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04/12/1985 | CEDH | N°11564/85

CEDH | W. C. LA REPUBLIQUE FEDERALE D`ALLEMAGNE


(TRADUCTION)
EN FAIT Les faits de la cause, tels qu' ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit . La requérante, Allemande née en 1960, est femme au foyer et habite Heilbronn en République Fédérale d'Allemagne . Devant la Commission, elle est représentée par le cabinet Wingert er, Hohbach et Stiefel-Bechdolf, avocats à Heilbronn . Le 17 décembre 1982 la requérante épousa un Pakistanais . Elle soutient avoir épousé son mari pour lui-permettre d'obtenir un permis de séjour en République Fédérale d'Alle

magne, plutôt que pour mener avec lui une vie conjugale . Pour ce se rv ice, elle a d'ailleur...

(TRADUCTION)
EN FAIT Les faits de la cause, tels qu' ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit . La requérante, Allemande née en 1960, est femme au foyer et habite Heilbronn en République Fédérale d'Allemagne . Devant la Commission, elle est représentée par le cabinet Wingert er, Hohbach et Stiefel-Bechdolf, avocats à Heilbronn . Le 17 décembre 1982 la requérante épousa un Pakistanais . Elle soutient avoir épousé son mari pour lui-permettre d'obtenir un permis de séjour en République Fédérale d'Allemagne, plutôt que pour mener avec lui une vie conjugale . Pour ce se rv ice, elle a d'ailleurs reçu de son mari 8 .000 DM . Le mari de la requérante n'a pas contesté ces faits . Le 13 septembre 1983, la requérant essaya d'engager une action, en divorce devant le tribunal de district de Heilbronn . Le 20janvier 1984, elle sollicita l'aide judiciaire pour cette procédure. Elle fit valoir qu'elle était au chômage, dépourvue de moyens financiers et incapable de faire face au coût d'une procédure en divorce . Pour sa subsistance avant d'engager la procédure de divor ce, elle avait dépensé les 8 .000 DM reçus de son mari rt icle 78 par . 1 du Code allemand de procédure civ il e (Zivilprozess.Selon'a ordnung), pour les questions matrimoniales po rtées devant les tribunauxdes affaires familiales les pa rt ies en présence doivent être représentées par un avocat . Les conditions de l'octroi de l'aide judiciaire sont régies par l'article 114 par . 1 du Code de procédure civile, ainsi libellé : « Une partie qui, au vu de sa situation économique ou personnelle, n'est pas pas mesure de payer les frais d'une procédure - ou ne le peut qu'à tempérament - reçoit sur sa demande une aide judiciaire si la demande ou la défense en justice qu'elle envisage présente suffisamment de chances d'aboutir et ne semble pas entachée de part i pris (mutwillig) . Sont apolicables les dispositions suivantes et le tableau joint en Annexe I à la présente loi . ~ Selon l'article 117 par . 2, la demande d'aide judiciaire doit s'accompagner d'une déclaration de l'intéressé concernant sa situation économique personnelle . Le 23 janvier 1984, le tribunal de district de Heilbronn rejeta la dem ande d'aide judiciaire du requérant. Le jugement déclare notamment : «Certes, la demande en divorce offre suffi samment de chance d'aboutir . Notamment, il est devenu clair après avoir entendu les pa rt ies uu'une
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coramrmauté conjugale n'a jamais éte fondée ; dumoins, la requérante n'at-elle jamais eu l'intention de cohabiter avec le défendeur en raison du mariage contracté . Les parties vivent dès lors séparément depuis plus d'un an déjà . Selon la Cour, onpourrait done attendre de la reyuérante qc-'elle .supporte les fras de la procédure en divorce . Selon ses propres dires, la requérante n'a épousé le défendeur, que pour lui permettre d'obtenir le permis de séjour en République Fédérale d'Pdlemagne et non paspour fonder avec lui une cotmmnnauté conjugale . C'est la raison pour laquelle elle a perçu une somme de 8 .000 DM . Etant clonné qu'à priori la requérante n'avait pas l'intention de fonder unr, conimunauté conjngale et qd elle pauvait dès lors escompn,r très vite une procédure en divorce, elle aurait dï réserver sur les 8 .000 DM le montant nécessetire au financement ce la procédure . Cette considération est d'autant plus valable que la requérante avait déjà précédemmeni : contracté un niariage analogue avec tm autreétranger et engagé aussi une procédure de cGvorce pour en obtenir la dissolution . Dans la précéAente procédure déjà, il avait été indiqué à la requérante qu'en principe elle aurait à supporter elle-même les frais cle proaAure . Cela étant, la requérante n'a pas besoin de protect :on financière (schutzbedürftig) . Certes, l'institution de l'aide judiciaire est rée de l'idée d'un Etat de droit social (sozialer Rechtsstaat) (voir les articles 20 et 28 de la Loi fondatnentale) . Cela ne signifie pas cependant que l'assistance de l'Etat doive égàlement ëtre accordée si, comme en l'espèce, il y a abus de l'institution légale (lu mariage pour un étranger ou par intérêt . » Le tribunal de district demanda alors à la requérairte le versementd'une avanr.e sur les frais de la procédure de divorce . Le 23 février 1984, la cour d'appel de Stuttgaii re9eta l'appel formé par la requérante.
Dans son recours constitutionnel ultérieur ; la requérante allé.gua qu'il y aurait violatior. de ses droits fondamentam : si l'aide judiciaire lui était refusée pour pouvoir réagir contre un abus du mariagé . Dans ce cas, riches et pauvres ne seraientpas traités de la même manière, ce qui constituerait uné discriminairion coritraire à la Constitution . Larequérante invoqu.a l'article 6 de la Loi fondamentale qui protège le rnariage, . la famille et les enfants nés hors mariage, ainsi qae l'article 103 par . 1 qui garantit à toute personne le clroit à un pror,8s équitablé : Le 18 juillet 1984, la première chambre de la Cour constituiionnelle fé(iérale, eomposfz de huitjuges, rejeta le recours constitutionnel de la requérante pour insuf fisance (le nrotifs dans la mesure oii il concernait l'article ~6 de la Loi fondamentale et rejeta les autres allégationa pour défaut de fondement .
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La Cour constitutionnelle fédérale examina, au regardde l'article 3 de la Loi fondamentale qui consacre le principe d'égalité devant la loi, si la requérante avait été empêchée de poursuivre sa demande en divorce de manière autre que conformément au principe d'égalité dans l'application de la loi (Rechtsanwendungsgleichheit) . La Cour constitutionnelle . fédérale constata que la jurisprudence allemande concernant l'octroi de l'aide judiciaire n'était pas uniforme . Il n'était cependant pas nécessaire d'entrer dans ces questions litigieuses puiqu'en l'espèce les tribunaux ayant déjà statué avaient déclaré que la requérante aurait pu, sur les 8 .000 DM reçus, réserver la somme nécessaire à la procédure de divorce . La Cour constata que cette'opinion pourrait ne pas être conforme à l'opinion prédominante selon laquelle l'aide judiciaire ne doit être refusée que si la partie concernée a affiché une pauvreté de mauvaise foi . Il s'agit d'une question d'interprétation de l'article 114 du Code de procédure civile, dont on peut certainement discuter l'èxactimde du point de vue de l'équité . Cette interprétation incombe aux tribunaux compétents et ce ne peut pas être la tâche de la Cour constitutionnelle fédérale que de substituer son propre point de vue à celui des tribunaux de droit commun . En l'espèce, cela ne soulevait aucune objection sur le plan constitutionnel que dans leurs décisions, les tribunaux respectifs aient considéré que pour la seconde fois la requérante avait fait un mariage fictif (Scheinehe) et s'était déjà vu rappeler pour sa première procédure de divorce l'obligation de principe d'en supporter les frais .
GRIEFS 1 . La requérante se plaint à présent, en invoquant l'article 6 par . 1 de la Convention, de n'avoir pas bénéficié d'un droit effectif d'accès à un tribunal des affaires familiales pour y conduire une procédure de divorce . Selon l'article 6 par . 1, l'Etat a l'obligation d'assister la personne qui cherche à faire valoir ses droits (Rechtssuchender) en lui fournissant gratuitement un avocat et en l'exonérant des frais de justice si cela est nécessaire pour garantir l'accès effectif au tribunal . Dans les procédures de divorce en République Fédérale d'Allemagne, la représentation par un avocat est requise par la loi . Dès lors, au regard de l'article 6 par . 1 l'Etat a l'obligation d'assister le ;equérant impécunieux pour lui permettre, en lui accordant l'aide judiciaire, de mener une procédure de divorce avec l'aide d'un avocat . Du reste, le tribunal de district de Heilbronn savait que la requérante ne pouvait pas se permettre de payer d'avance les frais de justice . Il a néanmoins demandé à l'intéressée d'effectuer cette avance . La requérante se plaint également ; en invoquant l'article 14 de la Convention .2 lu en liaisonavec l'article 6 p ar . 1 ; d'avoir été empêchée de mener une procédure de divorce qu'une personne àiséeaurait pu conduire dans la même situation .
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EN DROI T 1 . La requérante se plaint de n'avoir pas bénéficié d'an d :roit effe.ctif d'accès à un tribunal des affaires familiales pour y conduire une procé,dure en divarce . En particulier, le tribunal de dstrict de Heilbronn, qui savait qu'elle ne pouvait pas se permetn-e de payer d'avanee les frais de justice, lui a néanmoins demandé d'effectuer cette avance . La requérante invoque l'artic .le 6 par . 1 de la Convention selon lequel v toute personne a droit à cc que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des . . . eontestations sur ses droits et obligations de caractère civil . . . . La Commission relève que la requérante avait déjà une première fois engagé une procédure de divorce contre un préeéden¢ mari . Il ressort des décisions dejustice produites par la reqnérante qu'elle avait contracté ce précéiient mariage dè mz,ni8re analogue au mariage en question en l'espèce . Or, lors de la première procédure, les t :-ibunaux allemandx lui avaient déjà dit qu'elle devait en principe supporter ellemême les frais de justice . La requérante était donc clairement au fait de la situation lorsqu'elle a contracté le deuxième mariage . Cela étant, la Commission n'estime pus déraisonnable que les tribunaux alleriands en aiemt conlu que la requérante n'avait pas besoin d'u .ne protection judiciaire, car elle aurait pu réserver la somme nécessaire à la procédure en divorce snr les E .000 DM qu'elle avait reçus pour son mariage . En conséquence, la requête ne révèle aucune apparence de violation des droit s garantis par l'article, 6 par . 1 Je la Convemion . La Commission en conclut que la requête est, sur ce ooint, manifesteinent mal fondée au sens de l'article 27 par . 2 ce la Convention . La requérante .2 s'est plainte également, sur le terrain de I'article 141uen liaiso n avee l'article 6 par . 1, d'avoir été einpêchée de conduire une proeédure en divorce qu'une persomne aisée aurait pu mener dans la même situation . Cependant, la Commission vient de constater qu'il n'était pas déraisonnable pour les tribunaux allemands de demander à la requéran,e de payer les frais de j ustice par prélèvement sur la somme reçue pour son mariage . En conséquence, la Commission estinte que la différence de traitement qu'all8gue la requérante ne saurait constituer une discrimination au sensde l'article 14 dela Convention . Il s'ensiait que la requête est, sur ce point également, manifestement mal fondé e em sens cle l'article 27 par . 2 de la Convention . Par ces motifs . la Commissio n DÉCLARE LA REQU Ê TE IRRECEVABLE .
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Synthèse
Formation : Commission (plénière)
Numéro d'arrêt : 11564/85
Date de la décision : 04/12/1985
Type d'affaire : Décision
Type de recours : Partiellement recevable ; partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 6-1) DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE, (Art. 6-1) TRIBUNAL IMPARTIAL


Parties
Demandeurs : W. C. LA REPUBLIQUE FEDERALE D`ALLEMAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1985-12-04;11564.85 ?

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