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04/04/1990 | CEDH | N°13908/88

CEDH | MEERSMAN ; DEPYPERE contre la BELGIQUE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 13908/88 présentée par Roland MEERSMAN et Martine DEPYPERE contre la Belgique __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 4 avril 1990 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL G. SPERDUTI E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER

H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. ...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 13908/88 présentée par Roland MEERSMAN et Martine DEPYPERE contre la Belgique __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 4 avril 1990 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL G. SPERDUTI E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER J. CAMPINOS H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS M. L. LOUCAIDES M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 20 janvier 1988 par Roland MEERSMAN et Martine DEPYPERE contre la Belgique et enregistrée le 2 juin 1988 sous le No de dossier 13908/88 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Les faits de la cause tels qu'ils ont été présentés par les requérants, peuvent se résumer comme suit : R. Meersman et son épouse, M. Depypere, sont des ressortissants belges, domiciliés à Mouscron. Le requérant, né en 1932, n'exerce aucune profession. La requérante, née en 1953, est commerçante. Ils sont représentés devant la Commission par Me Marc Decramer, avocat à Wervik (Belgique). Arrêtée le 20 décembre 1985 à 15 h 10, la requérante, après avoir assisté à une perquisition de son domicile au cours de laquelle furent saisis quelque 130 bijoux, fut à 18 h 50 interrogée sur la provenance des bijoux saisis. Arrêté le même jour à 20 h 20, le requérant fut interrogé à ce même propos à 21 h. Le 21 décembre 1983, après les avoir interrogés à 9 h, le juge d'instruction prévint les requérants d'avoir en tant qu'auteur ou co-auteur volé des bijoux volés pour une valeur de plus d'un million. La détention préventive du requérant fut prolongée mensuellement par la chambre du conseil du tribunal de première instance de Tournai jusqu'à son renvoi devant le tribunal correctionnel, celle de la requérante prit fin le 18 avril 1986. Le 21 février 1986, en ce qui concerne le requérant, et le 28 février 1986, en ce qui concerne la requérante, furent dressés des procès-verbaux actant leur refus de faire des déclarations au sujet des faits qui leur étaient imputés. Par la suite, les enquêteurs, chargés d'interroger les requérants, se seraient contentés de se référer sans plus à ces procès-verbaux de telle manière qu'ils n'auraient plus été interrogés pendant l'instruction. Il ressort du dossier qu'entre le 26 décembre 1985 et le 15 février 1986 une dizaine de perquisitions furent effectuées dans les divers immeubles appartenant aux requérants. Les trois premières de ces perquisitions furent effectuées en présence de la requérante. Le 5 août 1986, les requérants furent renvoyés devant le tribunal correctionnel de Tournai. Les 11, 12 et 13 août, ils furent cités à comparaître du chef de recels, de vols, d'extorsions, de diverses infractions relatives aux moeurs ainsi que, en ce qui concerne le seul requérant, du chef d'outrages. Le 19 février 1987, le tribunal correctionnel de Tournai condamna le premier requérant à trois peines d'emprisonnement d'une durée totale de cinq ans et deux mois d'emprisonnement et la requérante à deux peines d'emprisonnement d'une durée globale de trois ans. Sur appel des requérants et du ministère public, la cour d'appel de Mons, par arrêt du 21 octobre 1987, confirma le jugement attaqué mais aggrava les peines d'emprisonnement infligées aux requérants qui furent condamnés à des peines globalisant huit ans et deux mois d'emprisonnement pour le requérant et quatre ans pour la requérante. En outre, la mise à la disposition du Gouvernement pour une durée de cinq ans fut prononcée à l'encontre du requérant. Par arrêt du 8 janvier 1988, la Cour de cassation rejeta le pourvoi des requérants. Dans la mesure où les requérants se plaignaient du fait qu'à l'exception d'une seule, les perquisitions avaient été faites sans mandat et en leur absence, la cour répondit que l'arrêt attaqué précisait les dates des diverses ordonnances du juge d'instruction prescrivant les perquisitions, que la formalité prescrite par l'article 39 du code d'instruction criminelle relative à la présence du prévenu lors d'une perquisition ne l'était pas à peine de nullité et que de la seule circonstance qu'une perquisition avait été effectuée en présence d'un coinculpé, il ne saurait se déduire une violation du secret de l'instruction préparatoire ni des droits de défense des demandeurs. Examinant le moyen pris de la violation des articles 6 par. 3 b) et d) de la Convention, la Cour releva que le moyen ne précisait pas en quoi l'article 6 par. 3 b) aurait été violé et que l'article 6 par. 3 d) de la Convention ne privait pas le juge du fond du droit d'apprécier s'il y avait lieu de procéder à une instruction complémentaire ou si un témoin à charge ou à décharge devait encore être entendu pour former sa conviction. A cet égard, elle releva que la cour d'appel avait déclaré que la demande d'audition formulée par les requérants ne pouvait, à l'évidence, apporter d'éléments nouveaux à l'enquête. Sur le moyen pris de la violation des articles 5 par. 2 et 6 par. 3 a) de la Convention, la cour répondit qu'il ressortait des pièces auxquelles elle pouvait avoir égard que, dans les vingt-quatre heures de leur arrestation, un mandat d'arrêt avait été décerné contre les requérants et qu'ils avaient été informés par le juge d'instruction des raisons de leur arrestation et des accusations portées contre eux.
GRIEFS Les griefs des requérants peuvent se résumer comme suit :
1. Les requérants se plaignent d'une violation de l'article 5 par. 2 et de l'article 6 par. 3 a) de la Convention au motif qu'ils n'ont pas été mis au courant immédiatement des raisons de leur arrestation et des préventions mises à leur charge. En outre, compte tenu du fait qu'ils n'ont été interrogés qu'au début de l'instruction, ils n'ont pu prendre connaissance des préventions retenues à leur charge que lors de la signification de la citation devant le tribunal correctionnel.
2. Invoquant une violation des droits de la défense et en particulier de l'article 6 par. 3 b) de la Convention, les requérants se plaignent du fait qu'après le jour où ont été dressés les procès-verbaux actant leur refus de faire des déclarations, ils n'ont plus été interrogés pendant l'instruction. Ils se plaignent également que plusieurs perquisitions ont été effectuées et qu'outre le fait que ces perquisitions ont eu lieu sans mandat et en leur absence, l'une d'elles a été effectuée en présence d'un coinculpé. Ils voient dans ces circonstances autant d'éléments prouvant que l'instruction préparatoire a été menée uniquement à charge.
3. Ils allèguent que lesdites perquisitions constituent des ingérences dans leur droit au respect de leur vie privée, de leur domicile, y compris la camionnette du requérant, et de leur correspondance, ingérences non justifiées par l'article 8 de la Convention.
4. Les requérants, invoquant l'article 6 par. 3 d) de la Convention, se plaignent encore de la non-audition des témoins à décharge qu'ils avaient proposés. Ils se plaignent également du fait que lors de l'audience ils n'ont pu interroger les témoins à charge que pendant une heure.
5. Les requérants se plaignent également de la saisie de leurs bijoux, de leur revue intitulée "Sainte j'y touche", de leurs cassettes video ainsi que du contenu de leur boîte postale.
6. Invoquant l'article 3 de la Convention, la requérante se plaint également d'avoir fait l'objet de coups et blessures de la part d'un gendarme. A l'appui de leurs griefs, outre les dispositions de la Convention déjà citées, ils invoquent, sans autre précision, les articles 9, 10, 11, 13 et 14 de la Convention.
EN DROIT
1. Les requérants se plaignent d'une violation des articles 5 par. 2 (art. 5-2) et 6 par. 3 a) (art. 6-3-a) de la Convention au motif qu'ils n'ont pas été informés directement des raisons de leur arrestation pas plus qu'ils n'ont été tenus au courant des nouvelles préventions mises à leur charge au cours de l'instruction. La Commission rappelle que l'article 5 par. 2 (art. 5-2) de la Convention n'exige pas la communication du dossier complet (Cour eur. D.H., arrêt Lamy du 30 mars 1989, Série A n° 151, p. 17 par. 31) mais a pour but principal de fournir à la personne arrêtée suffisamment de renseignements pour permettre l'exercice du recours prévu à l'article 5 par. 4 (art. 5-4) (N° 9614/81, déc. 12.10.83, D.R. 34, p. 119). En l'espèce, il ressort des procès-verbaux d'interrogatoire dressés peu après l'arrestation des requérants et des mandats d'arrêt décernés contre eux le lendemain qu'ils ont été informés des raisons de leur privation de liberté. Il est vrai qu'au cours de l'instruction de nouvelles préventions ont été mises à charge des requérants, préventions qui ont été portées à leur connaissance lors de la signification de la citation à comparaître devant le tribunal correctionnel. Examinant le grief sous l'angle de l'article 6 par. 3 a) (art. 6-3-a) de la Convention, la Commission relève que les requérants ne contestent pas que les citations à comparaître qui leur ont été signifiées indiquaient tant la cause des accusations dirigées contre eux que la nature de celles-ci (voir notamment No 8490/79, déc. 12.3.81, D.R. n° 22 p. 150). Il ressort au contraire du dossier que les requérants étaient suffisamment informés des faits mis à leur charge pour préparer leur défense. Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. Les requérants se plaignent de l'absence d'interrogatoires et de confrontations avec les autres prévenus ainsi que de l'illégalité des perquisitions. Ils se plaignent d'une violation des droits de la défense et en particulier de l'article 6 par. 3 b) (art. 6-3-b) de la Convention. Aux termes de cette disposition "tout accusé a droit notamment à (...) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense". Examinant tout d'abord le grief sous l'angle de cette disposition, la Commission constate que les requérants n'ont pas démontré de quelle manière les perquisitions litigieuses, l'absence alléguée de confrontations et d'interrogatoires ont porté atteinte à leurs droits de défense et plus particulièrement en quoi leur droit de disposer de tous les éléments pertinents pour servir à se disculper ou à obtenir une atténuation de leurs peines a été méconnu. Au contraire, il ressort que les requérants, qui sont malvenus à se plaindre de ne pas avoir été interrogés puisqu'ils se sont refusés à toute déclaration, ont eu toute latitude de se défendre ainsi qu'en témoignent notamment leurs longues conclusions devant les instances de jugement. Par ailleurs, la Commission rappelle que "si la Convention garantit en son article 6 (art. 6) le droit à un procès équitable, elle ne réglemente pas pour autant l'admissibilité des preuves en tant que telle, matière qui dès lors relève au premier chef du droit interne." (Cour Eur. D.H., arrêt Schenck du 12 juillet 1988, série A n° 140, p. 29 par. 46). Il incombe donc uniquement à la Commission de rechercher si, compte tenu des circonstances de la cause, le procès a présenté dans l'ensemble un caractère équitable. Sur ce point, l'argumentation des requérants ne contient aucun élément pertinent mettant en cause l'équité du procès pris dans son ensemble. Il ne ressort d'aucune circonstance que l'instruction aurait été orientée dans le seul but d'établir la culpabilité des prévenus. Il s'ensuit que cet aspect de la requête doit être déclaré irrecevable pour défaut manifeste de fondement au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
3. Les requérants, invoquant l'article 6 par. 3 d) (art. 6-3-d) de la Convention, se plaignent également de la non-audition des témoins à décharge et de la brièveté de l'audition des témoins à charge. L'article 6 par. 3 d) (art. 6-3-d) de la Convention se lit ainsi : ... d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge". S'agissant de l'audition des témoins, il y a lieu d'opérer une distinction entre témoins à charge et à décharge. En ce qui concerne les premiers, un accusé doit en règle générale avoir la possibilité d'interroger un témoin à charge devant le juge du fond et au cours d'une audience contradictoire (voir, entre autres, Cour eur. D.H., arrêt Barbera et autres du 6 décembre 1988, série A n° 146, p. 31, par. 68 ; Isgró c/Italie, rapport Comm. 14.12.89, par. 51). Sur ce point, la Commission relève que, devant le tribunal correctionnel, les requérants ont eu la possibilité d'interroger les témoins à charge. En ce qui concerne les autres témoins, il incombe en principe au juge national de décider de la nécessité ou opportunité de citer un témoin et seules des circonstances exceptionnelles pourraient conduire les organes de la Convention à conclure à l'incompatibilité avec l'article 6 (art. 6) de la non-audition d'un témoin (Cour Eur. D.H., arrêt Bricmont du 7 juillet 1989, série A n° 158, par. 89). Il y a lieu de relever, en l'espèce, que les juridictions de jugement ont estimé qu'il n'était pas nécessaire de procéder à l'audition des témoins proposés par les requérants au motif que la plupart des témoins avaient déjà été entendus ou que leur audition ne pouvait apporter des éléments nouveaux. Par ailleurs, les requérants n'ont pas démontré en quoi l'audition des témoins en question aurait pu contribuer à la manifestation de la vérité. Il s'ensuit que le grief doit être déclaré irrecevable pour défaut manifeste de fondement au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
4. Les requérants se plaignent également d'une violation de leur droit au respect de leur vie privée, de leur domicile et de leur correspondance. En outre, ils se plaignent de la saisie de certains de leurs biens ainsi que des coups et blessures dont la requérante aurait fait l'objet. Toutefois, la Commission constate que les requérants n'ont formulé ni devant la cour d'appel ni devant la Cour de cassation les griefs qu'ils font valoir devant la Commission. Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être déclarée irrecevable au sens des articles 26 (art. 26) et 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention. Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 13908/88
Date de la décision : 04/04/1990
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : recevable (partiellement) ; irrecevable (partiellement)

Parties
Demandeurs : MEERSMAN ; DEPYPERE
Défendeurs : la BELGIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1990-04-04;13908.88 ?

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