La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/04/1992 | CEDH | N°17884/91

CEDH | M. contre la FRANCE


DEUXIEME CHAMBRE SUR LA RECEVABILITE de la requête No 17884/91 présentée par L.M. contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 1er avril 1992, en présence de MM. S. TRECHSEL, Président de la Deuxième Chambre G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.-C. SOYER H. G. SCHERMERS H. DANELI

US Mme G. H. THUNE MM. F. MAR...

DEUXIEME CHAMBRE SUR LA RECEVABILITE de la requête No 17884/91 présentée par L.M. contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 1er avril 1992, en présence de MM. S. TRECHSEL, Président de la Deuxième Chambre G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.-C. SOYER H. G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G. H. THUNE MM. F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS A.V. ALMEIDA RIBEIRO M. K. ROGGE, Secrétaire de la Deuxième Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 27 novembre 1990 par L.M. contre la France et enregistrée le 11 mars 1991 sous le No de dossier 17884/91 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant, de nationalité algérienne, né en 1966 en Algérie est arrivé à l'âge de six mois en France où il a passé toute sa vie jusqu'à son expulsion vers l'Algérie à une date non précisée. Devant la Commission, il est représenté par Me Tcholakian de Paris. Les faits de la cause, tels qu'exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit : Le 14 mars 1988, le ministre de l'Intérieur prit contre le requérant un arrêté d'expulsion en application de l'article 23 et suivants de l'ordonnance du 2 novembre 1945 telle que modifiée par la loi du 9 septembre 1986. L'arrêté d'expulsion se fondait sur le fait que le requérant avait commis le 23 mai 1984 un vol avec effraction et le 22 mai 1986 une tentative de vol avec violences et que dès lors sa présence sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public. Estimant que l'application de la Loi de 1986 constituait une violation du principe constitutionnel de la non-rétroactivité des lois pénales et invoquant entre autres l'article 7 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, le requérant présenta un recours en annulation pour excès de pouvoir contre l'arrêté d'expulsion devant le tribunal administratif de Paris. Par jugement rendu le 20 décembre 1988, le tribunal administratif rejeta le recours en considérant que l'expulsion n'avait pas le caractère d'une sanction, mais d'une mesure de police exclusivement destinée à protéger l'ordre et la sécurité publics. Le recours devant le Conseil d'Etat fut rejeté par arrêt du 12 novembre 1990. Par ailleurs, poursuivi pour infraction à arrêté d'expulsion, le requérant fut condamné par le tribunal correctionnel de Créteil à une peine de trois mois d'emprisonnement, jugement confirmé par la cour d'appel de Paris par arrêt du 20 juin 1988. Invoquant notamment l'article 7 de la Convention, le requérant se pourvut en cassation. Par arrêt du 18 mai 1989, la Cour de cassation fit droit à cette demande et cassa l'arrêt de la cour de Paris. Sur renvoi, la cour d'appel d'Orléans, par arrêt du 15 mai 1990, déclara illégal l'arrêté d'expulsion et relaxa le requérant au motif que l'arrêté d'expulsion constituait une sanction ayant le caractère d'une punition, et que ce faisant le ministre de l'Intérieur ne pouvait prendre, sans violer le principe de la non-rétroactivité des lois pénales, un arrêté d'expulsion en se référant à la loi du 9 septembre 1986. - 3 - 17884/91 En dernier lieu, le requérant saisit le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris en lui demandant, en sa qualité de juge judiciaire garant des libertés individuelles aux termes de la Constitution, de le placer sous protection de justice. L'Etat français s'opposa à cette demande. Par ordonnance du 12 décembre 1990, le juge des référés estima que le requérant "était fondé à interroger l'administration compétente sur les mesures qu'elle compte prendre à son égard, eu égard à la situation juridique nouvelle qui est née des solutions divergentes adoptées par les plus hautes juridictions de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire". Comme suite à cette décision, le Préfet de police de Paris prit en date du 28 décembre 1990 un arrêté de conflit et l'affaire fut déférée au Tribunal des conflits où l'instance est toujours pendante. Cet arrêté de conflit conduisit par ailleurs le juge des référés à rendre une ordonnance le 9 janvier 1991 suspendant la procédure. Expulsé une première fois de France dans le courant de l'année 1988, le requérant est revenu sur le territoire français dans le courant de l'année 1989 pour être à nouveau expulsé le 24 juillet 1991 vers l'Algérie.
GRIEFS Le requérant estime qu'en se référant à la loi du 9 septembre 1986 pour justifier l'arrêté d'expulsion, la décision d'expulsion du ministre de l'Intérieur a violé l'article 7 de la Convention. Le requérant se plaint également que la décision d'expulsion le prive de la faculté de mener une vie familiale normale en France et ce au mépris du droit au respect de sa vie familiale prévu par l'article 8 de la Convention.
EN DROIT
1. Le requérant estime qu'en se fondant sur la loi du 9 septembre 1986 pour justifier l'arrêté d'expulsion, la décision du ministre de l'Intérieur a violé le principe de la non-rétroactivité des lois pénales plus sévères énoncé par l'article 7 (art. 7) de la Convention qui se lit comme suit : "1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. 2. Le présent article ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d'une personne coupable d'une action ou d'une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d'après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées." La Commission relève tout d'abord qu'au moment où les infractions furent commises, la loi française interdisait l'expulsion des étrangers résidant habituellement en France depuis qu'ils avaient atteint l'âge de dix ans, depuis plus de quinze ans ou qui n'avaient pas été condamnés définitivement à une peine au moins égale à un an d'emprisonnement sans sursis ou bien à plusieurs peines d'emprisonnement sans sursis au moins égales. Ces dispositions furent modifiées par la loi du 9 septembre 1986 et c'est sur le fondement des dispositions modifiées que le requérant a été expulsé.
17884/91 - 4 - La Commission constate qu'après avoir fait l'objet de décisions contradictoires des plus hautes juridictions françaises tant de l'ordre judiciaire qu'administratif quant à la légalité de l'arrêté d'expulsion, le requérant a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris en lui demandant, en sa qualité de juge judiciaire garant des libertés individuelles, de le placer sous protection de justice. Elle note que par décision du 12 décembre 1990, le juge des référés estima que celui-ci était fondé à interroger l'administration compétente sur les mesures qu'elle comptait prendre à son égard, au vu de la situation juridique engendrée par les solutions divergentes adoptées par les plus hautes juridictions de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire. Elle relève enfin que, comme suite à cette décision, le préfet de Paris a pris en date du 28 décembre 1990 un arrêté de conflit et que le dossier a été déféré au Tribunal des conflits où l'instance est toujours pendante. Compte tenu du fait que la procédure litigieuse est toujours pendante devant le Tribunal des conflits, la Commission considère que cette partie de la requête apparaît comme étant prématurée et doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes, conformément aux articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la Convention.
2. Le requérant fait valoir qu'étant arrivé très jeune en France où vit toute sa famille, son expulsion le prive de la faculté de mener une vie familiale normale et ce au mépris du droit au respect de la vie familiale proclamé par l'article 8 (art. 8) de la Convention. Cette disposition est libellée ainsi : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui." La Commission n'est toutefois pas appelée à se prononcer sur la question de savoir si les faits présentés par le requérant révèlent l'apparence d'une violation de la Convention. Le requérant a, en effet, omis de soulever expressément ou même en substance dans le cadre des procédures devant la Cour de cassation et le Conseil d'Etat le grief qu'il présente maintenant à la Commission et n'a, dès lors, pas satisfait à la condition de l'épuisement des voies de recours internes, conformément à l'article 26 (art. 26) de la Convention. Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention. Par ces motifs, la Commission à la majorité DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire de la Le Président de la Deuxième Chambre Deuxième Chambre (K. ROGGE) (S. TRECHSEL)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 17884/91
Date de la décision : 01/04/1992
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Partiellement recevable

Analyses

(Art. 6-1) DELAI RAISONNABLE


Parties
Demandeurs : M.
Défendeurs : la FRANCE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1992-04-01;17884.91 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award