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22/12/2022 | CJUE | N°C-530/20

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, « EUROAPTIEKA » SIA., 22/12/2022, C-530/20


 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

22 décembre 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Médicaments à usage humain – Directive 2001/83/CE – Article 86, paragraphe 1 – Notion de “publicité pour des médicaments” – Article 87, paragraphe 3 – Usage rationnel des médicaments – Article 90 – Éléments publicitaires interdits – Publicité pour des médicaments non soumis à prescription médicale ni remboursables – Publicité par le prix – Publicité pour des offres promotionnelles – Publicité pour des ventes combinées – Int

erdiction »

Dans l’affaire C‑530/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE...

 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

22 décembre 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Médicaments à usage humain – Directive 2001/83/CE – Article 86, paragraphe 1 – Notion de “publicité pour des médicaments” – Article 87, paragraphe 3 – Usage rationnel des médicaments – Article 90 – Éléments publicitaires interdits – Publicité pour des médicaments non soumis à prescription médicale ni remboursables – Publicité par le prix – Publicité pour des offres promotionnelles – Publicité pour des ventes combinées – Interdiction »

Dans l’affaire C‑530/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Latvijas Republikas Satversmes tiesa (Cour constitutionnelle, Lettonie), par décision du 6 octobre 2020, parvenue à la Cour le 20 octobre 2020, dans la procédure

« EUROAPTIEKA » SIA

en présence de :

Ministru kabinets,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. L. Bay Larsen, vice-président, MM. A. Arabadjiev, C. Lycourgos, E. Regan, P. G. Xuereb, Mme L. S. Rossi (rapporteure), M. D. Gratsias et Mme M. L. Arastey Sahún, présidents de chambre, MM. J.‑C. Bonichot, S. Rodin, F. Biltgen, M. Gavalec, Z. Csehi et Mme O. Spineanu-Matei, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : Mme L. Carrasco Marco, administratrice,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour « EUROAPTIEKA » SIA, par Me M. Pētersons, advokāts,

– pour le gouvernement hellénique, par Mmes A. Dimitrakopoulou et V. Karra, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement letton, par Mmes K. Pommere, I. Romanovska et V. Soņeca, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par MM. A. Sauka et A. Sipos, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 décembre 2021,

vu l’ordonnance de réouverture de la procédure orale du 2 mars 2022 et à la suite de l’audience du 22 mars 2022,

considérant les observations présentées :

– pour « EUROAPTIEKA » SIA, par Me M. Pētersons, advokāts,

– pour le gouvernement letton, par Mmes J. Davidoviča et I. Romanovska, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. A. Sauka et A. Sipos, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions complémentaires à l’audience du 9 juin 2022,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 86, paragraphe 1, de l’article 87, paragraphe 3, et de l’article 90 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), telle que modifiée par la directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004 (JO 2004, L 136, p. 34) (ci-après la « directive 2001/83 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée par « EUROAPTIEKA » SIA, société établie en Lettonie et exerçant une activité pharmaceutique dans cet État membre, au sujet de la légalité d’une disposition nationale interdisant certaines formes de publicité pour les médicaments.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Aux termes des considérants 2 et 45 de la directive 2001/83 :

« (2) Toute réglementation en matière de production, de distribution ou d’utilisation des médicaments doit avoir comme objectif essentiel la sauvegarde de la santé publique.

[...]

(45) La publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments qui peuvent être délivrés sans prescription médicale pourrait affecter la santé publique si elle était excessive et inconsidérée. Cette publicité, lorsqu’elle est autorisée, doit donc satisfaire à certains critères essentiels qu’il convient de définir. »

4 Le titre VIII de cette directive, intitulé « Publicité », et le titre VIII bis de celle-ci, intitulé « Information et publicité », comportent respectivement les articles 86 à 88 et les articles 88 bis à 100 de ladite directive.

5 L’article 86 de la même directive énonce :

« 1.   Aux fins du présent titre, on entend par “publicité pour des médicaments” toute forme de démarchage d’information, de prospection ou d’incitation qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments ; elle comprend en particulier :

– la publicité pour les médicaments auprès du public,

[...]

2.   Ne sont pas couverts par le présent titre :

– l’étiquetage et la notice qui sont soumis aux dispositions du titre V,

– la correspondance, accompagnée le cas échéant de tout document non publicitaire, nécessaire pour répondre à une question précise sur un médicament particulier,

– les informations concrètes et les documents de référence relatifs, par exemple, aux changements d’emballages, aux mises en garde concernant les effets indésirables dans le cadre de la pharmacovigilance, ainsi qu’aux catalogues de vente et aux listes de prix pour autant que n’y figure aucune information sur le médicament,

– les informations relatives à la santé humaine ou à des maladies humaines, pour autant qu’il n’y ait pas de référence, même indirecte, à un médicament. »

6 L’article 87 de la directive 2001/83 prévoit :

« 1.   Les États membres interdisent toute publicité faite à l’égard d’un médicament pour lequel une autorisation de mise sur le marché conforme au droit communautaire n’a pas été délivrée.

2.   Tous les éléments de la publicité d’un médicament doivent être conformes aux renseignements figurant dans le résumé des caractéristiques du produit.

3.   La publicité faite à l’égard d’un médicament :

– doit favoriser l’usage rationnel du médicament, en le présentant de façon objective et sans en exagérer les propriétés,

– ne peut être trompeuse. »

7 L’article 88 de cette directive dispose, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.   Les États membres interdisent la publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments :

a) qui ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale, conformément au titre VI ;

b) qui contiennent des substances définies comme des psychotropes ou des stupéfiants selon les conventions internationales, telles que les conventions des Nations unies de 1961 et de 1971.

2.   Les médicaments qui, par leur composition et leur objectif, sont destinés à être utilisés sans intervention d’un médecin pour le diagnostic, la prescription ou la surveillance du traitement, au besoin avec le conseil du pharmacien, et conçus dans cette optique, peuvent faire l’objet d’une publicité auprès du grand public.

3.   Les États membres peuvent interdire sur leur territoire la publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments qui sont remboursables. »

8 Aux termes de l’article 89, paragraphe 1, de ladite directive :

« Sans préjudice de l’article 88, toute publicité auprès du public faite à l’égard d’un médicament doit :

[...]

b) comporter au moins :

– le nom du médicament, ainsi que la dénomination commune lorsque le médicament ne contient qu’une seule substance active,

[...] »

9 L’article 90 de la même directive est libellé comme suit :

« La publicité auprès du public faite à l’égard d’un médicament ne peut comporter aucun élément qui :

a) ferait apparaître la consultation médicale ou l’intervention chirurgicale comme superflue, en particulier en offrant un diagnostic ou en préconisant un traitement par correspondance ;

b) suggérerait que l’effet du médicament est assuré, sans effets indésirables, supérieur ou égal à celui d’un autre traitement ou d’un autre médicament ;

c) suggérerait que la bonne santé normale du sujet puisse être améliorée par l’utilisation du médicament ;

d) suggérerait que la bonne santé normale du sujet puisse être affectée en cas de non-utilisation du médicament ; cette interdiction ne s’applique pas aux campagnes de vaccination visées à l’article 88, paragraphe 4 ;

e) s’adresserait exclusivement ou principalement aux enfants ;

f) se référerait à une recommandation émanant de scientifiques, de professionnels de la santé ou de personnes qui, bien que n’étant ni des scientifiques ni des professionnels de la santé, peuvent, de par leur notoriété, inciter à la consommation de médicaments ;

g) assimilerait le médicament à une denrée alimentaire, à un produit cosmétique ou à un autre produit de consommation ;

h) suggérerait que la sécurité ou l’efficacité du médicament est due au fait qu’il s’agit d’une substance naturelle ;

i) pourrait induire, par une description ou une figuration détaillée de l’anamnèse à un faux autodiagnostic ;

j) se référerait de manière abusive, effrayante ou trompeuse à des attestations de guérison ;

k) utiliserait de manière abusive, effrayante ou trompeuse des représentations visuelles des altérations du corps humain dues à des maladies ou à des lésions, ou l’action d’un médicament dans le corps humain ou des parties de celui-ci. »

Le droit letton

10 Le point 18.12 du Ministru kabineta noteikumi Nr. 378 « Zāļu reklamēšanas kārtība un kārtība, kādā zāļu ražotājs ir tiesīgs nodot ārstiem bezmaksas zāļu paraugus » (décret no 378 du conseil des ministres portant « Modalités de publicité pour les médicaments et modalités selon lesquelles les fabricants de médicaments sont autorisés à fournir des échantillons gratuits de médicaments aux médecins »), du 17 mai 2011 (Latvijas Vēstnesis, 2011, no 78, ci-après le « décret no 378 »), dispose :

« Il est interdit d’inclure, dans la publicité faite auprès du public à l’égard d’un médicament, des informations qui encouragent l’achat du médicament en justifiant la nécessité d’un tel achat par le prix du médicament, en annonçant une vente spéciale ou en indiquant que le médicament est vendu avec d’autres médicaments (y compris à un prix réduit) ou produits. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11 EUROAPTIEKA fait partie d’un groupe qui possède un réseau de pharmacies et de sociétés de distribution de médicaments au détail en Lettonie. Conformément au droit letton, les pharmacies sont autorisées à fournir des produits de santé autres que des médicaments.

12 Au mois de mars 2016, EUROAPTIEKA a annoncé une vente en promotion sur son site Internet et dans son périodique mensuel, offrant une réduction de 15 % sur le prix d’achat de tout médicament en cas d’achat d’au moins trois articles. Par une décision du 1er avril 2016, la Veselības inspekcijas Zāļu kontroles nodaļa (Inspection de la santé publique, service contrôle des médicaments, Lettonie) a, sur le fondement du point 18.12 du décret no 378, interdit à EUROAPTIEKA de diffuser la publicité
relative à cette vente en promotion.

13 Le 8 janvier 2020, EUROAPTIEKA a formé un recours constitutionnel contre cette disposition devant la Latvijas Republikas Satversmes tiesa (Cour constitutionnelle, Lettonie), la juridiction de renvoi. À l’appui de ce recours, EUROAPTIEKA fait valoir, notamment, que ladite disposition s’applique non seulement à la publicité faite pour un médicament déterminé, mais aussi à celle faite pour des médicaments en général. En revanche, les dispositions de la directive 2001/83, que le décret no 378 vise à
mettre en œuvre, s’appliqueraient non pas à toute publicité relative au secteur pharmaceutique ou aux médicaments en général, mais uniquement à celle relative à des médicaments déterminés. Or, EUROAPTIEKA soutient que cette directive procède à une harmonisation complète dans le domaine de la publicité pour des médicaments et qu’elle empêche, par conséquent, les États membres de fixer dans leur législation des règles supplémentaires limitant cette publicité. En édictant le point 18.12 du décret
no 378, le conseil des ministres aurait complété la liste des éléments publicitaires interdits figurant à l’article 90 de la directive 2001/83 et aurait ainsi méconnu l’article 288, troisième alinéa, TFUE.

14 Le conseil des ministres estime, pour sa part, que la notion de « publicité pour des médicaments » figurant à l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83 doit recevoir une interprétation large et que l’interdiction de toute publicité ne satisfaisant pas à l’exigence, prévue à l’article 87, paragraphe 3, de cette directive, selon laquelle la publicité faite à l’égard d’un médicament doit favoriser l’usage rationnel de celui-ci s’applique non seulement à un médicament déterminé, mais aussi
à tout médicament en général. Or, le point 18.12 du décret no 378 aurait été adopté dans le but de réduire l’usage irrationnel de médicaments non soumis à prescription médicale qui pourrait résulter d’une publicité faite à l’égard de tels médicaments en raison de leur prix. Les exigences plus strictes imposées par cette disposition nationale reposeraient ainsi sur la nécessité, affirmée au considérant 45 de ladite directive, de protéger la santé publique contre les risques d’une publicité
excessive et inconsidérée. Ladite disposition nationale serait, partant, conforme à la même directive.

15 La juridiction de renvoi considère que le point 18.12 du décret no 378 constitue une réglementation relative à la publicité pour des médicaments, au sens de la directive 2001/83, et que cette dernière permet d’édicter des règles telles que celles prévues à cette disposition nationale, dès lors que ces règles sont conformes aux objectifs poursuivis par cette directive. Néanmoins, elle s’interroge sur l’interprétation de l’article 86, paragraphe 1, de l’article 87, paragraphe 3, et de l’article 90
de ladite directive.

16 Cette juridiction souligne, tout d’abord, que, selon la jurisprudence de la Cour, la notion de « publicité pour des médicaments », figurant à l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83, doit recevoir une interprétation très large, axée sur la finalité promotionnelle du message en cause. Il pourrait toutefois résulter du libellé de l’article 89, paragraphe 1, sous b), premier tiret, de cette directive, selon lequel toute publicité faite à l’égard d’un médicament doit comporter la
dénomination de celui-ci, que seule une publicité pour certains médicaments identifiables serait une « publicité pour des médicaments », au sens de ladite directive. Si tel était le cas, les activités visées au point 18.12 du décret no 378 pourraient ne pas relever de cette notion, étant donné que cette dernière disposition ne porterait pas sur des informations relatives à des médicaments spécifiques, telles que leur dénomination, mais exclurait de la publicité pour les médicaments certaines
informations telles que celles qui encouragent l’achat de ceux-ci en justifiant la nécessité d’un tel achat par le prix.

17 Ensuite, ladite juridiction relève que la directive 2001/83 a procédé à une harmonisation complète dans le domaine de la publicité pour les médicaments. À cet égard, elle se demande si, dès lors que les interdictions énoncées au point 18.12 du décret no 378 ne correspondent à aucun des éléments publicitaires interdits par l’article 90 de cette directive, et à supposer cette dernière applicable, les États membres sont en droit de prévoir, dans leur législation nationale, l’interdiction d’éléments
publicitaires autres que ceux interdits par cet article 90.

18 À cet égard, la juridiction de renvoi fait observer, enfin, que la Cour a jugé que la conformité à la directive 2001/83 d’exigences autres que celles expressément prévues audit article 90 peut être appréciée au regard de l’objectif poursuivi par cette directive, à savoir favoriser l’usage rationnel des médicaments, et de la nécessité d’empêcher toute publicité excessive et inconsidérée qui pourrait affecter la santé publique. Ainsi, selon cette juridiction, l’article 87, paragraphe 3, de ladite
directive, lu à la lumière de son considérant 45, pourrait être interprété en ce sens qu’il permet aux États membres d’interdire toute publicité pour des médicaments manifestement excessive et inconsidérée, susceptible d’affecter la santé publique.

19 Dans ces conditions, la Latvijas Republikas Satversmes tiesa (Cour constitutionnelle) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les activités visées par les règles contenues [au point 18.12 du décret no 378] doivent-elles être considérées comme de la publicité pour des médicaments au sens du titre VIII de la directive 2001/83, intitulé “Publicité” ?

2) L’article 90 de la directive 2001/83 doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui étend la liste des formes de publicité interdites et impose des limitations plus strictes qui ne sont pas expressément prévues [à] cette disposition ?

3) La réglementation en cause au principal doit-elle être considérée comme limitant la publicité faite à l’égard des médicaments en vue de promouvoir l’usage rationnel de ceux-ci au sens de l’article 87, paragraphe 3, de la directive 2001/83 ? »

La procédure devant la Cour

20 Le 13 juillet 2021, la Cour a décidé de renvoyer la présente affaire devant la troisième chambre. Le même jour, elle a invité les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne à répondre à certaines questions par écrit, en application de l’article 61, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour. La partie requérante au principal, les gouvernements hellénique, letton et polonais ainsi que la Commission européenne ont répondu à ces questions.

21 À la suite du renouvellement partiel des membres de la Cour et de la nouvelle composition des chambres qui en a résulté, la Cour a, par une décision du 13 octobre 2021, renvoyé cette affaire devant la quatrième chambre.

22 Le 9 décembre 2021, M. l’avocat général a présenté ses conclusions, puis la phase orale de la procédure a été clôturée.

23 Estimant que la question relative aux implications des arrêts du 1er octobre 2020, A (Publicité et vente de médicaments en ligne) (C‑649/18, EU:C:2020:764), ainsi que du 15 juillet 2021, DocMorris (C‑190/20, EU:C:2021:609), pour la réponse aux questions préjudicielles posées dans la présente affaire méritait l’attention d’une formation de jugement plus importante, la quatrième chambre a décidé, le 13 janvier 2022, de renvoyer cette affaire devant la Cour aux fins de sa réattribution à une telle
formation de jugement, en application de l’article 60, paragraphe 3, du règlement de procédure.

24 Le 1er février 2022, la Cour a décidé de réattribuer ladite affaire à la grande chambre.

25 Par son ordonnance du 2 mars 2022, EUROAPTIEKA (C‑530/20, non publiée, EU:C:2022:146), la Cour, l’avocat général entendu, a ordonné la réouverture de la phase orale de la procédure dans la présente affaire, conformément à l’article 83 du règlement de procédure.

26 Le 9 juin 2022, M. l’avocat général a présenté des conclusions complémentaires.

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

27 Il ressort de la décision de renvoi et du dossier dont dispose la Cour que la disposition nationale en cause au principal est interprétée par les autorités juridictionnelles et administratives lettones en ce sens qu’elle s’applique tant à la publicité faite auprès du public pour un médicament déterminé qu’à celle qui est faite auprès du public pour des médicaments indéterminés, c’est-à-dire pour les médicaments en général ou pour un ensemble de médicaments non identifiés. Par ailleurs, il ressort
de la décision de renvoi que le litige au principal porte précisément sur la légalité de cette disposition nationale en ce qu’elle vise cette seconde catégorie de publicité.

28 Dans ces conditions, il convient de considérer que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83 doit être interprété en ce sens que la diffusion d’informations qui encouragent l’achat de médicaments en justifiant la nécessité d’un tel achat par le prix de ces médicaments, en annonçant une vente spéciale ou en indiquant que lesdits médicaments sont vendus avec d’autres médicaments, y compris à un prix réduit, ou
d’autres produits, relève de la notion de « publicité pour des médicaments », au sens de cette disposition, même lorsque ces informations visent non pas un médicament déterminé, mais des médicaments indéterminés.

29 Afin de répondre à cette question, il convient de déterminer, dans un premier temps, si la notion de « publicité pour des médicaments », au sens de l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83, couvre seulement la publicité pour un médicament déterminé ou si elle couvre également la publicité pour des médicaments indéterminés. Dans un second temps, il y aura lieu d’apprécier si des activités telles que celles visées à la disposition nationale en cause au principal sont susceptibles de
relever de cette notion.

Sur l’étendue de la notion de « publicité pour des médicaments », au sens de l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83

30 L’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83 définit la notion de « publicité pour des médicaments » comme « toute forme de démarchage d’information, de prospection ou d’incitation qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments ».

31 Cette disposition n’opérant aucun renvoi aux droits nationaux, cette notion doit être considérée comme étant une notion autonome du droit de l’Union, qui doit être interprétée de manière uniforme sur le territoire de cette dernière, en tenant compte non seulement des termes de ladite disposition, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2021, Venezuela/Conseil (Affectation d’un
État tiers), C‑872/19 P, EU:C:2021:507, point 42 et jurisprudence citée].

32 En ce qui concerne, en premier lieu, les termes de l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83, il importe de relever que cette disposition fait systématiquement référence aux « médicaments » au pluriel. En outre, la notion de « publicité pour des médicaments » est définie, dans ladite disposition, de manière très large, comme couvrant « toute forme » de démarchage d’information, de prospection ou d’incitation, y compris, notamment, la « publicité pour les médicaments auprès du public »,
qui n’est pas expressément exclue par l’article 86, paragraphe 2, de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2011, MSD Sharp & Dohme, C‑316/09, EU:C:2011:275, point 29).

33 Dans ces conditions, il ne saurait être déduit des termes de l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83 que la publicité pour des médicaments indéterminés serait exclue de la notion de « publicité pour des médicaments », au sens de cette disposition.

34 Concernant, en deuxième lieu, le contexte dans lequel l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83 s’inscrit, il y a lieu de relever que, parmi les dispositions des titres VIII et VIII bis de cette directive, certaines font référence à la publicité pour « des médicaments », suggérant ainsi que cette publicité peut concerner des médicaments indéterminés, tandis que d’autres se réfèrent à la publicité faite à l’égard d’« un médicament ».

35 Cependant, s’agissant, d’une part, des dispositions du titre VIII de la directive 2001/83, à savoir celles figurant aux articles 86 à 88 de cette directive, il convient de souligner que ces dispositions énoncent les règles générales et fondamentales relatives à la publicité pour les médicaments (voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2011, Novo Nordisk, C‑249/09, EU:C:2011:272, points 22, 24 et 25). Il s’ensuit que, ainsi que M. l’avocat général l’a, en substance, considéré au point 44 de ses
conclusions du 9 décembre 2021, lesdites dispositions ont vocation à s’appliquer à toute action visant à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments.

36 Ainsi, même si, contrairement à l’article 88 de ladite directive, l’article 87 de celle-ci se réfère textuellement à la publicité faite à l’égard d’« un médicament », cet article 87 a déjà été interprété par la Cour en ce sens qu’il comporte des principes généraux s’appliquant à tous les types et éléments de publicité pour les médicaments (arrêt du 5 mai 2011, Novo Nordisk, C‑249/09, EU:C:2011:272, point 25 ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2007, Gintec, C‑374/05, EU:C:2007:654,
points 51 et 55).

37 D’autre part, quant aux dispositions figurant sous le titre VIII bis de la directive 2001/83, il est vrai que les articles 89 et 90 de celle-ci, qui prévoient des règles spécifiques applicables à la publicité auprès du public, se réfèrent à « un médicament », au singulier, et que, comme le relève la juridiction de renvoi, l’article 89, paragraphe 1, sous b), premier tiret, de cette directive dispose qu’une telle publicité doit comporter au moins le nom du médicament.

38 Toutefois, l’article 89, paragraphe 1, de ladite directive prévoit qu’il s’applique sans préjudice de l’article 88 de celle-ci. En outre, ainsi que l’ont fait valoir, en substance, le gouvernement polonais et la Commission, la circonstance que les règles spécifiques contenues aux articles 89 et 90 de la même directive portent sur la publicité pour un médicament déterminé n’est pas de nature à remettre en cause la définition très large de la notion de « publicité pour des médicaments » contenue à
l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83 ni la portée générale des règles énoncées aux articles 86 à 88 de cette directive. Il ne saurait dès lors être déduit de l’article 89 de ladite directive que la notion de « publicité pour des médicaments », au sens de l’article 86, paragraphe 1, de la même directive, doit être comprise comme couvrant uniquement la publicité faite à l’égard d’un médicament déterminé.

39 En ce qui concerne, en troisième lieu, les finalités poursuivies par la directive 2001/83, il ressort du considérant 2 de celle-ci qu’elle a pour objectif essentiel de sauvegarder la santé publique.

40 À cet égard, la Cour a déjà jugé que la publicité pour des médicaments est susceptible de nuire à la santé publique (arrêt du 5 mai 2011, Novo Nordisk, C‑249/09, EU:C:2011:272, point 32 et jurisprudence citée), au vu des conséquences graves pour la santé qui peuvent découler d’un mauvais usage ou d’une surconsommation de médicaments soumis à prescription médicale (arrêt du 5 mai 2011, MSD Sharp & Dohme, C‑316/09, EU:C:2011:275, point 30) et des risques qui peuvent également s’attacher à une
utilisation excessive ou inconsidérée de médicaments non soumis à prescription médicale [voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2020, A (Publicité et vente de médicaments en ligne), C‑649/18, EU:C:2020:764, points 80 et 94].

41 Il convient, en effet, de souligner le caractère très particulier des médicaments, dont les effets thérapeutiques les distinguent substantiellement des autres marchandises (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2019, VIPA, C‑222/18, EU:C:2019:751, point 73 et jurisprudence citée). Ces effets thérapeutiques ont pour conséquence que, si des médicaments sont consommés sans nécessité ou de manière incorrecte, ils peuvent gravement nuire à la santé, sans que le patient soit en mesure d’en prendre
conscience lors de leur administration. Une surconsommation ou une utilisation incorrecte de médicaments entraîne, par ailleurs, des risques pour l’équilibre financier des systèmes nationaux de sécurité sociale (voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes e.a., C‑171/07 et C‑172/07, EU:C:2009:316, points 32 et 33).

42 C’est ainsi que, d’une part, l’article 87, paragraphe 1, et l’article 88, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/83 interdisent, sans exception, respectivement toute publicité faite à l’égard d’un médicament pour lequel une autorisation de mise sur le marché conforme au droit de l’Union n’a pas été délivrée et toute publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments qui ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale et que, d’autre part, l’article 88, paragraphe 3, de cette
directive permet aux États membres d’interdire sur leur territoire la publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments qui sont remboursables.

43 De même, répond à l’objectif essentiel de sauvegarde de la santé publique l’article 88, paragraphe 2, de ladite directive, lu à la lumière du considérant 45 de celle-ci, selon lequel la publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments non soumis à prescription médicale est autorisée, sous réserve du respect des conditions et des restrictions prévues par la même directive (voir, en ce sens, arrêts du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband, C‑322/01, EU:C:2003:664, point 109, et du
11 juin 2020, ratiopharm, C‑786/18, EU:C:2020:459, point 40), cette publicité étant, ainsi qu’il résulte de ce considérant 45, susceptible d’affecter la santé publique si elle est excessive et inconsidérée.

44 Or, l’objectif essentiel de sauvegarde de la santé publique serait largement compromis si l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83 était interprété en ce sens qu’une activité de démarchage d’information, de prospection ou d’incitation visant à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments sans faire référence à un médicament déterminé ne relève pas de la notion de « publicité pour des médicaments », au sens de cette disposition, et, partant,
échappe aux interdictions, aux conditions et aux restrictions prévues par cette directive en matière de publicité.

45 En effet, dans la mesure où une publicité pour des médicaments indéterminés, telle qu’une publicité visant toute une classe de médicaments destinés à traiter la même pathologie, peut également concerner des médicaments soumis à prescription médicale ou des médicaments remboursables, l’exclusion d’une telle publicité du champ d’application des dispositions de la directive 2001/83 en matière de publicité reviendrait à priver largement de leur effet utile les interdictions édictées à l’article 88,
paragraphe 1, sous a), et paragraphe 3, de cette directive, en ce qu’elle ferait échapper à ces interdictions toute publicité ne visant pas spécifiquement un médicament relevant de cette classe.

46 En outre, ainsi que M. l’avocat général l’a, en substance, relevé aux points 41, 56 et 60 de ses conclusions du 9 décembre 2021, une publicité faite à l’égard d’un ensemble indéterminé de médicaments non soumis à prescription médicale, telle qu’une publicité visant toute la gamme des médicaments disponibles à la vente dans une pharmacie, peut, au même titre qu’une publicité faite à l’égard d’un seul médicament déterminé, être excessive et inconsidérée et, dès lors, nuire à la santé publique, en
incitant les consommateurs à une utilisation irrationnelle ou à une surconsommation des médicaments concernés.

47 Il résulte donc d’une interprétation littérale, systématique et téléologique de l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83 que la notion de « publicité pour des médicaments », au sens de cette disposition, couvre toute forme de démarchage d’information, de prospection ou d’incitation visant à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation d’un médicament déterminé ou de médicaments indéterminés.

48 Les arrêts du 1er octobre 2020, A (Publicité et vente de médicaments en ligne) (C‑649/18, EU:C:2020:764), et du 15 juillet 2021, DocMorris (C‑190/20, EU:C:2021:609), ne sauraient justifier une interprétation différente de l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83.

49 En effet, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 1er octobre 2020, A (Publicité et vente de médicaments en ligne) (C‑649/18, EU:C:2020:764), avait trait à l’activité d’une pharmacie établie dans un État membre, consistant à effectuer, à destination de consommateurs d’un autre État membre, une campagne de publicité multiforme et de large ampleur pour ses services de vente en ligne de médicaments. La Cour a jugé, en substance, que la publicité pour des services de vente en ligne de médicaments
relève non pas du champ d’application des dispositions de la directive 2001/83 relatives à la publicité pour des médicaments, mais de celui de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique ») (JO 2000, L 178, p. 1) [voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2020, A (Publicité et
vente de médicaments en ligne), C‑649/18, EU:C:2020:764, points 50 et 59].

50 Quant à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 juillet 2021, DocMorris (C‑190/20, EU:C:2021:609), elle concernait l’action publicitaire menée par une pharmacie sous la forme d’un jeu promotionnel permettant aux participants de remporter des objets de la vie courante autres que des médicaments, la participation à ce jeu étant subordonnée à l’envoi d’une commande pour un médicament soumis à prescription médicale. C’est dans ce contexte particulier que la Cour a jugé, aux points 21 et 22 de cet
arrêt, que cette action publicitaire vise à influencer non pas le choix du client pour un médicament donné, mais celui, situé en aval, de la pharmacie auprès de laquelle ce client achète ce médicament, si bien qu’une telle action publicitaire ne relève pas du champ d’application du titre VIII de la directive 2001/83.

51 Cela étant, nonobstant ce qui a été affirmé au point 50 de l’arrêt du 1er octobre 2020, A (Publicité et vente de médicaments en ligne) (C‑649/18, EU:C:2020:764), ainsi qu’au point 20 de l’arrêt du 15 juillet 2021, DocMorris (C‑190/20, EU:C:2021:609), le champ d’application des dispositions de la directive 2001/83 relatives à la publicité pour des médicaments n’est pas circonscrit aux seules publicités portant sur un médicament déterminé.

Sur la qualification d’activités telles que celles visées à la disposition nationale en cause au principal de « publicité pour des médicaments », au sens de l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83

52 Il ressort du libellé de l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83 que la finalité du message constitue le trait caractéristique essentiel de la notion de « publicité pour des médicaments », au sens de cette disposition, et l’élément déterminant pour distinguer la publicité de la simple information. Dès lors que le message vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments, il s’agit de publicité au sens de la directive 2001/83. En revanche, une
indication purement informative sans intention promotionnelle ne relève pas des dispositions de cette directive relatives à la publicité pour les médicaments (arrêt du 5 mai 2011, MSD Sharp & Dohme, C‑316/09, EU:C:2011:275, points 31 et 32).

53 Dans la présente affaire, il ressort de la décision de renvoi que les activités auxquelles la disposition nationale en cause au principal s’applique ne concernent pas la simple diffusion auprès du public d’indications purement informatives sur des médicaments, telles que des informations objectives sur leur prix, mais sont celles qui encouragent l’achat de médicaments en justifiant la nécessité d’un tel achat par le prix, en annonçant une vente spéciale ou en faisant état d’une vente combinée
avec celle d’autres médicaments, le cas échéant à prix réduit, ou avec celle d’autres produits vendus par la pharmacie concernée.

54 Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, de telles activités paraissent avoir une finalité promotionnelle et relèvent, par conséquent, de la notion de « publicité pour des médicaments », au sens de l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83.

55 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83 doit être interprété en ce sens que la diffusion d’informations qui encouragent l’achat de médicaments en justifiant la nécessité d’un tel achat par le prix de ces médicaments, en annonçant une vente spéciale ou en indiquant que lesdits médicaments sont vendus avec d’autres médicaments, y compris à un prix réduit, ou d’autres produits,
relève de la notion de « publicité pour des médicaments », au sens de cette disposition, même lorsque ces informations visent non pas un médicament déterminé, mais des médicaments indéterminés.

Sur les deuxième et troisième questions

56 Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, d’une part, si l’article 87, paragraphe 3, et l’article 90 de la directive 2001/83 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition nationale qui impose des restrictions non prévues à cet article 90, en interdisant d’inclure, dans la publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments, des informations qui encouragent l’achat de médicaments en
justifiant la nécessité d’un tel achat par le prix de ces médicaments, en annonçant une vente spéciale ou en indiquant que lesdits médicaments sont vendus avec d’autres médicaments, y compris à un prix réduit, ou d’autres produits. Elle demande, d’autre part, si une telle disposition nationale peut être considérée comme visant à favoriser l’usage rationnel des médicaments, au sens de l’article 87, paragraphe 3, de cette directive.

57 À titre liminaire, il convient de relever que, selon les indications qui ont été fournies à la Cour par le gouvernement letton et qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, la disposition nationale en cause au principal régit uniquement la publicité faite auprès du public pour des médicaments dont la mise sur le marché a été autorisée et qui ne sont ni soumis à prescription médicale ni remboursables. En effet, dans sa réponse aux questions pour réponse écrite posées par la Cour, le
gouvernement letton a indiqué que la publicité faite à l’égard des médicaments non autorisés, soumis à prescription médicale ou remboursables est interdite en Lettonie, conformément à l’article 87, paragraphe 1, et à l’article 88, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 3, de la directive 2001/83.

58 Cette précision étant faite, il convient, pour répondre aux questions posées, de déterminer, dans un premier temps, si l’article 87, paragraphe 3, de la directive 2001/83 permet aux États membres, en vue de favoriser l’usage rationnel des médicaments, d’interdire l’inclusion d’éléments autres que ceux visés à l’article 90 de cette directive dans la publicité auprès du public faite à l’égard de médicaments non soumis à prescription médicale ni remboursables, puis, dans un second temps, si des
interdictions telles que celles prévues à la disposition nationale en cause au principal visent effectivement des éléments qui ne favorisent pas cet usage rationnel.

Sur la faculté, pour les États membres, d’interdire l’inclusion d’éléments autres que ceux visés à l’article 90 de la directive 2001/83 dans la publicité auprès du public faite à l’égard de médicaments non soumis à prescription médicale ni remboursables

59 Ainsi qu’il a été exposé aux points 40 à 43 du présent arrêt, dès lors que la publicité pour des médicaments est susceptible de nuire à la santé publique, y compris lorsqu’elle vise des médicaments non soumis à prescription médicale, une telle publicité fait l’objet d’interdictions, de conditions et de restrictions prévues par la directive 2001/83.

60 Par ailleurs, cette directive a procédé à une harmonisation complète dans le domaine de la publicité pour les médicaments. Par conséquent, lorsque la faculté de prévoir des règles différentes n’est pas conférée aux États membres de manière explicite, les seules exigences auxquelles ceux-ci peuvent soumettre la publicité pour les médicaments sont celles fixées par ladite directive (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2007, Gintec, C‑374/05, EU:C:2007:654, points 20 et 25).

61 S’agissant de la publicité auprès du public faite à l’égard de médicaments non soumis à prescription médicale ni remboursables, telle que celle visée par la disposition nationale en cause au principal, figurent, au nombre des conditions et des restrictions encadrant l’autorisation de principe dont cette publicité fait l’objet à l’article 88, paragraphe 2, de la directive 2001/83, celles prévues aux articles 87, 89 et 90 de cette directive.

62 En ce qui concerne, plus particulièrement, l’articulation entre l’exigence que ladite publicité favorise l’usage rationnel des médicaments, prévue à l’article 87, paragraphe 3, de la directive 2001/83, et les restrictions visées à l’article 90 de celle-ci sous forme d’une liste d’éléments publicitaires interdits, il découle de la jurisprudence de la Cour que le fait que cette directive, en particulier cet article 90, ne comporte pas de règles spécifiques concernant un élément publicitaire donné
ne fait pas obstacle à ce que, dans le but, mentionné au considérant 45 de ladite directive, d’empêcher toute publicité excessive et inconsidérée pour des médicaments qui pourrait affecter la santé publique, les États membres interdisent, sur le fondement de l’article 87, paragraphe 3, de la même directive, un tel élément dans la mesure où celui-ci favoriserait l’usage irrationnel de médicaments (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2007, Gintec, C‑374/05, EU:C:2007:654, points 51, 55 et 59).

63 Ainsi, même s’il résulte de l’article 88, paragraphe 2, de la directive 2001/83 que la publicité pour les médicaments non soumis à prescription médicale est autorisée, les États membres doivent interdire, afin de prévenir la survenance de risques pour la santé publique conformément à l’objectif essentiel de sauvegarde de celle-ci consacré aux considérants 2 et 45 de cette directive, l’inclusion, dans la publicité auprès du public faite à l’égard de médicaments non soumis à prescription médicale
ni remboursables, d’éléments qui sont de nature à favoriser l’usage irrationnel de tels médicaments.

64 Il découle des considérations qui précèdent que l’article 87, paragraphe 3, de la directive 2001/83, lu à la lumière du considérant 45 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il appartient aux États membres d’interdire l’inclusion d’éléments autres que ceux visés à l’article 90 de cette directive dans la publicité auprès du public faite à l’égard de médicaments non soumis à prescription médicale ni remboursables, dès lors que de tels éléments sont de nature à favoriser l’usage irrationnel
des médicaments.

Sur des interdictions telles que celles en cause au principal

65 En ce qui concerne la question de savoir si des interdictions telles que celles en cause au principal visent pareils éléments, il y a lieu de relever que, s’agissant de médicaments non soumis à prescription médicale ni remboursables, il est fréquent, ainsi que M. l’avocat général l’a souligné au point 30 de ses conclusions complémentaires du 9 juin 2022, que le consommateur final évalue lui-même, sans l’assistance d’un médecin, l’utilité ou la nécessité d’acheter de tels médicaments. Or, ce
consommateur ne dispose pas nécessairement de connaissances spécifiques et objectives lui permettant d’apprécier leur valeur thérapeutique. La publicité peut alors exercer une influence particulièrement importante sur l’évaluation et le choix effectués par ledit consommateur, tant en ce qui concerne la qualité du médicament que la quantité à acheter.

66 Dans ce contexte, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 87 et 88 de ses conclusions du 9 décembre 2021, des éléments de publicité tels que ceux visés à la disposition nationale en cause au principal sont de nature à inciter les consommateurs à acheter des médicaments non soumis à prescription médicale ni remboursables en fonction d’un critère économique lié au prix de ces médicaments. Ils sont, par conséquent, susceptibles de conduire ces consommateurs à acheter et à consommer
lesdits médicaments sans qu’il ait été procédé à une évaluation objective fondée sur les propriétés thérapeutiques de ces derniers et sur des besoins médicaux concrets.

67 Or, une publicité qui détourne le consommateur de l’évaluation objective de la nécessité de prendre un médicament encourage l’utilisation irrationnelle et excessive de ce médicament (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2007, Gintec, C‑374/05, EU:C:2007:654, point 56).

68 Une telle utilisation irrationnelle et excessive des médicaments peut également découler d’une publicité qui, à l’instar de celles, visées à la disposition nationale en cause au principal, portant sur des offres promotionnelles ou sur des ventes combinées de médicaments et d’autres produits, assimile des médicaments à d’autres produits de consommation, qui font généralement l’objet de remises et de réductions de prix liées au dépassement d’un certain niveau de dépenses.

69 Dans ces conditions, il convient de considérer que, en ce qu’elles empêchent la diffusion d’éléments de publicité qui encouragent l’utilisation irrationnelle et excessive des médicaments non soumis à prescription médicale ni remboursables, des interdictions telles que celles prévues à la disposition en cause au principal répondent à l’objectif essentiel de sauvegarde de la santé publique.

70 À cet égard, il importe de rappeler que celles-ci visent non pas la diffusion d’indications purement informatives, dépourvue de toute intention promotionnelle, sur de tels médicaments, mais la diffusion de contenus visant à encourager l’achat de ces médicaments, que ce soit par une référence à leur prix, à une vente spéciale ou à une vente combinée avec celle d’autres médicaments, le cas échéant à prix réduit, ou avec celle d’autres produits.

71 Certes, la Cour a jugé que la protection efficace de la santé et de la vie des personnes exige, notamment, que les médicaments soient vendus à des prix raisonnables et que, dès lors, une concurrence par les prix pourrait être de nature à profiter au patient, dans la mesure où elle permettrait, le cas échéant, d’offrir les médicaments à des prix plus favorables (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2016, Deutsche Parkinson Vereinigung, C‑148/15, EU:C:2016:776, point 43 et jurisprudence citée).

72 Néanmoins, il ressort du dossier dont dispose la Cour que la disposition nationale en cause au principal se borne à interdire la publicité pour des offres promotionnelles ou pour des ventes combinées, ainsi que la publicité par le prix, sans toutefois préjuger la possibilité, reconnue par le droit letton aux entités exerçant une activité de commercialisation de médicaments, d’accorder des remises et des réductions de prix lors de la vente de médicaments et d’autres produits de santé.

73 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 87, paragraphe 3, et l’article 90 de la directive 2001/83 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une disposition nationale qui interdit d’inclure, dans la publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments non soumis à prescription médicale ni remboursables, des informations qui encouragent l’achat de médicaments en justifiant la
nécessité d’un tel achat par le prix de ces médicaments, en annonçant une vente spéciale ou en indiquant que lesdits médicaments sont vendus avec d’autres médicaments, y compris à un prix réduit, ou d’autres produits.

Sur les dépens

74 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

  1) L’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, telle que modifiée par la directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004,

doit être interprété en ce sens que :

la diffusion d’informations qui encouragent l’achat de médicaments en justifiant la nécessité d’un tel achat par le prix de ces médicaments, en annonçant une vente spéciale ou en indiquant que lesdits médicaments sont vendus avec d’autres médicaments, y compris à un prix réduit, ou d’autres produits, relève de la notion de « publicité pour des médicaments », au sens de cette disposition, même lorsque ces informations visent non pas un médicament déterminé, mais des médicaments indéterminés.

  2) L’article 87, paragraphe 3, et l’article 90 de la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2004/27,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils ne s’opposent pas à une disposition nationale qui interdit d’inclure, dans la publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments non soumis à prescription médicale ni remboursables, des informations qui encouragent l’achat de médicaments en justifiant la nécessité d’un tel achat par le prix de ces médicaments, en annonçant une vente spéciale ou en indiquant que lesdits médicaments sont vendus avec d’autres médicaments, y compris à un prix réduit, ou d’autres produits.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le letton.


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-530/20
Date de la décision : 22/12/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par la Latvijas Republikas Satversmes tiesa.

Renvoi préjudiciel – Médicaments à usage humain – Directive 2001/83/CE – Article 86, paragraphe 1 – Notion de “publicité pour des médicaments” – Article 87, paragraphe 3 – Usage rationnel des médicaments – Article 90 – Éléments publicitaires interdits – Publicité pour des médicaments non soumis à prescription médicale ni remboursables – Publicité par le prix – Publicité pour des offres promotionnelles – Publicité pour des ventes combinées – Interdiction.

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : « EUROAPTIEKA » SIA.

Composition du Tribunal
Avocat général : Szpunar
Rapporteur ?: Rossi

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:1014

Source

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