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10/12/1984 | CEDH | N°10435/83

CEDH | ACMANNE et autres c. BELGIQUE


APPLICATION/REQUETE N° 10435/83 Roger ACMANNE and others v/BELGIUM Roger ACMANNE et autres c/BELGIQUE DECISION of 10 Deoember 1984 on the admissibility of the application DÉCISION du 10 décembre 1984 sur la recevabilitÉ de la requEte
Artlde 8 of the Convention : Requiremems to undergo, or to perrnit one's children to undergo, a rubercutin test or an z-ray esamination of the thorax are imerferences with the exercise of the right to respect for private life. Such imerference, in accordance with the law, can be considered necessa ry in a democratic societyfor the protection of heal

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APPLICATION/REQUETE N° 10435/83 Roger ACMANNE and others v/BELGIUM Roger ACMANNE et autres c/BELGIQUE DECISION of 10 Deoember 1984 on the admissibility of the application DÉCISION du 10 décembre 1984 sur la recevabilitÉ de la requEte
Artlde 8 of the Convention : Requiremems to undergo, or to perrnit one's children to undergo, a rubercutin test or an z-ray esamination of the thorax are imerferences with the exercise of the right to respect for private life. Such imerference, in accordance with the law, can be considered necessa ry in a democratic societyfor the protection of healih even when other European States do not consider it necessa ry. Article 8 de la Convention : L'obligation de se soun¢nre ou de soumeare ses enfants à l'épreuve de la sensibilitL cutanée à la tuberculine et celle de l'examen radiologique du thorax sont des ingérences dans l'exercice du droit au respect de la vie privée par la loi, cette ingérence pew 2tre considLrCe comme nécessaire dans une .Prévue société démocratique d la protection de /a sant(, quand bien même elle n'est pas jugée telle dans d'autres Etats d'Europe.
Résumé des faits pertinenes
(English : see p . 254)
Des dix requérants (1) quatre ont saisi la Commission en leur qualitL de parents d'enfants mineurs et six en leur qitalitl d'enseignants du degré secondaire. Tous ont été condamnés à des peines d'amende pour avoir refusé de se soumettre ou de soumettre leur enfant au test obligatoire de dépistage de /a tuberculose par rCaction ( l) ta requeranta enienm rtpresentFs dev°nt Lm Commivion per Me C . Potier, avocet i Nunur .
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cutanée à la tuberculine ou par ezamen radiologique du thorax . leur appel ayant été rejeté, ils se sont pourvus en cassation. 4s pourvois furent rejetés : dans le car des requérants No 1 à 8 et 10, au motif que ces e-ramens obligatoires n'étaient pas contraires à l'article 8 de la Convention ; danr le cas du requérant No 9, au rnotif que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité avaient été observées et que la décision attaquée était conforme à la loi .
EN DROIT (Extrait) 1 . Les requérants, condamnés pour avoir refusé de se soume ttre ou de soume ttre leurs enfants aux méthodes de dépistage de la tuberculose retenues par la législation belge, à savoir l'épreuve de sensibilité cutanée à la tuberculine ou l'examen radiologique du thotax, se plaignent que cette législation et leurs condamnations constiment des ingérences dans leur vie pri vée qui ne peuvent 8tre considérées comme nécessaires à la protection de la santé . Ils invoquent l'art icle 8 de la Convention, qui est ainsi libellé :
• 1 . Toute personne a droit au re spect de sa vie p rivée ou familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2 . II ne peut y avoir ingérence d'une auto ri té publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que ce tte ingérence est prévue p ar la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécu ri té nationale, à la s û reté publique, au bienitre éconômique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la pro tection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libe rtés . » La Commission remarque tout d'abord qu'il ne resson pas des faits que le neuvième requérant ait soulevé au moins en substance, devant la Cour de cassation belge les g riefs qu'ils formulent dans sa requête . La Commission, compte tenu du rejet des pourvois des neuf autres requérants fondés sur les mêmes gri efs, admet que le pourvoi du neuvième requérant, à supposer qu'il ait été fondé sur la violation de la Convention, n'aurait pas eu plus de chances de succès . Elle considère dès lo rs que le neuvième requérant a satisfait à la condition de l'épuisement des voiés de recours internes, stipulée à l'article 26 de la Convention . La Conunission rappelle que sa compétence se limite à celle d'examiner l'application d'une loi nationale à un cas concret et qu'elle ne peut examiner in abstracto la compatibilité de cette loi avec la Convention (Voir notamment Déc . N° 7045/75, D .R . 7, pp . 87-89) . Sur cette base, la Commission examinera d'abord la question de savoir s'il y a ingére nce dans l'exercice du droit des requérants au respect de leur vie privée et, dans l'affirmative, si ce tte ingérence trouve sa justification dans le par . 2 de l'anicle 8 .
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La Commission rappelle qu'elle a déjà considéré qu'une intervention médicale faite contre le gré de l'intéressé, même si elle est d'imponance minime, doit étre considérée comme une atteinte au droit au respect de la vie privée (Voir Déc . 8278/78, D . R . 18, p . 154) . La Commission admet dès lors que l'obligation, sous peine de sanction, poui huit des requérants de se soumettre ou de soumettre leurs enfants à l'épreuve de la sensibilité cutanée à la tuberculine et pour deux des requérants, de se soumettre à une exploration radiologique du thorax, peuvent constituer des ingérences dans le droit au respect de la vie privée (Voir, a contrario, Déc . 7154/75, D .R . 14, p . 31) : fl reste à examiner si cette ingérence se concilie avec le par . 2 de l'article 8 de la Convention . A cet égard, la Commission cherchem à établir si l'ingérence était •prévue par la loi•, inspirée par un ou plusieurs des buts légitimes d'après le par . 2 et • nécessaire dans une société démocratique • il la poursuite de ces buts (Voir, mutatis mutandis, Cour eur . D .H ., affaire Dudgeon, arrét du 2 octobre 1981, par . 43) . La Commission constate que l'ingérence dans l'exercice du droit des requérants au respect de leur vie privée est assurément prévue par la loi en particulier par la loi du 21 mars 1964 sur l'inspection médicale scolaire et par l'arr@té royal du 12 octobre 1964 pris en exécution de cette loi . En effet, cet arrêté royal, modifié par celui du 31 janvier 1977, prévoit en ses articles 1 et 21es examens médicaux critiqués par les requérants . Quant aux condamnations des requérants, elles découlent de l'article 15 de la loi précitée qui contient les dispositions pénales susceptibles de frapper les personnes qui ne se soumenent pas ou refusent de soumettre leurs enfants aux dispositions de la loi . En second lieu, pour ce qui est de l'objectif de la législation mise en cause, la Commission estime que l'ingérence litigieuse est justifiée par la protection tant de la santé publique que de celle des intéressés eux-mêmes . Enfin, l'article 8, par . 2 de la Convention, exige que les ingérences soient nécessaires dans une société démocratique . D'après la jurisprudence de la Cour, pour se révéler . nécessaire . dans une telle société, dont tolérance et esprit d'ouverture constituent deux des caracléristiques, une atteinte à un droit protégé par la Convention doit notamment @tre proportionnée au but légitime poursuivi (arrét Dudgeon précité, par . 53 et références) . Examinant le caractère nécessaire de l'ingérence dans la vie privée des requérants, la Commission tient compte des considérations émises par la cour d'appel de Liège dans ses arrêts des 10 et 24 février 1984 . Elle relève plus particuliilrement que la cour, après avoir constaté que les requérants n'avaient pas apporté la preuve d'inconvénients comparables aux ravages provoqués précédemment par la tuberculose, surtout dans les couches défavorisées, a estimé que la solidarité humaine obligeait l'individu à s'incliner devant l'intér@t général et à ne pas mettre en péril la santé de ses semblables, lorsque sa vie n'est pas en péril .
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Quant à l'argument des requérants selon lequel la Belgique serait demeurée l'un des rares pays industrialisés à rendre obligatoires l'épreuve de sensibilité cutanée à la tuberculine et les examens radiologiques du thorax, la Commission rappelle que le fait que des mesures analogues ne soient pas tenues pour nécessaires dans d'autres pays européens ne signifie pas qu'elles ne puissent l'être en Belgique (voir notamment, Cour eur . D .H ., affaire Sunday Times, arrêt du 26 avril 1979, par . 61 ; affaire Handyside, arrèt du 7 décembre 1976, par . 54 et 57) . Par ailleurs, comme l'ont exposé les requérants, la Commission constate que, dans le cours de la procédure dont ont fait l'objet les requérants et postérieurement à celle-ci, la réglementation a été assouplie . Ainsi, pour ce qui concerne la région francophone où sont domiciliés les requérants, le décret du 1°r juillet 1982, modifiant l'arrêté royal du 12 octobre 1964, diminue la fréquence de l'épreuve obligatoire de sensibilité cutanée à la tuberculine qui jusqu'alors était annuelle, prévoit la possibilité de la différer et indique les conditions dans lesquelles un médecin-chef de l'équipe médicale scolaire peut passer outre au certificat attestant une contre-indication momentanée . Ces modifications démontrent la volonté de la Belgique d'adapter sa législation aux conditions de vie actuelles . Compte tenu de ces considérations, la Commission estime que l'ingérence, dont se plaignent les requérants, est proponionnée au but poursuivi et constitue une mesure nécessaire, dans une société démocratique, à la protection de la santé, au sens du par . 2 de l'article 8, de la Convention . En conséquence, ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, au sens de l'article 27, par . 2, de la Convention .
Summary of the relevant facts Of the ten applicants (1) four applied to the Commission ar parents of underage children and six as secondary school teachers . All were fined for refusing to undergo, or let their children undergo, compulsory screening for tuberculosis by tuberculin skin-reaction tesr or by chest x-ray. On dismissal of their appeals, they appealed on points of law. 7he latter appeals were likewise dismissed, in the case of the first to the eighth applicants and the tenth applicant on the ground that the compulsory examinations were not contrary to Article 8 of the Convention, in the case of the ninth applicant that the actual or prescribed formalities which had to be complied with if the challenged decision were to be valid had indeed been complied with and the decision was therefore lawful. (I) The applicanu Were rept=nted before the Commission by Mr C . Panier, barriuer ar Nemur .
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(Tx.wsrwnoiv) THE LAW (Extract ) l . The applicants, who were convicted of refusing to undergo, or let their children undergo, methods of tuberculosis screening authorised in Belgian law, namely the tuberculin test and chest x-ray, complain that the relevant law and their convictions were interferences with their private lives which cannot be considered necessary to protect health . They rely on Article 8 of the Convention, which reads :
"1 . Everyone has the right to respect for his private and family life, his home and his cortespondence . There shall be no interference by a public authoriry with the exercise of thi s .2 right except such as is in accordance with the law and is necessary in a democratic society in the interests of national securiry, public safety or the economic well-being of the country, for the prevention of disorder or crime, for the protection of health or morals, or for ahe protection of the rights and freedoms of others . " The Commission first notes that there is nothing in the facts to show that the ninth applicant made to the Belgian Court of Cassation, at least in substance, the complaints he makes in his application . In view of the dismissal of the other nine applicants' appeals, on the same grounds, to the Court of Cassation the Commission accepts that an appeal to that court by the ninth applicant, relying on a breach of the Convention, would have been no .likelier to succeed . It accordingly holds that the ninth applicant has satisfied the nquirement to exhaust the domestic remedies, as laid down in Article 26 of the Convention .
The Commission points out that its jurisdiction is confined to examining the application of a national law in a specific case and that it cannot consider in the abstract the compatibility of such law with the Convention (see in particular No . 7045/75, Dec . 10 .12 .76, D .R . 7 p. 87) . On that basis the Commission will first consider whether there was interfe re nce with the applicants' ri ght to respect for private life and, if so, whether it was justified under Art icle 8 para . 2 . The Commission draws attention to its finding that even minor medical treatment against the patient's will must be regarded as an interference with the ri ght to respect for private life (see No . 8278/78,Dec . 13 .12 .79, D .R . 18 p. 154) . It accordingly recognises thet the requi re ment, non-compliance with which was punishable, that eight of the applicants undergo, or have their children undergo, tuberculin tests and that two of the applicants undergo chest x-rays may amount to interfere nce with the right to respect for p rivate life (see, a contrario, No . 7154/75, Dec . 12 .7 .78, D .R . 14 p. 31) .
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It remains to be considered whether such interference was in accordance with Article 8 para . 2 of the Convention . Here the Cornmission will seek to ascertain whether the interference was in accordance with the law, was for a purpose or purposes authorised by patagraph 2, and was necessary to those purposes in a democratic society (see, muraris murandis, Eur. Court H .R ., Dudgeon case of 2 October 1981, Series A no . 45, para . 43) . The Commission finds that the interference with the applicants' right to respect for private life was indeed in accordance with the law, being prescribed by the School Medical Inspection Act of 21 March 1964 and the Royal Order of 12 October 1964 implementing it . The Royal Order as amended by Royal Order of 3 1 January 1977 provides, in Articles I and 2, for the medical examinations to which the applicwms object . The applicants were convicted under Section 15 of the aforementioned Act, which contains the criminal provisions applying where persons refuse, in respect of themselves or their childrern, to eomply with the Act . Secondly, as regards the purpose of the challenged statutes, the Commission holds that the interference was justified to protect both public health and the applicants' heahh . lactly, Article 8 para . 2 of the Convention requires that the interference be txcessary in a democratic society . According to the Court's case-law a restriction on a Convention right cannot be regarded as necessary in a democratic society-two hallmarks of which are tolerance and broadmindedness-unless, amongst other things, it is proportionate to the legitimate âim pursued (Dudgeôn judgment, para . 53 and references) . In assessing the necessity of the interference with the applicants' private life, the Commission takes into account the reasoning in the Lii!gé Court of Appeal judgments of 10 and 24 February 1984 . In particular it notes that, finding that the ipplicants had not produced evidence of disadvantages comparable to the former ravages of tuberculosis, particularly among the deprived, the Court held that the individual had a social duty to defer to the general interest and not endanger Ihe health of others where his life was not in danger . Although the applicants argue that Belgium is one of the few industrialised countries in which the tuberculin test and chest x-rays are still compulsory, the Commission points out that the fan that other European countries do not consider similar measures necessary does not mean that Belgium is not entitled to do so (see, inter alia, Eur . Court H .R ., Sunday Times judgment of 26 April 1979, Series A no . 30, para . 61 ; Handyside judgment of 7 December 1976, Series A no . 24, paras 54 and 57) . In addition, it notes that, as the applicants themselves state, amendments during and after the proceedings against the applicants have made the regulations more flexible . In the French-speaking area in which the applicants reside, for instance, the Decree of I July 1982, amending the Royal Order of 12 October 1964, reduced th e
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frequency of the compulsory tuberculin test, which had previously been annual, allows postponement of the test and specifies on what conditions the doctor in charg eofaschlmdit aysregdcniftaghesitmporarily contra-indicated . These changes show Belgium's desire to adapt its law to present-day conditions of life . The Commission accordingly considers the interference of which the applicant s
complain to be proportionate to the aim pursued and to be necessary toprotect health in a democratic society within the meaning of Article 8 para . 2 of the Convention. The complaint must accordingly be dismissed as manifutly ill-founded withi . 2 of the Convention . nthemaigofArcl27p .. . .. . . . . . . . . . .
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Synthèse
Formation : Commission (plénière)
Numéro d'arrêt : 10435/83
Date de la décision : 10/12/1984
Type d'affaire : Decision
Type de recours : Partiellement recevable ; partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 41) PREJUDICE MORAL


Parties
Demandeurs : ACMANNE et autres
Défendeurs : BELGIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1984-12-10;10435.83 ?

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