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22/11/2022 | CJUE | N°C-24/20

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre Conseil de l'Union européenne., 22/11/2022, C-24/20


 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

22 novembre 2022 ( *1 )

« Recours en annulation – Décision (UE) 2019/1754 – Adhésion de l’Union européenne à l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques – Article 3, paragraphe 1, TFUE – Compétence exclusive de l’Union – Article 207 TFUE – Politique commerciale commune – Aspects commerciaux de la propriété intellectuelle – Article 218, paragraphe 6, TFUE – Droit d’initiative de la Commission européenne – Modifi

cation par le Conseil de l’Union européenne de
la proposition de la Commission – Article 293, paragraphe 1, TFUE – Applic...

 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

22 novembre 2022 ( *1 )

« Recours en annulation – Décision (UE) 2019/1754 – Adhésion de l’Union européenne à l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques – Article 3, paragraphe 1, TFUE – Compétence exclusive de l’Union – Article 207 TFUE – Politique commerciale commune – Aspects commerciaux de la propriété intellectuelle – Article 218, paragraphe 6, TFUE – Droit d’initiative de la Commission européenne – Modification par le Conseil de l’Union européenne de
la proposition de la Commission – Article 293, paragraphe 1, TFUE – Applicabilité – Article 4, paragraphe 3, article 13, paragraphe 2, et article 17, paragraphe 2, TUE – Article 2, paragraphe 1, TFUE – Principes d’attribution des compétences, d’équilibre institutionnel et de coopération loyale »

Dans l’affaire C‑24/20,

ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, introduit le 17 janvier 2020, par

Commission européenne, représentée initialement par MM. F. Castillo de la Torre, I. Naglis et Mme J. Norris, puis par MM. F. Castillo de la Torre, M. Konstantinidis et Mme J. Norris, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. A. Antoniadis, Mmes M. Balta et A.‑L. Meyer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par :

Royaume de Belgique, représenté par Mmes M. Jacobs, C. Pochet, et M. Van Regemorter, en qualité d’agents,

République tchèque, représentée par Mmes K. Najmanová, H. Pešková, MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

République hellénique, représentée par M. K. Boskovits et Mme M. Tassopoulou, en qualité d’agents,

République française, représentée par MM. G. Bain, J.‑L. Carré, Mme A.‑L. Desjonquères et M. T. Stéhelin, en qualité d’agents,

République de Croatie, représentée par Mme G. Vidović Mesarek, en qualité d’agent,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

Hongrie, représentée par M. M. Z. Fehér et Mme K. Szíjjártó, en qualité d’agents,

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mme M. K. Bulterman et M. J. Langer, en qualité d’agents,

République d’Autriche, représentée par M. A. Posch, Mmes E. Samoilova, J. Schmoll, en qualité d’agents, et par M. H. Tichy,

République portugaise, représentée initialement par Mme P. Barros da Costa, MM. L. Inez Fernandes, J. P. Palha et R. Solnado Cruz, en qualité d’agents, puis par Mme P. Barros da Costa, MM. J. P. Palha et R. Solnado Cruz, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. L. Bay Larsen, vice-président, M. A. Arabadjiev, Mmes A. Prechal, K. Jürimäe, MM. M. Safjan, P. G. Xuereb, Mme L. S. Rossi (rapporteure), M. D. Gratsias, Mme M. L. Arastey Sahún, présidents de chambre, MM. S. Rodin, F. Biltgen, N. Piçarra, Mme I. Ziemele et M. J. Passer, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. M. Longar, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er février 2022,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 mai 2022,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission européenne demande l’annulation partielle de la décision (UE) 2019/1754 du Conseil, du 7 octobre 2019, relative à l’adhésion de l’Union européenne à l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques (JO 2019, L 271, p. 12, ci-après la « décision attaquée »).

I. Le cadre juridique

A. Le droit international

1.   La convention de Paris

2 La convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle a été signée à Paris le 20 mars 1883, révisée en dernier lieu à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifiée le 28 septembre 1979 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 828, no 11851, p. 305, ci-après la « convention de Paris »). Tous les États membres de l’Union européenne sont parties à cette convention.

3 L’article 1er de la convention de Paris prévoit notamment que les États auxquels elle s’applique sont constitués à l’état d’Union pour la protection de la propriété industrielle, en ce compris les brevets, les modèles, les dessins, les marques, le nom commercial et les indications de provenance ou appellations d’origine ainsi que la répression de la concurrence déloyale.

4 En vertu de l’article 19 de cette convention, les États parties à celle-ci se réservent le droit de prendre séparément, entre eux, des arrangements particuliers pour la protection de la propriété industrielle.

2.   L’arrangement de Lisbonne

5 L’arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d’origine et leur enregistrement international a été signé le 31 octobre 1958, révisé à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifié le 28 septembre 1979 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 828, no 13172, p. 205, ci-après l’« arrangement de Lisbonne »). Il constitue un arrangement particulier au sens de l’article 19 de la convention de Paris, auquel tout État partie à cette convention peut adhérer.

6 Sept États membres de l’Union, à savoir la République de Bulgarie, la République tchèque, la République française, la République italienne, la Hongrie, la République portugaise et la République slovaque sont parties à l’arrangement de Lisbonne. En revanche, l’Union n’est pas partie à cet arrangement, auquel ne peuvent adhérer que des États.

7 Aux termes de l’article 1er de l’arrangement de Lisbonne, les États auxquels ce dernier s’applique sont constitués à l’état d’Union particulière (ci-après l’« Union particulière ») dans le cadre de l’Union pour la protection de la propriété industrielle instituée par la convention de Paris et s’engagent à protéger, sur leurs territoires et selon les termes de cet arrangement, les appellations d’origine des produits des autres États de l’Union particulière, reconnues et protégées à ce titre dans le
pays d’origine et enregistrées au bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

3.   L’acte de Genève

8 L’article 21 de l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques (JO 2019, L 271, p. 15, ci-après l’« acte de Genève »), intitulé « Appartenance à l’Union de Lisbonne », prévoit :

« Les parties contractantes sont membres de la même Union particulière que les États parties à l’Arrangement de Lisbonne[, dans sa version originale du 31 octobre 1958] ou à [l’Arrangement de Lisbonne, tel que révisé à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifié le 28 septembre 1979], qu’elles soient ou non parties à l’Arrangement de Lisbonne[, dans sa version originale du 31 octobre 1958] ou à [l’Arrangement de Lisbonne, tel que révisé à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifié le 28 septembre
1979]. »

9 L’article 22 de l’acte de Genève, intitulé « Assemblée de l’Union particulière », dispose, à son paragraphe 4 :

«[Prise des décisions au sein de l’Assemblée]

a) L’Assemblée s’efforce de prendre ses décisions par consensus.

b) Lorsqu’il n’est pas possible d’arriver à une décision par consensus, la décision sur la question à l’examen est mise aux voix. Dans ce cas,

(i.) chaque partie contractante qui est un État dispose d’une voix et vote uniquement en son propre nom ; et

(ii.) toute partie contractante qui est une organisation intergouvernementale peut participer au vote à la place de ses États membres, avec un nombre de voix égal au nombre de ses États membres qui sont parties au présent Acte. Aucune organisation intergouvernementale ne participe au vote si l’un de ses États membres exerce son droit de vote, et inversement.

[...] »

10 L’article 28 de l’acte de Genève, intitulé « Conditions et modalités pour devenir partie au présent Acte », énonce, à son paragraphe 1 :

«[Conditions à remplir] Sous réserve de l’article 29 et des alinéas 2) et 3) du présent article,

(i.) tout État qui est partie à la Convention de Paris peut signer le présent Acte et devenir partie à celui-ci ;

(ii.) [...]

(iii.) toute organisation intergouvernementale peut signer le présent Acte et devenir partie à celui-ci si au moins un de ses États membres est partie à la Convention de Paris et si l’organisation intergouvernementale déclare qu’elle a été dûment autorisée, conformément à ses procédures internes, à devenir partie au présent Acte et que s’applique, en vertu du traité constitutif de l’organisation intergouvernementale, une législation selon laquelle des titres de protection régionaux peuvent être
obtenus à l’égard des indications géographiques. »

B. Le droit de l’Union

1.   La décision attaquée

11 Aux termes du considérant 6 de la décision attaquée :

« Pour qu’elle puisse exercer correctement sa compétence exclusive en ce qui concerne les domaines relevant de l’acte de Genève et ses fonctions dans le cadre de ses régimes de protection exhaustifs pour les appellations d’origine et les indications géographiques des produits agricoles, l’Union devrait adhérer à l’acte de Genève et en devenir partie contractante. »

12 L’article 1er, premier alinéa, de cette décision énonce :

« Par la présente, l’adhésion de l’Union européenne à l’[acte de Genève] est approuvée au nom de l’Union. »

13 L’article 3 de ladite décision prévoit :

« Les États membres qui le souhaitent sont autorisés à ratifier l’acte de Genève ou à y adhérer, selon le cas, aux côtés de l’Union, dans l’intérêt et dans le plein respect de la compétence exclusive de celle-ci. »

14 L’article 4 de la même décision dispose :

« 1.   L’Union et les États membres qui ratifient ou qui adhèrent à l’acte de Genève conformément à l’article 3 de la présente décision sont représentés au sein de l’Union particulière par la Commission, conformément à l’article 17, paragraphe 1, du TUE. Il incombe à l’Union d’assurer l’exercice des droits et le respect des obligations de l’Union et des États membres qui ratifient l’acte de Genève ou qui y adhèrent conformément à l’article 3 de la présente décision.

[...]

2.   L’Union vote à l’Assemblée de l’Union particulière et les États membres qui ont ratifié l’acte de Genève ou qui y ont adhéré n’exercent pas leur droit de vote. »

2.   Le règlement (UE) 2019/1753

15 L’article 11 du règlement (UE) 2019/1753 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2019, relatif à l’action de l’Union à la suite de son adhésion à l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques (JO 2019, L 271, p. 1), intitulé « Dispositions transitoires pour les appellations d’origine originaires des États membres déjà enregistrées au titre de l’arrangement de Lisbonne », dispose, à son paragraphe 1 :

« Pour chaque appellation d’origine originaire d’un État membre qui est partie à l’arrangement de Lisbonne concernant un produit qui est protégée au titre d’un des règlements visés à l’article 1er du présent règlement, l’État membre concerné, sur la base d’une demande formulée par une personne physique ou morale visée à l’article 5, paragraphe 2, point ii), de l’acte de Genève ou un bénéficiaire au sens de l’article 1er, point xvii), de l’acte de Genève, ou de sa propre initiative, choisit de
demander :

a) l’enregistrement international de cette appellation d’origine au titre de l’acte de Genève, si l’État membre concerné a ratifié l’acte de Genève ou y a adhéré en vertu de l’autorisation visée à l’article 3 de la [décision attaquée] ; ou

b) l’annulation de l’enregistrement de ladite appellation d’origine au registre international.

[...] »

II. Les antécédents du litige

16 Au mois de septembre 2008, l’Assemblée de l’Union particulière a créé un groupe de travail chargé de préparer une révision de l’arrangement de Lisbonne destinée à l’améliorer et à le rendre plus attractif, tout en préservant les principes et les objectifs de celui-ci.

17 Les délégations des 28 États parties à l’arrangement de Lisbonne ainsi que deux délégations dites « spéciales », dont celle de l’Union, et un certain nombre de délégations dites « observatrices » ont été invitées à participer à une conférence diplomatique convoquée à Genève du 11 au 21 mai 2015 en vue de l’examen et de l’adoption du projet d’arrangement de Lisbonne révisé préparé par ce groupe de travail.

18 En vue de la participation de l’Union à cette conférence diplomatique, la Commission a adopté, le 30 mars 2015, une recommandation de décision du Conseil de l’Union européenne autorisant l’ouverture de négociations concernant un arrangement de Lisbonne révisé sur les appellations d’origine et les indications géographiques. Dans cette recommandation, la Commission a notamment invité le Conseil à fonder sa décision sur l’article 207 TFUE ainsi que sur l’article 218, paragraphes 3 et 4, TFUE, compte
tenu de la compétence exclusive attribuée à l’Union par l’article 3, paragraphe 1, TFUE dans le domaine de la politique commerciale commune.

19 Le 7 mai 2015, le Conseil a adopté la décision 8512/15, autorisant l’ouverture de négociations relatives à un arrangement de Lisbonne révisé concernant les appellations d’origine et les indications géographiques, pour ce qui est des questions qui relèvent de la compétence de l’Union. À la différence de ce qu’avait recommandé la Commission, cette décision a été fondée sur l’article 114 TFUE ainsi que sur l’article 218, paragraphes 3 et 4, TFUE.

20 Le 20 mai 2015, la conférence diplomatique mentionnée au point 17 du présent arrêt a adopté l’acte de Genève, qui a été ouvert à la signature le lendemain. En vertu de l’article 28, paragraphe 1, sous iii), de cet acte, toute organisation intergouvernementale peut signer ledit acte et devenir partie à celui-ci.

21 Par son arrêt du 25 octobre 2017, Commission/Conseil (Arrangement de Lisbonne révisé) (C‑389/15, EU:C:2017:798), la Cour a jugé que la négociation de l’acte de Genève relevait de la compétence exclusive que l’article 3, paragraphe 1, TFUE attribue à l’Union dans le domaine de la politique commerciale commune visée à l’article 207, paragraphe 1, TFUE. La Cour a, dès lors, annulé la décision 8512/15, tout en maintenant les effets de celle-ci jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable
n’excédant pas six mois à compter de la date du prononcé de cet arrêt, d’une nouvelle décision du Conseil fondée sur les articles 207 et 218 TFUE.

22 Le 5 mars 2018, le Conseil a donné suite à cet arrêt en adoptant, sur le fondement de l’article 207 TFUE, lu en combinaison avec l’article 218, paragraphes 3 et 4, TFUE, la décision (UE) 2018/416 autorisant l’ouverture de négociations en vue d’un arrangement de Lisbonne révisé concernant les appellations d’origine et les indications géographiques (JO 2018, L 75, p. 23).

23 Le 27 juillet 2018, la Commission a présenté une proposition de décision du Conseil relative à l’adhésion de l’Union européenne à l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques [document COM(2018) 350 final], sur la base de l’article 207 et de l’article 218, paragraphe 6, sous a), TFUE. Eu égard à la compétence exclusive de l’Union en ce qui concerne la négociation de cet acte, cette proposition prévoyait que seule l’Union adhère à
celui-ci.

24 Le 15 mars 2019, le Conseil a transmis au Parlement européen un projet de décision du Conseil relative à l’adhésion de l’Union à l’acte de Genève, autorisant tous les États membres qui le souhaitaient à adhérer à cet acte aux côtés de l’Union. Le 16 avril 2019, le Parlement a approuvé ce projet.

25 La Commission n’ayant pas soutenu ledit projet, le Conseil a, le 7 octobre 2019, adopté la décision attaquée à l’unanimité, conformément à l’article 293, paragraphe 1, TFUE.

26 Dans une déclaration inscrite au procès-verbal du Conseil relatif à l’adoption de cette décision, la Commission a, d’une part, contesté la possibilité d’autoriser tous les États membres de l’Union qui le souhaitent à ratifier l’acte de Genève ou à y adhérer parallèlement à l’Union et, d’autre part, affirmé qu’elle aurait été disposée à accepter que les sept États membres qui étaient depuis longtemps parties à l’arrangement de Lisbonne et qui avaient déjà enregistré de nombreux droits de propriété
intellectuelle au titre de cet arrangement soient autorisés à adhérer à l’acte de Genève dans l’intérêt de l’Union.

27 L’Union a adhéré à l’acte de Genève le 26 novembre 2019.

III. Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

28 La Commission demande à la Cour :

– d’annuler l’article 3 de la décision attaquée ;

– d’annuler l’article 4 de la décision attaquée, dans la mesure où il contient des références aux États membres ou, à titre subsidiaire, d’annuler entièrement cet article 4 si les références aux États membres sont indissociables du reste dudit article ;

– de maintenir les effets des parties annulées de la décision attaquée, notamment toute utilisation de l’autorisation accordée en vertu de l’article 3 avant la date de l’arrêt par les États membres qui sont actuellement parties à l’arrangement de Lisbonne, jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable n’excédant pas six mois à compter de la date du prononcé de l’arrêt, d’une décision du Conseil, et

– de condamner le Conseil aux dépens.

29 Par acte séparé déposé au greffe de la Cour le 15 avril 2020, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité, conformément à l’article 151, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

30 La Commission a présenté ses observations sur cette exception le 18 mai 2020.

31 Par une décision de la Cour du 6 octobre 2020, l’examen de ladite exception a été joint au fond.

32 Le Conseil demande à la Cour :

– de rejeter le recours comme étant irrecevable dans son intégralité ;

– à titre subsidiaire, de rejeter le recours comme étant non fondé dans son intégralité, et

– de condamner la Commission aux dépens.

33 Par décisions du président de la Cour du 17 décembre 2020, le Royaume de Belgique, la République tchèque, la République hellénique, la République française, la République de Croatie, la République italienne, la Hongrie, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche et la République portugaise ont été admis à intervenir au litige, au soutien des conclusions du Conseil.

IV. Sur le recours

A. Sur la recevabilité

1.   Argumentation des parties

34 À l’appui de son exception d’irrecevabilité, à laquelle s’associent, en substance, les États membres intervenants, le Conseil rappelle que l’annulation partielle d’un acte de l’Union n’est possible que pour autant que les éléments dont l’annulation est demandée sont détachables du reste de l’acte.

35 S’agissant, en premier lieu, de la demande d’annulation de l’article 3 de la décision attaquée, le Conseil soutient que cet article ne peut pas être détaché du reste de cette décision sans que la substance de celle-ci ne s’en trouve modifiée. D’une part, ledit article 3, lu en combinaison avec l’article 1er de ladite décision, qui approuve l’adhésion de l’Union à l’acte de Genève, viserait à garantir que l’Union puisse exercer correctement sa compétence externe exclusive dans les domaines
relevant de cet acte, en lui permettant de disposer de droits de vote au sein de l’Assemblée de l’Union particulière. En effet, dès lors que, conformément à l’article 22, paragraphe 4, sous b), ii), de l’acte de Genève, toute organisation intergouvernementale partie à ce dernier ne peut disposer que d’un nombre de voix égal au nombre de ses États membres qui sont parties à cet acte, l’annulation de l’article 3 de la décision attaquée priverait l’Union de droit de vote au sein de cette Assemblée
et, partant, de toute possibilité d’exercer correctement sa compétence exclusive dans les domaines relevant de l’acte de Genève, ce qui rendrait le contenu résiduel de cette décision incompatible avec son objet et sa finalité déclarés.

36 D’autre part, dans la mesure où l’article 3 de la décision attaquée permet aux sept États membres de l’Union qui sont parties contractantes à l’arrangement de Lisbonne de devenir parties contractantes à l’acte de Genève, cet article garantirait l’ancienneté et la continuité de la protection des appellations d’origine déjà enregistrées dans ces États membres au titre de l’arrangement de Lisbonne.

37 Par ailleurs, le Conseil considère que la demande de la Commission visant à obtenir le maintien des effets des parties annulées de cette décision en ce qui concerne lesdits États membres démontre que l’article 3 de ladite décision n’est pas dissociable du reste de la même décision.

38 S’agissant, en second lieu, de la demande d’annulation des éléments de l’article 4 de la décision attaquée faisant référence aux États membres, le Conseil estime que ces éléments sont indissociables de l’article 3 de cette décision et que, par conséquent, cette demande est, pour les mêmes raisons que celles exposées en ce qui concerne la demande d’annulation de cet article 3, irrecevable.

39 Soutenant l’exception d’irrecevabilité du Conseil, la République italienne ajoute que, contrairement aux exigences énoncées à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le recours est dirigé non pas contre le Parlement et le Conseil, mais uniquement contre ce dernier, alors même que, conformément à l’article 218, paragraphe 6, sous a), iii), TFUE, le Parlement a approuvé la décision attaquée, comme cela ressort d’ailleurs de son préambule. Or, la procédure prévue à
l’article 218, paragraphe 6, TFUE impliquerait une véritable codécision entre le Conseil et le Parlement, dès lors que, sans l’approbation de ce dernier, le Conseil ne pourrait ni délibérer ni adopter de décision.

40 La Commission conteste cette argumentation et soutient que son recours est recevable.

2.   Appréciation de la Cour

41 Afin de statuer sur l’exception d’irrecevabilité du Conseil, il convient d’examiner d’emblée l’argument invoqué par la République italienne, selon lequel le recours de la Commission serait irrecevable au motif qu’il est dirigé uniquement contre le Conseil.

42 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE doit être formé contre l’institution qui a adopté l’acte attaqué et qu’un tel recours serait irrecevable en tant que dirigé contre une autre institution (arrêt du 11 septembre 2003, Autriche/Conseil, C‑445/00, EU:C:2003:445, point 32 et jurisprudence citée).

43 En l’occurrence, il ressort de l’intitulé même de la décision attaquée que celle-ci a été adoptée par le Conseil et il est, en outre, constant que cette décision, en ce qu’elle porte conclusion d’un accord international, a été adoptée sur le fondement de l’article 218, paragraphe 6, TFUE.

44 Or, en vertu de cette disposition, seul le Conseil est habilité à adopter une décision portant conclusion d’un accord international. Comme M. l’avocat général l’a relevé en substance au point 48 de ses conclusions, la circonstance que l’article 218, paragraphe 6, deuxième alinéa, sous a), TFUE prévoie que, dans certains cas, le Conseil adopte une telle décision après approbation du Parlement n’est pas de nature à remettre en cause ce constat, une telle approbation ne pouvant être confondue avec
l’acte de conclusion lui-même, dont l’article 218, paragraphe 6, premier alinéa, TFUE prévoit l’adoption par le seul Conseil.

45 Dans ces conditions, c’est à bon droit que, conformément à l’article 297, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE – en vertu duquel les actes non législatifs qui n’indiquent pas de destinataire sont signés par le président de l’institution qui les a adoptés –, la décision attaquée a été signée par le seul président du Conseil, cette signature identifiant ainsi l’auteur de cette décision.

46 Par conséquent, l’argument de la République italienne doit être écarté.

47 S’agissant de l’argumentation du Conseil, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, l’annulation partielle d’un acte de l’Union n’est possible que dans la mesure où les éléments dont l’annulation est demandée sont détachables du reste de l’acte. Il n’est pas satisfait à cette exigence lorsque l’annulation partielle d’un acte aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci. En ce qui concerne la vérification du caractère détachable des dispositions
contestées, celle-ci suppose l’examen de la portée de ces dispositions, afin de pouvoir évaluer si leur annulation modifierait l’esprit et la substance de l’acte attaqué (arrêts du 16 juillet 2015, Commission/Conseil, C‑425/13, EU:C:2015:483, point 94 et jurisprudence citée, ainsi que du 9 novembre 2017, SolarWorld/Conseil, C‑205/16 P, EU:C:2017:840, points 38 et 39 ainsi que jurisprudence citée).

48 La Cour a également précisé que la question de savoir si une annulation partielle modifierait la substance de l’acte attaqué constitue un critère objectif et non un critère subjectif lié à la volonté politique de l’institution qui a adopté cet acte (arrêt du 26 avril 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑401/19, EU:C:2022:297, point 19 ainsi que jurisprudence citée).

49 En l’occurrence, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 39 de ses conclusions, la substance de la décision attaquée consiste en l’adhésion de l’Union à l’acte de Genève, approuvé au nom de l’Union en vertu de l’article 1er de cette décision.

50 En effet, le considérant 6 de ladite décision énonce que, « [p]our qu’elle puisse exercer correctement sa compétence exclusive en ce qui concerne les domaines relevant de l’acte de Genève et ses fonctions dans le cadre de ses régimes de protection exhaustifs pour les appellations d’origine et les indications géographiques des produits agricoles, l’Union devrait adhérer à l’acte de Genève et en devenir partie contractante ».

51 Les articles 2 et 5 de la même décision établissent les modalités pratiques de cette adhésion.

52 Or, comme le Conseil le reconnaît lui-même, ce n’est que pour résoudre certaines difficultés, qui, selon lui, pourraient résulter de ladite adhésion, que l’article 3 de la décision attaquée autorise les États membres qui le souhaitent à ratifier l’acte de Genève ou à y adhérer. L’article 4 de cette décision apporte des précisions au sujet de la représentation de l’Union et des États membres qui ratifieraient cet acte ou y adhéreraient au sein de l’Union particulière ainsi qu’au sujet des
responsabilités incombant à l’Union en matière d’exercice des droits et de respect des obligations de celle-ci et de ces États membres, découlant dudit acte.

53 Ainsi, ces articles 3 et 4 visent à permettre aux États membres qui le souhaitent de ratifier l’acte de Genève ou d’y adhérer aux côtés de l’Union. Or, il découle du caractère facultatif de telles adhésions ou ratifications que l’article 1er de la décision attaquée est susceptible de déployer ses effets dans la situation où aucun État membre n’exercerait la faculté prévue auxdits articles 3 et 4.

54 Même si, comme le fait valoir le Conseil, une telle situation devait avoir des conséquences sur la possibilité, pour l’Union, de participer au vote au sein de l’Assemblée de l’Union particulière ainsi que sur la garantie de l’ancienneté et de la continuité de la protection des appellations d’origine enregistrées dans les États membres au titre de l’arrangement de Lisbonne, elle n’affecterait pas la portée juridique de l’article 1er de la décision attaquée et ne remettrait pas en question
l’adhésion de l’Union à l’acte de Genève, qui, ainsi qu’il a été souligné au point 49 du présent arrêt, constitue la substance de cette décision.

55 Il s’ensuit que les dispositions de la décision attaquée dont la Commission demande l’annulation sont détachables du reste de cette décision.

56 Contrairement à ce que soutient le Conseil, cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que la Commission a demandé le maintien des effets des parties de la décision attaquée dont elle demande l’annulation en ce qui concerne les États membres qui sont parties à l’arrangement de Lisbonne. En effet, cette circonstance n’a aucune incidence sur le caractère détachable des dispositions de cette décision dont l’annulation est demandée et, partant, sur la recevabilité du
recours.

57 Eu égard à ce qui précède, l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil doit être rejetée.

B. Sur le fond

58 À l’appui de son recours, la Commission soulève deux moyens.

1.   Sur le premier moyen

59 Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 218, paragraphe 6, et de l’article 293, paragraphe 1, TFUE, du principe d’attribution des compétences prévu à l’article 13, paragraphe 2, TUE ainsi que du principe de l’équilibre institutionnel et du droit d’initiative de la Commission.

a)   Argumentation des parties

60 La Commission soutient, en premier lieu, qu’elle n’a pas proposé et en aucun cas accepté d’autoriser les États membres à ratifier l’acte de Genève ou à y adhérer, mais qu’elle a seulement proposé l’adhésion de l’Union à celui-ci. Même si, conformément à l’article 293, paragraphe 1, TFUE, le Conseil peut modifier une proposition de la Commission en statuant à l’unanimité, en l’espèce, aucune proposition visant à autoriser les États membres à ratifier l’acte de Genève ou à y adhérer n’aurait existé
et n’aurait donc pu être modifiée. Soutenir le contraire impliquerait que le Conseil pourrait, en statuant à l’unanimité, effectuer n’importe quel ajout à une proposition de la Commission, indépendamment de l’objet de celle-ci. Or, la jurisprudence exigerait que toute modification d’une proposition de la Commission soit analysée au regard de l’« objet » et de la « finalité » de cette proposition. En réalité, en ajoutant à l’adhésion de l’Union une autorisation générale d’adhésion des États
membres, le Conseil aurait adopté, dans un même acte « formel », une seconde décision distincte ne figurant pas dans la proposition de la Commission.

61 En second lieu, la Commission conteste, dans sa réplique, les raisons alléguées par le Conseil afin de justifier la modification de la proposition de la Commission, à savoir la nécessité d’assurer que l’Union dispose de droits de vote à l’Assemblée de l’Union particulière ainsi que de préserver l’ancienneté et la continuité de la protection des appellations d’origine enregistrées au titre de l’arrangement de Lisbonne dans les sept États membres qui étaient déjà parties à ce dernier.

62 D’une part, autoriser les États membres à ratifier l’acte de Genève ou à y adhérer ne garantirait pas que cette faculté soit exercée ni, par conséquent, que l’Union dispose de droits de vote à l’Assemblée de l’Union particulière. En tout état de cause, l’importance de ces droits de vote ne devrait pas être surestimée. En effet, l’Assemblée de l’Union particulière ne statuerait que sur des questions administratives et, dans la plupart des cas, par consensus.

63 D’autre part, en ce qui concerne l’ancienneté et la continuité de la protection des appellations d’origine enregistrées au titre de l’arrangement de Lisbonne, les règles applicables pourraient être interprétées de manière à permettre la prise en compte de ces appellations d’origine. En tout état de cause, s’agissant d’une question qui ne concerne que les sept États membres parties à l’arrangement de Lisbonne, il suffirait que ceux-ci n’adhèrent pas à l’acte de Genève pour que l’arrangement de
Lisbonne continue de s’appliquer à leur égard et que cette ancienneté ainsi que cette continuité soient garanties.

64 La République italienne objecte d’emblée que le premier moyen est dépourvu de fondement, au motif que l’article 293, paragraphe 1, TFUE n’est pas applicable à la procédure régie par l’article 218 TFUE. En effet, il ressortirait de ce dernier article que la procédure prévue à celui-ci reposerait sur une décision du Conseil, adoptée sur le fondement d’une « recommandation » de la Commission, qui, conformément à l’article 288 TFUE, serait un acte non contraignant. Le Conseil disposerait donc d’un
pouvoir étendu pour accueillir, rejeter ou modifier une recommandation de la Commission relative à la négociation, puis à la conclusion d’un accord. En particulier, une décision portant conclusion d’un accord serait régie par l’article 218, paragraphe 6, TFUE, aux termes duquel le Conseil adopte cette décision « sur proposition du négociateur ». La Commission interviendrait dans cette procédure de conclusion non en tant que telle, mais uniquement en tant que négociateur de l’accord. Ainsi, une
proposition de la Commission dans le cadre de ladite procédure, laquelle serait adaptée à la nature particulière des accords internationaux, ne serait pas assimilable à celle prévue à l’article 293, paragraphe 1, TFUE.

65 Selon le Conseil, en premier lieu, la Cour, dans sa jurisprudence, a reconnu l’existence d’une condition de forme et d’une condition de fond que le Conseil doit respecter lorsqu’il amende une proposition de la Commission, au sens de l’article 293, paragraphe 1, TFUE.

66 S’agissant de la condition de forme, lorsque la Commission n’accepte pas une modification apportée par le Conseil, celui-ci serait tenu de statuer à l’unanimité. Or, en l’occurrence, le Conseil aurait respecté cette exigence de forme en modifiant à l’unanimité la proposition de la Commission.

67 Quant à la condition de fond, le Conseil ne devrait pas faire obstacle à la réalisation des objectifs poursuivis par la proposition de la Commission. En particulier, les modifications apportées à une proposition devraient demeurer dans le champ d’application de celle-ci, tel que défini par la Commission. Tel serait le cas lorsque le Conseil respecte les intentions de la Commission et ne modifie ni l’objet ni la finalité de la proposition.

68 Le Conseil relève que, en l’occurrence, dans l’exposé des motifs de sa proposition, visée au point 23 du présent arrêt, la Commission a indiqué que, « [p]our qu’elle puisse exercer correctement sa compétence exclusive en ce qui concerne l’acte de Genève [...] et ses fonctions dans le contexte de ses régimes de protection exhaustifs pour les indications géographiques agricoles, l’Union européenne devrait devenir une partie contractante ». Il relève également que le considérant 6 de la décision
attaquée énonce que, « [p]our qu’elle puisse exercer correctement sa compétence exclusive en ce qui concerne les domaines relevant de l’acte de Genève et ses fonctions dans le cadre de ses régimes de protection exhaustifs pour les appellations d’origine et les indications géographiques des produits agricoles, l’Union devrait adhérer à l’acte de Genève et en devenir une partie contractante ».

69 Ainsi, le Conseil serait resté dans les limites de l’objectif déclaré de la proposition de la Commission. Or, selon le Conseil, si cette proposition n’avait pas été modifiée, elle n’aurait pas permis d’atteindre cet objectif à deux égards : d’une part, l’Union n’aurait pas disposé de droits de vote à l’Assemblée de l’Union particulière et, d’autre part, l’ancienneté des indications géographiques enregistrées au titre de l’arrangement de Lisbonne par les sept États membres parties à cet
arrangement aurait disparu à la suite de l’enregistrement ex novo, par l’Union, en tant que nouvelle partie contractante à l’Union particulière, d’indications géographiques au titre de l’acte de Genève.

70 En deuxième lieu, le Conseil soutient qu’accepter l’argument de la Commission exposé au point 60 du présent arrêt, selon lequel l’adoption d’une décision du Conseil modifiant la proposition de la Commission équivaudrait à une absence de proposition, viderait de sa substance le droit d’amendement conféré au Conseil par l’article 293, paragraphe 1, TFUE, en privant cette disposition de tout effet utile.

71 En troisième lieu, le Conseil observe que, contrairement à ce que soutient la Commission, il n’a pas adopté deux décisions au moyen d’un même « acte formel », dont l’une serait fondée sur la proposition de la Commission et l’autre non. La modification apportée par le Conseil à l’article 3 de la décision attaquée aurait pour objet non pas d’autoriser les États membres à adhérer à l’acte de Genève afin qu’ils puissent exercer leurs compétences, mais de donner pleinement effet à l’objet et à la
finalité de cette proposition, de sorte que l’Union puisse agir au sein de l’Assemblée de l’Union particulière de manière effective et protéger les intérêts des États membres. Dans ce contexte, le Conseil rappelle que l’autorisation donnée aux États membres est accordée sous réserve du « plein respect de la compétence exclusive de [l’Union] ». Par ailleurs, pour garantir l’unité de la représentation internationale de l’Union et de ses États membres, le Conseil aurait confié à la Commission la
représentation de l’Union ainsi que celle de tout État membre souhaitant faire usage de cette autorisation.

72 À cet égard, la République d’Autriche observe que le fait d’autoriser les États membres à adhérer à l’acte de Genève dans le strict respect de la compétence exclusive de l’Union, mais sans que l’Union n’y adhère, serait dépourvu de sens. En effet, en vertu de l’article 4 de la décision attaquée, il incomberait à l’Union d’assurer l’exercice des droits et le respect des obligations de l’Union et des États membres qui ratifient l’acte de Genève ou qui y adhèrent et seule l’Union voterait à
l’Assemblée de l’Union particulière, les États membres qui ont ratifié l’acte de Genève ou qui y ont adhéré n’exerçant pas leur droit de vote.

73 En quatrième lieu, le Conseil estime que la déclaration de la Commission, mentionnée au point 26 du présent arrêt, selon laquelle elle aurait été disposée à accepter que les sept États membres parties à l’arrangement de Lisbonne qui avaient déjà enregistré de nombreux droits de propriété intellectuelle au titre de cet arrangement soient autorisés à adhérer à l’acte de Genève dans l’intérêt de l’Union est importante à au moins trois égards. Premièrement, par cette déclaration, la Commission
reconnaîtrait que l’autorisation donnée par le Conseil aux États membres, ou du moins à certains d’entre eux, est dans l’intérêt de l’Union. Deuxièmement, la Commission accepterait implicitement que le Conseil puisse donner effet à cette autorisation en modifiant la proposition de la Commission. Troisièmement, la Commission admettrait qu’une telle autorisation est possible dans un domaine relevant de la compétence exclusive de l’Union.

74 La République tchèque et la République portugaise contestent l’affirmation de la Commission selon laquelle l’arrangement de Lisbonne continuerait de s’appliquer aux sept États membres qui en sont parties contractantes si ceux-ci n’adhéraient pas à l’acte de Genève, assurant ainsi une continuité dans la protection des indications géographiques déjà enregistrées. En effet, l’article 11 du règlement 2019/1753 prévoirait, en ce qui concerne les dispositions transitoires pour les appellations
d’origine des États membres déjà enregistrées au titre de l’arrangement de Lisbonne, l’enregistrement international de ces appellations d’origine au titre de l’acte de Genève, à la condition que l’État membre concerné ait ratifié l’acte de Genève ou y ait adhéré en vertu de l’autorisation visée à l’article 3 de la décision attaquée.

b)   Appréciation de la Cour

75 Par son premier moyen, la Commission soutient, en substance, que le Conseil, en amendant la proposition de la Commission par l’introduction d’une disposition autorisant les États membres qui le souhaitent à ratifier l’acte de Genève ou à y adhérer, a agi en dehors de toute initiative de la Commission, violant ainsi l’article 218, paragraphe 6, et l’article 293, paragraphe 1, TFUE et portant préjudice à l’équilibre institutionnel résultant de l’article 13, paragraphe 2, TUE.

1) Sur l’applicabilité de l’article 293, paragraphe 1, TFUE

76 À titre liminaire, il convient d’examiner l’argument invoqué par la République italienne selon lequel l’article 293, paragraphe 1, TFUE n’est pas applicable à une décision, telle que la décision attaquée, adoptée sur le fondement de l’article 218, paragraphe 6, TFUE, du fait que cet article 293, paragraphe 1, ne s’applique qu’à l’adoption d’actes dans le cadre de l’action intérieure de l’Union.

77 Il ressort du libellé même de l’article 293, paragraphe 1, TFUE que, lorsque, en vertu des traités, le Conseil statue sur proposition de la Commission, il ne peut amender la proposition qu’en statuant à l’unanimité, sauf dans les cas visés à certaines dispositions du traité FUE mentionnées à cet article 293, paragraphe 1.

78 Or, d’une part, l’article 218 TFUE ne figure pas au nombre de ces dispositions.

79 D’autre part, comme M. l’avocat général l’a relevé en substance au point 61 de ses conclusions, l’article 293, paragraphe 1, TFUE a vocation à s’appliquer à tous les actes juridiques de l’Union pour l’adoption desquels le Conseil statue sur proposition de la Commission, indépendamment du point de savoir si ces actes relèvent de l’action intérieure de l’Union ou de son action extérieure. En particulier, rien dans le libellé de cette disposition ne permet d’exclure son applicabilité à la procédure
d’adoption d’une décision fondée sur l’article 218, paragraphe 6, TFUE, pour autant que, lorsque le Conseil adopte une telle décision, il statue sur proposition de la Commission.

80 Il est, certes, vrai que, conformément à l’article 218, paragraphe 6, TFUE, le Conseil adopte la décision portant conclusion de l’accord sur proposition du négociateur.

81 Cependant, dès lors que, en vertu de l’article 218, paragraphe 3, TFUE, le Conseil a désigné la Commission en tant que négociateur, il statue alors nécessairement sur proposition de la Commission afin d’adopter cette décision.

82 Il s’ensuit que l’article 293, paragraphe 1, TFUE est applicable lorsque le Conseil, statuant sur proposition de la Commission, adopte une décision fondée sur l’article 218, paragraphe 6, TFUE. Partant, l’argument de la République italienne doit être écarté.

2) Sur la violation alléguée de l’article 293, paragraphe 1, TFUE

83 Afin d’apprécier si, en l’espèce, le Conseil a violé l’article 293, paragraphe 1, TFUE, il convient de rappeler que cette disposition doit être lue à la lumière de l’article 13, paragraphe 2, TUE, selon lequel chaque institution de l’Union agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités, conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci. Cette dernière disposition traduit le principe de l’équilibre institutionnel, caractéristique de la structure
institutionnelle de l’Union, lequel implique que chacune des institutions exerce ses compétences dans le respect de celles des autres (arrêt du 2 septembre 2021, EPSU/Commission, C‑928/19 P, EU:C:2021:656, point 48 et jurisprudence citée).

84 L’article 13, paragraphe 2, TUE dispose, par ailleurs, que les institutions de l’Union pratiquent entre elles une coopération loyale.

85 Dans ce contexte, il convient de relever que, en vertu de l’article 17, paragraphe 2, seconde phrase, TUE, les actes de l’Union autres que législatifs sont adoptés sur proposition de la Commission lorsque les traités le prévoient.

86 Comme il a été rappelé aux points 80 et 81 du présent arrêt, il résulte de l’article 218, paragraphes 3 et 6, TFUE que la décision portant conclusion de l’accord international en cause est adoptée sur proposition de la Commission en tant que négociateur désigné.

87 Or, la Cour a déjà précisé que le pouvoir d’initiative reconnu à la Commission par l’article 17, paragraphe 2, seconde phrase, TUE ne se résume pas à présenter une proposition. En effet, au titre de ce pouvoir, il revient, en principe, à la Commission, qui, conformément à l’article 17, paragraphe 1, TUE, promeut l’intérêt général de l’Union et prend les initiatives appropriées à cette fin, de décider de présenter, ou non, une proposition et, le cas échéant, d’en déterminer l’objet, la finalité et
le contenu ainsi que, aussi longtemps que le Conseil n’a pas statué, de modifier sa proposition, voire, au besoin, de la retirer (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2015, Conseil/Commission, C‑409/13, EU:C:2015:217, points 70 et 74).

88 L’exercice par la Commission de son pouvoir d’initiative est ainsi indissociablement lié à la fonction de promotion de l’intérêt général dont elle est investie par l’article 17, paragraphe 1, TUE.

89 L’article 293 TFUE assortit ce pouvoir d’initiative d’une double garantie.

90 D’une part, ainsi qu’il a été relevé au point 77 du présent arrêt, l’article 293, paragraphe 1, TFUE dispose que, sauf dans les cas visés aux dispositions du traité FUE qui y sont mentionnées, le Conseil, lorsqu’il statue, en vertu des traités, sur proposition de la Commission, ne peut amender la proposition qu’en statuant à l’unanimité.

91 D’autre part, aux termes de l’article 293, paragraphe 2, TFUE, tant que le Conseil n’a pas statué, la Commission peut modifier sa proposition tout au long des procédures conduisant à l’adoption d’un acte de l’Union.

92 L’article 293 TFUE assure ainsi le respect du principe de l’équilibre institutionnel en mettant en balance, notamment, les compétences de la Commission, au titre de l’article 17, paragraphe 2, TUE, et celles du Conseil, prévues à l’article 16, paragraphe 1, TUE, ce qui implique, ainsi qu’il a été relevé au point 83 du présent arrêt, que chacune des institutions exerce ses compétences dans le respect de celles des autres.

93 Il en résulte, notamment, que le pouvoir d’amendement du Conseil ne saurait s’étendre jusqu’à permettre à celui-ci de dénaturer la proposition de la Commission, dans un sens qui ferait obstacle à la réalisation des objectifs poursuivis par celle-ci et qui, partant, la priverait de sa raison d’être (voir, concernant le retrait d’une proposition d’acte législatif, arrêt du 14 avril 2015, Conseil/Commission, C‑409/13, EU:C:2015:217, point 83).

94 La Cour a jugé que tel n’est pas le cas lorsque des amendements apportés par le Conseil à une proposition de la Commission ne sortent pas de l’objet de cette proposition ni n’en modifient la finalité (voir, en ce sens, arrêts du 30 mai 1989, Commission/Conseil, 355/87, EU:C:1989:220, point 44, ainsi que du 11 novembre 1997, Eurotunnel e.a., C‑408/95, EU:C:1997:532, point 39).

95 Il convient dès lors de vérifier si la modification apportée à l’unanimité par le Conseil à la proposition de la Commission visée au point 23 du présent arrêt, introduisant une disposition autorisant les États membres qui le souhaitent à ratifier l’acte de Genève ou à y adhérer, a dénaturé l’objet ou la finalité de cette proposition dans un sens qui ferait obstacle à la réalisation des objectifs poursuivis par celle-ci.

96 À cette fin, il importe de rappeler que l’objet de ladite proposition consistait en l’adhésion de l’Union seule à l’acte de Genève et que la finalité de la même proposition était, comme cela résulte de l’exposé des motifs de cette dernière, visé au point 68 du présent arrêt, de permettre à l’Union d’exercer correctement sa compétence exclusive dans les domaines relevant de cet acte.

97 Or, à cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, que l’article 3, paragraphe 1, sous e), TFUE attribue à l’Union une compétence exclusive dans le domaine de la politique commerciale commune. Conformément à l’article 207, paragraphe 1, TFUE, cette politique est fondée sur des principes uniformes, notamment en ce qui concerne les aspects commerciaux de la propriété intellectuelle, et est menée dans le cadre des principes et des objectifs de l’action extérieure de l’Union.

98 La Cour a déjà eu l’occasion de préciser, en substance, que l’acte de Genève, d’une part, est essentiellement destiné à faciliter et à régir les échanges commerciaux entre l’Union et des États tiers, et, d’autre part, est de nature à avoir des effets directs et immédiats sur ces échanges, de telle sorte que sa négociation relève de cette compétence exclusive [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2017, Commission/Conseil (Arrangement de Lisbonne révisé), C‑389/15, EU:C:2017:798, point 74].

99 Deuxièmement, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, TFUE, lorsque les traités attribuent à l’Union une compétence exclusive dans un domaine déterminé, seule l’Union peut légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants.

100 Cette disposition ajoute néanmoins que les États membres peuvent notamment légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants dans un tel domaine uniquement s’ils sont habilités par l’Union pour ce faire.

101 À cet égard, il découle de la jurisprudence de la Cour que le principe d’attribution des compétences, visé à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 5, paragraphes 1 et 2, TUE, ainsi que le cadre institutionnel défini aux articles 13 à 19 TUE afin de permettre l’exercice, par l’Union, des compétences que les traités lui ont attribuées constituent des caractéristiques spécifiques de l’Union et de son droit relatives à la structure constitutionnelle de l’Union [voir, en ce sens, avis 2/13
(Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014, EU:C:2014:2454, point 165].

102 Or, la décision d’octroyer aux États membres une telle habilitation affecte les modalités d’exercice de compétences attribuées à titre exclusif à l’Union par les traités, dans la mesure où elle permet l’exercice, par les États membres, d’une compétence que les traités ont attribuée de manière exclusive à l’Union et que celle-ci devrait, en principe, exercer seule.

103 Il s’ensuit qu’une telle décision exprime un choix politique précis et alternatif entre, d’une part, l’exercice, par l’Union seule, d’une compétence exclusive que les traités lui ont attribuée dans un domaine déterminé et, d’autre part, l’habilitation des États membres par l’Union pour exercer cette compétence.

104 Un tel choix relève de l’appréciation de l’intérêt général de l’Union par la Commission en vue de définir les initiatives les plus appropriées pour promouvoir celui-ci, appréciation à laquelle, comme il a été précisé au point 88 du présent arrêt, le pouvoir d’initiative dont l’article 17, paragraphe 2, TUE investit cette institution est indissociablement lié.

105 Partant, un amendement du Conseil tendant à habiliter les États membres à exercer une compétence exclusive de l’Union dénaturerait la finalité même d’une proposition de la Commission exprimant le choix que l’Union exerce seule cette compétence.

106 En l’occurrence, la proposition de la Commission visait précisément à permettre à l’Union d’adhérer à l’acte de Genève, qui, en substance, a ouvert à cette dernière la possibilité de devenir membre de l’Union particulière, alors que l’arrangement de Lisbonne ne permettait que l’adhésion d’États, et, ainsi, d’exercer seule sa compétence exclusive dans les domaines relevant de l’acte de Genève. Non seulement cette proposition ne prévoyait pas d’autoriser les États membres qui le souhaitent à
ratifier l’acte de Genève ou à y adhérer, mais, lors des négociations, la Commission avait clairement manifesté son opposition à une telle autorisation de caractère général, bien que, ainsi qu’il ressort de la déclaration mentionnée au point 26 du présent arrêt, elle ne se soit pas opposée à l’adhésion de sept État membres.

107 Or, l’amendement du Conseil a abouti à l’adoption de l’article 3 de la décision attaquée, autorisant les États membres qui le souhaitent à ratifier l’acte de Genève ou à y adhérer.

108 Il y a dès lors lieu de conclure que cet amendement dénature l’objet et la finalité de la proposition de la Commission.

109 Contrairement à ce que soutient le Conseil, cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que l’autorisation prévue à l’article 3 de la décision attaquée est accordée sous réserve du « plein respect de la compétence exclusive de [l’Union] » et que, conformément à l’article 4 de cette décision, pour garantir l’unité de la représentation internationale de l’Union et de ses États membres, le Conseil a confié à la Commission la représentation de l’Union ainsi que celle de tout
État membre souhaitant faire usage de cette autorisation.

110 En effet, malgré l’encadrement, par la décision attaquée, de l’exercice, par les États membres ayant ratifié l’acte de Genève ou y ayant adhéré, des droits que ces États membres tireraient de cet acte, il n’en demeure pas moins que, par l’utilisation de cette autorisation, lesdits États membres exerceraient, en tant que sujets de droit international indépendants aux cotés de l’Union, une compétence exclusive de celle-ci, empêchant l’Union d’exercer seule cette compétence.

111 Ne sauraient non plus justifier l’amendement du Conseil les arguments de celui-ci, exposés aux points 61 à 63 du présent arrêt, relatifs à la nécessité d’assurer que l’Union dispose de droits de vote à l’Assemblée de l’Union particulière ainsi que de préserver l’ancienneté et la continuité de la protection des appellations d’origine enregistrées au titre de l’arrangement de Lisbonne dans les sept États membres qui étaient déjà parties à ce dernier.

112 En effet, les difficultés éventuelles que l’Union pourrait rencontrer, sur le plan international, dans l’exercice de ses compétences exclusives ou les conséquences de cet exercice sur les engagements internationaux des États membres ne sauraient, en tant que telles, autoriser le Conseil à modifier une proposition de la Commission au point d’en dénaturer l’objet ou la finalité, violant ainsi l’équilibre institutionnel dont l’article 293 TFUE vise à assurer le respect.

113 Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la décision attaquée a été adoptée en violation de l’article 293, paragraphe 1, TFUE, lu en combinaison avec l’article 13, paragraphe 2, TUE, de telle sorte que le premier moyen doit être accueilli.

2.   Sur le second moyen

114 Le second moyen est tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 1, TFUE et de l’article 207 TFUE ainsi que de l’obligation de motivation.

115 Ce moyen n’ayant été présenté par la Commission qu’à titre subsidiaire et le premier moyen devant être accueilli, il n’y a pas lieu de se prononcer sur le second moyen.

116 Eu égard à tout ce qui précède, le recours doit être accueilli et la décision attaquée partiellement annulée, conformément aux conclusions de la Commission. S’agissant en particulier de l’article 4 de la décision attaquée, cet article, conformément aux conclusions formulées à titre principal par la Commission, ne doit être annulé que dans la mesure où il contient des références aux États membres, dès lors que ces références sont dissociables du reste dudit article.

C. Sur la demande de maintien des effets de la décision attaquée

117 Conformément à l’article 264, premier alinéa, TFUE, si le recours est fondé, la Cour déclare nul et non avenu l’acte contesté.

118 En vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, il appartient à l’institution dont émane l’acte annulé de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour.

119 Cela étant, aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, la Cour peut, si elle l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs.

120 Il peut être fait usage de ce pouvoir, pour des motifs de sécurité juridique, notamment lorsque l’annulation d’une décision adoptée par le Conseil, dans le cadre de la procédure de négociation et de conclusion d’accords internationaux prévue à l’article 218 TFUE, est de nature à remettre en cause la participation de l’Union à l’accord international concerné ou à sa mise en œuvre, alors même que la compétence de l’Union à cet effet ne soulève pas de doute [voir, par analogie, arrêt du 25 octobre
2017, Commission/Conseil (Arrangement de Lisbonne révisé), C‑389/15, EU:C:2017:798, point 81 et jurisprudence citée].

121 La Commission demande à la Cour de faire application de l’article 264, second alinéa, TFUE afin d’atténuer les effets de l’annulation partielle de la décision attaquée. À cet égard, la Commission indique qu’elle pourrait, à titre exceptionnel, accepter un compromis prévoyant que les sept États membres actuellement parties à l’arrangement de Lisbonne adhèrent à l’acte de Genève, afin d’éviter des problèmes liés à la continuité des droits. Par ailleurs, selon la Commission, dans la mesure où
l’article 4 de la décision attaquée couvre également d’autres aspects qui ne sont pas contestés en tant que tels, et qui sont essentiels à la bonne mise en œuvre de l’acte de Genève par l’Union, il serait important de maintenir ses effets jusqu’à son remplacement par une nouvelle disposition.

122 Par conséquent, ainsi qu’il a été indiqué au point 28 du présent arrêt, la Commission demande à la Cour de maintenir les effets des parties annulées de la décision attaquée, notamment toute utilisation de l’autorisation accordée en vertu de l’article 3 avant la date de l’arrêt par les États membres qui sont actuellement parties à l’arrangement de Lisbonne, jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable n’excédant pas six mois à compter de la date du prononcé de l’arrêt, d’une décision du
Conseil se substituant à la décision attaquée.

123 Le gouvernement français s’associe à cette demande, qui, selon lui, repose sur l’existence d’importants motifs de sécurité juridique, dès lors qu’une remise en cause de la participation à l’acte de Genève des États membres parties à l’arrangement de Lisbonne pourrait avoir des conséquences négatives graves pour les titulaires d’appellations d’origine enregistrées par ces États au titre de l’arrangement de Lisbonne.

124 Le Conseil considère que ladite demande est irrecevable, au motif que, par celle-ci, la Commission chercherait, en réalité, à obtenir non pas seulement le maintien des effets de la décision attaquée, mais une modification de cette décision.

125 À cet égard, il convient de relever que, par sa demande, la Commission vise au maintien temporaire des effets des parties annulées de la décision attaquée.

126 S’il est vrai qu’accueillir cette demande reviendrait, en pratique, à modifier temporairement la portée des effets de cette décision, une telle conséquence est inhérente à l’exercice, par la Cour, de la compétence que celle-ci tire de l’article 264, second alinéa, TFUE.

127 Il s’ensuit qu’une demande visant au maintien des effets des parties annulées de l’acte attaqué est recevable.

128 Quant au fond, il y a lieu d’admettre que la préservation de l’ancienneté et de la continuité de la protection des appellations d’origine enregistrées au titre de l’arrangement de Lisbonne dans les sept États membres déjà parties à cet arrangement est notamment nécessaire, conformément au principe de coopération loyale entre l’Union et les États membres énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, afin de protéger les droits acquis découlant de ces enregistrements nationaux.

129 Par conséquent, il y a lieu de maintenir les effets des parties annulées de la décision attaquée, dans la seule mesure où ils concernent des États membres ayant, à la date du prononcé du présent arrêt, déjà fait usage de l’autorisation, prévue à l’article 3 de cette décision, de ratifier l’acte de Genève ou d’y adhérer, aux côtés de l’Union, jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable n’excédant pas six mois à compter de cette date, d’une nouvelle décision du Conseil.

Sur les dépens

130 L’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

131 En l’espèce, la Commission ayant conclu à la condamnation du Conseil aux dépens et ce dernier ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

132 Par ailleurs, conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

133 Par conséquent, le Royaume de Belgique, la République tchèque, la République hellénique, la République française, la République de Croatie, la République italienne, la Hongrie, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche et la République portugaise supporteront leurs propres dépens.

  Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

  1) L’article 3 et, dans la mesure où il contient des références aux États membres, l’article 4 de la décision (UE) 2019/1754 du Conseil, du 7 octobre 2019, relative à l’adhésion de l’Union européenne à l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques, sont annulés.

  2) Les effets des parties annulées de la décision 2019/1754 sont maintenus dans la seule mesure où ils concernent des États membres ayant, à la date du prononcé du présent arrêt, déjà fait usage de l’autorisation, prévue à l’article 3 de cette décision, de ratifier l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques ou d’y adhérer, aux côtés de l’Union européenne, jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable n’excédant pas six
mois à compter de cette date, d’une nouvelle décision du Conseil de l’Union européenne.

  3) Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.

  4) Le Royaume de Belgique, la République tchèque, la République hellénique, la République française, la République de Croatie, la République italienne, la Hongrie, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche et la République portugaise supportent leurs propres dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-24/20
Date de la décision : 22/11/2022
Type de recours : Recours en annulation - fondé

Analyses

Recours en annulation – Décision (UE) 2019/1754 – Adhésion de l’Union européenne à l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques – Article 3, paragraphe 1, TFUE – Compétence exclusive de l’Union – Article 207 TFUE – Politique commerciale commune – Aspects commerciaux de la propriété intellectuelle – Article 218, paragraphe 6, TFUE – Droit d’initiative de la Commission européenne – Modification par le Conseil de l’Union européenne de la proposition de la Commission – Article 293, paragraphe 1, TFUE – Applicabilité – Article 4, paragraphe 3, article 13, paragraphe 2, et article 17, paragraphe 2, TUE – Article 2, paragraphe 1, TFUE – Principes d’attribution des compétences, d’équilibre institutionnel et de coopération loyale.

Dispositions institutionnelles


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Szpunar
Rapporteur ?: Rossi

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:911

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