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11/07/1989 | CEDH | N°12759/87

CEDH | RYCHETSKY contre la SUISSE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 12759/87 présentée par Karel RYCHETSKY contre la Suisse __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 11 juillet 1989 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN F. ERMACORA G. SPERDUTI E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMER

S H. DANELIUS G. BATLINER ...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 12759/87 présentée par Karel RYCHETSKY contre la Suisse __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 11 juillet 1989 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN F. ERMACORA G. SPERDUTI E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY M. L. LOUCAIDES M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 22 janvier 1987 par Karel RYCHETSKY contre la Suisse et enregistrée le 20 février 1987 sous le No de dossier 12759/87 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant est un ressortissant colombien d'origine tchécoslovaque né en 1923 et exerçant la profession d'économiste. Il réside à Lully, dans le canton de Vaud. Devant la Commission, il est représenté par M. Jean Cosson, docteur en droit, demeurant à Paris. Une précédente requête du requérant (N° 10881/84) concernait, au regard de l'article 6 par. 1 de la Convention, la durée d'une procédure privée d'arbitrage qui débuta en 1976 et se termina par une sentence arbitrale en date du 29 mars 1984. Par décision du 4 mars 1987, la Commission rejeta la requête comme étant manifestement mal fondée au motif que les autorités ne pouvaient être tenues pour responsables de la durée de la procédure antérieure à leur saisine, saisine qui ne fut effectuée, en vertu de l'article 17 du concordat intercantonal sur l'arbitrage, que le 30 août 1983. La présente requête porte sur la procédure de recours que le requérant a diligentée devant les autorités judiciaires contre la sentence arbitrale du 29 mars 1984. Le requérant interjeta tout d'abord le 30 avril 1984 un recours en nullité devant le Tribunal cantonal vaudois fondé sur l'article 36 du concordat intercantonal sur l'arbitrage. Ce recours fut rejeté le 5 juin 1985. Le tribunal cantonal ayant rappelé tout d'abord que son contrôle ne pouvait être que de nature cassatoire, estima, entre autres dans son jugement de 103 pages, que si certains choix du tribunal arbitral pouvaient apparaître erronés ou discutables, il n'y avait pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution aurait été concevable ou même préférable pour autant qu'elle ne soit pas manifestement insoutenable. Le 29 octobre 1985, à l'occasion d'un recours de droit public contre le jugement du 5 juin, le requérant saisit le président du Tribunal fédéral d'une demande de récusation dirigée contre l'ensemble des juges fédéraux et de leurs suppléants. Cette demande était motivée par les doutes du requérant sur l'impartialité des membres du Tribunal fédéral, étant donné que deux des arbitres ayant rendu la sentence arbitrale du 29 mars 1984, étaient des juges fédéraux en exercice . Par ordonnance du 4 décembre 1985, le président du Tribunal fédéral institua, pour la première fois en Suisse, une cour extraordinaire du Tribunal fédéral, composée de cinq présidents des tribunaux suprêmes de cantons non intéressés, tirés au sort. Par arrêt du 6 mars 1986, la cour extraordinaire du Tribunal fédéral rejeta la demande de récusation présentée par le requérant en concluant que celui-ci n'avait pas établi l'existence de circonstances propres, séparément ou dans leur ensemble, à justifier objectivement la crainte que ceux dont la récusation était demandée pourraient être tentés, pour des raisons de collégialité, de prendre en considération, lors de l'examen du recours de droit public, des éléments étrangers à cette cause. Le recours de droit public formé par le requérant contre le jugement du tribunal cantonal vaudois du 5 juin 1985, fut rejeté par la 1ère chambre civile du Tribunal fédéral par arrêt du 22 juillet 1986. Dans cet arrêt comprenant 59 pages, le Tribunal fédéral examina principalement la question de savoir si la cour cantonale avait violé l'article 36 du concordat en ne sanctionnant pas une sentence arbitrale que le requérant estimait entachée d'arbitraire. Au terme d'un examen approfondi des griefs du requérant, le Tribunal fédéral estima que tel n'était pas le cas et rejeta le recours de droit public comme mal fondé dans la mesure où il était recevable.
GRIEFS
1. Le requérant se plaint de la durée de la procédure arbitrale qui, selon lui, doit être examinée dans son ensemble, à savoir de 1976 à l'arrêt du Tribunal fédéral du 22 juillet 1986. Il invoque l'article 6 par. 1 de la Convention.
2. Le requérant se plaint de la partialité des juges composant le Tribunal fédéral qui a statué sur un recours de droit public dirigé contre une sentence arbitrale rendue par deux juges fédéraux en tant qu'arbitres. Il estime que c'est à tort que sa demande de récusation en corps du Tribunal fédéral a été rejetée. Il invoque l'article 6 par. 1 de la Convention.
3. Le requérant se plaint que les autorités judiciaires suisses saisies d'un recours en annulation d'une sentence arbitrale puis d'un recours de droit public n'ont pas sanctionné les multiples violations du droit à un procès équitable commises, selon lui, par le tribunal arbitral. Cette absence de sanction équivaut pour le requérant à une violation de l'article 6 par. 1 de la Convention.
4. Le requérant se plaint d'une violation de son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la Convention. Il fait valoir que la durée de la procédure arbitrale et l'injustice qu'il a subie du fait de la partialité du tribunal arbitral et de l'inéquité de la procédure ont gravement perturbé sa santé et celle de sa femme.
EN DROIT
1. Quant au grief relatif à la durée excessive de la procédure, la Commission ne saurait l'examiner que pour autant que le requérant se réfère à des événéments postérieurs au 29 mars 1984, date de la sentence arbitrale. En effet, la Commission s'est déjà prononcée lors de l'examen de la requête n° 10881/84 introduite par le requérant sur la durée de la procédure arbitrale proprement dite. Elle a estimé à cet égard que la responsabilité des autorités judiciaires suisses ne pouvait être mise en cause en raison des spécificités de la procédure arbitrale privée en Suisse. Sur ce point la présente requête est essentiellement la même que la requête précédente et doit dès lors être rejetée par application de l'article 27 par. 1 (b) (art. 27-1-b) de la Convention. L'examen de ce grief par la Commission est donc limité à la période allant du 29 mars 1984 au 22 juillet 1986, c'est-à-dire à la durée de la procédure de recours diligentée par le requérant devant les autorités judiciaires suisses contre la sentence arbitrale. Il s'agit d'une période de 2 années, 3 mois et 3 semaines. Le tribunal cantonal s'est prononcé, suite au recours en nullité introduit le 30 avril 1984, par jugement du 5 juin 1985, soit après 1 an et 1 mois environ. La cour extraordinaire du Tribunal fédéral, statuant sur une demande de récusation du requérant, a statué le 6 mars 1986, soit environ 3 mois après avoir été saisie, et le Tribunal fédéral, saisi du recours de droit public, a statué le 22 juillet 1986, soit 4 mois et 2 semaines après le rejet de la demande de récusation. Compte tenu de ce qui précède et de la complexité de l'affaire, la Commission estime que le grief tiré de la durée prétendûment excessive de la procédure de recours doit être rejeté pour défaut manifeste de fondement par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. Quant au grief relatif à la partialité alléguée du Tribunal fédéral ayant statué sur le recours de droit public du requérant, la Commission constate tout d'abord que le requérant a vu sa demande de récusation en corps du Tribunal fédéral examinée, pour la première fois en Suisse, par une cour extraordinaire du Tribunal fédéral spécialement constituée à cet effet qui a rejeté sa requête par arrêt en date du 6 mars 1986. A supposer qu'en ce qui concerne ce grief la requête satisfasse au délai de six mois prévu à l'article 26 (art. 26) de la Convention, la Commission n'aperçoit pas de raison de douter que la demande de récusation du requérant n'a été examinée de manière sérieuse et approfondie vu la motivation très circonstanciée de l'arrêt de la Cour Extraordinaire du Tribunal fédéral en date du 6 mars 1986. Le seul fait que cette demande de récusation ait été rejetée et que le requérant ait succombé par après dans le recours de droit public formé par devant le Tribunal fédéral ne suffit pas à établir que ledit tribunal, qui est la plus haute instance judiciaire suisse, était, pour des raisons de collégialité, partial dans l'examen des griefs formulés par le requérant à l'égard du comportement des arbitres dans la procédure arbitrale. Il s'ensuit que sur ce point la requête doit être rejetée pour défaut manifeste de fondement, conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
3. Le requérant se plaint de ne pas avoir bénéficié d'un procès équitable parce que les autorités étatiques ont refusé de sanctionner les multiples violations du droit à un procès équitable commises selon lui par le Tribunal arbitral. La Commission a examiné les divers griefs que le requérant a formulés à l'encontre de la procédure arbitrale et la manière dont les juridictions étatiques ont examiné ces griefs dans les limites du pouvoir de contrôle de nature cassatoire qui leur était imparti par l'article 36 du concordat intercantonal. Elle observe que le tribunal cantonal vaudois comme le Tribunal fédéral ont rendu des arrêts extrêmement détaillés et circonstanciés. Il ne saurait dès lors être allégué par le requérant que les autorités judiciaires suisses dans le cadre limité de leur saisine, aient porté atteinte au droit du requérant de bénéficier devant ces instances d'un procès équitable. Ce grief doit donc également être rejeté pour défaut manifeste de fondement par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
4. Quant au grief relatif à la violation alléguée du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 (art. 8) de la Convention, la Commission estime que, à supposer que l'article 8 (art. 8) soit applicable, le requérant ne l'a pas invoqué dans son recours de droit public devant le Tribunal fédéral. Ce grief doit donc être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention. Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 12759/87
Date de la décision : 11/07/1989
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : recevable (partiellement) ; irrecevable (partiellement)

Parties
Demandeurs : RYCHETSKY
Défendeurs : la SUISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1989-07-11;12759.87 ?

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