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30/04/2009 | CJUE | N°C-534/07

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mengozzi présentées le 30 avril 2009., William Prym GmbH & Co. KG et Prym Consumer GmbH & Co. KG contre Commission des Communautés européennes., 30/04/2009, C-534/07


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 30 avril 2009 ( 1 )

Affaire C-534/07 P

William Prym GmbH & Co. KG et Prym Consumer GmbH & Co. KG

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi — Concurrence — Ententes — Marché européen des produits de mercerie (aiguilles) — Accords de partage de marché — Violation des droits de la défense — Obligation de motivation — Amende — Lignes directrices — Gravité de l’infraction — Impact concret sur le marché —

Mise en œuvre de l’entente»

I — Les antécédents, la procédure et les conclusions des parties

1. Par la décision C(2004) 422...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 30 avril 2009 ( 1 )

Affaire C-534/07 P

William Prym GmbH & Co. KG et Prym Consumer GmbH & Co. KG

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi — Concurrence — Ententes — Marché européen des produits de mercerie (aiguilles) — Accords de partage de marché — Violation des droits de la défense — Obligation de motivation — Amende — Lignes directrices — Gravité de l’infraction — Impact concret sur le marché — Mise en œuvre de l’entente»

I — Les antécédents, la procédure et les conclusions des parties

1. Par la décision C(2004) 4221 final, du 26 octobre 2004 , relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (affaire COMP/F-1/38.338 — PO/Aiguilles) (ci-après la « décision litigieuse » ), la Commission des Communautés européennes a établi, à l’article 1 er de ladite décision, que William Prym GmbH & Co. KG et Prym Consumer GmbH & Co. KG avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE en participant à une série d’accords procédant ou contribuant, d’une part, à la répartition des marchés
de produits, en segmentant le marché européen des articles de mercerie durs, et, d’autre part, à celle des marchés géographiques, en segmentant le marché européen des aiguilles, conjointement avec deux entreprises britanniques et leurs filiales respectives, à savoir, d’une part, Coats Holdings Ltd et J&P Coats Ltd (ci-après, ensemble, le « groupe Coats » ) et, d’autre part, Entaco Group Ltd et Entaco Ltd (ci-après, ensemble, le « groupe Entaco » ).

2. À l’article 2 de la décision litigieuse, la Commission a infligé une amende de 30 millions d’euros aux requérantes.

3. Dans la décision litigieuse, la Commission a fixé cette amende en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction, soit les deux critères mentionnés tant à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 du Conseil, du 6 février 1962 , premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité  ( 2 ) , tel que modifié (ci-après le « règlement n o  17 » ), qu’à l’article 23, paragraphe 3, du règlement (CE) n o  1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002 , relatif à la mise en œuvre des
règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité  ( 3 ) . Pour calculer le montant de l’amende infligée aux requérantes dans la décision litigieuse, la Commission a également suivi, sans cependant expressément la mentionner, la méthode exposée dans les lignes directrices de 1998 pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement n o  17 et de l’article 65 paragraphe 5 du traité CECA  ( 4 ) (ci-après les « lignes directrices » ).

4. Ainsi, au titre de la gravité de l’infraction, examinée aux points 317 à 321 des motifs dela décision litigieuse, la Commission a tenu compte de la nature de l’infraction, de son « incidence réelle sur le marché » ainsi que de la taille du marché géographique en cause. Sur la base de ces facteurs, la Commission a conclu que les entreprises parties à l’entente en cause avaient commis une infraction « très grave » , la conduisant à fixer le montant de départ de l’amende à 20 millions d’euros pour
les requérantes.

5. En ce qui concerne la durée de l’infraction, la Commission a constaté que celle-ci s’était étalée sur une période d’au moins cinq ans et trois mois, soit du 10 septembre 1994 au 31 décembre 1999 . Elle a, par conséquent, majoré le montant de départ de 50% afin de tenir compte de la durée de l’infraction. La Commission a ainsi fixé le montant de base de l’amende des requérantes à 30 millions d’euros.

6. Par ailleurs, au point 331 des motifs de la décision litigieuse, la Commission a refusé aux requérantes le bénéfice des circonstances atténuantes, en soulignant notamment que la cessation anticipée de l’accord illicite ne résultait pas d’une intervention de sa part et qu’elle avait déjà pris en considération une telle cessation anticipée lors de l’établissement de la durée de l’infraction.

7. En outre, la Commission a considéré que seul le groupe Entaco avait satisfait aux conditions énoncées au point B de la communication de la Commission du 18 juillet 1996 concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes  ( 5 ) (ci-après la « communication sur la coopération » ). Le montant total de l’amende infligée aux requérantes par la décision litigieuse s’est donc élevé à 30 millions d’euros.

8. Par requête déposée au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 28 janvier 2005 , les requérantes ont demandé, à titre principal, l’annulation de la décision litigieuse pour autant qu’elle les concernait et, à titre subsidiaire, l’annulation ou la réduction de l’amende à laquelle elles ont été solidairement condamnées.

9. Dans son arrêt du 12 septembre 2007 (ci-après l’ « arrêt attaqué » )  ( 6 ) , le Tribunal a partiellement accueilli le recours pour autant qu’il tendait à la réduction de l’amende, en constatant que les requérantes s’étaient vu refuser à tort le bénéfice du point D, paragraphe 2, de la communication sur la coopération pour non-contestation des faits constatés dans la communication des griefs adressée par la Commission le 15 mars 2004 . Par conséquent, le Tribunal a, dans le cadre de sa compétence
de pleine juridiction au sens de l’article 229 CE, réduit le montant de l’amende infligée aux requérantes à 27 millions d’euros. Il a rejeté le recours pour le surplus. Dans le cadre du règlement des dépens, le Tribunal a condamné les requérantes à supporter 90% de leurs propres dépens ainsi que 90% des dépens de la Commission, cette dernière supportant la part restante.

10. Par acte déposé au greffe de la Cour le 30 novembre 2007 , les requérantes ont introduit un pourvoi contre l’arrêt attaqué en demandant à la Cour, à titre principal, d’annuler ledit arrêt dans la mesure où il leur fait grief et d’annuler la décision litigieuse pour autant qu’elle les concerne. À titre subsidiaire, les requérantes demandent la suppression ou la réduction de l’amende qui leur a été infligée à l’article 2 de la décision litigieuse et le renvoi de l’affaire devant le Tribunal pour
que celui-ci statue. Elles demandent également que la Commission soit condamnée aux dépens de l’ensemble de la procédure.

11. La Commission, dans son mémoire en réponse, demande à ce qu’il plaise à la Cour rejeter le pourvoi et condamner les requérantes aux dépens.

12. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience qui s’est tenue le 5 mars 2009 .

II — L’analyse juridique

A — Remarques liminaires

13. À l’appui de leur pourvoi, les requérantes invoquent cinq moyens. Les deux premiers moyens, tirés respectivement de la violation des droits de la défense et du déni de justice, soutiennent la conclusion en annulation (totale) de l’arrêt attaqué. Les trois autres moyens, comme je l’expliciterai davantage ci-après, portent tous uniquement sur la fixation du montant de l’amende qui a été infligée aux requérantes à titre solidaire et ne pourraient donc, si tout au moins l’un d’entre eux devait être
accueilli, qu’entraîner l’annulation partielle de l’arrêt attaqué et, le cas échéant, la réformation de la décision litigieuse si la Cour devait constater, conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, que le litige serait en état d’être jugé.

14. J’indique toutefois d’ores et déjà qu’aucun des moyens invoqués par les requérantes à l’appui de leur pourvoi ne me paraît devoir entraîner l’annulation, même partielle, de l’arrêt attaqué, bien que, à certains égards, la motivation retenue dans ce dernier ne soit pas exempte de toute critique, ainsi que je le mettrai en exergue ci-après.

B — Sur le premier moyen du pourvoi, tiré de la violation des droits de la défense, notamment du droit d’être entendu

1. Considérations du Tribunal

15. Devant le Tribunal, les requérantes ont soutenu que la Commission avait violé leur droit d’être entendues en scindant une procédure initialement unique dite « articles de mercerie » en deux procédures distinctes, à savoir, d’une part, celle dite « articles de mercerie: aiguilles » (ci-après l’ « affaire ‘ aiguilles ’» ), laquelle a abouti à la décision litigieuse, et, d’autre part, celle dite « articles de mercerie: fermetures » (ci-après l’ « affaire ‘ fermetures ’» ). Elles affirmaient que, si
la Commission avait respecté leur droit d’être entendues, elles lui auraient fait remarquer que le montant de l’amende infligée dans la décision litigieuse devait être déterminé dans le cadre d’une appréciation globale en raison de la connexité existant entre l’affaire « aiguilles » et l’affaire « fermetures » . Or, les requérantes soulignaient que la Commission n’avait pas tenu compte de l’affaire « fermetures » dans le cadre de la décision litigieuse, ce qui a abouti à ce que l’amende infligée
aux requérantes dans cette dernière décision soit beaucoup plus élevée (environ  8,9 % du chiffre d’affaires global mondial des requérantes) qu’elle ne l’aurait été si les deux affaires avaient été examinées en commun.

16. Le Tribunal a rejeté cette argumentation. Il a tout d’abord constaté, au point 61 de l’arrêt attaqué, que la communication des griefs transmise aux requérantes le 15 mars 2004 portait le titre univoque de « communication des griefs dans la procédure PO/articles de mercerie: aiguilles » et que, dès lors, les requérantes savaient, au plus tard à cette date, que la Commission avait ouvert une procédure distincte concernant le marché des aiguilles. Selon le Tribunal, les requérantes étaient ainsi en
mesure de se défendre contre la division des procédures dans leur réponse à ladite communication des griefs.

17. Aux points 63 à 66 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté:

« 63 S’agissant des arguments portant sur le plafond de 10% et sur une prétendue obligation de la Commission d’effectuer une ‘ appréciation globale ’ des affaires aiguilles et fermetures, il convient de relever que l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003 dispose seulement que l’amende pour chaque participant à l’infraction ne doit pas excéder 10% du chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent. Cette disposition ne fait pas référence à la somme des
diverses amendes infligées à une société. Si les requérantes ont effectivement commis des infractions distinctes, le fait que les infractions soient établies dans plusieurs décisions ou dans une seule décision est sans importance. La seule question qui se pose est donc celle de savoir s’il s’agit en réalité d’infractions distinctes ou non.

64 Dans ce contexte, le droit de la Commission de dissocier comme de joindre les procédures pour des raisons objectives a été reconnu, implicitement, dans l’arrêt du Tribunal du 15 juin 2005 , Tokai Carbon e.a./Commission (T-71/03, T-74/03, T-87/03 et T-91/03, […], ci-après l’ ‘ arrêt Tokai II ’ ). Au point 118 de cet arrêt, le Tribunal a constaté qu’il était loisible à la Commission d’infliger à SGL Carbon, l’une des requérantes dans ces affaires, trois amendes distinctes (dans deux décisions),
respectant chacune les limites fixées par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17, à condition que SGL Carbon ait commis trois infractions distinctes aux dispositions de l’article 81, paragraphe 1, CE.

65 En l’espèce, la situation n’est pas entièrement comparable à celle ayant donné lieu à l’arrêt Tokai II, point 64 supra, car les affaires aiguilles et fermetures se recoupent, selon les requérantes, quant à leur origine, quant aux marchés en cause, quant à la période couverte par les infractions et quant aux entreprises concernées. En effet, les requérantes signalent que la définition du marché qui figure dans la communication des griefs de l’affaire fermetures correspond ‘ presque mot [pour]
mot ’ à celle exposée au considérant 46 de la décision [litigieuse].

66 Ces affirmations ne peuvent cependant être vérifiées qu’après l’adoption de la décision dans l’affaire fermetures. Lors de la procédure orale, la Commission a confirmé que la procédure administrative dans l’affaire fermetures n’était pas achevée et qu’aucune décision n’avait encore été adoptée. Par conséquent, toutes les suppositions concernant son éventuelle issue et la prétendue absence de raisons objectives pour la division des procédures (voir, sur cette exigence, points 119 à 124 de
l’arrêt Tokai II, point 64 supra) sont de nature spéculative et ne sont pas susceptibles de mettre en cause la légalité de la décision [litigieuse]. »

2. Argumentation des parties

18. Dans le présent moyen du pourvoi, les requérantes font valoir que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en jugeant, au point 61 de l’arrêt attaqué, qu’elles savaient, à tout le moins depuis la communication des griefs du 15 mars 1994 , que la Commission engagerait une procédure distincte concernant le marché des aiguilles et que, dès lors, elles étaient en mesure de se défendre contre la division de la procédure. Selon les requérantes, la simple connaissance de la division de la
procédure n’est pas suffisante pour leur permettre d’exercer efficacement leurs droits de la défense. Selon elles, la Commission aurait dû indiquer les faits et les raisons sur le fondement desquels celle-ci avait procédé à la division de la procédure, la communication des griefs du 15 mars 1994 faisant uniquement apparaître que la Commission considérait que le comportement des requérantes dans le domaine des « articles de mercerie: aiguilles » constituait une infraction autonome par rapport aux
agissements dans le domaine des « articles de mercerie: fermetures » . De l’avis des requérantes, l’erreur de droit commise par le Tribunal aurait pour consé quence qu’elles ont été privées de faire valoir qu’il existait un nombre considérable d’éléments, exposés dans leur pourvoi, indiquant que les actes commis dans les affaires « aiguilles » et « fermetures » devaient être considérés, au moins partiellement, comme une infraction unique et continue au sens de l’article 23, paragraphe 2, du
règlement n o  1/2003. Lors de l’audience, les requérantes ont souligné qu’elles avaient introduit devant le Tribunal un recours en annulation à l’encontre de la décision C(2007) 4257 final de la Commission, du 19 septembre 2007 , dans l’affaire COMP/E-1/39.168 — Articles de mercerie métalliques et plastiques, fermetures  ( 7 ) (ci-après la « décision ‘ fermetures ’» ).

19. Dans son mémoire en réponse, la Commission estime, d’une part, que ce moyen doit être rejeté comme étant irrecevable dans la mesure où les requérantes invoquent pour la première fois que la quatrième infraction identifiée dans la décision « fermetures » constitue une infraction unique et continue avec l’infraction constatée dans la décision litigieuse. En effet, selon elle, les requérantes n’auraient jamais formulé une telle prétention, fût-elle même plus générale, devant le Tribunal. La
Commission renvoie à cet égard, notamment, aux points 12 à 23 de la requête introductive d’instance devant le Tribunal, selon lesquels les requérantes auraient allégué que, si elles avaient eu connaissance de la division des deux procédures, elles auraient fait remarquer que l’amende ne pouvait pas dépasser le plafond de 10% du chiffre d’affaires dans les deux procédures. D’autre part, la Commission considère également comme étant irrecevable et, à titre subsidiaire, comme étant fondée,
l’allégation des requérantes selon laquelle la Commission aurait violé l’obligation de motivation en procédant à la division de la procédure.

3. Appréciation

a) Sur l’étendue du moyen du pourvoi et sa recevabilité

20. À titre liminaire, il importe de rappeler que, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est en principe limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les juges du fond  ( 8 ) . Une partie ne peut donc pas en principe soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal dans la mesure où cela reviendrait à permettre à la Cour de contrôler la légalité de la solution retenue par le Tribunal eu
égard à des moyens dont ce dernier n’a pas eu à connaître  ( 9 ) .

21. Dans la présente affaire, il est constant que, devant le Tribunal, les requérantes ont, dans le cadre d’un moyen tiré de la violation des formes substantielles, invoqué une violation de leur droit d’être entendues en ce qu’elles n’auraient pas pu faire valoir leurs observations sur la division de la procédure « aiguilles » et de la procédure « fermetures » avant l’adoption de la décision litigieuse.

22. Les requérantes reprennent, dans leur pourvoi, cette argumentation en critiquant plus spécifiquement le point 61 de l’arrêt attaqué, mais paraissent élargir leur moyen à la « violation des droits de la défense, notamment celle du droit d’être entendues » , sans, par ailleurs, prétendre que le Tribunal aurait lui-même, dans le cadre de la procédure ayant mené à l’arrêt attaqué, méconnu un tel droit. Or, le droit d’être entendu n’est qu’une modalité d’exercice des droits de la défense. Partant, il
me semble que l’examen du premier moyen du pourvoi doit être limité à vérifier si c’est à bon droit que le Tribunal a rejeté le grief soulevé par les requérantes de la violation du droit d’être entendues.

23. Préalablement à cet examen, il convient de répondre aux deux motifs d’irrecevabilité invoqués par la Commission. J’indique d’ores et déjà qu’il conviendrait, à mon sens, de les rejeter.

24. Premièrement, quant à la première fin de non-recevoir, il importe tout d’abord de noter que le moyen du pourvoi, tel que je viens de le délimiter, tiré de la violation du droit d’être entendu, ne constitue aucunement un moyen nouveau qui n’aurait pas fait l’objet d’un débat devant les juges du fond et dont la Cour, conformément à la jurisprudence, ne saurait en principe connaître dans le cadre du pourvoi  ( 10 ) .

25. Ensuite, dans son mémoire en réponse, la Commission fait preuve d’une certaine hésitation quant à la qualification du grief prétendument nouveau, soulevé par les requérantes, se rapportant à l’existence d’une infraction unique et continue dans le cadre des deux procédures « aiguilles » et « fermetures » , en évoquant, tant un « argument » qu’un « moyen » nouveaux  ( 11 ) .

26. Il est vrai que, alors même que cette qualification paraît essentielle afin d’accueillir ou non un motif d’irrecevabilité tiré de la production d’un moyen nouveau devant la Cour statuant sur pourvoi, la Cour examine plutôt rarement cette question, se contentant quelquefois de qualifier tel ou tel grief d’ « argument » et d’admettre sa recevabilité sans chercher au préalable à examiner s’il ne s’agit pas, en réalité, d’un moyen  ( 12 ) ou, de manière plus critiquable et à mon sens erronée,
d’assimiler au régime de l’irrecevabilité de l’invocation de moyens nouveaux tout argument nouveau développé par les parties requérantes au pourvoi au soutien d’un moyen et de conclure à l’irrecevabilité dudit argument  ( 13 ) .

27. Pour ma part, j’estime qu’il importe de vérifier dans la présente affaire si l’invocation du grief pris de l’existence d’une infraction unique repose sur un fondement juridique distinct du moyen tiré de la violation du droit d’être entendu, auquel cas ce premier grief doit être considéré comme un moyen de droit distinct et nouveau devant être déclaré comme irrecevable, car soulevé pour la première fois devant la Cour, ou si ce grief n’est articulé qu’à l’appui du moyen tiré de la violation du
droit d’être entendu, auquel cas il ne s’agit donc que d’un argument qui devrait être déclaré recevable  ( 14 ) .

28. Or, en l’occurrence, il ressort du pourvoi ainsi que du mémoire en réponse de la Commission que le grief tiré de l’existence d’une infraction unique et continue, dont il est constant qu’il n’a pas été soulevé en ces termes devant le Tribunal, ne paraît être formulé que comme une conséquence de la prétendue méconnaissance, de la part de la Commission, du respect du droit d’être entendu. En effet, les requérantes mentionnent expressément, notamment aux points 12 et 13 de leur pourvoi, les
incidences qu’aurait eu ce prétendu vice de procédure, qu’elles développent dans la section de leur pourvoi intitulée « Effets de l’erreur procédurale sur la situation matérielle des requérantes » , en faisant référence à la jurisprudence selon laquelle la violation du droit d’être entendu ne peut entraîner l’annulation d’un acte que si la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent en l’absence d’une telle irrégularité  ( 15 ) . C’est donc uniquement sous l’angle de la démonstration de
l’incidence qu’aurait eu la prétendue violation du droit d’être entendu sur leur situation et sur la décision litigieuse que les requérantes exposent, dans leur pourvoi, l’argumentation selon laquelle il existait de nombreux éléments indiquant que les actes commis dans les affaires « aiguilles » et « fermetures » devaient être considérés comme une infraction unique et continue. Partant, il s’agit d’un grief simplement formulé à l’appui du moyen de droit tiré de la violation du droit d’être
entendu. Par conséquent, ce grief doit être considéré comme un argument devant être déclaré recevable.

29. Enfin, il ressort des points 63 à 66 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a bien pris position, dans le cadre du moyen tiré de la méconnaissance du droit d’être entendu, sur la question de l’éventuelle scission par la Commission d’une infraction unique et continue. Certes, au regard de l’argumentation des requérantes, rappelée aux points 15 et 28 des présentes conclusions, portant sur l’incidence qu’aurait eu la méconnaissance du droit d’être entendu par la Commission sur le dispositif de la
décision litigieuse, de telles appréciations du Tribunal ne peuvent assurément, malgré leur formulation quelque peu confuse, avoir été menées qu’à titre surabondant, puisque le Tribunal a rejeté la prétention des requérantes tirée de la violation du droit d’être entendu.

30. Néanmoins, dans le cadre d’un moyen recevable, il appartient en principe au requérant de développer les arguments au soutien de celui-ci comme il l’entend, que ce soit en se fondant sur des arguments déjà utilisés devant le Tribunal ou en développant des arguments nouveaux, notamment par rapport aux prises de position du Tribunal. S’il en était autrement, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens  ( 16 ) .

31. En tout état de cause, eu égard aux appréciations qui précèdent, il est évident que les allégations exposées par les requérantes, aux points 13 à 29 de leur pourvoi, quant à l’existence d’une infraction unique et continue commune aux procédures dans les affaires « aiguilles » et « fermetures » ne sauraient être interprétées comme visant à invoquer, devant la Cour, un moyen tiré d’une erreur de droit ou d’appréciation quant aux constatations exposées aux points 250 à 260 des motifs de la décision
litigieuse, selon lesquelles il existait une infraction unique et continue sur les marchés identifiés dans cette décision. En effet, conformément à la jurisprudence, si tel devait être le cas, un tel moyen, portant sur le bien-fondé de la décision litigieuse, serait irrecevable en ce qu’il est constant qu’il n’a pas été présenté devant le Tribunal.

32. Deuxièmement, s’agissant de l’exception d’irrecevabilité opposée par la Commission relative à l’allégation des requérantes tirée du défaut de motivation ayant entaché la division de la procédure, cette exception ne saurait, selon moi, non plus être accueillie.

33. Certes, je concède que cette allégation devrait être qualifiée de moyen distinct de celui pris de la violation du droit d’être entendu et il est constant qu’elle n’a pas été invoquée devant le Tribunal.

34. Cette double constatation pourrait conduire à rejeter ce moyen au motif qu’il revêt un caractère nouveau. Je note d’ailleurs que la Cour a déjà conclu, dans son arrêt O’Hannrachain/Parlement, à l’irrecevabilité d’un grief visant à faire constater la violation de l’obligation de motivation prétendument commise par une institution communautaire, moyen qui n’avait pas été soulevé devant les juges du fond au motif que le litige dont est saisie la Cour dans le cadre du pourvoi ne saurait être plus
étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal  ( 17 ) .

35. Toutefois, l’approche retenue dans ledit arrêt O’ Hannrachain/Parlement me paraît excessivement rigide en ce qu’elle omet de prendre en considération la jurisprudence de la Cour selon laquelle la violation de l’obligation de motivation constitue un moyen d’ordre public qui doit être relevé d’office par le juge communautaire  ( 18 ) . Or, comme l’a récemment indiqué la Cour aux points 49 et 50 de l’arrêt Chronopost et La Poste/UFEX e.a., rendu sur pourvoi, l’examen d’un moyen d’ordre public peut
avoir lieu à tout stade de la procédure, même si la partie qui l’invoque s’est abstenue de le faire devant le Tribunal  ( 19 ) . Il importe à cet égard de faire observer que, au point 49 de l’arrêt Chronopost et La Poste/UFEX e.a., la Cour s’est référée au point 25 de son arrêt Commission/Daffix  ( 20 ) , dans lequel était invoquée la violation de l’obligation de motivation. Cette référence me conduit à penser que la Cour a, implicitement mais nécessairement, admis qu’un moyen tiré de la
méconnaissance de l’obligation de motivation, en particulier du défaut de motivation, devrait pouvoir être invoqué dans le cadre du pourvoi, en dépit du fait qu’il n’a pas été soulevé devant les juges du fond.

36. En tout état de cause, les requérantes paraissent reprocher au Tribunal de ne pas avoir soulevé d’office le prétendu défaut de motivation affectant la division de la procédure d’enquête en deux procédures distinctes.

37. Partant, je considère que la Cour devrait écarter les deux motifs exposés par la Commission visant à faire constater l’irrecevabilité du premier moyen du pourvoi.

b) Sur le fond

38. Quant au fond, j’estime que le présent moyen du pourvoi devrait être rejeté.

39. En premier lieu, les requérantes ne sauraient, à mon sens, reprocher au Tribunal d’avoir jugé, au point 61 de l’arrêt attaqué, qu’elles avaient été mises en mesure de faire valoir leurs observations sur la division de la procédure dans le cadre de leur réponse à la communication des griefs, qui leur a été adressée le 15 mars 2004 , laquelle était, de manière univoque, intitulée « Communication des griefs dans la procédure PO/articles de mercerie: aiguilles » .

40. À cet égard, il convient de rappeler que la communication des griefs prévue par le règlement n o  17 (et par le règlement n o  1/2003) est un document de procédure préparatoire par rapport à la décision mettant fin à la procédure. Ce document circonscrit l’objet de la procédure administrative engagée, empêchant ainsi la Commission de retenir d’autres griefs dans sa décision. Ce document doit énoncer les éléments essentiels sur lesquels la Commission se base à ce stade de la procédure. Les
appréciations de fait ou de droit que la Commission porte dans la communication des griefs ont donc un caractère purement provisoire  ( 21 ) .

41. Par ailleurs, le respect des droits de la défense exige que, durant la procédure administrative, les entreprises intéressées aient été mises en mesure de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction au traité CE  ( 22 ) . La Commission doit tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative, soit
pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager et compléter, tant en fait qu’en droit, son argumentation à l’appui des griefs qu’elle maintient  ( 23 ) .

42. En d’autres termes, c’est par la communication des griefs que l’entreprise concernée est informée de tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure et c’est seulement après l’envoi de ladite communication que cette entreprise peut pleinement faire valoir les droits de la défense  ( 24 ) .

43. Or, en l’espèce, la communication des griefs du 15 mars 2004 a, sans ambiguïté, circonscrit l’objet de la procédure administrative ayant abouti à l’adoption de la décision litigieuse aux « articles de mercerie: aiguilles » .

44. Cette indication était suffisante pour permettre aux requérantes de faire valoir leur point de vue sur la division de la procédure et, dans la mesure où elles considéraient que cette division leur faisait grief, de la contester.

45. Je relève d’ailleurs, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur le bien-fondé de cette allégation, que les requérantes admettent explicitement, au point 10 de leur pourvoi, que la communication des griefs du 15 mars 2004 faisait apparaître que la Commission considérait leur comportement dans l’affaire « aiguilles » comme constituant une infraction autonome par rapport à leurs agissements dans le domaine des fermetures.

46. Cet aveu démontre que les requérantes pouvaient fort bien faire utilement valoir leur point de vue sur la division de la procédure au stade de la communication des griefs. Or, ces dernières restent clairement en défaut d’expliquer les raisons pour lesquelles, bien qu’elles étaient informées et conscientes de cette prise de position, tout au moins provisoire, de la Commission, il leur a été impossible de formuler des observations, mêmes sommaires, sur ladite prise de position dans le cadre de
leur réponse à ladite communication des griefs pour laquelle elles ont disposé d’un délai supérieur à deux mois à compter de la notification de cette communication.

47. J’ajoute que la formulation de telles observations à ce stade de la procédure n’aurait pas conduit les requérantes à admettre l’existence d’une infraction dans l’affaire « fermetures » ( 25 ) , ce qui, au demeurant, n’est pas allégué par les requérantes.

48. En second lieu, la prétention selon laquelle la division de la procédure au stade de la communication des griefs serait entachée d’un défaut de motivation ne saurait non plus prospérer.

49. Il importe de rappeler que la procédure administrative menant à l’adoption d’une décision constatant une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE est, généralement, divisée en deux phases répondant, chacune, à une logique interne propre . La première de ces phases, à savoir la phase d’instruction antérieure à la communication des griefs, doit permettre à la Commission de prendre position sur l’orientation de la procédure. La seconde desdites phases, s’étalant de la communication des griefs
jusqu’à l’adoption de la décision finale, doit permettre à la Commission de se prononcer définitivement sur l’infraction reprochée  ( 26 ) .

50. Ainsi que les requérantes l’ont admis dans leur pourvoi, il résultait de la communication des griefs du 15 mars 2004 que la Commission considérait que l’infraction visée dans ce document, à savoir celle se rapportant aux « articles de mercerie: aiguilles » , constituait une infraction unique et continue . Les requérantes ont donc bien compris, au plus tard à la date de la notification de la communication des griefs du 15 mars 2004 , la raison qui présidait à la division de la procédure, à
compter de ladite communication, en deux procédures distinctes, dont l’une a conduit à l’adoption de la décision litigieuse.

51. À cet égard, et contrairement à ce que suggèrent les requérantes, je ne pense pas que l’on puisse mettre à la charge de la Commission l’obligation d’expliquer plus en détail les raisons qui l’entraînent à délimiter l’objet même d’un document, tel qu’une communication des griefs, qui a précisément lui-même pour fonction de circonscrire l’objet de la phase de la procédure administrative qui doit conduire la Commission à se prononcer définitivement sur l’infraction reprochée  ( 27 ) . En effet,
l’approche proposée par les requérantes aurait pour conséquence d’exiger de la Commission qu’elle explique sa prise de position provisoire, telle que délimitée dans la communication des griefs, par rapport aux éléments ressortant des mesures d’enquête préalables que cette institution estime ne pas devoir inclure dans ladite phase de la procédure administrative. La Commission serait alors non seulement obligée, conformément à la jurisprudence, d’énoncer, dans la communication des griefs, tous les
éléments essentiels sur lesquels elle fonde, à ce stade de la procédure, son allégation de l’existence d’une infraction, mais également d’inclure une motivation articulée relative aux éléments (par nature non essentiels) sur lesquels elle n’entend pas, dans le cadre de cette même procédure administrative, se fonder.

52. Imposer une telle exigence de motivation à ce stade de la procédure administrative serait, à mon sens, excessif.

53. Dans la présente affaire, il importe d’ailleurs de mettre en exergue, ainsi que les requérantes l’ont indiqué dans leurs écritures, que, au moment de l’adoption de la communication des griefs du 15 mars 2004 , la Commission n’avait pas complété la procédure d’enquête qui concernait le domaine des fermetures et que, partant, elle ne leur avait pas adressé de communication des griefs dans ce dossier, laquelle n’a été adoptée que le 16 septembre 2004 . Dans de telles conditions, l’on perçoit
d’autant moins comment il peut être exigé de la Commission une motivation spécifique sur la division de la procédure lors de l’adoption de sa première communication des griefs dans le domaine des « articles de mercerie: aiguilles » , alors même que, à ce stade, aucun autre document n’envisage de constater l’existence d’une autre infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE.

54. Au demeurant, je relève que, dans l’arrêt van Landewyck e.a./Commission, la Cour a rejeté un moyen tiré de la jonction irrégulière et non motivée, au stade de la décision constatant une infraction à l’article 81 CE, de trois procédures initialement séparées au motif qu’il avait été accordé la faculté aux entreprises et aux associations concernées de faire connaître leur point de vue sur les griefs retenus dans le cadre de la procédure administrative qui avaient pour origine différentes plaintes
ayant été successivement déposées au cours de la procédure  ( 28 ) . Or, malgré l’absence de motivation de la décision qui faisait l’objet du recours dans cette affaire quant à la « jonction » des trois procédures, la Cour a indiqué que rien ne s’opposait à ce que la Commission statue par une décision unique sur une même infraction faisant l’objet de plusieurs plaintes successivement déposées au cours d’une même procédure  ( 29 ) .

55. Je ne vois pas pourquoi devrait peser sur la Commission une exigence de motivation plus intense dans le cas où cette institution procède à la division de la procédure, dès lors que la communication des griefs a permis aux requérantes de faire valoir leur point de vue sur ladite division dans le cadre de la procédure administrative ayant abouti à l’adoption de la décision litigieuse. À cet égard, je rappelle que les requérantes n’ont jamais invoqué devant le Tribunal une erreur de droit ou une
erreur d’appréciation qui aurait été commise par la Commission dans la décision litigieuse quant aux constatations, exposées aux points 250 à 260 de cette décision, selon lesquelles il existait une « infraction unique et continue » à l’article 81, paragraphe 1, CE sur les marchés visés par ladite décision.

56. J’estime donc que le Tribunal n’avait pas à soulever d’office le prétendu défaut de motivation relatif à la division de la procédure administrative.

57. Partant, le premier moyen du pourvoi devrait être rejeté comme étant non fondé.

C — Sur le deuxième moyen du pourvoi, tiré du déni de justice et de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective

1. Argumentation des parties

58. Les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir refusé de vérifier la légalité de la division de la procédure, alors même que, d’une part, il aurait reconnu que la présente affaire se distinguait de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Tokai II, précité, et, d’autre part, aurait été en possession d’indices, à savoir les communications des griefs des 16 septembre 2004 et du 8 mars 2006 relatives à l’affaire « fermetures » , selon lesquels la Commission aurait procédé à une division arbitraire
d’une infraction unique et continue. Contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé au point 66 de l’arrêt attaqué, l’issue de cette procédure n’était plus de nature spéculative. Le Tribunal aurait également méconnu le fait que la légalité de la décision litigieuse dépendait de la question de savoir si l’infraction qui y a été constatée et sanctionnée constituait une infraction distincte par rapport à la quatrième infraction réprimée dans le cadre de la décision « fermetures » .

59. La Commission rappelle, en substance, que la décision « fermetures » n’avait pas été adoptée au moment où le Tribunal a mis en délibéré l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt attaqué et que les communications des griefs sont des documents de nature préparatoire. Elle propose de rejeter ce moyen.

2. Appréciation

60. Comme je l’ai déjà indiqué dans le cadre de l’examen du premier moyen du pourvoi, les appréciations du Tribunal figurant aux points 63 à 66 de l’arrêt attaqué, et reproduites au point 17 des présentes conclusions, ont été, implicitement mais nécessairement, exposées dans le cadre de l’examen de l’incidence qu’aurait prétendument eu la méconnaissance du droit d’être entendu sur la légalité de la décision litigieuse.

61. Or, dans la mesure où le Tribunal a jugé, à bon droit selon moi, que les requérantes avaient été mises en mesure de se défendre contre la division de la procédure, les appréciations exposées aux points 63 à 66 de l’arrêt attaqué ont donc été effectuées de manière surabondante.

62. Conformément à la jurisprudence, les critiques dirigées à l’encontre de tels motifs surabondants d’un arrêt du Tribunal ne sauraient prospérer  ( 30 ) .

63. Le deuxième moyen du pourvoi doit donc, à mon sens, être déclaré inopérant.

64. En tout état de cause, ce moyen est, selon moi, non fondé.

65. Tout d’abord, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, le Tribunal n’a pas, au point 65 de l’arrêt attaqué, considéré que la présente affaire se distinguait de celle ayant donné lieu à l’arrêt Tokai II, mais s’est contenté de résumer les arguments des requérantes à l’appui de leur opinion selon laquelle les affaires « aiguilles » et « fermetures » se recoupaient de sorte que la situation en cause n’était pas entièrement comparable à celle de ladite affaire Tokai II. En effet, au point 66
de l’arrêt attaqué, le Tribunal constate que les « affirmations [des requérantes] ne peuvent cependant être vérifiées qu’après l’adoption de la décision dans l’affaire fermetures » .

66. Ensuite, s’agissant précisément de l’appréciation figurant au point 66 de l’arrêt attaqué, il est constant que, au moment de l’introduction du recours devant le Tribunal et de la mise en délibéré de l’affaire à la suite de la procédure orale, aucune décision mettant fin à la procédure administrative dans l’affaire « fermetures » n’avait encore été adoptée. Le fait que, comme les requérantes l’indiquent, le Tribunal disposait, au moment de l’audience dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt
attaqué, des deux communications des griefs notamment adressées aux requérantes dans l’affaire « fermetures » ne lui permettait aucunement, en raison du caractère nécessairement provisoire des appréciations figurant dans lesdits documents  ( 31 ) , de considérer ces pièces comme constituant un indice d’une prétendue absence de raisons objectives justifiant la division de la procédure. Si le Tribunal avait suivi l’approche suggérée par les requérantes à l’appui du présent moyen et pris en
considération les éléments figurant dans lesdites communications des griefs, il aurait, à mon sens, été conduit à entacher les motifs de l’arrêt attaqué d’une erreur de droit en ce qu’il aurait tenu compte d’appréciations provisoires, sans égard aux observations éventuelles des entreprises destinataires desdites communications, en anticipant de manière inappropriée la décision « fermetures » ( 32 ) .

67. Par ailleurs, il importe de rappeler que les requérantes n’ont jamais prétendu, devant le Tribunal, que la Commission avait commis des erreurs de droit ou d’appréciation en retenant, dans la décision litigieuse, l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 81, paragraphe 1, CE.

68. Le Tribunal ne pouvait donc que se borner à constater que les affirmations faites par les requérantes, fondées sur des actes préparatoires à la décision « fermetures » , dont l’adoption n’était intervenue ni au moment de la mise en délibéré de l’affaire ni même au moment du prononcé de l’arrêt attaqué, étaient uniquement de nature spéculative et ne pouvaient mettre en cause la légalité de la décision litigieuse.

69. En indiquant, au point 66, première phrase, de l’arrêt attaqué, que ces affirmations ne pouvaient être vérifiées qu’après l’adoption de la décision dans l’affaire « fermetures » , le Tribunal n’a donc commis aucune erreur de droit. Il a, au contraire, répondu aux arguments des requérantes en limitant, à bon droit, son contrôle à celui de la légalité de la décision litigieuse, à la lumière des moyens invoqués par les requérantes. L’on ne saurait donc prétendre, selon moi, que le Tribunal aurait
commis un déni de justice ou méconnu le droit à une protection juridictionnelle effective.

70. Au surplus, l’appréciation figurant au point 66, première phrase, de l’arrêt attaqué ainsi que la précision effectuée au point 232 in fine du même arrêt, à propos de la proportionnalité de l’amende infligée dans la décision litigieuse par rapport à celle que les requérantes risquaient de se voir infliger dans la décision « fermetures » , selon laquelle l’argument avancé par les requérantes serait susceptible d’être invoqué dans le cadre d’une éventuelle procédure ultérieure dirigée contre la
décision dans l’affaire « fermetures » , démontrent, à mon sens, le souci du Tribunal d’indiquer aux requérantes que ces griefs devaient, de manière plus pertinente, être dirigés contre la décision qui devait éventuellement intervenir dans l’affaire « fermetures » ( 33 ) .

71. Pour l’ensemble de ces raisons, je considère que le deuxième moyen, tiré du déni de justice et de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective, devrait être rejeté, à titre principal, comme inopérant, ou, à titre subsidiaire, comme non fondé.

D — Sur le troisième moyen du pourvoi, tiré de la prise en considération insuffisante par le Tribunal de la constatation de la violation de l’obligation de motivation par la Commission en ce qui concerne la détermination de la gravité de l’infraction

72. Le troisième moyen se divise en deux branches, tirées, respectivement, d’une prise en considération insuffisante par le Tribunal de la constatation de la violation de l’obligation de motivation par la Commission en ce qui concerne la taille des marchés en cause et d’une prise en considération insuffisante par le Tribunal de la constatation de la violation de l’obligation de motivation par la Commission en ce qui concerne l’impact concret de l’infraction sur le marché.

1. Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une prise en considération insuffisante par le Tribunal de la constatation de la violation de l’obligation de motivation par la Commission en ce qui concerne la taille des marchés en cause

a) Considérations du Tribunal

73. Dans leur recours devant le Tribunal, les requérantes reprochaient notamment à la Commission de ne pas avoir motivé à suffisance ses appréciations relatives à la taille des marchés en cause qui figuraient dans la décision litigieuse.

74. Le Tribunal a d’abord relevé, au point 87 de l’arrêt attaqué, qu’il n’existait pas d’obligation pour la Commission d’opérer, en l’espèce, une délimitation du marché aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE eu égard à l’objet anticoncurrentiel des accords.

75. Il a toutefois précisé, au point 88 de l’arrêt attaqué, que, puisque le dispositif de la décision litigieuse infligeait une amende en application du règlement n o  1/2003, les constatations factuelles relatives au marché concerné étaient pertinentes, même si leur insuffisance n’était pas susceptible d’entraîner l’annulation totale de ladite décision.

76. Au point 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a souligné:

« 89 En effet, selon les lignes directrices, l’évaluation du caractère de gravité de l’infraction ‘ doit prendre en considération ’ non seulement la nature propre de l’infraction, mais également ‘ son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable ’ (point 1 A, premier alinéa). Or, afin d’évaluer l’impact concret de l’infraction sur le marché, il est nécessaire de délimiter ce marché. Les lignes directrices prescrivent également qu’il est ‘ nécessaire ’ , afin de déterminer la gravité
d’une infraction, de ‘ prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs ’ (point 1 A, quatrième alinéa), ce qui implique la nécessité de déterminer la taille des marchés et les parts de marché que détiennent les entreprises concernées. »

77. Après avoir considéré qu’il n’existait aucun défaut de motivation quant à la délimitation des marchés (point 95 de l’arrêt attaqué), le Tribunal a examiné les constatations de la Commission relatives à la taille du marché figurant aux points 45 et 46 des motifs de la décision litigieuse.

78. Au point 98 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que les appréciations de la Commission sur les dimensions des trois marchés de produits qu’elle avait identifiés restaient lacunaires et ne permettaient pas de vérifier la taille de tous les marchés concernés. Le Tribunal a constaté, au point 99 de l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse « était entachée d’une insuffisance de motivation, ce qui pourrait conduire à l’annulation partielle de la[dite] décision […], à moins que les
constatations de la Commission relatives à la capacité économique effective des entreprises concernées à causer un préjudice important ne soient fondées sur d’autres motifs de la décision [litigieuse] » .

79. Aux points 100 et 101 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait les constatations suivantes:

« 100 Or, dans les circonstances de l’espèce, les requérantes n’ont jamais contesté les constatations de la Commission exposées dans [les motifs] la décision [litigieuse] qui permettent d’affirmer l’existence d’une telle capacité même en l’absence des données susmentionnées. En effet, la Commission a constaté, au [point] 325 [des motifs] de la [d]écision [litigieuse], que, pendant la période d’infraction, Prym et Entaco étaient les leaders du marché européen de la fabrication d’aiguilles et que
la concurrence était très limitée [exercée pour l’essentiel par Needle Industries (India) Ltd]; que Prym était le numéro un européen dans les autres secteurs des articles de mercerie durs, tels que les systèmes de fermeture et les épingles, et un des principaux concurrents sur le marché des fermetures à glissière, et que Coats et Prym étaient les principaux concurrents s’agissant de la vente au détail avec leurs marques d’aiguilles à coudre à la main respectives, à savoir Milward et Newey.

101 Ces observations, quoique intitulées ‘ Traitement différencié ’ , se trouvent dans la partie ‘ Gravité de l’infraction ’ de la décision [litigieuse] et contiennent des références aux critères pertinents pour évaluer la capacité économique effective des auteurs d’une infraction à créer un dommage important. En outre, les requérantes n’ont jamais contesté qu’elles comptaient parmi les opérateurs les plus puissants du secteur concerné. »

b) Argumentation des parties

80. Selon les requérantes, le Tribunal aurait méconnu le fait que la violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne la taille des marchés de produits a eu un impact sur la détermination de la gravité concrète de l’infraction, dès lors que la détermination de celle-ci implique le recours cumulatif à plusieurs critères. À cet égard, les requérantes précisent que la Commission aurait elle-même indiqué, au point 333 des motifs de la décision litigieuse, avoir déterminé la gravité concrète de
l’infraction sur la base de la taille des marchés en cause et de la capacité économique des auteurs de l’infraction à causer un dommage important.

81. Le Tribunal aurait également commis une erreur de droit en retenant que la Commission avait suffisamment décrit l’impact concret de l’infraction sur le marché en se référant, au point 101 de l’arrêt attaqué, à la position de leader des entreprises concernées. Le Tribunal aurait ainsi méconnu la différence entre la détermination de la capacité économique effective d’une entreprise à causer un dommage important et la détermination de l’impact concret sur le marché lorsque celui-ci est mesurable.
Alors que les requérantes admettent que, à la rigueur, la référence à une position de leader puisse être suffisante pour constater la capacité économique d’une entreprise à causer un dommage important, elle ne saurait suffire pour mesurer l’impact concret sur le marché, lequel requiert la constatation de la taille des marchés. Par ailleurs, les requérantes estiment qu’il existe une contradiction de motifs entre le point 89 et les points 99 ainsi que 100 de l’arrêt attaqué. Elles considèrent donc
que les erreurs qui entachent l’arrêt attaqué devraient entraîner l’annulation de la décision litigieuse.

82. La Commission rétorque que, selon une lecture correcte de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a approuvé l’obligation de déterminer la taille des marchés de produits qu’en ce qui concerne la capacité des entreprises concernées à causer un dommage important. Toutefois, si cette capacité peut être constatée, comme ce serait le cas en l’espèce, par d’autres moyens, la Commission serait dispensée de l’obligation de déterminer la taille des marchés (points 89, 90, 99 et 101 de l’arrêt attaqué). En outre,
il résulterait de la jurisprudence du Tribunal que la méthode de calcul des amendes décrite dans les lignes directrices n’impose nullement la prise en compte, aux fins de la détermination du montant de départ de l’amende, de la taille des marchés de produits.

83. Selon la Commission, le Tribunal n’a pas confondu la question de la détermination de la capacité effective de l’entreprise à causer un dommage important et celle de la détermination de l’impact concret de l’infraction puisqu’il a, au point 115 de l’arrêt attaqué, constaté un vice de motivation en ce qui concerne l’impact concret.

84. Elle ajoute que, en jugeant, au point 89 de l’arrêt attaqué, que la Commission était tenue de délimiter le marché en cause et, partant, d’en déterminer la taille, le Tribunal n’a certainement pas pu penser qu’une telle délimitation correspondrait à celle qui doit être effectuée dans le cadre de l’application de l’article 82 CE, sans quoi la jurisprudence en vertu de laquelle la Commission n’est pas tenue, dans l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, de délimiter le marché serait
complètement vidée de son sens. En tout état de cause, d’éventuelles erreurs concernant les constatations relatives à la taille des marchés ne sauraient entraîner l’annulation complète de la décision litigieuse.

c) Appréciation

85. Il importe, à titre liminaire, de préciser que, par la présente branche du troisième moyen, les critiques adressées par les requérantes à l’arrêt attaqué se rapportent uniquement à l’appréciation par le Tribunal de la motivation de la décision litigieuse relative à la taille des marchés en cause, aux fins de la détermination de la gravité de l’infraction. Cette dernière constituant, comme cela a déjà été indiqué, l’un des deux critères retenus par l’article 23, paragraphe 3, du règlement n o
 1/2003 pour le calcul de l’amende, la présente branche ne pourrait, à supposer qu’elle doive être accueillie, qu’entraîner, hormis l’annulation de l’arrêt attaqué, l’annulation partielle de la décision litigieuse, comme l’a constaté le Tribunal aux points 88 et 99 de l’arrêt attaqué, et, le cas échéant, la réformation de cette dernière.

86. Toutefois, je ne crois pas que cette branche puisse prospérer.

87. Premièrement, comme l’a noté à juste titre la Commission dans son mémoire en réponse, les requérantes font, à plusieurs égards, une lecture erronée des motifs critiqués de l’arrêt attaqué en ce qu’elles confondent les appréciations effectuées par le Tribunal se rapportant à la taille des marchés et celles — qui font d’ailleurs l’objet de la seconde branche du présent moyen et qui ont été exposées à d’autres points des motifs de l’arrêt attaqué — relatives à l’impact concret de l’infraction sur
le marché. En effet, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, à aucun moment le Tribunal n’a constaté que la Commission avait suffisamment décrit l’impact concret de l’infraction sur le marché en se référant, au point 101 de l’arrêt attaqué, à la position de leader des entreprises concernées. Les appréciations du point 101 de l’arrêt attaqué se rapportent uniquement à la capacité économique effective des entreprises concernées à causer un dommage important aux autres opérateurs, au
sens du point 1, A, quatrième alinéa, des lignes directrices, et non à l’impact concret de l’infraction sur le marché, visé au point 1, A, premier alinéa, des lignes directrices.

88. Deuxièmement, les requérantes paraissent considérer, bien que leur argumentation ne soit pas particulièrement claire à cet égard, que les critères relatifs à l’appréciation de la gravité d’une infraction aux fins du calcul de l’amende sont cumulatifs et que, dès lors que la Commission se réfère, comme dans la décision litigieuse, à la taille des marchés parmi ces critères, le Tribunal ne saurait juger que la motivation insuffisante à l’égard de ce critère puisse être complétée par un renvoi aux
constatations relatives à la capacité économique effective des entreprises concernées à causer un préjudice important effectuées dans la décision litigieuse.

89. Il importe, à cet égard, de rappeler que, selon la jurisprudence, la gravité des infractions doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte  ( 34 ) .

90. La Cour a jugé que figurent parmi les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité des infractions le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement des pratiques concertées, le profit qu’elles ont pu tirer de ces pratiques, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour les objectifs de la Communauté européenne  ( 35 ) .

91. Il n’existe donc, en principe, aucune obligation dans le chef de la Commission de prendre en compte la taille des marchés de produits comme critère entrant dans l’appréciation de la gravité d’une infraction, celui-ci n’étant qu’un élément pertinent parmi d’autres  ( 36 ) .

92. Contrairement à ce que font valoir les requérantes en référence au point 91 de l’arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, l’on ne saurait déduire une autre conclusion dudit point. En effet, ce point se limite à indiquer que « l’étendue du marché affecté » doit être prise en considération, ce qui assurément vise l’étendue géographique du marché concerné, comme le confirme le point 1, A. des lignes directrices, et non la taille économique (ou le volume du chiffre d’affaires) des marchés
affectés.

93. Il importe de rappeler que, dans la décision litigieuse, la Commission a dit s’être fondée sur divers éléments pour déterminer la gravité de l’infraction, dont la taille des marchés et la capacité économique effective des entreprises à causer un préjudice important aux autres opérateurs, ce dernier élément étant explicitement mentionné au point 1, A, quatrième alinéa, des lignes directrices.

94. À cet égard, il convient de relever que les requérantes ne critiquent pas la constatation du Tribunal, exposée au point 89 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, aux fins de l’appréciation de la gravité de l’infraction, la détermination de la taille des marchés serait nécessaire (et, partant en réalité, fonctionnelle) afin de déterminer la capacité économique effective des entreprises à causer un dommage important aux autres opérateurs, au sens des lignes directrices.

95. Elles estiment cependant que le Tribunal s’est contredit en posant, tout d’abord, une telle exigence mais en acceptant ensuite, aux points 99 et 100 de l’arrêt attaqué, que l’insuffisance de motivation qu’il a constatée à propos de la détermination de la taille des marchés puisse être suppléée par la référence à la position de leader sur les marchés faite par la Commission au point 325 des motifs de la décision litigieuse et non contestée par les requérantes.

96. S’il me semble que les requérantes mettent en exergue de façon tout à fait pertinente la contradiction qui se révèle à la lecture de motivation exposée aux points 89, 99 et 100 de l’arrêt attaqué  ( 37 ) , ce grief ne saurait toutefois, à mon sens, prospérer pour les raisons suivantes.

97. Ainsi que la Cour l’a jugé, et comme l’a rappelé le Tribunal au point 90 de l’arrêt attaqué, afin de déterminer l’influence qu’a pu exercer une entreprise sur le marché, les parts de marché détenues par celle-ci sont pertinentes  ( 38 ) .

98. Toutefois, l’on ne saurait déduire de cette jurisprudence que, pour évaluer l’influence de l’entreprise sur le marché ou, pour reprendre les termes des lignes directrices, la capacité économique effective de causer un dommage important aux autres opérateurs, il y ait lieu de mesurer cette capacité en obligeant la Commission à procéder à une délimitation préalable du marché ainsi qu’à une appréciation de la taille de celui-ci, en termes de volume de chiffre d’affaires  ( 39 ) .

99. Ainsi que la Commission le considère à juste titre, interpréter le point 89 de l’arrêt attaqué comme posant une telle exigence conduirait à imposer à celle-ci une démonstration à laquelle elle n’est même pas tenue dans le cadre de la constatation d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE lorsqu’une telle infraction est, par sa nature même, contraire audit article, ainsi que l’a constaté le Tribunal aux points 86 et 87 de l’arrêt attaqué, en référence à une jurisprudence constante (motifs
qui ne sont d’ailleurs pas contestés par les requérantes)  ( 40 ) .

100. Une telle approche reviendrait aussi à interpréter de manière particulièrement restrictive les lignes directrices.

101. Dès lors, si j’estime que c’est à bon droit que le Tribunal a considéré qu’il est nécessaire pour la Commission, aux fins de la fixation de la gravité de l’infraction et du calcul de l’amende, de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, en application du point 1, A, quatrième alinéa, des lignes directrices, une telle prise en considération ne doit pas, à mon sens, obligatoirement « impliquer la
nécessité de déterminer la taille des marchés » , contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal au point 89 de l’arrêt attaqué.

102. En revanche, il est plus correct, selon moi, de considérer qu’une telle capacité des auteurs d’infraction peut être démontrée par tous moyens appropriés, parmi lesquels figure la détermination de la taille des marchés en termes de volume du chiffre d’affaires.

103. Or, c’est précisément ce critère qui a été appliqué par le Tribunal aux points 99 à 101 de l’arrêt attaqué. En effet, celui-ci a estimé, après avoir constaté que la décision litigieuse était insuffisamment motivée quant à la détermination de la taille des marchés en termes de volume du chiffre d’affaires, que cette lacune dans la motivation pouvait être suppléée par d’autres motifs exposés dans la décision litigieuse, en l’occurrence les constatations effectuées au point 325 des motifs de cette
décision relatives, en substance, à ce que les parties dans la présente affaire ont décrit comme la position de leader des requérantes sur les marchés.

104. À cet égard, il convient de relever que, aux points 63 et 66 de leur pourvoi, les requérantes admettent expressément la pertinence d’un tel critère pour apprécier la capacité économique effective d’une entreprise à causer un dommage important. Elles se limitent, dans ce contexte, à reprocher à la Commission de n’avoir pas démontré à suffisance l’existence d’une telle position de leader sur le marché, eu égard aux circonstances de l’affaire. Or, une telle critique, qui a trait à la constatation
des faits et à leur appréciation, ne saurait être examinée par la Cour dans le cadre du pourvoi, sous réserve du cas de leur dénaturation par le Tribunal  ( 41 ) , ce qui, en l’espèce, n’est pas invoqué par les requérantes.

105. Partant, malgré l’erreur de droit et la contradiction de motifs qui ont affecté le raisonnement du Tribunal exposé aux points 89, 99 et 100 de l’arrêt attaqué, ces vices n’ont pas eu d’incidence sur le dispositif dudit arrêt qui serait susceptible d’entraîner son annulation.

106. Je suggère donc de rejeter la première branche du troisième moyen comme étant non fondée.

2. Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée d’une prise en considération insuffisante par le Tribunal de la constatation de la violation de l’obligation de motivation par la Commission en ce qui concerne l’impact concret de l’infraction sur le marché

a) Considérations du Tribunal

107. Au point 108 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé que, selon le point 1, A, premier alinéa, des lignes directrices, aux fins de la détermination de la gravité de l’infraction, la Commission n’est tenue de procéder à un examen de l’impact concret sur le marché d’une infraction que lorsqu’il apparaît que cet impact est mesurable.

108. Il a ensuite noté, au point 109 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait jamais soutenu que, en l’espèce, l’impact n’était pas mesurable et qu’elle avait même indiqué, durant la procédure contentieuse, que l’infraction avait été mise en œuvre, ce qui impliquait qu’elle avait nécessairement eu des effets réels sur les conditions de la concurrence sur les marchés concernés.

109. Le Tribunal a rejeté cette thèse comme n’étant pas « convaincante » , au motif que la mise en œuvre d’un accord n’implique pas nécessairement qu’il produise des effets réels, s’appuyant à cet égard sur la pratique décisionnelle de la Commission et sur l’un de ses propres arrêts. Il a aussi reproché à la Commission de n’avoir pas répondu à l’argument des requérantes selon lequel les accords en cause n’avaient pas entraîné une hausse des prix de vente des aiguilles percées (point 110 de l’arrêt
attaqué). Le Tribunal a finalement constaté que la Commission s’était exclusivement fondée sur une relation de cause à effet entre la mise en œuvre de l’entente et son impact concret, ce qui n’était pas suffisant pour le calcul de l’amende (point 111 de l’arrêt attaqué). Il en a donc conclu, au point 112 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas suffisamment satisfait à l’obligation de motivation qui lui incombait.

110. Le Tribunal a examiné les conséquences juridiques d’une telle méconnaissance de l’obligation de motivation au point 190 de l’arrêt attaqué. Dans ce point, le Tribunal a souligné que, en particulier, l’exposé de la Commission relatif à la détermination du montant de l’amende ne contenait pas d’élément expliquant pourquoi la diminution de l’impact de l’infraction après le  13 mars 1997 , qu’elle avait d’ailleurs expressément reconnue au point 320 des motifs de la décision litigieuse, ne s’était
pas répercutée sur le calcul de l’amende. Le Tribunal a cependant conclu que « [c]e défaut de motivation ne saurait toutefois, dans les circonstances de l’espèce, conduire à la suppression ou à la réduction du montant de l’amende infligée, étant donné que la qualification de l’infraction de ‘ très grave ’ était fondée [pour les motifs qu’il a exposés aux points 188 et 189 de l’arrêt attaqué] et que la Commission a choisi le montant minimal de départ prévu par les lignes directrices pour une
telle infraction (voire, plus précisément, le montant maximal pour une infraction ‘ grave ’ ), à savoir 20 millions d’euros. En effet, la Commission relève à juste titre que le choix du montant minimal suffit en l’espèce pour tenir compte de la diminution de l’impact de l’infraction pendant la période d’infraction » .

b) Argumentation des parties

111. Selon les requérantes, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en jugeant, au point 190 de l’arrêt attaqué, que le défaut de motivation concernant l’appréciation de l’impact concret de l’infraction ne devait pas, dans les circonstances de l’espèce, conduire à la suppression ou à la réduction de l’amende étant donné que la qualification de l’infraction de « très grave » était fondée. Le Tribunal mélangerait ainsi des questions concernant la légalité matérielle de la décision avec des
questions concernant les conséquences juridiques d’une violation de l’obligation de motivation formelle. Dès lors que la Commission dispose, en matière d’ententes, d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des dispositions procédurales et de l’obligation de motivation revêtirait une importance primordiale pour les droits de la défense.

112. La Commission rejette la thèse des requérantes. Elle considère cependant que le Tribunal a commis des erreurs de droit aux points 109 à 112 de l’arrêt attaqué. D’une part, le Tribunal aurait exigé de la Commission qu’elle démontre l’absence d’impact concret mesurable, alors qu’il n’a lui-même pas constaté que cet impact était mesurable. D’autre part, le Tribunal aurait contredit une jurisprudence constante selon laquelle la mise en œuvre d’un accord dont l’objet est anticoncurrentiel suffit à
écarter la possibilité de conclure à une absence d’impact sur le marché. Partant, la Commission invite la Cour à procéder à une substitution de motifs en écartant les constatations contenues aux points 109 à 112 de l’arrêt attaqué quant à la preuve et quant à la mesurabilité de l’impact sur le marché.

c) Appréciation

113. Avant d’examiner la seconde branche à l’appui du moyen invoqué par les requérantes portant sur le point 190 de l’arrêt attaqué, il convient de se prononcer, au préalable, sur la demande de substitution de motifs formulée par la Commission, une telle demande pouvant permettre à la Cour d’identifier une erreur de droit commise par le Tribunal et de la rectifier, sans toutefois affecter le dispositif de l’arrêt sous pourvoi qui serait fondé pour d’autres motifs  ( 42 ) .

i) Sur la demande de substitution de motifs présentée par la Commission

114. Deux questions de droit sont au centre des reproches adressés par la Commission relatifs à la motivation du Tribunal exposée aux points 109 à 112 de l’arrêt attaqué.

115. Premièrement, la Commission estime que c’est de manière erronée que le Tribunal a constaté qu’elle devait rapporter la preuve de l’absence d’un impact concret de l’infraction sur le marché, alors même que, d’une part, cette obligation ne lui est imposée que lorsque cet impact est mesurable, ce qui, en l’espèce, faisait, selon elle, défaut eu égard à la nature des accords qui avaient pour objet la neutralisation de la concurrence potentielle sur les marchés concernés, et, d’autre part, le
Tribunal n’aurait finalement pas constaté que l’impact sur le marché était, en l’occurrence, mesurable.

116. Deuxièmement, la Commission soutient que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en considérant qu’elle avait insuffisamment motivé la décision litigieuse en se bornant à indiquer que les effets réels de l’infraction sur le marché pouvaient être déduits de la mise en œuvre de l’entente.

117. Ces critiques ne sauraient, à mon sens, être entièrement partagées.

118. S’agissant de la première série de critiques, il est certes vrai que, selon le point 1, A, premier alinéa, des lignes directrices, il incombe uniquement à la Commission de démontrer l’impact concret d’une infraction sur le marché lorsque celui-ci est mesurable. En ce qui concerne les ententes horizontales de prix ou de répartition de marchés, il ressort aussi des lignes directrices que ces ententes peuvent être qualifiées d’infractions très graves sur le seul fondement de leur nature propre,
sans que la Commission soit tenue de démontrer un impact concret de l’infraction sur le marché. Dans ce cas, l’impact concret de l’infraction sur le marché constitue un élément parmi d’autres.

119. Toutefois, ainsi que l’a constaté le Tribunal au point 111 de l’arrêt attaqué, la Commission a consacré une section de la décision litigieuse à l’ « impact réel de l’infraction » dans laquelle elle a notamment indiqué que l’infraction avait eu un impact sur le marché et que cet impact avait diminué entre le 13 mars 1997 et le  31 décembre 1999 . Or, de deux choses l’une, soit la Commission n’entend pas se fonder sur le critère de l’impact concret de l’infraction sur le marché, auquel cas la
décision par laquelle elle inflige une amende aux entreprises à l’entente ne prendra en compte, aux fins de la détermination de la gravité de l’infraction, que la nature propre de l’infraction et, éventuellement, l’étendue géographique du marché, conformément au point 1, A. des lignes directrices, soit elle entend fonder sa décision sur un tel impact, à l’instar de la décision litigieuse, auquel cas il existe, selon moi, une présomption selon laquelle elle considère qu’un tel impact est
mesurable. En effet, dans la mesure où le recours à un tel critère peut permettre à la Commission d’augmenter le montant de l’amende qu’elle entend infliger au-delà du seuil minimal de 20 millions d’euros prévu, dans les lignes directrices, pour les infractions très graves, l’on ne saurait raisonnablement penser que, lorsque cette institution choisit de consacrer dans une décision infligeant une amende trois points de motifs à l’ « impact réel de l’infraction » , elle n’a pas l’intention de
fonder ladite décision sur le critère de l’impact concret de l’infraction. Dans de telles circonstances, il est, à mon sens, juridiquement correct d’en déduire, comme l’a fait, en substance, le Tribunal dans l’arrêt attaqué, que la Commission considère que l’impact qu’elle décrit dans sa décision est bien, en principe, mesurable, à moins que ladite décision expose une motivation spécifique en sens contraire sur ce point.

120. C’est donc dans ce contexte et sur la base d’une telle présomption du caractère mesurable de l’impact concret sur le marché que le Tribunal a souligné, au point 109 de l’arrêt attaqué, que durant la procédure contentieuse, la Commission n’avait pas indiqué, dans le cas d’espèce, que l’impact concret de l’infraction n’était pas mesurable. Le Tribunal n’a donc aucunement mis à la charge de la Commission l’obligation de rapporter une preuve négative, mais s’est simplement borné à constater que, eu
égard à la présomption que je viens de préciser, la Commission n’avait pas infirmé, au cours de la procédure contentieuse, l’existence d’une telle présomption qui pouvait être déduite à la lecture de la décision litigieuse.

121. Par ailleurs, l’explication, avancée par la Commission dans son mémoire en réponse devant la Cour, selon laquelle en raison de la nature des accords — lesquels, je le rappelle, avaient pour objet une répartition des marchés de produits et géographique en neutralisant l’entrée sur le marché d’un concurrent potentiel — leur impact n’était pas mesurable ne saurait être retenue; en effet, une telle motivation ne figure pas dans la décision litigieuse et, en tout état de cause, n’a pas été invoquée
en première instance.

122. Enfin, il ne revenait pas au Tribunal, dans le cadre de son examen de la motivation suffisante de la décision litigieuse, tel que ce grief avait été invoqué par les requérantes, de dire que l’impact était effectivement mesurable, une telle appréciation relevant de la légalité au fond de la décision litigieuse.

123. Je propose donc de rejeter la première série de critiques faites par la Commission à l’égard de la motivation du point 109 de l’arrêt attaqué.

124. La seconde série de critiques, qui a trait aux appréciations du Tribunal effectuées aux points 110 à 112 de l’arrêt attaqué relatives au caractère insuffisant de la démonstration d’un impact concret de l’infraction sur le marché, mérite une attention plus particulière.

125. Il importe de faire observer, à titre liminaire, le caractère confus du raisonnement qui a été développé par le Tribunal auxdits points, dans le cadre du sous-titre « Sur la motivation relative au calcul de l’amende » . En effet, le Tribunal expose de manière décousue à la fois des considérations de forme tenant à l’insuffisance de la motivation de la décision litigieuse (reprochant, par exemple, à la Commission, au point 110 de l’arrêt attaqué, de ne pas avoir répondu à l’argumentation des
requérantes relative à l’absence de hausse des prix de vente des aiguilles percées) et des considérations de fond, d’ailleurs sensiblement plus substantielles, portant sur le caractère non « convaincant » ou inexact de la motivation retenue aux points 318 à 320 des motifs de ladite décision  ( 43 ) .

126. Or, il me semble que c’est à juste titre que la Commission critique le Tribunal pour avoir considéré que la motivation de la décision litigieuse relative à l’impact concret de l’infraction sur le marché était insuffisante.

127. En effet, d’une part, selon la jurisprudence relative à la portée de l’obligation de motivation concernant le calcul d’une amende infligée pour violation des règles communautaires de la concurrence, les exigences de formalité substantielle que constitue un telle obligation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction  ( 44 ) . Or, en l’espèce, en ce qui concerne la gravité de
l’infraction, seule en cause ici, ces éléments ont assurément été exposés aux points 316 à 325 des motifs de la décision litigieuse, le critère de l’impact concret ayant été apprécié aux points 318 à 320 des motifs de ladite décision.

128. D’autre part, il ressort indubitablement des affirmations faites au point 110, première et deuxième phrases, de l’arrêt attaqué ainsi que de celles exposées au point 111, dernière phrase, dudit arrêt, que le Tribunal a examiné le bien-fondé des motifs de la décision litigieuse, en invalidant l’appréciation qui y était portée, plutôt que de se limiter à vérifier si la Commission avait exposé, de manière claire et non équivoque, le raisonnement qui l’avait amenée à conclure à l’existence d’un
impact concret de l’infraction sur le marché.

129. Je considère donc que le Tribunal a commis une erreur de droit en qualifiant, au point 112 de l’arrêt attaqué, les vices affectant la décision litigieuse, qu’il a constatés aux points 110 et 111 dudit arrêt, comme relevant d’une motivation insuffisante se rapportant au critère de l’impact concret sur le marché  ( 45 ) .

130. Malgré tout, je ne pense cependant pas que la demande de substitution de motifs présentée par la Commission puisse être accueillie, à moins d’entendre par cette demande (ce dont je doute fortement) que le Tribunal aurait dû constater une erreur d’appréciation juridique.

131. En effet, je considère, pour les raisons développées ci-après, que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, en substance, que la Commission ne pouvait se fonder exclusivement sur une relation de cause à effet entre la mise en œuvre de l’entente et l’impact concret de celle-ci sur le marché pour le calcul de l’amende.

132. Contrairement à ce que la Commission a défendu tant dans son mémoire en réponse que lors de l’audience, la question de savoir si la mise en œuvre effective d’une entente suffit à démontrer l’impact concret de l’infraction sur le marché est loin d’avoir fait l’objet d’une « jurisprudence constante » du Tribunal. En tout état de cause, cette problématique n’a pas été tranchée par la Cour jusqu’à présent, laquelle en est saisie, pour la première fois, non seulement dans la présente affaire, mais
également dans les affaires dites des « banques autrichiennes » ( 46 ) .

133. Ainsi que l’a mis en exergue l’avocat général Bot dans ses conclusions présentées le 26 mars 2009 dans ces dernières affaires, de nombreuses incertitudes existent quant à ce que recouvre le terme « mesurable » , au sens des lignes directrices  ( 47 ) .

134. Ces incertitudes découlent, en partie, de la jurisprudence contradictoire du Tribunal quant à la question de savoir si la constatation de la mise en œuvre effective de l’entente est suffisante pour démontrer l’existence d’un impact concret de l’infraction sur le marché.

135. Comme l’a mis en évidence à juste titre l’avocat général Bot dans les conclusions précitées  ( 48 ) , deux courants jurisprudentiels peuvent être distingués à cet égard.

136. Selon le premier courant jurisprudentiel, le Tribunal juge que la Commission peut, à bon droit, simplement se fonder sur la mise en œuvre de l’entente pour conclure à l’existence d’un impact concret sur le marché. Appartiennent à ce courant les arrêts du Tribunal dans les affaires des banques autrichiennes  ( 49 ) , Groupe Danone/Commission  ( 50 ) ainsi que, plus récemment, Hoechst/Commission  ( 51 ) et Carbone Lorraine/Commission  ( 52 ) .

137. Au contraire, comme je l’ai déjà indiqué, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la Commission ne pouvait pas se limiter à constater que l’entente avait été effectivement mise en œuvre aux fins de la démonstration de l’impact concret de l’infraction sur le marché. Cette approche s’inscrit dans un second courant jurisprudentiel, contemporain du premier, qui, en substance, exige que la Commission soit en mesure de fournir des indices concrets et crédibles indiquant, avec une
probabilité raisonnable, que l’entente a eu un impact sur le marché, la mise en œuvre effective de l’entente constituant, dans cette approche, uniquement un indice fort, sans que toutefois la Commission puisse limiter son analyse à un tel indice  ( 53 ) .

138. Selon cette approche, la mise en œuvre de l’infraction ne constitue qu’une condition préalable à la démonstration de l’existence d’un impact concret d’une entente sur le marché  ( 54 ) .

139. À l’instar de la position prise par l’avocat général Bot dans ses conclusions précitées  ( 55 ) , je partage le raisonnement suivi par ce second courant jurisprudentiel.

140. J’estime en effet que, dès lors que la Commission entend fonder la décision par laquelle elle inflige une amende à une entreprise pour violation de l’article 81, paragraphe 1, CE sur l’existence d’un impact concret de l’infraction sur le marché, elle doit être en mesure de fournir des indices concrets, crédibles et suffisants lui permettant d’apprécier quelle influence effective l’infraction a pu avoir sur le jeu de la concurrence sur le marché. En particulier, dans la mesure où l’existence
d’un impact concret de l’infraction permet à la Commission, dans le cas d’une infraction très grave par nature, de renforcer la gravité de celle-ci et d’augmenter le montant de départ au-delà du seuil minimal envisageable de 20 millions d’euros, cette institution ne saurait alors simplement se limiter à constater que l’entente a effectivement été mise en œuvre et, partant, se borner à supposer, sans aucune démonstration supplémentaire, que cette entente a vraisemblablement engendré un effet sur
le marché.

141. Une telle exigence me paraît d’autant plus appropriée à la lumière de l’objectif, rappelé par la jurisprudence, selon lequel les amendes infligées aux entreprises ayant enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE ont notamment pour but de réprimer le comportement illicite de ces dernières  ( 56 ) .

142. Or, dans ce contexte, l’on ne saurait admettre, à mon sens, que, s’agissant d’accords ayant un objet anticoncurrentiel, tels que ceux portant sur une répartition de marchés de produits et/ou de marchés géographiques ou ceux de fixation de prix, la Commission soit non seulement exonérée de la charge de démontrer les effets desdits accords aux fins de la constatation de l’ existence d’une infraction, mais aussi de celle de rapporter des indices concrets et crédibles de l’impact réel de
l’infraction sur le marché, alors même qu’elle estime nécessaire de se fonder sur un tel critère aux fins de la détermination de la gravité de l’infraction et, en définitive, du calcul de l’amende qu’elle entend infliger aux entreprises concernées.

143. Il s’ensuit, selon moi, que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, en substance, aux points 110 et 111 de l’arrêt attaqué, que la Commission ne pouvait, sans autre explication, se limiter à déduire de la mise en œuvre de l’entente l’existence d’effets réels de celle-ci sur le marché et se borner à fonder sa décision sur une relation de cause à effet entre la mise en œuvre de l’entente et l’impact de celle-ci concret sur le marché.

144. Je suggère donc de ne pas faire droit à la demande de substitution de motifs présentée par la Commission.

ii) Sur les griefs invoqués par les requérantes à l’appui de la seconde branche du troisième moyen du pourvoi

145. Les requérantes font grief au Tribunal d’avoir refusé d’annuler la décision litigieuse, alors même qu’il a constaté que la Commission avait violé l’obligation de motivation relative au critère de l’impact concret de l’infraction sur le marché  ( 57 ) . Ainsi, selon elles, le Tribunal ne pouvait, sans commettre une erreur de droit, considérer, au point 190 de l’arrêt attaqué, que le montant de base de l’amende était approprié.

146. À supposer même que le Tribunal ait constaté à bon droit une motivation lacunaire de la décision litigieuse quant à l’impact concret de l’infraction sur le marché, plutôt que de retenir une erreur (manifeste) d’appréciation de ce critère, l’argumentation exposée par les requérantes ne me paraît pas devoir prospérer.

147. Il importe de rappeler que, s’agissant des recours dirigés contre les décisions de la Commission infligeant des amendes à des entreprises pour violation des règles de la concurrence, le Tribunal est compétent à double titre. D’une part, dans le cadre du contrôle de leur légalité, au titre de l’article 230 CE, il doit notamment vérifier si l’obligation de motivation a été respectée, dont la violation rend la décision annulable . D’autre part, le Tribunal est compétent pour apprécier, dans le
cadre du pouvoir de pleine juridiction qui lui est reconnu par l’article 229 CE et le règlement n o  1/2003, le caractère approprié du montant des amendes  ( 58 ) .

148. Il en résulte que la constatation d’une motivation insuffisante relative à l’un des critères de calcul du montant de l’amende infligée à une entreprise pour violation de l’article 81, paragraphe 1, CE ne saurait entraîner ipso facto l’annulation, même partielle, de la décision par laquelle cette amende a été infligée. Cette conclusion se comprend eu égard au nombre de critères qui peuvent être utilisés par la Commission pour déterminer la gravité et la durée d’une infraction déterminée. En
effet, le dispositif de la décision en cause (y compris donc le montant de l’amende qu’elle inflige) peut tout à fait être valablement fondé sur d’autres motifs que ceux qui ont été affectés par l’erreur ou par le vice constatés par le juge du fond.

149. Dans la décision litigieuse, la Commission a abouti, au titre de la gravité de l’infraction, à un montant de départ de 20 millions d’euros. Ce montant a été déterminé en prenant notamment en compte la nature de l’infraction, l’impact réel de celle-ci sur le marché et l’étendue géographique dudit marché.

150. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a, après avoir relevé les vices affectant l’appréciation de la Commission relative à l’impact concret sur le marché dans le cadre de l’examen de la gravité de l’infraction, vérifié si ces vices pouvaient aussi avoir une incidence sur le calcul de l’amende, à savoir sur le montant de départ de 20 millions d’euros qui avait été retenu par la décision litigieuse à l’encontre des requérantes.

151. Or, c’est dans le cadre du contrôle qu’il exerce au titre de sa compétence de pleine juridiction que le Tribunal a, après avoir constaté, aux points 188 et 189 de l’arrêt attaqué, que la qualification d’infraction très grave dans la décision litigieuse était justifiée en raison de la nature des accords en cause, jugé, à bon droit, au point 190 dudit arrêt, que les vices constatés ne pouvaient, dans les circonstances de l’espèce, conduire à la suppression ou à la réduction du montant de l’amende
infligée, étant donné que la qualification de l’infraction de « très grave » était fondée et que la Commission avait choisi le montant minimal de départ prévu par les lignes directrices pour une telle infraction (voire, plus précisément, le montant maximal pour une infraction « grave » ), à savoir 20 millions d’euros.

152. En d’autres termes, le Tribunal a estimé que, bien que l’impact concret de l’infraction sur le marché puisse permettre à la Commission d’augmenter le montant de départ de l’amende qu’elle retient, si tel avait éventuellement pu être le cas dans les circonstances du cas d’espèce, les vices affectant ce critère n’avaient, en tout état de cause, eu aucune influence sur le montant retenu en l’espèce (et donc sur le dispositif de la décision litigieuse), puisqu’un tel montant correspondait au
montant maximal de la catégorie des infractions graves, au sens des lignes directrices, alors que, en raison de la nature propre de l’infraction en cause, celle-ci pouvait être qualifiée d’infraction « très grave » . Dans ces conditions, le Tribunal a considéré, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, qu’il n’était pas besoin d’activer son pouvoir de réformation de la décision litigieuse, puisque le montant de départ retenu était déjà atténué par rapport à la qualification de
l’infraction de « très grave » et était donc approprié.

153. Une telle appréciation et une telle approche me paraissent exemptes d’erreur de droit.

154. Partant, je propose de rejeter les griefs exposés par les requérantes au soutien de la seconde branche du troisième moyen du pourvoi. Par conséquent, il y a lieu, à mon sens, de rejeter ce moyen dans son intégralité.

E — Sur le quatrième moyen du pourvoi, tiré d’une violation des lignes directrices et d’une appréciation erronée de la gravité de l’infraction

155. Ce moyen repose sur deux branches. La première de ces branches est tirée de l’absence de prise en considération du caractère erroné de la détermination de l’impact concret de l’infraction sur le marché. La seconde desdites branches porte sur l’absence de prise en considération, à titre de circonstance atténuante, du fait que les requérantes auraient volontairement mis fin à l’infraction.

1. Sur la première branche du quatrième moyen, tirée de l’absence de prise en considération du caractère erroné de la détermination de l’impact concret sur le marché de l’infraction

a) Argumentation des parties

156. Les requérantes font valoir que le Tribunal aurait commis, aux points 188 à 190 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit à deux égards. D’une part, le Tribunal aurait déterminé la gravité de l’infraction en tenant compte exclusivement de la forme abstraite de celle-ci. L’absence de prise en considération des circonstances concrètes de l’infraction serait contraire tant aux lignes directrices qu’à la jurisprudence de la Cour et à la pratique décisionnelle de la Commission. D’autre part, ce serait
à tort que le Tribunal a considéré que le montant de départ prévu par les lignes directrices pour une infraction très grave constitue un montant minimal dont il n’est pas permis de s’écarter. Cette approche serait contraire à la pratique décisionnelle de la Commission et constituerait une violation du principe de proportionnalité.

157. La Commission renvoie pour partie à l’argumentation qu’elle a développée dans le cadre du troisième moyen à propos de l’impact concret de l’infraction sur le marché. Elle ajoute que le Tribunal n’a pas considéré le montant de départ prévu par les lignes directrices comme un seuil infranchissable, mais a, au contraire, examiné sa proportionnalité aux points 206 et 223 de l’arrêt attaqué. Quant aux arguments des requérantes relatifs à la pratique décisionnelle de la Commission, les exemples cités
seraient soit dénués de pertinence, soit nouveaux ou inexacts.

b) Appréciation

158. Il convient de rappeler que, dans le cadre d’un pourvoi dirigé contre un arrêt du Tribunal ayant fixé le montant de l’amende infligée à une entreprise ayant violé les règles communautaires de concurrence, le contrôle de la Cour a pour objet, d’une part, d’examiner dans quelle mesure le Tribunal a pris en considération, d’une manière juridiquement correcte, tous les facteurs essentiels pour apprécier la gravité d’un comportement déterminé à la lumière des articles 81 CE et 82 CE ainsi que de
l’article 15 du règlement n o  17 (ou de l’article 23 du règlement n o  1/2003) et, d’autre part, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par la partie requérante, tendant à la suppression ou à la réduction de l’amende  ( 59 ) .

159. En l’espèce, je rappelle que le Tribunal a considéré, au point 188 de l’arrêt attaqué, que, en raison de sa nature propre, l’infraction en cause, qui avait pour objet une répartition des marchés de produits et géographique, constituait une violation patente de droit de la concurrence et, partant, était particulièrement grave. Il en a déduit, au point 189 de l’arrêt attaqué, que, au regard de la définition donnée dans les lignes directrices, la qualification de l’infraction de « très grave »
dans la décision litigieuse était justifiée.

160. Or, en tant que telle, cette appréciation est dépourvue, à mon sens, de toute erreur de droit.

161. En effet, dans l’arrêt Thyssen Stahl/Commission  ( 60 ) , la Cour a déjà eu l’occasion de confirmer l’approche adoptée par le Tribunal selon laquelle la gravité de l’infraction peut être établie par référence à la nature et à l’objet des comportements illicites et que des éléments relevant de l’objet d’un comportement peuvent avoir plus d’importance aux fins de la fixation du montant de l’amende que ceux relatifs à ses effets. La Cour a ainsi jugé que l’effet d’une pratique anticoncurrentielle
n’est donc pas un critère déterminant dans l’appréciation du montant adéquat de l’amende  ( 61 ) .

162. Par ailleurs, ainsi que le Tribunal s’y est référé à juste titre au point 189 de l’arrêt attaqué, dans les lignes directrices, la Commission a indiqué, à propos des infractions très graves, qu’il s’agissait « pour l’essentiel de restrictions horizontales de type ‘ cartels de prix ’ et de quotas de répartition des marchés, ou autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux » (point 1, A, deuxième alinéa,
troisième tiret).

163. Il résulte de cette description indicative que des accords ou des pratiques concertées visant, comme en l’espèce, d’une part, à la répartition des marchés de produits, en segmentant le marché européen des aiguilles et d’autres articles de mercerie durs, et, d’autre part, à la répartition du marché géographique, en segmentant le marché européen des aiguilles à coudre à la main, des aiguilles artisanales, des aiguilles à tricoter et des aiguilles à crochet, peuvent emporter, sur le seul fondement
de leur nature propre, la qualification de « très grave » , sans qu’il soit nécessaire que de tels comportements se caractérisent par un impact particulier.

164. J’estime donc que les requérantes ne sauraient reprocher au Tribunal d’avoir jugé, en substance, que les critères énumérés au point 1, A, premier alinéa, des lignes directrices ne revêtent pas la même importance aux fins de l’appréciation de la gravité de l’infraction.

165. En outre, ainsi que je l’ai exposé aux points 151 et 152 des présentes conclusions, après avoir relevé les vices affectant l’examen de l’impact concret de l’infraction par la Commission, le Tribunal a néanmoins refusé d’activer son pouvoir de réformation du montant de départ de l’amende fixé dans la décision litigieuse, considérant, en substance, que, dans les circonstances de l’espèce, le montant qui y avait été retenu était atténué par rapport à la qualification de l’infraction de « très
grave » résultant déjà de la nature propre de cette dernière. Contrairement à ce que les requérantes allèguent, le Tribunal n’a donc pas estimé que le montant de départ de 20 millions d’euros, fixé dans la décision litigieuse, constituait un seuil infranchissable, mais a, au contraire, examiné, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, s’il y avait lieu ou non de réformer ce montant, comme cela résulte du point 190 de l’arrêt attaqué  ( 62 ) . Le fait que, eu égard aux circonstances
de l’espèce, le Tribunal ait jugé opportun de ne pas procéder à la réformation du montant de départ de l’amende fixé dans la décision litigieuse, en explicitant les raisons au soutien de cette appréciation, ne saurait constituer, en soi, une violation du principe de proportionnalité. En outre, le fait éventuel que la Commission ait apprécié de manière différente d’autres comportements illicites dans d’autres affaires ne présente aucune pertinence, puisque la pratique décisionnelle de la
Commission ne sert pas de cadre juridique à la détermination des amendes en matière de concurrence  ( 63 ) .

166. La première branche du quatrième moyen du pourvoi doit donc être rejetée.

2. Sur la seconde branche du quatrième moyen, tirée de l’absence de prise en considération, à titre de circonstance atténuante, du fait que les requérantes auraient volontairement mis fin à l’infraction

a) Argumentation des parties

167. Par cette branche, les requérantes allèguent que le Tribunal aurait commis une erreur de droit, aux points 211 et 213 de l’arrêt attaqué, en jugeant qu’il ne pouvait être question d’accorder une circonstance atténuante que si les entreprises en cause ont été incitées à cesser leurs comportements anticoncurrentiels par les interventions de la Commission. Selon les requérantes, la cessation volontaire de l’infraction avant même le premier acte d’instruction de la Commission devrait, en toute
logique, être prise en compte dans le cadre des circonstances atténuantes, puisqu’elle n’est assurément pas prise en considération dans l’appréciation de la durée de l’infraction.

168. Pour la Commission, l’analyse du Tribunal serait conforme à sa jurisprudence qu’il n’y aurait pas lieu de remettre en question.

b) Appréciation

169. Il est constant que le Tribunal a rejeté l’argumentation des requérantes qui lui demandaient de sanctionner la Commission pour avoir refusé de leur accorder une circonstance atténuante au titre du point 3 des lignes directrices au motif, notamment, que l’infraction avait pris fin avant la date des premières interventions de cette dernière.

170. Au point 211 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la cessation anticipée de l’accord illicite ne saurait donner droit au bénéfice d’une circonstance atténuante, au sens du point 3 des lignes directrices. En effet, l’application d’une réduction dans de telles circonstances ferait double emploi avec la prise en compte de la durée des infractions pour calculer les amendes. En l’espèce, le Tribunal a constaté, au point 212 de l’arrêt attaqué, que la cessation anticipée de l’accord illicite
n’a résulté ni d’une intervention de la Commission ni d’une décision des requérantes de mettre un terme à l’infraction, mais a résulté essentiellement de la capacité de production accrue des requérantes en République tchèque, comme les requérantes l’indiquaient dans leur réponse à la communication des griefs. Il a relevé au point 213 de l’arrêt attaqué que la cessation anticipée de l’accord avait déjà été prise en considération dans l’appréciation de la durée de l’infraction et ne pouvait donc
constituer une circonstance atténuante.

171. Indépendamment de la question (de fait) de savoir si c’est de manière tout à fait volontaire ou en raison d’impératifs économiques que les requérantes ont mis fin à l’infraction de façon anticipée, l’interprétation des lignes directrices retenue par le Tribunal ne saurait, à mon sens, être entachée d’une erreur de droit.

172. En effet, je rappelle que le point 3 des lignes directrices indique, en substance, que le montant de base de l’amende fixée par la Commission est diminué, notamment, lorsque l’entreprise incriminée cesse l’infraction dès les premières interventions de la Commission.

173. Or, dans l’arrêt Dalmine/Commission, précité, la Cour a déjà eu l’occasion de confirmer l’appréciation du Tribunal selon laquelle une circonstance atténuante en application du point 3 des lignes directrices ne peut pas être accordée lorsque l’infraction qui a été constatée a cessé ou était en cours de cessation au moment où la Commission avait procédé aux premières vérifications  ( 64 ) .

174. Cette approche, quoique dans des circonstances quelque peu différentes, a récemment été confirmée dans l’arrêt Archer Daniels Midland/Commission (C-510/06 P), précité, par lequel la Cour a considéré que c’était à juste titre que cette entreprise s’était vu refuser le bénéfice d’une diminution du montant de base de l’amende qui lui avait été infligée aux motifs qu’elle avait cessé son comportement illégal dès les premières interventions des autorités de la concurrence américaines, qui, dans
cette affaire, s’étaient déroulées avant celles de la Commission  ( 65 ) . La Cour a fondé cette appréciation sur la nécessité de préserver l’effet dissuasif à l’amende infligée par la Commission et sur l’effet utile de l’article 81, paragraphe 1, CE  ( 66 ) .

175. Il s’ensuit que, en l’espèce, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en ce qu’il a confirmé le refus exposé par la Commission dans la décision litigieuse d’accorder une circonstance atténuante aux requérantes pour avoir mis fin de manière anticipée à l’infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, infraction dont elles n’ont pas contesté l’existence.

176. Partant, je considère que la seconde branche du quatrième moyen du pourvoi ne saurait prospérer. Ce moyen doit aussi être rejeté dans son intégralité.

F — Sur le cinquième moyen du pourvoi, tiré de la violation du principe de proportionnalité dans le cadre de la fixation du montant de l’amende

1. Argumentation des parties

177. Les requérantes soutiennent que, lors de la détermination de la gravité de l’infraction dans le cadre de la fixation des amendes, le Tribunal a méconnu le principe de proportionnalité à deux égards. D’une part, le Tribunal aurait procédé à une application formaliste des lignes directrices, sans prendre en considération les circonstances concrètes de l’infraction. D’autre part, le Tribunal n’aurait vérifié le caractère proportionné de l’amende qu’au regard de critères isolés, sans tenir compte
de manière globale des circonstances de l’espèce. Les requérantes critiquent à cet égard, plus particulièrement, les points 228 à 232 de l’arrêt attaqué.

178. Pour la Commission, ce moyen serait irrecevable car il inviterait la Cour à procéder à un réexamen du niveau de l’amende. À titre subsidiaire, elle souligne que le Tribunal a examiné de manière détaillée le caractère proportionné de l’amende et que les arguments des requérantes sont non fondés.

2. Appréciation

179. Quant au premier grief des requérantes, pris de l’application formaliste des lignes directrices, celui-ci doit être rejeté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 165 des présentes conclusions. En effet, au soutien de ce grief, les requérantes se bornent à réitérer leurs critiques selon lesquelles le Tribunal aurait considéré le montant de départ de 20 millions d’euros comme étant un seuil infranchissable. Or, comme je l’ai déjà fait valoir ci-dessus, de telles critiques ne sauraient
prospérer.

180. Quant au second grief, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas à la Cour, lorsqu’elle se prononce dans le cadre d’un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa pleine juridiction, sur le montant d’une amende infligée à une entreprise en raison de la violation, par celle-ci, du droit communautaire  ( 67 ) .

181. Il s’ensuit que la Cour n’est pas compétente, dans le cadre du pourvoi, pour effectuer un réexamen général des amendes  ( 68 ) .

182. Or, en l’occurrence, dans leur pourvoi, les requérantes invitent la Cour, en réalité, à procéder au réexamen du montant de l’amende qui a été infligée par le Tribunal. En effet, elles soutiennent, aux points 103 à 108 de leur pourvoi, que la prétendue absence d’impact concret sur le marché, la durée et l’impact variable de l’infraction, la résiliation anticipée de celle-ci, la prétendue disproportion entre l’amende et le chiffre d’affaires global, la dimension prétendument réduite des marchés
en cause ainsi que le pourcentage que représente l’amende qui a été infligée par la Commission par rapport au volume annuel du premier niveau des marchés concernés auraient dû conduire le Tribunal à diminuer le montant de l’amende infligée dans la décision litigieuse.

183. Dans le cadre du pourvoi, la Cour est en revanche notamment tenue de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par la partie requérante, tendant à la suppression ou à la réduction de l’amende  ( 69 ) .

184. À cet égard, ainsi que la Commission l’a fait valoir dans son mémoire en réponse et ainsi que cela ressort de l’examen des troisième et quatrième moyens du pourvoi effectué dans les présentes conclusions, le Tribunal a minutieusement examiné les arguments des requérantes qui ont été réitérés aux points 103 à 108 de leur pourvoi, mentionnés ci-dessus.

185. Par ailleurs, s’agissant des critiques les plus circonstanciées relatives à la prétendue disproportion de l’amende par rapport au chiffre d’affaires global des requérantes ainsi qu’au volume du premier niveau des marchés en cause et qui n’ont pas été examinées dans le cadre de la réponse à donner aux précédents moyens du pourvoi, le Tribunal a vérifié, à bon droit, aux points 228 à 232 de l’arrêt attaqué, si le montant retenu par la décision litigieuse était, eu égard à l’argumentation des
requérantes et à sa compétence de pleine juridiction, proportionné auxdits éléments. À cet égard, il importe de relever que le Tribunal a réalisé cette appréciation sans s’en tenir au plafond de 10% du chiffre d’affaires global prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003, dont le respect ne saurait, comme il l’a correctement jugé au point 226 de l’arrêt attaqué, garantir automatiquement la proportionnalité de l’amende.

186. À la lumière de ces considérations, je suggère de rejeter le cinquième moyen du pourvoi et, partant, le pourvoi dans son intégralité.

III — Sur les dépens

187. Aux termes de l’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Selon l’article 69, paragraphe 2, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens et ces dernières devant, selon moi, succomber en leurs moyens, il y aurait lieu
de les condamner aux dépens afférents au pourvoi.

IV — Conclusion

188. Au vu des considérations qui précèdent, je propose que la Cour déclare et arrête ce qui suit:

« 1) Le pourvoi est rejeté.

2) William Prym GmbH & Co. KG et Prym Consumer GmbH & Co. KG sont condamnées aux dépens. »

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( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) JO 1962, 13, p. 204 .

( 3 ) JO 2003, L 1, p. 1 .

( 4 ) JO C 9, p. 3 .

( 5 ) JO C 207, p. 4 .

( 6 ) Prym et Prym Consumer/Commission ( T-30-05, Rec. p. II-107 ).

( 7 ) Ce recours, actuellement pendant devant le Tribunal, est enregistré sous la référence T-454/07.

( 8 ) Voir en ce sens, notamment arrêt du 1 er  février 2007 , Sison/Conseil ( C-266/05 P, Rec. p. I-1233 , point 95 et jurisprudence citée).

( 9 ) Voir, en ce sens, arrêt Sison/Conseil, précité.

( 10 ) Voir jurisprudence citée à la note en bas de page 8.

( 11 ) Voir, à cet égard, point 3 du mémoire en réponse.

( 12 ) Voir, à cet égard, concernant la recevabilité d’arguments tirés de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 , arrêt du 18 janvier 2007 , PKK et KNK/Conseil ( C-229/05 P, Rec. p. I-439 , point 66), dans lequel la Cour a précisé que, « […] dans le cadre du pourvoi, il est loisible au requérant d’invoquer tout argument pertinent sous la seule réserve que le pourvoi ne modifie pas l’objet du litige devant le
Tribunal. Contrairement à ce que prétend le Conseil, il n’existe aucune obligation que chaque argument invoqué dans le cadre du pourvoi ait préalablement fait l’objet d’une discussion en première instance. Une restriction en ce sens ne peut pas être acceptée, car elle aurait pour effet de priver la procédure de pourvoi d’une partie importante de son sens » .

( 13 ) Voir, notamment, arrêt du 21 septembre 2006 , JCB Service/Commission ( C-167/04 P, Rec. p. I-8935 , qui précise, à son point 114, que, « [d]ans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est […] limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges » . Voir, également, arrêt du 2 avril 2009 , France Télécom/Commission ( C-202/07 P, Rec. p. I-2369 , points 59 et 60).

( 14 ) Sur la base de la distinction entre argument juridique et moyen opérée par la Cour dans l’arrêt du 25 octobre 2007 , Komninou e.a./Commission (C-167/06 P, point 24).

( 15 ) Voir à cet égard, notamment, arrêt du 14 février 1990 , France/Commission ( C-301/87, Rec. p. I-307 , point 31). Voir également, en ce sens, arrêt du 29 juin 2006 , SGL Carbon/Commission ( C-308/04 P, Rec. p. I-5977 , point 98 et jurisprudence citée).

( 16 ) Voir arrêt PKK et KNK/Conseil, précité (point 64 ainsi que jurisprudence citée).

( 17 ) Arrêt du 5 juin 2003 ( C-121/01 P, Rec. p. I-5539 , point 39).

( 18 ) Voir, notamment, arrêts du 2 avril 1998 , Commission/Sytraval et Brink’s France ( C-367/95 P, Rec. p. I-1719 point 67), ainsi que du 30 mars 2000 , VBA/Florimex e.a. ( C-265/97 P, Rec. p. I-2061 , point 114). Voir aussi sur la notion de moyen d’ordre public, points 102 à 104 de mes conclusions présentées dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 septembre 2007 , Common Market Fertilizers/Commission ( C-443/05 P, Rec. p. I-7209 ). Quant à l’obligation de motivation d’un acte en tant que
question relevant de l’ordre public et devant être examinée d’office par le juge, la jurisprudence ne paraît pas établir de distinction selon la double fonction des règles relatives à la motivation, à savoir, d’une part, celle de permettre le contrôle de la légalité par le juge (finalité objective) et, d’autre part, celle d’assurer à l’intéressé de connaître les raisons de la mesure prise afin de pouvoir défendre ses droits et de vérifier le bien-fondé de l’acte (finalité subjective) [voir, sur
cette double fonction, notamment, arrêts du 17 janvier 1984 , VBVB et VBBB/Commission ( 43/82 et 63/82, Rec. p. 19, point 22); du 17 janvier 1995 , Publishers Association/Commission ( C-360/92 P, Rec. p. I-23 , point 39), et du 18 septembre 2003 , Volkswagen/Commission ( C-338/00 P, Rec. p. I-9189 , point 124)]. L’irrecevabilité retenue dans l’arrêt O’Hannrachain/Parlement, précité, ne semble pas reposer sur une distinction de ce type. En tout état de cause, eu égard à la finalité exclusivement
subjective du respect des droits de la défense, un moyen tiré de la violation de ces droits (ou du droit d’être entendu) ne saurait, à mon sens, être qualifié de moyen d’ordre public. Le juge communautaire ne devrait donc pas pouvoir examiner d’office un tel moyen.

( 19 ) Arrêt du 1 er  juillet 2008 ( C-341/06 P et C-342/06 P, Rec. p. I-4777 ).

( 20 ) Arrêt du 20 février 1997 ( C-166/95 P, Rec. p. I-983 , point 25).

( 21 ) Voir, en ce sens, ordonnance du 18 juin 1986 , British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission ( 142/84 et 156/84, Rec. p. 1899, point 13), ainsi que arrêts du 17 novembre 1987 , British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission ( 142/84 et 156/84, Rec. p. 4487 , point 70), et du 7 janvier 2004 , Aalborg Portland e.a./Commission ( C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123 , point 67 ainsi que jurisprudence citée).

( 22 ) Arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité (point 66 et jurisprudence citée).

( 23 ) Voir arrêts du 15 juillet 1970 , ACF Chemiefarma/Commission ( 41/69, Rec. p. 661 , point 92), et Aalborg Portland e.a/Commission, précité (point 67), ainsi que ordonnance British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, précitée (point 13).

( 24 ) Voir arrêt du 25 janvier 2007 , Dalmine/Commission ( C-407/04 P, Rec. p. I-829 , point 59 et jurisprudence citée).

( 25 ) Selon la jurisprudence, la Commission peut obliger, le cas échéant par voie de décision, une entreprise à lui fournir tous les renseignements nécessaires portant sur les faits dont elle peut avoir connaissance, mais elle ne saurait imposer à cette entreprise l’obligation d’apporter des réponses par lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l’existence de l’infraction dont il appartient à la Commission d’établir la preuve [voir arrêt Dalmine/Commission, précité (point 34 et jurisprudence
citée)].

( 26 ) Voir, à cet égard, arrêts du 15 octobre 2002 , Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission ( C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, Rec. p. I-8375 , points 182 à 184), ainsi que du 21 septembre 2006 , Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission ( C-105/04 P, Rec. p. I-8725 , point 38).

( 27 ) Voir, à cet égard, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité (point 183).

( 28 ) Voir arrêt du 29 octobre 1980 ( 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125 , points 29 à 32).

( 29 ) Ibidem (point 32).

( 30 ) Voir, notamment, arrêts du 28 octobre 2004 , van den Berg/Conseil et Commission ( C-164/01 P, Rec. p. I-10225 , point 60), ainsi que du 28 juin 2005 , Dansk Rørindustri e.a./Commission ( C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425 , point 148).

( 31 ) Voir, à cet égard, la jurisprudence mentionnée à la note en bas de page 21 des présentes conclusions.

( 32 ) Voir, à propos du niveau des amendes, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité (point 434).

( 33 ) Comme les requérantes l’ont indiqué lors de l’audience dans la présente affaire, celles-ci ont introduit un recours à l’encontre de la décision « fermetures » (voir point 18 des présentes conclusions).

( 34 ) Voir arrêts du 17 juillet 1997 , Ferriere Nord/Commission ( C-219/95 P, Rec. p. I-4411 , point 33); du 15 octobre 2002 , Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité (point 465); Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité (point 241), et Dalmine/Commission, précité (point 129).

( 35 ) Voir, notamment, arrêts du 7 juin 1983 , Musique Diffusion française e.a./Commission ( 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825 , point 129); Danske Rørindustri e.a./Commission, précité (point 242), et Dalmine/Commission, précité (point 130).

( 36 ) Voir, en ce sens, arrêt Dalmine/Commission, précité (point 132).

( 37 ) Je rappelle que, selon une jurisprudence constante, la question de savoir si la motivation d’un arrêt du Tribunal est contradictoire est une question de droit pouvant, en tant que telle, être invoquée dans le cadre d’un pourvoi. Voir, notamment, arrêt Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, précité (point 71 et jurisprudence citée).

( 38 ) Arrêt du 17 décembre 1998 , Baustahlgewebe/Commission ( C-185/95 P, Rec. p. I-8417 , point 139).

( 39 ) Rappelons que, au point 95 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la Commission avait satisfait à l’obligation de motivation en ce qui concerne la délimitation des marchés en cause, constatation non critiquée par les requérantes.

( 40 ) La Cour a affirmé que « la définition du marché pertinent, dans le cadre de l’application de l’article 85, paragraphe 1, du traité [devenu article 81, paragraphe 1, CE] a pour seul objet de déterminer si l’accord en cause est susceptible d’affecter le commerce entre les États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun » [ordonnance du 16 février 2006 , Adriatica di Navigazione/Commission (C-111/04 P,
point 31)]. Le Tribunal en déduit fort logiquement, comme au point 86 de l’arrêt attaqué, que l’obligation d’opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l’article 81 CE n’est pas absolue, mais elle s’impose uniquement à la Commission lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’entente en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser
le libre jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun. Voir aussi, notamment, arrêts du Tribunal du 19 mars 2003 , CMA CGM e.a./Commission ( T-213/00, Rec. p. II-913 , point 206); du 6 juillet 2000 , Volkswagen/Commission ( T-62/98, Rec. p. II-2707 , point 230), et du 8 juillet 2004 , Mannesmannröhren-Werke/Commission ( T-44/00, Rec. p. II-2223 , point 132).

( 41 ) Voir à cet égard, notamment, arrêt du 19 mars 2009 , Archer Daniels Midland/Commission ( C-510/06 P, Rec. p. I-1843 , point 105 et jurisprudence citée).

( 42 ) Voir, notamment, arrêts du 9 juin 1992 , Lestelle/Commission ( C-30/91 P, Rec. p. I-3755 , point 28); du 12 novembre 1996 , Ojha/Commission ( C-294/95 P, Rec. p. I-5863 , point 52); du 13 juillet 2000 , Salzgitter/Commission ( C-210/98 P, Rec. p. I-5843 , point 58), ainsi que du 9 septembre 2008 , FIAMM e.a./Conseil et Commission ( C-120/06 P et C-121/06 P, Rec. p. I-6513 , point 187).

( 43 ) Voir, notamment, sur cette distinction, arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, précité (points 67 et 72), ainsi que point 92 de l’arrêt attaqué.

( 44 ) Voir arrêts du 16 novembre 2000 , KNP BT/Commission ( C-248/98 P, Rec. p. I-9641 , point 42); Sarrió/Commission ( C-291/98 P, Rec. p. I-9991 , point 73), ainsi que Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité (point 463).

( 45 ) Il importe de noter à cet égard que, alors que, dans la version française du point 115 de l’arrêt attaqué, le Tribunal emploie l’expression « défaut de motivation » , il ressort clairement de la langue de procédure (à savoir la langue allemande), seule langue faisant foi, qui utilise l’expression « unzureichende Begründung » , que ce qui est visé par cette expression n’est pas l’absence de motivation ( « Begründungsmangel » ), mais l’existence d’une motivation insuffisante ou défectueuse ( «
unzureichende Begründung » ). Cette interprétation est confirmée par le fait que cette expression est identique à celle utilisée au point 99 de l’arrêt attaqué dans lequel le Tribunal a constaté une « insuffisance de motivation » en ce qui concerne la taille des marchés.

( 46 ) Affaires jointes Erste Bank der österreichischen Sparkassen/Commission (C-125/07 P), Raiffeisen Zentralbank Österreich/Commission (C-133/07 P), Bank Austria Creditanstalt/Commission (C-135/07 P) et Österreichische Volksbanken/Commission (C-137/07 P), pendantes devant la Cour.

( 47 ) Point 275 desdites conclusions.

( 48 ) Voir points 279 à 300 des mêmes conclusions.

( 49 ) Arrêt du 14 décembre 2006 , Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission ( T-259/02 à T-264/02 et T-271/02, Rec. p. II-5169 , point 288). À noter que cet arrêt a été prononcé par la même chambre, siégeant dans la même composition, que celle ayant rendu l’arrêt attaqué.

( 50 ) Arrêt du 25 octobre 2005 ( T-38/02, Rec. p. II-4407 ). Aux termes du point 148 de cet arrêt, « la mise en œuvre, fût-elle partielle, d’un accord dont l’objet est anticoncurrentiel suffit à écarter la possibilité de conclure à une absence d’impact dudit accord sur le marché » . À noter que, dans le cadre du pourvoi introduit devant la Cour et qui a donné lieu à l’arrêt du 8 février 2007 , Groupe Danone/Commission ( C-3/06 P, Rec. p. I-1331 ), la Cour n’était pas saisie de ce point.

( 51 ) Arrêt du 18 juin 2008 ( T-410/03, Rec. p. II-881 , points 345 et 348).

( 52 ) Arrêt du 8 octobre 2008 ( T-73/04, Rec. p. II-2661 , point 84). À noter que cet arrêt fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour, enregistré sous la référence C-554/08 P (affaire Le Carbone Lorraine/Commission, pendante devant la Cour).

( 53 ) Voir arrêts du Tribunal du 27 septembre 2006 , Roquette Frères/Commission ( T-322/01, Rec. p. II-3137 , points 77 et 78); Archer Daniels Midland/Commission ( T-329/01, Rec. p. II-3255 , points 178 à 181); Jungbunzlauer/Commission ( T-43/02, Rec. p. II-3435 , points 155 à 159) et Archer Daniels Midland/Commission ( T-59/02, Rec. p. II-3627 , points 161 à 165). Voir également, en ce sens, arrêts du Tribunal du 8 juillet 2008 , Knauf Gips/Commission (T-52/03, points 392 à 395); BPB/Commission (
T-53/03, Rec. p. II-1333 , points 301 à 304), et Lafarge/Commission (T-54/03, points 584 à 587). À noter que les arrêts rendus dans les affaires T-52/03 et T-54/03 ont fait l’objet de pourvois enregistrés, respectivement, sous les références C-407/08 P et C-413/08 P (affaires Knauf Gips/Commission et Lafarge/Commission, pendantes devant la Cour).

( 54 ) Voir arrêts précités Roquette Frères/Commission (point 77) et Archer Daniels Midland/Commission (T-329/01, point 180).

( 55 ) Voir points 303 à 314 desdites conclusions.

( 56 ) Voir, notamment, arrêts ACF Chemiefarma/Commission, précité (point 173); SGL Carbon/Commission, précité, (point 37), et du 7 juin 2007 , Britannia Alloys & Chemicals/Commission ( C-76/06 P, Rec. p. I-4405 , point 22).

( 57 ) Les considérations exposées à la note en bas de page 45 des présentes conclusions à propos de la version française de l’expression « défaut de motivation » , utilisée au point 115 de l’arrêt attaqué, valent également en ce qui concerne l’utilisation de cette même expression au point 190 du même arrêt. Il faut donc lire cette expression comme visant une motivation viciée ou défectueuse et non une absence de motivation, conformément à la version en langue allemande de l’arrêt attaqué.

( 58 ) Voir, en ce sens, arrêts précités KNP BT/Commission (points 38 à 40) et Sarrió/Commission (points 69 à 71).

( 59 ) Voir, notamment, arrêts précités Baustahlgewebe/Commission (point 128), Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission (point 217) et Groupe Danone/Commission (point 69).

( 60 ) Arrêt du 2 octobre 2003 ( C-194/99 P, Rec. p. I-10821 ).

( 61 ) Ibidem (point 118).

( 62 ) Voir, notamment, pour une démarche similaire, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003 , Kyowa Hakko Kogyo et Kyowa Hakko Europe/Commission ( T-223/00, Rec. p. II-2553 , points 77 à 89).

( 63 ) Voir, notamment, arrêts précités Dansk Rørindustri e.a./Commission (points 209 à 213), JCB Service/Commission (point 205) et Archer Daniels Midland/Commission (C-510/06 P, point 82).

( 64 ) Points 158 et 160.

( 65 ) Point 150.

( 66 ) Ibidem (point 149).

( 67 ) Voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1994 , Finsider/Commission ( C-320/92 P, Rec. p. I-5697 , point 46); du 8 juillet 1999 , Hercules Chemicals/Commission ( C-51/92 P, Rec. p. I-4235 , point 109); Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité (point 614), ainsi que Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité (point 245).

( 68 ) Voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité (point 246 et jurisprudence citée).

( 69 ) Voir, en particulier, arrêts précités Baustahlgewebe/Commission (point 128) et Groupe Danone/Commission (point 69).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-534/07
Date de la décision : 30/04/2009
Type d'affaire : Pourvoi - irrecevable, Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi - Concurrence - Ententes - Marché européen des produits de mercerie (aiguilles) - Accords de partage de marché - Violation des droits de la défense - Obligation de motivation - Amende - Lignes directrices - Gravité de l'infraction - Impact concret sur le marché - Mise en œuvre de l'entente.

Ententes

Pratiques concertées

Concurrence


Parties
Demandeurs : William Prym GmbH & Co. KG et Prym Consumer GmbH & Co. KG
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2009:277

Source

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