La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/1987 | CEDH | N°12423/86

CEDH | M. contre l'Espagne


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 12423/86 présentée par M.M. contre l'Espagne __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 6 octobre 1987 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER

J. CAMPINOS H. VANDENBERGHE Mme G.H. T...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 12423/86 présentée par M.M. contre l'Espagne __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 6 octobre 1987 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER J. CAMPINOS H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 16 juillet 1986 par M.M. contre l'Espagne et enregistrée le 1er octobre 1986 sous le No de dossier 12423/86 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant, de nationalité espagnole, est né en 1942 à Madrid où il est domicilié. Il est enseignant. Les faits de la cause peuvent se résumer comme suit : En juin 1983, le requérant, conjointement avec d'autres enseignants, aurait constitué deux sociétés pour l'exploitation de l'école privée "Nuestra Senora de Begona" et de l'école privée "Escuela activa Mercedes Pineda". Au moment des faits, le requérant était le directeur de ces établissements. En septembre 1984, Madame F., enseignante à l'établissement "Escuela activa Mercedes Pineda", fut licenciée sans avoir reçu la lettre de préavis prévue par la loi. En octobre 1984, Monsieur T. et Madame D., enseignants à l'école "Nuestra Senora de Begona", furent également licenciés dans de pareilles circonstances. Par ailleurs, Madame B. et vingt autres personnes, enseignantes à cette dernière école, furent aussi licenciées. Les personnes licenciées saisirent alors les juridictions du travail de demandes d'annulation de leur licenciement. Par jugement du 22 janvier 1985, le tribunal du travail (Magistratura de Trabajo) No 11 de Madrid annula le licenciement de Monsieur T. et de Madame D., pour non-respect des formalités de la procédure. Par jugement du 7 mars 1985, le tribunal du travail No 13 de Madrid annula le licenciement de Madame F. pour le même motif. Enfin, le tribunal du travail No 16 de Madrid annula par jugement du 26 février 1985 le licenciement de Madame B. et des autres vingt enseignants faute par l'employeur d'avoir produit les preuves justifiant le licenciement. Ces juridictions considérèrent les demandeurs comme des salariés liés à leur employeur, en l'occurrence le requérant lui-même, par une relation de travail. En particulier, le tribunal du travail No 11 relevait que la constitution de la société "Nuestra Senora de Begona" n'avait été qu'un simple projet et soulignait que le requérant exerçait les fonctions de directeur de l'établissement. Par ailleurs, ces juridictions ordonnèrent la réintégration des salariés dans l'entreprise et condamnèrent l'employeur à leur payer les salaires depuis la date de leur licenciement. Le requérant s'adressa alors aux tribunaux du travail précités faisant connaître son intention de se pourvoir en cassation contre chaque jugement. Il refusa cependant de verser le montant de la consignation à effectuer en application de l'article 170 du code de procédure en matière des conflits du travail (Ley de Procedimiento Laboral). En effet, conformément à cette disposition, l'employeur qui désire se pourvoir en cassation contre l'arrêt par lequel il a été condamné au paiement d'une somme doit, s'il n'a pas obtenu l'aide judiciaire, consigner le montant de cette somme. A cet égard, le requérant faisait valoir qu'il ne disposait pas de moyens et qu'il n'avait pas la qualité d'employeur. Par décision (providencia) du 12 février 1985, le tribunal du travail No 11 de Madrid décida que le pourvoi en cassation formé contre le jugement du 22 janvier 1985 ne serait pas transmis (no haber lugar al recurso) faute par le requérant d'avoir fait l'avance légale. Cette décision fut confirmée quant au fond par ordonnance (auto) du 4 mars 1985. Par décision du 28 mars 1985, confirmée le 23 mai 1985, le tribunal du travail No 16 de Madrid décida que le pourvoi en cassation formé contre le jugement du 26 février 1985 ne serait pas transmis pour le même motif. Par ailleurs, le tribunal du travail No 13 de Madrid, reprenant le même motif de refus, décida le 3 avril 1985 que le pourvoi en cassation formé contre le jugement du 7 mars 1985 ne serait pas transmis. Cette décision fut confirmée par ordonnance (auto) du 30 mai 1985. Le requérant recourut alors contre ces décisions (recurso de queja). Par trois décisions du 28 juin, du 21 octobre et du 27 novembre 1985 respectivement, le Tribunal Suprême rejeta les recours. En particulier, le tribunal relevait que le requérant n'avait pas demandé à être admis au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite et que la question relative à sa qualité d'employeur avait déjà été tranchée dans le sens affirmatif par les juridictions du travail. Le requérant ayant formé un recours d'amparo contre chaque décision, le Tribunal Constitutionnel a, par trois décisions du 22 janvier, du 29 janvier et du 19 février 1986, rejeté les recours pour manque manifeste de contenu. Après l'échec de ce recours, le tribunal du travail No 16 fixa l'arriéré de salaire dû à Madame B. et vingt autres enseignants à plus de 27 millions de pesetas, auxquels s'ajoute une indemnité pour non-réintégration. Quant au salaire dû à Mesdames F. et D. et à Monsieur T., le requérant déclare que leur montant dépassait 1.400.000 pesetas.
GRIEFS Devant la Commission, le requérant se plaint qu'il n'a pas bénéficié du droit à un procès équitable en ce que les juridictions du travail ont refusé de transmettre ses pourvois en cassation. A cet égard, il allègue que, dans la mesure où il ne disposait pas des moyens et n'avait pas la qualité d'employeur, il était dispensé d'effectuer la consignation prévue par la loi afin de se pourvoir en cassation. Il invoque l'article 6 de la Convention.
EN DROIT Le requérant se plaint qu'il n'a pas bénéficié du droit à un procès équitable en ce que les juridictions du travail n'ont pas transmis ses pourvois en cassation et allègue qu'il était dispensé d'effectuer la consignation prévue par la loi afin de se pourvoir en cassation. Il invoque l'article 6 (art. 6) de la Convention. La Commission rappelle tout d'abord la jurisprudence de la Cour selon laquelle "l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention n'oblige pas les Etats contractants à instituer des cours d'appel ou de cassation. Cependant, si de telles juridictions sont instituées, la procédure qui s'y déroule doit présenter les garanties prévues à l'article 6 (art. 6) " (Cour Eur. D.H., arrêt Delcourt du 17 janvier 1970, série A No 11, par. 26). En l'espèce, la Commission relève que le requérant a eu la possibilité de former un pourvoi en cassation contre les décisions des tribunaux du travail No 11, No 13 et No 16 de Madrid. Il s'est prévalu de cette possibilité mais n'a pas estimé devoir effectuer la consignation prévue à l'article 170 du code de procédure en matière de conflits du travail en invoquant qu'il ne disposait pas des moyens et qu'il n'avait pas la qualité d'employeur. Il est vrai que dans certaines circonstances le coût élevé d'une procédure pourrait soulever un problème eu égard à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention qui garantit à toute personne l'accès aux tribunaux. La Commission rappelle cependant que, conformément à sa jurisprudence, cette disposition ne s'oppose pas à une réglementation de l'accès des justiciables aux tribunaux, pourvu que cette réglementation ait pour but d'assurer une bonne administration de la justice (cf. No 6916/75, déc. 8.10.76, D.R. 6, p. 107). Dans la présente affaire, la Commission relève tout d'abord que le requérant n'avait pas demandé à être admis au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite qui l'aurait dispensé d'effectuer la consignation légale. Par ailleurs, il n'appartient pas à la Commission de trancher la question de savoir si le requérant avait ou non, en droit espagnol, la qualité d'employeur. Ce dernier ne saurait donc prétendre qu'il a fait l'objet d'entraves au droit d'accès aux tribunaux. Par ailleurs, eu égard à l'ensemble du dossier, la Commission ne relève aucun indice permettant de penser que le requérant n'aurait pas bénéficié d'un procès équitable, au sens de l'article 6 (art. 6) de la Convention. Il s'ensuit que la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 12423/86
Date de la décision : 06/10/1987
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : recevable (partiellement) ; irrecevable (partiellement)

Analyses

(Art. 6-1) ACCES A UN TRIBUNAL


Parties
Demandeurs : M.
Défendeurs : l'Espagne

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1987-10-06;12423.86 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award