La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/1992 | CEDH | N°14938/89

CEDH | SCHERTENLEIB contre la SUISSE


DEUXIEME CHAMBRE SUR LA RECEVABILITE de la requête No 14938/89 présentée par Francis SCHERTENLEIB contre la Suisse __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 1er juillet 1992 en présence de MM. G. JÖRUNDSSON, Président en exercice de la Deuxième Chambre S. TRECHSEL A. WEITZEL J.-C. SOYER

H. G. SCHERMERS H. D...

DEUXIEME CHAMBRE SUR LA RECEVABILITE de la requête No 14938/89 présentée par Francis SCHERTENLEIB contre la Suisse __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 1er juillet 1992 en présence de MM. G. JÖRUNDSSON, Président en exercice de la Deuxième Chambre S. TRECHSEL A. WEITZEL J.-C. SOYER H. G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G. H. THUNE MM. F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M. K. ROGGE, Secrétaire de la Deuxième Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 20 mars 1989 par Francis SCHERTENLEIB contre la Suisse et enregistrée le 25 avril 1989 sous le No de dossier 14938/89 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent être résumés comme suit. Le requérant a la double nationalité suisse et française. Il est né en 1939 et exerce la profession d'avocat. Il réside en France. La requête concerne une procédure pénale diligentée contre le requérant en Suisse de divers chefs d'accusation liés à son activité relative à la liquidation de la société genevoise ICT Incorporated SA. En octobre 1976, plusieurs plaintes pénales ont été déposées contre le requérant et le liquidateur de la société susmentionnée par le dirigeant de cette société ainsi que par la société Wall Street Fund Ltd Bahamas qui estimaient que le requérant s'était rendu coupable, à leur détriment, notamment d'extorsion, de gestion déloyale et d'abus de confiance. Le 27 octobre 1976, le requérant a été informé qu'une information pénale était ouverte contre lui. Le requérant a été entendu par le juge d'instruction le 6 décembre 1976. Il a été arrêté le 24 mars 1977 et inculpé le lendemain. Le 22 août 1978, le requérant a introduit devant la Commission la requête N° 8339/78. Il a fait valoir que sa détention était contraire à l'article 5 par. 1 de la Convention ; que la durée de sa détention provisoire était excessive et donc contraire à l'article 5 par. 3 ; que la durée de la procédure diligentée à son encontre excédait le "délai raisonnable" au sens de l'article 6 par. 1 de la Convention ; qu'enfin ses droits de défense, garantis à l'article 6 par. 2 et 3 de la Convention, étaient violés. Le 12 juillet 1979, la Commission a déclaré recevables les griefs portant sur la durée de la détention et la durée de la procédure. Elle a déclaré la requête irrecevable pour le surplus. Dans son Rapport du 11 décembre 1980, elle a exprimé l'avis qu'il n'y avait pas eu violation de l'article 5 par. 3 de la Convention du fait de la durée de la détention provisoire du requérant, ni violation de l'article 6 par. 1 de la Convention du fait de la durée de la procédure. Dans sa résolution DH(81)9, adoptée le 1er juillet 1981, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, statuant en vertu de l'article 32 de la Convention, a fait sien l'avis exprimé par la Commission et décidé qu'il n'y avait pas eu violation de la Convention dans l'affaire. Entre-temps, le 28 mai 1979, le requérant a été renvoyé en jugement devant la cour d'assises du canton de Genève par ordonnance de la chambre d'accusation de Genève. Le requérant a obtenu un non-lieu pour une accusation d'escroquerie. Le 17 octobre 1979, le requérant a été mis en liberté provisoire sous caution de 500.000 FS. Le 3 septembre 1979, le requérant a déposé un mémoire devant la cour d'assises après avoir obtenu une prolongation de deux mois environ du délai initialement fixé. Le procureur général du canton de Genève a déposé son mémoire le 31 janvier 1980, après avoir, lui aussi, obtenu une prolongation de trois mois du délai pour le dépôt. L'affaire a été plaidée le 20 novembre 1980. Le 28 juillet 1981, la Cour de cassation du canton de Genève, saisie d'un recours dirigé contre l'ordonnance de renvoi en cour d'assises, a écarté certaines accusations, notamment celles de délit manqué d'entrave à l'action pénale, d'instigation à la banqueroute et d'extorsion. Le renvoi a été maintenu pour abus de confiance, faux et usage de faux ainsi que pour gestion déloyale. Le 10 mars 1982, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable un recours de droit public dirigé contre l'arrêt susmentionné de la Cour de cassation. Le 21 décembre 1982, la cour d'assises du canton de Genève a reconnu le requérant coupable d'abus de confiance qualifié, portant sur trois montants, à savoir 549 515 FS, 750 000 FS et 191 744,30 FS. Elle a déclaré le requérant coupable de faux et usage de faux. Elle a, en outre, prononcé l'absolution du requérant pour ce qui concernait l'accusation de gestion déloyale. La cour d'assises a prononcé à l'encontre du requérant la peine de huit ans de réclusion et l'interdiction de l'exercice de la profession d'avocat pour une durée de cinq ans. Le requérant s'est pourvu en cassation. Il a déposé un mémoire le 11 mars 1983 après avoir obtenu une prorogation de trois mois du délai pour ce dépôt. Le procureur général du canton de Genève a déposé son mémoire le 20 mai 1983. Le 1er décembre 1983, la Cour de cassation a tenu une audience dans cette affaire. Le 21 mai 1984, la Cour de cassation du canton de Genève a rejeté un recours du requérant dirigé contre l'arrêt de la cour d'assises. Elle a cependant réduit le séquestre et l'émolument de justice prononcé. Le requérant s'est pourvu en nullité devant le Tribunal fédéral. Le 4 octobre 1985, le Tribunal fédéral a considéré que, faute de constatations de fait sur l'individualisation du montant de 750 000 FS, l'arrêt du 21 mai 1984 de la dernière instance cantonale devait être annulé sur ce point. Le pourvoi a été partiellement admis, dans la mesure où il était recevable, et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour déterminer si les 750 000 FS étaient entrés par mélange ou non dans la propriété du recourant. Par ailleurs, le Tribunal fédéral a estimé que l'acquittemement et non l'absolution du chef de gestion déloyale devait être prononcé. La condamnation du chef des autres infractions (deux abus de confiance, faux et usage de faux) n'a pas été remis en cause par le Tribunal fédéral. Contre le même arrêt cantonal et contre l'arrêt de la cour d'assises, le requérant avait également formé un recours de droit public, qui a été rejeté par le Tribunal fédéral le 4 octobre 1985, dans la mesure où il était recevable. Les considérants des deux arrêts du Tribunal fédéral rendus le 4 octobre 1985 ont été adressés aux parties le 12 février 1986. L'affaire a été renvoyée à la Cour de cassation cantonale. La date de l'audience a été fixée au 24 juin puis, sur demande du requérant, au 9 septembre 1986. A la veille de cette audience le requérant a récusé le procureur général. Sa récusation a été admise le 30 septembre 1986. L'affaire a été plaidée le 4 décembre 1986. Le 25 février 1987, la Cour de cassation du canton de Genève a renvoyé la cause à la cour d'assises cantonale. Le requérant a recouru contre cet arrêt devant le Tribunal fédéral. Il a soutenu que la Cour de cassation aurait dû prononcer son acquittement des accusations de gestion déloyale et d'abus de confiance. Ce recours a été rejeté le 28 avril 1987. Le 29 janvier 1988, le plenum de la cour de justice du canton de Genève a rejeté la demande de récusation du président de la cour d'assises que le requérant avait formée le même jour. Cette décision a été confirmée par arrêt du 7 juillet 1988 du Tribunal fédéral. L'audience s'est tenue le 1er février 1988. Le jour de l'audience le requérant a demandé que l'affaire soit renvoyée en juin 1988. Cette demande a été rejetée. En outre, le requérant a recouru, le 13 janvier 1988, au Tribunal fédéral à l'encontre de la liste de questions rédigées par le Président et soumises au jury. Le recours a été rejeté le 3 février 1988. Le 2 février 1988, la cour d'assises a prononcé l'acquittement du requérant de la prévention d'abus de confiance qualifié portant sur le montant de 750 000 FS. Elle a de plus constaté que l'accusé avait été reconnu coupable d'abus de confiance qualifié à concurrence des montants de 549 515 FS et 191 744,30 FS ainsi que de quatre infractions de faux dans les titres et d'usage de faux, qu'il n'était pas coupable de gestion déloyale et qu'il avait commis les abus de confiance dans l'exercice de la profession d'avocat. Cette juridiction a ajouté que : " ..., si le jury avait dû statuer à ce jour sur les infractions dont l'accusé s'est rendu coupable, il aurait vraisemblablement admis la circonstance atténuante du temps relativement long, Qu'il convient donc de prendre en considération dans une mesure importante d'ancienneté des infractions qui remontent à plus de quatorze ans." La cour d'assises a condamné le requérant à une peine de cinq ans de réclusion, sous déduction de la détention préventive subie, et lui a interdit l'exercice de la profession d'avocat pour une durée de quatre ans. Le 27 juin 1988, la Cour de cassation de Genève a confirmé l'arrêt de la cour d'assises du 2 février 1988. Le requérant a introduit devant le Tribunal fédéral un recours de droit public et un recours en nullité dirigés contre les décisions cantonales. Dans son recours de droit public, il a invoqué les articles 6 et 7 de la Convention. Il a soutenu notamment qu'il y a eu dépassement du délai raisonnable prévu à l'article 6 par. 1 de la Convention et a demandé une réparation du préjudice subi de ce fait. Il a en particulier demandé l'annulation de l'interdiction d'exercer la profession d'avocat, l'arrêt des poursuites et la libération de la caution de 500 000 FS. Dans son arrêt du 14 novembre 1988, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevables les conclusions du requérant tendant à son acquittement ou à la libération de la caution. Il a, en outre, déclaré irrecevable un grief selon lequel les dispositions du droit fédéral sur la prescription seraient contraires aux articles 6 et 7 de la Convention. S'agissant du grief du requérant tiré de la durée de la procédure, le Tribunal fédéral a estimé ce qui suit : "... On ne voit pas en quoi l'annulation de la décision attaquée donnerait satisfaction à la défense ; cela aurait pour seul effet de prolonger la procédure pénale dont le condamné dénonce la durée, déjà exagérée à ses yeux. On pourrait certes imaginer que le Tribunal fédéral ordonne, par des injonctions, à l'autorité cantonale d'agir plus rapidement. Mais cela ne changerait rien en l'espèce puisque l'on se trouve précisément au stade où, sur le plan cantonal, la procédure pénale est terminée ; la déclaration de culpabilité et la peine ont été fixées. Sous cet angle, faute d'un intérêt actuel et pratique juridiquement protégé, les conclusions du recourant sont irrecevables. Certes, si l'on admettait que le retard allégué était injustififé, pourrait se poser la question d'une réparation pour acte illicite de l'Etat. Il s'agirait alors d'une action en responsabilité contre la collectivité publique dont les autorités judiciaires ont tardé. Le Tribunal fédéral ne saurait être saisi, en instance unique, d'un recours de droit public portant sur une telle action." Toutefois, selon le Tribunal fédéral "ces questions de recevabilité (pouvaient) demeurer indécises puisque le retard allégué (n'était) pas injustifié ni déraisonnable." Pour arriver à cette conclusion, le Tribunal fédéral, se référant au Rapport de la Commission du 11 décembre 1980, a constaté que le dossier pénal comptait plus de 4700 pièces à la fin de l'instruction, soit 13 classeurs ainsi que 11 classeurs de documents. Il s'agissait d'une affaire financière compliquée posant des problèmes difficiles aux magistrats de la poursuite, de l'instruction et du jugement. Par ailleurs, la manière dont l'affaire a été traitée par les autorités genevoises apparaissait, selon le Tribunal fédéral, comme "soutenable, compte tenu de la difficulté du cas et des nombreux recours formés par l'accusé". Quant au comportement du requérant, le Tribunal fédéral a révélé ce qui suit : "Sans compter le recours de droit public examiné ici, le Tribunal fédéral a dû rendre 14 décisions dans cette affaire à compter du mois d'août 1978. Hormis deux cas d'admission partielle, le recourant a toujours succombé. Il faut souligner aussi que 13 de ces 14 arrêts concernent des recours de droit public, voie réservée aux violations des droits constitutionnels ou conventionnels. On distingue un seul pourvoi en nullité pour violation du droit pénal (arrêt du 4 octobre 1985). Il convient de préciser que, saisie d'un recours de droit public, la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral agit en tant que tribunal constitutionnel. En outre, le requérant a fait appel à plusieurs avocats successifs. Des énumérations qui précèdent l'attitude délibérément dilatoire du recourant ressort avec clarté." Le Tribunal fédéral a conclu comme suit : "La manière d'agir des autorités judiciaires genevoises, souvent retardées par les démarches mal fondées du recourant, ne peut être incriminée. Celui-ci se prévaut aujourd'hui de l'article 6 par. 1 (de la Convention) alors qu'il aurait eu des moyens de faire accélérer la procédure s'il avait estimé que les autorités manquaient de diligence. Au contraire, surtout depuis l'admission partielle du 4 octobre 1985 de son pourvoi en nullité au Tribunal fédéral, il a utilisé tous les procédés pour atteindre la prescription. Cette manière d'une part de retarder la procédure et d'autre part de se plaindre d'un retard est incompatible avec le principe de la bonne foi. Ainsi, ce moyen tiré d'une violation de l'article 6 par. 1 (de la Convention) doit être rejeté. La durée de la procédure même si elle peut apparaître longue n'est nullement injustifiée ni déraisonnable dans de telles circonstances. Le moyen tiré d'une violation de l'article 7 (de la Convention) doit être rejeté car il repose sur l'existence alléguée d'un délai excédant le raisonnable ; or, on vient de voir qu'il n'en était rien." Le 14 novembre 1988, le Tribunal fédéral a rejeté, par ailleurs, le pourvoi en nullité introduit par le requérant. Ces arrêts ont été notifiés au requérant le 9 janvier 1989.
GRIEFS
1. Le requérant se plaint de la durée de la procédure pénale en cause. Selon lui cette procédure a duré, pour le moins, 11 ans, 7 mois et 16 jours. Il allègue de ce fait une violation de l'article 6 par. 1 de la Convention. Le requérant précise sur ce point qu'il a soulevé ce grief devant toutes les autorités saisies de son affaire depuis 1982. Il soutient, par ailleurs, que contrairement aux estimations du Tribunal fédéral, les recours qu'il a exercés n'étaient aucunement dilatoires et souligne qu'il a pu obtenir à chaque stade de la procédure des résultats positifs. Il en conclut que c'était à juste titre qu'il a exercé les recours qui lui étaient ouverts pour se défendre. Enfin, le requérant précise qu'il a un intérêt à ce que la violation de son droit à être jugé dans un délai raisonnable soit constatée et reconnue, explicitement ou en substance, et qu'elle soit réparée. Or, selon lui, ni la constatation de la violation ni la réparation du préjudice subi ne sont possibles en droit suisse. A cet égard, il souligne que l'arrêt des poursuites, qui pourrait constituer une réparation, n'est pas connu du droit suisse et ne peut être ordonné par le Tribunal fédéral.
2. Par ailleurs, le requérant se plaint de la non-application des dispositions nationales sur la prescription dans son affaire. Il développe sur ce point l'argumentation selon laquelle l'article 72 du Code pénal suisse prévoyant la prescription des infractions dont il a été accusé dans un délai de 15 ans est contraire à l'article 6 par. 1 de la Convention, car 15 ans de procédure ne sont guère concevables dans l'ordre juridique de la Convention. En conséquence, à la place de l'article 72 il échet d'appliquer l'article 70 du Code pénal prévoyant la prescription des infractions en question dans un délai de 10 ans. De l'avis du requérant, sa condamnation méconnaît cette disposition et par conséquent l'article 7 de la Convention qui interdit la condamnation pour des faits prescrits.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION La requête a été introduite le 20 mars 1989 et enregistrée le 25 avril 1989. Le 5 novembre 1990, la Commission a décidé de porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur et de l'inviter à présenter, dans un délai échéant le 1er février 1991, par écrit, ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête. Après avoir obtenu une prorogation du délai mentionné, le Gouvernement a présenté ses observations le 28 février 1991. Le requérant a présenté ses observations en réponse le 17 avril 1991.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint que la procédure pénale engagée contre lui a excédé le délai raisonnable prévu à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. L'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention dispose : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ... dans un délai raisonnable, par un tribunal ... qui décidera ... du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle". La Commission a déjà précisé, dans sa décision sur la recevabilité de la première requête du requérant relative à la procédure pénale en cause, que cette procédure a débuté le 27 octobre 1976, lorsque le requérant a été informé qu'une information pénale était ouverte contre lui (No 8339/78, déc. 12.7.1979, D.R. 17 p. 180). Elle s'est achevée par les deux arrêts du 14 novembre 1988 du Tribunal fédéral rejetant le pourvoi en nullité et le recours de droit public du requérant. La période à considérer en l'espèce est donc de 12 ans et 18 jours. Le caractère raisonnable de la durée d'une procédure doit s'apprécier suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence des organes de la Convention (voir par exemple Cour Eur. D.H., arrêt Lechner et Hess du 24 avril 1987, série A n° 118, p. 16, par. 60 et suivants). Il échet de tenir compte de la complexité de l'affaire, du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes (voir Cour Eur. D.H., arrêt Eckle du 15 juillet 1982, série A n° 51, p. 35, par. 80). Le Gouvernement conclut à l'absence de violation de la Convention. Il expose en effet, d'une part, que l'affaire était complexe et, d'autre part, que c'est le comportement du requérant qui est à l'origine du fait que la procédure a duré plus que 12 ans. Le Gouvernement reproche sur ce point au requérant d'avoir introduit plusieurs recours n'ayant aucune chance d'aboutir. Le requérant conteste que l'affaire ait été complexe. Il souligne, en outre, que les recours qu'il a exercés ont pour la plupart abouti, ne fût-ce que partiellement. La Commission observe que la matière des délits financiers, dont le requérant était accusé, présente une complexité particulière, complexité qu'elle avait déjà relevée lors de l'examen de la première requête du requérant. Par ailleurs, la Commission relève que de nombreux recours ont été introduits par le requérant. Si l'on ne saurait faire grief à celui-ci d'avoir exploité les possibilités de recours que lui offrait le droit national, il n'en reste pas moins que l'introduction de ces recours a, sans doute, été de nature à prolonger la procédure. En ce qui concerne le comportement des autorités judiciaires, la Commission note ce qui suit : Le requérant ne soutient pas qu'il existe des périodes d'inactivité imputables à ces autorités mais il se borne, pour l'essentiel, à soutenir que son propre comportement était justifié pour la présentation de sa défense. Selon le Gouvernement défendeur, les juridictions saisies de l'affaire se sont montrées soucieuses de réduire la durée de la procédure en question. La Commission a examiné la chronologie des diverses étapes de la procédure litigieuse. Elle constate que cet examen n'a pas révélé l'existence de périodes d'inactivité des juridictions mises en cause. Certes, prise dans son ensemble, la durée de la procédure en question est considérable et apparaît à première vue critiquable. Cependant, compte tenu de la complexité des questions que les juridictions cantonales et fédérales ont dû trancher et du nombre de recours sur lesquels elles ont dû se prononcer, leur comportement n'a pas ralenti la marche du procès et ne saurait être considéré comme ayant indûment prolongé la procédure. La Commission rappelle, sur ce point, que seules les lenteurs imputables à l'Etat peuvent amener à conclure à l'inobservation du "délai raisonnable". Or, l'examen de la cause n'a pas permis de constater des retards imputables aux autorités judiciaires et engageant la responsabilité de l'Etat défendeur sur le terrain de la disposition invoquée. Il s'ensuit qu'aucune atteinte au droit du requérant à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable ne peut être décelée en l'espèce et que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. Le requérant se plaint en outre, invoquant l'article 7 (art. 7) de la Convention, qu'il a été condamné pour des infractions qui auraient dû être considérées comme prescrites. Le requérant argue que, pour être compatible avec les exigences de l'article 6 (art. 6) de la Convention quant au "délai raisonnable" d'une procédure pénale, le droit national aurait dû prévoir la prescription des infractions dont il était accusé en dix ans. La Commission ne suit aucunement cette argumentation du requérant. Elle estime qu'on ne saurait déduire des articles 6 et 7 (art. 6, 7) de la Convention, pris isolément ou combinés, une obligation pour les Etats contractants de prévoir la prescription de certaines infractions dans un délai déterminé. Aucune violation de la Convention ne peut, dès lors, être décelée sur le point considéré. Il s'ensuit que cette partie de la requête est également manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission à la majorité DECLARE IRRECEVABLE le grief tiré du requérant tiré de la durée de la procédure en cause DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus. Le Secrétaire de la Le Président en exercice de la Deuxième Chambre Deuxième Chambre (K. ROGGE) (G. JÖRUNDSSON)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 14938/89
Date de la décision : 01/07/1992
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : irrecevable (partiellement) ; recevable (partiellement)

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION, (Art. 10-2) INGERENCE, (Art. 10-2) PREVUE PAR LA LOI, (Art. 10-2) PROTECTION DE LA REPUTATION D'AUTRUI


Parties
Demandeurs : SCHERTENLEIB
Défendeurs : la SUISSE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1992-07-01;14938.89 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award