La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/05/1995 | CJUE | N°C-400/93

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour du 31 mai 1995., Specialarbejderforbundet i Danmark contre Dansk Industri, anciennement Industriens Arbejdsgivere, agissant pour Royal Copenhagen A/S., 31/05/1995, C-400/93


Avis juridique important

|

61993J0400

Arrêt de la Cour du 31 mai 1995. - Specialarbejderforbundet i Danmark contre Dansk Industri, anciennement Industriens Arbejdsgivere, agissant pour Royal Copenhagen A/S. - Demande de décision préjudicielle: Faglige Voldgiftsret - Danemark. - Egalité de rémunération entre travaill

eurs masculins et féminins. - Affaire C-400/93.
Recueil de jurisprud...

Avis juridique important

|

61993J0400

Arrêt de la Cour du 31 mai 1995. - Specialarbejderforbundet i Danmark contre Dansk Industri, anciennement Industriens Arbejdsgivere, agissant pour Royal Copenhagen A/S. - Demande de décision préjudicielle: Faglige Voldgiftsret - Danemark. - Egalité de rémunération entre travailleurs masculins et féminins. - Affaire C-400/93.
Recueil de jurisprudence 1995 page I-01275

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1. Politique sociale ° Travailleurs masculins et travailleurs féminins ° Égalité de rémunération ° Article 119 du traité et directive 75/117 ° Champ d' application ° Système de rémunération aux pièces

(Traité CEE, art. 119; directive du Conseil 75/117)

2. Politique sociale ° Travailleurs masculins et travailleurs féminins ° Égalité de rémunération ° Système de rémunération aux pièces ° Différence constatée entre les rémunérations moyennes de deux groupes de travailleurs, l' un composé principalement de femmes et l' autre d' hommes, effectuant un travail de valeur égale ° Constatation insuffisante pour établir l' existence d' une discrimination ° Manque de clarté dans la définition des éléments variables de la rémunération ° Charge de la preuve de
l' absence de discrimination

(Traité CEE, art. 119; directive du Conseil 75/117, art. 1er)

3. Politique sociale ° Travailleurs masculins et travailleurs féminins ° Égalité de rémunération ° Système de rémunération aux pièces ° Établissement d' une éventuelle discrimination ° Modalités de comparaison des rémunérations moyennes de deux groupes de travailleurs

(Traité CEE, art. 119; directive du Conseil 75/117)

4. Politique sociale ° Travailleurs masculins et travailleurs féminins ° Égalité de rémunération ° Système de rémunération aux pièces ° Établissement d' une éventuelle discrimination ° Éléments à prendre en compte pour pouvoir considérer des travaux différents comme de valeur égale ° Facteurs susceptibles de justifier d' éventuelles différences de rémunération

(Traité CEE, art. 119; directive du Conseil 75/117)

5. Politique sociale ° Travailleurs masculins et travailleurs féminins ° Égalité de rémunération ° Applicabilité à la fixation des rémunérations par voie de négociation collective ° Prise en compte de l' intervention d' une négociation collective lors de l' établissement d' une éventuelle discrimination

(Traité CEE, art. 119; directive du Conseil 75/117)

Sommaire

1. L' article 119 du traité et la directive 75/117, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l' application du principe de l' égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, s' appliquent à des systèmes de rémunération aux pièces dans lesquels la rémunération est, en totalité ou pour l' essentiel, fonction du résultat individuel du travail de chaque travailleur.

2. Le principe de l' égalité de rémunération des travailleurs masculins et des travailleurs féminins, énoncé aux articles 119 du traité et 1er de la directive 75/117, doit être interprété en ce sens que, dans un système de rémunération aux pièces, la simple constatation que la rémunération moyenne d' un groupe de travailleurs composé essentiellement de femmes effectuant un certain type de travail est sensiblement inférieure à la rémunération moyenne d' un groupe de travailleurs composé
essentiellement d' hommes effectuant un autre type de travail auquel est attribuée une valeur égale ne suffit pas pour conclure à l' existence d' une discrimination en matière de rémunération. Toutefois, lorsque, dans un système de rémunération aux pièces dans lequel les rémunérations individuelles sont composées d' une partie variable qui est fonction du résultat individuel du travail de chaque travailleur et d' une partie fixe différente selon les groupes de travailleurs concernés, il n' est pas
possible de dégager les facteurs qui ont été déterminants lors de la fixation des taux ou unités de mesure retenus pour le calcul de la partie variable de la rémunération, l' employeur peut se voir imposer la charge de prouver que les différences constatées ne sont pas dues à une discrimination fondée sur le sexe.

3. En vue de la comparaison à effectuer, au regard du principe d' égalité de rémunération des travailleurs masculins et des travailleurs féminins, entre les rémunérations moyennes de deux groupes de travailleurs rémunérés aux pièces, la juridiction nationale doit s' assurer que les deux groupes comprennent chacun la totalité des travailleurs qui, compte tenu d' un ensemble de facteurs, telles la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail, peuvent être considérés
comme se trouvant dans une situation comparable, et qu' ils comprennent un nombre relativement important de travailleurs excluant que les différences constatées soient l' expression de phénomènes purement fortuits ou conjoncturels, ou soient dues à des différences dans les résultats individuels du travail des travailleurs concernés.

4. Lors de la vérification du respect du principe de l' égalité de rémunération des travailleurs masculins et des travailleurs féminins, il appartient à la juridiction nationale de déterminer si, compte tenu d' éléments tels que, d' une part, le fait que le travail effectué par l' un des groupes de travailleurs en cause est un travail à la machine et fait appel plus particulièrement à la force musculaire, tandis que celui effectué par l' autre groupe est un travail manuel exigeant plus
particulièrement de la dextérité et, d' autre part, le fait qu' il existe des différences entre le travail des deux groupes en ce qui concerne les pauses rémunérées et la liberté dans l' organisation du travail ainsi que les nuisances liées au travail, les deux types de travail ont une valeur égale ou si ces éléments peuvent être considérés comme constituant des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe susceptibles de justifier d' éventuelles différences de
rémunération.

5. Le principe de l' égalité de rémunération entre travailleurs masculins et travailleurs féminins est également applicable lorsque les éléments de rémunération sont fixés par voie de négociations collectives ou par voie de négociations sur le plan local. Toutefois, la juridiction nationale peut prendre en considération ce fait pour apprécier si des différences entre les rémunérations moyennes de deux groupes de travailleurs sont dues à des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination
fondée sur le sexe.

Parties

Dans l' affaire C-400/93,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le faglige voldgiftsret (Danemark) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Specialarbejderforbundet i Danmark

et

Dansk Industri, anciennement Industriens Arbejdsgivere, agissant pour Royal Copenhagen A/S,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation de l' article 119 du traité CEE et de la directive 75/117/CEE du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l' application du principe de l' égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins (JO L 45, p. 19),

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, F. A. Schockweiler (rapporteur) et C. Gulmann, présidents de chambre, G. F. Mancini, C. N. Kakouris, J. C. Moitinho de Almeida, J. L. Murray, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet, G. Hirsch et L. Sevón, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

° pour le Specialarbejderforbundet i Danmark, par M. Ulrik Joergensen, conseil auprès de la Landsorganisationen i Danmark,

° pour Dansk Industri, agissant pour Royal Copenhagen A/S, par M. Niels Overgaard, directeur à Dansk Industri,

° pour le gouvernement allemand, par MM. Ernst Roeder, Ministerialrat au ministère fédéral de l' Économie, et Bernd Kloke, Regierungsrat zur Anstellung au même ministère, en qualité d' agents,

° pour le gouvernement portugais, par MM. Luís Fernandes, directeur du service juridique de la direction générale des Communautés européennes au ministère des Affaires étrangères, et Fernando Ribeiro Lopes, directeur général de la réglementation des conditions de travail au ministère de l' Emploi et de la Sécurité sociale, en qualité d' agents,

° pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. John E. Collins, Assistant Treasury Solicitor, en qualité d' agent, assisté de M. David Pannick, QC,

° pour la Commission des Communautés européennes, par M. Hans Peter Hartvig, conseiller juridique, et Mme Marie Wolfcarius, membre du service juridique, en qualité d' agents,

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les observations orales du Specialarbejderforbundet i Danmark, représenté par M. Ulrik Joergensen, de Dansk Industri, agissant pour Royal Copenhagen A/S, représentée par M. Allan K. Larsen, conseiller principal, du gouvernement allemand, représenté par M. Ernst Roeder, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par MM. John E. Collins et David Pannick, et de la Commission, représentée par M. Hans Peter Hartvig et Mme Marie Wolfcarius, à l' audience du 31 janvier 1995,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 21 février 1995,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par ordonnance du 27 août 1993, parvenue à la Cour le 31 août suivant, le faglige voldgiftsret (tribunal d' arbitrage catégoriel) a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, quatre questions préjudicielles sur l' interprétation de l' article 119 du traité CEE et de la directive 75/117/CEE du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l' application du principe de l' égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les
travailleurs féminins (JO L 45, p. 19, ci-après la "directive").

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant le Specialarbejderforbundet i Danmark (syndicat des travailleurs semi-qualifiés au Danemark, ci-après le "Specialarbejderforbundet") à la Dansk Industri (confédération de l' industrie danoise), agissant pour le compte de Royal Copenhagen A/S (ci-après "Royal Copenhagen").

3 Royal Copenhagen est une entreprise qui fabrique des produits céramiques. Elle occupe environ 1 150 travailleurs, dont 40 % sont des hommes et 60 % des femmes, à la fabrication de ces produits. Ces travailleurs peuvent être répartis en trois groupes: celui des tourneurs qui façonnent, en recourant à diverses techniques, la base de porcelaine; celui des peintres qui décorent les produits; enfin, celui des manoeuvres qui sont employés à la manutention des fours, au tri, au polissage, au transport
interne, etc.

4 Le groupe des tourneurs comprend environ 200 personnes et le groupe des peintres 453 personnes. Ces groupes peuvent à leur tour être subdivisés en plusieurs sous-groupes, tels, au sein du premier, celui des opérateurs sur machines automatiques, postés à des machines façonnant automatiquement des produits céramiques et, au sein du second, ceux des peintres sur porcelaine bleue, qui décorent les produits au pinceau, et des peintres d' assiettes décoratives, qui peignent au pistolet des assiettes
décoratives déjà pourvues d' un décor, puis enlèvent la peinture de certaines parties du décor à l' aide d' une éponge.

5 Tous ces travailleurs relèvent de la même convention collective. En vertu de celle-ci, ils sont en principe rémunérés aux pièces, c' est-à-dire qu' ils perçoivent un salaire dont le montant dépend en tout ou en partie du résultat de leur travail. Ils peuvent toutefois opter pour un salaire horaire fixe, identique pour tous les groupes. En fait, 70 % environ des tourneurs et 70 % des peintres sont rémunérés aux pièces: leur salaire se compose d' une partie fixe correspondant à un forfait de base
payé à l' heure et d' une partie variable versée en fonction du nombre d' objets fabriqués.

6 Le groupe des opérateurs sur machines automatiques payés aux pièces est composé de 26 personnes, tous des hommes, et représente environ 18 % de l' ensemble des tourneurs rémunérés aux pièces. Le groupe des peintres sur porcelaine bleue rémunérés aux pièces est composé de 156 personnes, dont 155 femmes et 1 homme, et représente environ 49 % du groupe des peintres rémunérés aux pièces. Celui des peintres d' assiettes décoratives rémunérés aux pièces est composé de 51 personnes, toutes des femmes, et
représente environ 16 % du groupe des peintres rémunérés aux pièces.

7 Au cours du mois d' avril 1990, le salaire horaire moyen des opérateurs sur machines automatiques rémunérés aux pièces était de 103,93 DKR, dont une partie fixe de 71,69 DKR, l' opérateur le mieux rémunéré ayant gagné 118 DKR par heure et le moins bien rémunéré 86 DKR par heure. Au cours de la même période, le salaire horaire moyen des peintres sur porcelaine bleue rémunérés aux pièces était de 91 DKR, dont une partie fixe de 57 DKR, le travailleur le mieux payé ayant perçu 125 DKR par heure et le
travailleur le moins bien payé 72 DKR par heure, et le salaire horaire moyen des peintres d' assiettes décoratives rémunérés aux pièces s' élevait à 116,20 DKR, dont une partie fixe de 35,85 DKR, le travailleur le mieux payé ayant touché 159 DKR par heure et le travailleur le moins bien payé 86 DKR par heure.

8 Estimant que Royal Copenhagen enfreignait l' exigence d' égalité des rémunérations du fait que le salaire horaire moyen aux pièces du groupe des peintres sur porcelaine bleue, composé, à l' exception d' une personne, exclusivement de femmes, était inférieur à celui du groupe des opérateurs sur machines automatiques, composé exclusivement d' hommes, le Specialarbejderforbundet a saisi le faglige voldgiftsret de Copenhague, devant lequel il a conclu à ce que Royal Copenhagen soit tenue, d' une part
d' admettre que les peintres sur porcelaine bleue effectuent un travail de valeur égale à celui des opérateurs sur machines automatiques et, d' autre part, d' aligner la rémunération horaire moyenne aux pièces des premiers sur celle des seconds.

9 Considérant que la solution du litige dépendait de l' interprétation de l' article 119 du traité et de la directive, le faglige voldgiftsret a décidé d' interroger la Cour par la voie du renvoi préjudiciel. Dans son ordonnance, il précise que la saisine de la Cour ne s' étend pas à la question de la valeur du travail effectué par les différents groupes de travailleurs, mais comporte diverses questions découlant de ce que l' affaire au principal concerne des rémunérations aux pièces et pose en
outre la question du choix des groupes de travailleurs à comparer, tel que l' a effectué le Specialarbejderforbundet.

10 En conséquence, il a posé les questions suivantes à la Cour:

"1) L' article 119 du traité CEE et la directive 75/117/CEE du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l' application du principe de l' égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, s' appliquent-ils à des systèmes de rémunération dans lesquels la rétribution est, en totalité ou pour l' essentiel, fonction du résultat de travail atteint par chaque travailleur (systèmes de rémunération aux
pièces)?

En cas de réponse affirmative à la première question, la Cour est invitée à répondre en outre aux questions suivantes:

2) Les règles concernant l' égalité en matière de rémunérations contenues à l' article 119 du traité CEE et dans la directive 75/117 du 10 février 1975, précitée, sont-elles applicables, en cas de comparaison entre deux groupes de salariés, lorsque la rétribution horaire moyenne pour l' un des groupes de travailleurs rémunérés à la pièce ° composé en grande majorité de femmes, effectuant un certain type de travail ° est sensiblement inférieure à la rétribution horaire de l' autre groupe de salariés
° composé en grande majorité d' hommes, effectuant un autre type de travail ° étant entendu qu' une valeur égale peut être attribuée au travail respectivement effectué par les hommes et les femmes?

3) Lorsque, par hypothèse, l' un des groupes se compose en grande majorité de femmes et que l' autre groupe se compose en grande majorité d' hommes, peut-on poser des exigences relatives à la composition des groupes, par exemple, pour ce qui est du nombre de personnes composant le groupe ou en termes de proportion par rapport à l' ensemble des collaborateurs de l' entreprise?

La directive peut-elle, le cas échéant, servir d' instrument pour parvenir à l' égalité salariale entre deux groupes, par exemple, d' employés féminins, au travers d' une comparaison médiane avec un groupe d' employés masculins?

On peut éclairer cette problématique par l' exemple suivant:

Un groupe de travailleurs en grande majorité masculin, dénommé A, et deux groupes de travailleurs en grande majorité féminins, dénommés B et C, effectuent un travail de même valeur; le salaire moyen, qui résulte d' un système de rémunération aux pièces, est le plus élevé pour le groupe C, suivi par le groupe A et, enfin, par le groupe B, dont le salaire moyen est le moins élevé des trois groupes. Dans cette hypothèse, le groupe B peut-il se comparer au groupe A pour exiger que la rémunération soit
élevée au niveau du groupe A; le groupe A peut-il alors exiger que sa rémunération soit alignée sur celle du groupe C et, enfin, le groupe B peut-il exiger que sa rémunération soit réalignée sur la (nouvelle) rémunération du groupe A, dont le niveau est désormais égal à celui du groupe C?

4) S' agissant d' apprécier si le principe d' égalité des rémunérations a été enfreint, quelle est l' importance qu' il convient d' attacher

a) au fait que l' un des groupes travaille essentiellement à la machine, alors que l' autre groupe effectue un travail purement manuel?

b) au fait que les éléments de rémunération du travail aux pièces sont fixés par voie de négociations entre les organisations respectives, ou par voie de négociations sur le plan local?

c) au fait qu' on puisse démontrer des différences quant au choix, par le travailleur, de son rythme de travail? Dans l' affirmative, qui a la charge de la preuve de l' existence de telles différences?

d) au fait que l' écart entre les salaires est très accentué à l' intérieur de l' un, voire des deux groupes faisant l' objet de la comparaison?

e) au fait que l' élément fixe de la rémunération aux pièces est différent dans les groupes faisant l' objet de la comparaison?

f) au fait qu' il y a des différences entre les deux groupes en ce qui concerne les pauses rémunérées et la liberté au niveau de l' organisation du travail?

g) au fait qu' il n' est pas possible de constater les facteurs ayant revêtu de l' importance aux fins de la détermination du montant des taux de rémunération aux pièces?

h) au fait que dans l' un des groupes faisant l' objet de la comparaison, la force musculaire est plus particulièrement requise, alors que dans l' autre groupe le travail exige plus particulièrement de la dextérité?

i) au fait qu' on puisse démontrer des différences quant aux nuisances de travail (bruit, température, travail simpliste, répétitif, monotone)?"

Sur la première question

11 Par sa première question, la juridiction nationale demande si l' article 119 du traité et la directive s' appliquent à des systèmes de rémunération aux pièces, dans lesquels la rémunération est, en totalité ou pour l' essentiel, fonction du résultat individuel du travail de chaque travailleur.

12 A cet égard, il convient de constater qu' en disposant expressément, à son troisième alinéa, sous a), que l' égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d' une même unité de mesure, l' article 119 prévoit lui-même que le principe de l' égalité des rémunérations s' applique à des systèmes de rémunération "à la tâche" ou aux pièces.

13 En outre, la Cour a déjà fait observer que l' article 119 interdit toute discrimination en matière de rémunération entre travailleurs masculins et travailleurs féminins, quel que soit le mécanisme qui détermine cette inégalité (arrêt du 17 mai 1990, Barber, C-262/88, Rec. p. I-1889, point 32).

14 Cette conclusion se trouve corroborée par l' article 1er, premier alinéa, de la directive, aux termes duquel le principe de l' égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins implique l' élimination, "dans l' ensemble des éléments et conditions de rémunération", de toute discrimination fondée sur le sexe.

15 Il convient dès lors de répondre à la première question que l' article 119 du traité et la directive s' appliquent à des systèmes de rémunération aux pièces dans lesquels la rémunération est, en totalité ou pour l' essentiel, fonction du résultat individuel du travail de chaque travailleur.

Observations liminaires sur les autres questions

16 Avant d' aborder l' examen des autres questions, il y a lieu de souligner que les rémunérations en cause dans l' affaire au principal ne sont pas exclusivement fonction du travail individuel de chaque travailleur, mais comportent une partie fixe correspondant à un forfait de base payé à l' heure qui n' est pas le même pour les différents groupes de travailleurs concernés.

17 Il incombe à la juridiction nationale d' apprécier dans quelle mesure il est nécessaire de prendre en considération cet élément pour la solution du litige au principal.

18 Il convient également de rappeler que l' appréciation que la juridiction nationale aura à porter, en vue de la solution du litige au principal, sur l' existence d' une discrimination fondée sur le sexe, contraire aux articles 119 du traité et 1er de la directive, devra nécessairement se faire globalement, à la lumière de l' ensemble des considérations qui seront émises dans le contexte des réponses aux deuxième, troisième et quatrième questions.

Sur la deuxième question et la quatrième question, sous c), d), e) et g)

19 Par sa deuxième question, ainsi que par sa quatrième question, sous c), d), e) et g), qu' il convient d' examiner ensemble, la juridiction nationale vise à savoir, d' une part, si le principe de l' égalité des rémunérations, énoncé aux articles 119 du traité et 1er de la directive, est applicable lorsque, dans un système de rémunération aux pièces, la rémunération moyenne d' un groupe de travailleurs composé essentiellement de femmes effectuant un certain type de travail est sensiblement
inférieure à la rémunération moyenne d' un groupe de travailleurs composé essentiellement d' hommes effectuant un autre type de travail auquel est attribuée une valeur égale, et, d' autre part, quelle est, à cet égard, l' importance de facteurs tels que ceux mentionnés à la quatrième question, sous c), d), e) et g).

20 Comme il résulte déjà du point 12 du présent arrêt, dans un système de rémunération à la tâche ou aux pièces, le principe de l' égalité des rémunérations exige que la rémunération accordée à deux groupes de travailleurs composés l' un essentiellement d' hommes et l' autre essentiellement de femmes soit établie sur la base d' une même unité de mesure.

21 Dans l' hypothèse où l' unité de mesure est la même pour deux groupes de travailleurs effectuant un même travail ou est objectivement susceptible d' assurer aux travailleurs des deux groupes des rémunérations totales individuelles identiques pour des travaux qui, bien que différents, sont considérés comme étant d' une valeur égale, le principe de l' égalité des rémunérations n' interdit pas que des travailleurs appartenant à l' un ou l' autre groupe perçoivent des rémunérations totales
différentes, dès lors que celles-ci sont la conséquence des résultats différents du travail individuel des uns et des autres.

22 Il s' ensuit que, dans un système de rémunération aux pièces, la simple constatation d' une différence des rémunérations moyennes de deux groupes de travailleurs, calculées à partir des rémunérations totales individuelles de l' ensemble des travailleurs appartenant à l' un ou à l' autre groupe, ne suffit pas pour conclure à l' existence d' une discrimination en matière de rémunération.

23 Il appartient à la juridiction nationale, seule compétente pour apprécier les faits, de déterminer si l' unité de mesure applicable aux travaux effectués par les deux groupes de travailleurs est identique, ou bien, au cas où les deux groupes effectuent des travaux différents mais considérés comme étant d' une valeur égale, si l' unité de mesure est objectivement susceptible de leur assurer des rémunérations totales identiques. Il lui incombe également de vérifier si une différence de rémunération
invoquée par un travailleur appartenant à un groupe composé essentiellement de femmes afin de démontrer l' existence, à son détriment, d' une discrimination fondée sur le sexe par rapport à un travailleur appartenant à un groupe composé essentiellement d' hommes est due à une différence entre les unités de mesure applicables à l' un et à l' autre groupe ou à une différence entre les résultats individuels du travail.

24 Il ressort toutefois de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 27 octobre 1993, Enderby, C-127/92, Rec. p. I-5535, points 13 et 14) que la charge de la preuve, qui incombe normalement au travailleur engageant une action juridictionnelle contre son employeur en vue d' obtenir la disparition de la discrimination dont il s' estime victime, peut être déplacée lorsque cela s' avère nécessaire pour ne pas priver les travailleurs victimes d' une discrimination apparente de tout moyen efficace de faire
respecter le principe de l' égalité des rémunérations. Ainsi, notamment, lorsqu' une entreprise applique un système de rémunération qui est caractérisé par un manque total de transparence, l' employeur a la charge de prouver que sa pratique salariale n' est pas discriminatoire, dès lors que le travailleur féminin établit, par rapport à un nombre relativement important de salariés, que la rémunération moyenne des travailleurs féminins est inférieure à celle des travailleurs masculins (arrêt du 17
octobre 1989, dit "Danfoss", Handels- og Kontorfunktionaerernes Forbund i Danmark, 109/88, Rec. p. 3199, point 16). De même, lorsque des statistiques significatives laissent apparaître une différence sensible de rémunération entre deux fonctions de valeur égale dont l' une est exercée presque exclusivement par des femmes et l' autre principalement par des hommes, situation qui relève d' une apparence de discrimination fondée sur le sexe, l' article 119 du traité impose à l' employeur de justifier
cette différence par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe (arrêt Enderby, précité, points 16 et 19).

25 Il est vrai que, dans un système de rémunération aux pièces, une telle situation de discrimination apparente n' existe pas du seul fait que des statistiques significatives laissent apparaître des différences sensibles entre les rémunérations moyennes de deux groupes de travailleurs, étant donné que ces différences peuvent être dues à des différences entre les résultats individuels du travail des travailleurs composant les deux groupes.

26 Toutefois, si, dans un système comme dans celui de l' affaire au principal, où les rémunérations individuelles prises en compte pour le calcul des rémunérations moyennes des deux groupes de travailleurs sont composées d' une partie variable qui est fonction du résultat individuel du travail de chaque travailleur et d' une partie fixe différente selon les groupes de travailleurs concernés [quatrième question, sous e)], il n' est pas possible de dégager les facteurs qui ont été déterminants lors de
la fixation des taux ou unités de mesure retenus pour le calcul de la partie variable de la rémunération [quatrième question, sous g)], l' objectif de ne pas priver les travailleurs de tout moyen efficace de faire respecter le principe de l' égalité des rémunérations peut rendre nécessaire d' imposer à l' employeur la charge de prouver que les différences constatées ne sont pas dues à une discrimination fondée sur le sexe.

27 Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si, compte tenu notamment de ces facteurs et de l' importance des différences entre les rémunérations moyennes de deux groupes de travailleurs, les conditions d' un tel renversement de la charge de la preuve sont réunies dans l' affaire au principal. Dans l' affirmative, l' employeur pourra par exemple démontrer que les différences de rémunération sont dues à des différences de choix, par les travailleurs concernés, de leur rythme de travail
[quatrième question, sous c)], et faire état de différences accentuées entre les rémunérations totales individuelles à l' intérieur de chacun des deux groupes [quatrième question, sous d)].

28 Il y a lieu dès lors de répondre à la deuxième question, combinée avec la quatrième question, sous c), d), e) et g), que le principe de l' égalité des rémunérations, énoncé aux articles 119 du traité et 1er de la directive, doit être interprété en ce sens que, dans un système de rémunération aux pièces, la simple constatation que la rémunération moyenne d' un groupe de travailleurs composé essentiellement de femmes effectuant un certain type de travail est sensiblement inférieure à la
rémunération moyenne d' un groupe de travailleurs composé essentiellement d' hommes effectuant un autre type de travail auquel est attribuée une valeur égale ne suffit pas pour conclure à l' existence d' une discrimination en matière de rémunération. Toutefois, lorsque, dans un système de rémunération aux pièces dans lequel les rémunérations individuelles sont composées d' une partie variable qui est fonction du résultat individuel du travail de chaque travailleur et d' une partie fixe différente
selon les groupes de travailleurs concernés, il n' est pas possible de dégager les facteurs qui ont été déterminants lors de la fixation des taux ou unités de mesure retenus pour le calcul de la partie variable de la rémunération, l' employeur peut se voir imposer la charge de prouver que les différences constatées ne sont pas dues à une discrimination fondée sur le sexe.

Sur la troisième question

29 Au vu de l' ordonnance de renvoi, la troisième question, composée de deux branches, trouve son origine dans le fait que la discrimination de rémunération dont se plaint la partie demanderesse au principal concerne le groupe des opérateurs sur machines automatiques et celui des peintres sur porcelaine bleue, qui ne sont en réalité que des sous-groupes de deux groupes plus larges, celui des tourneurs et celui des peintres. La partie demanderesse justifie son choix de deux groupes relativement
restreints par la nécessité de constituer, en vue de la comparaison à effectuer en matière de rémunération, des groupes homogènes, notamment du point de vue de la formation des travailleurs en faisant partie. Aussi estime-t-elle légitime de distinguer, à l' intérieur du groupe des peintres, celui des peintres sur porcelaine bleue, formés en un an et demi, de celui des peintres d' assiettes décoratives, formés en trois mois. Constatant par ailleurs que les exigences de formation des peintres sur
porcelaine bleue sont plus élevées que celles des opérateurs sur machines automatiques qui, contrairement aux autres tourneurs, ne suivent qu' un apprentissage de un à quatre mois, en fonction des objets qu' ils seront appelés à produire, elle fait valoir qu' une fois admise la valeur égale de leur travail, la rémunération des premiers devrait même être supérieure à celle des seconds. Elle considère enfin que le fait que les conditions de travail des peintres sur porcelaine bleue soient différentes
de celles des opérateurs sur machines automatiques n' est pas de nature à enlever à la différence de rémunération constatée son caractère discriminatoire, les contraintes physiques pesant sur les opérateurs sur machines automatiques étant contrebalancées par les qualités de dextérité exigées des peintres sur porcelaine bleue, et les nuisances en matière de bruit et de température affectant les premiers trouvant leur pendant dans les problèmes ergonomiques qu' engendre le travail sédentaire et
monotone pour les seconds.

30 Selon l' ordonnance de renvoi également, si le groupe des opérateurs sur machines automatiques rémunérés aux pièces, composé de 26 personnes seulement, comprend exclusivement des hommes, celui des tourneurs rémunérés aux pièces, qui comprend 143 personnes, est composé de 70 % d' hommes et de 30 % de femmes. En outre, tandis que le groupe des peintres sur porcelaine bleue rémunérés aux pièces est composé de 155 femmes et de 1 homme et celui des peintres d' assiettes décoratives rémunérés aux
pièces de 51 femmes, le groupe des peintres rémunérés aux pièces, composé de 317 personnes, comprend 95 % de femmes et 5 % d' hommes. Enfin, si la rémunération moyenne du groupe des opérateurs sur machines automatiques rémunérés aux pièces, composé exclusivement d' hommes, est supérieure à celle du groupe des peintres sur porcelaine bleue rémunérés aux pièces, composé, à une exception près, exclusivement de femmes, elle est inférieure à celle du groupe des peintres d' assiettes décoratives rémunérés
aux pièces, composé exclusivement de femmes.

31 Dans ces conditions, par sa troisième question lue dans son ensemble, la juridiction nationale vise à savoir si, dans un système de rémunération aux pièces, les groupes de travailleurs dont les rémunérations moyennes doivent être comparées en vue de vérifier l' existence d' une discrimination fondée sur le sexe doivent être composés en fonction de critères déterminés relatifs notamment au nombre de travailleurs en faisant partie et à leur proportion par rapport à l' ensemble des travailleurs ou
si, au moyen de critères choisis arbitrairement, ils peuvent être composés de façon à comprendre exclusivement des hommes ou des femmes et permettre le cas échéant de parvenir, au travers d' une comparaison entre deux groupes de travailleurs composés respectivement d' hommes et de femmes, à l' égalité des rémunérations entre deux groupes de travailleurs composés de femmes, dont la rémunération moyenne de l' un est inférieure et celle de l' autre supérieure à celle du groupe composé d' hommes.

32 A cet égard, il convient de constater que l' examen du respect du principe de l' égalité des rémunérations implique une comparaison entre des rémunérations versées à des travailleurs de sexe différent pour un même travail ou pour des travaux auxquels est attribuée une valeur égale.

33 Lorsqu' une telle comparaison porte sur les rémunérations moyennes de deux groupes de travailleurs rémunérés aux pièces, elle doit, pour être pertinente, porter sur des groupes comprenant chacun la totalité des travailleurs qui, compte tenu d' un ensemble de facteurs, telles la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail, peuvent être considérés comme se trouvant dans une situation comparable.

34 La comparaison doit en outre porter sur un nombre relativement important de travailleurs pour exclure que les différences constatées soient l' expression de phénomènes purement fortuits ou conjoncturels, ou soient dues à des différences dans les résultats individuels du travail des travailleurs concernés.

35 Il incombe à la juridiction nationale de procéder aux appréciations nécessaires des faits de l' affaire au principal au regard des critères susmentionnés.

36 Il découle toutefois de ce qui précède qu' une comparaison n' est pas pertinente lorsqu' elle porte sur des groupes composés arbitrairement de façon à comprendre l' un essentiellement des femmes et l' autre essentiellement des hommes, et ce en vue de parvenir, par des comparaisons successives, à l' alignement des rémunérations du groupe composé essentiellement de femmes sur celles d' un autre groupe lui aussi composé arbitrairement de façon à comprendre essentiellement des femmes.

37 Peut constituer un indice d' une telle composition arbitraire des groupes à comparer le fait qu' à l' intérieur d' un groupe plus large composé essentiellement de femmes, une distinction soit opérée entre deux sous-groupes en fonction de différences dans les conditions de formation, et qu' ensuite ne soit pas retenu, pour la comparaison en matière de rémunération à effectuer avec un groupe composé essentiellement d' hommes, celui des deux sous-groupes composés essentiellement de femmes qui
présente le plus de similitude, dans le domaine des conditions de formation, avec le groupe composé essentiellement d' hommes.

38 Il y a donc lieu de répondre à la troisième question que, en vue de la comparaison à effectuer entre les rémunérations moyennes de deux groupes de travailleurs rémunérés aux pièces, la juridiction nationale doit s' assurer que les deux groupes comprennent chacun la totalité des travailleurs qui, compte tenu d' un ensemble de facteurs, telles la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail, peuvent être considérés comme se trouvant dans une situation comparable, et
qu' ils comprennent un nombre relativement important de travailleurs excluant que les différences constatées soient l' expression de phénomènes purement fortuits ou conjoncturels, ou soient dues à des différences dans les résultats individuels du travail des travailleurs concernés.

Sur la quatrième question, sous a), f), h) et i)

39 Par sa quatrième question, sous a), f), h) et i), la juridiction nationale demande quelle est l' importance qu' il convient d' attacher, lors de la vérification du respect du principe de l' égalité des rémunérations, à des éléments tels que, d' une part, le fait que le travail effectué par l' un des groupes de travailleurs en cause est un travail à la machine et fait appel plus particulièrement à la force musculaire, tandis que celui effectué par l' autre groupe est un travail manuel exigeant
plus particulièrement de la dextérité et, d' autre part, le fait qu' il existe des différences entre le travail des deux groupes en ce qui concerne les pauses rémunérées et la liberté dans l' organisation du travail, ainsi que les nuisances liées au travail.

40 Il doit d' abord être souligné qu' il ne saurait y avoir discrimination fondée sur le sexe entre deux groupes de travailleurs que si les deux groupes effectuent, sinon le même travail, du moins un travail auquel est attribuée une valeur égale.

41 Il doit ensuite être rappelé qu' une différence en matière de rémunération entre deux groupes de travailleurs ne constitue pas une discrimination contraire à l' article 119 du traité et à la directive si elle peut s' expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe (voir notamment arrêt du 13 mai 1986, Bilka, 170/84, Rec. p. 1607, point 30).

42 La juridiction nationale, seule compétente pour apprécier les faits, doit en conséquence déterminer si, compte tenu d' éléments factuels relatifs à la nature des travaux effectués et aux conditions dans lesquelles ils sont effectués, une valeur égale peut leur être attribuée ou si ces éléments peuvent être considérés comme constituant des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe susceptibles de justifier d' éventuelles différences de rémunération.

43 Il y a lieu dès lors de répondre à la quatrième question, sous a), f), h) et i), que, lors de la vérification du respect du principe de l' égalité des rémunérations, il appartient à la juridiction nationale de déterminer si, compte tenu d' éléments tels que, d' une part, le fait que le travail effectué par l' un des groupes de travailleurs en cause est un travail à la machine et fait appel plus particulièrement à la force musculaire, tandis que celui effectué par l' autre groupe est un travail
manuel exigeant plus particulièrement de la dextérité et, d' autre part, le fait qu' il existe des différences entre le travail des deux groupes en ce qui concerne les pauses rémunérées et la liberté dans l' organisation du travail ainsi que les nuisances liées au travail, les deux types de travail ont une valeur égale ou si ces éléments peuvent être considérés comme constituant des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe susceptibles de justifier d' éventuelles
différences de rémunération.

Sur la quatrième question, sous b)

44 Par sa quatrième question, sous b), la juridiction nationale demande quelle importance il convient d' attacher, en matière d' égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins, au fait que les éléments de rémunération sont fixés par voie de négociations collectives ou par voie de négociations sur le plan local.

45 A cet égard, il importe de rappeler que, l' article 119 du traité ayant un caractère impératif, la prohibition des discriminations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins s' impose non seulement à l' action des autorités publiques, mais s' étend également à toutes conventions visant à régler de façon collective le travail salarié, ainsi qu' aux contrats entre particuliers (voir notamment arrêt du 8 avril 1976, Defrenne, 43/75, Rec. p. 455, point 39).

46 Il n' en reste pas moins que le fait que les éléments de rémunération ont été fixés par voie de négociations collectives ou par voie de négociations sur le plan local peut être pris en considération par la juridiction nationale en tant qu' élément lui permettant d' apprécier si des différences entre les rémunérations moyennes de deux groupes de travailleurs sont dues à des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

47 Il y a lieu dès lors de répondre à la quatrième question, sous b), que le principe de l' égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins est également applicable lorsque les éléments de rémunération sont fixés par voie de négociations collectives ou par voie de négociations sur le plan local, mais que la juridiction nationale peut prendre en considération ce fait pour apprécier si des différences entre les rémunérations moyennes de deux groupes de travailleurs sont
dues à des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

48 Les frais exposés par les gouvernements allemand, portugais et du Royaume-Uni ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par le faglige voldgiftsret, par ordonnance du 27 août 1993, dit pour droit:

1) L' article 119 du traité CEE et la directive 75/117/CEE du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l' application du principe de l' égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, s' appliquent à des systèmes de rémunération aux pièces dans lesquels la rémunération est, en totalité ou pour l' essentiel, fonction du résultat individuel du travail de chaque travailleur.

2) Le principe de l' égalité des rémunérations, énoncé aux articles 119 du traité et 1er de la directive 75/117, précitée, doit être interprété en ce sens que, dans un système de rémunération aux pièces, la simple constatation que la rémunération moyenne d' un groupe de travailleurs composé essentiellement de femmes effectuant un certain type de travail est sensiblement inférieure à la rémunération moyenne d' un groupe de travailleurs composé essentiellement d' hommes effectuant un autre type de
travail auquel est attribuée une valeur égale ne suffit pas pour conclure à l' existence d' une discrimination en matière de rémunération. Toutefois, lorsque, dans un système de rémunération aux pièces dans lequel les rémunérations individuelles sont composées d' une partie variable qui est fonction du résultat individuel du travail de chaque travailleur et d' une partie fixe différente selon les groupes de travailleurs concernés, il n' est pas possible de dégager les facteurs qui ont été
déterminants lors de la fixation des taux ou unités de mesure retenus pour le calcul de la partie variable de la rémunération, l' employeur peut se voir imposer la charge de prouver que les différences constatées ne sont pas dues à une discrimination fondée sur le sexe.

3) En vue de la comparaison à effectuer entre les rémunérations moyennes de deux groupes de travailleurs rémunérés aux pièces, la juridiction nationale doit s' assurer que les deux groupes comprennent chacun la totalité des travailleurs qui, compte tenu d' un ensemble de facteurs, telles la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail, peuvent être considérés comme se trouvant dans une situation comparable, et qu' ils comprennent un nombre relativement important de
travailleurs excluant que les différences constatées soient l' expression de phénomènes purement fortuits ou conjoncturels, ou soient dues à des différences dans les résultats individuels du travail des travailleurs concernés.

4) Lors de la vérification du respect du principe de l' égalité des rémunérations, il appartient à la juridiction nationale de déterminer si, compte tenu d' éléments tels que, d' une part, le fait que le travail effectué par l' un des groupes de travailleurs en cause est un travail à la machine et fait appel plus particulièrement à la force musculaire, tandis que celui effectué par l' autre groupe est un travail manuel exigeant plus particulièrement de la dextérité et, d' autre part, le fait qu' il
existe des différences entre le travail des deux groupes en ce qui concerne les pauses rémunérées et la liberté dans l' organisation du travail ainsi que les nuisances liées au travail, les deux types de travail ont une valeur égale ou si ces éléments peuvent être considérés comme constituant des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe susceptibles de justifier d' éventuelles différences de rémunération.

5) Le principe de l' égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins est également applicable lorsque les éléments de rémunération sont fixés par voie de négociations collectives ou par voie de négociations sur le plan local. Toutefois, la juridiction nationale peut prendre en considération ce fait pour apprécier si des différences entre les rémunérations moyennes de deux groupes de travailleurs sont dues à des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination
fondée sur le sexe.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-400/93
Date de la décision : 31/05/1995
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Faglige Voldgiftsret - Danemark.

Egalité de rémunération entre travailleurs masculins et féminins.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : Specialarbejderforbundet i Danmark
Défendeurs : Dansk Industri, anciennement Industriens Arbejdsgivere, agissant pour Royal Copenhagen A/S.

Composition du Tribunal
Avocat général : Léger
Rapporteur ?: Schockweiler

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1995:155

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award