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14/11/2013 | CJUE | N°C-187/12

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, SFIR - Società Fondiaria Industriale Romagnola SpA contre AGEA - Agenzia per le Erogazioni in Agricoltura et Ministero delle Politiche agricole, alimentari e forestali (C-187/12), Italia Zuccheri SpA et Co.Pro.B. - Cooperativa Produttori Bieticoli Soc. coop. agricola contre AGEA - Agenzia per le Erogazioni in Agricoltura et Ministero delle Politiche agricole, alimentari e forestali (C-188/12) et Eridania Sadam SpA contre AGEA - Agenzia per le Erogazioni in Agricoltura et Ministero delle Politiche agricole, alimentari e forestali (C-189/12)., 14/11/2013, C-187/12


ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

14 novembre 2013 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Règlement (CE) no 320/2006 — Règlement (CE) no 968/2006 — Agriculture — Régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière — Conditions pour l’octroi de l’aide à la restructuration — Notions d‘installations de production’ et de ‘démantèlement total’»

Dans les affaires jointes C‑187/12 à C‑189/12,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Consiglio

di Stato (Italie), par décisions du 23 mars 2012, parvenues à la Cour le 23 avril 2012, dans les procédures

SFIR – Socie...

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

14 novembre 2013 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Règlement (CE) no 320/2006 — Règlement (CE) no 968/2006 — Agriculture — Régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière — Conditions pour l’octroi de l’aide à la restructuration — Notions d‘installations de production’ et de ‘démantèlement total’»

Dans les affaires jointes C‑187/12 à C‑189/12,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Consiglio di Stato (Italie), par décisions du 23 mars 2012, parvenues à la Cour le 23 avril 2012, dans les procédures

SFIR – Società Fondiaria Industriale Romagnola SpA

contre

AGEA – Agenzia per le Erogazioni in Agricoltura,

Ministero delle Politiche agricole, alimentari e forestali (C‑187/12),

Italia Zuccheri SpA,

Co.Pro.B. – Cooperativa Produttori Bieticoli Soc. coop. agricola

contre

AGEA – Agenzia per le Erogazioni in Agricoltura,

Ministero delle Politiche agricole, alimentari e forestali,

en présence de:

Finbieticola Bondeno srl,

Finbieticola Casei Gerola srl,

Terrae SpA (C‑188/12),

et

Eridania Sadam SpA

contre

AGEA - Agenzia per le Erogazioni in Agricoltura,

Ministero delle Politiche agricole, alimentari e forestali,

en présence de:

Federazione Lavoratori Agro-Industria (CGIL),

Federazione Agricola Alimentare Ambientale Industriale (CISL),

Unione Italiana Lavoratori Agroalimentari (UIL) (C‑189/12),

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, M. K. Lenaerts, vice-président de la Cour, faisant fonction de juge de la première chambre, MM. A. Borg Barthet, G. Arestis et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 mars 2013,

considérant les observations présentées:

— pour SFIR – Società Fondiaria Industriale Romagnola SpA, par Me V. Cerulli Irelli, avvocato,

— pour Italia Zuccheri SpA et Co.Pro.B. – Cooperativa Produttori Bieticoli Soc. coop. agricola, par Mes A. Mozzati, G. Fontana, M. De Vita, S. M. Specchio et P. Galli, avvocati,

— pour Eridania Sadam SpA, par Mes G. M. Roberti, I. Vigliotti, A. Mozzati, I. Perego et M. Serpone, avvocati,

— pour Federazione Lavoratori Agro-Industria (CGIL), Federazione Agricola Alimentare Ambiente Industriale (CISL) et Unione Italiana Lavoratori Agroalimentari (UIL), par Mes F. Cardarelli et F. Lattanzi, avvocati,

— pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. F. Bucalo, avvocato dello Stato,

— pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme C. Candat, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér ainsi que par Mmes K. Szíjjártó et A. Szilágyi, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement slovène, par Mmes T. Mihelič Žitko et V. Klemenc, en qualité d’agents,

— pour le Conseil de l’Union européenne, par M. E. Sitbon ainsi que par Mmes S. Barbagallo et P. Mahnič Bruni, en qualité d’agents,

— pour la Commission européenne, par MM. D. Triantafyllou et P. Rossi, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation et la validité des articles 3 et 4 du règlement (CE) no 320/2006 du Conseil, du 20 février 2006, instituant un régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière dans la Communauté européenne et modifiant le règlement (CE) no 1290/2005 relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 58, p. 42, ci-après le «règlement de base»), ainsi que de l’article 4 du règlement (CE) no 968/2006 de la Commission, du
27 juin 2006, portant modalités d’exécution du règlement no 320/2006 (JO L 176, p. 32, ci-après le «règlement d’application»).

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant, respectivement, SFIR – Società Fondiaria Industriale Romagnola SpA (ci‑après «SFIR»), Italia Zuccheri SpA et Co.Pro.B. – Cooperativa Produttori Bieticoli Soc. coop. agricola (ci‑après «Italia Zuccheri/Co.Pro.B.») et Eridania Sadam SpA (ci‑après «Eridania Sadam») à l’Agenzia per le Erogazioni in Agricoltura (AGEA) ainsi qu’au Ministero delle Politiche agricole, alimentari e forestali (ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et
des Forêts, ci-après le «Ministero») au sujet de l’octroi d’aides à la restructuration au titre de l’article 3 du règlement de base.

Le cadre juridique

Le règlement de base

3 Le considérant 5 du règlement de base est ainsi rédigé:

«Il y a lieu d’instaurer une incitation économique importante, sous la forme d’une aide à la restructuration adéquate, destinée aux entreprises dont la productivité est la plus faible, afin qu’elles abandonnent leur production sous quota. À cet effet, il convient de mettre en place une aide à la restructuration qui incite à abandonner la production de sucre sous quota et à renoncer aux quotas considérés, et qui permette en même temps de tenir compte du respect des engagements sociaux et
environnementaux liés à l’abandon de la production. Cette aide devrait être disponible pendant quatre campagnes de commercialisation, afin de réduire la production dans la mesure nécessaire pour parvenir à une situation de marché équilibrée dans la Communauté.»

4 L’article 3 de ce règlement, intitulé «Aide à la restructuration», prévoit:

«1.   Toute entreprise produisant du sucre, de l’isoglucose ou du sirop d’inuline à laquelle un quota a été attribué avant le 1er juillet 2006 peut bénéficier d’une aide à la restructuration par tonne de quota libéré, à condition que, pendant l’une des campagnes de commercialisation suivantes: 2006-2007, 2007-2008, 2008-2009 et 2009-2010, elle:

a) renonce au quota qu’elle a assigné à une ou plusieurs de ses usines et démantèle totalement les installations de production des usines concernées;

ou

b) renonce au quota qu’elle a assigné à une ou plusieurs de ses usines et démantèle partiellement les installations de production des usines concernées, et n’utilise pas les installations de production restantes des usines concernées pour la fabrication de produits relevant de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre;

[...]

3.   Le démantèlement total des installations de production nécessite:

a) l’arrêt définitif et total de la production de sucre, d’isoglucose ou de sirop d’inuline par les installations de production concernées;

b) la fermeture de l’usine ou des usines et le démantèlement de leurs installations de production [...]

[...]

4.   Le démantèlement partiel des installations de production nécessite:

a) l’arrêt définitif et total de la production de sucre, d’isoglucose ou de sirop d’inuline par les installations de production concernées;

b) le démantèlement des installations de production qui ne seront pas utilisées pour de nouvelles productions et qui étaient destinées à la fabrication des produits visés au point a) [...]

[...]

5.   Le montant de l’aide à la restructuration par tonne de quota libéré est le suivant:

a) dans le cas visé au paragraphe 1, point a):

— 730 EUR pour la campagne de commercialisation 2006‑2007,

[...]

b) dans le cas visé au paragraphe 1, point b):

— 547,50 EUR pour la campagne de commercialisation 2006‑2007,

[...]»

5 L’article 4 dudit règlement, intitulé «Demandes d’octroi de l’aide à la restructuration», dispose à son paragraphe 2:

«Les demandes d’octroi de l’aide à la restructuration comprennent:

a) un plan de restructuration;

[...]

c) l’engagement de renoncer au quota en question pendant la campagne de commercialisation considérée;

d) dans le cas visé à l’article 3, paragraphe 1, point a), l’engagement de démanteler totalement les installations de production dans un délai à fixer par l’État membre concerné;

e) dans le cas visé à l’article 3, paragraphe 1, point b), l’engagement de démanteler partiellement les installations de production dans un délai à fixer par l’État membre concerné et de ne pas utiliser le site de production et les autres installations de production pour la fabrication de produits relevant de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre;

[...]»

Le règlement d’application

6 Le considérant 4 du règlement d’application est ainsi libellé:

«En ce qui concerne la libération des quotas, l’article 3 du règlement [de base] offre le choix entre un démantèlement total ou un démantèlement partiel des installations de production, qui donne lieu au versement de montants différents au titre de l’aide à la restructuration. Les conditions applicables à ces deux options devraient tenir compte du fait qu’un montant plus élevé de l’aide à la restructuration est octroyé dans le cas d’un démantèlement total en raison des coûts élevés qu’il entraîne.
Il est toutefois jugé adéquat d’autoriser la conservation des parties de l’usine qui ne font pas partie de la ligne de production si elles peuvent servir à un autre usage prévu dans le plan de restructuration, en particulier lorsque cet usage crée des emplois. En revanche, il devrait être obligatoire de démanteler les installations qui ne sont pas directement liées à la production de sucre s’il n’existe aucune autre utilisation possible de ces dernières dans un délai raisonnable et que leur
conservation porterait préjudice à l’environnement.»

7 L’article 4 de ce règlement, intitulé «Démantèlement des installations de production», prévoit:

«1.   Dans le cas d’un démantèlement total visé à l’article 3, paragraphe 1, point a), du règlement [de base], les obligations de démanteler les installations de production couvrent:

a) l’ensemble des installations nécessaires à la production de sucre, d’isoglucose ou de sirop d’inuline, notamment les installations destinées à stocker, à analyser, à laver et à couper les betteraves sucrières, la canne à sucre, les céréales ou la chicorée; l’ensemble des installations nécessaires pour extraire et transformer ou concentrer le sucre provenant de betteraves sucrières ou de cannes à sucre, l’amidon d’origine céréalière, le glucose provenant de l’amidon ou l’inuline provenant de la
chicorée;

b) la partie des installations, autres que celles mentionnées au point a), directement liée à la production de sucre, d’isoglucose ou de sirop d’inuline et nécessaire dans le cadre de la production sous le quota libéré, même si ladite partie peut servir à la production d’autres produits, notamment les installations servant à chauffer ou à traiter l’eau, ou à produire de l’énergie, les installations servant à traiter la pulpe ou la mélasse de betterave sucrière, les installations destinées au
transport interne;

c) toute autre installation, notamment des installations de conditionnement, qui est inutilisée et destinée à être démantelée et enlevée pour des raisons de protection de l’environnement.

2.   Dans le cas d’un démantèlement partiel visé à l’article 3, paragraphe 1, point b), du règlement [de base], l’obligation de démanteler les installations de production couvre les installations visées au paragraphe 1 du présent article qui ne sont destinées ni à d’autres productions ni à un autre usage du site de l’usine conformément au plan de restructuration.»

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

Affaire C‑187/12

8 SFIR est une entreprise sucrière. Elle a adhéré, au cours de l’année 2006, au régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière institué par le règlement de base (ci-après le «régime de restructuration»), en présentant au Ministero une demande d’octroi de la totalité de l’aide, accompagnée d’un plan de restructuration tel que visé à l’article 4, paragraphe 2, sous a), de ce règlement (ci-après le «plan de restructuration»). Ce plan prévoyait le démantèlement d’installations de
production ainsi que la conservation, notamment, de certains silos. Dans un premier temps, le Ministero a déclaré recevable la demande d’aide et n’a pas formulé d’objections au plan de restructuration, dont il a transmis une copie à la Commission européenne.

9 Par la note no 2095 du 15 mars 2011 (ci-après la «note de 2011»), le Ministero a toutefois informé SFIR que, à la suite d’inspections effectuées en 2010, la Commission, ayant constaté l’existence de silos à proximité de certains établissements désaffectés, avait formulé des observations selon lesquelles la conservation de ces silos ne répondait pas aux conditions prévues par les règlements de base et d’application pour pouvoir bénéficier de la totalité de l’aide à la restructuration. En effet,
selon la Commission, les silos en cause devaient être considérés comme «directement liés à la production de sucre», au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement d’application.

10 Aussi, par la suite, l’AGEA a sommé SFIR de procéder, avant le 31 mars 2012, au démantèlement total des installations en démolissant les silos. L’AGEA a également informé SFIR de ce que la garantie, constituée par cette dernière, des engagements pris dans le cadre de sa participation au régime de restructuration, ne pouvait pas être levée. SFIR a attaqué cette décision et plusieurs autres actes connexes devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio.

11 Par l’arrêt no 9481 du 1er décembre 2011, le recours de SFIR a été accueilli uniquement en ce qu’il tendait à lever la garantie pour la partie correspondant à l’aide à la restructuration allouée pour un démantèlement partiel. Le surplus des demandes a été rejeté. Les moyens du recours tendant à soutenir que le «démantèlement total» des installations de production, donnant lieu à une aide supérieure de 25 % à celle relative au «démantèlement partiel», ne comprenait pas la démolition des silos en
cause, ont été écartés. Le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio a considéré que, les installations de production comprenant notamment celles qui étaient utilisées au cours des phases de stockage et de conditionnement suivant immédiatement la production, la conservation de ces dernières installations n’était autorisée que si celles-ci étaient destinées à servir à la production d’autres produits ou à d’autres utilisations du site industriel.

12 SFIR a interjeté appel de cet arrêt devant le Consiglio di Stato, qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Le démantèlement total des installations de production de sucre, d’isoglucose et de sirop d’inuline conformément à l’article 3 du règlement [de base], dont le règlement [d’application] prévoit les modalités d’exécution, doit-il être compris en ce sens que les installations à démanteler sont seulement celles qui sont nécessaires à la production, ainsi que le prévoit expressément ledit article 3 du règlement [de base], conformément auquel le règlement [d’application] doit être interprété sous
peine de nullité? Par conséquent, conformément à l’article 3 du règlement [de base] et à l’article 4 du règlement [d’application], les installations à démanteler comprennent-elles seulement celles qui sont destinées à la production de sucre, d’isoglucose et de sirop d’inuline, ainsi que les autres installations visées à l’article 4, sous c), du règlement [d’application], notamment les installations de conditionnement, qui sont inutilisées ou qui doivent être démantelées ou enlevées pour des
raisons de protection de l’environnement, et, par suite, les installations non liées à la production de sucre, d’isoglucose ou de sirop d’inuline, qui ne sont pas inutilisées mais sont utilisées pour d’autres activités, telles que l’activité de conditionnement en l’espèce, et qui ne sont pas soumises à l’obligation d’enlèvement pour des raisons de protection de l’environnement peuvent-elles être conservées parce qu’elles ne sont pas soumises à l’obligation de démantèlement visée par les
règlements communautaires précités?»

Affaire C‑188/12

13 Italia Zuccheri/Co.Pro.B. est également une entreprise sucrière ayant adhéré, au cours de l’année 2006, au régime de restructuration, en présentant au Ministero une demande d’octroi de la totalité de l’aide. Le plan de restructuration, déclaré recevable par le Ministero, prévoyait la conservation, notamment, de certains silos de stockage à long terme et des installations de conditionnement et de commercialisation.

14 Par la note de 2011, Italia Zuccheri/Co.Pro.B. a, pareillement à SFIR, été informée des observations de la Commission concernant le maintien des silos de stockage. Par la suite, l’AGEA a sommé Italia Zuccheri/Co.Pro.B. de procéder à leur démolition avant le 31 mars 2012 et a informé cette dernière de ce que les garanties constituées par elle ne pouvaient pas être levées.

15 Italia Zuccheri/Co.Pro.B. a formé un recours contre cette décision et plusieurs autres actes connexes devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio qui, par un arrêt du 1er décembre 2011, a accueilli ce recours uniquement en ce qu’il tendait à lever les garanties pour la partie correspondant à l’aide à la restructuration allouée pour un démantèlement partiel. Le surplus des demandes a été rejeté.

16 Italia Zuccheri/Co.Pro.B. a interjeté appel de cet arrêt devant le Consiglio di Stato, qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Les articles 3 et 4 du règlement [de base] et l’article 4 du règlement [d’application] doivent-ils être interprétés en ce sens que l’expression ‘installations de production’ n’englobe pas les installations utilisées par les entreprises sucrières pour le stockage, le conditionnement ou l’emballage du sucre aux fins de sa commercialisation et, partant, qu’il est nécessaire, dans le cas d’installations telles que les silos, de procéder à une analyse au cas par cas pour vérifier si lesdites
installations sont liées à la ‘ligne de production’ ou à des activités autres que la production?

2) En particulier, l’article 4 du règlement [d’application] doit-il être interprété en ce sens que les installations, telles que les silos, utilisées par les entreprises sucrières pour le stockage, le conditionnement ou l’emballage du sucre exclusivement aux fins de sa commercialisation, indépendamment du cycle de production, relèvent de la catégorie des installations visées audit article, sous c), et non sous a) ou b), conformément au texte et aux buts du règlement [de base] et du règlement
[d’application], énoncés notamment au [...] considérant [4] de ce dernier?

3) À titre subsidiaire, eu égard aux articles 3 et 4 du règlement [de base] [ainsi qu’]aux normes supérieures et aux principes du droit primaire européen, l’article 4 du règlement [d’application] est-il nul s’il est interprété en ce sens qu’il inclut également, dans les installations visées à son paragraphe 1, sous a) et b), celles qui sont utilisées par les entreprises sucrières pour le stockage, le conditionnement ou l’emballage du sucre aux fins de sa commercialisation, étant entendu que le
but poursuivi par le règlement [de base] est de réduire la capacité de production des entreprises sucrières et non de les empêcher d’être actives dans le secteur de la simple commercialisation du produit, en utilisant du sucre obtenu au titre de quotas de production relevant d’autres installations ou entreprises?

4) À titre plus subsidiaire et en tout état de cause, les articles 3 et 4 du règlement [de base] et l’article 4 du règlement [d’application] sont-ils valides eu égard aux normes supérieures et aux principes du droit primaire européen, si on les interprète en ce sens que la notion d’‘installations de production’ ou d’‘installations directement liées à la production’ comprend celles qui sont utilisées par les entreprises sucrières pour le stockage, le conditionnement ou l’emballage du sucre aux
fins de sa commercialisation?»

Affaire C‑189/12

17 Eridania Sadam est également une entreprise sucrière. Elle a adhéré, au cours de l’année 2006, au régime de restructuration, en présentant au Ministero une demande d’octroi de la totalité de l’aide. Le plan de restructuration, déclaré recevable par le Ministero, prévoyait la conservation, notamment, de certains silos de stockage à long terme et des installations de conditionnement.

18 Par la note de 2011, Eridania Sadam a, pareillement à SFIR et à Italia Zuccheri/Co.Pro.B, été informée des observations de la Commission concernant le maintien des silos de stockage. Par la suite, l’AGEA a sommé Eridania Sadam de procéder à leur démolition avant le 31 mars 2012 et a informé cette dernière de ce que les garanties constituées par elle ne pouvaient pas être libérées.

19 Eridania Sadam a introduit un recours contre cette décision et plusieurs autres actes connexes devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio qui, par un arrêt du 1er décembre 2011, a accueilli ce recours uniquement en ce qu’il tendait à la levée des garanties pour la partie correspondant à l’aide à la restructuration pour un démantèlement partiel. Le surplus des demandes a été rejeté.

20 Eridania Sadam a interjeté appel de cet arrêt devant le Consiglio di Stato, qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Les articles 3 et 4 du règlement [de base] et l’article 4 du règlement [d’application] doivent-ils être interprétés en ce sens que l’expression ‘installations de production’ n’englobe pas les installations utilisées par les entreprises sucrières pour l’activité de conditionnement du sucre aux fins de sa commercialisation et, partant, qu’il est nécessaire, dans le cas d’installations telles que les silos, de procéder à une analyse au cas par cas pour vérifier si lesdites installations sont
liées à la ‘ligne de production’ ou à des activités autres que la production, telles que le conditionnement?

2) À titre subsidiaire, eu égard aux articles 3 et 4 du règlement [de base] et aux normes supérieures et aux principes du droit primaire européen, l’article 4 du règlement [d’application] est-il nul s’il est interprété en ce sens qu’il inclut également, dans les installations visées à son paragraphe 1, sous a) et b), celles qui sont utilisées par les entreprises sucrières pour l’activité de conditionnement du sucre aux fins de sa commercialisation, étant entendu que le but poursuivi par le
règlement [de base] est de réduire la capacité de production des entreprises sucrières et non de les empêcher d’être actives dans le secteur de la simple commercialisation du produit, en utilisant du sucre obtenu au titre de quotas de production relevant d’autres installations ou entreprises?

3) À titre plus subsidiaire et en tout état de cause, les articles 3 et 4 du règlement [de base] et l’article 4 du règlement [d’application] sont-ils valides eu égard aux normes supérieures et aux principes du droit primaire européen, si on les interprète en ce sens que la notion d’‘installations de production’ ou d’‘installations directement liées à la production’ comprend celles qui sont utilisées par les entreprises sucrières pour l’activité de conditionnement du sucre aux fins de sa
commercialisation?»

21 Par ordonnance du président de la Cour du 11 mai 2012, les affaires C‑187/12 à C‑189/12 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

Sur les questions préjudicielles

Sur la question unique dans l’affaire C‑187/12, les première et deuxième questions dans l’affaire C‑188/12 et la première question dans l’affaire C‑189/12

22 Par ces questions, qu’il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si les articles 3 et 4 du règlement de base et l’article 4 du règlement d’application doivent être interprétés en ce sens que la notion d’«installations de production» comprend des installations, telles que des silos, qui sont utilisées pour le stockage, le conditionnement ou l’emballage de sucre aux fins de sa commercialisation et, le cas échéant, s’il convient de procéder à une
analyse au cas par cas pour vérifier si les installations concernées sont effectivement liés à la ligne de production ou bien à des activités autres que la production.

23 À cet égard, il convient de constater, tout d’abord, que ni le règlement de base ni le règlement d’application ne contiennent une définition de cette notion.

24 Ensuite, il y a lieu de rappeler que, en l’absence d’une telle définition, la portée de ladite notion, figurant à l’article 3 du règlement de base et incluant, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement d’application, tant les «installations nécessaires à la production de sucre» que les «installations [...] directement liée[s] à la production de sucre», doit être établie, selon une jurisprudence constante de la Cour, en considération du contexte général dans lequel elle
est utilisée et conformément à son sens habituel en langage courant (voir, en ce sens, arrêts du 4 mai 2006, Massachusetts Institute of Technology, C-431/04, Rec. p. I-4089, point 17 et jurisprudence citée, ainsi que du 13 décembre 2012, BLV Wohn- und Gewerbebau, C‑395/11, point 25). Enfin, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêt du 29 janvier 2009,
Petrosian, C-19/08, Rec. p. I-495, point 34 et jurisprudence citée).

25 Dans les affaires au principal, il convient de relever, premièrement, que plusieurs des parties intéressées ayant présenté des observations défendent l’interprétation selon laquelle les silos ne relèveraient généralement pas des installations de production, au motif qu’ils seraient destinés au stockage du produit fini et non pas à la production au sens strict, en retenant ainsi une définition très étroite de la notion de «production» désignée comme un processus chimique ou physique,
correspondant, dans ces affaires, à l’extraction de sucre de la matière première.

26 Toutefois, la notion de «production» peut également englober d’autres étapes de la fabrication d’un produit situées en amont ou en aval du processus chimique ou physique de transformation. Le stockage du sucre qui n’est pas conditionné immédiatement après son extraction de la matière première peut être considéré comme participant au processus de production, tout comme, à titre d’exemple, le stockage de betteraves sucrières, avant leur traitement en vue de l’extraction de la teneur en sucre, qui
est expressément considéré, à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement d’application, comme étant nécessaire à la production. Dans cette perspective, le stockage peut être considéré comme étant «directement lié à la production de sucre» au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

27 Deuxièmement, s’agissant du contexte général et des objectifs de la réglementation en cause au principal, il y a lieu de rappeler que le régime de restructuration visait, selon le considérant 5 du règlement de base, à «réduire la production dans la mesure nécessaire pour parvenir à une situation de marché équilibrée dans la Communauté». Sous cet angle, toute installation dont l’emploi est de nature à influer sur la quantité de sucre susceptible d’être produite devrait, en règle générale, être
considérée comme une installation de production relevant de l’obligation de démantèlement.

28 À cet égard, d’une part, l’implantation d’un silo sur le site d’une usine sucrière détermine le processus de production en ce que ce dernier est conçu en fonction de la disponibilité et de la proximité de capacités de stockage. D’autre part, un silo, tout au moins quand il a une capacité de stockage dépassant, à lui seul ou ensemble avec les autres silos du producteur, la quantité de sucre produit par ce dernier au cours d’une campagne sucrière moyenne, permet à ce producteur de transformer toute
la récolte même au cas où le produit de cette récolte dépasserait la vente prévue au cours d’un exercice donné. En outre, grâce au stock ainsi constitué, ce même producteur peut mettre sur le marché intérieur, au cours des futurs exercices, des quantités supplémentaires de sucre, issues de sa propre production.

29 Ainsi, de tels silos sont susceptibles d’avoir une incidence directe sur les quantités de sucre pouvant être produites et sur les processus de production qui sont fonction de la proximité d’une installation de stockage. Ils permettent notamment de différer, totalement ou partiellement, la vente du produit d’une campagne sucrière donnée et, ainsi, d’influer sur la «situation de marché [...] dans la Communauté» au sens du considérant 5 du règlement de base.

30 Troisièmement, en vertu de l’article 3, paragraphe 3, sous a) et b), du règlement de base, l’octroi de l’aide intégrale suppose, en plus de l’arrêt définitif et total de la production de sucre par les installations de production concernées et le démantèlement de ces dernières, la «fermeture de l’usine». La réglementation en cause au principal part donc manifestement du postulat que, en règle générale, le complexe industriel concerné doit, aux fins de l’octroi de la totalité de l’aide à la
restructuration, être mis hors service dans son intégralité. La faculté de ne pas démanteler ou même de continuer à utiliser dans l’avenir des installations autres que celles de production, tout en gardant le droit à l’aide intégrale, constitue donc une exception à cette règle devant être interprétée étroitement.

31 À la lumière de tous ces éléments, il est manifeste qu’un silo destiné au stockage de sucre du bénéficiaire de l’aide doit être qualifié d’installation de production, et cela indépendamment du fait qu’il est aussi employé pour d’autres usages, comme cela semble en partie être le cas dans les litiges au principal.

32 En revanche, un silo, pour lequel il est démontré que des raisons, notamment, techniques ou commerciales s’opposent à son affectation au stockage de la production de sucre du bénéficiaire de l’aide et qu’il est employé uniquement au stockage de sucre, produit sous quota, entreposé par d’autres producteurs ou acheté à ces derniers, est susceptible de ne pas relever de l’obligation de démantèlement.

33 L’activité de conditionnement, y compris celle d’emballage, ne se rattachant pas, à la lecture de l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement d’application, à la production de sucre au sens strict, il peut en aller de même dans le cas où le producteur démontre que son silo sert exclusivement au conditionnement ou à l’emballage de sucre produit ailleurs sous quota.

34 Ainsi, il incombe à la juridiction nationale d’apprécier, au cas par cas, si un silo constitue ou non une installation de production, au regard de ses caractéristiques techniques ou de l’usage réel qui en est fait.

35 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question unique dans l’affaire C‑187/12, aux première et deuxième questions dans l’affaire C‑188/12 et à la première question dans l’affaire C‑189/12 que les articles 3 et 4 du règlement de base et l’article 4 du règlement d’application doivent être interprétés en ce sens que, aux fins de ces articles, la notion d’«installations de production» comprend les silos destinés au stockage de sucre du bénéficiaire de l’aide, et cela
indépendamment du fait qu’ils sont aussi employés pour d’autres usages. Ne relèvent d’une telle notion ni les silos employés uniquement au stockage de sucre, produit sous quota, entreposé par d’autres producteurs ou acheté à ces derniers, ni ceux utilisés seulement pour le conditionnement ou l’emballage du sucre aux fins de sa commercialisation. Il incombe à la juridiction nationale d’effectuer une telle appréciation, au cas par cas, au regard des caractéristiques techniques ou de l’usage réel
qui est fait des silos concernés.

Sur les troisième et quatrième questions dans l’affaire C‑188/12 ainsi que les deuxième et troisième questions dans l’affaire C‑189/12

36 Par ces questions, qu’il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si les articles 3 et 4 du règlement de base et l’article 4 du règlement d’application, interprétés en ce sens que la notion d’«installations de production» comprend celles qui sont utilisées par les entreprises sucrières pour le stockage, le conditionnement ou l’emballage de sucre aux fins de sa commercialisation, sont valides au regard des normes supérieures et des principes du droit
primaire de l’Union.

37 À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que les installations de conditionnement ne constituent pas, en tant que telles, des installations de production au sens de la réglementation en cause au principal, comme il ressort clairement de l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement d’application. Par conséquent, s’agissant de ces installations, qui comprennent notamment celles d’«emballage», mentionnées par la juridiction de renvoi, la question de la validité des articles 3 et 4 du
règlement de base et de l’article 4 du règlement d’application ne se pose pas.

38 En ce qui concerne, ensuite, les installations de stockage qui peuvent comprendre celles utilisées aussi pour les activités de conditionnement, il résulte de la réponse apportée à la question unique dans l’affaire C‑187/12, au point 35 du présent arrêt, que celles-ci relèvent des installations de production au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement de base, dans la mesure où elles sont destinées, notamment, au stockage de sucre du bénéficiaire de l’aide.

39 S’agissant de ces dernières installations, force est de constater que la juridiction de renvoi ne précise pas les normes supérieures et les principes du droit primaire de l’Union qui pourraient s’opposer à l’obligation de procéder à leur démantèlement, prévue aux articles 3 et 4 du règlement de base et à l’article 4 du règlement d’application. Toutefois, ainsi qu’il ressort notamment des observations écrites et orales des parties intéressées, il convient d’apprécier la validité de ces
dispositions au vu des principes de proportionnalité et de l’égalité de traitement.

40 En ce qui concerne, premièrement, le principe de proportionnalité, il convient de constater, d’une part, qu’un producteur qui renonce au quota de production attribué à l’une de ses usines, qui démantèle la plupart des installations de production, à l’exception d’un silo devant être considéré comme constituant une installation de production, et qui continue d’utiliser ce silo pour le stockage de sucre qu’il produit dans ses autres sites de production, n’a normalement pas droit à l’aide à la
restructuration en raison de l’interdiction, prévue à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement de base, d’utiliser les installations de production non démantelées pour la fabrication de produits relevant de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre.

41 D’autre part, ce même producteur aurait droit, dans l’hypothèse d’un démantèlement total, à l’aide à la restructuration intégrale, alors que la charge financière supplémentaire liée au démantèlement du silo ne représenterait, comme il ressort des réponses données par les parties intéressées à une question posée par la Cour, qu’une faible partie des coûts totaux du démantèlement.

42 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne
doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir, notamment, arrêt du 21 juillet 2011, Beneo Orafti, C-150/10, Rec. p. I-6843, point 75 et jurisprudence citée).

43 Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, en ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions de la mise en œuvre d’un tel principe, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur de l’Union européenne en matière de politique agricole commune, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure. Ainsi, il s’agit de
savoir non pas si la mesure adoptée par le législateur était la seule ou la meilleure possible, mais si elle était manifestement inappropriée (arrêt Beneo Orafti, précité, points 76 et 77 ainsi que jurisprudence citée).

44 En ce qui concerne, dans ces conditions, la proportionnalité de la réglementation en cause au principal, il y a lieu de constater que le régime de restructuration repose sur une participation volontaire des producteurs, en visant, selon le considérant 5 du règlement de base, à «instaurer une incitation économique importante, sous la forme d’une aide à la restructuration adéquate, destinée aux entreprises dont la productivité est la plus faible, afin qu’elles abandonnent leur production sous
quota».

45 Ladite réglementation permet au producteur de décider librement s’il veut profiter de l’aide, de choisir l’usine pour laquelle il renonce au quota correspondant et, le cas échéant, d’opter pour un démantèlement total ou seulement partiel des installations de production. Le bénéfice que le producteur peut tirer de l’aide à la restructuration dépend ainsi, en grande partie, des choix opérés par lui-même.

46 Sous cet angle, la réglementation en cause au principal n’est pas disproportionnée.

47 S’agissant, deuxièmement, du respect du principe de l’égalité de traitement, des doutes pourraient éventuellement naître de l’octroi, sans distinction, d’un même montant d’aide à la restructuration par tonne de quota libéré, tant dans l’hypothèse où le producteur en cause a un silo qu’il doit démanteler que dans celle où il ne dispose pas d’un tel silo et où il n’a pas à supporter les frais liés à son démantèlement.

48 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 40, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE, qui énonce l’interdiction de toute discrimination dans le cadre de la politique agricole commune, n’est que l’expression spécifique du principe général d’égalité, lequel exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’une différenciation ne soit
objectivement justifiée (arrêt du 11 juin 2009, Agrana Zucker, C-33/08, Rec. p. I-5035, point 46 et jurisprudence citée).

49 Or, les considérations figurant aux points 40 à 46 du présent arrêt, aboutissant à la conclusion que la réglementation en cause au principal n’est pas disproportionnée, peuvent être rapportées à l’examen du respect du principe de l’égalité de traitement.

50 En effet, d’une part, il convient de rappeler que l’aide en cause vise à inciter le producteur à renoncer volontairement au quota de production attribué à une usine sucrière. Au regard de cet objectif, la situation d’un producteur de sucre qui choisit de renoncer à un quota attribué à une usine dotée d’un silo et celle d’un producteur devant démanteler une usine qui n’en est pas équipée sont tout à fait comparables dans la mesure où ces producteurs renoncent à un nombre identique de tonnes de
quota libéré.

51 D’autre part, comme il est rappelé au point 41 du présent arrêt, les coûts directs inhérents à la démolition d’un silo ne représentent qu’une faible partie du coût total du démantèlement des installations de production. Dans ces conditions, il n’apparaît pas que législateur de l’Union, qui jouit, comme il ressort de la jurisprudence citée au point 43 du présent arrêt, d’un large pouvoir d’appréciation en matière de politique agricole commune, ait adopté, en ne prévoyant pas que le montant
forfaitaire de l’aide par tonne de quota libéré varie en fonction du fait que l’usine désignée par un producteur pour le démantèlement dispose ou non d’un silo, une mesure manifestement inappropriée par rapport à l’objectif poursuivi, à savoir réduire la production de sucre en vue de rétablir un équilibre sur le marché intérieur.

52 Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que le coût réel du démantèlement, comme plusieurs parties intéressées l’ont observé lors de l’audience, est susceptible d’être, en vérité, très élevé s’agissant des silos en cause au principal, au motif que, dans le cas où ces silos devraient être démantelés, le coût de leur reconstruction serait, pour les producteurs, nettement plus important que celui lié à leur démantèlement. En effet, une telle reconstruction et une telle utilisation des
silos pour la production de sucre seraient inconciliables avec l’obligation, prévue à l’article 3, paragraphes 3, sous a), et 4, sous a), du règlement de base, d’arrêter définitivement et totalement la production de sucre par les installations de production concernées.

53 Au vu de tout ce qui précède, il convient de répondre aux troisième et quatrième questions dans l’affaire C‑188/12 ainsi qu’aux deuxième et troisième questions dans l’affaire C‑189/12 que l’examen de celles-ci n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des articles 3 et 4 du règlement de base et de l’article 4 du règlement d’application.

Sur les dépens

54 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

  1) Les articles 3 et 4 du règlement (CE) no 320/2006 du Conseil, du 20 février 2006, instituant un régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière dans la Communauté européenne et modifiant le règlement (CE) no 1290/2005 relatif au financement de la politique agricole commune, et l’article 4 du règlement (CE) no 968/2006 de la Commission, du 27 juin 2006, portant modalités d’exécution du règlement no 320/2006, doivent être interprétés en ce sens que, aux fins de ces articles, la
notion d’«installations de production» comprend les silos destinés au stockage de sucre du bénéficiaire de l’aide, et cela indépendamment du fait qu’ils sont aussi employés pour d’autres usages. Ne relèvent d’une telle notion ni les silos employés uniquement au stockage de sucre, produit sous quota, entreposé par d’autres producteurs ou acheté à ces derniers, ni ceux utilisés seulement pour le conditionnement ou l’emballage du sucre aux fins de sa commercialisation. Il incombe à la juridiction
nationale d’effectuer une telle appréciation, au cas par cas, au regard des caractéristiques techniques ou de l’usage réel qui est fait des silos concernés.

  2) L’examen des troisième et quatrième questions dans l’affaire C‑188/12 ainsi que des deuxième et troisième questions dans l’affaire C‑189/12 n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des articles 3 et 4 du règlement no 320/2006 et de l’article 4 du règlement no 968/2006.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: l’italien.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-187/12
Date de la décision : 14/11/2013
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle: Consiglio di Stato - Italie.

Renvoi préjudiciel - Règlement (CE) nº 320/2006 - Règlement (CE) nº 968/2006 - Agriculture - Régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière - Conditions pour l’octroi de l’aide à la restructuration - Notions d’’installations de production’ et de ‘démantèlement total’.

Agriculture et Pêche

Sucre


Parties
Demandeurs : SFIR - Società Fondiaria Industriale Romagnola SpA
Défendeurs : AGEA - Agenzia per le Erogazioni in Agricoltura et Ministero delle Politiche agricole, alimentari e forestali (C-187/12), Italia Zuccheri SpA et Co.Pro.B. - Cooperativa Produttori Bieticoli Soc. coop. agricola

Composition du Tribunal
Avocat général : Wathelet
Rapporteur ?: Berger

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2013:737

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