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26/11/1993 | CJUE | N°T-460/93

CJUE | CJUE, Ordonnance du Tribunal de première instance, Etienne Tête et autres contre Banque européenne d'investissement., 26/11/1993, T-460/93


Avis juridique important

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61993B0460

Ordonnance du Tribunal de première instance (première chambre) du 26 novembre 1993. - Etienne Tête et autres contre Banque européenne d'investissement. - Décision de la Banque européenne d'investissement - Recours en annulation - Irrecevabilité. - Affaire T-460/93.
Recuei

l de jurisprudence 1993 page II-01257

Sommaire
Parties
Motifs de ...

Avis juridique important

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61993B0460

Ordonnance du Tribunal de première instance (première chambre) du 26 novembre 1993. - Etienne Tête et autres contre Banque européenne d'investissement. - Décision de la Banque européenne d'investissement - Recours en annulation - Irrecevabilité. - Affaire T-460/93.
Recueil de jurisprudence 1993 page II-01257

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

Recours en annulation - Délibérations de la Banque européenne d' investissement - Recours d' une personne physique ou morale fondé sur l' article 180, sous c), du traité - Irrecevabilité - Protection juridictionnelle assurée par le recours en indemnité

[Traité CE, art. 178 et 180, sous c)]

Sommaire

Selon l' article 180, sous c), du traité, un recours en annulation contre une délibération du conseil d' administration de la Banque européenne d' investissement ne peut être formé que par les États membres ou la Commission. Par conséquent, cette disposition, dont une interprétation plus flexible dépasserait les limites tracées au juge communautaire par son libellé, exclut les recours introduits par des personnes physiques ou morales. Cette exclusion n' a pas pour effet de priver cette catégorie de
requérants d' une protection juridictionnelle efficace, puisque celle-ci leur est assurée par la compétence du juge communautaire pour connaître des litiges en matière de responsabilité non contractuelle de la Banque européenne d' investissement, au titre de l' article 178 du traité.

Parties

Dans l' affaire T-460/93,

Etienne Tête, demeurant à Caluire-et-Cuire (France),

Jean-Pierre Raffin, demeurant à Paris,

Felix Massola, demeurant à Villeurbanne (France),

Louis-Max Duplessy, demeurant à Villeurbanne,

Marie-Louise Guigen, demeurant à Villeurbanne,

Henri Chevaleyre, demeurant à Villeurbanne,

François Meillasson, demeurant à Villeurbanne,

Jean Margerand, demeurant à Villeurbanne,

Jean-Claude Pagand, demeurant à Villeurbanne,

Henri Alloix, demeurant à Villeurbanne,

Groupe des élus verts au conseil régional, établi à Charbonnières-les-Bains (France),

Collectif auto-stop, établi à Lyon (France),

Association sauvegarde de l' Ouest lyonnais, établie à Caluire-et-Cuire,

représentés par Me Jean-Marc Bazy, avocat au barreau de Lyon, et M. Raphaël Romi, professeur agrégé de droit public, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Monique Wirion, 1, place du Théâtre,

parties requérantes,

contre

Banque européenne d' investissement, représentée par M. Xavier Herlin, directeur de la direction des affaires juridiques, en qualité d' agent, assisté de Me Roger O. Dalcq, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de la Banque européenne d' investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

soutenue par

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Maria Condou, membre du service juridique, et par M. Théophile M. Margellos, avocat détaché auprès de la Commission, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Nicola Annecchino, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie intervenante,

ayant pour objet l' annulation d' une décision de la Banque européenne d' investissement du 12 novembre 1991 accordant à la communauté urbaine de Lyon un prêt pour le boulevard périphérique nord de l' agglomération lyonnaise,

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. R. Schintgen, président, R. García-Valdecasas, H. Kirschner, B. Vesterdorf et K. Lenaerts, juges,

greffier: M. H. Jung

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l'arrêt

Les faits à l' origine du recours

1 Le 12 novembre 1991, le conseil d' administration de la Banque européenne d' investissement (ci-après "BEI") a autorisé l' octroi à la communauté urbaine de Lyon d' un prêt pour le financement de sa contribution au projet de boulevard périphérique nord de l' agglomération lyonnaise. Le 15 septembre 1992, un contrat de financement concernant ce projet a été signé entre la BEI et la communauté urbaine de Lyon. Cette signature a fait l' objet d' un communiqué de presse publié par la BEI le même jour.

Les conclusions des parties et la procédure

2 Par requête déposée au greffe de la Cour le 18 novembre 1992, les requérants, dont les noms figurent ci-dessus, ainsi que M. Raymond Puget, demeurant à Vaulx-en-Velin (France), ont formé le présent recours visant à l' annulation, d' une part, de la décision de la BEI ayant autorisé l' emprunt et, d' autre part, du contrat d' emprunt lui-même. Les requérants ont invoqué quatre moyens, tirés de la violation de différentes dispositions du traité CEE et du protocole sur les statuts de la BEI (ci-après
"statuts").

3 Par lettre du 11 février 1993, adressée au greffier de la Cour, l' avocat des requérants a déclaré qu' "il y a lieu de retirer purement et simplement, parmi les requérants, le nom de M. Puget", ce qui équivaudrait "de la part de cette personne à un désistement". Le président de la première chambre du Tribunal a tiré les conséquences de cette déclaration dans une ordonnance rendue le même jour que la présente ordonnance.

4 Par mémoire du 8 mars 1993, la BEI a soulevé une exception d' irrecevabilité en faisant valoir que les conditions de recevabilité prévues par l' article 180 du traité CEE ne seraient pas réunies en l' espèce et que l' article 173 du traité CEE ne serait pas applicable aux actes de la BEI. Subsidiairement, la BEI a fait valoir que les requérants ne justifient pas d' un intérêt direct et individuel à agir et que leur recours a été introduit tardivement.

5 Dans les observations sur l' exception d' irrecevabilité qu' ils ont déposées le 14 avril 1993, les requérants ont soutenu que le recours est recevable.

6 Par demande déposée au greffe de la Cour le 19 mars 1993, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la BEI.

7 Par ordonnance du 14 mai 1993, le président de la Cour a admis la Commission à intervenir à l' appui des conclusions de la BEI.

8 Le 14 juin 1993, la Commission a déposé son mémoire en intervention dans lequel elle a fait valoir l' irrecevabilité du recours.

9 En application de l' article 4 de la décision 93/350/Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993, modifiant la décision 88/591/CECA, CEE, Euratom instituant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 144, p. 21), la Cour, par ordonnance du 27 septembre 1993, a renvoyé la présente affaire devant le Tribunal.

10 Les requérants concluent à ce qu' il plaise au Tribunal:

- annuler la décision de la BEI ayant autorisé l' emprunt et le contrat d' emprunt lui-même;

- condamner la BEI à tous les dépens et à 5 000 écus pour frais de procédure.

La BEI, partie défenderesse, conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- déclarer le recours irrecevable;

- débouter les requérants et les condamner solidairement à tous les dépens.

La Commission, partie intervenante, conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- déclarer le recours irrecevable;

- condamner les requérants solidairement à tous les dépens.

11 Il y a lieu, pour le Tribunal, de statuer sur les fins de non-recevoir dans les conditions prévues à l' article 114, paragraphes 3 et 4, du règlement de procédure. En l' espèce, le Tribunal estime, d' une part, qu' il est suffisamment éclairé par l' examen des pièces du dossier et qu' il n' y a pas lieu d' ouvrir la procédure orale et, d' autre part, qu' il convient d' examiner tout d' abord les fins de non-recevoir tirées de ce que l' article 180 du traité CE s' opposerait à la recevabilité du
recours et de ce que les requérants ne seraient pas directement concernés par la décision attaquée.

Sur les fins de non-recevoir tirées de ce que l' article 180 du traité CE s' opposerait à la recevabilité du recours et de ce que les requérants ne seraient pas directement concernés par la décision attaquée

Arguments des requérants

12 Les requérants exposent que l' article 180 du traité CE n' a pas pour objet d' interdire à un tiers s' estimant lésé par une décision de la BEI d' introduire en recours en annulation. En ce qui concerne la situation, comparable selon eux, des actes du Parlement européen destinés à produire des effets juridiques à l' égard des tiers, la Cour aurait admis la recevabilité d' un recours en annulation par son arrêt du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement (294/83, Rec. p. 1339, point 25). Le raisonnement
de la Cour dans cet arrêt devrait être transposé au cas d' espèce. Par conséquent, l' article 180, sous c), du traité CE devrait être interprété uniquement comme une limitation des pouvoirs procéduraux des États membres et de la Commission. Il ne serait donc interdit ni au Conseil ni à des tiers d' introduire un recours en annulation contre les délibérations de la BEI. Une interprétation inverse aurait pour conséquence que la BEI pourrait violer impunément le traité.

13 Cette interprétation serait confirmée par l' article 29 des statuts, selon lequel "les litiges entre la Banque, d' une part, et ses prêteurs, ses emprunteurs ou des tiers, d' autre part, sont tranchés par les juridictions nationales compétentes, sous réserve des compétences attribuées à la Cour de justice". Sans une possibilité d' intervention des tiers devant la Cour, cet article n' aurait pas de sens pour autant qu' il vise les litiges entre la BEI et des tiers.

14 En outre, l' arrêt de la Cour du 2 décembre 1992, SGEEM et Etroy/BEI (C-370/89, Rec. p. I-6211), par lequel la Cour, tranchant un recours en indemnité formé contre la BEI, a corrigé l' oubli de la BEI dans le libellé de l' article 215 du traité CEE, démontrerait la nécessité d' une interprétation large du traité. Les requérants ajoutent que l' article 173 du traité CEE, applicable - selon eux - à leur recours, a été modifié par le traité sur l' Union européenne. Le nouvel article 173 du traité CE
admettrait la possibilité pour des personnes physiques et morales de former des recours en annulation contre les décisions de la Banque centrale européenne. La BEI serait restée oubliée dans l' article 173 du traité CE, comme dans l' article 215, quoique ses décisions puissent également produire des effets juridiques vis-à-vis des tiers.

15 Les requérants affirment qu' ils ont un intérêt direct à agir. Le prêt accordé à la communauté urbaine de Lyon favoriserait la réalisation du boulevard périphérique nord. Il obligerait des tiers, les contribuables, à le rembourser. La liberté de la communauté urbaine de Lyon - déjà fortement endettée - se trouverait limitée pour l' avenir en ce qui concerne sa gestion budgétaire, ce qui créerait un risque pour la démocratie. Ce prêt, illégal selon les requérants parce que accordé par la BEI en
dépassement de ses compétences, limiterait pour cette dernière la possibilité d' accorder des prêts correspondant à sa mission véritable. Pour démontrer l' illégalité du prêt, les requérants se réfèrent aux propositions formulées par la Commission en 1993 concernant la création d' un Fonds européen d' investissements.

Appréciation du Tribunal

16 Il y a lieu de souligner, tout d' abord, que, selon l' article 180, sous c), du traité CE (identique à l' ancien article 180, sous c), du traité CEE), les recours en annulation contre les délibérations du conseil d' administration de la BEI ne peuvent être formés que par les États membres ou la Commission. Par conséquent, cette disposition exclut les recours introduits par des particuliers, tels que le présent recours.

17 Cependant, il y a lieu d' examiner si cette disposition du traité doit être interprétée dans le sens proposé par les requérants, qui se sont appuyés, à cet égard, sur l' arrêt Les Verts/Parlement, précité. Il y a lieu de relever que la solution retenue dans cet arrêt a été motivée par le fait que le traité CEE dans sa version originaire ne conférait au Parlement que des pouvoirs consultatifs et de contrôle politique, et non celui d' adopter des actes destinés à produire des effets juridiques
vis-à-vis des tiers. Lorsque, ultérieurement, le Parlement a acquis des pouvoirs accrus lui permettant d' adopter de tels actes, il est apparu nécessaire que la Cour puisse exercer sur eux son contrôle juridictionnel (voir l' arrêt Les Verts/Parlement, précité, points 22 à 25).

18 Dans le cas d' espèce, les requérants n' ont pas démontré que les compétences de la BEI aient connu, jusqu' à la date de la décision attaquée, un développement comparable. En effet, la BEI a gardé sa mission originelle, qui est d' accorder des prêts et des garanties (voir les articles 129 et 130 du traité CEE, 198 D et 198 E du traité CE). Vis-à-vis de tiers qui ne bénéficient ni des prêts ni des garanties de la BEI, celle-ci n' adopte donc pas de décisions produisant des effets juridiques. La
proposition formulée par la Commission en 1993 concernant la création d' un Fonds européen d' investissements, à laquelle les requérants se sont référés, confirme cette interprétation des compétences actuelles de la BEI.

19 Dans ce contexte, il y a lieu d' ajouter que la future Banque centrale européenne se distinguera considérablement de la BEI. L' article 108 A du traité CE prévoit qu' elle adoptera des règlements et des décisions (obligatoires pour leurs destinataires), ce qui entraîne la nécessité d' admettre la possibilité, pour des personnes physiques ou morales, d' introduire des recours en annulation. Compte tenu des compétences différentes des deux banques, l' analogie proposée par les requérants n'
apparaît donc pas justifiée.

20 Il résulte de ce qui précède que l' interprétation plus flexible des articles 180 et 173 du traité CE proposée par les requérants dépasserait les limites tracées au juge communautaire par le libellé de l' article 180, sous c), du traité CE.

21 Il convient toutefois d' examiner si l' article 29 des statuts est de nature à modifier cette analyse. L' arrêt SGEEM et Etroy/BEI, précité, que les requérants ont invoqué, démontre, cependant, qu' une compétence du juge communautaire pour des litiges entre la BEI et un tiers a été reconnue en ce qui concerne la responsabilité non contractuelle de la Communauté. Par conséquent, on ne saurait prétendre que ledit article 29 est privé de sens si l' on considère que les tiers sont irrecevables à
introduire des recours en annulation. Il y a lieu d' ajouter que la compétence du juge communautaire pour connaître des litiges au titre de l' article 178 du traité CE garantit une protection juridictionnelle efficace des tiers vis-à-vis des actes de la BEI.

22 A supposer même que l' article 173, quatrième alinéa, du traité CE (identique à l' article 173, deuxième alinéa, du traité CEE) soit applicable au présent recours, il y aurait lieu d' examiner si les requérants sont directement concernés par la décision attaquée. Dans ce contexte, force est de constater que la situation juridique des requérants n' a pas encore été modifiée par la décision d' accorder un prêt à la communauté urbaine de Lyon. Les intérêts des contribuables et des futurs élus qui
auront la charge d' arrêter les budgets de la communauté urbaine, que les requérants ont invoqués, ne suffisent pas pour démontrer que la situation juridique de ces derniers se trouve affectée par la décision attaquée. Seules les décisions prises par les différentes autorités françaises en vue de la construction du boulevard périphérique en question, par exemple des décisions d' expropriation, sont susceptibles d' affecter la situation juridique des requérants.

23 La Cour a jugé, à propos de la procédure d' approbation du budget par le Parlement, que celle-ci n' aboutit qu' à une autorisation d' engager des dépenses et que, par conséquent, une personne physique ou morale ne peut être directement concernée par les actes faisant partie de cette procédure (voir l' ordonnance du 26 septembre 1984, Les Verts/ Parlement, 295/83, Rec. p. 3331, point 7). Une telle personne ne saurait donc non plus être directement concernée par une décision de la BEI autorisant l'
octroi d' un emprunt.

24 Il s' ensuit que le recours doit être rejeté comme irrecevable sans qu' il soit besoin d' examiner les autres fins de non-recevoir soulevées par la BEI et la Commission.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

25 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé en leurs conclusions et la BEI ayant conclu à la condamnation des requérants aux dépens, il y a lieu de condamner ces derniers solidairement aux dépens exposés par la BEI.

26 La partie intervenante a conclu à la condamnation des requérants à "tous les dépens". Cependant, conformément à l' article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, il y a lieu d' ordonner que la Commission, en tant qu' institution, supportera ses propres dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne:

1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

2) Les requérants sont condamnés solidairement aux dépens, à l' exception des dépens exposés par la partie intervenante qui sont supportés par celle-ci.

Fait à Luxembourg, le 26 novembre 1993.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : T-460/93
Date de la décision : 26/11/1993
Type de recours : Recours en annulation - irrecevable

Analyses

Décision de la Banque européenne d'investissement - Recours en annulation - Irrecevabilité.

Dispositions institutionnelles

Environnement

Dispositions financières


Parties
Demandeurs : Etienne Tête et autres
Défendeurs : Banque européenne d'investissement.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1993:103

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