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06/11/2014 | CJUE | N°C-108/13

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Mac GmbH contre Ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt., 06/11/2014, C-108/13


ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

6 novembre 2014 ( *1 )

«Libre circulation des marchandises — Restrictions quantitatives — Mesures d’effet équivalent — Produits phytosanitaires — Autorisation de mise sur le marché — Importation parallèle — Exigence d’une autorisation de mise sur le marché délivrée conformément à la directive 91/414/CEE dans l’État d’exportation»

Dans l’affaire C‑108/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’Éta

t (France), par décision du 28 décembre 2012, parvenue à la Cour le 6 mars 2013, dans la procédure

Mac GmbH

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ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

6 novembre 2014 ( *1 )

«Libre circulation des marchandises — Restrictions quantitatives — Mesures d’effet équivalent — Produits phytosanitaires — Autorisation de mise sur le marché — Importation parallèle — Exigence d’une autorisation de mise sur le marché délivrée conformément à la directive 91/414/CEE dans l’État d’exportation»

Dans l’affaire C‑108/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 28 décembre 2012, parvenue à la Cour le 6 mars 2013, dans la procédure

Mac GmbH

contre

Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. A. Rosas, E. Juhász, D. Šváby (rapporteur) et C. Vajda, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 mars 2014,

considérant les observations présentées:

— pour Mac GmbH, par Me M. Le Berre, avocat,

— pour le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, par M. I. Chalkias et Mme E. Chroni, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement français, par MM. S. Menez et D. Colas, en qualité d’agents,

— pour la Commission européenne, par MM. G. Wilms et P. Ondrůšek, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 mai 2014,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 34 TFUE et 36 TFUE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mac GmbH (ci‑après «Mac») au ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt au sujet du refus de ce dernier d’autoriser la mise sur le marché en France, à titre d’importation parallèle, d’un produit phytopharmaceutique bénéficiant d’une telle autorisation au Royaume‑Uni.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 La directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1, et rectificatif JO 1992, L 170, p. 40) met en place des règles uniformes concernant les conditions et les procédures d’autorisation de mise sur le marché (ci-après l’«AMM») des produits phytopharmaceutiques ainsi que de leur révision et de leur retrait. Elle vise non seulement à harmoniser les règles relatives aux conditions et aux procédures d’agrément
desdits produits, mais aussi à assurer un niveau élevé de protection de la santé des personnes et des animaux ainsi que de l’environnement contre les menaces et les risques induits par un usage mal contrôlé de ces produits. Ladite directive vise, en outre, à écarter les entraves à la libre circulation de ceux-ci.

4 La directive 91/414 concerne, notamment, l’autorisation, la mise sur le marché, l’utilisation et le contrôle à l’intérieur de l’Union européenne de produits phytopharmaceutiques présentés sous leur forme commerciale. En vertu de l’article 2, point 10, de cette directive, on entend par «mise sur le marché» toute remise à titre onéreux ou gratuit autre que la remise pour le stockage et l’expédition consécutive en dehors du territoire de la Communauté. L’importation d’un produit phytopharmaceutique
sur ce territoire est censée constituer une mise sur le marché au sens de ladite directive.

5 Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 91/414:

«Les États membres prescrivent que les produits phytopharmaceutiques ne peuvent être mis sur le marché et utilisés sur leur territoire que lorsqu’ils ont autorisé le produit en cause, conformément aux dispositions de la présente directive [...]»

6 L’article 4 de cette directive énonce, notamment, les conditions que doit remplir un produit phytopharmaceutique pour pouvoir être autorisé. En vertu de ce même article, les autorisations doivent préciser les exigences relatives à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits et ne sont accordées que pour une durée déterminée, ne dépassant pas dix ans, qui est fixée par les États membres. Elles peuvent être réexaminées à tout moment et doivent, sous certaines conditions, être annulées.
Lorsqu’un État membre retire une AMM, il en informe immédiatement le détenteur.

7 L’article 9 de la directive 91/414 dispose:

«1.   La demande d’autorisation d’un produit pharmaceutique doit être introduite par le responsable de sa première mise sur le marché sur le territoire d’un État membre ou pour le compte de ce dernier, auprès des autorités compétentes de chacun des États membres dans lesquels il doit être mis sur le marché.

[...]

5.   Les États membres veillent à ce qu’un dossier soit constitué sur chaque demande. Chaque dossier doit comporter au moins une copie de la demande, une liste des décisions administratives prises par l’État membre au sujet de la demande ainsi qu’au sujet des indications et de la documentation prévues à l’article 13 paragraphe 1, en même temps qu’un résumé de cette dernière. Les États membres mettent, sur demande, à la disposition des autres États membres et de la Commission, les dossiers prévus
par le présent paragraphe; ils leur communiquent, à leur demande, tous les renseignements nécessaires à la pleine compréhension des demandes et veillent, lorsque cela est requis, à ce que les demandeurs fournissent un exemplaire de la documentation technique prévue à l’article 13 paragraphe 1 point a).»

8 Un État membre dans lequel est présentée une demande d’autorisation d’un produit phytopharmaceutique déjà autorisé dans un autre État membre doit, en vertu de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 91/414, s’abstenir, sous certaines conditions et sauf exception, d’exiger la répétition des tests et des analyses déjà effectués.

9 Conformément à l’article 12 de la directive 91/414:

«1.   Au moins à la fin de chaque trimestre, les États membres informent par écrit, dans le délai d’un mois, les autres États membres et la Commission de tous les produits phytopharmaceutiques autorisés ou retirés, conformément aux dispositions de la présente directive, en indiquant au moins:

— le nom ou la raison sociale du détenteur de l’autorisation,

— le nom commercial du produit phytopharmaceutique,

— le type de préparation,

— le nom et la teneur de chaque substance active qu’il contient,

— le ou les usages auxquels il est destiné,

— les teneurs maximales en résidus provisoirement déterminées si elles ne le sont pas déjà par la réglementation communautaire,

— le cas échéant, les raisons du retrait de l’autorisation,

— le dossier nécessaire pour l’évaluation des limites maximales de résidus provisoirement fixées.

2.   Chaque État membre établit une liste annuelle des produits phytopharmaceutiques autorisés sur son territoire, qu’il communique aux autres États membres et à la Commission.

Selon la procédure prévue à l’article 21, un système normalisé d’information est créé pour faciliter l’application des dispositions des paragraphes 1 et 2.»

10 La directive 91/414 a été remplacée, avec effet au 14 juin 2011, par le règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CE et 91/414 du Conseil (JO L 309, p. 1). Les faits à la base de l’affaire au principal s’étant déroulés avant l’adoption du règlement no 1107/2009, celui-ci n’est pas applicable au litige au principal.

Le droit français

11 En vertu de l’article L. 253‑1 du code rural, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée dans l’affaire au principal:

«I. Sont interdites la mise sur le marché, l’utilisation et la détention par l’utilisateur final des produits phytopharmaceutiques s’ils ne bénéficient pas d’une [AMM] ou d’une autorisation de distribution pour expérimentation délivrée dans les conditions prévues au présent chapitre.

L’utilisation des produits mentionnés au premier alinéa dans des conditions autres que celles prévues dans la décision d’autorisation est interdite.

II. Au sens du présent chapitre, on entend par

1° Produits phytopharmaceutiques: les préparations contenant une ou plusieurs substances actives [...].

2° Mise sur le marché: toute remise à titre onéreux ou gratuit autre qu’une remise pour stockage et expédition consécutive en dehors du territoire de la Communauté européenne. L’importation d’un produit phytopharmaceutique constitue une mise sur le marché.

[...]»

12 L’article R. 253‑52 du code rural, dans sa version en vigueur à la date des faits au principal prévoit:

«L’introduction sur le territoire national d’un produit phytopharmaceutique en provenance d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen dans lequel il bénéficie déjà d’une [AMM] délivrée conformément à la directive 91/414[...] et identique à un produit dénommé ci-après le ‘produit de référence’, est autorisée dans les conditions suivantes:

Le produit de référence doit bénéficier d’une [AMM] délivrée par le ministre chargé de l’agriculture [...]

L’identité du produit introduit sur le territoire national avec le produit de référence est appréciée au regard des trois critères suivants:

1° Origine commune des deux produits en ce sens qu’ils ont été fabriqués suivant la même formule, par la même société ou par des entreprises liées ou travaillant sous licence;

2° Fabrication en utilisant la ou les mêmes substances actives;

3° Effets similaires des deux produits compte tenu des différences qui peuvent exister au niveau des conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales, notamment climatiques, liées à l’utilisation des produits.»

13 Aux termes de l’article R. 253‑53 dudit code:

«L’introduction sur le territoire national d’un produit phytopharmaceutique provenant d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen doit faire l’objet d’une demande d’[AMM].

Un arrêté du ministre chargé de l’agriculture, pris après avis des ministres chargés de l’industrie, de la consommation, de l’environnement et de la santé, fixe la liste des informations à fournir à l’appui de la demande, notamment celles relatives au demandeur de l’autorisation et au produit objet de la demande.

En outre, pour établir l’identité entre le produit introduit sur le territoire national et le produit de référence, le ministre chargé de l’agriculture peut:

1° Utiliser les informations contenues dans le dossier du produit de référence;

2° Demander au détenteur de l’autorisation du produit de référence de lui fournir les renseignements dont il dispose;

3° Demander des renseignements aux autorités de l’État qui a autorisé le produit faisant l’objet de l’introduction sur le territoire national ainsi que le prévoient les dispositions de l’article 9, paragraphe 5, de la directive 91/414.»

14 Aux termes de l’article R. 253‑55 du même code:

«L’[AMM] du produit introduit sur le territoire national peut être refusée [...]:

1° Pour des motifs tirés de la protection de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement;

2° Pour défaut d’identité, au sens de l’article R. 253‑52 avec le produit de référence [...]

Préalablement à un refus [...] d’[AMM], le demandeur [...] de l’autorisation est mis en mesure de présenter ses observations au ministre chargé de l’agriculture.»

Les faits au principal et la question préjudicielle

15 À l’époque des faits en cause au principal, le produit phytopharmaceutique Cerone bénéficiait d’une AMM en France, délivrée à Bayer Cropscience France, conformément aux dispositions de la directive 91/414. Il ressort également du dossier que ce produit bénéficiait d’une AMM au Royaume-Uni, délivrée conformément aux dispositions de la directive 91/414 à Bayer Cropscience Ltd.

16 La commercialisation d’un produit sous le nom «Agrotech Ethephon» a ensuite été autorisée au Royaume-Uni au titre de l’importation parallèle, en utilisant l’AMM au Royaume-Uni délivrée à Bayer Cropscience Ltd pour Cerone en tant que produit de référence.

17 Mac a introduit, le 27 novembre 2007, une demande d’autorisation d’importation parallèle en France du produit Agrotech Ethephon en vue de le commercialiser dans cet État membre sous la dénomination «Mac Ethephone».

18 Le 20 février 2008, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) a adopté un avis favorable à cette demande, en relevant que «les informations disponibles permettent de conclure que la substance active de la préparation Agrotech Ethephon a la même origine que celle de la préparation de référence Cerone et que les compositions intégrales de la préparation Agrotech Ethephon et de la préparation de référence Cerone peuvent être considérées comme identiques».

19 Par décision du 29 mai 2009, le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt a rejeté ladite demande au motif que le produit dénommé «Agrotech Etephon» ne bénéficiait pas, au Royaume‑Uni, d’une AMM délivrée conformément à la directive 91/414, contrairement à ce qui est prescrit à l’article R. 253‑52 du code rural.

20 Mac a introduit, le 21 juillet 2009, un recours en annulation contre ladite décision, en soutenant, notamment, que les dispositions de l’article R. 253‑52 du code rural étaient incompatibles avec l’article 34 TFUE en tant qu’elles ne permettaient pas de délivrer une autorisation d’importation parallèle à un produit qui bénéficie déjà d’une telle autorisation dans l’État d’exportation.

21 Par ordonnance du 16 février 2011, le président du tribunal administratif de Paris a transmis la requête au Conseil d’État.

22 Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les articles 34 TFUE et 36 TFUE s’opposent-ils à une réglementation nationale qui soumet notamment la délivrance d’une autorisation de mise sur le marché à titre d’importation parallèle à un produit phytopharmaceutique à la condition que le produit concerné bénéficie, dans l’État d’exportation, d’une [AMM] délivrée conformément à la directive 91/414/CEE, et ne permet pas, en conséquence, la délivrance d’une autorisation de mise sur le marché à titre d’importation parallèle à un produit qui
bénéficie, dans l’État d’exportation, d’une [AMM] à titre d’importation parallèle et qui est identique à un produit autorisé dans l’État d’importation?»

Sur la question préjudicielle

23 Par sa question, le Conseil d’État demande, en substance, si les articles 34 TFUE et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui exclut la délivrance d’une autorisation d’importation parallèle à un produit phytopharmaceutique qui ne bénéficie pas, dans l’État membre d’exportation, d’une AMM délivrée sur le fondement de la directive 91/414, alors que ce produit bénéficie d’une autorisation d’importation parallèle et est identique à un produit
autorisé dans l’État membre d’importation.

24 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que des produits phytopharmaceutiques sont considérés comme identiques s’ils ont, à tout le moins, une origine commune en ce sens qu’ils ont été fabriqués par la même société ou par une entreprise liée ou travaillant sous licence suivant la même formule; qu’ils ont été fabriqués en utilisant la même substance active, et qu’ils ont en outre les mêmes effets compte tenu des différences qui peuvent exister sur le plan des conditions agricoles,
phytosanitaires et environnementales, notamment climatiques, intéressant l’utilisation du produit (voir, en ce sens, arrêt Commission/France, C‑201/06, EU:C:2008:104, point 39).

25 Selon le principe de base en la matière, tout produit phytopharmaceutique mis sur le marché d’un État membre doit être autorisé par les autorités compétentes de cet État membre. L’article 3, paragraphe 1, de la directive 91/414 prévoit ainsi qu’aucun produit phytopharmaceutique ne peut être mis sur le marché et utilisé dans un État membre sans qu’une AMM ait été délivrée au préalable par cet État membre, conformément à cette directive. Une telle exigence vaut même lorsque le produit concerné
bénéficie déjà d’une AMM dans un autre État membre (arrêt Commission/France, C‑201/06, EU:C:2008:104, point 31).

26 Toutefois, s’agissant des importations parallèles, la directive 91/414 ne prévoit pas les conditions d’autorisation d’un produit phytopharmaceutique qui fait l’objet d’une importation parallèle par rapport à un produit phytopharmaceutique bénéficiant déjà d’une AMM dans l’État membre d’importation délivrée selon les dispositions de cette directive. Une telle situation relève néanmoins des dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, de telle sorte que la légalité des mesures
nationales restreignant les importations parallèles doit être examinée au regard des articles 34 TFUE et suivants (voir arrêts Escalier et Bonnarel, C‑260/06 et C‑261/06, EU:C:2007:659, point 28, ainsi que Commission/France, EU:C:2008:104, point 33).

27 À cet égard, la Cour a déjà jugé que, lorsqu’une telle opération porte sur un produit phytopharmaceutique déjà autorisé conformément à la directive 91/414 dans l’État membre d’exportation et dans l’État membre d’importation, ce produit ne peut être considéré comme étant mis pour la première fois sur le marché de l’État membre d’importation. Il n’est donc pas nécessaire, pour protéger la santé humaine et animale ou l’environnement, de soumettre les importateurs parallèles à la procédure d’AMM
prévue par cette directive étant donné que les autorités compétentes de l’État membre d’importation disposent déjà de toutes les informations indispensables à l’exercice de leur contrôle. Le fait de soumettre le produit d’importation à la procédure d’AMM irait au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de ladite directive tenant à la protection de la santé publique et animale ainsi que de l’environnement et risquerait de se heurter, sans justification, au principe de libre
circulation des marchandises énoncé à l’article 34 TFUE (voir arrêts British Agrochemicals Association, C‑100/96, EU:C:1999:129, point 32, et Commission/France, EU:C:2008:104, point 34).

28 Dans l’hypothèse où un produit phytopharmaceutique doit être considéré comme ayant déjà été autorisé dans l’État membre d’importation, les autorités compétentes de cet État doivent faire bénéficier le produit concerné de l’AMM délivrée conformément à la directive 91/414 au produit phytopharmaceutique déjà présent sur le marché, à moins que des considérations tirées de la protection efficace de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement ne s’y opposent (voir arrêts British
Agrochemicals Association, EU:C:1999:129, point 36, et Commission/France, EU:C:2008:104, point 35).

29 Toutefois, un produit phytopharmaceutique introduit sur le territoire d’un État membre au moyen d’une importation parallèle ne saurait bénéficier ni de manière automatique ni de manière absolue et inconditionnelle de l’AMM délivrée à un produit phytopharmaceutique déjà présent sur le marché de cet État. Au cas où un produit d’importation ne pourrait être considéré comme ayant déjà été autorisé dans l’État membre d’importation, ce dernier ne pourrait délivrer une AMM pour ce produit que dans le
respect des conditions énoncées par la directive 91/414 ou interdire sa mise sur le marché et son utilisation (voir, en ce sens, arrêt Commission/France, EU:C:2008:104, point 36 et jurisprudence citée).

30 Il résulte de ce qui précède que les États membres sont obligés de soumettre à une procédure d’examen les produits phytopharmaceutiques dont l’importation parallèle sur leur territoire est sollicitée, celle-ci pouvant, comme dans l’affaire au principal, revêtir la forme d’une procédure dite «simplifiée». Cette procédure simplifiée d’autorisation d’importation parallèle vise à vérifier si le produit à importer nécessite une AMM ou s’il doit être considéré comme ayant déjà été autorisé dans l’État
membre d’importation. À cet égard, il appartient aux autorités compétentes de l’État membre d’importation d’examiner, sur demande des intéressés, si elles peuvent faire bénéficier le produit concerné d’une AMM délivrée au profit d’un produit phytopharmaceutique déjà présent sur le marché de cet État (voir, en ce sens, arrêts Escalier et Bonnarel, EU:C:2007:659, point 32, ainsi que Commission/France, EU:C:2008:104, point 37).

31 La circonstance que le produit phytopharmaceutique dispose dans l’État membre d’exportation non pas d’une AMM délivrée conformément à la directive 91/414, mais d’une autorisation d’importation parallèle n’est pas de nature à exclure la délivrance d’une autorisation d’importation parallèle sur la base de la procédure simplifiée de contrôle décrite ci‑dessus.

32 Ladite procédure simplifiée repose, en effet, sur l’idée que, si le produit à importer peut être considéré comme identique, dans le sens mentionné au point 24 du présent arrêt, à celui de référence et qu’aucune raison tirée de la protection de la santé humaine ou animale et de l’environnement ne s’oppose à ce qu’il bénéficie de l’AMM délivrée pour ce dernier produit, soumettre l’importation à la condition que le produit à importer fasse l’objet d’une procédure d’examen au titre de l’article 4 de
la directive 91/414 constituerait une restriction aux échanges entre États membres interdite par l’article 34 TFUE.

33 Dans l’hypothèse où l’identité entre le produit à importer et celui de référence ne pourrait toutefois pas être établie, les autorités de l’État membre d’importation ne pourraient autoriser l’importation de ce produit que dans le respect des conditions énoncées par la directive 91/414 ou interdire sa mise sur le marché et son utilisation (voir, en ce sens, arrêt Commission/France, EU:C:2008:104, point 36 et jurisprudence citée).

34 Certes, comme le gouvernement français le fait valoir à juste titre, cette vérification n’est possible que si les autorités de l’État membre d’importation disposent de toutes les informations nécessaires à cette fin.

35 Toutefois, il y a lieu de relever à cet égard, en premier lieu, que les produits qui ont obtenu une autorisation d’importation parallèle délivrée par un État membre sur la base de la procédure de contrôle simplifiée offrent, en principe, les mêmes garanties que ceux qui bénéficient d’une AMM délivrée conformément à la directive 91/414. Certes, ils n’ont pas fait l’objet d’une procédure d’AMM sur le fondement des dispositions de cette directive dans l’État membre où ils ont été importés
parallèlement. Toutefois, ils ont été jugés identiques, dans le sens mentionné au point 24 du présent arrêt, à un produit de référence ayant reçu une AMM dans cet État membre et les autorités de contrôle de l’État membre d’importation finale disposent des informations recueillies lors de la délivrance de l’AMM au produit dont l’importateur parallèle prétend qu’il est identique à celui qu’il entend mettre sur le marché de cet État membre.

36 En deuxième lieu, ainsi que la Cour l’a déjà souligné, les autorités de l’État membre d’importation disposent de moyens législatifs et administratifs susceptibles de contraindre le fabricant, son représentant agréé ou le détenteur de licence du produit phytopharmaceutique qui bénéficie déjà d’une AMM délivrée conformément à la directive 91/414 à fournir les renseignements dont ils disposent et qu’elles estiment nécessaires. Elles peuvent, en outre, avoir recours au dossier déposé dans le cadre de
la demande d’AMM de ce produit et demander des renseignements aux autorités de l’État membre dans lequel le produit a été autorisé à titre d’importation parallèle (voir arrêt British Agrochemicals Association, EU:C:1999:129, point 34). Ainsi, l’article 9, paragraphe 5, de la directive 91/414 prévoit que les États membres mettent, sur demande, à la disposition des autres États membres les dossiers qu’ils sont tenus de constituer sur chaque demande d’autorisation en leur communiquant tous les
renseignements nécessaires à leur pleine compréhension.

37 Lorsque ce produit a été autorisé uniquement à titre d’importation parallèle, de tels renseignements peuvent porter tant sur ledit produit que sur celui qui a servi de produit de référence aux fins de l’importation parallèle. Des informations peuvent également être obtenues, dans le cadre du système d’échange d’informations prévu à l’article 12 de la directive 91/414, de l’État membre d’où le produit a été exporté pour la première fois et où il bénéficie d’une AMM délivrée conformément à la
directive 91/414.

38 En outre, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 52 et 55 de ses conclusions, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, où un produit qui dispose, dans un État membre, d’une AMM délivrée conformément à la directive 91/414 est réimporté parallèlement dans cet État après avoir été importé parallèlement dans un autre État membre, les informations nécessaires afin d’effectuer les vérifications requises dans le cadre de la procédure de contrôle simplifiée,
notamment celles relatives à ses coformulants ainsi qu’à son conditionnement, à son étiquetage et à son emballage, devraient être plus faciles à repérer, étant donné que le produit de référence dans l’État membre de destination finale coïncide avec celui qui a fait l’objet de la première exportation.

39 Or, s’il appartient aux autorités nationales de veiller au strict respect de l’objectif essentiel de la réglementation de l’Union, à savoir la sauvegarde de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement, le principe de proportionnalité exige, pour protéger la libre circulation des marchandises, que la réglementation en cause soit appliquée dans la limite de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de protection de l’environnement et de la santé humaine et animale légitimement
poursuivis (voir arrêt Escalier et Bonnarel, EU:C:2007:659, point 37).

40 Par conséquent, une interdiction absolue d’importation parallèle de produits phytopharmaceutiques ayant fait l’objet d’une importation parallèle dans l’État membre d’exportation, telle que celle en vigueur dans l’affaire au principal, fondée sur une prétendue insuffisance systématique des données qui peuvent être mises à la disposition de l’État d’importation ou sur la simple possibilité d’une telle insuffisance ne saurait être justifiée dans les cas de réimportation parallèle.

41 Ce n’est que lorsque, à l’issue de la procédure de contrôle, les autorités de l’État membre d’importation finale devaient conclure, sur la base des éléments mis à leur disposition, que le produit à autoriser a subi, lors de précédentes importations parallèles, des changements tels qu’il ne peut plus être considéré comme un produit identique, dans le sens mentionné au point 24 du présent arrêt, au produit de référence autorisé dans l’État membre de destination finale ou lorsqu’elles devaient
estimer que les données disponibles ne sont pas suffisantes à établir son identité avec le produit de référence ou encore lorsque des considérations tirées de la protection efficace de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement s’y opposent, qu’elles seraient justifiées à rejeter la demande d’autorisation à l’importation.

42 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que les articles 34 TFUE et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui exclut la délivrance d’une autorisation d’importation parallèle pour un produit phytopharmaceutique qui ne bénéficie pas, dans l’État membre d’exportation, d’une AMM délivrée sur le fondement de la directive 91/414, alors que ce produit bénéficie d’une autorisation d’importation parallèle et
peut être considéré comme identique à un produit bénéficiant d’une AMM délivrée conformément à cette directive dans l’État membre d’importation.

Sur les dépens

43 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

  Les articles 34 TFUE et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui exclut la délivrance d’une autorisation d’importation parallèle pour un produit phytopharmaceutique qui ne bénéficie pas, dans l’État membre d’exportation, d’une autorisation de mise sur le marché délivrée sur le fondement de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, alors que ce produit bénéficie
d’une autorisation d’importation parallèle et peut être considéré comme identique à un produit bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché délivrée conformément à cette directive dans l’État membre d’importation.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-108/13
Date de la décision : 06/11/2014
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Conseil d'État (France).

Libre circulation des marchandises – Restrictions quantitatives – Mesures d’effet équivalent – Produits phytosanitaires – Autorisation de mise sur le marché – Importation parallèle – Exigence d’une autorisation de mise sur le marché délivrée conformément à la directive 91/414/CEE dans l’État d’exportation.

Agriculture et Pêche

Mesures d'effet équivalent

Législation phytosanitaire

Restrictions quantitatives

Libre circulation des marchandises


Parties
Demandeurs : Mac GmbH
Défendeurs : Ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi
Rapporteur ?: Šváby

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2014:2346

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