à l'esprit de la résolution adoptée le 18 janvier 1972 par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe concernant l'unification des concepts juridiques de domicile et de résidence. Aux termes du paragraphe 9 de cette résolution, pour déterminer si une résidence est habituelle, il faut tenir compte de sa durée et de sa continuité ainsi que d'autres facteurs de caractère personnel ou
professionnel qui révèlent des liens durables entre une personne et un lieu déterminé. Selon le paragraphe 10 de cette même résolution, l'élément intentionnel, bien qu'il ne soit pas en soi décisif, peut être pris en considération pour la détermination de la résidence.

D'ailleurs la décision mentionnée de la commission administrative admet, elle-même, implicitement, que ce n'est pas le critère matériel de la quantité de temps que le travailleur passe dans un État qui décide de sa résidence. En effet, le travailleur des transports internationaux peut parfaitement passer la majeure partie de son temps dans un État où il exerce son activité, tout en continuant à résider dans un autre État.

L'orientation des droits nationaux de certains États membres de la Communauté confirme l'importance de trois éléments qui aident à clarifier les notions de résidence et le rapport entre résidence et séjour: nous nous référons au caractère de la stabilité, à la valeur de l'intention, à la possibilité qu'une personne séjourne à l'étranger et y ait une occupation, sans pourtant perdre sa résidence initiale.

Pour l'application de l'article 511 du Code français de la sécurité sociale qui subordonne les prestations familiales à la résidence, est réputé résider en France le jeune qui accomplit un séjour à l'étranger, même de longue durée, lorsque celui-ci est nécessaire pour perfectionner sa formation professionnelle, à condition qu'il conserve ses liens familiaux sur le territoire national où il a vécu précédemment de manière permanente (voir article 6 du décret no 65-264 du 29. 6. 1965 — JO 3. 7.
1965, p. 5615 et 5616).

Avant même l'adoption de cette mesure, la Cour de cassation française avait estimé qu'un long séjour à l'étranger pour des motifs d'études n'est pas incompatible avec le maintien de la résidence en France, à condition que ce pays demeure le centre des rapports familiaux de l'intéressé (Cass. civ. 24. 11. 1964, Bull. civ. 1964, II, p. 556).

La législation sociale allemande limite sa sphère d'application par les critères alternatifs du domicile et du séjour habituel; ce dernier équivaut en substance à la résidence. Le lieu où l'intéressé manifeste l'intention de ne demeurer que de manière transitoire est exclu de la notion de séjour habituel (voir article 30, paragraphe 3, du nouveau Code social allemand — Sozialgesetzbuch — loi fédérale du 11. 12. 1975, BGBl I, p. 3020).

Dans le système britannique de sécurité sociale, la notion de résidence désigne le séjour dans un lieu déterminé, présentant un caractère de continuité avec lequel des absences temporaires sont donc compatibles. Aux fins de l'application de cette législation, le bénéficiaire conserve sa résidence en Grande-Bretagne même s'il séjourne à l'étranger, tant qu'il n'a pas manifesté l'intention de l'abandonner, comme ce serait le cas de celui qui ne veut plus y retourner (voir la jurisprudence citée
par Calvert H., Social Security Law, London 1974, p. 42-43).

Sur le plan plus vaste du droit civil, la jurisprudence de la Cour de cassation italienne attache, elle aussi, de l'importance, dans la définition de la résidence, à l'élément subjectif, c'est-à-dire à l'intention de rester, de manière stable, dans un lieu déterminé. Par conséquent, la résidence ne se fonde pas simplement sur le fait matériel de la fixation du domicile, mais encore sur l'intention de donner à celui-ci un caractère stable, résultant des habitudes de vie et du développement de
relations sociales normales (Cass. 17. 1. 1972, no 126, Giust. civ. Mass. 1972, p. 71). Le séjour peut donc avoir une longue durée sans devenir, de ce seul fait, une résidence, lorsqu'il se prolonge pour des raisons d'étude ou de travail, sans intention toutefois de lui conférer un caractère permanent (Cass. 12. 11. 1960 — no 3029, Giust. civ. 1960, p. 1177).

L'élément intentionnel peut résulter en particulier du maintien, dans un lieu autre que celui de séjour, du centre des rapports et intérêts familiaux qui, normalement, se trouvent réunis précisément dans le lieu où vit la famille (Cass. 10. 1. 1964, no 64, Giust. civ. Mass. 1964, p. 30).

Pour en revenir au cas d'espèce, il semble correct d'estimer qu'une personne qui tout de suite après avoir terminé ses études se rend dans un pays étranger pour quelques mois, afin de se perfectionner dans la langue locale qui avait fait l'objet de ses études, ne pourra pas être considérée comme résidente dans ce pays au sens de la réglementation communautaire en raison du seul fait que, pour des nécessités pratiques, elle y a trouvé un emploi temporaire; et moins encore pourra-t-elle l'être
s'il résulte de son comportement qu'elle n'avait pas l'intention de s'établir de manière durable sur le territoire de cet État et qu'elle avait voulu, au contraire, conserver comme centre principal de ses intérêts l'État dans lequel elle avait vécu précédemment et où sa famille, au sein de laquelle elle était toujours restée avant de séjourner à l'étranger, a son domicile et sa résidence.

L'importance prééminente du motif d'étude dans le séjour à l'étranger (que l'on peut également déduire en pratique de la brièveté du séjour et du genre de travail accompli, qui ne correspond pas à la préparation professionnelle de l'intéressée), le maintien du domicile légal à la maison paternelle et le retour dans cette maison, immédiatement après le bref séjour à l'étranger (vraisemblablement dans le but d'y rechercher, après l'expérience pratique acquise dans la langue étrangère, un premier
emploi stable, correspondant à la préparation) constituent, à notre avis, des éléments significatifs, de nature à faire penser que l'intéressée est «retournée dans le pays de résidence», pour employer les termes mêmes de la disposition dont nous discutons.

4.  Pour les motifs que nous avons exposés, nous vous proposons de répondre à la question préjudicielle posée le 28 juillet 1976 par la Cour de cassation belge en disant pour droit que, pour interpréter l'expression «où il réside ou qui retourne sur ce territoire» visée à l'article 71, paragraphe 1, b), (ii), du règlement (CEE) no 1408/71 et, en général, pour déterminer la sphère des bénéficiaires possibles de cette disposition, il faut tenir compte, dans les cas du genre de celui auquel se rapporte
la question, de la stabilité de la résidence du travailleur dans l'État qu'il a quitté pendant quelque temps, de la durée et du but de son absence, du caractère de l'occupation trouvée dans l'État étranger, ainsi que de l'intention de l'intéressé.

Il faut estimer qu'entre, en tout cas, parmi les bénéficiaires de la disposition considérée, quiconque, après la fin des études faites dans le pays où sa famille a son domicile et sa résidence, a effectué un bref séjour à l'étranger, en y exerçant une activité salariée, afin de se perfectionner dans une langue qui avait fait l'objet de ses études et rentre ensuite dans sa famille avec vraisemblablement l'intention de chercher une occupation stable dans le pays où sa famille est elle-même
établie.

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( 1 ) Traduit de l'italien.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 76-76
Date de la décision : 26/01/1977
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - Belgique.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Silvana di Paolo
Défendeurs : Office national de l'emploi.

Composition du Tribunal
Avocat général : Capotorti
Rapporteur ?: Mackenzie Stuart

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1977:10

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