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04/07/1988 | CEDH | N°11902/85

CEDH | T. contre l'ITALIE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 11902/85 présentée par M. T. contre l'Italie __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 4 juillet 1988 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président S. TRECHSEL A.S. GÖZÜBÜYÜK J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER J. CAMPINOS Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. M

ARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY ...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 11902/85 présentée par M. T. contre l'Italie __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 4 juillet 1988 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président S. TRECHSEL A.S. GÖZÜBÜYÜK J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER J. CAMPINOS Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY M. J. RAYMOND, Secrétaire adjoint de la Commission ; Vu l'article 25 (art. 25) de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 30 septembre 1985 par M. T. contre l'Italie et enregistrée le 16 décembre 1985 sous le No de dossier 11902/85 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant, M. T., est un ressortissant italien, né en 1921 à R. (Italie). Lors de l'introduction de la requête il était détenu à la prison de Parme. Pour la procédure devant la Commission il est représenté par Maîtres Armando Veneto, avocat à Palmi, Enzo Gaito, avocat à Rome et Laura Ferraboschi, avocat stagiaire à Parme.
1. Le requérant a été arrêté le 20 mars 1982 sur mandat d'arrêt du substitut du procureur de la République de B. et inculpé avec treize autres personnes de participation à l'enlèvement avec demande de rançon (article 630 du Code pénal - C.P.) de l'industriel X. L'essentiel de l'accusation portée contre le requérant reposait sur les déclarations de l'un des prévenus qui, désirant bénéficier des dispositions législatives promulguées en faveur des "repentis", avait décidé de collaborer avec la justice. Le requérant fut acquitté par le tribunal de B., pour insuffisance de preuves, par jugement du ... mai 1983. Le ministère public et le requérant - qui estimait devoir bénéficier d'un acquittement pur et simple - relevèrent appel de ce jugement devant la cour d'appel de B. Cette dernière tint audience du 2 mai au 21 juin 1984, date à laquelle elle rendit son arrêt. Le requérant fut reconnu coupable et condamné à vingt-cinq ans de prison. L'arrêt de la cour d'appel a été rendu par contumace du requérant. Il ressort du procès verbal des audiences (au nombre de six) qui ont eu lieu devant la cour d'appel que le requérant, qui était en liberté, régulièrement cité ne s'était pas présenté et n'avait pas non plus justifié son absence mais qu'il était représenté par le défenseur qu'il avait désigné à cette fin. Le requérant affirme, quant à lui, avoir été présent au procès. Le requérant se pourvut en cassation. Il fit valoir que l'arrêt de la cour d'appel de B. manquait en fait, la cour ayant conclu à sa culpabilité en se fondant sur les déclarations d'un co-accusé "repenti" qui, selon lui, n'étaient pas étayées d'autres éléments de preuve. Il alléguait également que le procès devant la cour d'appel était entaché de nullité du fait que la cour l'avait déclaré contumax alors qu'il était présent à l'audience. La Cour de cassation rejeta le pourvoi par arrêt du ... avril 1985 déposé au greffe de la Cour le 4 septembre suivant. Elle ne se prononça pas sur le grief tiré par le requérant de ce qu'il aurait été à tort déclaré contumax, car ce grief, soulevé uniquement dans l'un des nombreux mémoires que le requérant avait fait parvenir à la Cour, n'avait pas été présenté dans les formes prévues par la loi. Quant au moyen principal soulevé par le requérant, le pourvoi fut rejeté après que la Cour eut rappelé qu'il appartient "principalement et exclusivement aux juges du fond de procéder à la reconstitution des faits et d'apprécier les preuves à la lumière des résultats de la procédure à charge pour eux de donner les raisons de leur intime conviction et des constatations de fait". En l'espèce elle releva que la cour d'appel avait scrupuleusement examiné les déclarations du co-accusé concernant le requérant, estimé qu'elles devaient être tenues pour sincères, que d'autres indices venaient les étayer et que les témoignages offerts par le requérant s'étaient finalement retournés contre lui. La cour d'appel avait ainsi amplement motivé sa décision.
2. Dans une lettre du 8 avril 1986 adressée au Secrétariat de la Commission, le requérant qui est détenu depuis le mois de mars 1982, a allégué pour la première fois que son état de santé nécessitait des soins spécifiques qui ne pouvaient lui être prodigués en prison. Le requérant a exposé que le 8 mars 1986, il fit établir un rapport médical d'où il ressortait que son état de santé général était précaire. Le médecin considérait que ses conditions de santé n'étaient pas compatibles avec le régime de détention qui était pratiqué. Se fondant sur cette expertise, le 12 mai 1986, l'avocat désigné par le requérant adressa au procureur général près la cour d'appel de B. compétent (article 589 du C.P.P.) une demande de suspension d'exécution de la peine (article 147 du C.P.). Le requérant réitera la demande le lendemain. A une date qui n'a pas été précisée le procureur de la République ordonna une expertise, dont les résultats lui furent remis le 8 juillet 1986. Les trois médecins qui avaient examiné le requérant estimaient qu'il était nécessaire d'effectuer des examens approfondis et qu'une hospitalisation était nécessaire à cette fin. Le 16 juillet 1986 le procureur de la République ordonna l'hospitalisation du requérant auprès du centre hospitalier pénitentiaire de P. pour que soient effectués des examens ultérieurs lui permettant de statuer sur la demande du requérant. Par lettre du 23 juillet 1986 le requérant demanda que cette mesure soit différée et qu'on le transfère à l'hôpital civil de S. Le 25 juillet 1986, prenant acte de ce que le requérant refusait obstinément d'être hospitalisé dans un centre hospitalier pénitentiaire et insistait pour être transféré à l'hôpital civil de S., le procureur de la République révoqua sa mesure mais invita les autorités pénitentiaires à lui faire part immédiatement de toute éventuelle aggravation des conditions de santé du requérant. Le 1er août 1986 le requérant souleva un incident d'exécution contre les décisions prises par le parquet les 16 et 25 juillet 1986. L'incident d'exécution fut déclaré irrecevable (improponibile) le 4 septembre 1986 dans la mesure où il était dirigé contre des mesures d'instruction qui avaient été adoptées pour vérifier le bien-fondé de la demande de suspension d'exécution de la peine. La cour d'appel prit acte que le condamné, qui avait comparu devant elle, avait en outre accepté d'être admis à l'hôpital. Le requérant a allégué que le 15 septembre 1986 il fut effectivement hospitalisé à l'hôpital civil de S. où les conditions d'hospitalisation étaient si mauvaises qu'il demanda à retourner à P. Le 8 octobre 1986 il demanda au parquet de prendre les mesures nécessaires à son hospitalisation auprès du centre hospitalier pénitentiaire de P. Le 16 octobre 1986 une nouvelle loi (N° 663) est entrée en vigueur. A ses articles 22 et 25 elle prévoit que les demandes de suspension de l'exécution de la peine doivent être adressées au tribunal de surveillance dans le ressort duquel se trouve l'établissement pénitentiaire où le demandeur purge sa peine. Le requérant adressa donc sa demande de suspension de l'exécution de la peine au tribunal de surveillance de B. Le 12 janvier 1987, le tribunal ordonna une expertise (qui n'a pas été jointe au dossier) mais sur la base de laquelle le tribunal estima que l'état de santé du requérant n'était pas incompatible avec la détention. La demande du requérant fut donc rejetée, à une date que ce dernier n'a pas précisée. Cette décision n'est pas jointe au dossier. Le 25 mai 1987, le requérant saisit à nouveau le tribunal de B. et demanda une nouvelle expertise au motif que la précédente faisait apparaître de nombreuses lacunes. L'expertise ordonnée par le tribunal fut déposée le 24 septembre 1987 (elle n'est pas jointe au dossier). Elle concluait elle aussi que les affections dont souffrait le détenu n'étaient pas incompatibles avec la détention dans un centre de détention spécialisé. Le 11 novembre 1987, se fondant sur cette expertise, le tribunal de B. rejeta la demande du requérant (la décision n'a pas été jointe au dossier). Invoquant les principes dégagés par la Cour de cassation en matière de suspension d'exécution de la peine (notamment Cass. Sec. VI - 10 juillet 1981- Bono) le requérant saisit à nouveau le tribunal de B. Par ordonnance du 1er décembre 1987, le tribunal de B. déclara la demande du requérant irrecevable comme "étant la même que celle rejetée le 11 novembre 1987". Le requérant ne s'est pas pourvu en cassation de la décision rendue le 11 novembre 1987. Il affirme avoir fait "opposition" à l'ordonnance d'irrecevabilité du 1er décembre 1987. Il semblerait qu'à la suite de l'opposition présentée contre cette ordonnance, la cour d'appel aurait fixé une audience pour l'examen de l'affaire et que le 11 février 1988 une nouvelle expertise aurait été ordonnée au motif que la précédente avait omis de prendre en considération un accident cardiaque survenu au requérant (aucune pièce concernant cette procédure n'a été versée au dossier).
GRIEFS
1. Le requérant qui se proclame innocent, allègue avoir été condamné sur le seul fondement des déclarations rendues par un co-accusé qui s'est par la suite rétracté. Il allègue une violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.
2. Le requérant se plaint également que ses conditions actuelles de santé font que la détention qu'il subit constitue un traitement inhumain et dégradant contraire à l'article 3 (art. 3) de la Convention.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint qu'il a été condamné sur le seul fondement des déclarations rendues par un co-accusé qui s'est par la suite rétracté. L'article 6 (art. 6) de la Convention garantit à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement. La Commission rappelle cependant que, conformément à l'article 19 (art. 19) de la Convention, elle a pour seule tâche d'assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les parties contractantes. En particulier, elle n'est pas compétente pour examiner une requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendûment commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention. La Commission renvoie sur ce point à sa jurisprudence constante (cf., par exemple, N° 458/59, déc. 29.3.60, Annuaire 3 pp. 223, 237 ; N° 5258/71, déc. 8.2.73, Recueil 43 pp. 71, 77 ; N° 7987/77, déc. 13.12.79, D.R. 18 pp. 31, 61). En l'espèce, la Commission note que les juges du fond ont procédé à un examen détaillé des déclarations litigieuses à la lumière de l'ensemble des autres circonstances de fait. Par ailleurs, rien dans le dossier ne permet de conclure que le requérant n'aurait pas été jugé selon une procédure équitable. L'examen de ce grief ne permet de déceler aucune apparence de violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. Le requérant a allégué également que son maintien en détention constituerait un traitement contraire à l'article 3 (art. 3) de la Convention. Aux termes de cette disposition de la Convention "Nul ne peut être soumis ... à des traitements inhumains ou dégradants". La Commission estime cependant qu'elle n'est pas appelée à se prononcer en l'espèce sur le point de savoir s'il y a eu violation de la disposition précitée de la Convention. En effet, après avoir examiné ces griefs en prenant en considération dans son ensemble la situation décrite par le requérant, la Commission relève que la première demande de suspension d'exécution de la peine a été présentée au procureur général près la cour d'appel de B. le 12 mai 1986. Cette demande, dont l'instruction a été entravée par l'attitude du requérant, semble n'avoir pas abouti. La Commission note également que le requérant a ensuite présenté une nouvelle demande qu'il a adressée au tribunal de surveillance de B. compétent (loi n° 663 du 16 octobre 1986). Elle constate cependant que le requérant a omis de se pourvoir en cassation à l'encontre de la décision du tribunal de surveillance de B. rejetant sa demande de suspension de l'exécution de la peine. Il s'ensuit que le requérant n'a pas épuisé les voies de recours internes au sens de l'article 26 (art. 26) de la Convention. Au demeurant ni l'examen de l'affaire telle qu'elle a été présentée, ni l'examen d'office auquel la Commission a procédé n'ont permis de déceler aucune circonstance particulière qui aurait pu dispenser le requérant, selon les principes de droit généralement reconnus en la matière, d'épuiser cette voie de recours. Ce grief doit être par conséquent rejeté conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention. Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE Le Secrétaire adjoint de Le Président de la Commission la Commission (J. RAYMOND) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 11902/85
Date de la décision : 04/07/1988
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : irrecevable (partiellement)

Analyses

(Art. 6-1) PROCES EQUITABLE, (Art. 6-2) PRESOMPTION D'INNOCENCE, (Art. 6-3-d) INTERROGATION DES TEMOINS, (Art. 8-1) RESPECT DE LA CORRESPONDANCE


Parties
Demandeurs : T.
Défendeurs : l'ITALIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1988-07-04;11902.85 ?

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