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02/03/2023 | CJUE | N°C-760/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Kwizda Pharma GmbH contre Landeshauptmann von Wien., 02/03/2023, C-760/21


 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

2 mars 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Sécurité des aliments – Denrées alimentaires – Règlement (UE) no 609/2013 – Article 2, paragraphe 2, sous g) – Notion de “denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales” – Autres exigences nutritionnelles particulières – Besoins nutritionnels – Modification du régime alimentaire – Nutriments – Utilisation sous contrôle médical – Ingrédients non absorbés ou métabolisés dans le canal alimentaire – Délimitation par rap

port aux médicaments – Délimitation par rapport
aux compléments alimentaires »

Dans l’affaire C‑760/21,

ayant pour obj...

 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

2 mars 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Sécurité des aliments – Denrées alimentaires – Règlement (UE) no 609/2013 – Article 2, paragraphe 2, sous g) – Notion de “denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales” – Autres exigences nutritionnelles particulières – Besoins nutritionnels – Modification du régime alimentaire – Nutriments – Utilisation sous contrôle médical – Ingrédients non absorbés ou métabolisés dans le canal alimentaire – Délimitation par rapport aux médicaments – Délimitation par rapport
aux compléments alimentaires »

Dans l’affaire C‑760/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne, Autriche), par décision du 26 novembre 2021, parvenue à la Cour le 10 décembre 2021, dans la procédure

Kwizda Pharma GmbH

contre

Landeshauptmann von Wien,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, Mme M. L. Arastey Sahún, MM. F. Biltgen, N. Wahl (rapporteur) et J. Passer, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour Kwizda Pharma GmbH, par Me J. Hütthaler-Brandauer, Rechtsanwalt,

– pour la Commission européenne, par Mme I. Galindo Martín, M. B.‑R. Killmann et Mme B. Rous Demiri, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, d’une part, de l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement (UE) no 609/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 12 juin 2013, concernant les denrées alimentaires destinées aux nourrissons et aux enfants en bas âge, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales et les substituts de la ration journalière totale pour contrôle du poids et abrogeant la directive 92/52/CEE du Conseil, les directives 96/8/CE,
1999/21/CE, 2006/125/CE et 2006/141/CE de la Commission, la directive 2009/39/CE du Parlement européen et du Conseil et les règlements (CE) no 41/2009 et (CE) no 953/2009 de la Commission (JO 2013, L 181, p. 35), et, d’autre part, de la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires (JO 2002, L 183, p. 51).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre de litiges opposant Kwizda Pharma GmbH au Landeshauptmann von Wien (chef du gouvernement du Land de Vienne, Autriche) au sujet du refus de ce dernier de classifier, en tant que denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales, des produits commercialisés par Kwizda Pharma.

Le cadre juridique

La directive 2001/83/CE

3 L’article 1er, point 2, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), telle que modifiée par la directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004 (JO 2004, L 136, p. 34), dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

2) médicament :

a) toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ; ou

b) toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou pouvant lui être administrée en vue soit de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, soit d’établir un diagnostic médical ».

4 L’article 2, paragraphe 2, de cette directive dispose :

« En cas de doute, lorsqu’un produit, eu égard à l’ensemble de ses caractéristiques, est susceptible de répondre à la fois à la définition d’un “médicament” et à la définition d’un produit régi par une autre législation communautaire, les dispositions de la présente directive s’appliquent. »

La directive 2002/46

5 L’article 2 de la directive 2002/46 est rédigé comme suit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a) “compléments alimentaires”, les denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés, commercialisés sous forme de doses, à savoir les formes de présentation telles que les gélules, les pastilles, les comprimés, les pilules et autres formes similaires, ainsi que les sachets de poudre, les ampoules de liquide, les flacons munis
d’un compte-gouttes et les autres formes analogues de préparations liquides ou en poudre destinées à être prises en unités mesurées de faible quantité ;

b) “nutriments”, les substances suivantes :

i) vitamines ;

ii) minéraux. »

6 L’article 5 de cette directive prévoit :

« 1.   Les quantités maximales de vitamines et de minéraux présentes dans les compléments alimentaires sont fixées en fonction de la portion journalière recommandée par le fabricant en tenant compte des éléments suivants :

a) les limites supérieures de sécurité établies pour les vitamines et les minéraux après une évaluation scientifique des risques fondée sur des données scientifiques généralement admises, compte tenu, le cas échéant, de la différence des niveaux de sensibilité de différents groupes de consommateurs ;

b) les apports en vitamines et en minéraux provenant d’autres sources alimentaires.

2.   Lors de la fixation des quantités maximales visée au paragraphe 1, il est également dûment tenu compte des apports de référence en vitamines et en minéraux pour la population.

3.   Pour garantir la présence en quantités suffisantes de vitamines et de minéraux dans les compléments alimentaires, des quantités minimales sont fixées, de façon appropriée, en fonction de la portion journalière recommandée par le fabricant.

[...] »

Le règlement (UE) no 1169/2011

7 L’article 2, paragraphe 2, sous s), du règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) no 1924/2006 et (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les
directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) no 608/2004 de la Commission (JO 2011, L 304, p. 18, et rectificatif JO 2013, L 163, p. 32), dispose :

« Les définitions suivantes s’appliquent également :

[...]

s) “nutriments” : les protéines, les glucides, les matières grasses, les fibres alimentaires, le sodium, les vitamines et les sels minéraux dont la liste est établie à l’annexe XIII, partie A, point 1, du présent règlement, ainsi que les substances qui relèvent ou sont des composants de l’une de ces catégories ».

Le règlement no 609/2013

8 Aux termes du considérant 24 du règlement no 609/2013 :

« Le règlement [no 1169/2011] fixe des exigences générales en matière d’étiquetage. Il convient que ces exigences en matière d’étiquetage s’appliquent, en règle générale, aux catégories de denrées alimentaires couvertes par le présent règlement. Toutefois, le présent règlement devrait également prévoir des exigences supplémentaires ou des dérogations au règlement [no 1169/2011], s’il y a lieu, pour que les objectifs spécifiques du présent règlement soient atteints. »

9 L’article 2, paragraphe 2, sous g), de ce règlement dispose :

« [...] on entend par :

[...]

g) “denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales”, une denrée alimentaire spécialement traitée ou formulée et destinée à répondre aux besoins nutritionnels de patients, y compris les nourrissons, et qui ne peut être utilisée que sous contrôle médical, et destinée à constituer l’alimentation exclusive ou partielle des patients dont les capacités d’absorption, de digestion, d’assimilation, de métabolisation ou d’excrétion des denrées alimentaires ordinaires ou de certains de leurs
ingrédients ou métabolites sont diminuées, limitées ou perturbées, ou dont l’état de santé détermine d’autres exigences nutritionnelles particulières qui ne peuvent être satisfaites par une modification du seul régime alimentaire normal ».

10 L’article 9, paragraphes 5 et 6, dudit règlement prévoit :

« 5.   L’étiquetage, la présentation et la publicité des denrées alimentaires visées à l’article 1er, paragraphe 1, fournissent des informations sur l’utilisation appropriée de ces denrées alimentaires, n’induisent pas en erreur, n’attribuent pas à celles-ci des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d’une maladie humaine, ni n’évoquent de telles propriétés.

6.   Le paragraphe 5 n’empêche pas la communication de toute information ou recommandation utile destinée exclusivement aux personnes disposant de qualifications en médecine, en nutrition, en pharmacie ou à tout autre professionnel des soins de santé responsable en matière de soins de la mère et de l’enfant. »

Le règlement délégué (UE) 2016/128

11 Les considérants 3 à 5, 13 et 15 du règlement délégué (UE) 2016/128 de la Commission, du 25 septembre 2015, complétant le règlement (UE) no 609/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences spécifiques en matière de composition et d’information applicables aux denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales (JO 2016, L 25, p. 30, et rectificatif JO 2017, L 297, p. 28), sont ainsi rédigés :

« (3) Les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales sont élaborées en étroite collaboration avec des professionnels de la santé pour nourrir les patients souffrant d’une maladie diagnostiquée, d’un trouble ou d’un état de santé particuliers, ou d’une dénutrition due à de tels maux, qui les empêchent ou ne leur permettent que très difficilement de satisfaire leurs besoins nutritionnels avec d’autres denrées alimentaires. Pour cette raison, elles doivent être utilisées sous un
contrôle médical pouvant être assuré avec le concours de professionnels de la santé compétents.

(4) La composition des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales peut différer sensiblement selon, entre autres, la maladie, le trouble ou l’état de santé particuliers à l’origine des besoins nutritionnels auxquels ces denrées répondent, l’âge des patients et le lieu où ils reçoivent les soins de santé, ainsi que la destination des denrées. Plus particulièrement, celles-ci peuvent être classées en plusieurs catégories selon que leur composition est normale ou adaptée pour
répondre aux besoins nutritionnels propres à une maladie, à un trouble ou à un état de santé, et selon qu’elles constituent ou non la seule source d’alimentation des personnes auxquelles elles sont destinées.

(5) En raison de la grande diversité des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales, de l’évolution rapide des connaissances scientifiques sur lesquelles ces denrées sont basées et de la nécessité de laisser assez de jeu pour permettre le développement de produits innovants, il n’est pas opportun de fixer des règles détaillées portant sur la composition desdites denrées. Il est néanmoins important de définir à leur égard des principes et des exigences spécifiques afin de
garantir qu’elles sont sûres, salutaires et efficaces pour les personnes auxquelles elles sont destinées, selon des données scientifiques généralement admises.

[...]

(13) Les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales élaborées doivent être conformes au [règlement no 1169/2011]. Pour tenir compte du caractère particulier de ces denrées alimentaires, il convient que le présent règlement énonce les compléments et les dérogations à apporter à ces règles générales.

[...]

(15) La déclaration nutritionnelle des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales est indispensable pour garantir leur bonne utilisation, tant pour les patients qui les consomment que pour les professionnels de la santé qui les recommandent. Aussi, pour étoffer l’information qu’elle fournit aux patients et aux professionnels de la santé, la déclaration nutritionnelle devrait contenir plus de mentions que le requiert le règlement [no 1169/2011]. En outre, la dérogation prévue à
l’annexe V, point 18, du règlement [no 1169/2011] ne devrait pas s’appliquer et la déclaration nutritionnelle devrait être obligatoire sur toutes les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales, indépendamment de la taille de l’emballage ou du récipient. »

12 L’article 2 de ce règlement délégué énonce :

« 1.   Les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales sont classées dans les trois catégories suivantes :

a) les aliments complets du point de vue nutritionnel qui, avec une composition normale en nutriments, s’ils sont utilisés conformément aux instructions des fabricants, peuvent constituer la seule source d’alimentation des personnes auxquelles ils sont destinés ;

b) les aliments complets du point de vue nutritionnel qui, avec une composition adaptée pour répondre aux besoins nutritionnels propres à une maladie, à un trouble ou à un état de santé, s’ils sont utilisés conformément aux instructions des fabricants, peuvent constituer la seule source d’alimentation des personnes auxquelles ils sont destinés ;

c) les aliments incomplets du point de vue nutritionnel qui, avec une composition normale ou adaptée pour répondre aux besoins nutritionnels propres à une maladie, à un trouble ou à un état de santé, ne peuvent pas constituer la seule source d’alimentation.

Les aliments visés aux points a) et b) du premier alinéa peuvent aussi être utilisés pour remplacer une partie de l’alimentation du patient ou servir de complément.

2.   Les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales présentent une composition basée sur de solides principes médicaux et nutritionnels. Leur utilisation, conformément aux instructions des fabricants, est sûre, adaptée et efficace pour répondre aux besoins nutritionnels particuliers des personnes auxquelles les denrées sont destinées, tels qu’établis par des données scientifiques généralement admises.

3.   La composition des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales élaborées pour répondre aux besoins nutritionnels des nourrissons répond aux exigences établies à l’annexe I, partie A.

La composition des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales autres que celles élaborées pour répondre aux besoins nutritionnels des nourrissons répond aux exigences établies à l’annexe I, partie B.

[...] »

13 L’article 5, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), d), e) et g), dudit règlement délégué dispose :

« 1.   Sauf dispositions contraires du présent règlement, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales sont conformes au règlement [no 1169/2011].

2.   Outre les mentions obligatoires énumérées à l’article 9, paragraphe 1, du règlement [no 1169/2011], les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales portent les mentions obligatoires supplémentaires suivantes :

a) une mention indiquant que le produit doit être utilisé sous contrôle médical ;

[...]

d) une mention indiquant, le cas échéant, que le produit comporte un risque pour la santé lorsqu’il est consommé par des personnes qui n’ont pas la maladie, le trouble ou l’état de santé pour lesquels il est prévu ;

e) la mention “pour les besoins nutritionnels en cas de…” où les points de suspension sont remplacés par la maladie, le trouble ou l’état de santé pour lesquels le produit est prévu ;

[...]

g) une description des propriétés et des caractéristiques qui permettent au produit de répondre aux besoins nutritionnels dans le cas de la maladie, du trouble ou de l’état de santé pour lequel il est prévu, notamment, selon le cas, les particularités de sa fabrication et de sa formule, les nutriments qui ont été augmentés, diminués, éliminés ou ont subi d’autres modifications et les raisons justifiant son utilisation ;

[...] ».

14 L’article 6 de ce même règlement délégué prévoit :

« 1.   Outre les informations visées à l’article 30, paragraphe 1, du règlement [no 1169/2011], la déclaration nutritionnelle obligatoire des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales comprend les mentions suivantes :

a) la quantité de toutes les vitamines et substances minérales énumérées à l’annexe I du présent règlement que contient le produit ;

b) la quantité des composants de protéines, glucides, lipides et d’autres nutriments et de leurs composants dont la mention est nécessaire pour une bonne utilisation du produit au regard de sa destination ;

c) le cas échéant, des informations sur l’osmolalité ou l’osmolarité du produit ;

d) des informations sur la source et la nature des protéines et des hydrolysats de protéines que contient le produit.

2.   Par dérogation à l’article 30, paragraphe 3, du règlement [no 1169/2011], les informations contenues dans la déclaration nutritionnelle obligatoire des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales ne sont pas répétées sur l’étiquetage.

3.   La déclaration nutritionnelle est obligatoire sur toutes les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales, indépendamment de la taille de la face la plus grande de l’emballage ou du récipient.

4.   Les articles 31 à 35 du règlement [no 1169/2011] s’appliquent à tous les nutriments figurant dans la déclaration nutritionnelle des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales.

5.   Par dérogation à l’article 31, paragraphe 3, du règlement [no 1169/2011], la valeur énergétique et les quantités de nutriments des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales sont celles de la denrée commercialisée telle quelle et, le cas échéant, celles de la denrée confectionnée suivant les instructions du fabricant et prête à l’emploi.

6.   Par dérogation à l’article 32, paragraphes 3 et 4, règlement [no 1169/2011], la valeur énergétique et les quantités de nutriments des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales ne sont pas exprimées en pourcentage des apports de référence énoncés à l’annexe XIII dudit règlement.

7.   Les mentions de la déclaration nutritionnelle des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales qui ne figurent pas à l’annexe XV du règlement [no 1169/2011] sont placées après l’entrée la plus opportune de ladite annexe à laquelle elles se rattachent ou de laquelle elles indiquent un composant.

Les mentions ne figurant pas à l’annexe XV du règlement [no 1169/2011] qui ne se rattachent pas aux entrées de ladite annexe ou n’en indiquent pas un composant sont placées dans la déclaration nutritionnelle après la dernière entrée de ladite annexe.

L’indication de la quantité de sodium figure avec celle des autres substances minérales et peut être reproduite à côté de l’indication de la teneur en sel de la façon suivante : “Sel : X g (dont sodium : Y mg)”. »

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

15 Kwizda Pharma commercialise quatre produits au sujet desquels elle indique que les ingrédients qui les composent empêchent l’adhérence des bactéries aux muqueuses des voies urinaires, de sorte que la consommation de ces produits serait préconisée en cas d’infections urinaires (ci-après les « produits en cause »).

16 Elle a notifié au ministère compétent la mise sur le marché de ces quatre produits en tant que denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013.

17 Par deux décisions en date du 5 août 2021 et deux décisions en date du 6 août 2021, le Landeshauptmann von Wien (chef du gouvernement du Land de Vienne) a refusé de qualifier lesdits quatre produits de « denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales ». Ces décisions étaient fondées sur l’appréciation de l’autorité administrative compétente pour l’examen des échantillons des produits en cause selon laquelle ces produits ne seraient pas des denrées alimentaires dans la mesure où les
ingrédients qui engendrent l’effet prôné, à savoir le D‑mannose et la canneberge, généreraient leur effet non pas par leur ingestion dans le tube digestif, mais à la suite de leur action sur les organes d’excrétion rénaux.

18 Kwizda Pharma conteste ces quatre décisions devant la juridiction de renvoi. Cette dernière s’interroge sur la notion de « denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales » ainsi que sur la distinction entre cette notion et celles de « médicament » et de « complément alimentaire ».

19 Premièrement, la juridiction de renvoi cherche à identifier les caractéristiques que doit présenter une denrée alimentaire pour répondre aux besoins nutritionnels particuliers des personnes auxquelles elle est destinée, au sens du règlement no 609/2013.

20 En effet, cette juridiction estime qu’un produit doit être qualifié de « denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales » s’il engendre l’effet médical prôné exclusivement dans le cadre de sa pertinence à couvrir les besoins nutritionnels médicalement visés par la personne qui la consomme. Elle relève que Kwizda Pharma se prévaut d’une approche différente. Selon cette dernière, la notion de « besoins nutritionnels » recouvrirait toutes les hypothèses dans lesquelles, en raison d’une
maladie ou d’une affection, la consommation d’un certain nutriment serait indiquée. Partant, en l’espèce, la canneberge et le D‑mannose, qui ne produisent pas leurs effets à la suite d’un changement requis de régime alimentaire et ne sont ni absorbés ni métabolisés au cours de la digestion, mais dont la consommation est indiquée pour favoriser l’activité d’excrétion rénale et de ce fait le processus de guérison d’une infection des voies urinaires, répondraient à de tels besoins.

21 Deuxièmement, la juridiction de renvoi s’interroge sur la distinction entre la notion de « denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales » et celles de « médicament » et de « complément alimentaire ». Elle souligne, à cet égard, que, selon Kwizda Pharma, il peut résulter de la composition des compléments alimentaires que ceux-ci peuvent aussi être qualifiés de « denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales » dans la mesure où des substances, telles que la canneberge
ou le D-mannose, sont considérées comme répondant à des besoins nutritionnels. Elle relève également que Kwizda Pharma soutient qu’un produit peut être qualifié de « denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales » dès lors qu’il contient une substance, comme en l’occurrence la canneberge et la D-mannose, apte à favoriser une évolution d’une maladie ou une guérison. Or, selon la juridiction de renvoi, une telle argumentation atténue la distinction entre les denrées alimentaires
destinées à des fins médicales spéciales et les médicaments.

22 Troisièmement, la juridiction de renvoi cherche à déterminer la portée de l’exigence prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013, selon laquelle les ingrédients pertinents aux fins de la classification en tant que denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales doivent produire leur effet dans le cadre de besoins nutritionnels ne pouvant être couverts par la modification du régime alimentaire normal. Elle fait observer que Kwizda Pharma soutient que la
canneberge ou le D-mannose ne peuvent être ingérés dans le cadre du régime alimentaire normal que par des efforts importants, de telle sorte que, s’agissant des produits en cause, ladite exigence est remplie.

23 Quatrièmement, afin d’apprécier l’argumentation de Kwizda Pharma fondée sur les définitions divergentes de la notion de « nutriment » en droit de l’Union et selon laquelle, dans le cadre du règlement no 609/2013, toute denrée alimentaire et toute substance pouvant également faire partie d’une denrée ou d’un complément alimentaire doivent être considérées comme un nutriment, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous g), de ce règlement, la juridiction de renvoi demande à la Cour de définir la
notion de « nutriment », au sens dudit règlement.

24 Cinquièmement, elle fait observer que, selon Kwizda Pharma, l’exigence selon laquelle une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales « ne peut être utilisée que sous contrôle médical », énoncée à l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013, est remplie dès lors qu’un prestataire de services de santé, tel qu’un pharmacien, remet une denrée alimentaire au patient. Toutefois, cette interprétation s’écarterait sensiblement du contenu sémantique de l’expression
« contrôle médical », de telle sorte que la juridiction de renvoi cherche à savoir comment cette exigence doit être interprétée.

25 C’est dans ces conditions que le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne, Autriche) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1a) Pour être qualifié de “denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales”, un produit doit-il démontrer sa capacité à obtenir les résultats prônés, spécifiques à la maladie ou à l’affection, exclusivement dans le cadre des besoins nutritionnels médicalement indiqués pour cette maladie ou affection au regard des exigences de cette dernière en matière d’apport alimentaire ?

1b) Dans ce contexte, doit-on considérer que l’on est en présence de besoins nutritionnels uniquement lorsqu’une personne modifie son mode d’alimentation pour consommer des nutriments différents ou supplémentaires, lesquels sont absorbés par l’organisme au cours de la digestion ?

1c) La classification en tant que denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales exige-t-elle également à titre supplémentaire que la maladie ou affection à laquelle le produit est destiné requiert des besoins nutritionnels en ce sens que le patient doit ingérer les nutriments contenus dans le produit, lesquels ne peuvent pas être consommés dans le cadre d’un régime alimentaire normal ?

1d) Doit-on considérer que la denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales remplit son effet médical exclusivement par le fait qu’elle contient l’ensemble ou certains des nutriments ne pouvant pas être consommés dans le cadre d’un régime alimentaire normal, mais qui, pour le patient, sont absolument nécessaires ou requis pour le maintien de ses fonctions vitales ?

En cas de réponse négative : de quelle nature doivent être les ingrédients d’un produit pour satisfaire aux exigences relatives aux denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales ?

2a) La classification d’un produit en tant que complément alimentaire exclut-elle que ce produit puisse également être classé en tant que denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales ?

2b) En cas de réponse négative : selon quels critères doit-on déterminer qu’un certain complément alimentaire ne peut pas être classé en tant que denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales ?

2c) Le critère relatif aux « besoins nutritionnels » visés à l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement [no 609/2013] est-il également satisfait par l’utilisation de “compléments alimentaires” au sens de la [directive 2002/46] ?

2d) Une denrée alimentaire devient-elle une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales dès lors qu’elle contient des nutriments qui peuvent être ingérés également par la consommation de compléments alimentaires ou d’autres denrées alimentaires, mais qui sont spécifiquement composés aux fins d’une certaine maladie ou affection ?

3) Selon quels critères doit-on distinguer un médicament d’une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales et différencier les deux ?

4) L’exigence prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement [no 609/2013], selon laquelle les ingrédients pertinents aux fins de la classification en tant que denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales doivent produire leur effet dans le cadre de besoins nutritionnels ne pouvant être couverts par la modification du régime alimentaire normal, doit-elle être interprétée en ce sens qu’un patient, aux fins de la maladie ou de l’affection duquel la denrée alimentaire
destinée à des fins médicales spéciales est mise sur le marché, n’est pas en mesure de couvrir de manière suffisante ses besoins nutritionnels par la consommation de denrées alimentaires généralement disponibles ?

5a) L’expression “qui ne peuvent être satisfaites par une modification du seul régime alimentaire normal” figurant à l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement [no 609/2013] est-elle relative en ce sens qu’il faut considérer que cette exigence est remplie également lorsque la consommation de nutriments requise au regard de la maladie ou de l’affection concernée ne peut être obtenue au moyen de denrées alimentaires (notamment de compléments alimentaires) généralement disponibles que par des
efforts particuliers ?

5b) Dans l’affirmative, selon quels critères doit-on déterminer que des efforts liés à la consommation de denrées alimentaires généralement disponibles répondent à l’exigence “qui ne peuvent être satisfaites par une modification du seul régime alimentaire normal” figurant à l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement [no 609/2013] ? Doit-on notamment considérer que ce critère est déjà rempli si un patient est tenu d’ingérer séparément plusieurs compléments alimentaires généralement
disponibles ?

6a) Que doit-on entendre par “nutriment” [Nährstoff] au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement [no 609/2013] ?

6b) Selon quels critères doit-on déterminer si un certain ingrédient d’un produit doit être classé en tant que nutriment [Nährstoff] au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement [no 609/2013] ?

7a) L’exigence prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement [no 609/2013] “qui ne peut être utilisée que sous contrôle médical” est-elle déjà remplie si ce produit est délivré dans une pharmacie sans qu’une prescription médicale préalable soit nécessaire ?

7b) Selon quels critères doit-on déterminer si, pour un certain produit, l’exigence d’utilisation sous contrôle médical visée à l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement [no 609/2013] est remplie ?

7c) Quelle conséquence découle de la circonstance éventuelle que cette exigence d’utilisation sous contrôle médical visée à l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement [no 609/2013] ne soit pas respectée dans un cas concret, voire de manière générale ?

8a) Doit-on considérer que l’on est en présence d’une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales uniquement si celle-ci ne peut pas être utilisée sans surveillance médicale ?

8b) Dans l’affirmative, selon quels critères doit-on déterminer si une denrée alimentaire peut être utilisée sans surveillance médicale ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la troisième question

26 Par sa troisième question, qu’il convient de traiter en premier lieu, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur les critères permettant de distinguer les notions de « médicament », au sens de l’article 1er, point 2, de la directive 2001/83, et de « denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013.

27 À cet égard, il importe de rappeler que la Cour a déjà souligné que les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales se distinguent des médicaments et que ces deux catégories de produits font, compte tenu de leurs caractéristiques propres, l’objet de définitions ainsi que de régimes juridiques distincts et exclusifs (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2022, Orthomol, C‑418/21, EU:C:2022:831, point 37).

28 Les caractéristiques et les fonctions des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales se différencient de celles des médicaments, lesquels s’entendent, en vertu de l’article 1er, point 2, de la directive 2001/83, de toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou de toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou pouvant lui être administrée en vue soit de restaurer, de
corriger ou de modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, soit d’établir un diagnostic médical (arrêt du 27 octobre 2022, Orthomol, C‑418/21, EU:C:2022:831, point 38).

29 En effet, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales sont des denrées alimentaires qui sont destinées à répondre aux besoins nutritionnels des patients et non à prévenir ou à guérir des maladies humaines, à restaurer, à corriger ou à modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, ou à établir un diagnostic médical (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2022, Orthomol, C‑418/21, EU:C:2022:831, points 26 et 39).

30 Ainsi, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales ne permettent pas en tant que telles de lutter contre une maladie, un trouble ou un état de santé, mais sont caractérisées par leur fonction nutritionnelle (arrêt du 27 octobre 2022, Orthomol, C‑418/21, EU:C:2022:831, point 40).

31 Par conséquent, ainsi que la Cour l’a déjà relevé, si un patient tire un bénéfice général de l’absorption d’un produit dans la mesure où les substances qui le composent contribuent à prévenir, à atténuer ou à guérir une maladie, alors ce produit vise non pas à nourrir ce patient, mais à le soigner, à prévenir une pathologie ou encore à restaurer, à corriger ou à modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique militant pour une
qualification de ce produit autre que celle de « denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales » (arrêt du 27 octobre 2022, Orthomol, C‑418/21, EU:C:2022:831, point 41).

32 En l’occurrence, il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi que Kwizda Pharma commercialise les produits en cause en prônant que la consommation de ces produits favorise, en cas d’infection des voies urinaires, l’élimination des agents pathogènes concernés.

33 Or, s’il appartient aux autorités nationales compétentes de déterminer, aux termes d’une appréciation au cas par cas et en tenant compte de l’ensemble des caractéristiques desdits produits, si ces mêmes produits peuvent être commercialisés en tant que denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2005, HLH Warenvertrieb et Orthica, C‑211/03, C‑299/03 et C‑316/03 à C‑318/03, EU:C:2005:370, point 30), il n’en demeure pas moins que des produits
présentés comme possédant des propriétés curatives à l’égard d’une maladie, mais qui ne seraient pas destinés à répondre aux besoins nutritionnels des patients ne peuvent pas être commercialisés en tant que denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales.

34 À cet égard, il y a également lieu de souligner que, en cas de doute sur la classification correcte des produits en cause, l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2001/83 accorde la priorité à l’application du droit de l’Union relatif aux médicaments, ce qui, en raison des exigences plus élevées découlant du droit relatif aux médicaments pour la mise sur le marché de produits, correspond également à l’objectif de protection élevée de la santé humaine poursuivi par l’article 168 TFUE.

35 Ainsi que la Cour l’a jugé, cette disposition s’applique tant à la classification de « médicament par fonction », visée à l’article 1er, point 2, sous b), de cette directive, qu’à celle de « médicament par présentation », visée à l’article 1er, point 2, sous a), de ladite directive [arrêt du 19 janvier 2023, Bundesrepublik Deutschland (Gouttes nasales), C‑495/21 et C‑496/21, EU:C:2023:34, point 35].

36 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précédent, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 1er, point 2, de la directive 2001/83 et l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013 doivent être interprétés en ce sens que, aux fins de distinguer les notions de « médicament » et de « denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales », qui sont respectivement définies à ces dispositions, il convient d’apprécier, au regard de la nature et des
caractéristiques du produit concerné, s’il s’agit d’une denrée alimentaire destinée à répondre à des besoins nutritionnels particuliers ou d’un produit destiné à prévenir ou à guérir des maladies humaines, à restaurer, à corriger ou à modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, ou à établir un diagnostic médical, ou le cas échéant, présenté comme tel.

Sur les première, quatrième et cinquième questions

37 Par ses première, quatrième et cinquième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour d’interpréter les notions de « besoins nutritionnels » et de « modification du seul régime alimentaire normal », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013.

38 S’agissant, en premier lieu, de la notion de « besoins nutritionnels », il découle du libellé de cette disposition que les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales présentent deux caractéristiques permettant de les distinguer d’autres catégories de produits. D’une part, elles sont des denrées alimentaires destinées à constituer l’alimentation exclusive ou partielle des patients présentant une maladie, un trouble ou un état de santé déterminés. D’autre part, elles sont
spécialement traitées ou formulées pour répondre aux besoins nutritionnels particuliers résultant d’une telle maladie, d’un tel trouble ou d’un tel état de santé (arrêt du 27 octobre 2022, Orthomol, C‑418/21, EU:C:2022:831, point 25).

39 Ainsi, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales sont des denrées alimentaires ayant une fonction nutritionnelle particulière en ce qu’elles sont « spécialement traitées ou formulées » pour répondre aux besoins nutritionnels particuliers des patients.

40 Il s’ensuit que la qualification d’une denrée en tant que denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales requiert une adéquation entre la denrée alimentaire, dans sa composition, sa consistance ou sa forme, et les besoins nutritionnels, causés par une maladie, un trouble ou un état de santé, auxquels cette denrée vise à répondre.

41 Cette adéquation est d’autant plus nécessaire qu’une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales répond à des « besoins nutritionnels », causés par une maladie, un trouble ou un état de santé, dont la satisfaction, pour le patient, est indispensable.

42 Par conséquent, l’emploi de la notion de « besoins nutritionnels » par le législateur de l’Union atteste avec évidence que le recours à une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales ne saurait, contrairement à ce que fait valoir Kwizda Pharma, être seulement préconisé.

43 Cela étant, compte tenu de la diversité des « besoins nutritionnels » auxquels les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales peuvent être amenées à répondre, la qualification d’un produit en tant que telle ne saurait être subordonnée à la condition que la satisfaction des « besoins nutritionnels » causés par une maladie, un trouble ou un état de santé, et, par conséquent, l’effet dudit produit ait lieu au cours ou à la suite de la digestion.

44 Ainsi, selon la lettre même de l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales sont, notamment, destinées aux « patients dont les capacités d’absorption, de digestion, d’assimilation, de métabolisation ou d’excrétion des denrées alimentaires ordinaires ou de certains de leurs ingrédients ou métabolites sont diminuées, limitées ou perturbées ».

45 Or, ce faisant, le législateur de l’Union n’a pas circonscrit la définition des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales aux seules denrées alimentaires répondant à des difficultés de digestion, mais, en incluant également l’absorption, l’assimilation, la métabolisation ou encore l’excrétion, il a visé toutes les étapes du processus nutritionnel.

46 En effet, dès lors qu’une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales peut, par exemple, être conçue pour répondre à des déficiences mécaniques ou neurologiques empêchant les patients d’ingérer suffisamment d’aliments ou à une incapacité de certains patients à excréter certains nutriments, la notion de « besoins nutritionnels » ne saurait être circonscrite à la seule satisfaction, par la digestion, de besoins en nutriments.

47 S’agissant, en second lieu, de la notion de « modification du seul régime alimentaire normal », il convient de rappeler qu’il est indiqué au considérant 3 du règlement délégué 2016/128 que les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales sont conçues « pour nourrir les patients souffrant d’une maladie diagnostiquée, d’un trouble ou d’un état de santé particuliers, ou d’une dénutrition due à de tels maux, qui les empêchent ou ne leur permettent que très difficilement de satisfaire
leurs besoins nutritionnels avec d’autres denrées alimentaires ».

48 Ainsi, une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales s’adresse aux patients dont l’état de santé détermine d’autres exigences nutritionnelles particulières qui ne peuvent être satisfaites par « une modification du seul régime alimentaire normal », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013, dès lors que ces exigences nutritionnelles ne peuvent pas être satisfaites grâce à la seule consommation de denrées alimentaires ordinaires.

49 En outre, la notion de « modification du seul régime alimentaire normal », au sens de cette disposition, doit recouvrir non seulement les situations dans lesquelles une modification de l’alimentation est impossible ou dangereuse pour le patient, mais également les situations dans lesquelles le patient ne peut que « très difficilement » satisfaire ses besoins nutritionnels avec des denrées alimentaires ordinaires.

50 Par conséquent, il est nécessaire d’évaluer au cas par cas si, et dans quelle mesure, un patient peut, ou non, satisfaire ses besoins nutritionnels causés par une maladie, un trouble ou un état de santé déterminés par la modification du seul régime alimentaire normal.

51 À cet effet, les caractéristiques de la maladie ou du trouble en cause, les difficultés engendrées par une modification du seul régime alimentaire normal, et notamment la possibilité concrète d’accéder aux denrées alimentaires nécessaires, les modes de consommation de ces denrées alimentaires et leur praticité doivent être pris en considération afin de déterminer si le recours à une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales permet plus facilement ou de manière plus sûre au
patient de satisfaire ses besoins nutritionnels.

52 Eu égard à ces considérations, il convient de répondre aux première, quatrième et cinquième questions que l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013 doit être interprété en ce sens que, premièrement, la notion de « besoins nutritionnels » recouvre des besoins causés par une maladie, un trouble ou un état de santé, dont la satisfaction est indispensable au patient d’un point de vue nutritionnel, deuxièmement, la qualification de « denrée alimentaire destinée à des fins médicales
spéciales » ne saurait être subordonnée à la condition que la satisfaction des « besoins nutritionnels » causés par une maladie, un trouble ou un état de santé, et, par conséquent, l’effet dudit produit ait nécessairement lieu au cours ou à la suite de la digestion et, troisièmement, la notion de « modification du seul régime alimentaire normal » inclut tant les situations dans lesquelles une modification de l’alimentation est impossible ou dangereuse pour le patient que celles dans lesquelles le
patient ne peut que très difficilement satisfaire ses besoins nutritionnels avec des denrées alimentaires ordinaires.

Sur la sixième question

53 Par sa sixième question, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation de la notion de « nutriment », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013 et, en particulier, sur les critères permettant de déterminer si une substance doit être qualifiée de « nutriment », au sens de cette disposition.

54 D’emblée, il convient de souligner que le terme « nutriment » ne figure pas dans la version en langue française de l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013.

55 Toutefois, ce terme figure, à la place du terme « ingrédient » employé dans la version en langue française de cette disposition, dans les autres versions linguistiques de ladite disposition, ainsi qu’en attestent, notamment, les versions en langues néerlandaise (« nutriënten »), espagnole (« nutrientes »), allemande (« Nährstoffe »), tchèque (« živiny »), suédoise (« näringsämnen ») et anglaise (« nutrients »).

56 À cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques (arrêt du 15 avril 2021, The North of England P & I Association, C‑786/19, EU:C:2021:276, point 54).

57 Or, ainsi que cela est indiqué au point 23 du présent arrêt, Kwizda Pharma soutient devant la juridiction de renvoi que, dans le cadre de ce règlement, toute denrée alimentaire et toute substance pouvant également faire partie d’une denrée ou d’un complément alimentaire doivent elles-mêmes être considérées comme un nutriment. Au contraire, l’autorité administrative compétente pour l’examen des échantillons des produits en cause a estimé, de façon beaucoup plus restrictive, que la qualification de
« nutriment » est subordonnée au fait qu’une substance est métabolisée au cours de la digestion et qu’elle revêt une importance significative pour le maintien ou la garantie des fonctions corporelles.

58 Premièrement, il ne saurait être déduit de l’absence de définition de la notion de « nutriment » dans le règlement no 609/2013 ou de l’absence de renvoi à la définition établie dans un autre texte législatif du droit de l’Union que le législateur de l’Union a entendu, sans pour autant l’expliciter, recourir, dans le cadre de ce règlement, à une définition spécifique énoncée audit règlement.

59 Deuxièmement, dans la mesure où les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales constituent, avant tout et malgré leurs spécificités, des denrées alimentaires, le règlement no 609/2013 et le règlement délégué 2016/128 doivent être appréhendés à la lumière des autres textes législatifs applicables aux denrées alimentaires.

60 Il y a lieu de rappeler, à cet effet, que, selon le considérant 24 du règlement no 609/2013, les exigences en matière d’étiquetage énoncées dans le règlement no 1169/2011 s’appliquent, en règle générale, aux catégories de denrées alimentaires couvertes par le premier règlement.

61 En outre, et plus spécifiquement, le règlement délégué 2016/128 se réfère explicitement et à de nombreuses reprises au règlement no 1169/2011. Il résulte, en particulier, de l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement délégué que, en principe, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales doivent, en matière d’information sur les denrées alimentaires, être conformes au règlement no 1169/2011. En outre, s’agissant des exigences spécifiques portant sur la déclaration
nutritionnelle, l’article 6 dudit règlement délégué s’appuie largement sur les prescriptions de ce règlement et indique explicitement les cas dans lesquels il convient de s’écarter de ses dispositions.

62 Or, dès lors que ces dernières exigences comprennent, notamment, les informations relatives aux nutriments, la notion de « nutriment » doit, dans le cadre du règlement no 609/2013 et du règlement délégué 2016/128, être définie conformément au règlement no 1169/2011. Il serait, en effet, incohérent d’appliquer aux denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales de telles exigences tout en retenant une autre définition, non explicite, de la notion de « nutriment ».

63 Par conséquent, dans le contexte du règlement no 609/2013 et du règlement délégué 2016/128, la notion de « nutriment » doit être définie de la même manière que dans le cadre du règlement no 1169/2011, compte tenu des interactions entre ces textes.

64 À cet égard, il convient, enfin, de souligner que, selon l’article 2, paragraphe 2, sous s), du règlement no 1169/2011, la notion de « nutriment » s’entend des protéines, des glucides, des lipides, des fibres alimentaires, du sodium, des vitamines et des sels minéraux visés en annexe à ce règlement, ainsi que des substances qui relèvent ou sont des composants de l’une de ces catégories de substances.

65 Une telle définition, qui repose sur la nature des substances, et non sur la métabolisation et les effets des substances ainsi que l’autorité administrative l’a allégué en l’occurrence, est, contrairement à l’interprétation proposée par Kwizda Pharma, cohérente avec la fonction nutritionnelle particulière des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales.

66 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précédent, il y a lieu de répondre à la sixième question que l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013 doit être interprété en ce sens que, aux fins de l’application de ce règlement, qui ne définit pas la notion de « nutriment », il y a lieu de se référer à la définition de cette notion telle que figurant à l’article 2, paragraphe 2, sous s), du règlement no 1169/2011.

Sur les septième et huitième questions

67 Par ses septième et huitième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi, d’une part, s’interroge sur les critères permettant de déterminer qu’un produit « ne peut être utilisé que sous contrôle médical », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013, et, d’autre part, demande, en substance, à la Cour si cette disposition doit être interprétée en ce sens que l’exigence selon laquelle une denrée alimentaire destinée à des fins médicales
spéciales « ne peut être utilisée que sous contrôle médical » est nécessaire à la qualification d’un produit en tant que denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales et, le cas échéant, quelles conséquences s’attachent au non-respect de cette exigence.

68 À cet égard, il convient de rappeler que, s’il résulte du libellé même de l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013 qu’une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales ne peut être utilisée « que sous contrôle médical », il ne saurait pour autant en être déduit qu’il s’agit d’une condition nécessaire à la qualification d’un produit en tant que denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales.

69 En effet, dès lors que la satisfaction d’une telle condition de qualification dépendrait de circonstances aléatoires et indépendantes du producteur du produit en cause, se matérialisant, en aval d’une telle qualification, à travers l’utilisation dudit produit, elle serait, par nature, inopérante.

70 Toutefois, il y a lieu de relever que la satisfaction d’une telle exigence constitue l’un des paramètres que les autorités nationales compétentes doivent prendre en compte si, comme en l’occurrence, après la mise sur le marché d’un produit en tant que denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales, elles sont amenées à vérifier, d’une part, qu’une telle qualification est appropriée et, d’autre part, que le produit respecte les obligations énoncées par le règlement no 609/2013 et par
le règlement délégué 2016/128.

71 En effet, il découle de ces deux textes que le contrôle médical est consubstantiel à la notion de « denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales ».

72 Cette notion suppose, par définition, que la denrée alimentaire soit destinée à des « fins médicales » spéciales et qu’elle soit conçue pour répondre aux besoins nutritionnels spécifiques engendrés par une maladie, un trouble ou un état de santé déterminés.

73 Dans ces conditions, la circonstance qu’une denrée alimentaire est délivrée dans une pharmacie ne suffit pas à considérer qu’elle doit, compte tenu de sa nature même et de ses caractéristiques, être utilisée sous contrôle médical.

74 L’« utilisation sous contrôle médical », visée à l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013, implique que, compte tenu du produit en cause, le contrôle médical soit nécessaire en amont de la vente. Ainsi, le recours à une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales, laquelle est particulière puisqu’adaptée aux besoins nutritionnels du patient, doit être recommandé, sans forcément faire l’objet d’une prescription, au patient par un professionnel de santé au regard
des besoins nutritionnels du patient. Dans ce cadre, le « contrôle médical » suppose qu’un professionnel de santé, tel que visé dans les considérants 3 et 15 du règlement délégué 2016/128, s’assure que le recours à une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales est en adéquation avec les besoins nutritionnels spécifiques du patient.

75 Du reste, ladite « utilisation sous contrôle médical » suppose également que le contrôle médical doive se prolonger au-delà de la délivrance du produit et perdurer pendant la durée de consommation de celui-ci afin que le professionnel de santé concerné puisse évaluer les effets du produit sur les besoins nutritionnels du patient et sur celui-ci.

76 À cet égard, il convient d’ajouter que, en prévoyant à l’article 9, paragraphe 6, du règlement no 609/2013, la possibilité que soit communiquée toute information ou recommandation utile destinée exclusivement aux personnes disposant de qualifications en médecine, en nutrition, en pharmacie ou à tout autre professionnel des soins de santé responsable en matière de soins de la mère et de l’enfant, le législateur de l’Union a reconnu la responsabilité particulière qui incombe à ces personnes
s’agissant des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales.

77 En outre, la recommandation par un professionnel de santé est d’autant plus nécessaire pour les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales que, ainsi que cela ressort du considérant 4 du règlement délégué 2016/128, la composition de ces denrées alimentaires peut différer sensiblement selon, entre autres, la maladie, le trouble ou l’état de santé particuliers à l’origine des besoins nutritionnels auxquels ces denrées répondent, l’âge des patients et le lieu où ils reçoivent les
soins de santé, ainsi que la destination des denrées.

78 En effet, une telle recommandation permet de garantir que, conformément à l’article 2, paragraphe 2, de ce règlement délégué, l’utilisation des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales est, conformément aux instructions des fabricants, adaptée et efficace pour répondre aux besoins nutritionnels particuliers des personnes auxquelles elles sont destinées.

79 De façon plus spécifique, dès lors que les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales sont conçues pour répondre aux besoins nutritionnels engendrés par une maladie, un trouble ou un état de santé déterminés, le recours à une telle denrée non adéquate au sens où elle ne correspondrait pas à la maladie, au trouble ou à l’état de santé d’un patient pourrait être sans effet pour le patient ou engendrer des effets négatifs.

80 Ce risque doit d’ailleurs être indiqué aux patients et doit, conformément à l’article 5, paragraphe 2, sous d), du règlement délégué 2016/128, être mentionné sur les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales.

81 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux septième et huitième questions que l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013 doit être interprété en ce sens que, d’une part, un produit doit être utilisé sous contrôle médical si la recommandation et l’évaluation subséquente d’un professionnel de santé sont nécessaires au regard des besoins nutritionnels engendrés par une maladie, un trouble ou un état de santé particuliers et des effets du
produit sur les besoins nutritionnels du patient et sur celui-ci et, d’autre part, l’exigence selon laquelle une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales « ne peut être utilisée que sous contrôle médical » n’est pas une condition de qualification d’un produit en tant que telle.

Sur la deuxième question

82 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur les critères permettant de distinguer les notions de « denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013 et de « complément alimentaire », au sens de l’article 2 de la directive 2002/46, ainsi que sur le caractère exclusif de chacune de ces notions.

83 À cet égard, force est de constater que, compte tenu des caractéristiques respectives des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales et des compléments alimentaires, il n’est pas exclu que leurs utilisations puissent se chevaucher. Toutefois, ces deux notions, et les qualifications juridiques qui en découlent, sont nécessairement exclusives de telle sorte qu’il convient de déterminer au cas par cas si un produit doit être qualifié de « denrée alimentaire destinée à des fins
médicales spéciales » ou de « complément alimentaire ».

84 Ainsi, même si les compléments alimentaires ont, selon l’article 2, sous a), de la directive 2002/46, pour seule finalité de compléter « le régime alimentaire normal », alors que, conformément à l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013 et à l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement délégué 2016/128, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales remplacent en tout ou en partie le régime alimentaire, les compléments alimentaires sont une source concentrée
de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique qui peuvent, à l’instar de certaines denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales, répondre à des besoins nutritionnels déterminés.

85 Toutefois, ainsi qu’il est rappelé au point 39 du présent arrêt, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales se singularisent par les fins médicales auxquelles ces denrées alimentaires peuvent être destinées.

86 Dans ce contexte, il n’est pas inutile de relever que les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales et les compléments alimentaires sont des denrées alimentaires s’adressant à des destinataires différents. En effet, il ne résulte pas de l’article 2, sous a), de la directive 2002/46 que les compléments alimentaires sont, à l’instar des denrées alimentaires destinées des fins médicales spéciales, destinés aux seuls patients.

87 À cet égard, il importe de souligner que, conformément à l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales visent à répondre à des besoins nutritionnels particuliers de telle sorte que la qualification de « denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales » est subordonnée au fait que de tels besoins nutritionnels ne peuvent pas être satisfaits grâce à une modification du seul régime alimentaire normal, alors
que les compléments alimentaires, dès lors qu’ils complètent le régime alimentaire normale, en font intégralement partie.

88 Les règles relatives à la composition de ces deux catégories de denrées alimentaires reflètent également ces différences et ces particularités.

89 Ainsi, l’article 5 de la directive 2002/46 prévoit que la teneur maximale en vitamines et en minéraux des compléments alimentaires est déterminée en tenant compte des limites supérieures de sécurité établies pour les vitamines et les minéraux après une évaluation scientifique des risques fondée sur des données scientifiques généralement admises, compte tenu, le cas échéant, de la différence des niveaux de sensibilité de différents groupes de consommateurs, des apports en vitamines et en minéraux
provenant d’autres sources alimentaires et des apports de référence en vitamines et en minéraux pour la population.

90 Or, de telles données se rapportent aux besoins et aux apports de la population en général et non de patients ayant des besoins nutritionnels causés par une maladie, un trouble ou un état de santé.

91 En revanche, les teneurs minimale et maximale en vitamines et en substances minérales des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales autres que celles élaborées pour répondre aux besoins nutritionnels des nourrissons sont fixées dans le tableau 2 de la partie B de l’annexe I du règlement délégué 2016/128 et sont exprimées, non pas au regard des apports de référence, mais en quantités minimales et maximales pour 100 kilojoules (kj) ou 100 kilocalories (kcal) de produit. En
outre, la destination particulière de certaines denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales permet d’y déroger.

92 S’agissant de leur utilisation, contrairement aux compléments alimentaires, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales s’adressent à des patients et doivent, de ce fait, être utilisées sous contrôle médical.

93 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 2 de la directive 2002/46 et l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013 doivent être interprétés en ce sens que les notions de « complément alimentaire » et de « denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales », qui sont respectivement définies à ces dispositions, sont exclusives l’une de l’autre et qu’il est nécessaire de déterminer au cas par cas et
en fonction des caractéristiques et des conditions d’utilisation si un produit relève de l’une ou de l’autre de ces notions.

Sur les dépens

94 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 1er, point 2, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, telle que modifiée par la directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, et l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement (UE) no 609/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 12 juin 2013, concernant les denrées alimentaires destinées aux nourrissons et aux enfants en bas âge, les
denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales et les substituts de la ration journalière totale pour contrôle du poids et abrogeant la directive 92/52/CEE du Conseil, les directives 96/8/CE, 1999/21/CE, 2006/125/CE et 2006/141/CE de la Commission, la directive 2009/39/CE du Parlement européen et du Conseil, et les règlements (CE) no 41/2009 et (CE) no 953/2009 de la Commission,

doivent être interprétés en ce sens que :

aux fins de distinguer les notions de « médicament » et de « denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales », qui sont respectivement définies à ces dispositions, il convient d’apprécier, au regard de la nature et des caractéristiques du produit concerné, s’il s’agit d’une denrée alimentaire destinée à répondre à des besoins nutritionnels particuliers ou d’un produit destiné à prévenir ou à guérir des maladies humaines, à restaurer, à corriger ou à modifier des fonctions
physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, ou à établir un diagnostic médical, ou le cas échéant, présenté comme tel.

  2) L’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013

doit être interprété en ce sens que :

premièrement, la notion de « besoins nutritionnels » recouvre des besoins causés par une maladie, un trouble ou un état de santé, dont la satisfaction est indispensable au patient d’un point de vue nutritionnel, deuxièmement, la qualification de « denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales » ne saurait être subordonnée à la condition que la satisfaction des « besoins nutritionnels » causés par une maladie, un trouble ou un état de santé, et, par conséquent, l’effet dudit produit
ait nécessairement lieu au cours ou à la suite de la digestion et, troisièmement, la notion de « modification du seul régime alimentaire normal » inclut tant les situations dans lesquelles une modification de l’alimentation est impossible ou dangereuse pour le patient que celles dans lesquelles le patient ne peut que très difficilement satisfaire ses besoins nutritionnels avec des denrées alimentaires ordinaires.

  3) L’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013

doit être interprété en ce sens que :

aux fins de l’application de ce règlement, qui ne définit pas la notion de « nutriment », il y a lieu de se référer à la définition de cette notion telle que figurant à l’article 2, paragraphe 2, sous s), du règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires modifiant les règlements (CE) no 1924/2006 et (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la
directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) no 608/2004 de la Commission.

  4) L’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013

doit être interprété en ce sens que :

d’une part, un produit doit être utilisé sous contrôle médical si la recommandation et l’évaluation subséquente d’un professionnel de santé sont nécessaires au regard des besoins nutritionnels engendrés par une maladie, un trouble ou un état de santé particuliers et des effets du produit sur les besoins nutritionnels du patient et sur celui-ci et, d’autre part, l’exigence selon laquelle une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales « ne peut être utilisée que sous contrôle
médical » n’est pas une condition de qualification d’un produit en tant que telle.

  5) L’article 2 de la directive 2002/46 et l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013

doivent être interprétés en ce sens que :

les notions de « complément alimentaire » et de « denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales », qui sont respectivement définies à ces dispositions, sont exclusives l’une de l’autre et qu’il est nécessaire de déterminer au cas par cas et en fonction des caractéristiques et des conditions d’utilisation si un produit relève de l’une ou de l’autre de ces notions.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-760/21
Date de la décision : 02/03/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgericht Wien.

Renvoi préjudiciel – Sécurité des aliments – Denrées alimentaires – Règlement (UE) no 609/2013 – Article 2, paragraphe 2, sous g) – Notion de “denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales” – Autres exigences nutritionnelles particulières – Besoins nutritionnels – Modification du régime alimentaire – Nutriments – Utilisation sous contrôle médical – Ingrédients non absorbés ou métabolisés dans le canal alimentaire – Délimitation par rapport aux médicaments – Délimitation par rapport aux compléments alimentaires.

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Kwizda Pharma GmbH
Défendeurs : Landeshauptmann von Wien.

Composition du Tribunal
Avocat général : Ćapeta
Rapporteur ?: Wahl

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:143

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