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23/01/2014 | CJUE | N°C‑380/12

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, X BV contre Staatssecretaris van Financiën., 23/01/2014, C‑380/12


ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

23 janvier 2014 ( *1 )

«Positions tarifaires — Terre décolorante — Chapitre 25 de la nomenclature combinée — Position tarifaire 2508 — Notion de ‘produits lavés’ — Élimination d’impuretés sans changer la structure du produit — Chapitre 38 de la nomenclature combinée — Position tarifaire 3802»

Dans l’affaire C‑380/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 13

juillet 2012, parvenue à la Cour le 8 août 2012, dans la procédure

X BV

contre

Staatssecretaris van Fin...

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

23 janvier 2014 ( *1 )

«Positions tarifaires — Terre décolorante — Chapitre 25 de la nomenclature combinée — Position tarifaire 2508 — Notion de ‘produits lavés’ — Élimination d’impuretés sans changer la structure du produit — Chapitre 38 de la nomenclature combinée — Position tarifaire 3802»

Dans l’affaire C‑380/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 13 juillet 2012, parvenue à la Cour le 8 août 2012, dans la procédure

X BV

contre

Staatssecretaris van Financiën,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. A. Rosas, faisant fonction de président de la dixième chambre, MM. D. Šváby et C. Vajda (rapporteur), juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 juillet 2013,

considérant les observations présentées:

— pour X BV, par M. G. van Slooten, belastingadviseur,

— pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et M. Noort, en qualité d’agents,

— pour la Commission européenne, par M. W. Roels et Mme L. Keppenne, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la nomenclature combinée (ci-après la «NC») figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1549/2006 de la Commission, du 17 octobre 2006 (JO L 301, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant X BV (ci-après «X») au Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux finances) au sujet du classement tarifaire au sein de la NC de lots de terre décolorante, un type d’argile utilisée pour la purification et la décoloration d’huiles alimentaires.

Le cadre juridique

Le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises

3 Le Conseil de coopération douanière, devenu l’Organisation mondiale des douanes (OMD), a été institué par la convention portant création dudit conseil, conclue à Bruxelles le 15 décembre 1950. La NC est fondée sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci-après le «SH»), élaboré par l’OMD et institué par la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci-après la «convention sur le SH»), conclue à Bruxelles
le 14 juin 1983 et approuvée, avec son protocole d’amendement du 24 juin 1986, au nom de la Communauté économique européenne, par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO L 198, p. 1).

4 En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la convention sur le SH, chaque partie contractante s’engage à ce que ses nomenclatures tarifaires et statistiques soient conformes au SH, à utiliser toutes les positions et les sous‑positions de celui-ci, sans adjonction ni modification, ainsi que les codes y afférents, et à suivre l’ordre de numérotation dudit système. Chaque partie contractante s’engage également à appliquer les règles générales pour l’interprétation du SH ainsi que toutes les notes de
sections, de chapitres et de sous‑positions du SH et à ne pas modifier la portée de ces derniers.

5 L’OMD approuve, dans les conditions fixées à l’article 8 de la convention sur le SH, les notes explicatives et les avis de classement adoptés par le comité du SH.

6 À la date du dépôt des déclarations d’importation en cause au principal, les notes explicatives du SH relatives à la position 2508 était rédigées comme suit:

«La présente position couvre toutes les matières argileuses naturelles, autres que le kaolin et les autres argiles kaoliniques du no 25.07, constituées par des roches ou terres sédimentaires complexes à base silico-alumineuse, dont les caractéristiques générales essentielles sont la plasticité, la faculté de durcir à la cuisson et la résistance à la chaleur. Ces propriétés en font des matières premières de base de l’industrie céramique (briques, tuiles de construction, porcelaine, faïences,
briques et produits réfractaires, etc.); les argiles communes sont également utilisées pour l’amendement des terres.

[...]

Sont exclues de la présente position:

[...]

b) Les argiles activées (no 38.02).

[...]»

7 Sous le point A, intitulé «Charbons activés; matières minérales naturelles activées», les notes explicatives du SH relatives à la position 3802 indiquaient ce qui suit:

«Un charbon ou une matière minérale sont considérés comme activés lorsque leur structure superficielle a été modifiée par un traitement approprié (thermique, chimique, etc.) afin de les rendre aptes à certaines utilisations telles que la décoloration, l’adsorption de gaz ou d’humidité, la catalyse, l’échange ionique, la filtration.

[...]

Parmi les produits relevant de cette position on peut citer:

[...]

b) Les matières minérales naturelles, activées, telles que:

[...]

3) Les argiles et les terres activées consistent en argiles colloïdales ou en terres argileuses sélectionnées, activées, suivant leur destination, au moyen d’un agent alcalin ou acide, séchées et broyées. Activées par un agent alcalin, ce sont des émulsifiants, des agents de suspension et des agglomérants employés, en particulier, pour la fabrication des produits d’entretien ou, en raison de leur pouvoir gonflant élevé, pour améliorer les sables de moulage en fonderie ou les bancs de forage.
Activées par un acide, elles servent surtout à la décoloration des huiles, graisses ou cires d’origine minérale, végétale ou animale.

[...]

Sont également exclus de la présente position:

a) Les matières minérales naturelles actives de par leur nature (terres à foulon, par exemple) pour autant qu’elles n’ont été soumises à aucun traitement modifiant leur structure superficielle (Chapitre 25).

[...]»

La NC

8 Le classement douanier des marchandises importées dans l’Union européenne est régi par la NC. La version de celle-ci en vigueur à la date des faits au principal est celle résultant du règlement no 1549/2006.

9 L’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement no 2658/87, tel que modifié par le règlement no 1549/2006, est libellé comme suit:

«1.   Les mesures concernant les matières ci-après sont arrêtées selon la procédure définie à l’article 10:

a) application de la [NC] et du [tarif intégré des Communautés européennes (TARIC)] en ce qui concerne notamment:

— le classement des marchandises dans les nomenclatures visées à l’article 8,

— les notes explicatives,

[...]

b) modifications de la [NC] pour tenir compte de l’évolution des besoins en matière de statistiques ou de politique commerciale;

c) modifications de l’annexe II;

d) modifications de la [NC] et adaptations des droits conformément aux décisions arrêtées par le Conseil ou la Commission;

e) modifications de la [NC] visant à adapter celle-ci à l’évolution technologique ou commerciale ou tendant à l’alignement et à la clarification des textes;

f) modifications de la [NC] résultant des amendements de la nomenclature du [SH];

[...]

2.   Les dispositions arrêtées au titre du paragraphe 1 ne peuvent modifier:

— les taux des droits de douane,

[...]»

10 La deuxième partie de la NC, qui contient le tableau des droits de douane, comprend une section V, intitulée «Produits minéraux». Le chapitre 25 qui figure sous cette section est intitulé «Sel; soufre; terres et pierres; plâtres, chaux et ciments». Au sein de ce chapitre 25, la position 2508 de la NC a été modifiée par le règlement no 1549/2006, qui est entré en vigueur au 1er janvier 2007 et est donc applicable aux faits au principal.

11 Avant cette modification, dans sa version issue du règlement (CE) no 1719/2005 de la Commission, du 27 octobre 2005, modifiant l’annexe I du règlement no 2658/87 (JO L 286, p. 1), la position 2508 de la NC comportait une sous-position 2508 20 00 pour les terres décolorantes et les terres à foulon. Le règlement no 1549/2006 a supprimé cette sous-position, de sorte que la position 2508 de la NC était libellée comme suit dans sa version applicable aux faits au principal:

«2508 Autres argiles (à l’exclusion des argiles expansées du no 6806), andalousite, cyanite, sillimanite, même calcinées; mullite; terres de chamotte ou de dinas:

2508 10 00 ‐ Bentonite

2508 30 00 ‐ Argiles réfractaires

2508 40 00 ‐ autres argiles

2508 50 00 ‐ Andalousite, cyanite et sillimanite

2508 60 00 ‐ Mullite

2508 70 00 ‐ Terres de chamotte ou de dinas».

12 La section VI de la NC, intitulée «Produits des industries chimiques ou des industries connexes», comporte un chapitre 38 dénommé «Produits divers des industries chimiques». Tant dans la version issue du règlement no 1719/2005 que dans celle issue du règlement no 1549/2006, la position 3802 de la NC se lit comme suit:

«3802 Charbons activés; matières minérales naturelles activées; noirs d’origine animale, y compris le noir animal épuisé:

3802 10 00 ‐ Charbons activés

3802 90 00 ‐ autres».

13 Le chapitre 25 de la NC comporte une note 1 qui est rédigée comme suit:

«Sauf dispositions contraires et sous réserve de la note 4 ci-après, n’entrent dans les positions du présent chapitre que les produits à l’état brut ou les produits lavés (même à l’aide de substances chimiques éliminant les impuretés sans changer la structure du produit), concassés, broyés, pulvérisés, soumis à la lévigation, criblés, tamisés, enrichis par flottation, séparation magnétique ou autres procédés mécaniques ou physiques (à l’exception de la cristallisation), mais non les produits
grillés, calcinés, résultant d’un mélange ou ayant subi une main-d’œuvre supérieure à celle indiquée dans chaque position.

Les produits du présent chapitre peuvent être additionnés d’une substance antipoussiéreuse, pour autant que cette addition ne rende pas le produit apte à des emplois particuliers plutôt qu’à son emploi général.»

14 La note 4 du chapitre 25 de la NC, à laquelle fait référence ladite note 1, est libellée comme suit:

«Le no 2530 comprend notamment: la vermiculite, la perlite et les chlorites, non expansées; les terres colorantes, même calcinées ou mélangées entre elles; les oxydes de fer micacés naturels; l’écume de mer naturelle (même en morceaux polis); l’ambre (succin) naturel; l’écume de mer et l’ambre reconstitués, en plaquettes, baguettes, bâtons ou formes similaires, simplement moulés; le jais; le carbonate de strontium (strontianite), même calciné, à l’exclusion de l’oxyde de strontium; les débris et
tessons de poterie et les morceaux de brique et blocs de béton brisés.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

15 Les faits pertinents du litige au principal, tels qu’ils ressortent de la décision de renvoi, peuvent être décrits comme suit.

16 Les 2 et 12 février 2007, X, dont le siège est sis à Z, aux Pays-Bas, a déclaré la mise en libre pratique de lots de terre décolorante, sous les dénominations commerciales A et B. Ces produits sont notamment utilisés pour l’épuration et la décoloration d’huiles comestibles.

17 Selon la juridiction de renvoi, la terre décolorante est une sorte d’argile qui, de par sa nature, a une capacité d’adsorption qui la rend notamment apte à l’épuration et à la décoloration d’huiles comestibles. Cette sorte d’argile se compose de cristaux qui sont constitués de lamelles possédant une structure à trois couches. Une couche octaédrique d’aluminium et d’atomes d’oxygène est comprise entre deux couches tétraédriques de silicium et d’atomes d’oxygène. Entre ces lamelles se trouvent des
ions interchangeables. Cette structure est chargée négativement et attire des cations afin de se neutraliser. Dans l’argile à l’état naturel, ces cations se composent d’ions d’hydrogène. L’argile est, sous cette forme, apte à l’épuration et à la décoloration.

18 Dans la nature, certaines altérations se produisent à la suite de pluies acides. L’argile se dégage ainsi de sa masse rocheuse. Cette argile se rassemble dans des bassins, dans lesquels les ions d’hydrogène qu’elle contient sont remplacés par des ions de calcium. Il est question, dans un tel cas de figure, de l’extraction d’un produit naturel, à savoir de l’argile chargée d’ions de calcium. Après extraction, cette argile est traitée à l’acide sulfurique et est ensuite rincée à l’eau. Ce
traitement élimine les ions de calcium des cristaux. Des ions d’hydrogène s’intègrent à leur place dans la structure de l’argile. En conséquence de l’échange des ions, la structure superficielle des lamelles est altérée, en ce sens que l’espace entre les lamelles s’agrandit. Cet agrandissement accroît la capacité d’adsorption de l’argile.

19 Il ressort également de la décision de renvoi qu’il existe de la terre décolorante naturelle qui, en l’absence de traitement à l’acide, a une capacité d’adsorption supérieure à celle des produits en cause au principal.

20 Au cours d’un contrôle, les autorités douanières ont prélevé des échantillons des produits A et B et les ont transmis à leur laboratoire pour un complément d’enquête. Sur la base des résultats de cette enquête, les autorités douanières ont conclu que les produits A et B relevaient non pas de la sous-position tarifaire 2508 40 00 de la NC, «autres argiles», mentionnée dans les déclarations, mais de la sous‑position 3802 90 00 de la NC, «autres», à laquelle correspondait un droit de douane
supérieur de 5,7 %. Les autorités douanières ont donc exigé le paiement de droits de douane plus élevés par deux avis d’imposition datés des 10 avril et 15 juin 2007.

21 X a successivement attaqué ces avis d’imposition auprès des autorités douanières, du Rechtbank te Haarlem et du Gerechtshof te Amsterdam.

22 Dans un arrêt rendu le 23 décembre 2010, le Gerechtshof te Amsterdam a jugé que les produits en cause devaient être classés parmi les «matières minérales activées» relevant de la position 3802 90 00 de la NC, en application de la règle générale d’interprétation no 1 de la NC.

23 Le Gerechtshof te Amsterdam a estimé que le classement de ces produits sous la sous-position 2508 40 00 de la NC parmi les «autres argiles» n’était pas possible, étant donné que le traitement à l’acide appliqué auxdits produits ne saurait constituer un «lavage», au sens de la note 1 du chapitre 25 de la NC, dès lors qu’il ne se limitait pas à éliminer certains éléments de l’argile, mais lui en ajoutait de nouveaux.

24 Par ailleurs, le Gerechtshof te Amsterdam a décidé que les produits en cause pouvaient être considérés comme «activés», au sens de la position 3802 de la NC. Cette juridiction a relevé à cet égard que les notes explicatives du SH relatives à la position 3802 excluent de cette position les matières minérales naturelles actives de par leur nature, telles que les terres à foulon, pour autant qu’elles n’ont été soumises à aucun traitement modifiant leur structure superficielle. Selon lui, il ressort
de ce passage que les matières minérales naturelles qui sont déjà actives de par leur nature peuvent être «activées», au sens de la position 3802 de la NC. En conséquence, le Gerechtshof te Amsterdam a jugé que les produits en cause ont été «activés» nonobstant le fait que l’argile soit déjà active par nature, dès lors que la structure superficielle des lamelles a été altérée par le lavage à l’acide sulfurique et à l’eau de la structure cristalline de l’argile.

25 X s’est pourvue en cassation devant la juridiction de renvoi contre l’arrêt rendu par le Gerechtshof te Amsterdam, précité, et le Staatssecretaris van Financiën a formé un pourvoi incident.

26 La juridiction de renvoi indique que, par son moyen de cassation, X allègue que le Gerechtshof te Amsterdam a commis une erreur de droit en jugeant que les produits en cause relevaient de la position 3802 de la NC, alors que le traitement à l’acide n’avait pas modifié les caractéristiques et les propriétés objectives des produits en cause en tant que produits minéraux actifs, qui relevaient dès lors de la position 2508 de la NC.

27 La juridiction de renvoi considère que, conformément à la note 1 du chapitre 25 de la NC, le lavage des produits n’empêche pas leur classement sous la position 2508 de la NC, même si ce lavage est effectué «à l’aide de substances chimiques éliminant les impuretés sans changer la structure du produit». Néanmoins, la juridiction de renvoi se demande si l’expression «éliminant les impuretés» s’applique à l’élimination, aux fins de renforcer certaines caractéristiques naturelles dudit produit, de
composants chimiques se trouvant dans un produit minéral à l’état brut en raison de circonstances naturelles. La juridiction de renvoi observe que la note 1 du chapitre 25 de la NC n’établit pas clairement si elle vise également le lavage d’un produit minéral à l’état brut aux fins de le débarrasser d’une telle «pollution naturelle», faisant partie du produit minéral lui-même.

28 La juridiction de renvoi ajoute que si les ions de calcium présents dans les produits minéraux au moment de leur extraction devaient être considérés comme des «impuretés», au sens de la note 1 du chapitre 25 de la NC, il conviendrait de déterminer si l’expression «sans changer la structure du produit» peut s’appliquer à un lavage à l’acide sulfurique et à l’eau. Selon la juridiction de renvoi, deux interprétations sont possibles à cet égard.

29 Selon une première interprétation de la note 1 du chapitre 25 de la NC, pour pouvoir être classés sous la position 2508 de celle-ci, les produits en cause devraient avoir conservé, après le lavage, les caractéristiques et les propriétés objectives pertinentes du produit «autres argiles», au sens de ladite position. Selon cette interprétation, il ne ressortirait ni du libellé de la position 2508 de la NC ni des notes explicatives du SH ou de la NC que le niveau de capacité d’adsorption de
l’argile, la quantité d’ions de calcium ou d’ions d’hydrogène présents dans la structure cristalline, ou encore l’espace précis entre les lamelles présentent un quelconque intérêt pour la classification de la terre décolorante sous la position 2508 de la NC.

30 Or, la juridiction de renvoi observe qu’il n’est pas contesté que, au moment de leur extraction, les produits en cause disposent déjà des caractéristiques et des propriétés requises pour être considérés comme «autres argiles», au sens de la position 2508 de la NC, et que, même après le traitement à l’acide sulfurique et à l’eau, ces produits présentent toujours les caractéristiques et les propriétés objectives qui leur permettent d’être classés dans cette position tarifaire. Elle précise qu’il
n’est pas non plus contesté que le traitement à l’acide n’a pas ajouté aux produits en cause de caractéristiques et de propriétés objectives qui les rendraient aptes à d’autres utilisations que celles pour lesquelles la terre décolorante est utilisée de manière générale. Selon la juridiction de renvoi, la seule circonstance que la capacité d’adsorption, caractéristique requise pour le classement sous «autres argiles», au sens de la position 2508 de la NC, ait été accrue n’empêche pas que lesdits
produits restent classés sous cette position, puisque l’importance de cette capacité ne va pas au-delà de la capacité d’adsorption naturelle de la terre décolorante en général.

31 Selon une seconde interprétation de la note 1 du chapitre 25 de la NC, il ne serait pas suffisant que les produits en cause continuent à posséder les caractéristiques et les propriétés objectives requises pour la classification comme «autres argiles» sous la position 2508 de la NC. En effet, devraient être exclus de cette position les produits minéraux qui, après leur extraction, ont subi des traitements chimiques ayant modifié leur structure et composition. Selon cette interprétation, bien que
les ions d’hydrogène ne soient pas naturellement étrangers à des produits tels que la terre décolorante, leur présence après le traitement a pour effet que ceux-ci doivent déjà être considérés comme des «produits divers des industries chimiques», au sens du chapitre 38 de la NC.

32 Eu égard aux considérations qui précèdent, la juridiction de renvoi estime que la classification tarifaire des produits en cause dépend de l’interprétation de dispositions du droit de l’Union, en particulier de la position tarifaire 2508 de la NC et de la note 1 du chapitre 25 de la NC. Le Hoge Raad der Nederlanden a par conséquent décidé de surseoir à statuer et de soumettre à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Les termes ‘éliminant les impuretés’ repris sous la note 1 du chapitre 25 des notes explicatives du SH visent-ils également l’élimination de composants chimiques déterminés qui se trouvent dans un produit minéral à l’état brut en raison de circonstances naturelles, élimination qui vise à renforcer certaines caractéristiques naturelles (spécifiques) du produit minéral qui ont été affaiblies à la suite de telles circonstances naturelles?

2) S’il résulte de la réponse à la première question qu’il s’agit de l’élimination d’impuretés au sens de la note 1 du chapitre 25 des notes explicatives du SH, à la lumière de quels critères convient-il de déterminer si, conformément à la note susmentionnée, une matière minérale telle que la terre décolorante peut, après un rinçage à l’acide sulfurique et à l’eau, rester classée dans la [sous‑]position tarifaire 2508 40 00 de la NC et ne pas être considérée comme un produit de l’industrie
chimique au sens du chapitre 38 du SH?»

Sur les questions préjudicielles

33 À titre liminaire, il y a lieu de relever que les questions posées, bien que se référant formellement à la note 1 du chapitre 25 des notes explicatives du SH, visent à déterminer la portée de la notion de «lavage», au sens de la note 1 du chapitre 25 de la NC, selon laquelle entrent notamment dans les positions dudit chapitre 25 les produits «lavés», «même à l’aide de substances chimiques éliminant les impuretés sans changer la structure du produit».

34 Par ailleurs, il convient de rappeler que, lorsque la Cour est saisie d’un renvoi préjudiciel en matière de classement tarifaire, sa fonction consiste davantage à éclairer la juridiction nationale sur les critères dont la mise en œuvre permettra à cette dernière de classer correctement les produits en cause dans la NC qu’à procéder elle-même à ce classement, et ce d’autant plus qu’elle ne dispose pas nécessairement de tous les éléments indispensables à cet égard. Ainsi, la juridiction nationale
apparaît en tout état de cause mieux placée pour le faire (arrêts du 7 novembre 2002, Lohmann et Medi Bayreuth, C-260/00 à C-263/00, Rec. p. I-10045, point 26; du 22 décembre 2010, Lecson Elektromobile, C-12/10, Rec. p. I-14173, point 15, ainsi que du 22 novembre 2012, Digitalnet e.a., C‑320/11, C‑330/11, C‑382/11 et C‑383/11, point 61).

35 Il appartiendra donc à la juridiction de renvoi de procéder au classement des produits en cause au principal au regard des réponses apportées par la Cour aux questions qu’elle lui a soumises.

Sur la première question

36 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion d’«élimination d’impuretés» visée à la note 1 du chapitre 25 de la NC doit être interprétée en ce sens qu’elle recouvre l’élimination de composants chimiques se trouvant dans un produit minéral à l’état brut en raison de circonstances naturelles, et en vue de renforcer certaines caractéristiques naturelles dudit produit.

37 À titre liminaire, contrairement à ce qu’affirme la requérante au principal, le fait qu’un processus puisse avoir lieu dans des circonstances naturelles n’exclut pas que ce processus puisse constituer un traitement visé à la note 1 du chapitre 25 de la NC et n’implique pas que les produits subissant un tel processus, à l’image des produits en cause au principal, doivent être considérés comme des produits minéraux à l’état brut au sens de ladite note.

38 Afin de déterminer la portée de la notion d’«élimination d’impuretés», au sens de la note 1 du chapitre 25 de la NC, qui fait l’objet de la première question, il convient de rappeler la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle, dans l’intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour le classement tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le
libellé de la position de la NC et des notes de section ou de chapitre (voir, notamment, arrêts du 15 février 2007, RUMA, C-183/06, Rec. p. I-1559, point 27; du 27 septembre 2007, Medion et Canon Deutschland, C-208/06 et C-209/06, Rec. p. I-7963, point 34, ainsi que du 20 juin 2013, Agroferm, C‑568/11, point 27).

39 En outre, la destination du produit peut constituer un critère objectif de classification pour autant qu’elle est inhérente audit produit, l’inhérence devant pouvoir s’apprécier en fonction des caractéristiques et des propriétés objectives de celui-ci (voir arrêts RUMA, précité, point 36; du 29 avril 2010, Roeckl Sporthandschuhe, C-123/09, Rec. p. I-4065, point 28, et Agroferm, précité, point 41).

40 À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que le traitement appliqué aux produits en cause au principal, des lots de terre décolorante, consiste à remplacer des ions de calcium par des ions d’hydrogène dans leur structure afin d’augmenter leur capacité d’adsorption, ce qui les rend aptes à l’épuration et à la décoloration d’huiles comestibles. En outre, il ressort des observations de la Commission lors de l’audience, qui n’a pas été contredite sur ce point, que ce traitement exclut
l’utilisation de la terre décolorante à d’autres fins que celle d’épuration et de décoloration d’huiles comestibles.

41 Dans de telles circonstances, et comme le souligne la Commission, la notion d’«élimination d’impuretés», au sens de la note 1 du chapitre 25 de la NC, doit être interprétée en fonction de la destination inhérente aux produits en cause. Ainsi, l’élimination d’ions de calcium peut être considérée comme une élimination d’impuretés au sens de ladite note 1 dans la mesure où cette élimination améliore la capacité des produits en cause à remplir la destination qui leur est inhérente, à savoir la
décoloration et la purification des huiles comestibles, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

42 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que la notion d’«élimination d’impuretés» visée à la note 1 du chapitre 25 de la NC doit être interprétée en ce sens qu’elle recouvre l’élimination de composants chimiques se trouvant dans un produit minéral à l’état brut en raison de circonstances naturelles, dans la mesure où cette élimination améliore la capacité des produits en cause à remplir la destination qui leur est inhérente, ce qu’il appartient à la juridiction
nationale de vérifier.

Sur la seconde question

43 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la note 1 du chapitre 25 de la NC doit être interprétée en ce sens qu’une matière minérale telle que la terre décolorante peut, après un rinçage à l’acide sulfurique et à l’eau, rester classée dans la sous‑position tarifaire 2508 40 00 de la NC et ne pas être considérée comme un produit de l’industrie chimique au sens du chapitre 38 de la NC.

44 À titre liminaire, il convient de constater, à la lumière de la décision de renvoi et des observations des parties au principal, que la portée de la seconde question posée se limite à la notion de «lavage», au sens de la note 1 du chapitre 25 de la NC, et ne concerne pas les autres traitements qui y sont mentionnés.

45 Il ressort du libellé même de la note 1 du chapitre 25 de la NC que la notion de «lavage» inclut l’élimination d’impuretés à l’aide de substances chimiques sans changer la structure du produit.

46 Or, selon la décision de renvoi et les observations des parties intéressées, le traitement en cause au principal implique l’utilisation de substances chimiques, et plus particulièrement d’acide sulfurique, ce qu’il appartient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier. Dès lors, à supposer que ledit traitement entraîne l’élimination d’impuretés, ce qu’il appartient également à la juridiction nationale de vérifier à la lumière de la réponse apportée à la première question posée, le critère
permettant de déterminer si, en application de la note 1 du chapitre 25 de la NC, les produits en cause doivent rester classés dans la position tarifaire 2508 de la NC réside dans un éventuel changement de leur structure.

47 À cet égard, force est de constater que le libellé de la note 1 du chapitre 25 de la NC ne fournit aucune indication sur la notion de «structure» du produit en cause.

48 Toutefois, les notes explicatives du SH, en dépit de leur absence de force contraignante, constituent des instruments importants aux fins d’assurer une application uniforme du tarif douanier commun et fournissent, en tant que telles, des éléments valables pour son interprétation (arrêts du 18 juin 2009, Kloosterboer Services, C-173/08, Rec. p. I-5347, point 25, et Agroferm, précité, point 28).

49 À cet égard, les notes explicatives du SH relatives à la position 3802 précisent qu’«un charbon ou une matière minérale sont considérés comme activés lorsque leur structure superficielle a été modifiée par un traitement approprié (thermique, chimique, etc.) afin de les rendre aptes à certaines utilisations telles que la décoloration, l’adsorption de gaz ou d’humidité, la catalyse, l’échange ionique, la filtration». Ces mêmes notes ajoutent que sont exclues de la position 3802 «les matières
minérales naturelles actives de par leur nature (terres à foulon, par exemple) pour autant qu’elles n’ont été soumises à aucun traitement modifiant leur structure superficielle (Chapitre 25)».

50 Par conséquent, et comme le relève justement la Commission, la note 1 du chapitre 25 de la NC, interprétée à la lumière des notes explicatives du SH relatives à la position 3802, exclut que des produits ayant subi un traitement modifiant leur structure superficielle soient classés dans la position tarifaire 2508 de la NC, de sorte que ceux-ci doivent être classés dans la position tarifaire 3802 de la NC.

51 Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si les produits en cause au principal ont subi un traitement ayant entraîné une telle modification de leur structure superficielle.

52 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que la note 1 du chapitre 25 de la NC doit être interprétée en ce sens que des produits ayant subi un traitement impliquant l’utilisation de substances chimiques et entraînant l’élimination d’impuretés ne peuvent être classés dans la position tarifaire 2508 de la NC que si ledit traitement n’a pas modifié leur structure superficielle, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de déterminer.

Sur les dépens

53 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit:

  1) La notion d’«élimination d’impuretés» visée à la note 1 du chapitre 25 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, tel que modifié par le règlement (CE) no 1549/2006 de la Commission, du 17 octobre 2006, doit être interprétée en ce sens qu’elle recouvre l’élimination de composants chimiques se trouvant dans un produit minéral à l’état brut en raison
de circonstances naturelles, dans la mesure où cette élimination améliore la capacité des produits en cause à remplir la destination qui leur est inhérente, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

  2) La note 1 du chapitre 25 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement no 2658/87, tel que modifié par le règlement no 1549/2006, doit être interprétée en ce sens que des produits ayant subi un traitement impliquant l’utilisation de substances chimiques et entraînant l’élimination d’impuretés ne peuvent être classés dans la position tarifaire 2508 de cette nomenclature combinée que si ledit traitement n’a pas modifié leur structure superficielle, ce qu’il appartient à la
juridiction nationale de déterminer.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: le néerlandais.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C‑380/12
Date de la décision : 23/01/2014
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden.

Positions tarifaires – Terre décolorante – Chapitre 25 de la nomenclature combinée – Position tarifaire 2508 – Notion de ‘produits lavés’ – Élimination d’impuretés sans changer la structure du produit – Chapitre 38 de la nomenclature combinée – Position tarifaire 3802.

Union douanière

Libre circulation des marchandises

Tarif douanier commun


Parties
Demandeurs : X BV
Défendeurs : Staatssecretaris van Financiën.

Composition du Tribunal
Avocat général : Wahl
Rapporteur ?: Vajda

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2014:21

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