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03/04/2014 | CJUE | N°C-319/13

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Udo Rätzke contre S+K Handels GmbH., 03/04/2014, C-319/13


ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

3 avril 2014 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Énergie — Indication, par voie d’étiquetage, de la consommation d’énergie des téléviseurs — Règlement délégué (UE) no 1062/2010 — Responsabilités des distributeurs — Téléviseur fourni au distributeur sans cette étiquette, avant le début d’application du règlement — Obligation pour le distributeur d’étiqueter, à partir du début d’application du règlement, un tel téléviseur et de se procurer une étiquette postérieurement»

Dans l’affair

e C‑319/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le...

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

3 avril 2014 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Énergie — Indication, par voie d’étiquetage, de la consommation d’énergie des téléviseurs — Règlement délégué (UE) no 1062/2010 — Responsabilités des distributeurs — Téléviseur fourni au distributeur sans cette étiquette, avant le début d’application du règlement — Obligation pour le distributeur d’étiqueter, à partir du début d’application du règlement, un tel téléviseur et de se procurer une étiquette postérieurement»

Dans l’affaire C‑319/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Thüringer Oberlandesgericht (Allemagne), par décision du 5 juin 2013, parvenue à la Cour le 11 juin 2013, dans la procédure

Udo Rätzke

contre

S+K Handels GmbH,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, M. K. Lenaerts (rapporteur), vice-président de la Cour, MM. J. L. da Cruz Vilaça, G. Arestis et J.‑C. Bonichot, juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

— pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et B. Beutler, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. A. De Stefano, avvocato dello Stato,

— pour la Commission européenne, par Mmes K. Herrmann et B. Eggers, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, sous a), du règlement délégué (UE) no 1062/2010 de la Commission, du 28 septembre 2010, complétant la directive 2010/30/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’indication, par voie d’étiquetage, de la consommation d’énergie des téléviseurs (JO L 314, p. 64, ci-après le «règlement délégué»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Rätzke à S+K Handels GmbH (ci-après «S+K»), concurrente de M. Rätzke dans le domaine de la commercialisation des appareils électriques, et notamment des téléviseurs, au sujet d’une action en cessation fondée sur la loi allemande relative à la concurrence déloyale.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2010/30/UE

3 Le considérant 19 de la directive 2010/30/UE du Parlement européen et du Conseil, du 19 mai 2010, concernant l’indication, par voie d’étiquetage et d’informations uniformes relatives aux produits, de la consommation en énergie et en autres ressources des produits liés à l’énergie (JO L 153, p. 1), énonce:

«Il convient d’habiliter la Commission à adopter des actes délégués conformément à l’article 290 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en ce qui concerne l’étiquetage et les informations uniformes relatives à la consommation en énergie et en autres ressources essentielles des produits liés à l’énergie pendant leur utilisation. Il est particulièrement important que la Commission procède aux consultations appropriées tout au long de son travail préparatoire, y compris au niveau des
experts.»

4 Le considérant 25 de cette directive indique:

«Lorsqu’ils mettent en œuvre les dispositions de la présente directive, les États membres devraient s’efforcer de s’abstenir d’adopter des mesures qui pourraient entraîner des obligations administratives inutilement lourdes pour les acteurs du marché concerné, en particulier les petites et moyennes entreprises [PME].»

5 L’article 2 de ladite directive, intitulé «Définitions», indique:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[...]

g) ‘distributeur’, un détaillant ou toute autre personne qui vend, loue, offre en location-vente ou expose des produits à destination de l’utilisateur final;

h) ‘fournisseur’, le fabricant ou son représentant agréé dans l’Union ou l’importateur qui met le produit sur le marché ou le met en service dans l’Union. En leur absence, toute personne physique ou morale qui met sur le marché ou met en service des produits relevant de la présente directive est considérée comme un fournisseur;

i) ‘mise sur le marché’, la première mise à disposition sur le marché de l’Union d’un produit en vue de sa distribution ou de son utilisation dans l’Union, à titre onéreux ou gratuit, indépendamment de la technique de vente mise en œuvre;

[...]»

6 L’article 5 de la même directive, intitulé «Responsabilités des fournisseurs», prévoit:

«Les États membres veillent à ce que:

a) les fournisseurs qui mettent sur le marché ou qui mettent en service les produits régis par un acte délégué fournissent une étiquette et une fiche conformément à la présente directive et à l’acte délégué;

[...]

d) les fournisseurs fournissent gratuitement aux distributeurs les étiquettes nécessaires, en ce qui concerne l’étiquetage et les informations relatives aux produits.

Sans préjudice de la possibilité de choisir leur système de livraison des étiquettes, les fournisseurs livrent rapidement les étiquettes aux distributeurs qui en font la demande;

[...]»

7 L’article 6 de la directive 2010/30, intitulé «Responsabilités des distributeurs», dispose:

«Les États membres veillent à ce que:

a) les distributeurs apposent correctement, de façon visible et lisible, les étiquettes et qu’ils incluent la fiche dans la brochure relative au produit ou dans les autres documents fournis avec le produit au moment de sa vente à l’utilisateur final;

b) les distributeurs apposent, chaque fois qu’un produit régi par un acte délégué est exposé, une étiquette appropriée à l’emplacement bien visible prévu dans l’acte délégué applicable et dans la langue appropriée.»

8 L’article 10 de ladite directive, intitulé «Actes délégués», prévoit à ses paragraphes 1 à 3:

«1.   La Commission définit les spécifications relatives à l’étiquette et à la fiche au moyen d’actes délégués conformément aux articles 11, 12 et 13, pour chaque type de produit conformément au présent article.

Le produit qui satisfait aux critères énoncés au paragraphe 2 est régi par un acte délégué conformément au paragraphe 4.

Les dispositions des actes délégués concernant les informations figurant sur l’étiquette et dans la fiche, relatives à la consommation du produit en énergie ou en autres ressources essentielles pendant son utilisation, permettent aux utilisateurs finals d’effectuer leur achat en meilleure connaissance de cause et aux autorités de surveillance du marché de vérifier si les produits satisfont aux informations fournies.

Lorsqu’un acte délégué prévoit des dispositions concernant à la fois l’efficacité énergétique et la consommation du produit en ressources essentielles, le dessin et le contenu de l’étiquette mettent en évidence l’efficacité énergétique du produit.

2.   Les critères visés au paragraphe 1 sont les suivants:

a) les produits doivent avoir un potentiel élevé d’économies d’énergie et, le cas échéant, d’autres ressources essentielles, compte tenu des chiffres disponibles les plus récents et des quantités mises sur le marché de l’Union;

b) les produits disponibles sur le marché présentant des fonctionnalités équivalentes doivent avoir des niveaux de performances pertinents très variés;

c) la Commission tient compte de la législation de l’Union et des mesures d’autorégulation pertinentes, telles que les accords volontaires, qui visent à atteindre les objectifs stratégiques plus rapidement ou à un moindre coût que des exigences contraignantes.

3.   Lorsqu’elle élabore un projet d’acte délégué, la Commission:

[...]

d) fixe la ou les dates d’application, les mesures ou périodes transitoires ou mises en œuvre par étapes, compte tenu notamment des conséquences éventuelles pour les PME, ou pour des groupes de produits spécifiques essentiellement fabriqués par des PME.»

9 Les articles 11, 12 et 13 de la directive 2010/30 établissent le cadre dans lequel les actes délégués conformément à l’article 290, paragraphe 2, TFUE sont adoptés. L’article 11 de cette directive règle la durée de l’exercice de la délégation par la Commission et oblige celle-ci à présenter un rapport relatif aux pouvoirs délégués au plus tard six mois avant la fin d’une période de cinq ans à compter du 19 juin 2010. Il impose par ailleurs à la Commission de notifier au Parlement européen et au
Conseil de l’Union européenne tout acte délégué dès son adoption. L’article 12 de ladite directive concerne la possibilité de révocation de la délégation et l’article 13 de la même directive la procédure à suivre par le Parlement et le Conseil pour formuler des objections aux actes délégués.

10 L’article 16 de la directive 2010/30, intitulé «Transposition», énonce à son paragraphe 1:

«Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 20 juin 2011. Ils en informent immédiatement la Commission.

Ils appliquent ces dispositions à partir du 20 juillet 2011.

[...]»

11 L’article 18 de ladite directive, intitulé «Entrée en vigueur», prévoit:

«La présente directive entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

L’article 5, points d), g) et h), est applicable à compter du 31 juillet 2011.»

Le règlement délégué

12 Le considérant 3 du règlement délégué énonce:

«Il convient d’instaurer des dispositions harmonisées concernant l’indication de l’efficacité énergétique et de la consommation des téléviseurs par voie d’étiquetage et d’informations uniformes relatives aux produits, afin d’inciter les fabricants à améliorer l’efficacité énergétique des téléviseurs, d’encourager les utilisateurs finaux à acheter des modèles économes en énergie, de réduire la consommation d’électricité de ces produits et de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur.»

13 Le considérant 9 de ce règlement dispose:

«Afin d’encourager la fabrication de téléviseurs économes en énergie, les fournisseurs qui souhaitent mettre sur le marché des téléviseurs qui peuvent satisfaire aux exigences correspondant aux classes d’efficacité énergétique plus élevées doivent être autorisés à fournir des étiquettes comportant ces classes, avant la date prévue pour l’indication obligatoire desdites classes.»

14 L’article 3 dudit règlement, intitulé «Responsabilités des fournisseurs», prévoit:

«1.   Les fournisseurs veillent à ce que:

a) chaque téléviseur soit fourni avec une étiquette imprimée conforme au dessin et aux critères de contenu indiqués à l’annexe V;

[...]

3.   Le dessin de l’étiquette fixé à l’annexe V est appliqué conformément au calendrier suivant:

a) pour les téléviseurs mis sur le marché à compter du 30 novembre 2011, les étiquettes pour téléviseurs avec les classes d’efficacité énergétique:

i) A, B, C, D, E, F et G sont conformes au point 1 de l’annexe V ou, lorsque les fournisseurs le jugent approprié, au point 2 de ladite annexe;

ii) A+ sont conformes au point 2 de l’annexe V;

iii) A++ sont conformes au point 3 de l’annexe V;

iv) A+++ sont conformes au point 4 de l’annexe V;

b) pour les téléviseurs mis sur le marché à compter du 1er janvier 2014 sous les classes d’efficacité énergétique A+, A, B, C, D, E, F, les étiquettes sont conformes au point 2 de l’annexe V ou, lorsque les fournisseurs le jugent approprié, au point 3 de cette annexe;

c) pour les téléviseurs mis sur le marché à compter du 1er janvier 2017 sous les classes d’efficacité énergétique A++, A+, A, B, C, D, E, les étiquettes sont conformes au point 3 de l’annexe V ou, lorsque les fournisseurs le jugent approprié, au point 4 de cette annexe;

d) pour les téléviseurs mis sur le marché à compter du 1er janvier 2020 sous les classes d’efficacité énergétique A+++, A++, A+, A, B, C, D, les étiquettes sont conformes au point 4 de l’annexe V.»

15 L’article 4 du même règlement, intitulé «Responsabilités des distributeurs», indique:

«Les distributeurs veillent à ce que:

a) chaque téléviseur, dans le point de vente, porte l’étiquette remise par les fournisseurs conformément à l’article 3, paragraphe 1, sur la face avant du téléviseur, de manière clairement visible;

[...]»

16 L’article 9 du règlement délégué, intitulé «Entrée en vigueur», prévoit:

«Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

Il s’applique à compter du 30 novembre 2011. [...]

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.»

Le droit allemand

17 L’article 3, paragraphe 1, de la loi relative à la concurrence déloyale (Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb), dans sa version applicable au litige au principal (BGBl. 2010 I, p. 254, ci-après l’«UWG»), prévoit:

«Des pratiques commerciales déloyales sont illégales lorsqu’elles sont susceptibles d’affecter sensiblement les intérêts des concurrents, des consommateurs ou d’autres opérateurs du marché.»

18 L’article 4 de l’UWG indique:

«Exemples de pratiques commerciales déloyales

Commet un acte de concurrence déloyale, notamment, quiconque

[...]

11.   enfreint une disposition légale qui est, entre autres, destinée à réglementer le comportement sur le marché dans l’intérêt des opérateurs du marché.»

19 L’article 5a, paragraphes 2 et 4, de l’UWG est libellé comme suit:

«(2)   Commet un acte de concurrence déloyale quiconque influence la liberté de décision de consommateurs au sens de l’article 3, paragraphe 2, en omettant une information qui est importante dans le contexte factuel précis, compte tenu des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé.

[...]

(4)   Sont également considérées comme importantes au sens du paragraphe 2 des informations dont les consommateurs ne doivent pas être privés en vertu de règlements communautaires ou de dispositions transposant des directives communautaires en matière de communication commerciale, notamment de publicité et de marketing.»

20 L’article 8, paragraphe 1, première phrase, de l’UWG est rédigé comme suit:

«Il est possible d’intenter une action en suppression de l’état de fait illicite ou, en cas de risque de récidive, en cessation contre quiconque commet un acte commercial illicite au sens des articles 3 et 7.»

Les faits au principal et la question préjudicielle

21 Le 20 janvier 2012, S+K a proposé à la vente, dans sa vitrine, un téléviseur qui ne portait pas l’étiquette relative à la consommation énergétique prévue à l’annexe V du règlement délégué. Le téléviseur avait été livré par son fabricant, Haier Deutschland GmbH, à un grossiste, ElectronicPartner Handel SE, lequel l’a, à son tour, livré à S+K le 20 mai 2011. Le 20 janvier 2012, ce type de téléviseur était encore fabriqué.

22 À la suite d’un avertissement émis par M. Rätzke, S+K a introduit une action déclaratoire négative qui, à son tour, a été suivie d’une action reconventionnelle de M. Rätzke visant à faire interdire à cette société de proposer à la vente des téléviseurs ne portant pas l’étiquette prévue à l’annexe V du règlement délégué.

23 Cette action reconventionnelle est fondée sur les articles 3, paragraphe 1, 4, point 11, et 8, paragraphe 1, de l’UWG et soulève la question de savoir si S+K était tenue d’étiqueter, conformément à l’article 4, sous a), du règlement délégué, le téléviseur qui lui avait été livré le 20 mai 2011 sans étiquette.

24 Le Landgericht Mühlhausen a rejeté ladite action reconventionnelle au motif que les téléviseurs livrés avant le 30 novembre 2011 sans l’étiquette en cause et conformément à la situation légale prévalant avant cette date ne devaient pas davantage être munis d’une telle étiquette après le 30 novembre 2011.

25 Saisie d’un appel formé contre le jugement de ladite juridiction, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation de l’article 4, sous a), du règlement délégué, qui constitue, selon elle, une règle de comportement sur le marché, au sens de l’article 4 de l’UWG. À cet égard, elle relève que les termes «remise par» employés à l’article 4, sous a), du règlement délégué pourraient suggérer que le distributeur ne se trouve soumis à une obligation d’étiquetage des téléviseurs à compter du
30 novembre 2011 que si le fournisseur a livré ces téléviseurs avec une étiquette conformément à l’obligation qui lui incombait à compter de cette même date. Cependant, la finalité de l’obligation d’étiquetage, telle qu’énoncée au considérant 3 du règlement délégué, pourrait, selon elle, plaider en faveur d’une obligation d’étiquetage, à compter du 30 novembre 2011, pour tout téléviseur exposé par les distributeurs, y compris pour ceux livrés avant cette date. M. Rätzke estime qu’il serait
possible de déduire de la connexité avec l’article 5, sous d), de la directive 2010/30, que les fournisseurs sont tenus de remettre des étiquettes gratuitement et sans délai dans tous les cas, c’est-à-dire également pour les appareils livrés avant le 30 novembre 2011, afin que les distributeurs puissent se conformer à leur obligation d’étiquetage à compter de cette même date.

26 Dans ces conditions, le Thüringer Oberlandesgericht a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 4, sous a), du règlement délégué [...] doit-il être interprété en ce sens

— que le distributeur n’a une obligation d’étiquetage des téléviseurs (à compter du 30 novembre 2011) que si, conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous a), dudit règlement (à compter du 30 novembre 2011) le fournisseur a déjà livré ces téléviseurs avec une étiquette conforme,

— ou bien, le distributeur a-t-il aussi une obligation d’étiquetage (à compter du 30 novembre 2011) pour les téléviseurs que le fournisseur a livrés, avant le 30 novembre 2011, sans étiquette conforme, de telle sorte qu’il est tenu de demander (à temps, après coup) des étiquettes pour de tels téléviseurs?»

Sur la question préjudicielle

27 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, sous a), du règlement délégué doit être interprété en ce sens que l’obligation pour les distributeurs de veiller à ce que chaque téléviseur, dans le point de vente, porte une étiquette fournissant des renseignements sur l’efficacité énergétique de l’appareil ne s’applique qu’aux téléviseurs mis sur le marché à compter du 30 novembre 2011.

28 À cet égard, il convient, comme l’ont avancé les parties intéressées, d’effectuer une analyse globale des obligations en matière d’étiquetage de téléviseurs imposées aux distributeurs ainsi qu’aux fournisseurs par le règlement délégué, en tenant compte de son économie, notamment, à la lumière des dispositions de la directive 2010/30.

29 En effet, l’article 4, sous a), du règlement délégué impose aux distributeurs d’apposer sur chaque téléviseur l’étiquette remise par les fournisseurs «conformément à l’article 3, paragraphe 1», de ce règlement.

30 Par ailleurs, l’article 4 du règlement délégué, contrairement à l’article 3 de celui-ci, ne contient pas de calendrier autonome concernant son application ratione temporis. Or, en vertu de l’article 6, sous b), de la directive 2010/30, l’obligation d’étiquetage imposée aux distributeurs ne porte que sur les produits régis par un acte délégué, et l’article 10, paragraphe 3, sous d), de la même directive précise que cet acte délégué détermine le champ d’application ratione temporis de la
responsabilité en matière d’étiquetage. En effet, il prévoit que la Commission, lorsqu’elle élabore un projet d’acte délégué, «fixe la ou les dates d’application, les mesures ou périodes transitoires ou mises en œuvre par étapes, compte tenu notamment des conséquences éventuelles pour les PME, ou pour des groupes de produits spécifiques essentiellement fabriqués par des PME».

31 Par conséquent, compte tenu du fait que l’article 4 du règlement délégué ne contient pas de calendrier autonome, mais renvoie à l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement, régissant les responsabilités des fournisseurs, le champ d’application ratione temporis de l’article 4 du règlement délégué correspond à celui de l’article 3 de ce dernier. Ainsi, l’obligation d’un distributeur d’apposer des étiquettes est accessoire à l’obligation du fournisseur de remettre les étiquettes correspondantes.

32 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 3, paragraphe 3, du règlement délégué, en conformité avec le champ d’application ratione temporis dudit règlement, qui, en vertu de l’article 9 de celui-ci, s’applique à compter du 30 novembre 2011, ne contient aucune exigence pour les téléviseurs mis sur le marché avant cette date. En effet, cette disposition régit précisément les exigences applicables à des «téléviseurs mis sur le marché à compter du 30 novembre 2011», et ensuite
progressivement, à compter du 1er janvier 2014, du 1er janvier 2017 et du 1er janvier 2020.

33 Il résulte de ce qui précède que, ainsi que les parties intéressées l’ont avancé, pour répondre à la question préjudicielle, il convient d’interpréter les termes «mis sur le marché» utilisés à l’article 3, paragraphe 3, sous a), du règlement délégué.

34 Selon l’article 2, sous i), de la directive, on entend par «‘mise sur le marché’, la première mise à disposition sur le marché de l’Union d’un produit en vue de sa distribution ou de son utilisation dans l’Union, à titre onéreux ou gratuit, indépendamment de la technique de vente mise en œuvre». Dès lors, la première mise à disposition sur le marché est décisive, indépendamment du mode de distribution.

35 Ainsi, l’obligation d’étiquetage ne s’impose aux distributeurs qu’en ce qui concerne les téléviseurs mis à disposition sur le marché de l’Union à compter du 30 novembre 2011, c’est-à-dire transmis à la chaîne de vente par le fabricant à compter de cette date.

36 Une telle approche, qui repose sur la prise en compte de l’économie de l’article 4, sous a), du règlement délégué, n’est pas remise en cause par une interprétation téléologique de ladite disposition.

37 Certes, ainsi que la juridiction de renvoi l’a relevé, une imposition de l’obligation d’étiquetage des téléviseurs qui ont été livrés avant le 30 novembre 2011 serait susceptible d’encourager les utilisateurs finaux à acheter des modèles économes en énergie, conformément à l’objectif poursuivi par le règlement délégué au sens des considérants 3 et 9 de celui-ci.

38 Toutefois, l’effet incitatif susmentionné s’avère limité dans la mesure où la mise à disposition desdits téléviseurs est intervenue au cours d’une période relativement brève.

39 Par ailleurs, l’effet limité d’une obligation d’étiquetage pesant également sur les téléviseurs livrés avant le 30 novembre 2011 serait hors de proportion avec la charge administrative que la mesure entraînerait pour les fournisseurs et les distributeurs. En particulier, les PME se trouveraient contraintes de demander au fabricant des étiquettes énergie pour tous les téléviseurs déjà livrés avant le 30 novembre 2011. Or, selon le considérant 25 de la directive 2010/30, il convient de s’abstenir
d’adopter des mesures qui pourraient entraîner des obligations administratives inutilement lourdes pour les acteurs du marché concernés, en particulier les PME.

40 S’agissant de l’article 5, sous d), de la directive 2010/30, cette disposition ne saurait, contrairement à ce qui a été soutenu par M. Rätzke devant la juridiction de renvoi, sous-tendre un autre résultat. En effet, elle ne régit ni les circonstances dans lesquelles la fourniture des étiquettes est nécessaire ni le cadre temporel de cette obligation, question sur laquelle cette directive, plus particulièrement son article 10, paragraphe 3, sous d), renvoie aux dispositions d’un acte délégué. Or,
l’acte délégué en cause a clairement défini le champ d’application ratione temporis de l’obligation d’étiquetage en ne faisant porter le règlement délégué que sur les téléviseurs mis sur le marché pour la première fois à compter du 30 novembre 2011.

41 Partant, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 4, sous a), du règlement délégué doit être interprété en ce sens que l’obligation pour les distributeurs de veiller à ce que chaque téléviseur, dans le point de vente, porte l’étiquette remise par les fournisseurs, conformément à l’article 3, paragraphe 1, dudit règlement, ne s’applique qu’aux téléviseurs qui ont été mis sur le marché, c’est-à-dire transmis pour la première fois par le fabricant en vue de leur distribution dans la
chaîne de vente, à compter du 30 novembre 2011.

Sur les dépens

42 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

  L’article 4, sous a), du règlement délégué (UE) no 1062/2010 de la Commission, du 28 septembre 2010, complétant la directive 2010/30/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’indication, par voie d’étiquetage, de la consommation d’énergie des téléviseurs, doit être interprété en ce sens que l’obligation pour les distributeurs de veiller à ce que chaque téléviseur, dans le point de vente, porte l’étiquette remise par les fournisseurs, conformément à l’article 3, paragraphe 1,
dudit règlement, ne s’applique qu’aux téléviseurs qui ont été mis sur le marché, c’est-à-dire transmis pour la première fois par le fabricant en vue de leur distribution dans la chaîne de vente, à compter du 30 novembre 2011.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-319/13
Date de la décision : 03/04/2014
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Thüringer Oberlandesgericht.

Renvoi préjudiciel – Énergie – Indication, par voie d’étiquetage, de la consommation d’énergie des téléviseurs – Règlement délégué (UE) nº 1062/2010 – Responsabilités des distributeurs – Téléviseur fourni au distributeur sans cette étiquette, avant le début d’application du règlement – Obligation pour le distributeur d’étiqueter, à partir du début d’application du règlement, un tel téléviseur et de se procurer une étiquette postérieurement.

Environnement

Énergie


Parties
Demandeurs : Udo Rätzke
Défendeurs : S+K Handels GmbH.

Composition du Tribunal
Avocat général : Szpunar
Rapporteur ?: Lenaerts

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2014:210

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