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08/09/2011 | CJUE | N°C-17/10

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Kokott présentées le 8 septembre 2011., Toshiba Corporation et autres contre Úřad pro ochranu hospodářské soutěže., 08/09/2011, C-17/10


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 8 septembre 2011 ( 1 )

Affaire C-17/10

Toshiba Corporation e.a.

[demande de décision préjudicielle formée par le Krajský soud v Brně (République tchèque)]

«Concurrence — Entente de portée internationale exerçant des effets sur le territoire de l’UE, de l’EEE et d’États membres ayant adhéré le 1er mai 2004 — Article 81 CE et article 53 de l’accord EEE — Poursuite et sanction de l’infraction pour la période précédant et celle su

ivant la date d’adhésion — Amendes — Délimitation des compétences entre la Commission et les autorités nationales de concurrence...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 8 septembre 2011 ( 1 )

Affaire C-17/10

Toshiba Corporation e.a.

[demande de décision préjudicielle formée par le Krajský soud v Brně (République tchèque)]

«Concurrence — Entente de portée internationale exerçant des effets sur le territoire de l’UE, de l’EEE et d’États membres ayant adhéré le 1er mai 2004 — Article 81 CE et article 53 de l’accord EEE — Poursuite et sanction de l’infraction pour la période précédant et celle suivant la date d’adhésion — Amendes — Délimitation des compétences entre la Commission et les autorités nationales de concurrence — Principe ‘non bis in idem’ — Articles 3, paragraphe 1, et 11, paragraphe 6, du règlement (CE)
no 1/2003 — Conséquences de l’adhésion d’un nouvel État membre à l’Union européenne»

I – Introduction

1. Combien d’autorités de la concurrence en Europe peuvent-elles traiter une seule et même entente et infliger des sanctions aux entreprises concernées? Telle est en substance la question que la Cour est appelée à trancher dans la présente procédure préjudicielle. Cette question ne soulève pas uniquement des problèmes essentiels tenant à la délimitation des compétences entre les autorités européennes de la concurrence, mais également de délicats aspects de protection des droits fondamentaux dans
l’Union européenne, notamment du point de vue de la règle du non-cumul des sanctions (principe non bis in idem). Ces points sont d’une importance non négligeable pour le fonctionnement du nouveau système de mise en œuvre du droit antitrust, tel que l’a institué au 1er mai 2004 le règlement (CE) no 1/2003 ( 2 ). Ils offrent en outre à la Cour l’occasion de faire évoluer sa jurisprudence Wilhelm e.a. ( 3 ), vieille de plus de 40 ans.

2. La présente affaire a pour toile de fond une entente de portée mondiale, découverte en 2004, et à laquelle ont participé toute une série d’entreprises réputées, européennes et japonaises, du secteur de l’électronique. Plusieurs autorités de la concurrence ont entamé des poursuites contre cette entente et infligé des amendes se chiffrant en millions: au niveau de l’Union, la Commission européenne, en sa qualité d’autorité de la concurrence de l’Espace économique européen (EEE), et au niveau
national, entre autres, l’autorité tchèque de la concurrence ( 4 ).

3. L’autorité tchèque de la concurrence s’est bornée à faire application du droit antitrust national et n’a sanctionné que les effets de l’entente sur le territoire de la République tchèque, et ce pour la période antérieure au 1er mai 2004, le jour de l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne. Elle a cependant engagé cette procédure bien après le 1er mai 2004, à une date à laquelle la Commission avait elle-même déjà lancé une procédure au titre du règlement no 1/2003. La décision par
laquelle l’autorité tchèque de la concurrence a infligé une amende a également été adoptée après celle de la Commission.

4. Les débats devant la juridiction nationale portent aujourd’hui sur le bien-fondé de l’action de l’autorité tchèque de la concurrence. Toshiba et nombre d’autres entreprises ayant participé à l’entente font valoir que, conformément à l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 1/2003, l’autorité tchèque de la concurrence n’avait pas compétence pour sanctionner l’entente, puisque la Commission avait déjà ouvert une procédure au niveau européen. Elles invoquent en outre le principe non bis in idem.

II – Cadre juridique

A – Droit de l’Union

5. Outre l’acte d’adhésion de 2003 ( 5 ), ce sont, d’une part, l’article 81 CE (devenu article 101 TFUE), l’article 53 de l’accord EEE ( 6 ), et les articles 49 et 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 7 ), ainsi, d’autre part, que le règlement no 1/2003, qui constituent le cadre juridique de la présente affaire en droit de l’Union. On citera à titre complémentaire la communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence ( 8
) (ci-après la «communication réseau»).

1. Les dispositions de droit primaire

6. La République tchèque a adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004 ( 9 ). L’article 2 de l’acte d’adhésion prévoit les règles suivantes en ce qui concerne l’application dans le temps du droit de l’Union en République tchèque et dans les neuf autres nouveaux États membres:

«Dès l’adhésion, les dispositions des traités originaires et les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions et la Banque centrale européenne lient les nouveaux États membres et sont applicables dans ces États dans les conditions prévues par ces traités et par le présent acte.»

7. En vertu de l’article 81, paragraphe 1, CE, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun.

8. L’article 53 de l’accord EEE interdit les ententes dans les mêmes termes que l’article 81 CE et son champ d’application s’étend à l’ensemble de l’EEE.

9. Le principe de la légalité des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) est consacré à l’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux:

«Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou le droit international. De même, il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit une peine plus légère, celle-ci doit être appliquée.»

10. La règle du non-cumul des sanctions (principe non bis in idem) trouve l’expression suivante à l’article 50 de la charte des droits fondamentaux:

«Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.»

2. Les dispositions de droit dérivé du règlement no 1/2003

11. Le «[r]apport entre [l’article 81 CE] […] et les droits nationaux de la concurrence» est régi comme suit à l’article 3 du règlement no 1/2003:

«1.   Lorsque les autorités de concurrence des États membres ou les juridictions nationales appliquent le droit national de la concurrence à des accords, des décisions d’associations d’entreprises ou des pratiques concertées au sens de l’article 81, paragraphe 1, du traité susceptibles d’affecter le commerce entre États membres au sens de cette disposition, elles appliquent également l’article 81 du traité à ces accords, décisions ou pratiques concertées. […]

2.   L’application du droit national de la concurrence ne peut pas entraîner l’interdiction d’accords, de décisions d’associations d’entreprises ou de pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, mais qui n’ont pas pour effet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, [CE], ou qui satisfont aux conditions énoncées à l’article 81, paragraphe 3, [CE] ou qui sont couverts par un règlement ayant pour objet l’application de
l’article 81, paragraphe 3, [CE]. Le présent règlement n’empêche pas les États membres d’adopter et de mettre en œuvre sur leur territoire des lois nationales plus strictes qui interdisent ou sanctionnent un comportement unilatéral d’une entreprise.

3.   Sans préjudice des principes généraux et des autres dispositions du droit communautaire, les paragraphes 1 et 2 ne s’appliquent pas lorsque les autorités de concurrence et les juridictions des États membres appliquent la législation nationale relative au contrôle des concentrations, et ils n’interdisent pas l’application de dispositions de droit national qui visent à titre principal un objectif différent de celui visé par les articles 81 [CE]et 82 [CE].»

12. Sous l’intitulé «Coopération entre la Commission et les autorités de concurrence des États membres», l’article 11, paragraphe 6, première phrase, du règlement no 1/2003 comporte en outre la règle suivante:

«L’ouverture par la Commission d’une procédure en vue de l’adoption d’une décision en application du chapitre III dessaisit les autorités de concurrence des États membres de leur compétence pour appliquer les articles 81 [CE] et 82 [CE].»

13. Enfin, l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 prévoit, sous l’intitulé «Application uniforme du droit communautaire de la concurrence»:

«Lorsque les autorités de concurrence des États membres statuent sur des accords, des décisions ou des pratiques relevant de l’article 81 [CE] ou 82 [CE] qui font déjà l’objet d’une décision de la Commission, elles ne peuvent prendre de décisions qui iraient à l’encontre de la décision adoptée par la Commission.»

14. Les dispositions précitées sont explicitées par les huitième, neuvième, quinzième, dix-septième, dix-huitième, vingt-deuxième et trente-quatrième considérants du préambule du règlement no 1/2003, dont les passages pertinents se lisent comme suit:

«(8) Afin de garantir la mise en œuvre effective des règles communautaires de concurrence ainsi que le bon fonctionnement des mécanismes de coopération prévus par le présent règlement, il est nécessaire de faire obligation aux autorités de concurrence et aux juridictions des États membres d’appliquer les articles 81 [CE] et 82 [CE], lorsqu’elles appliquent des règles nationales de concurrence, aux accords et aux pratiques qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres. Afin de
créer au sein du marché intérieur des conditions de concurrence homogènes pour les accords entre entreprises, les décisions d’associations d’entreprises et les pratiques concertées, il est également nécessaire de définir, sur la base de l’article 83, paragraphe 2, point e), [CE], les rapports entre les législations nationales et le droit communautaire en matière de concurrence. […]

(9) Les articles 81 [CE] et 82 [CE] ont pour objectif de préserver la concurrence sur le marché. Le présent règlement, qui est adopté en application des dispositions précitées, n’interdit pas aux États membres de mettre en œuvre sur leur territoire des dispositions législatives nationales destinées à protéger d’autres intérêts légitimes, pour autant que ces dispositions soient compatibles avec les principes généraux et les autres dispositions du droit [de l’Union]. Dans la mesure où les
dispositions législatives nationales en cause visent principalement un objectif autre que celui consistant à préserver la concurrence sur le marché, les autorités de concurrence et les juridictions des États membres peuvent appliquer lesdites dispositions sur leur territoire. […]

[…]

(15) Il convient que la Commission et les autorités de concurrence des États membres forment ensemble un réseau d’autorités publiques appliquant les règles communautaires de concurrence en étroite coopération. […]

[…]

(17) Tant pour garantir l’application cohérente des règles de concurrence que pour assurer une gestion optimale du réseau, il est indispensable de maintenir la règle selon laquelle les autorités de concurrence des États membres sont automatiquement dessaisies lorsque la Commission intente une procédure. […]

(18) Afin d’assurer une attribution optimale des affaires au sein du réseau, il convient de prévoir une disposition générale permettant à une autorité de concurrence de suspendre ou de clôturer une affaire au motif qu’une autre autorité traite ou a traité la même affaire, l’objectif étant que chaque affaire ne soit traitée que par une seule autorité. […]

[…]

(22) Afin de garantir le respect des principes de la sécurité juridique et l’application uniforme des règles […] de concurrence [de l’Union] dans un système de compétences parallèles, il faut éviter les conflits de décisions. Il convient donc de préciser, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, les effets que les décisions et délibérations de la Commission comportent pour les juridictions et les autorités de concurrence des États membres.

[…]

(34) Les principes énoncés aux articles 81 [CE] et 82 [CE], tels que mis en œuvre par le règlement no 17, confient aux organes de la Communauté une place centrale qu’il convient de maintenir, tout en associant davantage les États membres à l’application des règles […] de concurrence [du droit de l’Union]. Conformément aux principes de subsidiarité et de proportionnalité énoncés à l’article 5 du traité, le présent règlement n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre son objectif qui est de
permettre l’application efficace des règles […] de concurrence [du droit de l’Union].»

15. Enfin, le trente-septième considérant du préambule du règlement no 1/2003, qui est consacré à la protection des droits fondamentaux, mérite lui aussi d’être signalé:

«Le présent règlement respecte les droits fondamentaux et les principes reconnus en particulier par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En conséquence, il doit être interprété et appliqué dans le respect de ces droits et principes.»

3. La communication réseau de la Commission

16. La communication réseau comporte notamment, sous l’intitulé «3.2. Ouverture par la Commission de la procédure prévue à l’article 11, paragraphe 6, du règlement du Conseil», les précisions suivantes:

«[…]

51. En vertu de l’article 11, paragraphe 6, du règlement [no 1/2003], l’ouverture par la Commission d’une procédure en vue de l’adoption d’une décision en application du règlement du Conseil dessaisit toutes les autorités de concurrence des États membres de leur compétence pour appliquer les articles 81 [CE] et 82 [CE]. Autrement dit, une fois que la Commission a ouvert une procédure, les autorités nationales de concurrence ne peuvent agir sur la même base juridique à l’encontre du ou des mêmes
accords ou pratiques de la ou des mêmes entreprises sur le même marché géographique en cause et le même marché de produits en cause.

[…]

53. Deux situations peuvent se produire. Dans la première, la Commission est la première autorité de concurrence à engager la procédure dans une affaire en vue de l’adoption d’une décision en application du règlement du Conseil, et dès lors les autorités nationales de concurrence ne peuvent plus traiter l’affaire. L’article 11, paragraphe 6, du règlement du Conseil prévoit que l’ouverture par la Commission d’une procédure dessaisit les autorités nationales de concurrence de leur compétence pour
engager une procédure en vue de l’application des articles 81 [CE] et 82 [CE] aux mêmes accords ou pratiques de la ou des mêmes entreprises sur le même marché géographique en cause et le même marché de produits en cause.

[…]»

B – Droit national

17. La disposition de droit tchèque pertinente est constituée par l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la loi sur la protection de la concurrence. Cette disposition s’est appliquée jusqu’au 30 juin 2001 dans sa version découlant de la loi no 63/1991 Sb. ( 10 ), et, à partir du 1er juillet 2001, dans la version de la loi no 143/2001 Sb. ( 11 ). Tant dans sa version antérieure que dans sa version postérieure, cette disposition formule en substance la même interdiction des accords collusoires que celle
que prévoit au niveau de l’Union l’article 101 TFUE (ex-article 81 CE).

III – Faits, procédure administrative et litige au principal

18. La présente affaire concerne une entente de portée mondiale sur le marché des appareillages de commutation à isolation gazeuse ( 12 ), à laquelle, à différentes périodes entre 1988 et 2004, ont participé toute une série d’entreprises européennes et japonaises réputées, appartenant au secteur de l’électronique. Aussi bien la Commission que l’autorité tchèque de la concurrence se sont saisies de certains aspects de cette affaire en 2006 et en 2007, et ont infligé des amendes aux entreprises
concernées ( 13 ), étant toutefois entendu que l’autorité tchèque de la concurrence n’a agi qu’en vertu du droit antitrust national, en se bornant à une période antérieure à l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne le 1er mai 2004.

Procédure administrative au niveau européen

19. La Commission a engagé une procédure d’amende le 20 avril 2006, sur la base des articles 81 CE et 53 de l’accord EEE, en combinaison avec le règlement no 1/2003 ( 14 ). Cette procédure, qui avait été précédée d’une demande de clémence ( 15 ) et d’inspections effectuées en 2004 dans les locaux de plusieurs entreprises ayant participé à l’entente ( 16 ), était dirigée au total contre 20 personnes morales, dont Toshiba Corporation et les 15 autres requérantes au litige au principal.

20. Dans sa décision du 24 janvier 2007 qui a clôturé la procédure ( 17 ) (ci-après la «décision de la Commission»), la Commission expose que l’entente visée a constitué, du 15 avril 1988 au 11 mai 2004, une infraction unique et continue aux articles 81 CE et 53 de l’accord EEE ( 18 ), à laquelle les différents participants à l’entente ont pris part pendant des périodes de durée variable. Selon les constatations de la Commission, il s’est agi d’une entente complexe et de portée mondiale — à
l’exception des États-Unis et du Canada —, qui a eu des effets dans l’Union européenne et dans l’EEE ( 19 ), et dans le cadre de laquelle les entreprises concernées ont notamment échangé des informations sensibles relatives au marché, se sont réparti les marchés ( 20 ), ont conclu des accords de prix et cessé leur collaboration avec les entreprises qui n’étaient pas membres de l’entente.

21. À l’exception d’une entreprise ( 21 ), qui a bénéficié de la communication sur la clémence de la Commission, toutes les parties à la procédure, dont l’ensemble des requérantes dans l’affaire au principal, ont été condamnées à des amendes d’un montant total de plus de 750 millions d’euros ( 22 ). C’est Siemens AG qui s’est vu infliger l’amende individuelle la plus élevée, supérieure à 396 millions d’euros.

22. En tant que cela importe pour la présente affaire, le Tribunal de l’Union européenne a récemment confirmé en substance la décision de la Commission ( 23 ).

Procédure administrative au niveau national

23. Le 2 août 2006, l’autorité tchèque de la concurrence a pour sa part engagé, au titre de la même entente, et contre les mêmes entreprises, une procédure pour violation de la loi tchèque sur la protection de la concurrence. Le 9 février 2007, elle a adopté une première décision ( 24 ), contre laquelle les requérantes ont néanmoins formé un recours administratif interne. À la suite de ce recours, le président de l’autorité tchèque de la concurrence a, par décision du 26 avril 2007, réformé la
décision initiale ( 25 ).

24. Dans cette décision du 26 avril 2007 rendue sur réclamation, il a été constaté que les entreprises concernées avaient participé à une entente qui s’était produite sur le territoire tchèque. En leur qualité de concurrentes, ces entreprises avaient ainsi violé la loi tchèque sur la protection de la concurrence durant la période ayant couru jusqu’au 3 mars 2004 ( 26 ). À l’exception d’une entreprise ( 27 ), qui a bénéficié de mesures de clémence prévues par le droit interne, toutes les entreprises
concernées par la procédure se sont vu infliger des amendes ( 28 ).

Procédure devant les juridictions tchèques

25. Les requérantes au principal ont formé un recours contre la décision de l’autorité tchèque de la concurrence devant le tribunal régional de Brno ( 29 ). Elles ont notamment fait valoir que l’autorité tchèque de la concurrence avait mal déterminé la durée de l’entente et qu’elle avait sciemment situé la cessation de l’entente avant l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne, de manière à justifier l’application de la loi tchèque sur la protection de la concurrence. En vertu de
l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 1/2003, ont-elles soutenu, l’autorité tchèque de la concurrence avait perdu sa compétence pour mettre en œuvre la procédure nationale, puisque la Commission avait déjà engagé dans la même affaire une procédure au niveau européen. Elles en ont conclu que la procédure ouverte au niveau national violait la règle du non-cumul des sanctions (principe non bis in idem).

26. Par jugement du 25 juin 2008 ( 30 ), le tribunal régional de Brno a annulé la décision de l’autorité tchèque de la concurrence du 26 avril 2007, rendue sur réclamation, ainsi que la décision initiale que celle-ci avait prise le 9 février 2007. Le Krajský soud v Brně a conclu que le comportement en cause des requérantes constituait une infraction administrative continue qui, ainsi que la Commission l’avait constaté, s’était poursuivie jusqu’au 11 mai 2004. Comme la Commission avait engagé à
l’égard de cette entente de «portée mondiale» une procédure au titre de l’article 81 CE et adopté une décision de «condamnation», la nouvelle procédure ouverte dans cette même affaire violait le principe non bis in idem. L’autorité tchèque de la concurrence avait en outre, par application de l’article 11, paragraphe 6, première phrase, du règlement no 1/2003, perdu sa compétence de traiter cette affaire sur la base de l’article 81 CE.

27. Le tribunal régional a également jugé contraire à l’esprit d’une application uniforme du droit de la concurrence que l’autorité tchèque de la concurrence demeure compétente après le 1er mai 2004 et puisse appliquer rétroactivement la loi sur la protection de la concurrence. Cette loi, a-t-il noté, formule sur le fond la même interdiction des arrangements collusoires que celle que prévoit l’article 81 CE. La disposition en question aurait été insérée dans la loi sur la protection de la
concurrence en vue d’aligner la législation nationale sur le droit européen avant l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne.

28. L’autorité tchèque de la concurrence a toutefois formé un pourvoi en cassation devant la Cour administrative suprême de la République tchèque ( 31 ) à l’encontre du jugement du tribunal régional. Elle s’estime toujours compétente pour entamer des poursuites contre le comportement qu’ont manifesté les requérantes au principal avant la date d’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne, puisque, jusqu’à cette date, la Commission n’avait pu poursuivre aucune des infractions concernant la
République tchèque. Selon elle, le fait de sanctionner une entente de portée mondiale dans le cadre de différentes compétences ne constitue pas une violation du principe non bis in idem. Elle a fait valoir que la Commission et l’autorité tchèque de la concurrence avaient traité des conséquences territorialement différentes de ce comportement. Au surplus, la jurisprudence Wilhelm e.a. ( 32 ) autoriserait l’application parallèle du droit de la concurrence de l’Union et du droit national de la
concurrence.

29. Par arrêt du 10 avril 2009 ( 33 ), la Cour administrative suprême a annulé le jugement du tribunal régional de Brno. La Cour administrative suprême a estimé que le tribunal régional avait qualifié à tort d’infraction continue la participation à l’entente des entreprises concernées. Jusqu’à l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne, a-t-elle jugé, l’entente pratiquée sur le territoire tchèque relevait exclusivement de la compétence nationale et ne pouvait être poursuivie qu’au
titre du droit national. L’adhésion — et la modification des compétences qui s’en est suivie — a constitué une date charnière. Bien que les requérantes n’aient pas formellement mis fin à l’infraction qu’elles avaient commise en République tchèque avant l’adhésion, celle-ci doit, selon la Cour administrative suprême, être considérée comme ayant cessé. Le comportement adopté à compter du jour de l’adhésion constituerait, du point de vue formel, une infraction distincte, à savoir une infraction au
regard du droit de l’Union, qui relève de la compétence partagée de l’autorité nationale de la concurrence et de la Commission, cette dernière ayant juridiquement priorité (article 11, paragraphe 6, du règlement no 1/2003).

30. La procédure est aujourd’hui de nouveau pendante devant le tribunal régional de Brno, auquel l’affaire a été renvoyée pour qu’il statue à nouveau. S’il est obligé par le droit national ( 34 ) de suivre l’analyse juridique qu’a retenue la Cour administrative suprême, il n’en estime pas moins nécessaire de clarifier certains points du droit de l’Union, relatifs, d’une part, à l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne le 1er mai 2004 et, d’autre part, à l’entrée en vigueur du
règlement no 1/2003. C’est ainsi que les divergences matérielles d’appréciation entre le tribunal régional et la Cour administrative suprême se trouvent aujourd’hui portées devant la Cour de justice de l’Union européenne pour qu’elle statue sur celles-ci à titre préjudiciel.

IV – Demande de décision préjudicielle et procédure devant la Cour

31. Par décision du 11 décembre 2009 ( 35 ), parvenue à la Cour le 13 janvier 2010, le Krajský soud v Brně a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1) Faut-il interpréter les dispositions de l’article 81 CE (devenu article 101 TFUE) et du règlement no 1/2003 en ce sens qu’elles doivent s’appliquer (dans le cadre d’une procédure engagée après le 1er mai 2004) à toute la durée d’une entente qui, sur le territoire de la République tchèque, a commencé avant son adhésion à l’Union européenne (soit avant le 1er mai 2004) et qui s’est poursuivie et a cessé après l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne?

2) Faut-il interpréter l’article 11, paragraphe 6, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, le dix-septième considérant du règlement no 1/2003, le point 51 de la communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence, le principe non bis in idem, tel qu’il découle de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et les principes généraux du droit communautaire en ce sens que, si la Commission intente une procédure pour
violation de l’article 81 CE après le 1er mai 2004 et adopte une décision sur le fond:

a) les autorités de concurrence des États membres sont automatiquement et définitivement dessaisies de leur compétence pour connaître des mêmes faits?

b) Les autorités de concurrence des États membres sont-elles dessaisies de leur compétence pour appliquer à ces mêmes faits les dispositions du droit national comportant une réglementation analogue à l’article 81 CE (devenu article 101 TFUE)?»

32. Lors de la procédure devant la Cour, des observations écrites et orales ont été présentées par Toshiba, Mitsubishi, Fuji ( 36 ), Hitachi ( 37 ), Alstom et Siemens ( 38 ), ainsi que par les gouvernements espagnol, polonais et tchèque, par l’Irlande de même que par la Commission et l’Autorité de surveillance AELE. Le gouvernement slovaque a également pris part à la procédure écrite, tandis que l’autorité tchèque de la concurrence a comparu à l’audience.

V – Analyse

33. La demande de décision préjudicielle du tribunal régional de Brno vise, dans le cadre d’une affaire de droit antitrust, à obtenir des précisions sur les conséquences de l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne. Il s’agit, d’une part, de définir le droit applicable (première question) et, d’autre part, de délimiter les compétences au sein du réseau européen des autorités de concurrence, le «REC» ( 39 ), (seconde question), au regard d’ententes transfrontalières constituant des
infractions continues, commises en partie avant la date d’adhésion et en partie postérieurement à cette date, et qui étaient de nature à produire des effets, entre autres, sur le territoire tchèque.

34. La recevabilité de cette demande de décision préjudicielle ne soulève aucun doute. Certes, examinée sommairement, la première question préjudicielle rappelle l’affaire Ynos, dans laquelle la Cour s’est déclarée incompétente pour interpréter une directive ( 40 ). À la différence de cette affaire, la Cour n’est en l’espèce toutefois pas appelée, dans le cadre de la première question, à procéder à une interprétation de fond du droit de l’Union pour la période antérieure à l’adhésion d’un nouvel
État membre, mais uniquement à préciser le champ d’application dans le temps du droit de l’Union. Il ne fait aucun doute qu’elle a compétence pour ce faire.

35. Le fait que la juridiction de renvoi soit liée, en vertu du droit procédural national, par l’appréciation juridique d’une juridiction qui lui est supérieure ( 41 ), ne s’oppose pas non plus à la saisine de la Cour d’une demande préjudicielle et au caractère contraignant de sa réponse ( 42 ).

36. Comme le litige au principal porte sur l’appréciation de la légalité d’une décision qu’a prise en 2007 l’autorité tchèque de la concurrence, il convient encore, pour répondre à la demande préjudicielle, de se référer aux dispositions des traités dans la version du traité d’Amsterdam ( 43 ); c’est notamment sur l’article 81 CE, et non sur l’article 101 TFUE, qu’il y a lieu de se fonder.

A – Première question préjudicielle: le champ d’application dans le temps du droit européen de la concurrence

37. Par sa première question, la juridiction de renvoi souhaite en substance savoir si l’article 81 CE et l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 peuvent, dans un État membre ayant adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004, s’appliquer à des périodes antérieures à cette date d’adhésion ( 44 ).

38. Cette question s’explique par le fait que l’entente litigieuse a constitué une infraction unique et continue aux règles de concurrence ( 45 ), dont les effets anticoncurrentiels se sont produits sur le territoire de la République tchèque dès avant l’adhésion de celle-ci à l’Union européenne et ont perduré jusqu’après cette adhésion. Les procédures d’amende menées tant au niveau de l’Union qu’au niveau national en vue de sanctionner cette entente sont même entièrement postérieures à cette date
d’adhésion.

39. Cette situation plaide, selon la juridiction de renvoi et les requérantes au principal, en faveur de l’applicabilité de l’article 81 CE et du règlement no 1/2003 à toute la durée de l’entente litigieuse. Les entreprises impliquées dans l’entente comptent bien que l’application de ces dispositions du droit de l’Union leur permettra d’échapper à toute sanction de la part de l’autorité tchèque de la concurrence.

1. Les prescriptions de l’acte d’adhésion et des principes généraux du droit

40. L’article 2 de l’acte d’adhésion constitue le point de départ de la définition du champ d’application dans le temps de dispositions du droit de l’Union en République tchèque. Aux termes de cette disposition, les traités originaires et les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions de l’Union lient les nouveaux États membres dès l’adhésion, et donc au 1er mai 2004.

41. Cette disposition de l’acte d’adhésion fait donc uniquement ressortir que l’article 81 CE et le règlement no 1/2003 sont applicables en République tchèque depuis le 1er mai 2004. L’acte d’adhésion n’apporte en revanche aucun enseignement sur la mesure dans laquelle l’article 81 CE et le règlement no 1/2003 s’appliquent à des infractions continues dont les effets anticoncurrentiels se sont produits sur le territoire tchèque en partie avant l’adhésion de cet État à l’Union européenne et en partie
après cette date. Il convient à cet égard de recourir aux principes généraux du droit de l’Union, à savoir aux principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de non-rétroactivité ( 46 ).

a) L’interdiction de l’application rétroactive des règles de fond

42. Il ressort desdits principes généraux du droit que, s’agissant des effets dans le temps de modifications juridiques, il y a lieu de distinguer les règles de procédure et les règles de fond. Selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond qui sont habituellement interprétées comme ne visant pas des situations acquises antérieurement à leur entrée
en vigueur ( 47 ).

43. De nombreuses règles de procédure figurent certes dans le règlement no 1/2003 ( 48 ). Son article 3, paragraphe 1, comporte cependant, tout comme l’article 81 CE, des règles matérielles destinées à l’appréciation d’accords d’entreprises par les autorités de concurrence. L’article 81 CE et l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 constituent donc des règles de fond du droit de l’Union.

44. De telles règles de fond ne sauraient en principe faire l’objet d’une application rétroactive, indépendamment des effets favorables ou défavorables qu’une telle application pourrait avoir pour l’intéressé; en effet, le principe de sécurité juridique exige que toute situation de fait soit normalement, et sauf indication expresse contraire, appréciée à la lumière des règles de droit qui en sont contemporaines ( 49 ). Les nouvelles règles de fond ne sont en principe directement applicables qu’aux
effets futurs de situations nées sous l’empire de la loi ancienne ( 50 ).

45. Ce sont donc des règles de fond différentes selon la période considérée qui s’appliquent à une entente de portée mondiale qui, sous forme d’infraction unique et continue, a exercé ou pouvait exercer des effets sur le territoire d’un nouvel État membre aussi bien avant qu’après la date d’adhésion ( 51 ). S’agissant des périodes antérieures à l’adhésion, les conséquences anticoncurrentielles produites par l’entente dans l’État membre considéré ne doivent être appréciées qu’au regard du droit
national de la concurrence de cet État. En ce qui concerne les périodes postérieures, ces effets doivent en revanche être appréciés uniformément dans toute l’Union sur la base de l’article 81 CE et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 ( 52 ).

46. Il en résulte concrètement les conséquences suivantes pour la présente affaire. L’article 81 CE et l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 ne sont applicables à l’entente litigieuse en République tchèque que dans la mesure où il s’agit de sanctionner les éventuels effets anticoncurrentiels qu’a produits celle-ci au cours de la période ayant débuté le 1er mai 2004. En revanche, les effets anticoncurrentiels de cette entente qui concernent la période antérieure au 30 avril 2004 ne
peuvent être appréciés en République tchèque qu’à l’aune du droit national de la concurrence. L’infraction peut certes être unique et continue, ses effets anticoncurrentiels n’en sont pas moins soumis à des dispositions différentes, selon que l’on se place avant l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne ou après.

b) Aucune exception au principe de non-rétroactivité

47. Contrairement à ce qu’estiment Siemens, Hitachi et Fuji, rien ne plaide, dans la présente affaire, en faveur d’une application rétroactive du droit de l’Union qui ferait que les effets anticoncurrentiels qu’a produits l’entente litigieuse en République tchèque antérieurement à l’adhésion de celle-ci à l’Union européenne relèveraient eux-mêmes de l’article 81 CE et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1/2003.

48. Il est vrai que des règles de fond du droit de l’Union peuvent exceptionnellement faire l’objet d’une application rétroactive, dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leur finalité ou de leur économie qu’un tel effet doit leur être attribué ( 53 ). Toutefois, dans la présente affaire, ni le libellé ni la finalité ou l’économie de l’article 81 CE et de l’article 3 du règlement no 1/2003 ne comportent d’indication claire en faveur d’une application rétroactive de ces deux
dispositions. La nature quasi pénale du droit antitrust de l’Union ( 54 ) plaide au contraire résolument contre une telle application rétroactive, puisque celle-ci pourrait porter atteinte au principe de légalité des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege), qui bénéficie au niveau de l’Union de la protection d’un droit fondamental (article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux) ( 55 ).

49. En particulier, on ne saurait faire valoir que le droit de la concurrence applicable en République tchèque avant le 1er mai 2004 aurait été, sur le fond, essentiellement aligné sur l’article 81 CE, de sorte que ce dernier n’aurait simplement constitué qu’une sorte de réglementation ayant succédé à la précédente, mais dont l’entrée en vigueur n’aurait rien apporté de sensiblement nouveau pour les entreprises.

50. Il est possible que, dès avant l’adhésion de la République tchèque, le droit national tchèque ( 56 ) ait présenté de larges concordances de fond avec l’article 81 CE. Il se peut également que l’accord européen ( 57 ), qui devait amener la République tchèque à l’Union européenne, ait déjà comporté, dans son article 64, une disposition analogue à l’article 81 CE.

51. Les organes nationaux avaient toutefois seuls compétence pour appliquer et mettre en œuvre avant le 1er mai 2004 en République tchèque tant le droit national que l’accord européen. C’est aux seules autorités et juridictions tchèques qu’il appartenait alors d’en faire une interprétation et une application conformes aux prescriptions de l’article 81 CE sur le territoire tchèque. En sa qualité d’autorité européenne de la concurrence, la Commission a certes travaillé en étroite collaboration avec
l’autorité tchèque, mais ne pouvait elle-même appliquer, avant le 1er mai 2004, ni l’article 64 de l’accord européen ni l’article 81 CE en République tchèque, et la Cour de justice de l’Union européenne n’était pas non plus susceptible d’être saisie par les juridictions tchèques en vue de l’interprétation de ces dispositions.

52. S’agissant plus particulièrement de l’article 81 CE, il convient encore de relever que cette disposition ne pouvait prétendre, avant le 1er mai 2004, à aucune primauté par rapport au droit tchèque. Au surplus, le règlement no 1/2003, dont l’article 3, paragraphe 1, fait pour la première fois obligation aux différentes autorités nationales de la concurrence de procéder, sous les conditions qui y sont prévues, à l’application parallèle de l’article 81 CE et du droit national de la concurrence,
ainsi que de respecter les prescriptions de rang supérieur du droit de l’Union, n’était applicable ni dans les anciens ni dans les nouveaux États membres ( 58 ).

53. Le système qui a prévalu jusqu’au 30 avril 2004 est donc globalement tout autre que celui qui s’applique depuis le 1er mai 2004. Le 1er mai 2004 correspond à un important tournant dans le régime antitrust, tant sur le fond que sur le plan procédural, ce qui, loin de plaider pour une application rétroactive de l’article 81 CE et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, milite à l’inverse contre une telle application.

54. L’application rétroactive de l’article 81 CE et du règlement no 1/2003 pourrait certes réduire le risque d’une appréciation divergente d’une seule et même entente à laquelle procéderaient des autorités et des juridictions différentes dans le cadre de leurs procédures d’amende respectives. Il convient toutefois de rétorquer que l’existence de décisions de contenu différent était, avant le 1er mai 2004, inhérente au système, et admise dans la mesure où elle ne portait pas préjudice au plein effet
du droit antitrust de l’Union et à la primauté du droit de l’Union ( 59 ). Aussi souhaitables que puissent être une interprétation et une application uniformes et efficaces du droit de la concurrence dans l’Union européenne, on ne saurait y parvenir au prix d’une violation de principes de l’État de droit.

c) Le principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus douce

55. Hitachi invoque le principe de la rétroactivité de la loi pénale plus douce (lex mitius) pour justifier la nécessité d’apprécier à l’aune de l’article 81 CE et du règlement no 1/2003 les effets anticoncurrentiels de l’entente litigieuse en République tchèque avant le 1er mai 2004.

56. Le principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus douce relève des traditions constitutionnelles communes aux États membres et doit être considéré comme faisant partie des principes généraux du droit de l’Union ( 60 ). Il a depuis également trouvé place à l’article 49, paragraphe 1, troisième phrase, de la charte des droits fondamentaux.

57. Il ne fait donc aucun doute que l’autorité tchèque de la concurrence devrait apprécier les effets anticoncurrentiels produits par l’entente litigieuse en République tchèque avant le 1er mai 2004 au regard de l’article 81 CE et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, si ces dispositions conduisaient à une exonération de peine ou à une sanction plus légère que le droit national. Cette hypothèse est toutefois peu vraisemblable.

58. En effet, ni l’article 81 CE ni le règlement no 1/2003 ne comportent quelque indication que ce soit quant à la sévérité des sanctions que peuvent imposer les autorités nationales de la concurrence en matière d’ententes. L’article 5 du règlement no 1/2003 précise simplement que les autorités de concurrence des États membres peuvent adopter des décisions tendant à infliger des amendes, des astreintes ou toute autre sanction prévue par leur droit national. Quand bien même incomberait-il à
l’autorité tchèque de la concurrence d’appliquer l’article 81 CE à des périodes antérieures au 1er mai 2004, les sanctions à infliger n’en devraient donc pas moins être déterminées en fonction du droit national ( 61 ).

59. Le véritable objectif que poursuit Hitachi en invoquant le principe de la loi pénale plus douce est d’ailleurs tout autre. Loin de viser une décision plus légère pour la période antérieure au 1er mai 2004, l’entreprise entend en effet obtenir que l’autorité tchèque de la concurrence ne prenne aucune décision. Elle souhaite que la règle de la loi pénale plus douce soit finalement interprétée de telle sorte que l’autorité tchèque de la concurrence perde sa compétence de sanctionner l’entente pour
la période antérieure au 1er mai 2004 et que les effets anticoncurrentiels qu’a produits l’entente à cette époque soient considérés comme couverts par la décision de la Commission.

60. Une telle thèse méconnaît toutefois profondément le contenu du principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus douce. Ce principe se limite à poser, pour des raisons d’équité, une exception au principe fondamental de la légalité des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) ( 62 ). Il permet à l’intéressé de bénéficier d’une révision des valeurs du législateur, en étant ainsi sanctionné plus légèrement que ne le prévoyait la loi à l’époque des faits ( 63 ). En revanche, ce
principe ne confère aucun droit à être jugé par un autre organe que celui qui aurait été compétent au moment des faits. La règle de la loi pénale plus douce est de nature purement matérielle. Elle ne prévoit rien quant à la procédure et à la répartition des compétences entre les différentes autorités appelées à poursuivre les infractions.

61. Lorsque les requérantes au principal entendent contester la compétence en tant que telle de l’autorité tchèque de la concurrence d’imposer des amendes, elles soulèvent un problème relevant de l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 1/2003 et de la règle du non-cumul des sanctions (non bis in idem) ( 64 ), et non un problème tenant à la loi pénale plus douce (lex mitius).

62. Au total, le principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus douce ne conduit donc pas non plus au résultat souhaité par Hitachi e.a.

2. Examen de certaines objections soulevées par des parties

63. Lors de la procédure devant la Cour, des parties ont encore soulevé, en invoquant la jurisprudence, toute une série d’autres arguments que nous souhaiterions examiner brièvement ci-dessous. Relevons d’emblée qu’aucun de ces arguments n’est pertinent.

64. S’agissant d’abord de l’arrêt Dow Chemical Ibérica e.a./Commission ( 65 ), que citent certaines parties, on notera qu’il n’est pas de nature à ouvrir la voie d’une application de l’article 81 CE et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 au territoire d’un nouvel État membre pour des périodes antérieures à l’adhésion de celui-ci. Cette affaire ne concernait pas, en effet, l’application de règles de fond, mais uniquement celle de règles de procédure, et plus précisément l’application
de dispositions relatives aux vérifications (perquisitions) de la Commission dans les locaux d’entreprises. Le fait que la Cour considère de telles règles de procédure comme applicables dès l’adhésion d’un nouvel État membre à l’Union est pleinement conforme aux principes généraux du droit qui ont été examinés ci-dessus ( 66 ). L’arrêt Dow Chemical Ibérica e.a./Commission ne comporte en revanche aucune indication au sujet de la question qui nous intéresse ici, qui est celle de savoir si les
règles de fond du droit européen de la concurrence sont applicables aux effets anticoncurrentiels produits par une entente sur le territoire d’un nouvel État membre au cours de la période antérieure à son adhésion à l’Union européenne ( 67 ).

65. Les conclusions de l’avocat général Geelhoed dans l’affaire Asnef-Equifax et Administración del Estado ( 68 ), sur lesquelles se fondent certaines parties, ne s’écartent pas non plus des principes généraux susvisés ( 69 ), mais ne font même au contraire que les confirmer. L’avocat général expose que l’article 3 du règlement no 1/2003 peut contenir des prescriptions pour l’appréciation des effets présents et futurs d’un accord d’entreprise qui a été conclu bien avant l’entrée en vigueur du
règlement no 1/2003 ( 70 ). Il ne se prononce nullement en faveur d’une application rétroactive de cette disposition à des périodes antérieures.

66. La jurisprudence sur l’application dans le temps des libertés fondamentales et du principe général de non-discrimination ( 71 ), à laquelle ont fait référence certaines parties, ne comporte également aucun élément qui plaiderait en faveur d’une application rétroactive du droit de l’Union sur le territoire d’un nouvel État membre pour des périodes antérieures à l’adhésion de cet État. C’est ce qui ressort de façon particulièrement claire de l’arrêt Saldanha et MTS, selon lequel l’article 6 CE
(devenu article 18 TFUE) «s’applique aux effets futurs des situations nées avant l’adhésion» ( 72 ).

67. Enfin, on ne saurait tirer une autre conclusion de l’annexe II, section 5, de l’acte d’adhésion ( 73 ), à laquelle se réfère Siemens. En effet, les dispositions qui y sont prévues se fondent également sur l’applicabilité de l’article 81 CE aux accords d’entreprises conclus avant la date d’adhésion. Une exception n’est prévue que pour ceux desdits accords qui, dans les six mois qui suivent la date d’adhésion, sont modifiés de manière à remplir les conditions prévues par les règlements d’exemption
par catégorie. À la différence de ce qu’estime Siemens, l’annexe II, section 5, de l’acte d’adhésion ne comporte aucune indication plaidant en faveur d’une inclusion rétroactive dans le champ d’application de l’article 81 CE des effets produits par des accords d’entreprises avant le 1er mai 2004.

3. Conclusion intermédiaire

68. Les considérations qui précèdent permettent donc de tirer la conclusion intermédiaire suivante:

L’article 81 CE et l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 ne sont pas applicables, dans un État membre ayant adhéré le 1er mai 2004 à l’Union européenne, aux périodes antérieures à cette date d’adhésion, même s’il s’agit de poursuivre une entente de portée mondiale se présentant comme une infraction unique et continue qui était susceptible de produire des effets sur le territoire de l’État membre concerné aussi bien avant qu’après la date d’adhésion.

B – Seconde question préjudicielle: les compétences des autorités de concurrence et la règle du non-cumul des sanctions (principe non bis in idem)

69. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi souhaite en substance savoir si une procédure d’amende engagée après le 1er mai 2004 par la Commission empêche de façon permanente l’autorité nationale de la concurrence d’un État membre ayant adhéré à cette date de poursuivre, en vertu de son droit national de la concurrence, une entente de portée mondiale se présentant comme une infraction unique et continue qui était susceptible de produire des effets sur le territoire de l’État membre
concerné aussi bien avant qu’après la date d’adhésion.

70. À cet égard, la juridiction de renvoi souhaite au premier chef obtenir des éclaircissements sur l’interprétation de l’article 11, paragraphe 6, en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et le principe non bis in idem. Elle se réfère en outre au dix-septième considérant du règlement no 1/2003 et au point 51 de la communication réseau.

71. Les deux parties de cette seconde question sont consacrées, d’une part, à la compétence de l’autorité nationale de la concurrence d’engager une procédure d’amende [seconde question, sous a)], et, d’autre part, à la capacité de cette autorité d’appliquer son droit national de la concurrence [seconde question, sous b)]. Comme ces deux aspects sont étroitement liés, nous allons les examiner conjointement et nous consacrer successivement à deux grands sujets: la délimitation des compétences des
autorités européennes de concurrence dans les procédures antitrust (voir section 1 ci-dessous) et la règle du non-cumul des sanctions (principe non bis in idem; voir section 2 ci-dessous).

1. La délimitation des compétences des autorités européennes de concurrence

72. La juridiction de renvoi et les requérantes au principal estiment que l’autorité tchèque de la concurrence a, en vertu des dispositions combinées des articles 11, paragraphe 6, et 3, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, définitivement perdu sa compétence de poursuivre l’entente litigieuse au moment où la Commission a engagé sa procédure d’amende.

73. Cette thèse est inexacte. En tant que règle de procédure ( 74 ), l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 1/2003 est certes applicable depuis le 1er mai 2004 dans tous les États membres, y compris aux situations nées avant cette date ( 75 ). Son contenu normatif est cependant tout autre que celui que retiennent la juridiction de renvoi et les requérantes au principal. Les gouvernements ayant pris part à la procédure et la Commission l’ont à bon droit souligné.

a) Considérations générales sur le contenu normatif de l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 1/2003

74. Aux termes de l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 1/2003, les autorités de concurrence des États membres sont dessaisies de leur compétence pour appliquer les articles 81 CE et 82 CE, dès que la Commission ouvre une procédure en vue de l’adoption d’une décision en application du chapitre III dudit règlement ( 76 ). Cette perte de compétence des autorités nationales est automatique ( 77 ), et ce dès le jour auquel la Commission décide formellement d’ouvrir la procédure ( 78 ).

75. Si l’on considère le seul libellé de l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 1/2003, il semble que la perte de compétence ne concerne que le droit des autorités nationales de concurrence d’appliquer la législation antitrust de l’Union (articles 81 CE et 82 CE, devenus articles 101 TFUE et 102 TFUE), mais non leur droit d’appliquer la législation nationale. Les points 51 et 53 de la communication réseau de la Commission peuvent également être compris en ce sens ( 79 ).

76. Toutefois, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie ( 80 ). S’agissant spécialement du règlement no 1/2003, la Cour a en outre jugé que ce n’est que lorsque le droit de l’Union ne prévoit pas de règle spécifique qu’une autorité de concurrence nationale peut appliquer ses règles nationales ( 81 ).

77. Il convient ici de noter que l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 1/2003 est étroitement lié sur le fond à l’article 3, paragraphe 1, du même règlement. Il ressort d’une analyse conjointe de ces deux dispositions que les autorités nationales de concurrence perdent leur compétence d’appliquer non seulement le droit de la concurrence de l’Union, mais aussi une partie de leur propre droit national de la concurrence ( 82 ), dès que la Commission engage une procédure visant à l’adoption d’une
décision au titre du chapitre III du règlement no 1/2003.

78. Les choses se présentent plus précisément de la manière suivante ( 83 ). L’article 3, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 1/2003 établit un lien étroit entre l’interdiction des ententes que prévoit l’article 81 CE (article 101 TFUE) et les dispositions correspondantes de la législation nationale antitrust. Si l’interdiction nationale des ententes est appliquée à un accord d’entreprises qui est susceptible d’affecter le commerce entre États membres, l’article 3, paragraphe 1, première
phrase, du règlement no 1/2003 impose de lui appliquer également, en parallèle, l’article 81 CE (article 101 TFUE). Mais, comme l’autorité nationale de la concurrence n’est pas autorisée, en vertu de l’article 11, paragraphe 6, première phrase, du règlement no 1/2003, à faire application de l’article 81 CE (article 101 TFUE) dès lors que la Commission a ouvert sa procédure, cette autorité nationale perd en définitive également la possibilité d’appliquer l’interdiction nationale des ententes.

79. Contrairement à la thèse de la juridiction de renvoi et des requérantes au principal, il n’en résulte toutefois pas que l’ouverture d’une procédure par la Commission ferait perdre, de façon permanente et définitive, aux autorités nationales de concurrence leur compétence d’appliquer leur législation nationale en la matière. Selon la façon dont la Commission clôture sa procédure, il reste parfaitement envisageable que les autorités nationales de concurrence puissent ensuite appliquer leur propre
droit de la concurrence ( 84 ).

80. En effet, la protection de la concurrence à l’intérieur de l’Union européenne est assurée par la coexistence de dispositions nationales et du droit de l’Union en matière de concurrence. Conformément à une jurisprudence constante, les deux ordres juridiques s’appliquent parallèlement ( 85 ). Cette situation n’a été en rien modifiée par la modernisation du système européen de mise en œuvre du droit de la concurrence à laquelle a procédé le règlement no 1/2003. En effet, à la différence de ce
qu’avait initialement proposé ( 86 ) la Commission, l’article 3 du règlement no 1/2003 permet de continuer à appliquer à une seule et même affaire tant les règles du droit de l’Union en matière de concurrence (articles 81 CE et 82 CE, devenus articles 101 TFUE et 102 TFUE) que la législation nationale dans ce domaine.

81. Les règles de concurrence aux niveaux européen et national poursuivent naturellement en principe le même objectif, qui est d’assurer la préservation de la concurrence sur le marché concerné ( 87 ). Elles apprécient toutefois les pratiques restrictives sous des angles différents ( 88 ) et leurs champs d’application ne coïncident pas ( 89 ). L’arrêt de principe de la Cour dans l’affaire Wilhelm e.a., auquel remontent les constatations ci-dessus, n’a, même plus de quarante ans après son prononcé,
rien perdu de sa pertinence ( 90 ) — du moins sur ce point. Il est certes incontestable que l’intégration économique dans l’Union européenne a depuis fait des progrès considérables et que l’élimination continue des obstacles aux échanges entre les États membres a favorisé la réalisation d’un véritable marché intérieur. Il n’en demeure pas moins que de nombreux produits ne sont toujours diffusés que sur des marchés nationaux ou régionaux; les conditions de concurrence afférentes à ces produits
sont bien trop susceptibles de varier de pays à pays — voire de région à région — pour que l’on puisse envisager l’existence de marchés européens ou a fortiori mondiaux. On ne saurait non plus exclure que, dans certains cas, du fait de particularités nationales ou régionales, surviennent localement, outre les problèmes de concurrence transfrontaliers qui relèvent des articles 81 CE ou 82 CE (articles 101 TFUE ou 102 TFUE), d’autres problèmes de concurrence, que les autorités de concurrence ne
peuvent maîtriser que par l’application de leur législation nationale en la matière.

82. Même après l’entrée en vigueur du règlement no 1/2003, le fait que plusieurs autorités de la concurrence se saisissent d’une affaire et l’examinent de différents points de vue est compatible avec les objectifs et l’économie du droit antitrust européen ( 91 ). Le nouveau système décentralisé vise même à renforcer l’intégration des autorités nationales dans le cadre de l’application du droit antitrust. Il existe à cet égard une différence fondamentale entre le système européen de mise en œuvre du
droit antitrust, tel que l’a modernisé le règlement no 1/2003, et la réforme du contrôle européen des concentrations, entrée en vigueur à la même date ( 92 ).

83. L’objectif consistant à assurer, dans toute la mesure du possible, une application uniforme et effective des règles de concurrence dans le marché intérieur européen ( 93 ) n’est pas réalisé, dans le règlement no 1/2003, par la fixation de compétences exclusives de différentes autorités de la concurrence, mais au contraire par le fait que la Commission et les autorités nationales de concurrence coopèrent dans le cadre d’un réseau (REC) et y coordonnent mutuellement leur action ( 94 ). La primauté
du droit de l’Union est à cet égard assurée par les dispositions des articles 3 et 16 du règlement no 1/2003.

84. Un simple coup d’œil à l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 suffit à montrer que les autorités de concurrence des États membres conservent leur pouvoir d’agir même si la Commission a elle-même déjà pris une décision. En effet, cette disposition ne prive pas les autorités nationales de leur compétence d’intervenir postérieurement à la Commission, mais leur interdit simplement d’aller à l’encontre d’une décision antérieure de la Commission ( 95 ).

85. Il ressort certes de son libellé que l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 n’envisage que l’application du droit antitrust de l’Union par les autorités nationales de concurrence (c’est-à-dire l’application des articles 81 CE ou 82 CE, devenus articles 101 TFUE et 102 TFUE). La même réglementation doit cependant a fortiori s’appliquer dans un cas où les autorités nationales de concurrence entendent appliquer leur législation nationale antitrust. En effet, dès lors que ces autorités
nationales restent autorisées à faire application du droit de l’Union après une décision de la Commission, il doit leur être a fortiori permis d’appliquer leur droit national, à condition de respecter les prescriptions de rang supérieur du droit de l’Union au sens de l’article 3 du règlement no 1/2003.

86. Il serait erroné de faire du champ d’application de l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 une interprétation aussi étroite que celle que préconisent la juridiction de renvoi et les requérantes au principal ( 96 ).

87. Les requérantes au principal soutiennent que l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 permet aux autorités nationales de poursuivre les membres d’une entente contre lesquels la Commission n’a pas antérieurement procédé dans sa décision. Il convient toutefois à cet égard de relever que l’article 16, paragraphe 2, se borne à régir de façon tout à fait générale le rapport entre, d’une part, des décisions prises par des autorités nationales de la concurrence «sur des accords, des décisions
ou des pratiques» et, d’autre part, des décisions déjà existantes de la Commission, quels que soient l’objet desdites décisions de la Commission et l’identité de leurs destinataires. Il interdit plus particulièrement aux autorités nationales de la concurrence de prendre des décisions qui iraient à l’encontre d’une décision adoptée antérieurement par la Commission. Il prévoit donc une interdiction de dérogation et garantit ainsi la primauté du droit de l’Union.

88. L’article 16, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 ne saurait davantage être limité au cas extrêmement rare d’une constatation préalable d’inapplication des articles 81 CE ou 82 CE (devenus articles 101 TFUE et 102 TFUE) par la Commission au titre de l’article 10 du règlement no 1/2003 ( 97 ). En effet, à la différence de ce qu’estiment la juridiction de renvoi et certaines parties, le libellé extrêmement large de l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 et son économie, qui le place
dans le chapitre relatif à la «coopération», font que cette disposition englobe toutes les décisions envisageables que la Commission peut avoir prises sur la base du règlement no 1/2003, sans nullement se limiter à un certain type de décision.

89. Le dix-huitième considérant du règlement no 1/2003 ne doit pas non plus faire l’objet d’une interprétation erronée qui voudrait que le législateur de l’Union ait entendu priver les autorités nationales de leur compétence d’appliquer leur législation nationale antitrust dès lors que la Commission a elle-même a adopté une décision. Certes, ce dix-huitième considérant formule comme objectif «que chaque affaire ne soit traitée que par une seule autorité». Il ne s’agit cependant pas d’une règle
générale qui caractériserait l’ensemble du système européen d’application du droit antitrust en vertu du règlement no 1/2003. Cet objectif est en effet lié à une disposition tout à fait concrète du règlement no 1/2003, à savoir son article 13. Aux termes de cette disposition, chaque autorité de concurrence au sein du REC a certes la possibilité de suspendre sa procédure ou de rejeter une plainte dont elle est saisie, lorsqu’une autre autorité du REC traite déjà de la même affaire. Les autorités
concernées ne sont toutefois nullement obligées de procéder ainsi. L’article 13 et le dix-huitième considérant du règlement no 1/2003 traduisent au contraire le large pouvoir d’appréciation dont jouissent les autorités réunies dans le REC afin d’assurer une attribution optimale des affaires au sein du réseau.

90. Enfin, le principe de proportionnalité, considéré du point de vue de l’attribution des compétences (article 5, paragraphe 4, UE, ex-article 5, troisième alinéa, CE), plaide également contre une interprétation de l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 1/2003 voulant que les autorités nationales de concurrence perdent de façon permanente et définitive leur compétence d’appliquer leur législation nationale antitrust dès que la Commission a elle-même engagé une procédure. Ce principe de
proportionnalité, auquel le législateur de l’Union a expressément fait référence dans le préambule du règlement no 1/2003 ( 98 ), revêt une importance fondamentale, et même constitutionnelle, dans le système des traités. Il prévoit que le contenu et la forme de l’action de l’Union n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités. Le règlement no 1/2003 a pour objectif de contribuer à l’application effective, dans un système décentralisé, des règles de concurrence de
l’Union ( 99 ), étant entendu que l’application uniforme du droit de l’Union doit être garantie ( 100 ). Il n’est pas nécessaire, pour ce faire, de refuser de façon permanente et définitive aux autorités de concurrence des États membres l’application de leur législation nationale antitrust. Il suffit de leur retirer cette compétence pour la durée d’une procédure engagée par la Commission et de les obliger, une fois cette procédure clôturée, de respecter la décision de la Commission ( 101 ).

91. Ces considérations générales sur le contenu normatif de l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 1/2003 suffisent à conclure que les autorités nationales de concurrence ne perdent pas de façon permanente et définitive leur pouvoir d’appliquer leur droit national de la concurrence lorsque la Commission ouvre une procédure visant à l’adoption d’une décision au titre du chapitre III du règlement no 1/2003. Les autorités nationales de concurrence peuvent au contraire statuer elles-mêmes après la
clôture de la procédure de la Commission, dans les limites de la règle du non-cumul des sanctions (principe non bis in idem).

b) Considérations supplémentaires relatives à la période antérieure à l’adhésion d’un nouvel État membre à l’Union européenne

92. La présente affaire se caractérise en outre par le fait que la décision litigieuse de l’autorité tchèque de la concurrence traite exclusivement — selon les indications de la juridiction de renvoi — des effets anticoncurrentiels produits par l’entente en cause avant le 1er mai 2004, c’est-à-dire simplement la période antérieure à l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne.

93. Ainsi qu’on l’a exposé ci-dessus ( 102 ), l’article 81 CE n’était pas applicable au cours de cette période en République tchèque et ne saurait non plus être étendu rétroactivement à d’éventuels effets anticoncurrentiels d’une infraction continue durant cette période en République tchèque.

94. L’action combinée des articles 11, paragraphe 6, et 3, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 ne saurait donc, pour cette période, faire obstacle à l’application de dispositions nationales du droit de la concurrence telles que celles figurant en République tchèque à l’article 3 de la loi sur la protection de la concurrence. Un conflit de compétences n’est pas à craindre entre la Commission et l’autorité tchèque de la concurrence pour cette période antérieure au 1er mai 2004, et il n’y a pas non
plus lieu d’éviter des divergences d’appréciation entre l’article 81 CE et le droit national de la concurrence. Ce dernier ne saurait a priori être en contradiction avec une disposition du droit de l’Union qui était inapplicable durant la période considérée.

95. Mais quand bien même voudrait-on déjà s’inspirer, pour la période antérieure au 1er mai 2004, des objectifs du nouveau système prévus par le règlement no 1/2003, une telle approche plaiderait indubitablement en faveur, et non pas contre, une application du droit national de la concurrence par l’autorité tchèque de la concurrence. La volonté fondamentale de créer au sein du marché intérieur des conditions de concurrence homogènes ( 103 ) et de «préserver la concurrence sur le marché» ( 104 ) se
trouverait fondamentalement contredite s’il était impossible de poursuivre une entente dans une certaine partie du territoire du marché intérieur pour une période déterminée (dès lors que, pour le reste, les conditions applicables dans un État de droit sont remplies et que le délai de prescription n’est pas encore épuisé). C’est précisément l’application de la législation nationale antitrust qui constituait en l’espèce la seule possibilité de sanctionner d’éventuels effets anticoncurrentiels
produits par l’entente litigieuse en République tchèque au cours de la période antérieure à l’adhésion de cet État à l’Union européenne.

c) Conclusion intermédiaire

96. Au total, l’article 11, paragraphe 6, première phrase, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 1/2003, ne constitue donc pas un obstacle permanent et définitif à l’application du droit national de la concurrence. Cette conclusion ne s’applique cependant que sous réserve d’éventuelles restrictions pouvant découler de la règle du non-cumul des sanctions (principe non bis in idem). C’est à ce dernier problème de droit de la présente affaire qu’est
consacrée la section suivante.

2. La règle du non-cumul des sanctions (principe non bis in idem)

97. Il reste à examiner si la règle du non-cumul des sanctions (principe non bis in idem) s’oppose, dans un cas tel que celui de la présente affaire, à l’application du droit national de la concurrence par l’autorité nationale de la concurrence.

98. La juridiction de renvoi et les requérantes au principal estiment que la décision de la Commission du 24 janvier 2007 a déjà sanctionné les effets anticoncurrentiels produits par l’entente litigieuse en République tchèque avant l’adhésion de cet État à l’Union européenne. Elles considèrent donc que l’amende qu’a infligée séparément l’autorité tchèque de la concurrence viole le principe non bis in idem.

99. Le principe non bis in idem est reconnu au niveau de l’Union en tant que principe général de droit ( 105 ) et jouit aujourd’hui du rang de droit fondamental de l’Union, conformément à l’article 50 de la charte des droits fondamentaux.

100. Sa reconnaissance au niveau de l’Union a pour conséquence que le champ d’application du principe non bis in idem dépasse les affaires purement nationales pour s’étendre aux situations transfrontalières ( 106 ), ce qui favorise la libre circulation des citoyens de l’Union et l’objectif visant à ce que les échanges subissent le moins d’entraves possible dans le marché intérieur.

a) Applicabilité de la règle du non-cumul des sanctions

101. À dire vrai, il est constant que, du fait de son caractère quasi pénal ( 107 ), le principe non bis in idem doit être respecté dans les procédures d’amende relevant du droit de la concurrence ( 108 ). La Commission n’en met pas moins en doute l’applicabilité du principe non bis in idem dans la présente affaire, du moins dans la mesure où l’article 50 de la charte des droits fondamentaux est concerné.

i) Applicabilité matérielle

102. La Commission soutient que la charte des droits fondamentaux n’est applicable que dans la mise en œuvre du droit de l’Union. Comme, dans la présente affaire, l’autorité tchèque de la concurrence ne s’est fondée dans sa décision litigieuse que sur le droit national de la concurrence, elle n’aurait pas été liée par la charte.

103. Cette objection est dénuée de pertinence. Certes, il est vrai que, conformément à son article 51, la charte des droits fondamentaux s’applique «aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union» ( 109 ). Cependant, le seul fait que, du point de vue matériel, des dispositions nationales du droit de la concurrence soient applicables en l’espèce ne signifie pas que le traitement de cette affaire ne serait soumis à aucune prescription du droit de l’Union.

104. Ainsi qu’on l’a déjà mentionné ( 110 ), les règles de procédure du règlement no 1/2003 — à la différence de ses règles de fond — sont en effet applicables en République tchèque depuis le jour de l’adhésion de cet État à l’Union européenne. Les règles et principes relatifs à la délimitation des compétences au sein du réseau des autorités européennes de concurrence, qu’a institué le règlement no 1/2003 ( 111 ), en font notamment partie. Ces règles et principes doivent être interprétés et
appliqués en conformité avec le droit primaire de l’Union, dont les droits fondamentaux.

105. L’autorité tchèque de la concurrence ne peut donc, depuis le 1er mai 2004, mettre en œuvre une procédure antitrust en vertu de son droit interne de la concurrence que si et dans la mesure où le règlement no 1/2003, interprété et appliqué à la lumière des droits fondamentaux, lui en laisse la possibilité.

106. Le principe non bis in idem, tel que codifié à l’article 50 de la charte des droits fondamentaux, fait notamment partie de ces droits fondamentaux de l’Union dont il convient de tenir compte lorsqu’il s’agit de déterminer la marge de manœuvre qui reste à l’autorité tchèque de la concurrence. En effet, le principe non bis in idem n’emporte pas uniquement des conséquences touchant aux règles de fond, mais également du point de vue procédural. Outre la protection qu’il confère à la personne
incriminée, le principe non bis in idem vise en effet également à éviter les conflits de compétence (qualifiés de conflits de compétence positifs) entre les différents organes éventuellement saisis d’une affaire pénale ou d’une infraction administrative ( 112 ).

ii) Applicabilité dans le temps

107. Dans un souci d’exhaustivité, nous ajouterons encore deux brèves remarques sur l’applicabilité dans le temps du principe non bis in idem.

108. Il convient d’abord de rappeler que la charte des droits fondamentaux ne produisait pas encore, en 2006 et en 2007, d’effets juridiques contraignants comparables à ceux du droit primaire ( 113 ). En tant que source de référence juridique, elle n’en fournissait pas moins — en l’occurrence, notamment son article 50 — des indications sur les droits fondamentaux garantis au niveau de l’Union ( 114 ). C’est d’autant plus vrai dans le champ d’application du règlement no 1/2003 que son préambule
comporte un renvoi exprès à la charte ( 115 ). Les droits fondamentaux de la charte doivent donc, dans le champ d’application du règlement no 1/2003, être respectés depuis le 1er mai 2004, c’est-à-dire la date à laquelle ce règlement est devenu applicable, tant dans les anciens que dans les nouveaux États membres.

109. Il convient, d’autre part, de relever que la décision litigieuse par laquelle l’autorité tchèque de la concurrence a infligé les amendes se rapporte à une période antérieure à l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne. L’applicabilité ratione temporis du principe non bis in idem du droit de l’Union n’est toutefois pas subordonnée à la date à laquelle les faits poursuivis ont été commis, mais à celle de l’ouverture de la procédure pénale ou d’amende ( 116 ). En 2006, lorsque
l’autorité tchèque de la concurrence a ouvert sa procédure d’amende dans cette affaire, la République tchèque était déjà membre de l’Union européenne et, partant, tenue de respecter le principe non bis in idem du droit de l’Union.

110. Rien, au final, ne s’oppose donc non plus, du point de vue ratione temporis, à l’application du principe non bis in idem du droit de l’Union.

b) Portée de la garantie découlant de la règle du non-cumul des sanctions: qu’est-ce qu’un «idem»?

111. Sur le fond, le principe non bis in idem, tel que codifié par l’article 50 de la charte des droits fondamentaux, prévoit que nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement définitif.

112. Transposé au droit de la concurrence, le principe non bis in idem interdit, en matière de concurrence, qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours ( 117 ).

113. Comme il est si fréquent dans les procédures antitrust, le litige porte en l’espèce sur les critères qu’il convient d’appliquer pour constater si les entreprises concernées ont été condamnées ou poursuivies une nouvelle fois du fait du même comportement anticoncurrentiel, lorsque l’autorité tchèque de la concurrence leur a infligé une amende. Il s’agit donc de préciser ce que recèle la notion d’idem.

114. Les juridictions de l’Union ont jusqu’à présent considéré, dans les affaires de concurrence, que l’application du principe non bis in idem était soumise à la triple condition de l’identité des faits, du contrevenant et de l’intérêt juridique protégé ( 118 ). Le principe non bis in idem interdit donc de sanctionner une même personne plus d’une fois pour un même comportement illicite afin de protéger le même bien juridique ( 119 ).

115. Des trois conditions précitées, l’application des deux premières — identité des faits et identité de contrevenant — n’est pas controversée. La troisième fait en revanche polémique, c’est-à-dire le critère de l’identité de l’intérêt juridique protégé. C’est sur la base de ce dernier critère que, dans des affaires de concurrence, la Cour a écarté l’application de la règle du non-cumul des sanctions dans la relation entre l’Union et des États tiers ( 120 ).

116. Dans d’autres domaines juridiques que le droit de la concurrence, la Cour n’a toutefois pas appliqué cette troisième condition. Ainsi, dans une procédure disciplinaire relative au droit de la fonction publique, la Cour s’est-elle uniquement fondée sur les faits (en examinant s’il s’agissait de «faits différents») ( 121 ). S’agissant des règles relatives à l’espace de liberté, de sécurité et de justice (article 54 de la CAAS ( 122 ) et mandat d’arrêt européen ( 123 )), la Cour a même
expressément écarté le critère de l’identité de l’intérêt juridique protégé ( 124 ). Elle estime à cet égard, dans une jurisprudence constante, que le seul critère pertinent est celui de l’identité des faits matériels, compris comme l’existence d’un ensemble de circonstances concrètes indissociablement liées entre elles ( 125 ).

117. Le fait que le principe non bis in idem fasse l’objet d’une interprétation et d’une application variant ainsi en fonction du domaine de droit est préjudiciable à l’unité de l’ordre juridique de l’Union. La portée fondamentale que revêt la règle non bis in idem en tant que principe général du droit de l’Union, élevé au rang de droit fondamental, a pour conséquence que son contenu ne devrait pas être substantiellement différent en fonction du domaine juridique concerné ( 126 ). Pour déterminer
les garanties que confère le principe non bis in idem, tel qu’il est aujourd’hui codifié à l’article 50 de la charte des droits fondamentaux, les mêmes critères devraient s’appliquer dans l’ensemble du droit de l’Union, en couvrant les différents domaines qui le composent. C’est ce qu’a souligné à bon droit l’Autorité de surveillance AELE.

118. Rien ne justifie objectivement que le principe non bis in idem soit soumis, en droit de la concurrence, à d’autres conditions qu’ailleurs. En effet, de même que, dans le cadre de l’article 54 de la CAAS, ce principe vise à garantir la libre circulation des citoyens sur le territoire de l’Union en tant qu’«espace de liberté, de sécurité et de justice» ( 127 ), il contribue en droit de la concurrence à améliorer et à faciliter l’activité des entreprises dans le marché intérieur et, au final, à
établir des conditions uniformes de concurrence dans l’ensemble de l’EEE («level playing field»).

119. Dans l’identification des critères déterminants pour la notion d’idem, il convient de tenir compte du fait que le principe non bis in idem se rattache largement, en droit de l’Union, à un droit fondamental de la CEDH ( 128 ), et plus précisément à l’article 4, paragraphe 1, du protocole no 7 de la CEDH, même si ce protocole n’a pas, à ce jour, été ratifié par l’ensemble des États membres de l’Union ( 129 ). Cette grande proximité à l’égard de la CEDH ressort non seulement des explications
relatives à l’article 50 de la charte des droits fondamentaux, qui doivent être dûment prises en considération par les juridictions de l’Union et des États membres ( 130 ), mais aussi de la jurisprudence de notre Cour sur le principe non bis in idem du droit de l’Union ( 131 ).

120. Le principe d’homogénéité ( 132 ), en vertu duquel les droits de la charte qui correspondent à des droits garantis dans la CEDH doivent se voir reconnaître le même sens et la même portée que ceux que leur confère ladite CEDH, est ainsi applicable. Autrement dit, l’article 4, paragraphe 1, du protocole no 7 de la CEDH, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, désigne le standard minimal qu’il y a lieu de garantir dans l’interprétation et l’application du principe non bis
in idem en droit de l’Union.

121. Après une longue période d’hétérogénéité de sa jurisprudence sur la notion d’idem, la Cour européenne des droits de l’homme a dit pour droit, dans un arrêt de principe de 2009, que l’article 4 du protocole no 7 de la CEDH interdit de poursuivre ou de juger une personne pour une deuxième infraction constituée par des faits identiques ou qui sont en substance les mêmes ( 133 ). Cela signifie que la Cour européenne des droits de l’homme se fonde uniquement sur l’identité des faits, en écartant
expressément leur qualification juridique ( 134 ). À cet égard, elle s’appuie en outre elle-même de façon déterminante sur la jurisprudence de notre Cour au sujet de l’espace de liberté, de sécurité et de justice ( 135 ). Mieux même, elle utilise des formulations tout à fait analogues à celles de notre Cour pour définir ce qu’il convient d’entendre par identité des faits. Rien n’indique que la Cour européenne des droits de l’homme pourrait être tentée, spécialement en matière de droit de la
concurrence, de reconnaître au principe non bis in idem des garanties de portée moindre ( 136 ). Au contraire: la Cour européenne des droits de l’homme cite certes notre arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, avec le critère de l’intérêt juridique protégé, mais sans en faire la base de son interprétation du principe non bis in idem ( 137 ).

122. Dans ces conditions, l’identité des faits (qui inclut nécessairement l’identité du contrevenant ( 138 )) devrait désormais constituer le seul critère déterminant dans l’interprétation de la notion d’idem dans le cadre du principe non bis in idem du droit de l’Union.

123. Un maintien du critère de l’identité de l’intérêt juridique protégé aurait en définitive pour conséquence que le domaine d’application de la règle du droit de l’Union du non-cumul des sanctions serait plus étroit, et que la portée des garanties qu’elle offre resterait en deçà du standard minimal que prévoit l’article 4, paragraphe 1, du protocole no 7 de la CEDH. Un tel effet ne serait pas compatible avec le principe d’homogénéité. Ainsi que nous le montrerons ci-après ( 139 ), les problèmes
que pose le rapport avec les pays tiers, que la Cour a jusqu’à présent résolus à l’aide du critère de l’identité de l’intérêt juridique protégé, peuvent être aussi adéquatement pris en compte de façon différente — dans le cadre de l’appréciation de l’identité des faits.

124. Il y a donc lieu de constater que la détermination de l’idem, au sens du principe non bis in idem, dépend uniquement de l’identité des faits matériels, compris comme l’existence d’un ensemble de faits indissociablement liés entre eux. En d’autres termes, il doit donc s’agir de la même situation ou d’une situation en substance identique.

c) Application à la présente affaire: absence d’idem

125. Transposée à la présente affaire, l’interprétation de la notion d’idem que nous venons d’exposer signifie qu’il y a lieu d’examiner si la décision de la Commission ( 140 ) et celle de l’autorité tchèque de la concurrence ( 141 ) visent les mêmes faits matériels, c’est-à-dire la même situation ou une situation en substance identique.

i) Le territoire et la période dans lesquels l’entente exerce ou peut exercer des effets constituent des éléments essentiels de la situation

126. Il serait envisageable de toujours admettre l’identité des faits matériels lorsque la décision prise par des autorités de la concurrence concerne la même entente. La juridiction de renvoi et certaines des parties semblent privilégier cette compréhension extrêmement large de la notion d’idem.

127. Une telle solution méconnaîtrait toutefois les particularités que présentent en général les infractions au droit de la concurrence, et en particulier les ententes.

128. Les ententes sont interdites et poursuivies parce qu’elles ont des effets dommageables sur la concurrence ou, tout au moins, qu’elles sont susceptibles d’avoir une incidence néfaste sur la concurrence. Pour dire les choses avec les mots de l’article 81, paragraphe 1, CE (article 101, paragraphe 1, TFUE): les entreprises participant à une entente se voient infliger des sanctions par les autorités de concurrence au motif que leur comportement a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre
ou de fausser le jeu de la concurrence.

129. Le point de savoir si des entreprises ont adopté un comportement ayant pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ne saurait être apprécié de manière abstraite, mais doit toujours l’être au regard d’une certaine période et d’un certain territoire ( 142 ). En effet, le fait sanctionné en vertu de l’article 81 CE (article 101 TFUE) ne consiste pas dans l’entente en elle-même, mais dans son application ( 143 ). Elle a pour effet de porter atteinte à
la structure de la concurrence, ce qui peut, en définitive, être préjudiciable aux consommateurs dans le territoire en cause au cours de la période considérée.

130. Les faits matériels, auxquels s’applique ensuite le principe non bis in idem, incluent donc nécessairement toujours la période et le territoire dans lesquels l’arrangement collusoire a exercé un effet anticoncurrentiel (restriction de concurrence «par effet») ou pouvait exercer un tel effet (restriction de concurrence «par objet»). Cela n’a rien à voir avec l’intérêt juridique protégé ou avec la qualification juridique des faits; les conséquences effectives ou potentielles d’une entente
constituent au contraire un élément indispensable des faits en raison desquels les entreprises participant à l’entente sont poursuivies par une autorité de la concurrence et ne peuvent ensuite plus l’être une seconde fois (non bis in idem) ( 144 ).

131. La règle du droit de l’Union du non-cumul des sanctions (principe non bis in idem) fait obstacle à ce qu’au sein de l’EEE plusieurs autorités de concurrence ou juridictions infligent, en ce qui concerne le même territoire et la même période, des sanctions punissant les effets anticoncurrentiels d’une seule et même entente ( 145 ). En revanche, le principe non bis in idem n’interdit nullement que plusieurs autorités de concurrence ou juridictions au sein de l’EEE sanctionnent les restrictions de
concurrence — par effet ou par objet — produites par une seule et même entente sur des territoires différents ou au cours de périodes différentes.

132. A fortiori, le principe non bis in idem du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce qu’une entente de portée mondiale fasse l’objet de poursuites engagées, d’une part, par des autorités au sein de l’EEE et, d’autre part, par des autorités de pays tiers sur leur territoire respectif ( 146 ). C’est également ce qui ressort du libellé de l’article 50 de la charte des droits fondamentaux, qui vise une première condamnation définitive ou un premier acquittement définitif «dans l’Union».

133. Le principe non bis in idem vise à empêcher que des entreprises soient plusieurs fois poursuivies et, le cas échéant, plusieurs fois sanctionnées en raison des conséquences anticoncurrentielles — par effet ou par objet — de leur comportement collusoire. Il n’a pas pour finalité de laisser impunies les conséquences anticoncurrentielles produites par un tel comportement dans un territoire déterminé au cours d’une certaine période.

134. Dans ces conditions, la règle du non-cumul des sanctions ne peut également s’appliquer dans la présente affaire que si et dans la mesure où la décision de la Commission et celle de l’autorité tchèque de la concurrence visent les mêmes territoires et les mêmes périodes. Le seul fait qu’il se soit agi d’une entente unique menée sur un plan international («de portée mondiale») et exercée de façon continue durant une longue période ne suffit pas pour retenir l’existence d’un idem.

ii) La décision de la Commission et celle de l’autorité tchèque de la concurrence ne portent pas sur les mêmes conséquences de l’entente

135. Le point de savoir si les décisions de deux autorités de concurrence se rapportent à la même situation ou à une situation en substance identique, de sorte qu’elles concernent les mêmes faits matériels, est en principe une question d’appréciation des faits, qui, dans une procédure préjudicielle, relève non pas de la compétence de la Cour, mais de celle de la juridiction nationale ( 147 ).

136. Il convient toutefois, dans la présente affaire, de tenir compte du fait que l’une des décisions en cause est un acte de la Commission au sens de l’article 249, quatrième alinéa, CE (devenu article 288, quatrième alinéa, TFUE), c’est-à-dire un acte d’une institution de l’Union. L’interprétation d’un tel acte relève de la compétence originaire de la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle [article 267, premier alinéa, sous b), TFUE]. La Cour peut ainsi donner des éclaircissements à la
juridiction de renvoi sur la portée de la décision du 24 janvier 2007, par laquelle la Commission a infligé les amendes. Eu égard à la mission qui lui incombe de fournir au juge national toutes les indications utiles pour faciliter à celui-ci la résolution du litige au principal ( 148 ), la Cour devrait faire usage de cette possibilité.

137. Il est regrettable que la décision du 24 janvier 2007 ne comporte, ni dans son dispositif ni dans ses considérants, de précisions expresses quant au point de savoir si les amendes infligées visent à sanctionner d’éventuelles atteintes à la concurrence — par objet ou par effet — commises sur le territoire de la République tchèque au cours de la période antérieure à l’adhésion de celle-ci à l’Union européenne, c’est-à-dire avant le 1er mai 2004 ( 149 ). C’est donc par la voie de l’interprétation
qu’il convient de déterminer l’étendue exacte du territoire auquel se rapportent la décision de la Commission et les amendes infligées.

138. La juridiction de renvoi et les requérantes au principal estiment que la décision de la Commission englobe le territoire tchèque, tant pour la période antérieure au 1er mai 2004 que pour celle qui l’a suivie. En témoigne, selon elles, le fait que la Commission parle d’une entente de portée mondiale et qu’elle n’a pas expressément exclu le territoire tchèque du champ d’application de sa décision.

139. Or la décision de la Commission peut aussi être comprise différemment. Un premier élément plaidant en ce sens est, tout d’abord, que la décision n’indique nulle part expressément qu’elle engloberait effectivement les éventuels effets anticoncurrentiels produits par l’entente sur le territoire de la République tchèque au cours de la période antérieure à l’adhésion de celle-ci à l’Union européenne. La Commission se réfère au contraire spécifiquement dans plusieurs passages aux conséquences de
l’entente à l’intérieur de la Communauté européenne et de l’EEE ( 150 ), et vise même parfois expressément les «États membres de l’époque» et les États «qui étaient parties contractantes» à l’accord EEE ( 151 ).

140. Le fait qu’il soit question d’une entente de portée mondiale dans la décision de la Commission peut s’entendre comme une explication du mode de fonctionnement de l’entente et n’apporte pas nécessairement d’informations quant aux effets anticoncurrentiels de l’entente que la Commission a finalement sanctionnés au moyen des amendes qu’elle a infligées. La référence faite par la Commission aux chiffres d’affaires mondiaux des membres de l’entente ( 152 ) visait simplement à comparer la dimension
relative des entreprises concernées afin de tenir compte de leur capacité effective à causer un préjudice important au marché des appareillages de commutation à isolation gazeuse dans l’EEE ( 153 ).

141. Il ressort également du calcul des amendes que la Commission n’a pas tenu compte dans sa décision des États ayant adhéré au 1er mai 2004. Elle a en effet retenu comme base du calcul des amendes les chiffres d’affaires qu’avaient réalisés les membres de l’entente dans l’EEE en 2003, c’est-à-dire l’année qui a précédé l’élargissement à l’est de l’Union européenne ( 154 ).

142. Une autre raison importante plaide pour que la décision de la Commission soit interprétée en ce sens qu’elle ne tient compte que des effets anticoncurrentiels produits par l’entente au sein de l’EEE. Le champ d’application des actes des institutions de l’Union ne peut excéder celui de leur base juridique ( 155 ). Ainsi qu’on l’a déjà indiqué, l’article 81 CE n’était pas applicable sur le territoire de la République tchèque durant la période qui a précédé l’adhésion de cet État à l’Union
européenne, et la Commission ne pouvait exercer aucun droit souverain sur ce territoire avant le 1er mai 2004 ( 156 ). Si la Commission avait néanmoins adopté une décision dans laquelle des entreprises s’étaient vu infliger une amende visant le territoire tchèque pour la période antérieure au 1er mai 2004, elle aurait donc outrepassé les limites de sa compétence.

143. Il est de jurisprudence constante qu’un acte communautaire doit être interprété, dans la mesure du possible, d’une manière qui ne remet pas en cause sa validité ( 157 ). Lorsqu’un texte du droit dérivé de l’Union est susceptible de plus d’une interprétation, il convient de donner la préférence à celle qui rend la disposition conforme au traité CE, plutôt qu’à celle conduisant à constater son incompatibilité avec celui-ci ( 158 ).

144. En application de ces principes, la décision de la Commission du 24 janvier 2007 doit donc être interprétée en ce sens que les amendes qui y ont été infligées ne viennent pas sanctionner les infractions à la concurrence qui ont été commises sur le territoire de la République tchèque antérieurement à l’adhésion de cet État à l’Union européenne.

145. Il y a donc lieu de constater que la décision de la Commission n’englobe aucune des conséquences anticoncurrentielles — par effet ou par objet — de l’entente litigieuse sur le territoire tchèque au cours de la période antérieure au 1er mai 2004, tandis que la décision de l’autorité tchèque de la concurrence n’a — selon les indications de la juridiction de renvoi — infligé des amendes que pour ce territoire et cette période. En conséquence, si les deux décisions ont certes pour objet des
infractions découlant de la même entente de portée mondiale, les faits sur lesquels elles reposent n’en sont pas moins différents par ailleurs ( 159 ).

146. Au final, la décision de la Commission et celle de l’autorité tchèque de la concurrence ne concernent donc pas les mêmes faits matériels, de sorte que l’autorité tchèque de la concurrence n’a pas enfreint, en adoptant sa décision, la règle du non-cumul des sanctions (principe non bis in idem).

3. Conclusion intermédiaire

147. En résumé, il y a donc lieu de constater que le principe non bis in idem du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que les entreprises ayant participé à une entente se voient condamnées à des amendes que l’autorité nationale de la concurrence de l’État membre concerné leur impose en vue de sanctionner les effets qu’a produits cette entente sur le territoire dudit État membre avant qu’il n’adhère à l’Union européenne, si et dans la mesure où les amendes que la Commission a antérieurement
infligées à ces mêmes membres de l’entente n’avaient pas pour objet de réprimer lesdits effets.

VI – Conclusion

148. Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour d’apporter les réponses suivantes aux questions préjudicielles:

«1) L’article 81 CE et l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, ne sont pas applicables, dans un État membre ayant adhéré le 1er mai 2004 à l’Union européenne, aux périodes antérieures à cette date d’adhésion, même s’il s’agit de poursuivre une entente de portée mondiale se présentant comme une infraction unique et continue qui était susceptible de
produire des effets sur le territoire de l’État membre concerné aussi bien avant qu’après la date d’adhésion.

2) Si la Commission européenne ouvre une procédure au titre du chapitre III du règlement no 1/2003 contre une telle entente, l’autorité nationale de la concurrence de l’État membre concerné ne perd pas, en vertu de l’article 11, paragraphe 6, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, sa compétence de sanctionner, par application du droit national de la concurrence, les effets anticoncurrentiels produits par cette entente sur le territoire de cet État membre au
cours de périodes antérieures à son adhésion à l’Union européenne.

3) Le principe non bis in idem du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que les entreprises ayant participé à une entente se voient condamnées à des amendes que l’autorité nationale de la concurrence de l’État membre concerné leur impose en vue de sanctionner les effets qu’a produits cette entente sur le territoire dudit État membre avant qu’il n’adhère à l’Union européenne, si et dans la mesure où les amendes que la Commission a antérieurement infligées à ces mêmes membres de l’entente
n’avaient pas pour objet de réprimer lesdits effets.»

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( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) Règlement du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1). En vertu de son article 45, deuxième alinéa, ce règlement est applicable depuis le 1er mai 2004.

( 3 ) Arrêt du 13 février 1969 (14/68, Rec. p. 1).

( 4 ) Úřad pro ochranu hospodářské soutěže.

( 5 ) Acte relatif aux conditions d’adhésion de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33).

( 6 ) Accord sur l’Espace économique européen (JO 1994, L 1, p. 3).

( 7 ) La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a été solennellement proclamée une première fois le 7 décembre 2000 à Nice (JO 2000, C 364, p. 1), puis une nouvelle fois le 12 décembre 2007 à Strasbourg (JO 2007, C 303, p. 1, et JO 2010, C 83, p. 389).

( 8 ) JO 2004, C 101, p. 43.

( 9 ) Article 2, paragraphe 2, du traité d’adhésion [traité entre le Royaume de Belgique, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, l’Irlande, la République italienne, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Finlande, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (États membres de l’Union
européenne) et la République tchèque, la République d’Estonie, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République de Malte, la République de Pologne, la République de Slovénie, la République slovaque relatif à l’adhésion de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République
de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque à l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 17)].

( 10 ) Zákon č. 63/1991 Sb., o ochraně hospodářské soutěže.

( 11 ) Zákon č. 143/2001 Sb., o ochraně hospodářské soutěže.

( 12 ) Les appareillages de commutation à isolation gazeuse servent à contrôler le flux d’énergie dans les réseaux électriques. Il s’agit d’un matériel électrique lourd, qui constitue l’un des principaux composants des sous-stations électriques et en représente entre 30 et 60 % des coûts globaux. La fonction d’un appareillage de commutation est de protéger le transformateur d’une surcharge et/ou d’isoler le circuit ou un transformateur défaillant. Les appareillages de commutation peuvent être à
isolation gazeuse ou à isolation dans l’air, ou encore à isolation hybride lorsqu’ils combinent les deux précédentes techniques.

( 13 ) L’autorité tchèque de la concurrence n’a pas été la seule à se saisir de cette affaire. Certaines parties ont indiqué devant la Cour que l’autorité slovaque de la concurrence avait elle-même engagé des poursuites contre l’entente litigieuse (décisions 2007/KH/1/1/109, du 27 décembre 2007, et 2009/KH/R/2/035, du 14 août 2009), poursuites qui avaient également donné lieu à une procédure judiciaire devant le tribunal régional (Krajský soud) de Bratislava (référence 4 S 232/09).

( 14 ) Voir quatrième visa de la décision de la Commission.

( 15 ) La demande de clémence a été présentée le 3 mars 2004 par l’entreprise suisse ABB.

( 16 ) Selon les indications de la Commission, les inspections ont été effectuées les 11 et 12 mai 2004 chez Areva, Siemens, VA Tech et Hitachi (voir quatre-vingt-dixième considérant de la décision de la Commission).

( 17 ) Décision relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/F/38.899 — Appareillages de commutation à isolation gazeuse), publiée sous le numéro C(2006) 6762 final, résumée au JO 2008, C 5, p. 7; la version intégrale de cette décision ne peut être téléchargée sur internet qu’en anglais et dans une version non confidentielle, à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/competition/antitrust/cases/index.html.

( 18 ) La Commission évoque une «single and continuous infringement» (deux cent soixante-dixième et deux cent quatre-vingt-dix-neuvième considérants de la décision de la Commission); l’infraction constatée à l’article 53 de l’accord EEE ne concerne que la période à compter du 1er janvier 1994, le jour de l’entrée en vigueur de l’accord EEE (voir deuxième et trois cent vingt-deuxième considérants de la décision de la Commission).

( 19 ) Troisième, deux cent dix-huitième et deux cent quarante-huitième considérants de la décision de la Commission.

( 20 ) Dans sa décision, la Commission a mis au jour un arrangement général, aux termes duquel les entreprises japonaises n’intervenaient pas sur le marché européen, tandis que les entreprises européennes faisaient de même sur le marché japonais.

( 21 ) Il s’agit de ABB Ltd.

( 22 ) Voir, à cet égard, également communiqué de presse IP/07/80 de la Commission du 24 janvier 2007.

( 23 ) Le recours en annulation de la société allemande Siemens AG contre la décision de la Commission a été intégralement rejeté par arrêt du Tribunal du 3 mars 2011, Siemens/Commission (T-110/07, Rec. p. II-477). Ceux engagés par Siemens AG Österreich e.a. ont remporté un succès marginal en ce qui concerne la durée de l’infraction constatée et le montant des amendes; voir arrêt du Tribunal du 3 mars 2011, Siemens e.a./Commission (T-122/07 à T-124/07, Rec. p. II-793). Les recours en annulation
formés par Areva e.a. n’ont également obtenu qu’un succès partiel et abouti à une certaine diminution des amendes infligées; voir arrêt du Tribunal du 3 mars, Areva e.a./Commission (T-117/07 et T-121/07, Rec. p. II-633). L’ensemble des arrêts précités fait actuellement l’objet de pourvois devant la Cour, voir affaires Commission/Siemens Österreich e.a. (C-231/11 P), Siemens Transmission & Distribution/Commission (C-232/11 P), Siemens Transmission & Distribution et Nuova Magrini Galile/Commission
(C-233/11 P), Siemens/Commission (C-239/11 P), Areva e.a./Commission (C-247/11 P) et Alstom e.a./Commission (C-253/11 P). D’autres recours en annulation, qui, à la date de l’audience devant la Cour dans la présente procédure préjudicielle, étaient encore pendants, ont été en partie rejetés et en partie accueillis: voir arrêts du Tribunal du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission (T-112/07, Rec. p. II-3871), Toshiba/Commission (T-113/07, Rec. p. II-3989), Fuji Electric/Commission (T-132/07, Rec.
p. II-4091) et Mitsubishi Electric/Commission (T-133/07, Rec. p. II-4219).

( 24 ) Portant la référence S 222/06-3113/2007/710.

( 25 ) Référence R 059-070, 075-078/2007/01-08115/2007/310.

( 26 ) L’autorité a constaté, pour la période jusqu’au 30 juin 2001, une infraction à l’article 3, paragraphe 1, de la loi no 63/1991, et, pour la période comprise entre le 1er juillet 2001 et le 3 mars 2004, une infraction à l’article 3, paragraphe 1, de la loi no 143/2001 sur la protection de la concurrence.

( 27 ) Il s’agit de nouveau de ABB Ltd.

( 28 ) L’amende individuelle la plus élevée a été de 107248000 CZK.

( 29 ) Krajský soud v Brně.

( 30 ) Référence 62 Ca 22/2007-489.

( 31 ) Nejvyšší správní soud.

( 32 ) Arrêt précité note 3.

( 33 ) Référence Afs 93/2008-920.

( 34 ) Article 110, paragraphe 3, de la loi no 150/2002 Sb. portant code de procédure administrative (Zákon č. 150/2002 Sb., soudní řád správní).

( 35 ) Référence 62 Ca 22/2007-124.

( 36 ) Des observations écrites et orales communes ont été présentées pour les sociétés Fuji Electric Holdings Co. et Fuji Electric Systems Co. Ltd.

( 37 ) Des observations écrites et orales communes ont été présentées pour les sociétés Hitachi Ltd, Hitachi Europe Ltd et Japan AE Power Systems Corporation.

( 38 ) Un mémoire n’a été déposé que par la société allemande Siemens AG; cette dernière, Siemens Transmission & Distribution SA et Nuova Magrini Galileo SA ont été représentées conjointement à l’audience.

( 39 ) Anglais: European Competition Network («ECN»)

( 40 ) Arrêt du 10 janvier 2006 (C-302/04, Rec. p. I-371, points 35 à 37); voir en dernier lieu, dans le même sens, ordonnance du 11 mai 2011, Semerdzhiev (C-32/10, point 25).

( 41 ) Voir point 30 des présentes conclusions.

( 42 ) Arrêt du 5 octobre 2010, Elchinov (C-173/09, Rec. p. I-8889, points 24, 25, 27, 30 et 32).

( 43 ) Signé le 2 octobre 1997 et entré en vigueur le 1er mai 1999.

( 44 ) La juridiction de renvoi et certaines des parties se sont déjà, dans le cadre de la première question préjudicielle, exprimées sur l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 1/2003, ainsi que sur le principe non bis in idem. Nous n’estimons toutefois pas nécessaire d’examiner ces deux points à ce stade, de sorte que nous nous bornerons à renvoyer ici à nos observations sur la seconde question préjudicielle (voir ci-dessous, points 69 à 147 des présentes conclusions).

( 45 ) La qualification d’infraction unique et continue est à la base tant de la décision de la Commission que de celle de l’autorité tchèque de la concurrence. La Cour administrative suprême tchèque retient deux infractions séparées aux règles de concurrence, suivant que la période concernée se situe avant le 1er mai 2004 ou après, mais il ne devrait s’agir là que de l’appréciation juridique distincte d’un même ensemble de circonstances.

( 46 ) En ce sens, voir arrêts du 10 février 1982, Bout (21/81, Rec. p. 381, point 13); du 22 décembre 2010, Bavaria (C-120/08, Rec. p. I-13393, points 40 et 41), et du 24 mars 2011, ISD Polska e.a./Commission (C-369/09 P, Rec. p. I-2011, point 98).

( 47 ) Arrêt du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a. (212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 9); du 7 septembre 1999, De Haan (C-61/98, Rec. p. I-5003, point 13), et du 14 février 2008, Varec (C-450/06, Rec. p. I-581, point 27).

( 48 ) Sur la qualification de règle de procédure de l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 1/2003, voir point 73 des présentes conclusions.

( 49 ) Arrêt Bavaria (précité note 46, point 41).

( 50 ) Arrêts du 5 décembre 1973, Sopad (143/73, Rec. p. 1433, point 8); du 29 janvier 2002, Pokrzeptowicz-Meyer (C-162/00, Rec. p. I-1049; point 50); du 6 juillet 2010, Monsanto Technology (C-428/08, Rec. p. I-6765, point 66), et Bavaria (précité note 46, point 41).

( 51 ) Il suffit que l’entente soit de nature à produire de tels effets (arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C-8/08, Rec. p. I-4529, points 38, 39 et 43; dans le même sens, voir arrêts du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C-209/07, Rec. p. I-8637, en particulier points 16 et 17, et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C-501/06 P, C-513/06 P, C-515/06 P et C-519/06 P, Rec. p. I-9291, points 55 et 63).

( 52 ) Dans le même sens, voir arrêt du 18 février 1971, Sirena (40/70, Rec. p. 69, point 12), à propos de l’article 85 du traité CEE.

( 53 ) Arrêts Bout (précité note 46, point 13), Salumi e.a. (précité note 47, point 9), Pokrzeptowicz-Meyer (précité note 50, point 49), Bavaria (précité note 46, point 40) et ISD Polska e.a. (précité note 46, point 98).

( 54 ) Voir à cet égard, en dernier lieu, nos conclusions du 14 avril 2011 dans les deux affaires Solvay/Commission (C-109/10 P, pendante devant la Cour, point 329, et C-110/09 P, pendante devant la Cour, point 170), et les autres références qui y sont citées.

( 55 ) Hitachi l’admet elle-même dans son mémoire.

( 56 ) Article 3, paragraphes 1 et 2, de la loi sur la protection de la concurrence, d’abord dans la version de la loi no 63/1991 Sb., puis dans celle de la loi no 143/2001 Sb.

( 57 ) Accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République tchèque, d’autre part (JO 1994, L 360, p. 2), signé à Luxembourg le 4 octobre 1993 et entré en vigueur le 1er février 1995.

( 58 ) Aux termes de son article 45, deuxième alinéa, le règlement no 1/2003 s’applique depuis le 1er mai 2004.

( 59 ) Arrêt Wilhelm e.a. (précité note 3, points 4 et 6).

( 60 ) Arrêts du 3 mai 2005, Berlusconi e.a. (C-387/02, C-391/02 et C-403/02, Rec. p. I-3565, points 68 et 69); du 11 mars 2008, Jager (C-420/06, Rec. p. I-1315, point 59), et du 28 avril 2011, El Dridi (C-61/11 PPU, Rec. p. I-3015, point 61).

( 61 ) En respectant bien évidemment les principes généraux du droit de l’Union, et notamment le principe de proportionnalité.

( 62 ) Voir, à cet égard, points 159 et 160 de nos conclusions du 14 octobre 2004 dans l’affaire Berlusconi e.a. (arrêt précité note 60).

( 63 ) Voir, à cet égard, point 161 de nos conclusions dans l’affaire Berlusconi e.a. (arrêt précité note 60).

( 64 ) Voir, à cet égard, points 69 à 147 des présentes conclusions.

( 65 ) Arrêt du 17 octobre 1989 (97/87 à 99/87, Rec. p. 3165, en particulier points 62 et 63).

( 66 ) Voir points 42 et 44 des présentes conclusions.

( 67 ) Dans ses conclusions du 21 février 1989 dans l’affaire Hoechst/Commission (arrêt du 21 septembre 1989, 46/87 et 227/88, Rec. p. 2859), connexe à l’affaire Dow Chemical Ibérica e.a./Commission, l’avocat général Mischo souligne que les requérantes dans l’affaire Dow Chemical Ibérica e.a./Commission ne mettaient pas en doute la compétence de la Commission de sanctionner des comportements de leur part antérieurs à l’adhésion, dans la mesure où ils ont produit et produisent des effets
anticoncurrentiels à l’intérieur du marché commun (point 213). Il relève en outre que des vérifications que la Commission entreprendra auprès de sociétés espagnoles après l’adhésion du Royaume d’Espagne peuvent également servir à apporter des preuves contre des entreprises établies dans d’autres États membres (point 215). Il ajoute que, par nature, des vérifications ne peuvent porter que sur des faits qui se situent dans le passé, quitte à ce que le comportement en question se poursuive dans le
présent (point 216).

( 68 ) Conclusions du 29 juin 2006 (arrêt du 23 novembre 2006, C-238/05, Rec. p. I-12041), points 28 et 29.

( 69 ) Points 42 et 44 des présentes conclusions.

( 70 ) Au point 29 de ses conclusions (précitées note 68), l’avocat général souligne que «la situation actuelle est régie par» l’article 3 du règlement no 1/2003. En ce qui concerne les effets futurs, l’avocat général relève que la décision qui sera prise (dans le respect de l’article 3 du règlement no 1/2003) «aura un impact sur le fonctionnement du fichier proposé».

( 71 ) Arrêts du 26 septembre 1996, Data Delecta et Forsberg (C-43/95, Rec. p. I-4661); du 2 octobre 1997, Saldanha et MTS (C-122/96, Rec. p. I-5325, point 14); du 1er juin 1999, Konle (C-302/97, Rec. p. I-3099); du 7 septembre 1999, Beck et Bergdorf (C-355/97, Rec. p. I-4977); du 30 novembre 2000, Österreichischer Gewerkschaftsbund (C-195/98, Rec. p. I-10497, point 55), et du 11 janvier 2001, Stefan (C-464/98, Rec. p. I-173, point 21).

( 72 ) Arrêt précité note 71, point 14, c’est nous qui soulignons; dans le même sens, voir récemment arrêt du 12 mai 2011, Runevič-Vardyn et Wardyn (C-391/09, Rec. p. I-3787, point 53), au sujet du principe de non-discrimination des citoyens de l’Union; voir arrêt Stefan (précité note 71), dont il ressort que l’article 73 B du traité CE (devenu article 63 TFUE) n’était pas applicable en Autriche avant la date d’adhésion (point 22) et qu’un acte déjà nul ne peut être régularisé en vertu de cette
disposition (point 35).

( 73 ) JO 2003, L 236, p. 344.

( 74 ) Voir, à cet égard, point 42 des présentes conclusions.

( 75 ) Le 1er mai 2004 n’est pas uniquement la date d’adhésion de la République tchèque et de neuf autres États membres à l’Union européenne, mais également celle de l’entrée en vigueur du règlement no 1/2003 en vertu de son article 45, deuxième alinéa.

( 76 ) Relèvent notamment des procédures ouvertes en vertu du chapitre III celles visant à constater et à faire cesser des infractions aux articles 81 CE et 82 CE, devenus articles 101 TFUE et 102 TFUE (article 7 du règlement no 1/2003), à l’issue desquelles des amendes peuvent également être infligées (article 23 du règlement no 1/2003).

( 77 ) Dix-septième considérant, première phrase, du règlement no 1/2003.

( 78 ) L’ouverture de la procédure requiert un acte d’autorité de la Commission, manifestant sa volonté de procéder à une décision en vertu du chapitre III du règlement no 1/2003 (en ce sens, au sujet de la situation juridique antérieure, arrêt du 6 février 1973, Brasserie de Haecht, 48/72, Rec. p. 77, point 16). Dans la présente affaire, cet acte a été adopté le 20 avril 2006 (voir point 19 des présentes conclusions). Contrairement à ce que soutiennent certaines parties, les actes d’instruction
pris antérieurement ne sont pas assimilables à l’ouverture formelle d’une procédure.

( 79 ) En vertu du point 51 de la communication réseau, les autorités nationales de concurrence perdent leur compétence pour appliquer les articles 81 CE et 82 CE, ce qui signifie que les autorités nationales ne peuvent plus agir sur la même base juridique. Le point 53 de la communication réseau ajoute que, une fois que la Commission a ouvert une procédure, les autorités nationales de concurrence ne peuvent plus engager de procédure propre en vue de l’application des articles 81 CE et 82 CE.

( 80 ) Voir jurisprudence constante en ce sens, par exemple, arrêts du 17 novembre 1983, Merck (292/82, Rec. p. 3781, point 12); du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a. (C-402/07 et C-432/07, Rec. p. I-10923, point 41), et du 7 octobre 2010, Lassal (C-162/09, Rec. p. I-9217, point 49).

( 81 ) Arrêt du 3 mai 2011, Tele2 Polska (C-375/09, Rec. p. I-3055, point 33).

( 82 ) Les parties du droit national de la concurrence qui restent applicables sont mentionnées à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1/2003, que viennent préciser les huitième et neuvième considérants du règlement.

( 83 ) Nous nous bornerons ci-après à exposer le rapport entre l’article 81 CE (article 101 TFUE) et les règles nationales correspondantes. Il n’y a pas lieu, dans la présente affaire, d’examiner spécifiquement l’article 82 CE (article 102 TFUE).

( 84 ) À supposer, par exemple, que la Commission ait rejeté, pour absence d’intérêt de l’Union, une plainte déposée par un tiers, les autorités nationales de concurrence restent libres de se saisir de l’affaire en question et de lui appliquer l’article 81 CE ou l’article 82 CE (devenus articles 101 TFUE et 102 TFUE), ainsi, le cas échéant, que leur législation nationale antitrust, étant entendu qu’elles sont tenues de respecter l’article 3 du règlement no 1/2003.

( 85 ) Arrêts Wilhelm e.a. (précité note 3, point 3, dernière phrase); du 9 septembre 2003, Milk Marque et National Farmers’ Union (C-137/00, Rec. p. I-7975, point 61), et du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C-295/04 à C-298/04, Rec. p. I-6619, point 38).

( 86 ) Selon la proposition initiale de la Commission, l’article 3 du règlement no 1/2003 aurait dû avoir le libellé suivant: «Lorsqu’un accord, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée au sens de l’article [81 CE] ou l’exploitation abusive d’une position dominante au sens de l’article [82 CE] est susceptible d’affecter le commerce entre États membres, le droit de la concurrence [de l’Union] est applicable à l’exclusion des droits nationaux de la concurrence» [proposition
COM(2000) 582 final, JO 2000, C 365 E, p. 284].

( 87 ) Voir en ce sens neuvième considérant, première phrase, du règlement no 1/2003, où il est question de «préserver la concurrence sur le marché».

( 88 ) Arrêt Wilhelm e.a. (précité note 3, point 3); voir en outre arrêts du 10 juillet 1980, Giry et Guerlain e.a. (253/78 et 1/79 à 3/79, Rec. p. 2327, point 15); du 16 juillet 1992, Asociación Española de Banca Privada e.a. (C-67/91, Rec. p. I-4785, point 11); du 26 novembre 1998, Bronner (C-7/97, Rec. p. I-7791, point 19); Milk Marque et National Farmers’ Union (précité note 85, point 61), et Manfredi e.a. (précité note 85, point 38).

( 89 ) Arrêt du 1er octobre 2009, Compañía Española de Comercialización de Aceite (C-505/07, Rec. p. I-8963).

( 90 ) L’arrêt Manfredi e.a. (précité note 85, point 38), dans lequel la Cour a de nouveau réaffirmé la jurisprudence Wilhelm e.a., a été rendu après l’entrée en vigueur du règlement no 1/2003, quoique sur des faits qui dataient d’avant cette réforme. Au point 23 de ses conclusions du 19 janvier 2006 dans l’affaire SGL Carbon/Commission (arrêt du 29 juin 2006, C-308/04 P, Rec. p. I-5977), l’avocat général Geelhoed semble avoir un avis différent sur le maintien de la jurisprudence Wilhelm e.a.; il ne
s’agit toutefois que d’une remarque tout à fait accessoire figurant dans une note en bas de page, et qui n’est pas autrement motivée.

( 91 ) Dans ses points 12 et 14, la communication réseau envisage que jusqu’à trois autorités nationales de concurrence puissent traiter simultanément une seule et même affaire.

( 92 ) Dans le contrôle européen des concentrations, la législation nationale est depuis toujours écartée lorsque le droit de l’Union est applicable; au surplus, le droit de l’Union ne peut être appliqué que par la Commission (principe de la double exclusivité); voir à cet égard article 21, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises («le règlement CE sur les concentrations») (JO L 24, p. 1).

( 93 ) Huitième, dix-septième et vingt-deuxième considérants du règlement no 1/2003; voir également arrêts du 7 décembre 2010, VEBIC (C-439/08, Rec. p. I-12471, point 19), et du 14 juin 2011, Pfleiderer (C-360/09, Rec. p. I-5161, point 19).

( 94 ) Quinzième considérant du règlement no 1/2003, ainsi que huitième considérant, première phrase, et dix-septième considérant. Voir, en outre, arrêts du 11 juin 2009, X (C-429/07, Rec. p. I-4833, points 20 et 21), et Tele2 Polska (précité note 81, point 26), où la Cour a souligné que, pour garantir une application cohérente des règles de concurrence dans les États membres, le règlement no 1/2003 avait instauré un mécanisme de coopération entre la Commission et les autorités de concurrence
nationales, dans le cadre du principe général de coopération loyale.

( 95 ) L’article 16, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 ne fait là que codifier une jurisprudence préexistante; voir arrêts du 28 février 1991, Delimitis (C-234/89, Rec. p. I-935, point 47), et du 29 avril 2004, IMS Health (C-418/01, Rec. p. I-5039, point 19).

( 96 ) L’interprétation d’une disposition ne saurait avoir pour résultat de retirer tout effet utile au libellé clair et précis de cette disposition (arrêts du 26 octobre 2006, Communauté européenne, C-199/05, Rec. p. I-10485, point 42, et du 22 mars 2007, Commission/Belgique, C-437/04, Rec. p. I-2513, point 56 in fine).

( 97 ) Ainsi qu’il ressort du quatorzième considérant du règlement no 1/2003, les décisions au titre de l’article 10 sont uniquement prises «dans des cas exceptionnels et lorsque l’intérêt public [de l’Union] le requiert».

( 98 ) Trente-quatrième considérant du règlement no 1/2003.

( 99 ) Voir huitième et trente-quatrième considérants du règlement no 1/2003, ainsi, à titre complémentaire, que ses premier, cinquième et sixième considérants.

( 100 ) Dix-septième et vingt-deuxième considérants du règlement no 1/2003.

( 101 ) Voir, à cet égard, article 16, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, déjà mentionné.

( 102 ) Voir, à cet égard, nos considérations sur la première question préjudicielle (points 37 à 68 des présentes conclusions).

( 103 ) Huitième considérant du règlement no 1/2003.

( 104 ) Neuvième considérant, première phrase, du règlement no 1/2003 (dans le même sens, voir également vingt-cinquième considérant).

( 105 ) Jurisprudence constante; voir arrêts du 5 mai 1966, Gutmann/Commission (18/65 et 35/65, Rec. p. 149, spécialement p. 172); du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit «LVM» (C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, Rec. p. I-8375, point 59), et du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission (C-289/04 P, Rec. p. I-5859, point 50).

( 106 ) Voir explications relatives à l’article 50 de la charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17, 31). Les éléments transfrontaliers de la règle du droit de l’Union du non-cumul des sanctions ressortent de façon particulièrement nette de l’article 54 de la CAAS (à ce sujet, voir notamment arrêt du 11 décembre 2008, Bourquain, C-297/07, Rec. p. I-9425).

( 107 ) Sur le caractère quasi pénal, voir les preuves au point 54 ci-dessus.

( 108 ) Jurisprudence constante; voir arrêts LVM (précité note 105, point 59); du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123, points 338 à 340), et Shova Denko/Commission (précité note 105, point 50).

( 109 ) Sur l’interprétation de l’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, voir en particulier points 116 à 120 des conclusions de l’avocat général Bot du 5 avril 2011 dans l’affaire pendante Scattolon (C-108/10).

( 110 ) Voir points 42 et 44 des présentes conclusions.

( 111 ) Quinzième considérant du règlement no 1/2003.

( 112 ) Voir, à cet égard, Livre Vert sur les conflits de compétences et le principe ne bis in idem dans le cadre des procédures pénales, présenté par la Commission le 23 décembre 2005 [COM(2005) 696 final], et en particulier les remarques introductives figurant dans la section 1 («Contexte»).

( 113 ) Ce n’est que depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, que la charte des droits fondamentaux a la même valeur juridique que les traités (article 6, paragraphe 1, premier alinéa, UE).

( 114 ) Voir, notamment, arrêts du 27 juin 2006, Parlement/Conseil (C-540/03, Rec. p. I-5769, point 38), et du 13 mars 2007, Unibet (C-432/05, Rec. p. I-2271, point 37); voir, en outre, nos conclusions du 8 septembre 2005 dans l’affaire Parlement/Conseil (précitée), point 108, et du 29 avril 2010 dans l’affaire Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission (arrêt du 14 septembre 2010, C-550/07 P, Rec. p. I-8301), point 36.

( 115 ) Trente-septième considérant du règlement no 1/2003.

( 116 ) En ce sens, arrêt du 9 mars 2006, Van Esbroeck (C-436/04, Rec. p. I-2333, points 21 à 24).

( 117 ) Arrêt LVM (précité note 105, point 59).

( 118 ) Arrêt Aalborg Portland e.a./Commission (précité note 108, point 338).

( 119 ) Ibidem.

( 120 ) Arrêts Showa Denko/Commission (précité note 105, en particulier points 52 à 56); du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission (C-308/04 P, Rec. p. I-5977, points 28 à 32), et du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission (C-328/05 P, Rec. p. I-3921, points 24 à 30).

( 121 ) Arrêt Gutman/Commission (précité note 105, spécialement Rec. p. 172).

( 122 ) Convention d’application de l’accord de Schengen («CAAS»), signée à Schengen le 19 juin 1990 (JO 2000, L 239, p. 19).

( 123 ) Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO L 190, p. 1).

( 124 ) Arrêt Van Esbroek (précité note 116, point 32).

( 125 ) Arrêts Van Esbroek (précité note 116, points 27, 32 et 36); du 28 septembre 2006, Gasparini e.a. (C-467/04, Rec. p. I-9199, point 54) et Van Straaten (C-150/05, Rec. p. I-9327, points 41, 47 et 48); du 18 juillet 2007, Kraaijenbrink (C-367/05, Rec. p. I-6619, points 26 et 28), et du 16 novembre 2010, Mantello (C-261/09, Rec. p. I-11477, point 39).

( 126 ) En ce sens, voir point 156 des conclusions de l’avocat général Sharpston du 15 juin 2006 dans l’affaire Gasparini e.a. (arrêt précité note 125).

( 127 ) Arrêt Van Esbroeck (précité note 116, points 33 à 35); voir, en outre, arrêts précités note 125, Gasparini e.a. (point 27) et Van Straaten (points 45 à 47, 57 et 58), ainsi qu’arrêt du 18 juillet 2007, Kretzinger (C-288/05, Rec. p. I-6441, point 33).

( 128 ) Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la «CEDH»), signée à Rome le 4 novembre 1950.

( 129 ) Quatre États membres de l’Union (le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, le Royaume des Pays-Bas et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord) n’ont toujours pas ratifié le protocole no 7 de la CEDH.

( 130 ) Article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, UE et article 52, paragraphe 7, de la charte des droits fondamentaux.

( 131 ) Arrêts, précités note 105, LVM (point 59) et Showa Denko/Commission (point 50).

( 132 ) Article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, UE et article 52, paragraphe 3, première phrase, de la charte des droits fondamentaux.

( 133 ) Cour eur. D. H., arrêt Sergueï Zolotoukhine c. Russie (grande chambre) du 10 février 2009 (no 14939/03), non encore publié au Recueil des arrêts et décisions, § 82: «[…] l’article 4 du Protocole no 7 doit être compris comme interdisant de poursuivre ou de juger une personne pour une seconde ‘infraction’ pour autant que celle-ci a pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes».

( 134 ) Arrêt Sergueï Zolotoukhine c. Russie (précité note 133, § 81).

( 135 ) La Cour européenne des droits de l’homme se réfère en particulier aux arrêts Van Esbroek (précité note 116) et Kraaijenbrink (précité note 125), dont elle reproduit des passages dans son arrêt Sergueï Zolotoukhine c. Russie (précité note 133, § 37 et 38).

( 136 ) Dans son arrêt Jussila c. Finlande (grande chambre) du 23 novembre 2006 (no 73053/01), Recueil des arrêts et décisions 2006-XIV, § 43, la Cour européenne des droits de l’homme n’inclut pas le droit de la concurrence dans les catégories traditionnelles du droit pénal et estime que, en dehors du «noyau dur» du droit pénal, les garanties offertes par le volet pénal de l’article 6 ne doivent pas nécessairement s’appliquer dans toute leur rigueur. L’arrêt Sergueï Zolotoukhine c. Russie (précité
note 133) ne comporte toutefois pas de déclarations analogues, qui pourraient indiquer que le droit de la concurrence occupe également une position particulière au regard du principe non bis in idem.

( 137 ) Dans son arrêt Sergueï Zolotoukhine c. Russie (précité note 133, § 36), la Cour européenne des droits de l’homme cite le passage de l’arrêt Aalborg Portland e.a./Commission (précité note 108, point 338), où il est question de l’identité de l’intérêt juridique protégé.

( 138 ) La Cour européenne des droits de l’homme admet également l’exigence de l’identité du contrevenant dans son arrêt Sergueï Zolotoukhine c. Russie (précité note 133, § 84). Elle y fait référence à un «ensemble de circonstances factuelles concrètes impliquant le même contrevenant et indissociablement liées entre elles dans le temps et l’espace»; c’est nous qui soulignons.

( 139 ) Voir, à ce sujet, points 125 à 134 des présentes conclusions, en particulier points 131 à 133.

( 140 ) Voir, à cet égard, point 20 des présentes conclusions.

( 141 ) Voir, à cet égard, points 23 et 24 des présentes conclusions.

( 142 ) Par «territoire», on n’entend pas ici le marché en cause sur le plan géographique, au sens de l’analyse de la concurrence, mais la zone dans laquelle le comportement visé a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence.

( 143 ) Arrêt du 14 décembre 1972, Boehringer Mannheim/Commission (7/72, Rec. p. 1281, point 6); dans le même sens, arrêt du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission (89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, Rec. p. 5193, point 16).

( 144 ) C’est en ce sens que l’on peut également comprendre l’arrêt du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission (C-397/03 P, Rec. p. I-4429, points 68 et 69, en combinaison avec le point 66). La Cour y souligne que «l’identité des faits fait défaut» (point 69) lorsque les sanctions infligées au titre de l’application ou des effets de l’entente visent des «marchés» (point 69) ou des «territoires» (point 66) différents; dans cette affaire, il s’agissait,
d’une part, du territoire d’un pays tiers et, d’autre part, du territoire de la Communauté européenne d’alors.

( 145 ) En ce sens, arrêt Showa Denko/Commission (précité note 105, point 54).

( 146 ) Voir là encore arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission (précité note 144, points 68 et 69).

( 147 ) Jurisprudence constante; voir, notamment, arrêts du 15 novembre 1979, Denkavit Futtermittel (36/79, Rec. p. 3439, point 12); du 19 janvier 2006, Bouanich (C-265/04, Rec. p. I-923, point 54), ainsi que du 8 septembre 2010, Winner Wetten (C-409/06, Rec. p. I-8015, point 41) et Stoß e.a. (C-316/07, C-358/07 à C-360/07, C-409/07 et C-410/07, Rec. p. I-8069, point 62).

( 148 ) Jurisprudence constante; voir arrêt du 1er juillet 2008, MOTOE (C-49/07, Rec. p. I-4863).

( 149 ) Ainsi, au quatre cent soixante-dix-huitième considérant de sa décision, par exemple, la Commission relève-t-elle que l’infraction «a été commise au moins sur l’ensemble du territoire de l’EEE» («the infringement covered at least the whole territory of the EEA»).

( 150 ) Voir, par exemple, deuxième, deux cent dix-huitième, deux cent quarante-huitième et trois centième considérants de la décision de la Commission; voir en outre article 1er de la décision de la Commission, où il est constaté que l’infraction a consisté dans la participation à des accords et pratiques concertées dans l’EEE.

( 151 ) Deux cent dix-huitième considérant de la décision de la Commission; dans le même sens, trois cent vingt et unième et trois cent vingt-deuxième considérants.

( 152 ) Voir, en particulier, quatre cent soixante-dix-huitième, quatre cent quatre-vingt-unième et quatre cent quatre-vingt-deuxième considérants de la décision de la Commission.

( 153 ) Arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission (précité note 144, points 73 et 74).

( 154 ) Quatre cent soixante-dix-huitième considérant de la décision de la Commission.

( 155 ) En ce sens, arrêt du 9 mars 2006, Commission/Royaume-Uni (C-65/04, Rec. p. I-2239, point 27).

( 156 ) Voir, à ce sujet, nos considérations sur la première question préjudicielle (points 37 à 68 des présentes conclusions); dans le même sens, arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Gütermann et Zwicky/Commission (T-456/05 et T-457/05, Rec. p. II-1443, point 40).

( 157 ) Arrêt Sturgeon e.a. (précité note 80, point 47); dans le même sens, arrêt du 4 octobre 2001, Italie/Commission (C-403/99, Rec. p. I-6883, point 37).

( 158 ) Arrêts du 13 décembre 1983, Commission/Conseil (218/82, Rec. p. 4063, point 15); du 29 juin 1995, Espagne/Commission (C-135/93, Rec. p. I-1651, point 37), et du 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a. (C-305/05, Rec. p. I-5305, point 28).

( 159 ) S’il devait néanmoins s’avérer que l’autorité tchèque de la concurrence a également infligé des sanctions pour la période postérieure au 1er mai 2004, il n’y aurait d’idem que dans cette mesure — c’est-à-dire uniquement pour les effets anticoncurrentiels produits par l’entente en République tchèque après l’adhésion de cet État à l’Union européenne.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-17/10
Date de la décision : 08/09/2011
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Krajský soud v Brně - République tchèque.

Concurrence - Entente, sur le territoire d’un État membre, ayant débuté avant l’adhésion de cet État à l’Union européenne - Entente de portée internationale exerçant des effets sur le territoire de l’Union et de l’Espace économique européen - Articles 81 CE et 53 de l’accord EEE - Poursuites et sanction de l’infraction pour la période précédant la date d’adhésion et celle suivant cette date - Amendes - Délimitation des compétences de la Commission et de celles des autorités nationales de concurrence - Infliction des amendes par la Commission et par l’autorité nationale de concurrence - Principe ne bis in idem - Règlement (CE) nº 1/2003 - Articles 3, paragraphe 1, et 11, paragraphe 6 - Conséquences de l’adhésion d’un nouvel État membre à l’Union.

Adhésion

Ententes

Concurrence


Parties
Demandeurs : Toshiba Corporation et autres
Défendeurs : Úřad pro ochranu hospodářské soutěže.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2011:552

Source

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