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12/02/1992 | CEDH | N°14807/89

CEDH | AGROTEXIM ET AUTRES c. GRECE


APPLICA'I ION/REQUÊTE № Ï4807/89 AGROTEXiM HELLAS S A and others v/GREECE AGROTEXIM HELLAS S A et autres c/GRÈCE
DECISION of 12 February 1992 on the admissibrlit of the application DÉCISION du 12 février 1992 sur la recevabilité de la requête
Articles 6 and 13 of the Convention and Article 1 of the Urst Protocol Alleged infringement of the right to peaceful enjoyment of possessions due to a building prohibition and the institution of expropriation proceedings in respect of plots of land belonging to a company m nhuh the applicants are majont\ shareholders Allege

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APPLICA'I ION/REQUÊTE № Ï4807/89 AGROTEXiM HELLAS S A and others v/GREECE AGROTEXIM HELLAS S A et autres c/GRÈCE
DECISION of 12 February 1992 on the admissibrlit of the application DÉCISION du 12 février 1992 sur la recevabilité de la requête
Articles 6 and 13 of the Convention and Article 1 of the Urst Protocol Alleged infringement of the right to peaceful enjoyment of possessions due to a building prohibition and the institution of expropriation proceedings in respect of plots of land belonging to a company m nhuh the applicants are majont\ shareholders Alleged lack of access to a com t and of an effective remedy (Complaints declared admissible) Article 25, paragraph 1 of the Convention a) The word 'victim" in ihi context of Article 25. dénota the person directly affected by the act or omission W/IIL/I IS in issue b) A majoiity shareholdei may, under certain conditions, claim to be a victim of measures affecting the company s piopertv rights hi reaching the conclusion thai the applicants in this case can claim to be victims of a \iolation the Commission takes into account the fact thai thev hold the majority of the \haie\ in the company that ihi'\ have a direct inteiesi m the subject-matter of the application, that the company is m liquidation and subject to a special regime and ihat the company the direct i к Чт but under effective State control cannot reasonublv be expected itself to lodge an application with the Commission
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с) In imposing an obligation not to гшефге with the right of petition. Atticle 25 confers upon an applicant a right of a procedural nature which, m the same nov as the substantive i ighfs ipf out under Section I of the Convention and its Protocols, must be mteipreted as guaranteeing practical and effective rights as opposed to theoretical and dluso'y Article 26 of the Convention a) The exhaustion of domestic remedies rule requires the exhaustion of those remedies that are available and sufficient To be effective, a remedy must he capable of recnfving the situation complained of directly, and not meielv indirectly b) Where no domestic remedy is available the six month period runs from the act alleged lo constitute a violation of the Convention Where it concerns a continuing situation It runs fi от the end of the situation Competence ratione temporis The Commission is competent to examine complaints concerning events occuiiing before the entry into force of a declaration accepting the right of individual petition, to the extent that these events created a continuing situation still existing aftei the date in question However, the measures taken hejoie ihat date are themselves outside the Commission s competence ratione femporn
Articles 6 et 13 de la Con\ention et article 1 du Protocole additionnel Allégation d'aiieinie au droit au respect des biens en raison de l'interdiction de t onstruire et de l'ouvettured uneproceduied'expropriationconcetnantdes terrains d'une societedont les tequéiants sont actionnaues majoritaires Absence alléguée d'accès aux tribunaux et de recours effectif (G nef\ déclares recevabtes) Article 25, paragraphe 1, de la Convention a) Par «vu time» t'ai tide 25 désigne la personne directement concernée pai l'acte ou l'omission litigieux b) Un actionnaire majoritaiie peut, dans certains conditions, se prétendre victime de mesures affectant les droits patrimoniaux de la société Pour conclure qu'en l'espèce les requérants peuvent se prétenbre victimes d'une violation, la Commission tient compte du fait qu'ils détiennent la mujoi ité des parts de la société, qu'ils ont un intérêt direct dans l'objet de la requête que la société en voie de liquidation est soumise à un régime spécial et que la société, victime directe mais sous contiôle effectif de l'Etat, n'est pas susceptible d'introduire elle même une requête de\ant lu Commission
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с) En interdisant les ingeiencesdans l'exercice du droit de requête Г article 25 confère au requérant un droit de nature procédurale qui, a l'instar des droits matériels du Titre l de la Convention et des Protocoles, doit s'interpreter comme garantissant des droits concrets et effectifs, et non théoriques et illusoires Article 26 de la Convention a) La règle de l'épuisement des voies de recours internes exige Г épuisement des seuls recours accessibles et adéquats Pour être efficace un recours doit être capable de porter directement lemêde a ta situation critiquée et non seulement de façon détournée b) Lorsqu'd n'existe aucun recours en droit interne, le délai de sa mois court à partir de l'acte dont il est allégué qu'il viole la Convention S'd s'agit d'une situation continue, d court à paitir de la fin de celle ci Compétence ratione tempons La Commission est compétente pour examiner des gtiefs ayant trait à des eienements antérieurs à la prise d effet d'une declaration d'acceptation du recours indniduel. dans la mesure ou ceta ci créent une situation continue qui perdure aptes la date en question Toutefois les rrwsures prises avant cette date échappent i onime telle s à la competem e ratione tempori s de la Commission
THE FACTS
(français
voir p 159)
The facts of the case as submitted by the parties can be summarised a;, follows The applicant companies are shareholders of the company "Karolos Fix Brewery S A " registered in Athens They own 295,783 of the total 576,000 shares of the said company, i e 51 35 % In the proceedings before the Commission they were initially represented by Mr Prodromes Dagtoglou, Attorney at Law, and subsequendy by Mr Panagiotis Bermtsas, Attorney at Law In 1976 the Karolos Fix Brewery S A decided to negotiate development projects for two of it-s properties in Syngrou Avenue and Palission Road ш Athens where two of ILS discontinued factories were situated The company expected these projects to enable it to overcome ils financial difficulties The negotiations concerned in particular a project for building a complex of offices and shops on the Syngrou Avenue plot, which project appeared to be supported by the National Bank of Greece, a Statecontrolled bank and the main creditor of the company
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They are not in the public interest, they have no legal basis in Greek or international law and are, m any event, disproportionate to the possible aims pursued The applicants conclude that their rights under Article 1 of Protocol No 1 have been violated Moreover, they reiterate their complaints under Articles 6 and 13 of the ConvenUon The Commission has examined the parties' submissions and arguments It finds that the application raises complex issues of fact and law and that it cannot be regarded as manifestiy ill-founded The application must, therefore, be declared admissible, no other ground for declaring it inadmissible having been established For these reasons, the Commission, by majonty DECLARES THE APPLICATION ADMISSIBLE, without prejudging the merits
(TRADUCTION) EN FAIT Les faits de la cause, tels que les parties les ont exposés, peuvent se résumer comme suit Les sociétés requérantes sont actionnaires de la société «Karolos Fix Brewery S A », enregistrée à Athènes Elles possèdent 295 783 actions sur un total de 576 000, soit 51.35 % des parts de la société Dans la procédure devant la Commission, elles étaient représentées d'abord par M Prodromes Dagtoglou, avoué, puis par M Panapiûtis Bernitsas, avoue En 1976, la Karolos Fix Brewery S A décida de négocier des projets d'aménagement de deux de ses propriétés sises a Athènes, avenue Syngrou et rue Patission. sur l'emplacement de deux de ses brassenes abandonnées La société espérait que ces projets lui permettraient de surmonter ses difficultés financières Les négociations portaient notamment sur le projet de construction d'un ensemble de bureaux et boutiques sur U parcelle de l'avenue Syngrou projet que semblait soutenir la Banque nationale de Grèce, banque étatique et principale créancière de la société
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Le 9 septembre 1979, le conseil municipal d'Athènes (Dioïkitiko Symvoulio Dimou Athineon), pnt l'arrêté (praxi) d'urbanisme 595/1979, classant la propriété de la rue Patission futur parc public Une décision analogue fut prise le 28 avril 1980 (No 355/1980) concernant la propnété de l'avenue Syngrou Ces arrêtés eurent pour effet d'amener les entreprises négociant avec la société à se rétracter En outre, la Banque nationale de Grèce cessa de financer les projets de la société 1^ 22 février 1981, la municipalité d'Athènes occupa le site de l'avenue Syngrou et en fit un parc public Des panneaux furent apposés portant les mots «zone à exproprier» Des panneaux analogues furent placés uliérieurement sur le sue de la rue Patission La société en demanda en vain l'enlèvement Le maire d'Athènes déclara, dans des allocutions et devant la presse, que les panneaux soulignaient la volonté de la ville d'Athènes d'acquérir les terrains Sur demande de la société, le procureur près la cour d'appel d'Athènes (Eisageleas ton en Athinais Efeton) rendit une injonction provisoire sur l'occupation de la parcelle de l'avenue Syngrou, ordonnant le 3 novembre 1981 à la municipalité d'Athènes et à toute tierce partie de cesser d'occuper le site litigieux L'injonction n'eut aucun effet Ix 18 décembre 19S2, la société recourut contre le refus implicite de la municipalité de délivrer un permis de construire pour la propriété de la rue Patission Ce recours est pendant devant le Conseil d'Etat (Symvoulio tis Epikrateias) Les operations commerciales de la société continuèrent à décliner Le 10 août 1983, l'assemblée générale des actionnaires décida de dissoudre la société et nomma un liquidateur Les 8 août et 9 novembre 1983, la société, par l'intermédiaire du liquidateur nommé par l'assemblée générale des actionnaires, introduisit auprès du tribunal civil de première instance d'Athènes (Polymeles Protodikeio) deux actions contre l'Etat grec, la municipalité d'Athènes et le maire d'Athènes personnellement Elle réclamait indemnisation des dommages subis du fait des activités de la municipalité et des déclarations de son maire
Le 8 novembre 1983, le ministre de l'Economie nationale ordonna par décret No 1802/1983 la dissolution de la société conformément aux dispositions des articles 7 par 3 et 9 de la loi 1386/1983 sur les sociétés «en difficulté» Suite à cette décision, l'administration de la société fut reprise par l'organe étatique «Organisation pour le redressement des entreprises» («Organismes Anasyngrotissis Epicheinsseon», OAE) Le 28 juin 1984. deux liquidateurs furent nommés par decision (No 6552/1984) de la cour d'appel d'Athènes (Efeteio Alhinon), ils remplacèrent le liquidateur nommé par l'assemblée générale des actionnaires La cour constata notamment que, vu l'importance des biens de la société et le montant de ses dettes, la designation de deux liquidateurs 160
s'imposait, l'un pour la Banque nationale d'Athènes - principal créancier de la société et l'autre pour la société elle-même. La cour d'appel décida que les liquidateurs agiraient d'un commun accord Le 21 novembre 1983, le conseil municipal d'Athènes décida de maintenir ses projets sur le terrain de l'avenue Syngrou mais n'engagea aucune procédure d'expropnadon. Le 13 juillet 1984, le tribunal de première instance (Polymeles Protodikeio) d'Athènes rendit deux jugements (Nos 10848/1984 et 10849/1984) concernant les deux actions civiles introduites par la société en août et en novembre 1983 Le tribunal constata que les diverses actions reprochées ne pouvaient pas être considérées comme des actes définitifs de l'administration pouvant causer préjudice aux droits de propriété de la société. Les liquidateurs nommés le 28 juin 1984 n'engagèrent aucun recours contre les jugements rendus par le tribunal de première instance. Dans une interview publiée le 11 novembre 1985, le maire d'Athènes confirma que l'implantation et le maintien des panneaux marquaient bien la volonté de la ville d'acquérir ces terrains Le maire précisa que des représentants de sociétés étrangères avaient négocié des projets pour la construction d'un centre commercial polyvalent et demandé des permis de construire II avait refusé et la société Fix l'avait assigné personnellement en justice pour réclamer indemnisation du dommage subi Le 18 juillet 1986. deux des sociétés actionnaires requérantes, à savoir Texema S A et Kykiadiki S.A., convoquèrent tes liquidateurs pour prendre des mesures conservatoires de la valeur de leurs propriétés En mars 1988, une interdiction de construire concernant les propriétés de la société fut émise par le conseil administratif et publiée le 24 mars 1988 dans la Gazette officielle (Fek 254/td/24 3 88) Une décision ultérieure (No 1317/88) prévoyait l'ouverture d'une procédure d'expropriation Toutefois, le 26 septembre 1988. la préfecture d'Athènes (Nomarchia Athinon), organe de tutelle de la municipalité d'Athènes, déclara cette décision nulle et non avenue Le 8 juin 1988, les liquidateurs demandèrent à la municipalité d'enlever les panneaux Par lettre du 5 octobre 1988, le maire répondit en ces termes . «La municipalité d'Athènes cherche depuis des années à acquérir les zones oîi se trouvent d'anciennes usines pour les mettre à la disposition du public, au profit de la ville el de ses habitants C'est pour ces raisons que, depuis 1979, le conseil municipal a voté une série de résolutions.
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Cela étant, le désir de la municipalité d'Athènes d'acquérir et d'aménager les zones en question est manifeste et c'est ce même désir qu'indiquent les poteaux placés sur les terrains » Le 8 avnl 1989, les services de travaux publics de la municipalité d'Athènes occupèrent le terrain de la société rue Patission et abattirent les murs de l'ancienne usine Les liquidateurs demandèrent au procureur près le tnbunal d'Athènes d'ordonner des mesures provisoires interdisant l'occupation de la parcelle par la municipalité Le 9 mai 1989, le procureur ordonna à la municipalité de remettre le site en état et interdit toute autre intrusion Cette décision fut confirmée par le procureur près la cour d'appel le 22 novembre 1989 La situation demeura cependant inchangée Le 23 octobre 1989. la municipalité d'Athènes décida d'amender les projets d'urbanisme concernant la propriété de la rue Patission La décision y afférente fut publiée le 5 décembre 1989 dans la Gazette officielle S'agissant de la propriété de l'avenue Syngrou, la municipalité décida, outre l'amendement du projet d'urbanisme, d'exproprier ce terrain I a decision fut publiée dans la Gazette officielle le 9 novembre 1989 Par l'intermédiaire de ses liquidateurs, la société recourut au Conseil d'Etat contre les décisions concernant la propriété de l'avenue Syngrou Elle n'introduisit aucun recours contre U decision relative au terrain de la rue Patission Le 21 octobre 1991. la cour d'appel remplaça les deux liquidateurs par un troisième, représentant les intérêts de la Banque de Grèce
EN DROIT Les sociétés requérantes se plaignent, en leurqualité d'actionnaires de la Karolos Fix Brewery S A . que les différentes mesures prises par la municipalité d'Athènes constituent une ingérence dans leur droit au respect de leurs biens, contraire à l'article 1 du Protocole additionnel ainsi libellé 1 Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens Nul ne f)eut être prive de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international 2 Les dispositions précédentes ne portent pas atteintes au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens, conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes En outre, les requérantes allèguent que l'ordre juridique grec les empêche d'avoir accès à un tribunal pour obtenir la protection judiciaire de leurs droits d'actionnaires 162
Elles sont également privées de tout recours pour les actes ou omissions dont elles se plaignent et allèguent qu'ils ont entraîné violation des droits que leur garantit l'article 1 du Protocole additionnel Les requérantes invoquent à cet égard les articles 6 par 1 et 13 de la Convention I Sur la compétence ratione temporis de la Commission Le Gouvernement soutient en premier heu que les mesures dont les requérantes se plaignent ont été prises avant le 20 novembre 1985, date à laquelle a pris effet la compétence de la Commission pour examiner les requêtes individuelles contre la Grèce Il souligne notamment que la déclaration publique de l'intention par la municipalité d'expropner le terrain de la société Karolos Fix remonte à 1979 et que l'occupation d'une partie de la propriété de l'avenue Syngrou et l'implantation des poteaux litigieux ont eu lieu en 1981 Le Gouvernement soutient dès lorsque la requête est incompatible ratione tempons avec les dispositions de la Convention La Commission relève ce qui suit II est exact que les griefs des requérantes renvoient à une série de mesures datant de 1979 et 1981 Certaines des décisions ordonnant les mesures en question échappent en tant que telles à la compétence ratione tempons de la Commission puisqu'elles ont été prises avant la date susmentionnée La Commission relève toutefois que les mesures incriminées se sont poursuivies après le 20 novembre 1985 Elle souligne à cet égard que les requérantes ne se plaignent d'aucun effet «immédiat» de ces mesures sur leurs droits, mais d'une situation continue créée par lesdites mesures et qui perdure encore Du reste, les déclarations publiques faites à plusieurs reprises par la municipalité de son intention d'exproprier et de maintenir les poteaux portant l'indication «zone à exproprier», et l'occupation des parcelles sont intervenues ou ont persisté après le 20 novembre 1985 En conséquence, la Commission constate qu'elle a compétence pour examiner la requête et qu'elle doit a cet égard rejeter l'objection du Gouvernement 11 Sur le point de savoir si les requérantes peuvent se prétendre «victimes» d'une violation Le Gouvernement soutient que les sociétés requérantes ne peuvent pas se prétendre victimes des mesures qui affectent la Karolos Fix Brewery S A 11 fait remarquer qu'en effet les personnes physiques ou morales qui sont actionnaires de la société ne «possèdent» pas les biens de la société Karolos qui appartiennent et sont gérés par la société elle-même La personnalité juridique de la société étant clairement distincte de celle de ses actionnaires, il n'est pas possible de considérer que les mesures qui affectent prétendument les biens de la Karolos Fix Brewery S A affectent aussi les droits de propnété des actionnaires Que les intérêts des actionnaires puissent être affectés par la situation de la société ne permet pas à ces derniers de prétendre que leur 163
droit personnel de propriété a été directement atteint L'effet des mesures pnses concernant les biens de la société sur les droits des acdonnaires a un caractère indirect et éloigné et ne suffit pas à leur permettre de se prétendre «victimes» Le Gouvernement consute à cet égard que la junsprudence de la Commission indique manifestement que les actionnaires minoritaires ne peuvent pas se plaindre de mesures affectant la société En outre, les affaires dans lesquelles la situation d'une société a été prise en compte pour examiner ses conséquences sur les droits des actionnaires sont des affaires où les actionnaires requérants détenaient une majonté substantielle des parts et étaient également directeur et directeur général de la société. En l'espèce, les requérantes prises séparément sont des actionnaires minontaires et exclues de l'administration de la société depuis 1983. En outre, elles pouvaient en leur qualité d'actionnaires demander aux liquidateurs de la société de réagir aux diverses mesures dont elles se plaignent Elles prouvaient également introduire une action contre les liquidateurs dans la mesure oii leur prétendue inactivité aurait porté préjudice à leurs propres droits Ayant omis de le faire, les actionnaires ne sauraient prétendre avoir subi un dommage du fait des mesures décidées par la municipalité d'Athènes La dévaluation de leurs actions n'est d'ailleurs pas établie et à supposer même que cette dévaluation ait effectivement eu lieu, il n'est pas établi qu'elle ait été la conséquence des mesures incnminées Les requérantes soutiennent de leur côté que l'anicle 25 de la Convention, tel que les organes de la Convention l'ont lnteфгété. leur permet d'introduire une requête devant la Commission et de se plaindre des mesures pnses à l'encontre de la société. Elles insistent sur le fait qu'elles détiennent la majonté des action.s de Karolos Fix Brewery S.A . et qu'elles représentent les intérêts de cette société Les requérantes soulignent également que la société est en voie de liquidation et que sa personnalité juridique n'est maintenue qu'aux fins de mener à bien la dissolution Les droits des actionnaires sont par conséquent limités En outre, le régime spécial de liquidation auquel la société est soumis conduit à limiter encore davantage leurs droits. La Commission rappelle que par «victime» l'article 25 de la Convention désigne la personne directement concernée par l'acte ou l'omission litigieux (voir Cour eur D H., arrêt Eckie du 15 juillet 1982, série A n° 51. p 30. par 66) La Commission a déclaré qu'un actionnaire qui détenait une majorité substantielle des parts d'une société pouvait, dans certaines conditions, se prétendre victime de mesures affectant la société (No 1706/62, déc 4.10 66, Recueil 21 p 26 et No 7598/76, Kaplan c/Royaume Uni, rapport Comm 17 7 80, DR. 21 pp 5. 57) Dans l'affaire Yanow et autres (No 9266/81, déc 28 I 83. D R 30 pp. 155, 221), la Commission a déclaré que les requérants, qui ne détenaient ni la majorité ni une participation décisive dans la société en question, n'étaient pas directement et personnellement concernés par la nationalisation de la société, même si cette mesure diminuait indéniablement la valeur de leurs parts. Dans cette affaire, la Commission a estimé que les requérants ne pouvaient pas se prétendre victimes de la mesure de nationalisalion 164
La Commission estime que la question de savoir si un actionnaire peut se prétendre victime de mesures affectant une société ne peut pas être tranchée à partir du seul point de savoir si l'actionnaire détient la majorité des parts de la société. Cet élément est une indication objective et imprortante. mais d'autres éléments peuvent aussi être utiles compte tenu des circonstances de chaque affaire. A cet égard, la Commission rappelle avoir déjà tenu compte du fait qu'un requérant actionnaire gérait sa propre affaire par l'intermédiaire de la société et qu'il avait un intérêt personnel direct dans l'objet de la requête (voir requêtes susmentionnées Nos 1706/62 et 9266/81). La Commission a également examiné s'il était possible à la société elle-même, qui était la victime directe, d'introduire une requête devant la Conunission. En resp)èce, la Commission relève que si aucune des requérantes ne détient séparément la majorité des parts de la société, le groupje des sociétés requérantes détient quand même 51,35 % des parts de la Karolos Fix Brewery S. A U apparaît en outre que les sociétés requérantes ont un intérêt direct dans l'objet de la requête Au surplus, selon la Commission, le fait que la société soit en cours de liquidation et soumise au régime si)écial des entreprises en difficulté est particulièrement pertinent La Commission relève à cet égard que, suite à la décision du ministre compétent en 1983, la société a depuis lors été administrée d'abord par l'agence étatique OAE, ensuite par des liquidateurs, ce qui a mis fin aux droits des actionnaires de participer à l'administration et à la représentation de la société La Commission tient compte également du fait que l'un des deux liquidateurs initialement nommés par la cour d'ap[)el représentait les intérêts de la Banque nationale de Grèce, établissement contrôlé par l'Etat Elle relève également que, selon la décision rendue par la cour d'app)el, les deux liquidateurs devaient agir d'un commun accord. Enfin, la Commission constate que. depuis le 21 octobre 1991, la cour d'app)el a remplacé les deux liquidateurs par un troisième liquidateur unique, représentant les intérêts de la Banque nationale de Grèce La Commission constate que la société Karolos Fix Brewery S.A est depuis 1983 рюиг l'essentiel sous le contrôle effectif de l'Etat En conséquence, on ne pwut raisonnablement attendre de cette société qu'elle introduise une requête devant la Commission contre l'Etat grec Dans ces conditions, la Commission estime que les actionnaires requérantes sont autonsées, en levant le voile de la personnalité juridique de la société, à se prétendre, au sens de l'article 25 par 1 de la Convention, victimes des mesures affectant les biens de la société. La Commission rappelle à cet égard qu'il faut interpréter les droits maténels du Titre 1 de la Convention ou des Protocoles, mais aussi l'article 25 de la Convention - qui confère aux particuliers et aux organisations non gouvernementales un droit de nature procédurale - comme garantissant des droits concrets et effectifs et non théonques et illusoires (voir Cour eur D.H., arrêt Cnjz Varas et autres c/Suède du 20 mars 1991, série A n° 201, p 36, par 99) Il s'ensuit que l'objection soulevée à cet égard par le Gouvernement doit être rejetée.
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ill Sur les conditions posées par l'article 26 de la Convention Le Gouvernement objecte en outre que les requérantes n'ont pas épuisé les recours internes à leur disposition ni respecté la règle des six mois. Il soutient que leur requête doit en conséquence être déclarée irrecevable Le Gouvernement indique notamment qu'il est loisible à quiconque se prétend lésé par les actes ou omissions de la municipalité d'Athènes d'introduire un recours devant le tribunal administratif pour en demander l'annulation II est en outre possible à toute partie lésée de réclamer indemnisation du préjudice subi suite aux mesures incnminées 11 est aussi possible d'introduire, sur la base des dispositions pertinentes du Code civil, des actions devant les jundictions civiles pour exposer les atteintes alléguées aux droits de propriété de la société Le Gouvernement souligne qu'à diverses repnses, la société a recherché la protection de la justice C'est ainsi qu'en 1983, elle a réclamé une indemnisation pour les dommages dus aux agissements de la municipalité d'Athènes et en 1989, elle a cherché à faire annuler les décisions du conseil municipal modifiant le projet d'urbani.sme et prévoyant l'expropriation de son domaine de l'avenue Syngrou Ces actions n'ont toutefois pas été poursuivies ou sont encore en instance devant les tribunaux internes Le Gouvernement en conclut que les recours internes existant en droit grec n'ont pas été épuisés selon les principes de droit international généralement reconnus Le Gouvernement soutient en outre que les requérantes, en leur qualité d'actionnaires, pouvaient prendre diverses mesures, prévues par le droit sur les sociétés commerciales, pour obliger les liquidateurs à réagir aux mesures décidées par la municipalité d'Athènes Le Gouvernement renvoie notamment au fait qu'il était loisible aux actionnaires requérantes de demander à la cour d'appel de remplacer les liquidateurs qu'elles accusaient d'inactivité Enfin, le Gouvernement soutient qu'à supposer que soit constatée l'inexistence de recours contre les mesures incriminées, les griefs des requérantes, qui portent sur des actes ou des événements survenus plus de six mois avant l'introduction de la requête, doivent être déclarés frappés de tardiveté Les requérantes soutiennent de leur côté n'avoir eu aucun recours efficace à leur disposition en droit grec La Commission constate que le Gouvernement n'a pas montré que les requérantes prouvaient, en leur qualité d'actionnaires, exercer les droits de la Karolos Fix Brewery S.A et utiliser les recours que le droit grec mettait à disposition de ladite société, qui est la personne jundique directement concernée par les mesures litigieuses La Commission estime que, selon les principes de droil international généralement reconnus, elle ne doit pas prendre en considération des mesures qui n'étaient pas accessibles aux requérantes elle-mêmes
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La Commission constate en outre que les mesures que pouvaient prendre les actionnaires à l'encontre des liquidateurs ne sauraient passer pour des recours efficaces selon les principes de droit international généralement reconnus Elle rappelle en effet à cet égard que seuls doivent être considérés comme des recours efficaces les recours pouvant prorter remède à la situation cntiquée en assurant une protection directe et pas seulement détournée (No 10092/82, déc. 5 10.84, DR 40 p. 125). En l'espèce, aucune action contre les liquidateurs n'aurait permis de redresser directement la situation créée par les mesures décidées par la municipalité d'Athènes Enfin, la Commission a tenu compte aussi du fait que les décisions pnses par le procureur d'Athènes à l'encontre de la municipalité pour faire cesser les intrusions illicites sur le terrain en question sont demeurées inefficaces et inopérantes Il s'ensuit que les objections du Gouvernement quant à l'épuisement des recours internes doivent être rejetées. S'agissant de l'exception soulevée par le Gouvernement qu'une partie de la retjuête est tardive, la Commission renvoie aux considérants exposés sous (i) supra Elle rappelle que les gnefs des requérantes concernent une situation continue et qu'en pareil cas. le délai de six mois court à partir du moment oîi cette situation continue a pris fin (No 6852/74, déc. 5.12 78 D R 15 p 5) Compte tenu de ce que la situation dont se plaignent les requérantes persiste, la Commission estime qu'il lui faut rejeter l'exception soulevée par le Gouvernement IV Quant au bien fondé de la requête S'agissant du bien-fondé du grief des requérantes, le Gouvernement soutient qu'une procédure a été engagée pour exproprier le tenain de la Karolos Fix Brewery S A Tantque la procéduie n'est pas achevée, le terrain demeure propriété de la société En outre, le Gouvernement fait remarquer que les requérantes n'ont pas prouvé que l'éventuelle diminution de la valeur de leurs parts soit imputable aux mesures décidées par la municipalité d'Athènes Le Gouvernement en conclut que, dans ces conditions, on ne saurait constater une atteinte aux droits des requérantes Sur le bien fondé des gnefs tirés des articles 6 et 13 de la Convention, le Gouvernement nie que les requérantes aient été privées d'une protection judiciaire effective De leur côté, les requérantes soutiennent que les mesures dont elles se plaignent constituent des obstacles graves à l'exercice du droit au respect de leurs biens Lesdites mesures ne sont pas d'utilité publique, elles n'ont aucun fondement jundique. ni en droit grec ni en droit internalional. et sont de toute manière disproportionnées au but éventuellement visé
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Les requérantes estiment en conséquence qu'il y a eu violation des droits que leur garantit l'article 1 du Protocole additionnel. En outre, elles réitèrent leurs griefs au regard des articles 6 el 13 de la Convention. La Commission a examiné les arguments avancés par les parties Elle estime que la requête prose des questions complexes de fait et de droit et ne saurait dès lors être considérée comme mal fondée La requête doit par conséquent être déclarée recevable, aucun autre motif d'irrecevabilité n'ayant été établi Par ces motifs, la Commission, à la majorité, DÉCLARE LA REQUÊTE RECEVABLE. tous moyens de fond réservés
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Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 14807/89
Date de la décision : 12/02/1992
Type d'affaire : Décision
Type de recours : irrecevable (partiellement) ; recevable (partiellement)

Parties
Demandeurs : AGROTEXIM ET AUTRES
Défendeurs : GRECE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1992-02-12;14807.89 ?

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