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22/02/1995 | CEDH | N°17871/91

CEDH | MAZZA contre l'ITALIE


SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 17871/91 présentée par Rina MAZZA contre l'Italie __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Première Chambre), siégeant en chambre du conseil le 22 février 1995 en présence de M. C.L. ROZAKIS, Président Mme J. LIDDY MM. A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL M.P. PELLONPÄÄ B. MARXER B. CONFORTI N. BRATZA

I. BÉKÉS E. KONSTANTINOV ...

SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 17871/91 présentée par Rina MAZZA contre l'Italie __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Première Chambre), siégeant en chambre du conseil le 22 février 1995 en présence de M. C.L. ROZAKIS, Président Mme J. LIDDY MM. A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL M.P. PELLONPÄÄ B. MARXER B. CONFORTI N. BRATZA I. BÉKÉS E. KONSTANTINOV G. RESS Mme M.F. BUQUICCHIO, Secrétaire de la Chambre Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 6 décembre 1990 par Rina MAZZA contre l'Italie et enregistrée le 6 mars 1991 sous le N° de dossier 17871/91; Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le 26 octobre 1993 et les observations en réponse présentées par le requérant le 23 décembre 1993 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT La requérante est une ressortissante italienne née en 1929 et résidant à Robbio (Pavia). Elle est représentée devant la Commission par Me Venanzio Blandini, avocat à Robbio. Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit. Le 26 juin 1985, la requérante reçut un mandat de comparution émis par le parquet de Vigevano. Il ressortait de ce mandat qu'elle était soupçonnée du délit de calomnie pour avoir porté de fausses accusations contre M.C., contre laquelle elle fait des déclarations dans une procédure civile devant le tribunal civil de Vigevano. Selon ces déclarations, M.C. aurait circonvenu la mère de la requérante et l'aurait convaincue de lui faire donation de la maison héritée de son mari. La requérante fit valoir en particulier que sa mère lui avait promis de lui laisser en héritage la maison, dans laquelle elles avaient vécu ensemble pendant vingt ans. Le 30 juillet 1985, la requérante comparut devant le procureur de la République et déclara qu'elle était innocente. Le 30 septembre 1985, le procureur de la République demanda qu'un décret de citation en jugement soit pris à l'encontre de la requérante. Parmi les témoins à charge entendus pendant l'instruction sommaire, figurait notamment la mère de la requérante. La première audience devant le tribunal de Vigevano fut fixée au 19 février 1987, mais fut ensuite reportée au 14 mai 1987. Dans des mémoires déposés les 4 et 14 février 1987, ainsi que le 9 mai 1987, la requérante fit valoir que sa mère n'aurait jamais dû être entendue en tant que témoin à charge, car déjà à l'époque de la donation incriminée elle était grièvement malade et de ce fait incapable. A cet égard, la requérante invoqua l'article 6 de la Convention. Le 14 mai 1987 eut lieu la première audience. La mère de la requérante, qui se trouvait désormais dans un hospice, ne fut pas entendue et les déclarations qu'elle avait faites aux carabiniers le 5 février 1985 ne furent pas non plus lues en audience. Une nouvelle audience fut donc fixée au 28 mai 1987. Par jugement prononcé à cette dernière date et déposé au greffe le 17 juin 1987, la requérante fut acquittée au motif que le délit n'était pas constitué ("perché il fatto non costituisce reato"). En particulier, le tribunal estima que des éléments objectifs démontraient que la requérante avait accusé M.C. en la croyant effectivement coupable des comportements qu'elle lui reprochait, ce qui excluait par voie de conséquence l'existence de l'élément subjectif indispensable pour que le délit de calomnie soit constitué, à savoir avoir sciemment accusé une personne innocente. Le 18 juillet 1987, la requérante interjeta appel en faisant valoir la nullité du décret de citation en jugement et en demandant l'acquittement au motif que les faits n'étaient pas établis ("perché il fatto non sussiste"). L'audience devant la cour d'appel de Milan fut fixée au 22 septembre 1989. A cette dernière date, la cour d'appel déclara l'appel de la requérante irrecevable en raison du fait qu'elle ayant été acquittée, n'avait pas qualité pour interjeter appel. Le 25 septembre 1989, la requérante se pourvut en cassation. Elle affirma, en particulier, que la motivation donnée par la cour d'appel était contradictoire dans la mesure où cette juridiction n'avait pas relevé le fait que sa mère ne jouissait manifestement pas de toutes ses facultés mentales et que cela aurait dû conduire la cour à acquitter la requérante au motif que les faits n'étaient pas établis. La requérante invoqua également l'article 6 de la Convention. Le 8 juin 1990, la Cour de cassation cassa l'arrêt de la cour d'appel et renvoya l'examen de l'affaire à une autre formation de cette dernière juridiction. La Cour de cassation motiva sa décision par le fait que la cour d'appel n'avait pas fait application, dans sa décision du 22 septembre 1989, de l'arrêt de la Cour constitutionnelle No 200 du 18 juillet 1987, qui avait déclaré l'inconstitutionnalité de l'article 513 par. 2 de l'ancien Code de procédure pénale italien, dans la mesure où cette disposition ne prévoyait pas le droit de l'accusé d'interjeter appel des décisions susceptibles d'être attaquées par le ministère public et dont l'accusé aurait des motifs plausibles de se plaindre. Par conséquent, la requérante avait tout intérêt à demander l'application d'une formule d'acquittement plus ample qui excluerait l'existence même du fait qui lui avait été reproché et non pas seulement son illégalité. Cet arrêt de la Cour de cassation fut déposé au greffe le 29 novembre 1990. Le 24 juin 1992, une nouvelle audience devant la cour d'appel de Milan fut fixée au 16 avril 1993. Cette dernière audience fut cependant reportée sans qu'aucune date ne soit fixée, en raison du fait que l'avis de fixation de l'audience n'avait pas été notifié à l'avocat de M.C. Par la suite, une nouvelle audience fut fixée au 8 novembre 1993. Par arrêt prononcé à cette dernière date, qui selon les derniers renseignements reçus de la part de l'avocat de la requérante le 3 mai 1994 n'avait toujours pas été déposé au greffe, la cour d'appel de Milan confirma le jugement du tribunal de Vigevano du 28 mai 1987. La requérante s'est ensuite pourvue en cassation pour des motifs qui n'ont pas été précisés. Selon les derniers renseignements, la procédure est toujours pendante devant la Cour de cassation.
GRIEFS La requérante se plaint tout d'abord de la durée de la procédure pénale dont elle a fait l'objet, en invoquant l'article 6 par. 1 de la Convention. Elle se plaint ensuite du caractère inéquitable de la procédure, en raison du fait que le procureur de la République ayant omis d'entendre un médecin légal, dont l'expertise aurait pu prouver le fait que la mère de la requérante ne jouissait manifestement pas de ses facultés mentales, le mandat de comparution et le décret de citation en jugement n'auraient jamais dû être pris. Enfin, la requérante allègue une violation de l'article 13 de la Convention, sans toutefois en préciser les raisons.
EN DROIT
1. La requérante se plaint tout d'abord de la durée de la procédure dont elle fait l'objet. Cette procédure a débuté le 26 juin 1985, date à laquelle la requérante a reçu un mandat de comparution (cf. Cour eur. D.H., arrêt Corigliano du 10 décembre 1982, série A No 57, p. 13, par. 34), et est toujours pendante devant la Cour de cassation. Selon la requérante, la durée de la procédure, qui est à ce jour de neuf ans et sept mois, ne répond pas à l'exigence du "délai raisonnable" (article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention). La requérante se plaint ensuite du caractère inéquitable de la procédure, en invoquant l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Le Gouvernement estime que l'article 6 par. 1 (art. 6-1) est inapplicable, en considérant qu'à partir du moment où la requérante a été acquittée, la suite de la procédure ne tend plus à faire décider du bien-fondé d'une accusation en matière pénale, celle-ci visant à obtenir uniquement un changement de la formule d'acquittement. En se référant à la jurisprudence de la Cour dans les affaires Adolf (arrêt du 26 mars 1982, série A No 49) et Öztürk (arrêt du 21 février 1984, série A No 73), le Gouvernement souligne que quant à la question de savoir si une procédure porte sur une accusation en matière pénale, il faut avoir égard à la substance des intérêts en jeu et aux conséquences auxquelles est exposée la personne qui en fait l'objet. Compte tenu du fait que tout ce que peut obtenir la requérante était (et est) un changement de la formule par laquelle elle a été acquittée, le Gouvernement conclut qu'elle ne peut se prétendre victime d'une violation de la disposition invoquée à cet égard. Par ailleurs, la requête serait également irrecevable pour dépassement du délai de six mois car elle a été introduite plus de six mois après le jugement du tribunal de Vigevano du 28 mai 1987, date à laquelle la procédure litigieuse, selon le Gouvernement, aurait cessé de revêtir un caractère pénal au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. La requérante n'a pas pris position à cet égard. La Commission note qu'après l'acquittement de la requérante par le tribunal de Vigevano le 28 mai 1987, l'objet de la procédure a été uniquement la détermination de la formule d'acquittement. En effet, les juridictions italiennes ont définitivement établi que les faits reprochés à la requérante ne constituent pas un délit et la seule question qui reste à résoudre suite à l'appel de la requérante est celle de savoir si ces faits ont été effectivement commis. Par conséquent, son appel ne pourrait en aucun cas aboutir à une condamnation. Eu égard donc au fait que la requérante ne risque subir aucune sanction (cf., mutatis mutandis, Cour eur. D.H., arrêt Öztürk du 21 février 1984, série A No 73, p.18, par. 50), la Commission estime qu'après la décision du tribunal de Vigevano, les juridictions italiennes ne sont plus appelées à se prononcer sur le bien-fondé de l'accusation portée à l'encontre de la requérante, au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. D'autre part, la Commission estime que la question se pose de savoir si la suite de la procédure tend néanmoins à faire décider sur une contestation sur un droit de caractère civil, dans la mesure où le choix de la formule d'acquittement pourrait influer sur la réputation de la requérante. Cependant, s'il est vrai que la détermination de la formule d'acquittement pourrait avoir indirectement des conséquences pour la réputation de la requérante, le Rapporteur n'estime pas que cette procédure tende à décider d'un tel droit, car la question de la réputation n'est pas le point crucial (cf., mutatis mutandis, No 10293/83, déc. 12.12.85, D.R. 45, p. 41, 69). Il s'ensuit que la procédure qui a fait suite à la décision du tribunal de Vigevano ne se situe pas dans le champ d'application de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Or, l'article 26 (art. 26) de la Convention prévoit que la Commission ne peut être saisie que dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive. La Commission constate à cet égard que la procédure portant sur le bien-fondé de l'accusation concernant la requérante a pris fin le 28 juin 1987, date à laquelle la partie du jugement du tribunal de Vigevano acquittant la requérante est passée en force de chose jugée, le procureur général n'ayant pas interjeté appel, tandis que la présente requête a été introduite le 6 décembre 1990, soit plus de six mois après. Il s'ensuit que quant aux griefs tirés d'une violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, la requête doit être rejetée comme étant tardive, conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention.
2. La requérante allègue également une violation de l'article 13 (art. 13) de la Convention, sans toutefois en préciser les motifs. A supposer même que la Commission soit compétente à examiner ce grief de la requérante, elle relève que celle-ci n'a aucunement étayé ce grief, qui doit être en conséquence rejeté comme manifestement mal fondé au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE Le Secrétaire Le Président de la Première Chambre de la Première Chambre (M.F. BUQUICCHIO) (C.L. ROZAKIS)


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 17871/91
Date de la décision : 22/02/1995
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Violation de l'Art. 6-1 (deuxième requérante) ; Violation de l'Art. 8 ; Non-violation de l'Art. 14+6-1 ; Non-violation de l'Art. 14+8 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Incompétence (injonction à l'Etat)

Analyses

(Art. 14) DISCRIMINATION, (Art. 14) JUSTIFICATION OBJECTIVE ET RAISONNABLE, (Art. 41) JURIDICTION POUR DONNER DES ORDRES OU PRONONCER DES INJONCTIONS, (Art. 41) PREJUDICE MORAL, (Art. 6) PROCEDURE CIVILE, (Art. 6-1) CONTESTATION, (Art. 6-1) DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL, (Art. 6-1) PROCEDURE CONTRADICTOIRE, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE, (Art. 6-1) TRIBUNAL INDEPENDANT, (Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE FAMILIALE, (Precedemment Art. 49) CONTESTATION SUR LA JURIDICTION, JURIDICTION DE LA COUR


Parties
Demandeurs : MAZZA
Défendeurs : l'ITALIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1995-02-22;17871.91 ?

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