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03/05/2012 | CJUE | N°C-24/11

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Royaume d'Espagne contre Commission européenne., 03/05/2012, C-24/11


ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

3 mai 2012 ( *1 )

«Pourvoi — FEOGA — Section ‘garantie’ — Dépenses exclues du financement communautaire — Dépenses effectuées par le Royaume d’Espagne — Aides à la production d’huile d’olive»

Dans l’affaire C-24/11 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 14 janvier 2011,

Royaume d’Espagne, représenté par M. M. Muñoz Pérez, en qualité d’agent,

partie requérante,


l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par M. F. Jimeno Fernández, en qualité d’agent,

partie...

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

3 mai 2012 ( *1 )

«Pourvoi — FEOGA — Section ‘garantie’ — Dépenses exclues du financement communautaire — Dépenses effectuées par le Royaume d’Espagne — Aides à la production d’huile d’olive»

Dans l’affaire C-24/11 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 14 janvier 2011,

Royaume d’Espagne, représenté par M. M. Muñoz Pérez, en qualité d’agent,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par M. F. Jimeno Fernández, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. J. Malenovský, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. G. Arestis (rapporteur) et D. Šváby, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 octobre 2011,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 décembre 2011,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, le Royaume d’Espagne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 novembre 2010, Espagne/Commission (T-113/08, ci après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation partielle de la décision 2008/68/CE de la Commission, du 20 décembre 2007, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section
«Garantie» (JO 2008, L 18, p. 12, ci-après la «décision litigieuse»), dans la mesure où elle vise certaines dépenses effectuées par le Royaume d’Espagne dans les secteurs de l’huile d’olive et des cultures arables.

Le cadre juridique

La réglementation relative au financement de la politique agricole commune

2 Le règlement (CEE) no 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), tel que modifié par le règlement (CE) no 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995 (JO L 125, p. 1, ci-après le «règlement no 729/70»), a établi les règles générales applicables au financement de la politique agricole commune. Le règlement (CE) no 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), a remplacé le
règlement no 729/70 pour les dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000.

3 En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 729/70 ainsi que de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), et de l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 1258/1999, la section «Garantie» du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) finance, dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles, les interventions destinées à la régularisation de ces marchés entreprises selon les règles communautaires.

4 Selon l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement no 729/70 et l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999, lorsqu’elle constate que les dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires, la Commission décide de les écarter du financement communautaire. Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue
desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre. À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement. Lors de l’évaluation des montants à écarter, la Commission tient compte de la nature et de la gravité de
l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté européenne.

5 L’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999 prévoit:

«Un refus de financement ne peut pas porter sur:

a) les dépenses [...] qui ont été effectuées plus de vingt-quatre mois avant que la Commission n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications;

b) les dépenses relatives à une mesure ou action [...] pour laquelle le paiement final a été effectué plus de vingt-quatre mois avant que la Commission n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné le résultat des vérifications.»

6 L’article 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 contient une disposition similaire.

7 L’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement no 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section «Garantie» (JO L 158, p. 6), tel que modifié par le règlement (CE) no 2245/1999 de la Commission, du 22 octobre 1999 (JO L 273, p. 5, ci-après le «règlement no 1663/95»), dispose:

«Si, à l’issue d’une enquête, la Commission considère que les dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires, elle communique les résultats de ses vérifications à l’État membre concerné et indique les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles précitées.

La communication fait référence au présent règlement. L’État membre répond dans un délai de deux mois et la Commission peut modifier sa position en conséquence. Dans des cas justifiés, la Commission peut accorder une prorogation de ce délai.

Après l’expiration du délai accordé pour la réponse, la Commission convoque une discussion bilatérale et les deux parties essayent d’arriver à un accord sur les mesures à prendre, ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé à la Communauté européenne. Après cette discussion et après toute date fixée par la Commission, en consultation avec l’État membre, après la discussion bilatérale pour la communication d’informations supplémentaires ou, si l’État
membre n’accepte pas la convocation dans un délai fixé par la Commission, après l’échéance de ce délai, cette dernière communique formellement ses conclusions à l’État membre en faisant référence à la décision 94/442/CE de la Commission [...] Sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa du présent paragraphe, cette communication évaluera les dépenses qu’elle envisage d’exclure au titre de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement [...] no 729/70.

L’État membre informe la Commission dans les meilleurs délais des mesures correctives prises pour assurer le respect des règles communautaires et de la date effective de leur mise en œuvre. La Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions en application de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement [...] no 729/70 pour exclure jusqu’à la date effective de mise en œuvre des mesures correctives les dépenses affectées par le non-respect des règles communautaires.»

La réglementation relative aux aides à la production d’huile d’olive

8 En ce qui concerne le paiement de l’aide à la production d’huile d’olive, l’article 12 du règlement (CEE) no 2261/84 du Conseil, du 17 juillet 1984, arrêtant les règles générales relatives à l’octroi de l’aide à la production d’huile d’olive et aux organisations de producteurs (JO L 208, p. 3), tel que modifié par le règlement (CE) no 1639/98 du Conseil, du 20 juillet 1998 (JO L 210, p. 38, ci-après le «règlement no 2261/84»), prévoit que chaque oléiculteur peut recevoir une avance sur le montant
de l’aide demandée.

9 L’article 16 du règlement (CE) no 2366/98 de la Commission, du 30 octobre 1998, portant modalités d’application du régime d’aide à la production d’huile d’olive pour les campagnes de commercialisation 1998/1999 à 2000/2001 (JO L 293, p. 50), précise, à son paragraphe 1, que l’État verse, sous réserve des résultats des contrôles effectués, l’avance visée à l’article 12 du règlement no 2261/84 à compter du 16 octobre de chaque campagne. Le paragraphe 2 dudit article 16 précise, en ce qui concerne le
paiement final, ce qui suit:

«L’État membre verse, après avoir effectué tous les contrôles prévus à cet effet et sous réserve de leurs résultats, le solde de l’aide aux producteurs dans les quatre-vingt-dix jours suivant la fixation par la Commission de la production effective pour la campagne en cause ainsi que du montant unitaire de l’aide à la production prévue par l’article 17 bis, paragraphe 2, du règlement [...] no 2261/84.»

Le statut de la Cour de justice de l’Union européenne

10 L’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu des dispositions de l’article 53 de celui-ci, prévoit que les arrêts sont motivés et qu’ils mentionnent les noms des juges qui ont délibéré.

Les antécédents du litige

11 Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 37 à 43 de l’arrêt attaqué comme suit:

«37 Le 20 décembre 2007, la Commission a adopté la décision [litigieuse, laquelle a notamment écarté du financement communautaire] certaines dépenses déclarées par le Royaume d’Espagne dans les secteurs de l’huile d’olive et des cultures arables.

38 Le présent recours concerne les corrections financières suivantes:

— une correction forfaitaire de 5 % du montant des aides à la production d’huile d’olive pour les campagnes 1998/1999, 1999/2000 et 2000/2001, à l’exclusion de la partie de cette correction relative à la campagne 1999/2000 en Andalousie, ce qui correspond à un montant total de 113517396,10 euros;

— [...]

1. Sur la correction financière appliquée aux dépenses dans le secteur de l’huile d’olive

39 Dans le cadre des enquêtes portant les références HO/2002/01/ES et OT/2003/05/ES, la Commission a effectué des vérifications en Espagne, respectivement du 11 au 15 février 2002 et du 7 au 11 juillet 2003. Les observations de la Commission au titre de l’article 8 du règlement no 1663/95 correspondantes ont été formulées respectivement dans la lettre AGR 16844, du 11 juillet 2002 [(ci-après la ‘lettre AGR 16844’)], et dans la lettre AGR 8 316, du 23 mars 2004.

40 Une réunion bilatérale entre la Commission et les autorités espagnoles concernant ces deux enquêtes a eu lieu le 21 décembre 2004. La Commission a notifié aux autorités espagnoles le compte rendu de cette réunion le 10 novembre 2005, lesquelles ont répondu par lettres des 13 et 16 janvier 2006.

41 Le 11 août 2006, la Commission a formellement communiqué ses conclusions aux autorités espagnoles. Elle proposait un taux de correction forfaitaire de 5 % pour chacune des campagnes visées.

42 À la suite de l’avis de l’organe de conciliation du 15 mars 2007 et d’informations fournies par les autorités espagnoles, la Commission a communiqué sa position finale, qui est reprise au point 13.1.5 du rapport de synthèse AGRI-63341-01-2007, du 3 septembre 2007, relatif aux résultats des contrôles dans l’apurement des comptes du FEOGA, section «Garantie», au titre de l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement no 729/70 et de l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999 [...]

43 S’agissant de la réalisation des contrôles clés dans le secteur de l’huile d’olive, ont notamment été relevées les insuffisances suivantes justifiant l’application d’une correction financière:

a) en ce qui concerne les campagnes 1998/1999 et 1999/2000:

— un suivi insuffisant des contrôles de l’agence de l’huile d’olive (ci-après l’‘AAO’) auprès des moulins;

— des fichiers informatisés et un casier oléicole non opérationnels, mettant en doute tous les contrôles fondés sur les rendements, partiellement compensés par la réalisation du taux minimal réglementaire de contrôles sur place au niveau national.

b) en ce qui concerne la campagne 2000/2001:

— des défaillances dans les contrôles des moulins;

— dans les deux communautés autonomes ayant utilisé une base graphique, celle-ci présentait encore de nombreuses erreurs liées au cadastre et le calcul du nombre de discordances a largement été minoré par la prise en compte des tolérances techniques. Le calcul des sanctions en cas de discordances n’a pas été conforme à la réglementation;

— les onze autres communautés autonomes présentaient des faiblesses semblables à celles ayant existé lors de la campagne 1998/1999;

— dans toutes les communautés autonomes, les contrôles des rendements atypiques ont été fondés sur une analyse extrêmement sommaire.»

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

12 Par requête déposée le 29 février 2008 au greffe du Tribunal, le Royaume d’Espagne a introduit un recours tendant à l’annulation partielle de la décision litigieuse, dans la mesure où elle vise certaines dépenses effectuées par cet État membre dans les secteurs de l’huile d’olive et des cultures arables.

13 À l’appui de ce recours, le Royaume d’Espagne a, en ce qui concerne la correction financière appliquée aux dépenses effectuées dans le secteur de l’huile d’olive, invoqué trois moyens. Ceux-ci étaient tirés, respectivement, d’une violation de l’article 8 du règlement no 1663/95, d’une violation des articles 2 et 3 du règlement no 729/70 ainsi que de l’article 2 du règlement no 1258/1999, ainsi que d’une méconnaissance du délai de 24 mois prévu à l’article 7, paragraphe 4, du règlement
no 1258/999. Cet État membre a, par ailleurs, soulevé quatre autres moyens, relatifs à la correction financière appliquée aux aides associées à la superficie des cultures arables.

14 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’ensemble de ces moyens et le recours dans son intégralité.

15 En particulier, s’agissant du premier moyen invoqué dans le cadre de la correction financière appliquée aux dépenses effectuées dans le secteur de l’huile d’olive et tiré d’une violation de l’article 8 du règlement no 1663/95, le Tribunal a, aux points 63 à 66 de l’arrêt attaqué, jugé ce qui suit:

«63   En l’espèce, compte tenu des griefs spécifiquement soulevés par le Royaume d’Espagne, il convient donc de vérifier si la Commission a suffisamment identifié dans sa communication au sens de l’article 8 du règlement no 1663/95, à savoir dans la lettre AGR 16844, les résultats de l’enquête, et partant les carences, qui ont, en définitive, fondé la correction financière dans le secteur de l’huile d’olive s’agissant des campagnes 1998/1999 et 1999/2000 ayant fait l’objet de l’enquête
HO/2002/01/ES.

64   Il est constant entre les parties que la Commission a fondé ladite correction financière, d’une part, sur le suivi insuffisant des contrôles de l’AAO auprès des moulins et, d’autre part, sur le caractère non opérationnel des fichiers informatisés et du casier oléicole.

65   En premier lieu, s’agissant du grief pris de ce que les propositions de l’AAO étaient insuffisamment suivies par les autorités espagnoles, celui-ci n’a pas, ainsi que la Commission le reconnaît, été précisément mentionné dans la lettre AGR 16844, qui fait simplement référence à la circonstance que, de manière générale, le travail effectué par cette agence a été jugé satisfaisant par la mission d’enquête. En effet, ainsi que le Royaume d’Espagne l’a fait relever, la seule allusion à cette
agence figure au point 2.2, où il est indiqué que ‘[l]es visites dans les deux moulins ont été satisfaisantes et elles ont permis de confirmer le travail effectué par l’agence de contrôle AAO, partant, elles n’ont donné lieu à aucune observation’.

66   Cependant, ce constat, qui se rapporte uniquement au travail effectué par l’AAO, n’empêchait pas la Commission, dans la suite de la procédure d’apurement des comptes et compte tenu des informations et des données chiffrées fournies par les autorités espagnoles, notamment dans la perspective de la réunion bilatérale du 21 décembre 2004, d’aboutir à la conclusion selon laquelle le suivi par les autorités espagnoles des sanctions proposées par cette agence était insuffisant. Bien au contraire,
la satisfaction exprimée à l’égard du travail effectué par l’AAO est précisément de nature à révéler l’importance devant être attachée aux suites données aux constatations effectuées par celle-ci, en conformité avec les dispositions de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement no 2262/84.»

16 En outre, en ce qui concerne le troisième moyen soulevé dans le cadre de la correction financière appliquée aux dépenses effectuées dans le secteur de l’huile d’olive et tiré d’une méconnaissance du délai de 24 mois prévu à l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999, le Tribunal a, aux points 118 à 123 de l’arrêt attaqué, jugé ce qui suit:

«118   L’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999 prévoit qu’‘[u]n refus de financement ne peut pas porter sur [...] les dépenses [...] qui ont été effectuées plus de vingt-quatre mois avant que la Commission n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications’.

119   En l’occurrence, il n’est plus contesté que, en conformité avec les règles dégagées dans la jurisprudence [...], c’est par la lettre AGR 16844, envoyée au titre de l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 1663/95, que la Commission a notifié les résultats des vérifications.

120   Par ailleurs, il est constant que, s’agissant de l’enquête HO/2002/01/ES, cette lettre a été notifiée au Royaume d’Espagne le 15 juillet 2002.

121   Il convient donc uniquement de déterminer quelle est la date à prendre en considération pour le décompte du délai de 24 mois (dies ad quem) visé à l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999, c’est-à-dire la date qui doit être considérée comme étant la date du paiement effectif de l’aide litigieuse.

122   En l’absence de précision dans la réglementation pertinente, il convient de se référer à la jurisprudence en la matière et, en particulier, aux enseignements de l’arrêt de la Cour du 19 juin 2003, Espagne/Commission (C-329/00, Rec. p. I-6103, point 43). S’agissant d’une dépense d’aide dans le secteur de la banane, la Cour a en effet jugé que la date déterminante pour l’application du délai de 24 mois visé à l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement no 729/70 (dont le contenu normatif
correspond en substance à celui de l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999) était celle où le montant définitif de l’aide compensatoire est fixé et où le solde est versé. En effet, même s’ils pouvaient apparaître dans la décision d’apurement des comptes, les montants versés au cours de l’année précédente ne constituaient que des versements provisoires subordonnés à la constitution d’une garantie et n’étaient, dès lors, pas pertinents pour déterminer la date à
laquelle la dépense d’aide a été effectuée, aux fins de l’application du délai de 24 mois.

123   Or, à l’instar du régime d’aide dans le secteur de la banane qui était en cause dans cet arrêt, en l’espèce, il ressort des dispositions combinées de l’article 12 du règlement no 2261/84 et de l’article 16 du règlement no 2366/98 que les producteurs d’huile d’olive reçoivent une avance sur l’aide demandée au début de la campagne agricole. Le paiement du solde est versé par l’État membre après réalisation des contrôles prévus à cet effet et compte tenu des résultats de ces contrôles. Dans de
telles conditions, c’est la date du paiement du solde des paiements qui détermine le calcul du délai de 24 mois.»

Les conclusions des parties

17 Le Royaume d’Espagne conclut à ce que la Cour:

— annule l’arrêt attaqué;

— annule la totalité des corrections financières relatives aux aides à la production d’huile d’olive imposées dans la décision litigieuse;

— à titre subsidiaire, annule ces corrections soit en tant qu’elles sont relatives aux dépenses pour lesquelles les avances ont été versées avant le 24 novembre 2002, soit en tant qu’elles sont relatives aux dépenses pour lesquelles les avances ont été versées avant le 15 juillet 2000, et

— condamne la Commission aux dépens.

18 La Commission conclut à ce que la Cour:

— rejette le pourvoi, et

— condamne le Royaume d’Espagne aux dépens.

Sur le pourvoi

19 Au soutien de son pourvoi, le Royaume d’Espagne invoque trois moyens, tirés respectivement, le premier, d’une violation de l’article 8 du règlement no 1663/95, le deuxième, d’une violation des articles 36 et 53 du statut de la Cour, en raison de l’insuffisance de motivation de l’arrêt attaqué, et, le troisième, d’une méconnaissance du délai de 24 mois prévu aux articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70, et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement
no 1258/1999. Ce troisième moyen se subdivise en deux branches, tirées respectivement, la première, d’une prise en compte erronée de la date de la lettre AGR 16844 en tant qu’élément de référence pour le décompte de ce délai de 24 mois et, la seconde, d’une application erronée, en l’espèce, des enseignements de l’arrêt de la Cour Espagne/Commission, précité.

Sur le premier moyen et la première branche du troisième moyen, tirés d’une violation de l’article 8 du règlement no 1663/95 ainsi que d’une prise en compte erronée de la date de la lettre AGR 16844 en tant qu’élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois prévu aux articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70, et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999

Argumentation des parties

20 Par son premier moyen, le Royaume d’Espagne reproche au Tribunal d’avoir, aux points 63 à 66 de l’arrêt attaqué, violé l’article 8 du règlement no 1663/95 en ayant permis à la Commission d’introduire, dans la suite de la procédure d’apurement des comptes, un motif nouveau, tiré de ce que les propositions de l’AAO étaient insuffisamment suivies par les autorités espagnoles, lequel a, en définitive, fondé la correction financière effectuée dans le secteur de l’huile d’olive au titre des campagnes
1998/1999 et 1999/2000, alors que ce motif n’avait pas été précisément mentionné dans la communication de la Commission au sens de cette disposition, ainsi qu’il l’a lui-même reconnu au point 65 de cet arrêt.

21 Le Tribunal aurait ainsi méconnu les garanties que ladite disposition prévoit en faveur des États membres, ainsi que cela ressortirait de la jurisprudence de la Cour selon laquelle la communication écrite au sens de l’article 8 du règlement no 1663/95 doit donner au gouvernement concerné une parfaite connaissance des réserves de la Commission et des corrections qui seront vraisemblablement retenues relativement au secteur en cause, de sorte qu’elle puisse remplir la fonction d’avertissement qui
lui est conférée par cette même disposition.

22 La Commission réfute cette argumentation du Royaume d’Espagne et soutient que ce premier moyen est dénué de fondement. Elle précise que le Tribunal se livre, dans l’arrêt attaqué, à une interprétation logique et finaliste de ce que doit être le contenu de la première communication au sens de l’article 8 du règlement no 1663/95.

23 Par la première branche de son troisième moyen, le Royaume d’Espagne reproche au Tribunal d’avoir violé les articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999 en ce qu’il n’a pas annulé la décision litigieuse en tant qu’elle porte sur des paiements antérieurs au 24 novembre 2002, c’est-à-dire des paiements effectués en dehors du délai de 24 mois prévu à ces dispositions.

24 Cet État membre soutient que, dans la mesure où le Tribunal a reconnu, au point 65 de l’arrêt attaqué, que le motif de correction financière fondé sur le fait que les propositions de l’AAO avaient été insuffisamment suivies par les autorités espagnoles n’avait pas été mentionné dans la lettre AGR 16844, mais a admis, au point 66 de cet arrêt, qu’il n’y avait pas eu de vice de procédure puisque tous les motifs de correction financière figuraient dans la lettre de la Commission du 24 novembre 2004
établie en vue d’une réunion bilatérale, il aurait dû juger que ce délai de 24 mois devait être décompté à partir de cette date et, partant, il aurait dû annuler ladite décision. En effet, ledit délai devrait être calculé en fonction de la date de la communication de la Commission faisant état de nouveaux motifs de correction financière, non repris dans une communication antérieure, afin de permettre au gouvernement concerné d’avoir une parfaite connaissance des réserves de la Commission, ainsi
que l’exigerait, selon la jurisprudence, l’article 8 du règlement no 1663/95.

25 La Commission, quant à elle, réfute cette argumentation du Royaume d’Espagne et soutient que la première branche du troisième moyen est également dénuée de fondement. Elle considère que la lettre AGR 16844 réunit les conditions fixées à l’article 8 du règlement no 1663/95 et, partant, toutes les dépenses pour lesquelles le paiement du solde a été effectué dans le délai de 24 mois ayant précédé la notification de cette lettre, à savoir après le 15 juillet 2000, pouvaient faire l’objet de la
correction financière contestée.

Appréciation de la Cour

26 En vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95, la Commission doit, à l’issue d’une enquête et dans le cas où elle considère que les dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles de l’Union, communiquer les résultats de ses vérifications à l’État membre concerné et indiquer les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect de ces règles.

27 Conformément à la jurisprudence de la Cour, la «communication écrite» au sens de cette disposition doit donner au gouvernement concerné une parfaite connaissance des réserves de la Commission, de sorte qu’elle puisse remplir la fonction d’avertissement conférée par ladite disposition (voir arrêts du 24 janvier 2002, Finlande/Commission, C-170/00, Rec. p. I-1007, point 34, et du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, C-153/01, Rec. p. I-9009, point 93).

28 Il s’ensuit que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95 exige que l’irrégularité qui est reprochée à l’État membre concerné figure de manière suffisamment précise dans la communication écrite prévue au premier alinéa de ladite disposition, de telle sorte que cet État en ait une connaissance parfaite. Ainsi, une communication qui ne remplit pas cette condition ne peut être qualifiée de communication écrite au sens de la même disposition.

29 En outre, le non-respect de ladite condition imposée à cet article 8, paragraphe 1, vide de sa substance la garantie procédurale accordée aux États membres aux articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999, qui limite dans le temps les dépenses sur lesquelles peut porter un refus de financement par le FEOGA (voir en ce sens, notamment, arrêts du 13 juin 2002, Luxembourg/Commission, C-158/00, Rec.
p. I-5373, point 24, et du 24 février 2005, Grèce/Commission, C-300/02, Rec. p. I-1341, point 70).

30 L’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95 doit ainsi être lu en combinaison avec ces articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999, selon lesquels la Commission ne peut pas exclure les dépenses qui ont été effectuées plus de 24 mois avant qu’elle n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications. Il en résulte que la communication écrite prévue au premier alinéa
dudit article 8, paragraphe 1, sert d’avertissement de ce que les dépenses effectuées pendant la période de 24 mois qui précède la notification de cette communication peuvent être exclues du financement par le FEOGA et, partant, celle-ci constitue l’élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois ainsi prévu.

31 En conséquence, afin de remplir sa fonction d’avertissement, notamment à la lumière desdits articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999, la communication visée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95 doit d’emblée identifier de manière suffisamment précise toutes les irrégularités reprochées à l’État membre concerné qui ont, en définitive, fondé la correction financière effectuée. Seule
une telle communication est en mesure de garantir une parfaite connaissance des réserves de la Commission au sens de la jurisprudence de la Cour citée au point 27 du présent arrêt et peut constituer l’élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois prévu aux articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999.

32 En l’espèce, s’agissant de la correction financière dans le secteur de l’huile d’olive, qui a été opérée dans la décision litigieuse, le Tribunal a jugé, au point 65 de l’arrêt attaqué, que le grief pris de ce que les propositions de l’AAO avaient été insuffisamment suivies par les autorités espagnoles n’avait pas été précisément mentionné dans la lettre AGR 16844. En effet, selon les constatations du Tribunal, cette lettre avait simplement fait référence à la circonstance que, de manière
générale, le travail effectué par cette agence avait été jugé satisfaisant par la mission d’enquête.

33 En outre, aux points 119 à 120 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, en ce qui concerne ledit grief, a qualifié la lettre AGR 16844 de communication au sens de l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 1663/95, dont la notification au Royaume d’Espagne, le 15 juillet 2002, a constitué l’élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois visé aux articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement
no 1258/1999.

34 En jugeant de la sorte, le Tribunal a méconnu l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95 ainsi que les articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70, et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999. En effet, ainsi qu’il a été exposé au point 31 du présent arrêt, seule une communication qui identifie de manière suffisamment précise toutes les irrégularités reprochées à l’État membre concerné peut être qualifiée de communication au sens de
l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95, laquelle constitue l’élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois visé aux articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999. Or, selon les constatations factuelles du Tribunal, la lettre AGR 16844 ne satisfaisait pas à ces exigences en ce qui concerne le grief mentionné au point 32 du présent arrêt.

35 En conséquence, il y a lieu d’accueillir le premier moyen ainsi que la première branche du troisième moyen du pourvoi.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des articles 36 et 53 du statut de la Cour, en raison d’une insuffisance de motivation de l’arrêt attaqué

Argumentation des parties

36 Par son deuxième moyen, le Royaume d’Espagne reproche au Tribunal d’avoir, en violation des articles 36 et 53 du statut de la Cour, insuffisamment motivé l’arrêt attaqué. En effet, après avoir rejeté les arguments de cet État membre tirés de la nullité de la totalité des corrections financières, le Tribunal aurait dû examiner la question de la date devant être prise en considération comme élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois visé aux articles 5, paragraphe 2, sous c),
cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999 et répondre ainsi aux arguments subsidiaires soulevés, à cet égard, par ledit État membre lors de l’audience de plaidoiries qui s’est tenue devant lui. Or, cet arrêt n’aborderait aucunement cette question non plus que, partant, ces arguments, de sorte que cette omission devrait entraîner son annulation.

37 La Commission conteste cette argumentation du Royaume d’Espagne et soutient que ce deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé. Elle relève que le Tribunal a répondu implicitement, au point 66 de l’arrêt attaqué, auxdits arguments subsidiaires.

Appréciation de la Cour

38 Eu égard à la réponse apportée au premier moyen ainsi qu’à la première branche du troisième moyen du pourvoi, il n’y a pas lieu d’examiner le deuxième moyen du pourvoi.

39 En effet, quand bien même ce moyen devrait être accueilli, il n’en demeure pas moins que le Tribunal a, ainsi qu’il résulte de cette réponse, méconnu le délai de 24 mois visé aux articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999 et, partant, commis nécessairement une erreur quant à la date devant être prise en considération comme point de référence pour le décompte de ce délai, de sorte qu’il n’importe
aucunement de savoir si le Tribunal a abordé la question de cette date dans la motivation de l’arrêt attaqué.

40 Ce deuxième moyen doit, dès lors, être écarté.

Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée de l’application erronée, en l’espèce, de l’enseignement de l’arrêt du 19 juin 2003, Espagne/Commission, précité

Argumentation des parties

41 Par la seconde branche de son troisième moyen, le Royaume d’Espagne reproche au Tribunal d’avoir, au point 122 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit en appliquant, à tort, au cas d’espèce, le raisonnement suivi par la Cour dans son arrêt du 19 juin 2003, Espagne/Commission, précité, pour parvenir à la conclusion selon laquelle la correction financière contestée pouvait porter sur toutes les dépenses dont le paiement du solde avait été effectué dans le délai de 24 mois prévu aux
articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999, indépendamment du point de savoir si le paiement des avances avait été effectué en dehors de ce délai.

42 Le Royaume d’Espagne soutient que ce raisonnement de la Cour concerne les aides destinées à la commercialisation des bananes et que, dès lors que ces aides présentent des différences substantielles avec celles relatives à la production d’huile d’olive, celui-ci n’est pas applicable à ces dernières. Cet État membre fait valoir que ledit raisonnement se fonde sur l’idée selon laquelle, en ce qui concerne une dépense relative à une aide dans le secteur de la banane, les montants avancés ne
constituent que des versements provisoires subordonnés à la constitution d’une garantie, de sorte qu’ils ne sont pas pertinents pour déterminer la date à laquelle ladite dépense est effectuée, aux fins de l’application de ce délai de 24 mois, alors qu’il en va différemment dans le secteur de l’huile d’olive, puisque, dans ce dernier, les avances constituent de simples acomptes dont le versement ne doit aucunement être précédé de la constitution d’une garantie.

43 La Commission conteste cette argumentation du Royaume d’Espagne et soutient que la seconde branche du troisième moyen du pourvoi doit également être écartée. Elle précise que le Tribunal n’a nullement indiqué, dans l’arrêt attaqué, que les secteurs de la banane et de l’huile d’olive étaient totalement comparables, celui-ci ayant seulement souligné que, conformément à l’arrêt du 19 juin 2003, Espagne/Commission, précité, la date déterminante pour l’application du délai de 24 mois doit être celle
où le montant définitif de l’aide compensatoire est fixé et le solde versé. Par ailleurs, la Commission relève qu’il est difficilement admissible que le paiement du solde dépende uniquement de la fixation du montant unitaire de l’aide, alors que la réglementation applicable, et en particulier l’article 16 du règlement no 2366/98, prévoit explicitement que le paiement du solde doit être effectué une fois réalisés tous les contrôles prévus à cet effet et sous réserve des résultats de ces contrôles,
ainsi que le Tribunal l’a jugé au point 123 de l’arrêt attaqué.

Appréciation de la Cour

44 Le présent moyen porte sur la question de savoir si le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 122 et 123 de l’arrêt attaqué, en désignant la date du versement du solde, plutôt que celle du versement de l’avance, comme étant la date à laquelle les dépenses ont été effectuées au sens des articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999.

45 Il convient de rappeler que, aux points 41 à 43 de l’arrêt du 19 juin 2003, Espagne/Commission, précité, la Cour a jugé que la date déterminante, pour l’appréciation du point de savoir si une dépense a été effectuée dans le délai de 24 mois visé aux articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999, est celle où le montant définitif de l’aide compensatoire est fixé et le solde versé par l’État membre
concerné.

46 À l’instar du régime d’aide dans le secteur de la banane qui était en cause dans cet arrêt, il ressort des dispositions combinées de l’article 12 du règlement no 2261/84 et de l’article 16 du règlement no 2366/98 que les producteurs d’huile d’olive reçoivent également une avance sur le montant de l’aide demandée, au début de chaque campagne agricole. Cependant, contrairement à ce qui est prévu s’agissant du secteur de la banane, ces producteurs ne doivent pas constituer de garantie concernant une
éventuelle obligation de remboursement dans l’hypothèse où le montant final de l’aide serait inférieur à celui de l’avance versée. Néanmoins, en vertu de ces dispositions et ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 123 de l’arrêt attaqué, l’État membre concerné ne verse aux producteurs le solde de l’aide qu’après avoir effectué tous les contrôles prévus à cet effet et sous réserve des résultats de ces contrôles. Le montant final de l’aide dû n’est, dès lors, pas connu avant le paiement de ce
solde.

47 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir, aux points 122 et 123 de l’arrêt attaqué, appliqué les enseignements tirés de l’arrêt du 19 juin 2003, Espagne/Commission, précité, et jugé que c’est le paiement du solde qui détermine la date à laquelle la dépense est effectuée au sens des articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999. En effet, c’est à cette date que l’obligation de
l’État membre concerné et la créance correspondante du producteur sont établies définitivement. À cet égard, le fait que le versement de l’avance sur le montant de l’aide demandée ne soit pas subordonné à la constitution d’une garantie n’affecte aucunement la nature provisionnelle de ce versement.

48 Cette seconde branche du troisième moyen du pourvoi doit, dès lors, être rejetée comme étant non fondée.

49 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’arrêt attaqué doit être annulé dans la mesure où, en qualifiant la lettre AGR 16844 de communication au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95, il a retenu la date de notification de ladite lettre comme élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois, prévu aux articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999, aux
fins de la correction financière qui a été opérée dans la décision litigieuse dans le secteur de l’huile d’olive en raison du fait que les propositions de l’AAO consécutives aux contrôles effectués auprès des moulins avaient été insuffisamment suivies par les autorités espagnoles.

Sur le recours devant le Tribunal

50 Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour, cette dernière, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut statuer elle-même sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Il convient de relever que tel est le cas en l’espèce.

51 En ce qui concerne la demande du Royaume d’Espagne présentée devant le Tribunal, tendant à l’annulation partielle de la décision litigieuse et fondée, en ce qui concerne la correction financière appliquée aux dépenses effectuées par cet État membre dans le secteur de l’huile d’olive, sur la violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95 ainsi que sur une méconnaissance du délai de 24 mois prévu aux articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et 7,
paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/999, celle-ci doit être accueillie eu égard aux considérations figurant aux points 26 à 34 du présent arrêt.

52 En particulier, il ressort de ces points que la communication visée à l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 1663/95 doit d’emblée identifier de manière suffisamment précise toutes les irrégularités reprochées à l’État membre concerné qui ont, en définitive, fondé la correction financière effectuée.

53 En l’espèce, compte tenu des griefs spécifiquement soulevés par le Royaume d’Espagne devant le Tribunal, il convient de vérifier si la Commission a suffisamment identifié dans sa communication au sens de cet article 8, paragraphe 1, à savoir dans la lettre AGR 16844, les résultats de l’enquête, et, partant, les carences qui ont, en définitive, fondé la correction financière appliquée aux dépenses effectuées dans le secteur de l’huile d’olive au titre des campagnes 1998/1999 et 1999/2000, ayant
fait l’objet de l’enquête HO/2002/01/ES.

54 Ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 64 de l’arrêt attaqué, il est constant entre les parties que la Commission a fondé ladite correction financière, notamment, «sur le suivi insuffisant des contrôles de l’AAO auprès des moulins».

55 S’agissant du grief pris de ce que les propositions de l’AAO étaient insuffisamment suivies par les autorités espagnoles, le Tribunal indique, au point 65 de cet arrêt, que ce grief n’a pas, ainsi que la Commission le reconnaît, été précisément mentionné dans la lettre AGR 16844, qui fait simplement référence à la circonstance que, d’une manière générale, le travail effectué par cette agence a été jugé satisfaisant par la mission d’enquête.

56 Il s’ensuit que cette lettre ne saurait constituer une communication au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95, dès lors qu’elle n’a pas identifié de manière suffisamment précise l’irrégularité, tirée en l’occurrence de ce que les propositions de l’AAO consécutives aux contrôles effectués auprès des moulins avaient été insuffisamment suivies par les autorités espagnoles, qui a, en définitive, fondé la décision litigieuse.

57 En outre, il convient de relever que la lettre de la Commission, du 24 novembre 2004, convoquant la réunion bilatérale du 21 décembre 2004, indique expressément cette irrégularité pour la première fois. Cette lettre constitue, dès lors, la première communication de la Commission qui est, en l’espèce, conforme aux exigences de cette disposition.

58 Il s’ensuit que, conformément aux articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/999, le délai de 24 mois prévu à ces dispositions doit être décompté à partir de la date de notification de ladite lettre.

59 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’annuler la décision litigieuse en tant qu’elle exclut du financement communautaire les dépenses effectuées par le Royaume d’Espagne dans le secteur de l’huile d’olive en dehors du délai de 24 mois ayant précédé la date de notification de la lettre de la Commission, du 24 novembre 2004, convoquant la réunion bilatérale du 21 décembre 2004, pour autant que ces dépenses sont visées par la correction appliquée en raison du
fait que les propositions de l’AAO consécutives aux contrôles effectués auprès des moulins étaient insuffisamment suivies par les autorités espagnoles.

Sur les dépens

60 L’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour prévoit que, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

61 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’article 69, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement prévoit toutefois que la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

62 Tant le Royaume d’Espagne que la Commission ayant partiellement succombé sur certains chefs dans le cadre du pourvoi et du recours en première instance, il convient de décider qu’ils supporteront chacun leurs propres dépens exposés tant en première instance qu’à l’occasion du présent pourvoi.

  Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

  1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 novembre 2010, Espagne/Commission (T-113/08) est annulé dans la mesure où, en qualifiant la lettre AGR 16844 de la Commission, du 11 juillet 2002, de communication au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement (CEE) no 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section «Garantie», tel que modifié par le
règlement (CE) no 2245/1999 de la Commission, du 22 octobre 1999, il a retenu la date de notification de ladite lettre comme élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois, prévu aux articles 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement (CEE) no 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune, tel que modifié par le règlement (CE) no 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995, et 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement (CE)
no 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune, aux fins de la correction financière qui a été opérée dans la décision 2008/68/CE de la Commission, du 20 décembre 2007, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «Garantie», dans le secteur de l’huile d’olive en raison du fait que les propositions de l’agence de l’huile
d’olive consécutives aux contrôles effectués auprès des moulins avaient été insuffisamment suivies par les autorités espagnoles.

  2) La décision 2008/68 est annulée en tant qu’elle exclut du financement communautaire les dépenses effectuées par le Royaume d’Espagne dans le secteur de l’huile d’olive en dehors du délai de 24 mois ayant précédé la date de notification de la lettre de la Commission, du 24 novembre 2004, convoquant la réunion bilatérale du 21 décembre 2004, pour autant que ces dépenses sont visées par la correction appliquée en raison du fait que les propositions de l’agence de l’huile d’olive consécutives aux
contrôles effectués auprès des moulins étaient insuffisamment suivies par les autorités espagnoles.

  3) Le Royaume d’Espagne et la Commission européenne supportent chacun leurs propres dépens exposés tant en première instance qu’à l’occasion du présent pourvoi.

  Signatures.

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( *1 ) Langue de procédure: l’espagnol.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-24/11
Date de la décision : 03/05/2012
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé, Pourvoi - fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi - FEOGA - Section ‘garantie’ - Dépenses exclues du financement communautaire - Dépenses effectuées par le Royaume d’Espagne - Aides à la production d’huile d’olive.

Agriculture et Pêche

Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA)


Parties
Demandeurs : Royaume d'Espagne
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Sharpston
Rapporteur ?: Arestis

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2012:266

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