La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/04/1994 | CEDH | N°21843/93

CEDH | SCHMITT contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITÉ de la requête No 21843/93 présentée par Michel SCHMITT contre la France La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 5 avril 1994 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président S. TRECHSEL A. WEITZEL F. ERMACORA E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G.H. THUNE M. F. MARTINEZ Mme J. LIDDY MM. L. LOUCAIDES J

.-C. GEUS M.P. PELLONPÄÄ M.A. NOWICKI ...

SUR LA RECEVABILITÉ de la requête No 21843/93 présentée par Michel SCHMITT contre la France La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 5 avril 1994 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président S. TRECHSEL A. WEITZEL F. ERMACORA E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G.H. THUNE M. F. MARTINEZ Mme J. LIDDY MM. L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.P. PELLONPÄÄ M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO B. CONFORTI N. BRATZA I. BÉKÉS J. MUCHA E. KONSTANTINOV D. SVÁBY M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 18 mars 1990 par Michel SCHMITT contre la France et enregistrée le 13 mai 1993 sous le No de dossier 21843/93 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant, né en 1957 à Metz, est sans profession. Il est actuellement détenu à la maison d'arrêt de Fresnes. Les faits, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit. Le 8 septembre 1988, le requérant fut interpellé par la police dans le cadre d'une enquête portant sur un meurtre, plusieurs vols à main armée et un viol collectif commis en août 1988 dans le sud-est de la France par trois hommes circulant dans un véhicule rouge de type 205 Peugeot. Le 10 septembre 1988, il fut inculpé de vol, vol à main armée, meurtre et dégradations volontaires et placé en détention provisoire. Des reconstitutions et transports sur les lieux furent organisés les 14 décembre 1988, 27 janvier, 2 février et 21 juin 1989. Au cours de cette dernière reconstitution, les inculpés, dont le requérant, refusèrent de descendre du fourgon de gendarmerie où ils se trouvaient. Par ailleurs, le juge nota dans le procès-verbal que l'un des témoins l'avait entraîné vers le fourgon où se trouvaient les inculpés au motif qu'il pouvait indiquer le rôle joué par chacun, mais que cet épisode ne serait pas mentionné dans la procédure. Au cours de sa détention provisoire, le requérant a fait de nombreuses demandes de mise en liberté qui ont toutes été rejetées. Il a fait appel devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble de certains des refus qui lui ont été opposés par le juge d'instruction. Le 22 février 1991, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble le renvoya avec ses deux coïnculpés devant la cour d'assises de l'Isère des chefs de vols à main armée, meurtre, viol aggravé, séquestration de personne pour faciliter la commission de crimes, vols avec effraction, recel et dégradations mobilières. Elle rejeta les exceptions de nullité soulevées par les inculpés et releva notamment, concernant la reconstitution du 21 juin 1989 "que le procès-verbal de transport sur les lieux du 21 juin 1989 mentionne que les inculpés refusent d'assister à la reconstitution et ne désirent pas quitter les véhicules de gendarmerie qui les ont conduits sur les lieux et que les témoins présents sur les lieux acceptent d'être entendus au préalable...". Le 7 mars 1991, le requérant se pourvut en cassation contre cet arrêt en invoquant l'irrégularité de la désignation du juge d'instruction, auteur d'une commission rogatoire sur le fondement de laquelle de nombreux actes d'information avaient été pris. Il se plaignait encore de ce que, le 9 septembre 1988, il avait été entendu par la police comme témoin, ce qui aurait eu pour but de faire échec aux droits de la défense puisque, des indices graves et concordants de culpabilité étant réunis, il aurait dû être aussitôt présenté au juge d'instruction pour être inculpé. Il soutenait également que le procès-verbal de transport sur les lieux du 14 décembre 1988 n'était signé ni par le magistrat instructeur, ni par son greffier et aurait donc dû être annulé, de même que la procédure subséquente et qu'en outre, dans ce procès-verbal, figuraient des déclarations faites par lui-même et qui n'avaient pas été reçues dans les formes prévues par le Code de procédure pénale. Il soulevait ce même grief à l'encontre des procès-verbaux de transport sur les lieux des 27 janvier et 21 juin 1989. Il soutenait en outre, concernant le dernier de ces transports sur les lieux, que l'un des témoins avait été conduit vers les inculpés en vue d'une confrontation irrégulière, puisque se passant hors la présence des avocats. Il alléguait enfin que les procès-verbaux d'interrogatoire du 2 février 1989 étaient nuls, de même que la procédure subséquente car ils ne comportaient que deux signatures, ce qui ne permettait pas de s'assurer que celle du magistrat instructeur y figurait. Le 17 juin 1991, la Cour de cassation rejeta ce pourvoi aux motifs que la chambre d'accusation avait justifié sa décision en déclarant régulières la désignation du juge d'instruction et l'exécution de la commission rogatoire. Elle estima par ailleurs que la commission rogatoire avait été exécutée par la police alors qu'aucun indice probant de culpabilité n'était ressorti de l'enquête et que rien n'interdisait aux enquêteurs d'entendre diverses personnes sur leur emploi du temps, sur les faits dans lesquels elles pouvaient être impliquées et sur les témoignages recueillis. Quant aux procès-verbaux de transport sur les lieux des 14 décembre 1988, 27 janvier, 2 février et 21 juin 1989, la Cour releva qu'ils étaient signés par le juge d'instruction et le greffier et qu'ils ne révélaient aucune déclaration des inculpés autre que les indications données par ces derniers pour reconstituer l'itinéraire suivi par eux lors des faits qui leur étaient reprochés. Concernant enfin la confrontation irrégulière alléguée lors de la reconstitution du 21 juin 1989, la Cour constata qu'il ressortait des énonciations de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le requérant avait refusé de participer à la reconstitution des faits lors du transport sur les lieux du 21 juin 1989 et que si des témoins, notamment S., avaient tenté de s'approcher du fourgon de gendarmerie dans lequel se trouvaient les inculpés, il n'était pas établi que ces témoins aient pu reconnaître ces derniers ; que la chambre d'accusation précisait que les doléances des inculpés à ce sujet étaient hypothétiques et que les droits de la défense n'avaient pas été méconnus au cours de ce transport. Le 5 août 1991, le requérant forma une demande directe de mise en liberté auprès de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble, qui la rejeta par un arrêt du 16 août 1991 en arguant de l'exceptionnelle gravité des faits dont le requérant était accusé, du fait que l'ordre public avait été troublé, que les garanties de représentation étaient insuffisantes et de ce qu'il y aurait tout lieu de craindre que, mis en liberté, le requérant se soustraie à la justice. Aucun pourvoi n'a été formé contre cet arrêt. Le 21 avril 1992, le requérant forma une nouvelle demande directe de mise en liberté, qui fut rejetée par un arrêt du 5 mai 1992 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble. Le 18 septembre 1992, la chambre d'accusation rejeta une nouvelle demande de mise en liberté du requérant présentée le 4 septembre 1992. Le 6 octobre 1992, la cour d'assises de l'Isère condamna le requérant à 18 ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté des deux tiers pour vols aggravés, vols avec port d'arme, viol aggravé, arrestation illégale, détention ou séquestration illégale comme otage, dégradation volontaire d'objets mobiliers et vol ou recel de vol. Dans son pourvoi en cassation, le requérant invoqua une violation des droits de la défense du fait que le rapport d'un expert avait été lu à l'audience avant que celui-ci ne fasse sa déposition et souleva également un moyen relatif à des arrêts incidents. Son pourvoi fut rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 13 octobre 1993.
GRIEFS
1. Le requérant se plaint tout d'abord d'être demeuré plus de quatre ans en détention provisoire.
2. Il allègue par ailleurs avoir été condamné sans preuve avec un dossier entaché de neuf moyens de nullité.
3. Il estime enfin qu'il y a eu violation des droits de la défense puisque la reconstitution n'a pas eu lieu le 21 juin 1989.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION La requête a été introduite le 18 mars 1990 et enregistrée le 13 mai 1993. Le 11 décembre 1992, la Commission, conformément à l'article 48 par. 2 a) de son Règlement intérieur, a décidé de demander des renseignements au Gouvernement français concernant une éventuelle grève de la faim menée par le requérant, son état de santé et ses conditions de détention. Elle a également décidé d'indiquer au requérant, en application de l'article 36 de son Règlement intérieur, qu'il serait souhaitable, dans l'intérêt des parties et du déroulement normal de la procédure, qu'il cesse sa grève de la faim pour pouvoir assister la Commission dans l'examen de son affaire. Le 12 janvier 1993, le Gouvernement a fourni les renseignements demandés qui ont été transmis le 15 janvier 1993 au requérant pour commentaires. Ce dernier a fait part de ses commentaires par courrier du 19 janvier 1993. Au vu des renseignements ainsi obtenus, la Commission a décidé le 15 janvier 1993 de ne pas prolonger l'application de l'article 36 de son Règlement intérieur.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint tout d'abord de la durée de sa détention provisoire. La Commission examinera ce grief sous l'angle de l'article 5 par. 3 (art. 5-3) de la Convention qui dispose notamment : "Toute personne arrêtée ou détenue... a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure..." La Commission relève d'emblée que le requérant, qui est demeuré en détention provisoire un peu plus de quatre ans, a formé de nombreuses demandes de mise en liberté devant le juge d'instruction, dont il a déféré les ordonnances de refus de mise en liberté à la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble. Le requérant a ensuite également présenté des demandes directes de mise en liberté à la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble. Toutefois, la Commission relève qu'il ne ressort pas du dossier que le requérant ait déféré au moins l'un des arrêts de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble à la Cour de cassation en invoquant, même en substance, l'article 5 par. 3 (art. 5-3) de la Convention. Or, elle rappelle qu'aux termes de l'article 26 (art. 26) de la Convention, elle "ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus". En l'espèce le requérant a omis de se pourvoir en cassation et n'a, par conséquent, pas épuisé les voies de recours dont il disposait en droit interne. De plus, l'examen de l'affaire telle qu'elle a été présentée n'a permis de déceler aucune circonstance particulière qui aurait pu dispenser le requérant, selon les principes de droit international généralement reconnus en la matière, d'épuiser les voies de recours internes. Il s'ensuit que le requérant n'a pas satisfait à la condition relative à l'épuisement des voies de recours internes et que sa requête doit être rejetée, sur ce point, conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention.
2. Le requérant se plaint ensuite d'avoir été condamné sans preuve avec un dossier entaché de neuf moyens de nullité. La Commission se réfère sur ce point à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention qui dispose notamment : "1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, ..., soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle..." En ce qui concerne la décision litigieuse, la Commission rappelle qu'elle a pour seule tâche, conformément à l'article 19 (art. 19) de la Convention, d'assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties Contractantes. En particulier, elle n'est pas compétente pour examiner une requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention. La Commission se réfère sur ce point à sa jurisprudence constante (voir par exemple No 458/59, déc. 29.3.60, Annuaire 3 pp. 223, 237 ; No 5258/71, déc. 8.2.73, Recueil 43 pp. 71, 77 ; No 7987/77, déc. 13.12.79, D.R. 18 pp. 31, 61). La Commission ne relève en l'espèce aucune apparence de violation de la Convention ou de ses Protocoles du fait de la condamnation dont le requérant a fait l'objet. En particulier, il n'apparaît pas que la procédure ait été arbitraire ou, de manière plus générale, contraire à l'article 6 (art. 6) de la Convention. Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
3. Le requérant se plaint enfin d'une violation des droits de la défense car la reconstitution du 21 juin 1989 n'a pas pu avoir lieu. La Commission rappelle que l'article 6 par. 3 (art. 6-3) de la Convention dispose notamment : "3. Tout accusé a droit notamment à : d. interroger ou faire interroger les témoins à   charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; ...". La Commission note qu'il ressort des énonciations de l'arrêt de la chambre d'accusation du 22 février 1991 et de l'arrêt de la Cour de cassation du 17 juin 1991 que le requérant a refusé de descendre du fourgon de gendarmerie où il se trouvait et de participer à la reconstitution des faits organisée le 21 juin 1989. Elle estime dès lors que le requérant ne saurait se plaindre de ce que cette reconstitution n'a pas pu avoir lieu ou de ce qu'il n'a pas pu y participer. Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Commission (première chambre)
Numéro d'arrêt : 21843/93
Date de la décision : 05/04/1994
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Partiellement irrecevable

Parties
Demandeurs : SCHMITT
Défendeurs : la FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1994-04-05;21843.93 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award