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07/12/2011 | CJUE | N°T-562/10

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping GmbH contre Conseil de l'Union européenne., 07/12/2011, T-562/10


Affaire T-562/10

HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping GmbH

contre

Conseil de l'Union européenne

« Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire — Gel des fonds — Recours en annulation — Obligation de motivation — Procédure par défaut — Demande d’intervention — Non-lieu à statuer »

Sommaire de l'arrêt

1. Actes des institutions — Motivation — Obligation — Portée — Mesures restrictive

s à l'encontre de l'Iran

(Art. 296, al. 2, TFUE; règlement du Conseil nº 961/2010)

2. Recours en annulation — Arrêt ...

Affaire T-562/10

HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping GmbH

contre

Conseil de l'Union européenne

« Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire — Gel des fonds — Recours en annulation — Obligation de motivation — Procédure par défaut — Demande d’intervention — Non-lieu à statuer »

Sommaire de l'arrêt

1. Actes des institutions — Motivation — Obligation — Portée — Mesures restrictives à l'encontre de l'Iran

(Art. 296, al. 2, TFUE; règlement du Conseil nº 961/2010)

2. Recours en annulation — Arrêt d'annulation — Effets — Limitation par la Cour — Règlement instituant des mesures restrictives à l'encontre de l'Iran — Annulation partielle pour violation de l'obligation de motivation — Nécessité de sauvegarder une éventuelle justification desdites mesures quant au fond — Maintien des effets dudit règlement pendant une période permettant l'éventuel remplacement de ce dernier

(Art. 264 TFUE; statut de la Cour de justice, art. 41; règlement du Conseil nº 961/2010)

1. L’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et, plus particulièrement, s'agissant d'une décision de gel des fonds prise conformément à l'article 16, paragraphe 2, du règlement nº 961/2010, concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran et abrogeant le règlement nº 423/2007, à l’article 36, paragraphe 3, dudit règlement, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si
l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte. L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Partant, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui
faisant grief, son absence ne pouvant pas être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union.

Ainsi, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’opposent à la communication de certains éléments, le Conseil est tenu, en vertu de l’article 36, paragraphe 3, du règlement nº 961/2010, de porter à la connaissance de l’entité visée par une mesure adoptée en vertu de l’article 16, paragraphe 2, dudit règlement les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il considère que cette
disposition est applicable à l’intéressé, mentionnant les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l’ont amené à la prendre.

Par ailleurs, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait
et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard.

Dès lors que la motivation fournie par le Conseil pour justifier l'inscription du nom d'une entité sur la liste des personnes, entités ou organismes visés par une mesure de gel des fonds en vertu de l'article 16, paragraphe 2, du règlement nº 961/2010, n'est pas suffisante au regard de ces exigences, il y a lieu de conclure à une violation de l'obligation de motivation prévue par l'article 296, deuxième alinéa, TFUE et l'article 36, paragraphe 3, dudit règlement et d'annuler ce règlement pour autant
qu'il concerne ladite entité.

(cf. points 32-34, 36, 39-40)

2. Dans la mesure où le règlement nº 961/2010, concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran et abrogeant le règlement nº 423/2007, doit être annulé pour autant qu'il concerne une entité visée par une décision de gel des fonds prise conformément à l'article 16, paragraphe 2, dudit règlement, en raison d'une violation de l'obligation de motivation, il ne saurait être exclu que, sur le fond, l'imposition des mesures restrictives à ladite entité puisse tout de même s'avérer
justifiée.

Ainsi, l'annulation du règlement nº 961/2010, pour autant qu'il concerne cette entité, avec effet immédiat est susceptible de porter une atteinte sérieuse et irréversible à l'effícacité des mesures restrictives qu'impose ce règlement, dès lors que, dans l'intervalle précédant son éventuel remplacement par un nouvel acte, ladite entité pourrait adopter des comportements visant à contourner l'effet des mesures restrictives ultérieures.

Dès lors, il y a lieu, en vertu de l'article 264 TFUE et de l'article 41 du statut de la Cour de justice, de maintenir les effets du règlement nº 961/2010 en ce qu'il inclut le nom de cette entité dans la liste constituant l'annexe VIII de celui-ci pendant une période ne pouvant excéder deux mois à compter de la date du prononcé de l'arrêt.

(cf. points 41-43)

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

7 décembre 2011(*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Recours en annulation – Obligation de motivation – Procédure par défaut – Demande d’intervention – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑562/10,

HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping GmbH, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par M^es J. Kienzle et M. Schlingmann, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bishop et M^me Z. Kupčová, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO L 281, p. 1), pour autant qu’il concerne la requérante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M^mes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la procédure écrite,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique et antécédents du litige

1 La requérante, HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping GmbH, est une société allemande active en tant que courtier maritime et gestionnaire technique de navires. Elle fournit des services, en particulier, à la compagnie de transport maritime de la République islamique d’Iran (ci-après l’« IRISL »).

Mesures restrictives adoptées à l’encontre de la République islamique d’Iran

2 La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci‑après la « prolifération nucléaire »).

3 Au sein de l’Union européenne, ont été adoptés la position commune 2007/140/PESC du Conseil, du 27 février 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 61, p. 49), et le règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1).

4 L’article 5, paragraphe 1, sous b), de la position commune 2007/140 prévoyait le gel de tous les fonds et de toutes les ressources économiques de certaines catégories de personnes et d’entités. La liste de ces personnes et entités figurait à l’annexe II de la position commune 2007/140.

5 Pour autant que les compétences de la Communauté européenne étaient concernées, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 prévoyait le gel des fonds des personnes, des entités ou des organismes reconnus par le Conseil de l’Union européenne comme participant à la prolifération nucléaire selon l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la position commune 2007/140. La liste de ces personnes, de ces entités et de ces organismes visés par une mesure de gel des fonds en vertu de l’article
7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 formait l’annexe V de ce même texte.

6 La position commune 2007/140 a été abrogée par la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 195, p. 39).

7 L’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, prévoit le gel des fonds de plusieurs catégories d’entités. Cette disposition concerne, notamment, les « personnes et entités […] qui participent, sont directement associées ou apportent un appui [à la prolifération nucléaire], ou les personnes ou entités agissant pour leur compte ou sur leurs ordres, ou les entités qui sont leur propriété ou sont sous leur contrôle, y compris par des moyens illicites, […] ainsi que les […] entités de
[l’IRISL] et les entités qui sont leur propriété, sont sous leur contrôle ou agissent pour leur compte, telles qu’énumérées à l’annexe II. ».

8 Le règlement n° 423/2007 a été abrogé par le règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 281, p. 1).

9 Selon l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 :

« 2. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes, [aux] entités et [aux] organismes énumérés à l’annexe VIII, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent. L’annexe VIII comprend les personnes, physiques ou morales, les entités et les organismes […] qui ont été reconnus conformément à l’article 20, paragraphe 1, [sous] b), de la décision [2010/413]:

a) comme participant, étant directement associés ou apportant un appui [à la prolifération], […] ou comme étant détenus par une telle personne ou entité ou par un tel organisme, ou se trouvant sous leur contrôle, y compris par des moyens illicites, ou agissant pour leur compte ou selon leurs instructions ;

[…]

d) comme étant une personne morale, une entité ou un organisme détenu par [l’IRISL] ou se trouvant sous son contrôle. »

10 Selon l’article 36 du règlement n° 961/2010 :

« 2. Lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne physique ou morale, à une entité ou à un organisme les mesures visées à l’article 16, paragraphe 2, il modifie l’annexe VIII en conséquence.

3. Le Conseil communique sa décision à la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme visé [au paragraphe 2], y compris les motifs de l’inscription sur la liste, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

4. Si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme en conséquence. »

Mesures restrictives visant la requérante

11 Dès l’adoption de la décision 2010/413, le 26 juillet 2010, le nom de la requérante a été inclus par le Conseil dans la liste de personnes, d’entités et d’organismes figurant dans le tableau III de l’annexe II de ladite décision.

12 Par voie de conséquence, le nom de la requérante a été inscrit dans la liste de personnes, d’entités et d’organismes figurant dans le tableau III de l’annexe V du règlement n° 423/2007 par le règlement d’exécution (UE) n° 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 (JO L 195, p. 25). L’adoption du règlement d’exécution n° 668/2010 a eu pour conséquence le gel des fonds et des ressources économiques de la requérante.

13 Tant dans la décision 2010/413 que dans le règlement d’exécution n° 668/2010, le Conseil a retenu les motifs suivants : « Agit pour le compte de [Hafize Darya Shipping Lines (HDSL)] en Europe ».

14 Le Conseil a informé la requérante de l’inclusion de son nom dans la liste de personnes, d’entités et d’organismes figurant dans le tableau III de l’annexe V du règlement n° 423/2007 par lettre du 28 juillet 2010. Il n’a pas fourni d’autres motifs que ceux figurant dans le règlement d’exécution n° 668/2010.

15 Par lettres des 10 et 13 septembre 2010, la requérante a demandé au Conseil de procéder à un réexamen de la décision de l’inclure dans la liste de personnes, d’entités et d’organismes figurant dans le tableau III de l’annexe V du règlement n° 423/2007.

16 Le règlement n° 423/2007 ayant été abrogé par le règlement n° 961/2010, le nom de la requérante a été inclus par le Conseil au point 26, sous c), du tableau B de l’annexe VIII de ce dernier règlement. Par conséquent, les fonds et les ressources économiques de la requérante sont gelés en vertu de l’article 16, paragraphe 2, dudit règlement.

17 Le point 26 du tableau B de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 concerne l’IRISL. S’agissant de l’inscription de la requérante, le Conseil a retenu les motifs suivants : « Est placée sous le contrôle et/ou agit pour le compte [de l’] IRISL ».

18 Par lettre du 28 octobre 2010, le Conseil a répondu aux lettres de la requérante des 10 et 13 septembre 2010 en indiquant que, après réexamen, il rejetait la demande de la requérante tendant à ce que son nom soit supprimé de la liste de personnes, d’entités et d’organismes figurant dans l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 (ci-après la « liste litigieuse »). Il a précisé, à cet égard, que, dans la mesure où le dossier ne comportait pas d’éléments nouveaux justifiant un changement de sa
position, la requérante devait continuer à être soumise aux mesures restrictives prévues par ledit règlement.

19 Par lettre du 23 novembre 2010, la requérante a demandé au Conseil de lui présenter les preuves sous‑tendant l’inscription de son nom dans la liste litigieuse. Le Conseil n’a pas répondu à cette lettre avant l’introduction du recours.

Procédure et conclusions de la requérante

20 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 décembre 2010, la requérante a introduit le présent recours. La requête a été signifiée au Conseil le 29 décembre 2010.

21 Le Conseil a déposé un mémoire en défense le 14 mars 2011.

22 Par actes déposés au greffe du Tribunal les 17 mars et 4 avril 2011, la Commission européenne et la République fédérale d’Allemagne ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien du Conseil.

23 Le mémoire en défense ayant été présenté en dehors du délai prévu par l’article 46, paragraphe 1, l’article 101, paragraphe 1, et l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier a demandé à la requérante, le 29 mars 2011, ses observations sur la suite de la procédure. Par écrit du 31 mars 2011, la requérante a demandé à se voir adjuger ses conclusions par défaut, conformément à l’article 122, paragraphe 1, du règlement de procédure.

24 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler le règlement n° 961/2010 pour autant qu’il la concerne ;

– condamner le Conseil aux dépens.

En droit

Sur les demandes en intervention

25 Aux termes de l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, les conclusions d’une requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties.

26 En l’espèce, la Commission et la République fédérale d’Allemagne demandent à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

27 Or, il a été constaté au point 23 ci‑dessus que le Conseil n’avait pas présenté de mémoire en défense dans le délai prescrit. De ce fait, il n’a pas non plus présenté de conclusions au soutien desquelles la Commission et la République fédérale d’Allemagne pourraient intervenir.

28 Dans ces circonstances, il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes d’intervention présentées par la Commission et la République fédérale d’Allemagne.

Sur le fond

29 Selon l’article 122, paragraphe 2, du règlement de procédure, il appartient au Tribunal de vérifier si les conclusions de la requérante paraissent fondées.

30 Pour étayer ses conclusions, la requérante fait valoir, en substance, six moyens. Le premier est tiré d’une violation de l’obligation de motivation. Le deuxième est tiré d’une violation de ses droits de la défense, et notamment de son droit à être entendue. Le troisième est tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective. Le quatrième est tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de l’application de l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010. Le
cinquième est tiré d’une violation du droit au respect de la propriété. Le sixième est tiré d’une violation du principe de proportionnalité.

31 Dans le cadre du premier moyen, la requérante soutient que la motivation de l’inclusion de son nom dans la liste litigieuse fournie par le Conseil est insuffisante et contradictoire.

32 L’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et, plus particulièrement en l’espèce, à l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 961/2010, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la
légalité de cet acte. L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Partant, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant pas être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du
Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, ci‑après l’« arrêt OMPI », points 138 et 139, et la jurisprudence citée).

33 Partant, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’opposent à la communication de certains éléments (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, point 342), le Conseil est tenu, en vertu de l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 961/2010, de porter à la
connaissance de l’entité visée par une mesure adoptée en vertu de l’article 16, paragraphe 2, dudit règlement les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il considère que cette disposition est applicable à l’intéressé. Il doit ainsi mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l’ont amené à la prendre (voir, en ce sens et par analogie, arrêt OMPI, point 32 supra, point 143, et la jurisprudence citée).

34 Par ailleurs, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments
de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt OMPI, point 32 supra, point 141, et la
jurisprudence citée).

35 En l’espèce, il y a lieu de remarquer, d’emblée, que les éléments de motivation fournis par le Conseil, d’une part, dans l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 et, d’autre part, dans sa lettre du 28 octobre 2010, sont contradictoires de prime abord. En effet, alors que ladite lettre se réfère à un réexamen de la situation de la requérante et à l’absence de nouveaux éléments justifiant le changement de la position du Conseil, la motivation fournie dans l’annexe VIII dudit règlement diffère de
celle retenue précédemment à l’égard de la requérante dans le règlement d’exécution n° 668/2010. Il n’apparaît donc pas clairement si l’inscription du nom de la requérante sur la liste litigieuse est due au maintien des circonstances retenues dans le règlement d’exécution n° 668/2010, à savoir les liens entre la requérante et HDSL, ou à de nouvelles circonstances, à savoir les liens directs entre la requérante et l’IRISL.

36 De surcroît, quelles que soient les circonstances effectivement retenues par le Conseil pour justifier l’inscription du nom de la requérante sur la liste litigieuse, la motivation fournie par lui n’est pas suffisante au regard des règles exposées aux points 32 à 34 ci‑dessus.

37 D’une part, à supposer que le Conseil se soit fondé sur les liens entre la requérante et HDSL, ni l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 ni la lettre du Conseil du 28 octobre 2010 ne permettent d’apprécier les raisons pour lesquelles le Conseil a considéré que les éléments exposés par la requérante dans ses lettres des 10 et 13 septembre 2010, relatifs notamment à la nature de ses activités et à son autonomie par rapport à HDSL et à l’IRISL, n’étaient pas susceptibles de modifier sa position
quant au maintien des mesures restrictives à l’égard de celle‑ci.

38 D’autre part, à supposer que le Conseil se soit fondé sur les liens directs entre la requérante et l’IRISL, ni l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 ni la lettre du Conseil du 28 octobre 2010 ne précisent la nature du contrôle prétendument exercé par l’IRISL sur la requérante ou les activités que cette dernière mène pour le compte de l’IRISL et qui justifient l’adoption de mesures restrictives à son égard.

39 Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le Conseil semble avoir violé l’obligation de motivation prévue par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 961/2010. Le premier moyen paraît, par conséquent, fondé et doit ainsi être accueilli.

40 Il convient donc d’annuler le règlement n° 961/2010 pour autant qu’il concerne la requérante sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens.

41 Cependant, dans la mesure où il découle du présent arrêt que le règlement n° 961/2010 doit être annulé pour autant qu’il concerne la requérante en raison d’une violation de l’obligation de motivation, il ne saurait être exclu que, sur le fond, l’imposition des mesures restrictives à la requérante puisse tout de même s’avérer justifiée.

42 Ainsi, l’annulation du règlement n° 961/2010, pour autant qu’il concerne la requérante, avec effet immédiat est susceptible de porter une atteinte sérieuse et irréversible à l’efficacité des mesures restrictives qu’impose ce règlement, dès lors que, dans l’intervalle précédant son éventuel remplacement par un nouvel acte, la requérante pourrait adopter des comportements visant à contourner l’effet des mesures restrictives ultérieures.

43 Dès lors, il y a lieu, en vertu de l’article 264 TFUE et de l’article 41 du statut de la Cour, de maintenir les effets du règlement n° 961/2010 en ce qu’il inclut le nom de la requérante dans la liste constituant l’annexe VIII de celui-ci pendant une période ne pouvant excéder deux mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt.

Sur les dépens

44 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

45 Par ailleurs, dans la mesure où il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes d’intervention de la Commission et de la République fédérale d’Allemagne, il n’y a pas lieu non plus de statuer sur leurs dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1) Il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes d’intervention de la Commission européenne et de la République fédérale d’Allemagne.

2) Le règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007, est annulé pour autant qu’il concerne HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping GmbH.

3) Les effets du règlement n° 961/2010, pour autant qu’il concerne HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping, sont maintenus pendant une période ne pouvant excéder deux mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt.

4) Le Conseil de l’Union européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping.

Pelikánová Jürimäe Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 décembre 2011.

Signatures

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* Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : T-562/10
Date de la décision : 07/12/2011
Type d'affaire : Demande d'intervention - non-lieu à statuer
Type de recours : Recours en annulation - fondé

Analyses

Politique étrangère et de sécurité commune - Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire - Gel des fonds - Recours en annulation - Obligation de motivation - Procédure par défaut - Demande d’intervention - Non-lieu à statuer.

Relations extérieures

Politique étrangère et de sécurité commune


Parties
Demandeurs : HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping GmbH
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2011:716

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