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28/02/1996 | CEDH | N°27427/95

CEDH | PIQUART contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 27427/95 présentée par Violette et Jean-Louis PIQUART contre la France La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 28 février 1996 en présence de M. H. DANELIUS, Président Mme G.H. THUNE MM. G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.A. NOWICKI

I. CABRAL BARRETO J. MUCHA ...

SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 27427/95 présentée par Violette et Jean-Louis PIQUART contre la France La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 28 février 1996 en présence de M. H. DANELIUS, Président Mme G.H. THUNE MM. G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO J. MUCHA D. SVÁBY P. LORENZEN Mme M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 31 mars 1995 par Violette et Jean- Louis PIQUART contre la France et enregistrée le 29 mai 1995 sous le N° de dossier 27427/95 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant, de nationalité française, est né en 1935. La requérante, épouse du requérant et de nationalité française, est née en 1938. Ils sont retraités et résident à Bordeaux. Les faits, tels qu'ils ont été présentés par les requérants, peuvent se résumer comme suit. Les requérants se sont rendus propriétaires d'un appartement situé à Paris en 1970 et le donnèrent en location. Le bail fut consenti en dernier lieu à Mme B.B., à laquelle les requérants ont donné congé le 15 mai 1990, pour le 1er décembre 1990, afin de reprendre l'appartement au profit de leur fille. Le 11 décembre 1990, les requérants saisirent le tribunal d'instance de Paris d'une action en validité du congé et en expulsion à l'encontre de la locataire, Mme B.B. Par jugement du 2 avril 1991, le tribunal d'instance de Paris valida le congé, ordonna l'expulsion de Mme B.B. et dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire. Mme B.B. fit appel du jugement en faisant valoir que la fille des requérants vivait en réalité en concubinage avec Monsieur G. et que ces derniers n'avaient pas démontré, ainsi que l'exigeait l'article 19 de la loi du 1er septembre 1948, que le bénéficiaire de leur droit de reprise ne disposait pas d'une habitation correspondant à ses besoins normaux. Par arrêt avant dire droit du 17 février 1992, la cour d'appel de Paris considéra qu'elle ne disposait pas d'éléments d'appréciation suffisants quant aux conditions d'habitation et aux besoins normaux de la bénéficiaire de la reprise et désigna un huissier de justice chargé de déposer un rapport dans un délai de trois mois. Le 17 mars 1993, l'huissier déposa son rapport. Par arrêt au fond en date du 11 octobre 1994, la cour d'appel confirma le jugement de première instance en ajoutant que l'arrêt serait exécutoire dès sa signification. La cour fixa également une indemnité d'occupation que devait verser Mme B.B. en raison de son "maintien dans les lieux sans droit ni titre depuis le 1er décembre 1990". Par acte d'huissier en date du 1er décembre 1994, un commandement de quitter les lieux fut délivré à Mme B.B. sur demande des requérants. Le 3 février 1995, un procès-verbal de réquisition d'assistance aux fins d'expulsion fut dressé par acte d'huissier à la demande des requérants. Par assignation de la requérante du 28 février 1995 devant le tribunal de grande instance de Paris, Mme B.B. demanda que lui soit accordé un délai de six mois pour quitter les lieux en exposant qu'elle avait de faibles revenus et qu'elle était inscrite en vue d'un relogement social. La requérante s'opposa à cette demande. Par jugement du 5 mai 1995, notifié à la requérante le 16 juin 1995, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris accorda un délai de deux mois à Mme B.B. pour quitter le logement. Les requérants ne firent pas appel de ce jugement. Mme B.B. quitta les lieux le 5 juillet 1995.
GRIEFS
1. Les requérants se plaignent de la durée de la procédure en validité du congé et en expulsion à l'encontre de la locataire, ainsi que de la procédure d'exécution qui s'en est suivie et qui a abouti au départ de la locataire. Ils invoquent l'article 6 par. 1 de la Convention.
2. Les requérants se plaignent de ce que leur cause n'a pas été entendue équitablement au sens de l'article 6 par. 1 de la Convention. Ils contestent en particulier l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 octobre 1994 qui fixe une indemnité d'occupation ne correspondant pas, selon eux, aux réalités économiques du marché locatif.
3. Les requérants estiment enfin avoir été dépossédés de leurs droits sur leur propriété. Ils invoquent le droit de se loger dans sa propriété principale et déplorent le fait que le droit au logement de Mme B.B. a prévalu sur celui de leur fille. Ils invoquent l'article 1 du Protocole N° 1 de la Convention.
EN DROIT
1. Les requérants se plaignent de la durée de la procédure en validité du congé et en expulsion à l'encontre de la locataire, ainsi que de la procédure d'exécution qui s'en est suivie et qui a abouti au départ de la locataire. Ils invoquent l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, dont les dispositions pertinentes sont ainsi rédigées : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et dans un délai raisonnable (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...)". En l'état actuel du dossier, la Commission estime ne pas être en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de porter cette partie de la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur, en application de l'article 48 par. 2 b) du Règlement intérieur.
2. Invoquant l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, les requérants se plaignent de ce que leur cause n'a pas été entendue équitablement. La Commission rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle elle a pour seule tâche, conformément à l'article 19 (art. 19) de la Convention, d'assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes et n'est pas compétente pour examiner une requête relative à des erreurs de fait et de droit prétendument commises par une juridiction nationale, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention (No 21283/93, déc. 5.4.94, D.R. 77-B, p. 81). Par ailleurs, l'application et l'interprétation du droit interne sont en principe réservées à la compétence des juridictions nationales (No 10153/82, déc. 13.10.86, D.R. 49, p. 67). En l'espèce, la Commission relève que les requérants ont bénéficié d'une procédure contradictoire au cours de laquelle ils ont pu soumettre les arguments qu'ils ont jugés utiles à la défense de leurs intérêts. Le fait qu'ils soient en désaccord avec les décisions internes ne saurait suffire, de l'avis de la Commission, à conclure au caractère inéquitable de la procédure. Dès lors, la Commission ne décèle, à cet égard, dans les faits de la cause, aucune apparence de violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
3. Les requérants estiment enfin avoir été dépossédés de leurs droits sur leur propriété. Ils invoquent le droit de se loger dans sa propriété principale et déplorent le fait que le droit au logement de Mme B.B. a prévalu sur celui de leur fille. Ils invoquent l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1) de la Convention qui se lit ainsi : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes." Dans la mesure où les allégations ont été étayées et où elle est compétente pour en connaître, la Commission n'a relevé aucune apparence de violation du droit invoqué par les requérants. Il s'ensuit que le grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté, par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, AJOURNE l'examen du grief tiré de la durée de la procédure en validité du congé et en expulsion à l'encontre de la locataire, ainsi que de la procédure d'exécution qui s'en est suivie ; DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus. Le Secrétaire de la Le Président de la Deuxième Chambre Deuxième Chambre (M.-T. SCHOEPFER) (H. DANELIUS)


Synthèse
Formation : Commission (deuxième chambre)
Numéro d'arrêt : 27427/95
Date de la décision : 28/02/1996
Type d'affaire : DECISION (Partielle)
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 13) DROIT A UN RECOURS EFFECTIF


Parties
Demandeurs : PIQUART
Défendeurs : la FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1996-02-28;27427.95 ?

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