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26/07/2017 | CJUE | N°C-61/16

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, European Bicycle Manufacturers Association (EBMA) contre Giant (China) Co. Ltd., 26/07/2017, C-61/16


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 26 juillet 2017 ( 1 )

Affaire C‑61/16 P

European Bicycle Manufacturers Association (EBMA)

contre

Giant (China) Co. Ltd

« Pourvoi – Dumping – Règlement (UE) no 502/2013 – Importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine – Règlement (CE) no 1225/2009 – Article 18, paragraphe 1 – Coopération – Notion d’“informations nécessaires” – Demande de traitement individuel – Risque de contourn

ement »

I. Introduction

1. La présente affaire a trait à un pourvoi introduit par European Bicycle Manufacturers Association (EBMA), une ...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 26 juillet 2017 ( 1 )

Affaire C‑61/16 P

European Bicycle Manufacturers Association (EBMA)

contre

Giant (China) Co. Ltd

« Pourvoi – Dumping – Règlement (UE) no 502/2013 – Importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine – Règlement (CE) no 1225/2009 – Article 18, paragraphe 1 – Coopération – Notion d’“informations nécessaires” – Demande de traitement individuel – Risque de contournement »

I. Introduction

1. La présente affaire a trait à un pourvoi introduit par European Bicycle Manufacturers Association (EBMA), une association représentant des intérêts des producteurs de bicyclettes européens. Dans son pourvoi, EBMA demande à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 novembre 2015, Giant (China)/Conseil ( 2 ) (ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a annulé le règlement (UE) no 502/2013 du Conseil, du 29 mai 2013 ( 3 ) (ci-après le « règlement litigieux »), pour
autant qu’il concernait le producteur de bicyclettes chinois Giant (China) Co. Ltd. (ci-après « Giant »).

2. EBMA, soutenue par le Conseil de l’Union européenne et par la Commission européenne (ci-après, prises conjointement, les « institutions »), conteste, en substance, la conclusion tirée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, selon laquelle aucun des éléments invoqués par le Conseil ne lui permettait de refuser, dans le règlement litigieux, d’appliquer un droit antidumping individuel à Giant.

3. La présente affaire offre à la Cour l’occasion de fournir des clarifications sur l’application de l’article 18 du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne ( 4 ) (ci-après le « règlement de base »), disposition qui règle le défaut de coopération des parties intéressées aux enquêtes antidumping, et, plus spécifiquement, sur la notion
d’« information nécessaire » telle que prévue au paragraphe 1 de cet article.

II. Le cadre juridique

4. Aux termes de l’article 2, paragraphes 8 et 9, du règlement de base, qui concernent la détermination du prix à l’exportation :

«8.   Le prix à l’exportation est le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l’exportation vers la Communauté.

9.   Lorsqu’il n’y a pas de prix à l’exportation ou lorsqu’il apparaît que le prix à l’exportation n’est pas fiable en raison de l’existence d’une association ou d’un arrangement de compensation entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers, le prix à l’exportation peut être construit sur la base du prix auquel les produits importés sont revendus pour la première fois à un acheteur indépendant ou, si les produits ne sont pas revendus à un acheteur indépendant ou ne sont pas revendus dans
l’état où ils ont été importés, sur toute autre base raisonnable. »

5. Aux termes de l’article 18 du règlement de base :

« 1.   Lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais prévus par le présent règlement ou fait obstacle de façon significative à l’enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, peuvent être établies sur la base des données disponibles. S’il est constaté qu’une partie concernée a fourni un renseignement faux ou trompeur, ce renseignement n’est pas pris en considération et il peut être fait usage des données
disponibles. Les parties intéressées doivent être informées des conséquences d’un défaut de coopération.

[…]

3.   Lorsque les informations présentées par une partie concernée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités.

[…] »

III. Les antécédents du litige et le règlement litigieux

A. La procédure ayant amené à l’adoption du règlement litigieux

6. Les antécédents du litige sont exposés en détail aux points 1 à 25 de l’arrêt attaqué auxquels je renvoie. Pour les besoins de la présente procédure, je me limite à rappeler que le 9 mars 2012, la Commission a annoncé l’ouverture d’office d’un réexamen intermédiaire des mesures antidumping qu’elle avait imposées (et réexaminées à plusieurs reprises) sur les importations dans l’Union de bicyclettes originaires de Chine ( 5 ).

7. Parmi les groupes de producteurs-exportateurs chinois ayant déclaré avoir réalisé des exportations vers l’Union au cours de la période d’enquête (comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2011), figurait le groupe auquel appartient Giant (ci-après le « groupe Giant »).

8. Une des sociétés appartenant au groupe Giant était la société Shanghai Giant & Phoenix Bicycle Co. Ltd (ci-après « GP »), une coentreprise formée entre le groupe Giant et Jinshan Development and Construction (ci-après « Jinshan ») ( 6 ). GP ayant cessé toute activité en septembre 2011 et étant en liquidation, le groupe Giant a demandé à la Commission qu’elle soit exclue de l’enquête.

9. Le 15 mai 2012, la Commission a envoyé à Giant le formulaire de demande de statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché (ci-après le « statut de SEM »), conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base. Elle l’a également informée que, si elle souhaitait obtenir le statut de SEM, chacune des sociétés liées situées en Chine devait remplir un formulaire de demande de statut de SEM, y compris GP, étant donné que cette société produisait des
bicyclettes et était le plus grand exportateur du groupe Giant vers l’Union au cours de la période d’enquête.

10. Dans le cadre de plusieurs échanges de correspondance intervenus au cours de l’enquête, la Commission a, en substance, informé Giant qu’elle considérait que, par l’intermédiaire de GP, le groupe Giant était lié au groupe auquel appartenait Jinshan (ci-après le « groupe Jinshan »), dont les principaux investissements portaient sur la fabrication et la vente de bicyclettes. Ainsi, selon la Commission, Giant devait également retourner le formulaire de demande de statut de SEM et les réponses au
questionnaire antidumping pour les entités appartenant au groupe Jinshan. La Commission a en outre informé Giant que, en l’absence de présentation de ces formulaires et questionnaires, elle appliquerait l’article 18 du règlement de base et rejetterait la demande de statut de SEM présentée par le groupe Giant ( 7 ).

11. Au cours de l’enquête, Giant a soumis les formulaires de demande de statut de SEM pour six sociétés appartenant à son groupe, dont GP, et a ensuite envoyé les réponses au questionnaire antidumping pour onze sociétés de son groupe, dont GP, participant à la production et à l’exportation du produit concerné ainsi que pour six filiales de vente établies sur le territoire de l’Union. Toutefois, elle a, à plusieurs reprises, indiqué que, en raison du fait qu’elle n’était que très indirectement liée à
Jinshan par l’intermédiaire de GP, elle n’était pas tenue, ni n’avait la possibilité, de présenter une demande de statut de SEM et de compléter le questionnaire antidumping pour Jinshan et ses filiales ( 8 ).

12. Le 23 octobre 2012, la Commission a informé Giant que, n’ayant pas reçu une demande de statut de SEM pour les sociétés appartenant au groupe Jinshan, il lui était impossible d’examiner le fond de sa demande de statut de SEM. En conséquence, la Commission a décidé d’appliquer l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base et de ne pas tenir compte des informations dans son ensemble présentées par Giant relativement à sa demande de statut de SEM.

13. Le 21 mars 2013, la Commission a informé Giant qu’elle avait l’intention d’appliquer ledit article 18, paragraphe 1, et d’établir ses conclusions sur la base des données disponibles également aux fins de la détermination du prix à l’exportation, étant donné que, en l’absence d’informations complètes sur toutes les parties liées à GP, il était impossible d’effectuer des calculs adéquats et fiables concernant le prix à l’exportation et donc de déterminer une marge individuelle de dumping pour GP
et, partant, pour le groupe Giant dans son ensemble.

B. Le règlement litigieux

14. Le 5 juin 2013, le Conseil a adopté le règlement litigieux. Aux considérants 63 et 64 de ce règlement, le Conseil a rejeté la demande de statut de SEM présentée par le groupe Giant en raison du caractère largement insuffisant de la réponse envoyée par ce groupe aux demandes d’informations de la Commission. Le Conseil a indiqué que le refus de Giant de fournir tous les renseignements nécessaires sur la structure de son groupe avait conduit à l’application de l’article 18, paragraphe 1, du
règlement de base et au rejet de ladite demande.

15. Ensuite, aux considérants 131 à 141 du règlement litigieux, le Conseil a également indiqué que l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base avait été appliqué pour déterminer le prix à l’exportation de Giant.

16. Le Conseil a exposé que Giant avait refusé de fournir aux services de la Commission les renseignements nécessaires sur la structure du groupe et des informations essentielles sur la production, le volume des ventes et les prix à l’exportation vers l’Union du produit concerné réalisés par le groupe Jinshan pendant la période d’enquête. L’enquête avait confirmé qu’une des filiales du groupe Giant ‐ à savoir GP ‐ était liée, à travers un actionnariat commun et des liens étroits structurels et de
direction, au groupe Jinshan et que ce dernier participait à la production et aux ventes du produit concerné en Chine. En raison de l’absence de retour du formulaire de demande de statut de SEM et de réponse au questionnaire antidumping pour les sociétés appartenant au groupe Jinshan, le Conseil n’avait pas pu déterminer dans quelle mesure la production et les ventes du produit concerné de ce groupe avaient eu une incidence sur la détermination du prix à l’exportation en ce qui concerne GP et,
par voie de conséquence, pour Giant en tant que groupe. Selon le Conseil, il avait donc été impossible d’effectuer des calculs complets et fiables concernant le prix à l’exportation et donc de déterminer une marge individuelle pour GP et, partant, pour le groupe Giant dans son ensemble ( 9 ).

17. En réponse à l’argument de Giant selon lequel, en tout état de cause, il n’y avait aucun risque de contournement d’éventuelles mesures antidumping, étant donné que GP, qui constituait le seul lien entre les deux groupes, avait cessé toute activité en septembre 2011, le Conseil a relevé que, à la fin de la période d’enquête, GP existait toujours en tant qu’entité et que, par conséquent, l’activité de production aurait pu reprendre à tout moment dans le futur ( 10 ).

18. Le règlement litigieux a ainsi maintenu pour Giant le taux de droit antidumping définitif de 48,5 % applicable à tous les producteurs-exportateurs chinois n’ayant pas reçu un traitement individuel.

IV. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

19. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 août 2013, Giant a introduit un recours tendant à l’annulation du règlement litigieux. À l’appui de son recours, Giant a invoqué huit moyens. Dans l’arrêt attaqué, toutefois, le Tribunal a examiné seulement trois moyens ( 11 ).

20. À titre liminaire, le Tribunal a relevé que le Conseil avait refusé d’octroyer un traitement individuel à Giant en se fondant sur deux éléments : d’une part, l’absence d’informations complètes sur toutes les parties liées à GP ‐ spécifiquement les sociétés du groupe Jinshan ‐, qui rendait, à son avis, impossible de déterminer le prix à l’exportation du groupe Giant et, ainsi, une marge antidumping individuelle pour ce groupe ; d’autre part, l’existence d’un risque inhérent de contournement des
mesures antidumping. Dans ces conditions, le Tribunal a décidé d’analyser tout d’abord les moyens concernant ces deux aspects.

21. En ce qui concerne le premier aspect, le Tribunal a constaté que, sur la base des renseignements fournis par Giant, le Conseil disposait des informations nécessaires pour calculer un prix à l’exportation fiable pour le groupe Giant et, partant, pour établir une marge de dumping et un droit antidumping individuels pour ce groupe. Selon le Tribunal, c’est donc à tort que le Conseil a appliqué l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base à Giant et qu’il a fondé ses conclusions au regard de la
détermination du prix à l’exportation du groupe Giant sur la base des données disponibles ( 12 ). Le Tribunal a ensuite rejeté les arguments avancés par le Conseil pour soutenir que, lors de la procédure, Giant avait fourni des informations fausses ou trompeuses ( 13 ).

22. En ce qui concerne le second aspect, le Tribunal a considéré que, dans les circonstances du cas d’espèce, le Conseil ne pouvait pas invoquer un risque de contournement pour justifier le refus d’appliquer un droit antidumping individuel à Giant ( 14 ).

23. Le Tribunal a ainsi conclu qu’aucun des éléments invoqués par le Conseil ne lui permettait de refuser le bénéfice d’un traitement individuel à Giant et a, par conséquent, annulé le règlement litigieux en ce qui concernait ce producteur-exportateur, sans examiner les autres moyens soulevés par elle.

V. Les conclusions des parties

24. Par son pourvoi, EBMA demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de statuer au fond et de rejeter le recours en annulation ou de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur le fond du recours en annulation. EBMA demande égalemen à la Cour et de condamner Giant aux dépens encourus aux fins du pourvoi et de son intervention devant le Tribunal.

25. Giant demande à la Cour de déclarer le pourvoi manifestement irrecevable et/ou manifestement dépourvu de fondement et, par conséquent, de le rejeter dans son intégralité par voie d’ordonnance motivée, en toute hypothèse, de rejeter le pourvoi en tant qu’irrecevable et/ou dépourvu de fondement et de condamner EBMA aux dépens de la présente procédure.

26. Dans leurs mémoires en réponse, présentés au titre de l’article 172 du règlement de procédure de la Cour, le Conseil et la Commission demandent à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de statuer au fond et de rejeter le recours en annulation ou de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur le fond du recours en annulation. Ils demanden enfin de condamner Giant aux dépens exposés par lesdites deux institutions devant le Tribunal et la Cour.

VI. Analyse

27. À l’appui de son pourvoi, EBMA soulève trois moyens, auxquels se rallient le Conseil et la Commission.

28. Les deux premiers moyens, qu’il convient d’analyser conjointement, sont tirés de plusieurs erreurs de droit dans l’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base. Dans ce contexte, EBMA reproche également au Tribunal d’avoir outrepassé son pouvoir de contrôle juridictionnel. Par son troisième moyen, EBMA soutient que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans son analyse concernant l’absence de risque de contournement.

A. Sur les premier et deuxième moyens

1.   Résumé de l’argumentation des parties

29. Par ses deux premiers moyens, EBMA, soutenue par les institutions, conteste l’analyse du Tribunal, contenue aux points 56 à 78 de l’arrêt attaqué. Dans le cadre de ces deux moyens, EBMA avance, en substance, quatre griefs dont les trois premiers sont tirés d’une mauvaise application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base et dont le quatrième ( 15 ) est tiré de ce que le Tribunal aurait outrepassé son pouvoir de contrôle juridictionnel.

30. En premier lieu, EBMA reproche au Tribunal d’avoir appliqué une analyse juridique erronée dans son appréciation de l’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base faite par le Conseil dans le règlement litigieux.

31. Selon EBMA, les institutions peuvent recourir aux « données disponibles » aux termes de l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base de trois manières : «globalement», au regard de la totalité des informations et données fournies par une partie ; au regard d’un ensemble complet d’informations ou de données, tel qu’une demande de statut SEM ou une demande de traitement individuel ; ou uniquement au regard de certains aspects d’un ensemble d’informations ou de données.

32. Or, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal partirait de la prémisse erronée selon laquelle le Conseil a appliqué l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base au prix à l’exportation de Giant (situation correspondant au deuxième des trois cas de figure décrits au point précédent). En revanche, le Conseil aurait appliqué « globalement » l’article 18 au groupe Giant en raison du refus de fournir des informations complètes concernant sa structure, et concernant notamment tous les rapports existant,
par l’intermédiaire de GP, entre les sociétés du groupe Giant et celles du groupe Jinshan. Ce refus aurait empêché les institutions d’obtenir une image précise de l’identité de la partie qui coopérait.

33. La Commission se rallie à ce grief et soutient que le Tribunal a interprété de manière erronée le règlement litigieux en considérant que l’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base portait non pas sur la détermination du périmètre du véritable exportateur, mais sur la question ultérieure de la détermination du prix à l’exportation.

34. En deuxième lieu, EBMA reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans l’appréciation de la coopération de Giant, au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base. Le Tribunal aurait dû considérer que Giant n’avait pas coopéré à l’enquête puisqu’elle n’avait pas fourni un niveau minimal d’informations permettant aux institutions d’avoir une image complète et précise des activités de toutes les sociétés liées à son groupe qui étaient impliquées dans la production ou la
vente du produit concerné. Contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal, la pertinence des relations existant entre le groupe Giant, GP et le groupe Jinshan n’aurait pas été limitée aux transactions portant sur des ventes directes. Sans avoir des informations minimales de base, les institutions n’auraient pas été en mesure d’évaluer la pertinence de l’implication du groupe Jinshan et, notamment, les possibles façons par lesquelles ce groupe aurait pu influencer les activités de GP et, de cette
manière, du groupe Giant. À titre d’exemple, EBMA cite la possible existence d’accords de répartition des marchés ou de politiques communes de prix entre le groupe Giant et le groupe Jinshan qui ne ressortiraient pas des tableaux relatifs aux ventes ou des états consolidés produits par Giant au cours de l’enquête, mais qu’il serait possible de retracer en comparant les ensembles de données de toutes les sociétés. Le Conseil se rallie à ce grief.

35. En troisième lieu, EBMA fait valoir que l’arrêt attaqué impose erronément à la Commission la charge excessive de devoir démontrer le caractère nécessaire des informations minimales de base requises concernant des sociétés liées qui sont impliquées dans la production ou dans la vente du produit concerné. Or, l’existence d’un lien et une telle implication seraient suffisantes pour rendre la réponse au questionnaire antidumping une information « nécessaire » au sens de l’article 18, paragraphe 1,
du règlement de base. La Commission se rallie à ce grief et soutient que l’interprétation erronée du Tribunal renverse la charge de la preuve au titre de l’article 18 du règlement de base et offre une « prime » aux entreprises qui décident de ne pas satisfaire pleinement aux demandes de la Commission dans les enquêtes antidumping.

36. En quatrième lieu, EBMA, soutenue par les institutions, reproche, en substance, au Tribunal de s’être substitué à celles-ci en tirant des conclusions des éléments de preuve partiels présentés, en méconnaissant ainsi le large pouvoir d’appréciation dont disposent lesdites institutions.

37. À cet égard, le Conseil relève que l’évaluation de la nécessité des informations et leur appréciation sont des opérations complexes et que les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour choisir les informations qu’elles jugent pertinentes dans une enquête antidumping. Le Conseil soutient que le Tribunal aurait erronément constaté le caractère manifeste d’une éventuelle erreur d’appréciation et, plus particulièrement, n’aurait pas appliqué le test de plausibilité développé par
la jurisprudence. Il n’aurait notamment pas vérifié si les éléments de preuve fournis par le groupe Giant étaient suffisants pour conclure que les institutions avaient procédé à une appréciation dénuée de plausibilité pendant l’enquête. La Commission relève que c’est elle qui détermine quelles sont les informations « nécessaires » et quelles sont les conséquences de l’omission de fournir de telles informations. Il n’appartiendrait pas au Tribunal de mener l’enquête une seconde fois ou de
substituer ses propres évaluations à celles des institutions.

38. Giant soutient, tout d’abord, que les premier et deuxième moyens sont irrecevables, car ils portent sur l’appréciation des faits opérée par le Tribunal, laquelle ne relève pas de la compétence de la Cour dans le cadre du pourvoi. À titre subsidiaire, elle soutient que les moyens soulevés par EBMA devraient être rejetés au fond.

2.   Appréciation

a)   Sur la recevabilité

39. Il convient tout d’abord d’examiner la recevabilité des deux premiers moyens, laquelle est contestée par Giant.

40. À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits et, en principe, pour examiner les preuves qu’il retient à l’appui de ces faits. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour. Toutefois, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour
est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal ( 16 ).

41. En l’espèce, dans le cadre de ses deux premiers moyens, EBMA reproche au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit dans l’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base. En premier lieu, il aurait appliqué une analyse juridique erronée dans son appréciation fondée sur cette disposition ; en deuxième lieu, il aurait apprécié de manière erronée la coopération de Giant à la lumière de cette disposition, et, en troisième lieu, il aurait imposé une charge excessive à la
Commission. En quatrième lieu, EBMA reproche au Tribunal d’avoir outrepassé son pouvoir de contrôle en méconnaissant le pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions. Or, force est de constater que tous ces griefs soulèvent indiscutablement des questions de droit qui sont soumises, comme telles, au contrôle de la Cour.

42. Ainsi, dans la mesure où les griefs soulevés dans le cadre des deux premiers moyens ne visent pas la constatation des faits opérée par le Tribunal, mais portent sur des violations de droit, ces griefs doivent être considérés comme étant recevables. Toutefois, lorsque les griefs développés par EBMA ou par les institutions dans le cadre des deux premiers moyens contiennent des arguments visant les appréciations des éléments de fait effectuées par le Tribunal, ces arguments doivent être considérés
comme étant irrecevables.

b)   Sur le fond

1) Sur les trois premiers griefs tirés d’une mauvaise application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base

i) Sur l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base et sur la notion d’« information nécessaire »

43. L’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, intitulé « Défaut de coopération », autorise les institutions à recourir aux données disponibles lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais prévus par ce règlement ou lorsqu’elle fait obstacle de façon significative à l’enquête. Le recours aux données disponibles est également autorisé si une partie intéressée fournit un renseignement faux ou trompeur. Il ressort du libellé de
cette disposition que ces quatre conditions sont alternatives, si bien que, lorsqu’une seule d’entre elles est remplie, les institutions peuvent recourir aux données disponibles pour fonder leurs conclusions préliminaires ou finales ( 17 ).

44. Tout d’abord, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, cette disposition doit être considérée comme la transposition en droit de l’Union de l’article 6.8 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 ( 18 ), à la lumière duquel elle doit donc être interprétée dans la mesure du possible ( 19 ).

45. Ensuite, il convient de relever que la présente affaire concerne la première des quatre conditions susmentionnées qui, en vertu de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, permettent aux institutions de recourir aux données disponibles. En effet, ainsi qu’il ressort des points 14 à 16 et 21 des présentes conclusions, le Conseil a appliqué dans le règlement litigieux l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base en raison de l’omission par Giant de fournir des informations que le
Conseil considérait comme nécessaires, et le Tribunal a annulé le règlement litigieux en raison d’une application erronée de ladite disposition sur ce point.

46. À cet égard, force est de constater que le règlement de base (ou, d’ailleurs, une quelconque autre disposition de droit de l’Union) ne donne pas de définition de la notion d’informations nécessaires. La Cour elle-même n’a pas encore eu l’occasion de se pencher sur cette notion. Néanmoins, la pratique décisionnelle des organes de l’OMC, reprise par la jurisprudence du Tribunal, fournit des indications utiles pour identifier les traits essentiels de cette notion.

47. Ainsi, le groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC a indiqué que la décision de qualifier ou non une information donnée comme nécessaire, au sens de l’article 6.8 de l’accord antidumping, doit être prise à la lumière des circonstances spécifiques de chaque enquête, et non dans l’abstrait ( 20 ). Un élément d’information particulier qui peut jouer un rôle décisif dans une enquête déterminée peut donc ne pas avoir la même pertinence dans une autre enquête. Il s’ensuit que le caractère
nécessaire d’une information doit être apprécié au cas par cas et in concreto.

48. Ledit groupe spécial a également indiqué que doit être considéré comme nécessaire, au sens de la même disposition, un renseignement particulier détenu par une partie intéressée et requis par l’autorité chargée de l’enquête antidumping afin d’établir ses déterminations ( 21 ).

49. Ainsi qu’il ressort du point 44 des présentes conclusions, ces indications sont pertinentes également pour l’interprétation de la notion d’« informations nécessaires » aux termes de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base. La délinéation d’une telle notion ne peut, cependant, faire abstraction de la configuration de la procédure antidumping telle que prévue par le règlement de base.

50. À cet égard, en effet, il y a lieu de relever que, si, dans le cadre du règlement de base, c’est à la Commission qu’il incombe, en tant qu’autorité investigatrice, de déterminer, notamment, si le produit visé par la procédure antidumping fait l’objet d’un dumping et s’il n’appartient donc pas à cette institution, dans ce cadre, de se décharger sur une partie de la charge de la preuve qui lui incombe à cet égard, il n’en demeure pas moins que le règlement de base ne confère à la Commission aucun
pouvoir d’enquête lui permettant de contraindre des sociétés à participer à l’enquête ou à produire des renseignements. Dans ces conditions, dans les procédures antidumping, les institutions dépendent de la coopération volontaire des parties pour leur fournir les informations nécessaires dans les délais impartis. La coopération des parties et, en particulier, leurs réponses au questionnaire antidumping prévu à l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base sont donc essentielles au déroulement
des procédures antidumping ( 22 ).

51. Par ailleurs, il ressort de l’article 18, paragraphe 6, du règlement de base que, si une partie concernée ne coopère pas ou ne coopère que partiellement et que, de ce fait, des renseignements pertinents ne sont pas communiqués, ladite partie peut se retrouver dans une situation moins favorable que si elle avait coopéré.

52. Il découle de ces considérations que, dans l’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base et, en particulier, dans l’interprétation de la notion d’« information nécessaire » aux termes de cette disposition, des exigences différentes doivent être prises en compte.

53. D’une part, il doit être assuré que les parties intéressées coopèrent réellement et pleinement à l’enquête en agissant au mieux de leurs possibilités ( 23 ) et sans faire obstacle à l’enquête. Dans cette perspective, elles doivent fournir toutes les informations dont elles disposent et que les institutions estiment nécessaires afin d’établir leurs déterminations. Les conséquences négatives auxquelles peut être exposée une partie intéressée en cas de coopération défectueuse ou partielle – en ce
sens que celle-ci peut se retrouver dans une situation moins favorable que celle dans laquelle elle aurait été si elle avait coopéré pleinement à l’enquête – doivent fonctionner comme incitation à coopérer pleinement et sans réserve à l’enquête.

54. D’autre part, les institutions ne peuvent toutefois exiger d’une partie intéressée qu’elle fournisse des renseignements qui sont manifestement non nécessaires pour établir leurs déterminations ou qu’il est impossible pour elle de fournir, étant entendu que l’exigence d’agir au mieux de leurs possibilités impose aux parties intéressées une obligation d’effort de degré élevé ( 24 ).

55. C’est donc à la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient d’apprécier si, ainsi que l’affirme EBMA, soutenue par les institutions, l’analyse du Tribunal contenue dans l’arrêt attaqué est entachée de violations de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base.

ii) Appréciation de l’analyse du Tribunal

56. Il ressort du point 47 des présentes conclusions que la détermination du caractère nécessaire d’une information et, par conséquent, l’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base faites par les institutions doivent être appréciées à la lumière des circonstances spécifiques de chaque enquête. Afin d’évaluer l’analyse faite par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, il est donc nécessaire de tenir compte des circonstances spécifiques de la présente affaire.

57. En l’espèce, il est constant que les groupes Giant et Jinshan, au cours de la période concernée par l’enquête, devaient être considérés comme étant liés par l’intermédiaire de leur coentreprise GP ( 25 ). Ainsi que l’a constaté le Tribunal, au cours de cette période, GP constituait l’unique lien entre ces deux groupes ( 26 ). Ce lien était, en outre, en train de se dissoudre ‐ et a effectivement été dissous avant l’adoption du règlement litigieux –, la participation de Giant dans GP étant alors
en cours de cession ( 27 ). Mis à part ce lien, qui pourrait être qualifié d’horizontal dans la mesure où le groupe Jinshan était également active dans la production de bicyclettes, les deux groupes, au cours de la période pertinente, constituaient deux entités distinctes.

58. La qualification des deux groupes de parties liées a amené la Commission, conformément à sa pratique, à demander au groupe Giant de compléter le formulaire de demande de statut de SEM et, par la suite, le questionnaire antidumping pour Jinshan et pour l’ensemble des sociétés appartenant à son groupe ( 28 ).

59. Au cours de la procédure, Giant a toutefois fait valoir que, en raison du caractère indirect de son lien avec le groupe Jinshan, limité à la participation dans la coentreprise GP, il n’était pas nécessaire qu’elle fournisse de telles informations et que, en tout état de cause, il lui aurait été impossible de compléter la demande de statut de SEM pour elle et, par la suite, les questionnaires antidumping pour les sociétés appartenant au groupe Jinshan.

60. Néanmoins, ainsi que l’a constaté le Tribunal dans l’arrêt attaqué ( 29 ), Giant a fourni des informations complètes au regard de l’ensemble des sociétés appartenant à son groupe, y compris GP, et a également fourni des informations concernant le groupe Jinshan. Plus spécifiquement, elle a fourni les états consolidés du groupe Jinshan. Ainsi que l’a constaté le Tribunal, ces documents permettaient d’identifier l’ensemble des sociétés appartenant à ce groupe et de déduire, lus ensemble avec les
autres informations fournies, que, parmi les sociétés appartenant au groupe Jinshan, seule la coentreprise GP avait effectué des transactions avec le groupe Giant au cours de la période concernée par l’enquête.

61. Giant a, en outre, produit une déclaration du conseil d’administration de Jinshan confirmant que la seule relation entre elle et cette société consistait en la coentreprise GP et que ni Jinshan ni aucune de ses filiales n’avait une quelconque autre relation avec Giant ( 30 ).

62. C’est dans ces circonstances que le Tribunal a conclu que, en recourant aux données disponibles pour la détermination du prix à l’exportation de Giant, le Conseil avait violé l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base.

63. EBMA soutient que cette conclusion est erronée.

64. En premier lieu, elle reproche au Tribunal de n’avoir pas considéré que le Conseil avait appliqué l’article 18 du règlement de base au groupe Giant « globalement », en raison du refus par celle-ci de fournir des informations minimales de base concernant sa structure.

65. À cet égard, il convient toutefois de relever que l’interprétation de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base proposée par EBMA ‐ résumée au point 31 des présentes conclusions – selon laquelle les institutions pourraient appliquer cette disposition de trois manières différentes ne trouve aucun fondement dans le texte de la disposition en cause, ni dans une quelconque autre disposition du règlement de base, ni, encore, dans la jurisprudence des juridictions de l’Union. Elle ne trouve pas
non plus d’appui dans la pratique décisionnelle des organes de l’OMC concernant l’article 6.8 de l’accord antidumping.

66. En revanche, contrairement à ce que soutient EBMA, plusieurs éléments indiquent que, en l’espèce, les institutions ont recouru aux données disponibles aux termes de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base spécifiquement pour déterminer le prix à l’exportation du groupe Giant.

67. Ainsi, d’une part, dans sa lettre du 21 mars 2013, mentionnée au point 13 des présentes conclusions, la Commission a informé Giant de son intention d’appliquer l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base et d’établir ses conclusions sur la base des données disponibles spécifiquement aux fins de la détermination du prix à l’exportation. D’autre part, il ressort de manière explicite du considérant 131 du règlement litigieux que « l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base a été appliqué
pour déterminer le prix à l’exportation ».

68. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort des points 47 et 48 des présentes conclusions, le caractère nécessaire d’un renseignement doit être apprécié non pas dans l’abstrait ou « globalement », mais en relation à une détermination que l’autorité chargée de l’enquête doit établir, à savoir, en l’espèce, la détermination du prix à l’exportation.

69. Bien sûr, il est nécessaire que les institutions de l’Union obtiennent, dès le début de l’enquête, un certain nombre d’informations générales concernant les sociétés liées aux producteurs-exportateurs afin de déterminer le véritable « périmètre » de ces producteurs-exportateurs, et ce sans qu’elles aient à justifier que ces informations sont nécessaires pour prendre une décision en application du règlement de base.

70. Toutefois, ainsi que je l’ai relevé au point 60 des présentes conclusions, en l’espèce le Tribunal a constaté que, outre les informations complètes concernant les filiales appartenant à son groupe, Giant avait fourni des informations permettant d’identifier toutes les sociétés du groupe Jinshan, ainsi que l’ensemble des transactions ayant eu lieu entre ce groupe et le groupe Giant pendant la période pertinente. Dans ces conditions, EBMA ne saurait véritablement soutenir que Giant n’avait pas
fourni d’informations minimales de base au regard de Jinshan ( 31 ).

71. Dans ces conditions, le grief avancé par EBMA tiré de ce que le Tribunal n’aurait pas considéré que le Conseil avait appliqué « globalement » l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base au groupe Giant doit, à mon avis, être rejeté.

72. En deuxième lieu, EBMA remet en cause l’appréciation faite par le Tribunal de la coopération de Giant à l’enquête. En substance, EBMA soutient que le Tribunal aurait dû considérer que l’application à Giant de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base était justifiée en raison du défaut de coopération de celle-ci.

73. À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que je l’ai relevé au point 57 des présentes conclusions, mis à part le lien existant entre le groupe Giant et le groupe Jinshan par l’intermédiaire de GP, les deux groupes constituaient deux entités différentes, voire deux groupes concurrents. C’est en raison de cette situation que, au cours de l’enquête, lorsque la Commission lui a demandé de présenter le formulaire de demande de statut de SEM et le formulaire antidumping pour Jinshan et les
sociétés appartenant à son groupe, Giant a fait valoir qu’il était impossible pour elle de fournir de telles informations.

74. Il ressort du dossier que la Commission n’a pas véritablement pris en considération l’invocation par Giant de son impossibilité de fournir les informations demandées. Elle a, en revanche, insisté sur la nécessité pour Giant de répondre auxdits formulaires pour Jinshan et ses sociétés, en envisageant, en cas d’absence de réponse, l’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base.

75. Or, il est indubitable que lesdits formulaires contiennent des questions très minutieuses. Pour remplir de tels formulaires de manière appropriée, il est nécessaire d’avoir accès à des données commerciales très détaillées, ayant souvent une nature confidentielle. Normalement, une entreprise n’a pas (et, selon les règles de concurrence, ne serait même pas censée avoir) accès à toutes ces informations relatives à un groupe concurrent. Dans ces conditions, même s’il n’est pas exclu que Giant ait pu
se procurer certaines des informations demandées concernant Jinshan et son groupe, elle n’était pas censée disposer de toutes les informations nécessaires pour remplir les formulaires requis pour Jinshan et son groupe.

76. Ainsi que je l’ai relevé ci-dessus ( 32 ), dans une enquête antidumping les parties intéressées sont tenues de coopérer réellement et pleinement, en agissant au mieux de leurs possibilités. Elles doivent notamment fournir toutes les informations dont elles disposent que les institutions estiment nécessaires pour établir leurs déterminations. Néanmoins, l’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base doit être appréciée au cas par cas en tenant compte des circonstances de
l’espèce.

77. Or, le présent cas se caractérise par une situation assez particulière dans laquelle : 1) la relation entre les parties liées était de nature horizontale ; 2) la coentreprise qui constituait le seul lien existant entre lesdites parties était en cours de cession, de sorte que ce lien était en train de se dissoudre ; 3) la partie intéressée en cause a coopéré pleinement à l’enquête en ce qui la concerne et a fourni également des informations concernant la partie liée à elle ; 4) elle fait valoir
l’impossibilité pour elle de fournir les renseignements très détaillés demandés par les institutions concernant la partie liée à elle.

78. Dans une telle situation, j’estime que les institutions auraient dû tenir compte de l’invocation par Giant de son impossibilité de prendre en considération les informations demandées et auraient dû, éventuellement, clarifier de quelles informations spécifiques elles avaient nécessairement besoin pour pouvoir établir leurs déterminations. Ensuite, elles auraient dû vérifier de quelle manière Giant aurait pu, en agissant au mieux de ses possibilités, fournir ces informations.

79. À cet égard, d’une part, je relève que, en général, il revient aux institutions d’indiquer aux parties visées par l’enquête les renseignements qu’elles doivent fournir ( 33 ).

80. D’autre part, force est de constater que, au point 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que le Conseil n’avait pas été en mesure, ni dans ses écrits ni lors de l’audience, de préciser quelle information additionnelle par rapport à celles fournies par Giant au cours de l’enquête relative aux sociétés appartenant au groupe Jinshan aurait pu se révéler nécessaire pour le calcul du prix à l’exportation du groupe Giant. C’est également sur la base de cette constatation que le Tribunal a conclu
qu’il ne pouvait être reproché à Giant de n’avoir pas fourni certaines informations qui avaient été décrétées nécessaires sur la base d’allégations vagues, et ce d’autant plus que l’absence de relation entre Giant et les sociétés appartenant au groupe Jinshan infirmait clairement les allégations quant au caractère nécessaire des réponses au questionnaire antidumping pour ces dernières sociétés. À cet égard, je relève également que, lorsque, lors de l’audience devant la Cour, la même question a
été posée au Conseil, celui-ci n’a pas non plus été en mesure d’y répondre de manière satisfaisante.

81. À la lecture du considérant 131 du règlement litigieux, il apparaît que les institutions estimaient que Giant aurait dû fournir des informations concernant la production, le volume des ventes et les prix à l’exportation vers l’Union du produit concerné, réalisés pendant la période pertinente par les sociétés du groupe Jinshan. Dans son pourvoi, EBMA quant à elle mentionne, à titre d’exemple d’informations qui auraient dû être vérifiées, la possible existence d’accords de répartition des marchés
ou de politiques communes de prix entre le groupe Giant et le groupe Jinshan. Or, si celles-ci étaient les informations dont les institutions avaient besoin, au vu des circonstances particulières de la présente espèce telles qu’exposées au point 77 des présentes conclusions, elles auraient dû les demander spécifiquement et vérifier ce que Giant, en agissant au mieux de ses possibilités, aurait pu raisonnablement fournir en plus des informations qu’elle avait déjà fournies. Dans de telles
circonstances, en revanche, les institutions ne pouvaient pas ignorer, tout court, toutes les informations détaillées que Giant avait fournies.

82. À cet égard, il convient de rappeler que, bien que les parties à une procédure antidumping soient en principe tenues, en application de l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base, de déposer une réponse au questionnaire de la Commission, il découle du libellé de l’article 18, paragraphe 3, de ce même règlement que des informations présentées sous une autre forme ou dans le cadre d’un autre document ne doivent pas être ignorées lorsque les quatre conditions que cet article énumère sont
satisfaites ( 34 ).

83. Il ressort des considérations qui précèdent que le Tribunal n’a pas apprécié de manière erronée la coopération de Giant et n’a pas commis de violation de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base à cet égard.

84. En troisième lieu, EBMA reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base en imposant de manière erronée aux institutions la charge excessive de devoir démontrer le caractère nécessaire des informations minimales de base requises concernant des sociétés liées qui sont impliquées dans la production ou dans la vente du produit concerné.

85. Il ressort cependant des considérations qui précèdent que ce grief doit être également rejeté. En effet, ainsi que je l’ai déjà relevé à plusieurs reprises, il ne fait pas de doute qu’il revient aux institutions d’apprécier le caractère nécessaire d’une information pour adopter leurs déterminations.

86. Toutefois, en l’espèce, le Tribunal a constaté que Giant avait fourni des informations de base concernant la partie liée à elle qui, dans le cadre de la situation particulière telle que celle de la présente espèce, étaient suffisantes pour établir la détermination des institutions concernant le prix à l’exportation.

87. Enfin, il convient encore de répondre à deux arguments avancés par le Conseil dans son mémoire en réponse. Quant, premièrement, à l’argument selon lequel le Tribunal aurait déclaré à tort que les informations demandées n’étaient pas nécessaires, il doit être considéré comme irrecevable en ce qu’il remet en cause une appréciation de fait du Tribunal. Quant, deuxièmement, à l’argument selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur de droit en considérant que les institutions avaient appliqué
l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base parce que le groupe Giant leur avait communiqué des informations fausses et trompeuses, force est de constater qu’il part d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué, cet arrêt ne contenant aucunement de telles considérations ( 35 ).

88. À la lumière de toutes les considérations qui précèdent, j’estime que les griefs avancés par EBMA tirés d’une application erronée par le Tribunal de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base doivent être rejetés.

2) Sur l’outrepassement par le Tribunal de son pouvoir de contrôle juridictionnel

89. EBMA fait valoir que le Tribunal se serait substitué aux institutions en tirant des conclusions des éléments de preuve partiels présentés et aurait ainsi méconnu le large pouvoir d’appréciation dont celles-ci disposent et outrepassé son pouvoir de contrôle juridictionnel.

90. À cet égard, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure,
de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir ( 36 ).

91. Or, il convient de relever que, bien que, les institutions disposent d’une large marge d’appréciation qui couvre également l’identification des renseignements dont elles ont besoin pour établir leurs déterminations, cela ne signifie toutefois pas, ainsi qu’il ressort du point 54 des présentes conclusions, qu’elles puissent exiger d’une partie intéressée n’importe quel renseignement ou que la possibilité pour elles de recourir aux données disponibles aux termes de l’article 18, paragraphe 1, du
règlement de base ne soit pas soumise à des limites.

92. En l’espèce, le Tribunal, sur la base des éléments présents au dossier et des constatations qu’il a pu tirer pendant la procédure s’étant déroulée devant lui, a conclu que, dans la situation particulière de la présente espèce, le Conseil avait violé l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base. Le Conseil, en effet, ne pouvait pas recourir aux données disponibles pour déterminer le prix à l’exportation de Giant dans une situation dans laquelle, d’une part, les renseignements fournis par
celle-ci permettaient de calculer un tel prix et, d’autre part, le Conseil n’avait pas été en mesure de déterminer quelles informations additionnelles auraient été nécessaires à cette fin.

93. Dans ces conditions, je ne crois pas que le Tribunal ait méconnu le pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions et qu’il ait outrepassé son pouvoir de contrôle juridictionnel.

94. Il découle de toutes les considérations qui précèdent que, à mon avis, les deux premiers moyens du pourvoi avancé par EBMA doivent être rejetés.

B. Sur le troisième moyen

95. Par son troisième moyen, EBMA conteste les points 79 à 91 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a jugé que le Conseil ne pouvait pas invoquer le risque de contournement pour justifier le refus d’appliquer un droit antidumping individuel à Giant. Pour arriver à cette conclusion, le Tribunal s’est fondé sur trois motifs.

96. Premièrement, le Tribunal a relevé que le Conseil avait confirmé que les conditions prévues à l’article 9, paragraphe 5, second alinéa, du règlement de base n’avaient pas été prises en considération lors de l’examen de la situation de Giant et que cette institution ne s’était prévalue d’aucune autre disposition du règlement de base qui prévoirait que l’existence d’un risque de contournement peut justifier le refus d’octroyer un droit antidumping individuel à un producteur-exportateur. Dans ces
conditions, le Tribunal a considéré qu’un tel risque ne pouvait être invoqué par le Conseil pour justifier l’application à la requérante du taux de droit applicable à l’échelle nationale ( 37 ).

97. Deuxièmement, le Tribunal a considéré que le Conseil ne pouvait pas se fonder sur un risque seulement hypothétique de contournement qui serait inhérent au concept de « sociétés liées » pour refuser l’octroi d’un droit antidumping individuel. Pour étayer son raisonnement, le Tribunal s’est référé à la pratique décisionnelle de l’organe de règlement des différends de l’OMC, aux termes de laquelle le risque que l’imposition de droits antidumping individuels soit inefficace pour lutter contre le
dumping ne saurait, à lui seul, justifier l’imposition d’un droit applicable à l’échelle nationale à des producteurs-exportateurs ( 38 ).

98. Troisièmement, le Tribunal a jugé que, en tout état de cause, sur la base des informations dont disposaient les institutions lors de l’adoption du règlement litigieux, celles-ci auraient dû conclure à l’absence de risque de contournement entre le groupe Giant et le groupe Jinshan. Le Tribunal a, en particulier, considéré que le désengagement de Giant dans GP était de nature à éliminer le seul lien existant entre le groupe Giant et le groupe Jinshan, et donc à éliminer l’existence d’un risque de
contournement dû à l’existence dudit lien entre ces deux groupes ( 39 ).

1.   Résumé de l’argumentation des parties

99. EBMA considère, premièrement, que c’est sur la base de la prémisse erronée selon laquelle la présente affaire porte sur la détermination du prix à l’exportation ( 40 ) que le Tribunal aurait conclu que les institutions ne pouvaient invoquer le risque de contournement en l’espèce.

100. Deuxièmement, selon EBMA, dans le cas où des sociétés sont liées, comme en l’espèce les groupes Giant et Jinshan, il existerait toujours un risque de contournement si une entité liée obtient un droit antidumping plus bas qu’une autre entité du même groupe. Il s’ensuivrait que l’argumentation contenue dans l’arrêt attaqué concernant le risque hypothétique de contournement entre entreprises non liées serait fondamentalement viciée et erronée en droit. Les préoccupations des institutions en ce qui
concerne le contournement par des sociétés liées dans la présente affaire seraient donc justifiées. En outre, les références aux décisions de l’organe de règlement des différends de l’OMC faites par le Tribunal ne seraient pas pertinentes.

101. Troisièmement et enfin, EBMA fait valoir qu’il ne saurait être exclu que les groupes Giant et Jinshan étaient liés pendant la période d’enquête d’une manière qui dépasse ce qui ressort des réponses aux questionnaires relatifs aux sociétés du groupe Giant et des états consolidés de Jinshan.

102. Le Conseil, tout d’abord, se rallie à ce moyen. Ensuite, il ajoute que le Tribunal aurait violé l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base. À cet égard, il relève que l’article 9, paragraphe 5, sous e), de ce règlement prévoit que le risque de contournement peut exister dans le cas d’exportations en provenance d’un pays n’ayant pas une économie de marché, comme la Chine. Cette éventualité serait prévue par le règlement de base en cas d’intervention de l’État. Tel serait précisément le cas
en ce qui concerne le groupe Giant, dès lors que, au cours de la période pertinente, le gouvernement chinois détenait 33,13 % de Jinshan, information qui, au demeurant, n’aurait pas été communiquée par le groupe Giant durant l’enquête. Le risque de contournement, tel que visé à l’article 9, paragraphe 5, sous e), dudit règlement, aurait d’ailleurs été mentionné au considérant 114 du règlement litigieux.

103. Giant fait d’abord valoir que le troisième moyen est irrecevable, car, tout comme les premier et deuxième moyens, il porte, à son avis, sur l’appréciation des faits, laquelle ne relève pas de la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. À titre subsidiaire, Giant soutient que le troisième moyen n’est pas fondé.

2.   Appréciation

104. Il convient tout d’abord d’examiner, à la lumière de la jurisprudence que j’ai rappelée au point 40 des présentes conclusions, l’exception d’irrecevabilité soulevée par Giant au regard du troisième moyen d’EBMA.

105. À cet égard, j’estime qu’il n’y a pas de doute que les deux premiers griefs, résumés aux points 99 et 100 des présentes conclusions, soulèvent des questions de droit dont la Cour peut connaître lors d’un pourvoi. En effet, ces deux griefs remettent en cause deux prémisses juridiques du raisonnement du Tribunal. Le deuxième grief vise également à contester la pertinence des références, contenues dans l’arrêt attaqué, à la pratique décisionnelle de l’organe de règlement des différends de l’OMC.

106. En revanche, le troisième grief, résumé au point 101 des présentes conclusions, vise à remettre en cause la constatation de fait, contenue au point 89 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la coentreprise GP constituait le seul lien existant entre le groupe Giant et le groupe Jinshan. Ce grief doit donc être déclaré irrecevable.

107. Quant au fond, je relève, tout d’abord, que le premier grief selon lequel le Tribunal se serait fondé sur la prémisse erronée que l’affaire portait sur la détermination du prix à l’exportation doit être rejeté à la lumière des considérations que j’ai exposées aux points 64 à 67 des présentes conclusions. Il ressort en effet de ces considérations que cette prémisse n’est pas erronée.

108. Pour le reste, je constate que, par son argumentation, EBMA ne remet pas véritablement en cause la constatation faite au point 85 de l’arrêt attaqué, sur le fondement des éléments indiqués aux subséquents points 86 à 88, selon laquelle, en tout état de cause, les informations dont disposaient les institutions lors de l’adoption du règlement attaqué étaient suffisantes pour conclure à l’absence d’un risque de contournement entre le groupe Giant et le groupe Jinshan. EBMA ne conteste
spécifiquement pas, en droit, la constatation faite par le Tribunal au point 89 de l’arrêt attaqué selon laquelle le désengagement de Giant dans GP était de nature à éliminer l’existence d’un tel risque de contournement.

109. Or, cette constatation suffit à elle seule à fonder la conclusion, contenue au point 90 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, en l’espèce, le Conseil ne pouvait pas invoquer un risque de contournement pour justifier le refus d’appliquer un droit antidumping individuel à Giant.

110. Il s’ensuit que, même à supposer que les considérations contenues aux points 82 à 84 de l’arrêt attaqué étaient erronées, la conclusion contenue au point 90 de l’arrêt attaqué resterait valide. Dans ces conditions, les arguments visant ces points doivent, à mon avis, être déclarés inopérants.

111. Enfin, en ce qui concerne l’argumentation du Conseil, résumée au point 102 des présentes conclusions, il convient de rappeler qu’il ressort des articles 172, 174 et 178, paragraphe 1 et paragraphe 3, seconde phrase, du règlement de procédure, lus conjointement, que le mémoire en réponse présenté conformément à l’article 172 de ce règlement ne peut tendre à l’annulation de l’arrêt attaqué pour des motifs distincts et autonomes de ceux invoqués dans le pourvoi, de tels motifs ne pouvant être
soulevés que dans le cadre d’un pourvoi incident ( 41 ).

112. Or, force est de constater que, dans le cadre de son troisième moyen, EBMA n’a à aucun moment fait valoir une violation de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base. Dans ces conditions, j’estime que le motif soulevé par le Conseil dans son mémoire en réponse constitue un motif distinct et autonome d’annulation de l’arrêt attaqué qui doit être déclaré irrecevable.

113. En tout état de cause, ce motif est, à mon avis, également non fondé. En effet, le Conseil ne saurait véritablement faire valoir la violation d’une disposition ‐ l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base – qui, comme lui-même l’a admis devant le Tribunal ( 42 ), n’a pas été appliquée en l’espèce en ce qui concerne Giant. En outre, l’invocation du considérant 114 du règlement litigieux est manifestement hors contexte, ce considérant se limitant exclusivement à mentionner les dispositions
pertinentes du règlement de base.

114. Il ressort de tout ce qui précède que, à mon avis, le troisième moyen d’EBMA doit également être rejeté et que, par conséquent, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

VII. Conclusion

115. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer de la manière suivante :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) European Bicycle Manufacturers Association (EBMA) est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux de Giant (China) Co. Ltd.

3) Le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

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( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) T‑425/13, non publié, EU:T:2015:896.

( 3 ) Règlement modifiant le règlement d’exécution (UE) no 990/2011 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen intermédiaire au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1225/2009 (JO 2013, L 153, p. 17).

( 4 ) JO 2009, L 343, p. 51, et rectificatif JO 2010, L 7, p. 22. À l’époque de l’enquête en cause dans la présente affaire, les dispositions régissant l’adoption de mesures antidumping par l’Union européenne figuraient dans ce règlement.

( 5 ) Voir, pour plus de détails, points 2 à 8 de l’arrêt attaqué.

( 6 ) Voir point 14 de l’arrêt attaqué dans lequel est spécifiée la structure de contrôle de GP.

( 7 ) Voir points 15 et 17 de l’arrêt attaqué.

( 8 ) Voir points 16, 18 à 20, 22 et 24 de l’arrêt attaqué.

( 9 ) Voir considérants 131 à 135 du règlement litigieux.

( 10 ) Voir considérant 137 du règlement litigieux.

( 11 ) Il s’agit, d’une part, de la première branche du troisième moyen et du cinquième moyen, et, d’autre part, du septième moyen avancés par Giant devant le Tribunal. Voir, plus en détail, points 46 à 51 de l’arrêt attaqué.

( 12 ) Points 56 à 70 et 77 de l’arrêt attaqué.

( 13 ) Points 71 à 76 de l’arrêt attaqué.

( 14 ) Points 79 à 90 de l’arrêt attaqué.

( 15 ) Ce grief constitue en réalité un moyen distinct.

( 16 ) Voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2017, Timab Industries et CFPR/Commission (C‑411/15 P, EU:C:2017:11, point 89 et jurisprudence citée).

( 17 ) À cet égard, voir point 44 de l’arrêt du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil (T‑633/11, non publié, EU:T:2014:271). Cette formule a été reprise dans plusieurs arrêts du Tribunal, y compris dans l’arrêt attaqué (voir point 61).

( 18 ) JO 1994, L 336, p. 103 (ci-après l’« accord antidumping »). Cet accord figure à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ), signé à Marrakech le 15 avril 1994 et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1). Le
texte de l’article 6.8 de l’accord antidumping est le suivant :

« Dans les cas où une partie intéressée refusera de donner accès aux renseignements nécessaires ou ne les communiquera pas dans un délai raisonnable, ou entravera le déroulement de l’enquête de façon notable, des déterminations préliminaires et finales, positives ou négatives, pourront être établies sur la base des données de fait disponibles. »

( 19 ) À cet égard, voir, plus dans le détail, points 34 à 37 et jurisprudence citée de mes conclusions dans les affaires jointes Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2016:928). Voir, en particulier, arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal (C‑21/14 P, EU:C:2015:494, points 44 à 46 et jurisprudence citée). Quant, spécifiquement, aux relations entre l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base et l’article 6.8 de
l’accord antidumping, voir arrêts du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil (T‑409/06, EU:T:2010:69, point 103), ainsi que du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil (T‑633/11, non publié, EU:T:2014:271, point 40).

( 20 ) Voir le rapport du groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC, intitulé « Corée – Droits antidumping sur les importations de certains papiers en provenance d’Indonésie » (WT/DS 312/R), adopté le 28 octobre 2005, paragraphe 7.43. À cet égard, voir, également, arrêt du Tribunal du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil (T‑633/11, non publié, EU:T:2014:271, point 46).

( 21 ) Voir le rapport du groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC, intitulé « Communautés européennes – Mesure antidumping visant le saumon d’élevage en provenance de Norvège » (WT/DS 337/R), adopté le 15 janvier 2008, paragraphe 7.343. À cet égard, voir, également, arrêt du Tribunal du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil (T‑633/11, non publié, EU:T:2014:271, point 46).

( 22 ) Voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil (T‑249/06, EU:T:2009:62, point 87). En ce qui concerne la procédure de contournement, voir, par analogie, arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co (C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 32).

( 23 ) En ce qui concerne l’exigence des parties intéressées d’agir au mieux de leur possibilité pour fournir aux institutions les renseignements nécessaires, voir le texte de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base in fine. À cet égard, voir, aussi, le paragraphe 5 de l’annexe II de l’accord antidumping.

( 24 ) À cet égard, voir, s’agissant de l’article 6.8 de l’accord antidumping, les considérations contenues aux points 7.244 et 7.245 du rapport du groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC, intitulé « Égypte – Mesures antidumping définitives à l’importation de barres d’armature en acier en provenance de Turquie » (WT/DS 211/R), adopté le 1er octobre 2002.

( 25 ) À cet égard, l’article 2, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement de base renvoie, afin de déterminer si deux parties sont associées, à la définition des parties liées figurant à l’article 143 du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (JO 1993, L 253, p. 1). Cette définition est pertinente également pour la détermination de
l’existence d’une « association » aux fins de l’établissement du prix à l’exportation au sens de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base. Le formulaire de demande de statut de SEM et le questionnaire antidumping reprennent cette définition de parties liées.

( 26 ) Voir point 89 de l’arrêt attaqué.

( 27 ) Ibidem.

( 28 ) Voir note précédente in fine. Voir, également, points 10 et 11 des présentes conclusions et points 14 à 17 de l’arrêt attaqué.

( 29 ) Voir points 63 à 66 de l’arrêt attaqué.

( 30 ) Voir point 67 de l’arrêt attaqué.

( 31 ) La présente affaire se différencie ainsi de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil (T‑633/11, non publié, EU:T:2014:271). Dans cet arrêt, le Tribunal a considéré que les institutions n’avaient pas commis d’erreur en recourant aux données disponibles aux termes de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base en raison de l’omission par la partie intéressée de communiquer le nom de deux filiales du groupe concerné, ce qui revenait à n’avoir
pas fourni de renseignements complets et fiables au-delà de toute incertitude en ce qui concerne la composition précise de l’ensemble du groupe de sociétés (voir point 49 de cet arrêt).

( 32 ) Voir points 47, 48, 53 et 54 des présentes conclusions.

( 33 ) Voir, à cet égard, le paragraphe 1 de l’annexe II de l’accord antidumping, lequel prévoit notamment que les autorités chargées de l’enquête devraient indiquer aux parties visées par l’enquête les « renseignements que [celles-ci] doi[vent] fournir ».

( 34 ) Voir point 150 de l’arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP (C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78). Dans cet arrêt, la Cour a entériné l’analyse du Tribunal, lequel, dans son arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil (T‑249/06, EU:T:2009:62, points 90 et 91), avait jugé que, aux termes de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base, lorsqu’une partie a omis de déposer une réponse au questionnaire mais qu’elle a
fourni des éléments d’information dans le cadre d’un autre document, aucun défaut de coopération ne pourra lui être reproché si, 1) les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, 2) les informations sont fournies en temps utile, 3) elles sont contrôlables, et 4) la partie a agi au mieux de ses possibilités.

( 35 ) Au contraire, aux points 71 à 75 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a analysé les éléments avancés par le Conseil et a conclu, au point 76 du même arrêt, que ceux-ci, pris individuellement ou conjointement, ne permettaient pas, en l’espèce, de considérer que les informations fournies par Giant concernant le prix à l’exportation étaient fausses ou trompeuses.

( 36 ) Voir, notamment, arrêt du 7 avril 2016, ArcelorMittal Tubular Products Ostravae.a./Hubei (C‑186/14 P et C‑193/14 P, EU:C:2016:209, point 34 ainsi que jurisprudence citée).

( 37 ) Points 81 et 82 de l’arrêt attaqué.

( 38 ) Points 83 et 84 de l’arrêt attaqué et les rapports de l’organe de règlement des différends de l’OMC y cités.

( 39 ) Points 85 à 89 de l’arrêt attaqué.

( 40 ) Voir point 32 des présentes conclusions.

( 41 ) Voir, à cet égard, arrêts du 10 novembre 2016, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission (C‑449/14 P, EU:C:2016:848, points 97 à 102), et du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402, points 20 à 22).

( 42 ) Voir point 82 de l’arrêt attaqué.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-61/16
Date de la décision : 26/07/2017
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Dumping – Règlement (UE) no 502/2013 – Importations de bicyclettes originaires de Chine – Règlement (CE) no 1225/2009 – Article 18, paragraphe 1 – Coopération – Notion d’“informations nécessaires” – Article 9, paragraphe 5 – Demande de traitement individuel – Risque de contournement.

Relations extérieures

Dumping

Politique commerciale


Parties
Demandeurs : European Bicycle Manufacturers Association (EBMA)
Défendeurs : Giant (China) Co. Ltd.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:615

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