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24/02/1997 | CEDH | N°25470/94

CEDH | BEELEN contre la BELGIQUE


SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 25470/94 présentée par Hilaire BEELEN contre la Belgique La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 24 février 1997 en présence de M. S. TRECHSEL, Président Mme G.H. THUNE Mme J. LIDDY MM. E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.-C. SOYER H. DANELIUS F. MARTI

NEZ C.L. ROZAKIS L. LOUCAIDE...

SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 25470/94 présentée par Hilaire BEELEN contre la Belgique La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 24 février 1997 en présence de M. S. TRECHSEL, Président Mme G.H. THUNE Mme J. LIDDY MM. E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.-C. SOYER H. DANELIUS F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS L. LOUCAIDES J.-C. GEUS B. MARXER M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO B. CONFORTI N. BRATZA I. BÉKÉS J. MUCHA D. SVÁBY G. RESS A. PERENIC C. BÎRSAN P. LORENZEN K. HERNDL E. BIELIUNAS E.A. ALKEMA M. VILA AMIGÓ Mme M. HION M. R. NICOLINI M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 11 octobre 1994 par Hilaire BEELEN contre la Belgique et enregistrée le 24 octobre 1994 sous le N° de dossier 25470/94 ; Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le 15 mai 1996, les observations en réponse présentées par le requérant le 23 juillet 1996 et les observations complémentaires présentées par le Gouvernement le 23 septembre 1996 et communiquées au requérant le 3 octobre 1996 ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant est un ressortissant belge né en 1937. Au moment de l'introduction de la requête, il était détenu au centre pénitencier de Marneffe. Devant la Commission, il est représenté par Maître Thomas Delahaye, avocat à la Cour de cassation. Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit : Le 20 janvier 1986, l'officine d'agents de change K., dont le requérant était l'un des deux gérants, fit l'objet de diverses perquisitions. Il apparut que le cabinet K. avait organisé un système d'évasion de capitaux à son profit et au profit de certains de ses clients. Inculpé de faux et usage de faux, banqueroute frauduleuse et fraude à l'impôt, le requérant fut mis en détention préventive par ordonnance du juge d'instruction de Bruxelles du 20 janvier 1986. Il fut remis en liberté le 24 janvier 1986 par ordonnance de la chambre du conseil moyennant le versement d'une caution de 7.500.000 B.F. Mis en liberté, le requérant quitta le pays et il n'y revint que le 25 novembre 1992. Entre-temps, le 12 févier 1991 le requérant fut renvoyé devant le tribunal correctionnel de Bruxelles par la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles pour des faits de fausse comptabilité (prévention A) et faux bilans (prévention B), faux dans l'intention d'éluder l'impôt (prévention D), banqueroute simple et frauduleuse (préventions I et C), infractions au Code de la T.V.A. (préventions E et H) et au Code des impôts sur les revenus (prévention G), détournements (prévention F), ainsi que pour contravention au règlement sur le contrôle des banques et le régime des émissions de titres et valeurs (prévention J), à la réglementation relative à la comptabilité et aux comptes annuels (prévention K) et à la loi sur les sociétés commerciales (prévention L). Sur appel du requérant, la chambre des mises en accusation de Bruxelles confirma la décision de la chambre du conseil par arrêt du 13 février 1992. Un pourvoi en cassation fut rejeté en date du 20 mai 1992. Le requérant fut ensuite cité à comparaître devant le tribunal correctionnel de Bruxelles qui ordonna sa comparution personnelle par jugement du 30 septembre 1992. Dans les conclusions qu'il déposa devant le tribunal correctionnel, le requérant souleva la question de la prescription de l'action publique. Il se plaignit aussi de la violation des lois sur l'emploi des langues, de l'exercice successif par l'un des membres du pouvoir judiciaire des fonctions de juge d'instruction et de partie poursuivante, de la participation de fonctionnaires des impôts à l'enquête et du dépassement du délai raisonnable. Il ajouta que le juge d'instruction n'avait pas été correctement saisi et que les perquisitions et saisies étaient irrégulières. Il demanda encore au tribunal de surseoir à statuer. Lorsqu'il se présenta à l'audience du 25 novembre 1992, le requérant fut arrêté sur réquisition du procureur du Roi, agissant en vertu d'un mandat émis contre lui le 8 juin 1990 comme étant fugitif et latitant. Le tribunal correctionnel ordonna sa mise en liberté par jugement du 30 novembre 1992. Le 21 avril 1993, le tribunal correctionnel de Bruxelles, composé d'une chambre à un juge, prononça son jugement en séance publique, en présence de nombreux représentants de la presse. Il renvoya le requérant et son coïnculpé des poursuites dirigées contre eux, estimant que l'action publique était irrecevable. Le tribunal constata que les poursuites trouvaient leur origine dans les perquisitions effectuées au cabinet K. à la requête du juge d'instruction chargé de l'instruction d'un dossier à charge de G, un client du cabinet. Selon le mandat de perquisition, les membres de la police judiciaire de Bruxelles, assistés d'agents de l'inspection spéciale des impôts de Bruxelles, avaient pour mission "d'y rechercher et d'y saisir documents, objets et valeurs liées à des transactions commerciales non déclarées". Après examen des diverses circonstances des perquisitions, interrogatoires et saisies intervenues, le tribunal estima que les perquisitions avaient eu d'emblée pour objet d'établir la preuve des activités illégales du cabinet K., bien qu'elles aient été réalisées dans le cadre formel du dossier à charge de G. Le tribunal en conclut que les perquisitions n'avaient en conséquence pas été décidées et autorisées par un juge d'instruction, mais constituaient une initiative desdits officiers et agents. Les preuves obtenues sur cette base ne pouvaient donc servir de base à l'action publique et ne pouvaient pas non plus être validées par des réquisitions postérieures. Dès le lendemain du jugement, la majorité de la presse commenta la décision rendue le 21 avril 1993. Ainsi, le quotidien néerlandophone "Het Nieuwsblad" publia, le 22 avril 1993, sous le titre (traduction) "Jour noir pour la justice belge", un article qui concernait à la fois l'affaire à charge du requérant et le report d'un procès d'assises, relatif à de nombreux faits de grand banditisme et connu sous le nom d'affaire H., suite à des problèmes de composition du jury. On y trouvait notamment le commentaire suivant: (Traduction) "Un camouflet pour la justice! C'est en ces termes que des magistrats ont exprimé leur réaction, après que le tribunal correctionnel ait conclu à l'irrecevabilité des poursuites à l'encontre du bureau d'agents de change anversois dans le cadre d'une fraude de plusieurs milliards. A cause d'une négligence de l'actuel procureur du Roi de Bruxelles, D., une fraude évaluée à 1,5 - 2 milliards reste impunie. [Le requérant et son co-prévenu], les associés de K., ont quitté la salle d'audience en vainqueurs. Le parquet peut toutefois encore interjeter appel de la décision." Ce journal contenait un autre article relatif à l'affaire du requérant. Cet article était accompagné d'une photographie du requérant, où l'on pouvait distinguer qu'il était menotté et emmené par un gendarme et qui comportait la légende suivante "Une photographie de novembre 1992. Hilaire Beelen quitte avec des menottes la salle d'audience. Aujourd'hui, il a des raisons de rire". On pouvait également y lire ces mots : (Traduction) "D., qui fait l'objet de nombreuses critiques - venant non seulement de l'extérieur mais également de son propre parquet - parce qu'il serait, de l'avis de nombre de gens, seulement un rat de bibliothèque et qu'il se soucierait à peine de l'augmentation de la petite criminalité et du banditisme, se trouve dans une situation très embarrassante. Bien des gens le désignaient hier comme le responsable de l'échec complet de l'affaire K. (...) Ni D., ni la gendarmerie, ni [les fonctionnaires des impôts] n'étaient officiellement chargés (en termes juridiques 'saisis') d'une enquête visant [le cabinet K, le requérant et son coïnculpé]. D. aurait pu rectifier cela sans problème, mais il ne l'a pas fait. (...) Le fait que [le] parquet n'ait pas ou peu opposé de résistance ces dernières semaines, alors que les avocats affûtaient leurs arguments, a laissé un arrière-goût d'amertume chez bien des magistrats. Le parquet peut encore faire appel mais le ton est donné et la question se pose de savoir si la cour d'appel pourrait juger autrement que ne l'a fait le tribunal correctionnel." Le journal néerlandophone "Gazet van Antwerpen" du même jour annonça en première page - à propos des affaires H. et K. - : (Traduction) "Un off-day pour la justice dans les deux cas, un coup porté à la réputation de la justice belge". On pouvait notamment y lire ces commentaires : (Traduction) "Et, au tribunal correctionnel, le juge M. a rendu un jugement remarquable dans le cadre du procès K. (...) [Il] a déclaré les poursuites illégales parce que les trois gendarmes et les deux membres de l'inspection spéciale des impôts ont outrepassé leurs compétences lors de la perquisition au cabinet anversois K. les 20 et 21 janvier 1986. Ils n'avaient à ce moment aucun mandat pour saisir la double comptabilité du [cabinet K.] (...). Cela ne pouvait se faire que quelques heures plus tard, après que le parquet eût effectivement donné une mission à ce propos." Dans un article intitulé : (Traduction) "Pas un grand jour pour la justice belge - Regard critique" et portant sur les affaires H. et K., on pouvait encore lire, dans ce quotidien : (Traduction) "Il faut s'imaginer cela. La plus grosse affaire de fraude que la Belgique ait connue dans toute son histoire va vraisemblablement rester impunie, et cela par suite des erreurs de procédure commises par le parquet et de l'excellence de l'argumentation juridique sophistiquée développée par la défense. C'est cela qu'il faudra expliquer au citoyen moyen, qui, à la moindre contravention aux lois fiscales, est menacé des pires sanctions. Il y a donc un fossé énorme entre les déclarations politiques et la réalité judiciaire. La répression de la fraude ne vaudra à nouveau que pour les "petits". Et la répression de la criminalité ordinaire sera encore pour ces mêmes "petits", les marginaux, le menu fretin, les déshérités du quart monde. (...) Bande de Nivelles : pas de suspects et presque plus d'enquête ; Affaire H. : une pagaille ; Dossiers à tendance mafieuse : pas de législation : Affaire K. : pas de riposte face à une ingénierie juridique sophistiquée. Pour les gens dotés d'un sens de la justice, c'est grave, très grave." Le journal néerlandophone "De Standaard" consacra le titre de la première page de son édition du 22 avril 1993 aux affaires H. et K. On pouvait y lire à propos de la présente affaire : (Traduction) "Une fraude portant sur des milliards avec des ramifications internationales, l'affaire K., reste impunie parce que l'enquête a été cochonnée par un magistrat. (...) Un camouflet pour la justice! C'est en ces termes que des magistrats ont exprimé leur réaction, après que le tribunal correctionnel ait conclu à l'irrecevabilité des poursuites à l'encontre du bureau d'agents de change anversois dans le cadre d'une fraude de plusieurs milliards. A cause d'une négligence de l'actuel procureur du Roi de Bruxelles, D., une fraude évaluée à 1,5 - 2 milliards reste impunie. Le parquet peut toutefois encore interjeter appel de la décision." Il publia également les deux articles parus dans le quotidien "Gazet van Antwerpen". Le journal néerlandophone "De Morgen" consacra également le titre de la première page de son édition du 22 avril 1993 à la présente affaire. On pouvait y lire : (Traduction) "Comme cela arrive souvent dans des procès importants, le juge M. a mis fin à l'affaire pour une faute de procédure. En l'espèce, celle-ci a été faite dans le courant de l'enquête préliminaire de grande ampleur. Dans l'ensemble, le juge d'instruction et les policiers se sont hâtivement précipités sur le dossier K., est-il écrit dans le jugement. Sans attendre, ce faisant, leur saisine par le parquet, comme l'exige la loi. (...) Le parquet a, il est vrai, quinze jours pour aller en appel de ce 'jugement avant-dire-droit'. Il est fort probable qu'il en sera ainsi." Ce quotidien publia également, en seconde page, une photographie du requérant menotté à un gendarme avec la légende (Traduction) "Hilaire Beelen, ici à son arrestation, après une année de fuite à l'étranger". Il ajouta encore ces mots: (Traduction) "Seulement, on n'a pas soufflé mot du dossier et des chiffres. Dès l'origine, les avocats de la défense ont dirigé leurs flèches sur la façon dont le dossier a été mis sur pied. (...). Ce n'est toutefois pas tellement illogique, car les avocats auxquels [le requérant et son coïnculpé] avaient fait appel sont les premiers à reconnaître qu'il n'y avait pas l'ombre d'une chance de succès sur le fond de l'affaire. Les avocats avaient critiqué sept à huit points de l'enquête judiciaire. (...)Toute la gamme des questions de procédure passées en revue. Le juge M. (qui, curieusement siégeait seul dans cette affaire de fraude gigantesque, la défense n'ayant pas sollicité le renvoi devant une chambre à trois juges), a finalement trébuché sur le second obstacle. M. partage l'avis des avocats de la défense selon lesquels les enquêteurs avaient finalement outrepassé leurs instructions dans l'affaire K., en ne se limitant pas suffisamment à leur mission originelle qui avait trait à une autre affaire de fraude. (...) M. n'est juge que depuis deux ans à peine. Avant cela, il était avocat, ce qui laisse à penser qu'il est relativement sensible au respect des droits de la défense lors d'un procès. Au contraire des magistrats qui viennent du ministère public et qui habituellement font pencher la balance un peu plus du côté de l'accusation. (...) Comment donc le juge a-t-il pris hier une décision qui ne va pas de soi. Selon son interprétation personnelle, le juge d'instruction et les enquêteurs à Anvers ont outrepassé leur mission d'enquête. Mais il n'y a pas de doute qu'un autre juge aurait pu en décider autrement. " A cette même date du 22 avril 1993, le journal néerlandophone "Het Laatste Nieuws" expliquait que le juge d'instruction n'avait jamais été chargé d'instiguer une instruction dirigée contre le cabinet K. En cas de découverte d'irrégularités lors de la perquisition , il aurait dû en informer le parquet qui l'aurait alors saisi de ces faits et l'aurait chargé de les instruire. Il constata encore que si le montant de la fraude fiscale avait été à l'origine estimé à 1,7 milliards de francs belges, on avait fait mention, au cours des débats, d'une somme de près de 5 milliards. L'article se terminait par ces mots : "Le parquet a quinze jours pour faire appel. Hier on pouvait apprendre du parquet que l'on ferait une lecture méticuleuse du jugement avant de prendre la décision d'aller ou non en appel." A la même date, le quotidien francophone "La Meuse - La Lanterne" écrivit : "Au cours du procès, le procureur du roi, M. C., n'a pour sa part pas hésité à parler d'une dizaine, voir même de plusieurs dizaines de milliards cachés à l'imposition. Car c'est en marge d'un autre dossier de fraude fiscale, relatif à un bijoutier bruxellois, que l'affaire K. éclata en janvier 86. Le juge d'instruction en charge de l'enquête sur ce bijoutier - l'actuel procureur du roi à Bruxelles M. D. - s'orienta alors vers Anvers. En respectant tous les prescrits légaux ? Oui a soutenu dans son réquisitoire le substitut C. Non a rétorqué unanimement la défense, plaidant l'irrégularité de l'instruction. Le président M. a tranché la question hier, en se ralliant aux arguments des avocats de MM. B. et L. [Le requérant et son coïnculpé] peuvent donc repartir libres... et souriants puisque leur gigantesque fraude avouée passe au bleu grâce à une vulgaire tache de procédure. A moins que le parquet ne fasse appel dans les quinze jours !" De même, le journal francophone "La Dernière Heure" publia, en première page de son édition du 22 avril 1993, un article portant le titre "Un excès de zèle des enquêteurs sauve les agents de change qui avaient détourné des milliards de francs. Les escrocs vous saluent" et fit les commentaires suivants : "Incroyable, mais désespérément vrai ! Au terme d'un jugement remarquablement motivé, M., président de la 49ème chambre correctionnelle de Bruxelles a déclaré 'l'action publique irrecevable' dans le cadre de l'affaire K. (...) Ce sont des actes d'instruction irréguliers et les services avisés de la crème des Barreaux d'Anvers et de Bruxelles qui ont permis aux deux responsables de ce bureau d'agent de change de glisser entre les mailles du filet de la justice. (...) On le voit, ces arguties juridiques sont bien compliquées. Néanmoins, le juge M. s'est rallié à cette thèse, délaissant celle, tout aussi compliquée, du substitut C. 'Les actes de l'instruction irréguliers constituent des éléments de preuve sur base desquels s'est construit le dossier et ont été obtenus les aveux. Aussi l'action publique est irrecevable' estime le tribunal. Il reste quinze jours au parquet pour interjeter appel." Un article intitulé "La justice à deux vitesses", ce même journal commentait ainsi le jugement : "Ecoeurant, révoltant, injuste...le vocabulaire français n'est pas assez riche pour exprimer le dégoût inspiré par la 'chute' de l'affaire K. [Le requérant et son coïnculpé] étaient pourtant en aveu (...) Mais l'habileté des avocats, conjuguée à une erreur de procédure, a fait capoter toute l'affaire (...)Mais tous les justiciables n'ont pas les moyens de s'offrir les services des ténors du barreau et se retrouvent parfois à 'l'ombre' pour un rien ou en tout cas pour beaucoup moins qu'un détournement de plusieurs milliards. Exemples d'une justice à deux vitesses. (...) Un matin d'automne 92, en octobre plus précisément, deux gendarmes se présentent au domicile de C., (...), pour l'escorter à la prison de Namur. C. (41 ans), qui n'a jamais tué ni volé personne va se retrouver douze jours derrière les barreaux. Son crime ? Avoir manqué d'argent pour apurer une amende fiscale ... Voici deux ans environ, une bruxelloise d'une vingtaine d'années passait quelques jours en prison pour de menus larcins dans de grandes surfaces. (...) Une dame âgée, une récidiviste de ce genre de sport, s'était même retrouvée privée de liberté une semaine pour avoir dérobé deux yaourts. N., un citoyen zaïrois avait préféré la délinquance aux études universitaires. Ce petit poisson s'était laissé entraîner dans une escroquerie (...) L'escroc en herbe avait expliqué au tribunal qu'il devait toucher 15.000 francs de son commanditaire si l'opération réussissait. Au lieu de cela (...) trois ans d'emprisonnement, dont deux ans et demi fermes, et 160.000 francs d'amende. Une sanction méritée, certes, mais, lorsque nous la comparons avec la fraude du bureau de change K., nous nous disons que la distribution est assez injuste." Pour sa part, le journal francophone "La Libre Belgique" exposait notamment : "Pour réussir l'opération K., M. D. aurait sans doute dû demander un réquisitoire supplétif au parquet d'Anvers. Seulement, comme le plaida sans fard un avocat de M. B., il ne l'aurait pas obtenu. Dans la métropole, une règle d'or non écrite veut que la justice ne se mêle pas, fût-ce indirectement, des affaires des diamantaires. Mieux vaut un peu de fraude qu'un déménagement des entreprises de la Pelikaanstraat à Londres ou Hong Kong. Soucieux de maintenir dans les limites fixées par la loi les pouvoirs 'exorbitants' du juge d'instruction, M. M. a très normalement sacrifié l'esprit d'équité au profit de la sécurité garantie à tout citoyen par la règle de droit. Qu'une fraude de 4 milliards de francs soit amnistiée au nom du droit est une autre histoire. Libre à chacun de s'en scandaliser." Le journal francophone "Le Soir" du 23 avril 1993 publia un article intitulé: "K: quand le droit bafoue la morale et la collectivité", accompagné de la même photographie que celle des autres journaux, mais où n'apparaissaient ni le gendarme, ni les menottes. L'on pouvait y lire, entre autres, les commentaires suivants : "Flagrant délit ? Après sept ans d'enquête du fisc et de la justice, c'est un argument que le parquet invoquera peut-être s'il fait appel de la décision du tribunal correctionnel de Bruxelles de rejeter (pour faute de procédure : 'Le Soir' d'hier) l'action intentée dans le cadre de 'l'affaire K.'. Cela parce que, plus prompte à privilégier les intérêts de l'économie locale, en l'occurrence l'immunité que s'arrogeait l'activité diamantaire, que ceux du fisc, la justice anversoise renâclait à collaborer. Anecdote: deux des principaux magistrats siégeant à l'époque au parquet métropolitain, procureur-général et juge d'instruction, ont, depuis, été condamnés pour escroqueries...notamment à l'impôt. (...) Agissant initialement dans le cadre d'un autre dossier, il avait été pratiquement contraint de renoncer en 1986, à demander une saisine supplémentaire pour poursuivre K., donc de se priver - ce qui motive le non-lieu prononcé mercredi - de certaines garanties de procédure. Les chiffres de 3,7 milliards ont été mis à charge [du requérant et de son coïnculpé] tandis qu'en 500 dossiers les redressements opérés dans leur clientèle portent sur 1.150 millions. A ... rembourser? Dans la mesure où le tribunal induit qu'il ne peut poursuivre les 'cerveaux' parce que les preuves, par ailleurs indubitables, qui sont présentées ont été irrégulièrement recueillies, il y a matière à s'interroger en effet sur la matérialité 'judiciaire' de la fraude. Partant sur le fondement des impositions." Dans son édition du 23 avril 1993, le journal néerlandophone "Het Volk" publia un article intitulé (Traduction) "Wathelet veut changer le système des assises" consacré aux déclarations faites par le ministre de la justice lors d'un entretien qui avait eu lieu en novembre 1992. Quelques lignes étaient consacrées à l'affaire K. et l'on pouvait y lire : (Traduction) " Le SP [parti socialiste flamand] a diffusé hier un communiqué dans lequel le parti présente l'affaire K. comme la preuve de l'existence d'une justice de classe en Belgique. 'Quels que soient les arguments juridiques et où que la faute ait pu être commise, cet acquittement défie l'imagination' explique son président V., qui insiste sur la nécessité d'une réflexion sur la politique de la justice dans ce pays." Entre-temps, le 22 avril 1993, le ministre de la Justice fut interpellé par un membre du Sénat, M. Vandenberghe, à propos du jugement d'acquittement rendu en première instance, ainsi que d'une autre affaire pénale. Ce parlementaire demandait notamment au ministre s'il ne pensait pas qu'il serait nécessaire de donner au parquet mission d'interjeter appel du jugement au cas où il ne le ferait pas spontanément et de prendre une initiative législative en matière de prescription et de sanction de fautes de procédure. Il ressort du compte-rendu de la séance du jeudi 22 avril 1993, repris dans les annales parlementaires du Sénat, que le ministre aurait, entre autres, déclaré ceci (dans une intervention faite alternativement en français et en néerlandais) : "Aussi, je demande votre indulgence. En effet, dans la mesure où l'on exige de la Justice un minimum de sérénité, on pourra pardonner au ministre de la Justice, compte tenu du délai de vingt-quatre heures et de l'impossibilité matérielle d'avoir lu tous les documents des dossiers en question, de ne réagir ni sur le plan émotionnel ni, surtout, sur le plan des dossiers actuellement traités par la justice. Même si je trouvais scandaleux un certain nombre de résultats malheureux de procédures judiciaires en cours, je ne pourrais vous le dire. Ces réflexions valent à la fois pour les affaires K. et H. (...) Lors de débats au Sénat et à la Chambre, on insiste très souvent sur l'indépendance du pouvoir judiciaire, (...) Mais en même temps, c'est toujours au ministre de la Justice que l'on s'adresse pour critiquer une décision de justice ou tenter de lui demander de modifier la décision d'un juge, démarche que je n'accomplirai pas parce que je ne le peux pas. Notre système exige que nous gardions à la fois la sérénité et un certain nombre de principes. Je n'interférerai donc pas dans cette discipline. Sans avoir lu ni le dossier, ni la décision du tribunal de première instance, je ne puis que constater que nous nous trouvons aujourd'hui, dans l'affaire K., devant un résultat troublant. J'ai, dès lors, demandé au procureur général près la cour d'appel de Bruxelles de me faire un rapport immédiat, avant l'expiration des délais d'appel. J'estime que le point de droit soulevé, avec les conséquences de fait qu'il aura sur le plan juridique, à savoir l'acquittement, entraîne la nécessité d'envisager très sérieusement un appel, voire un pourvoi en cassation si l'appel devait confirmer la décision du tribunal de première instance. Aucune possibilité juridique ne doit être négligée afin d'éviter qu'une culpabilité ne puisse être établie tout simplement du fait d'une erreur de procédure ou parce qu'un point de droit n'aurait pas été tranché. Je puis d'ores et déjà vous dire que le procureur-général est également favorable à l'introduction d'un appel. Ce qui pose problème aujourd'hui, c'est une perquisition effectuée en janvier 1986, à propos de laquelle il convient de vérifier si le magistrat instructeur était saisi. La question de la saisine du juge d'instruction est délicate et nous l'avons déjà abordée au Parlement. Vous vous souviendrez des problèmes posés par la saisine du juge d'instruction dans une autre affaire médiatisée. Hormis les précisions que j'ai demandées en l'espèce, le magistrat instructeur a pu intervenir sur base d'une saisine du ministère public précisant, conformément à la pratique, qu'il était saisi des faits liés au réquisitoire de mise en instruction, mais aussi de tout autre fait visé par la qualification retenue. Le juge d'instruction est en effet saisi in rem, c'est à dire de l'ensemble des faits, indépendamment des personnes nommées ou encore à identifier, visées par le réquisitoire du ministère public. Le problème réside dans l'interprétation à donner à ce réquisitoire et cela indique à suffisance la difficulté de tenir sur le même pied les préoccupations de respect des droits de la défense et celles qui concernent les intérêts essentiels de la collectivité. S'il ne convient pas de mépriser une préoccupation pour abuser d'une autre, il ne faut pas non plus abuser, en l'occurrence, des droits de la défense pour mépriser la préoccupation de sécurité publique et le souhait exprimé par la société de punir les coupables. La chose publique a ses exigences qui ne peuvent être étouffées par un abus des droits individuels. De plus, si on abuse de ces droits parce qu'ils ont été instaurés par la loi, alors, il incombe au législateur de modifier la législation et non de reprocher au juge de l'appliquer. Un rapport de proportionnalité doit exister, un rapport efficace entre les droits individuels, à savoir les droits de la défense, et les droits de la société. 'Comparaison n'est pas raison' mais selon moi, un tel rapport existe actuellement en Grande-Bretagne. La presse de ce jour met d'ailleurs en évidence des réformes françaises pour améliorer la nécessaire efficacité de la justice pénale. En effet, tous les pays européens connaissent à cet égard le même genre de problèmes. Nous devons donc trouver des remèdes efficaces mais sans altérer la dignité du procès, et d'ailleurs de la justice, sinon la justice pénale ne fonctionnerait plus que pour des actes de délinquance peu complexe, et plutôt mal d'ailleurs. Nous aurions alors une justice duale à deux vitesses qui, de toute façon, ne serait même pas assez rapide pour ce qui concerne les faits de délinquance urbaine. Le civisme s'impose à tous : au législateur, dans la mesure où nous sommes tenus d'adapter le droit aux nécessités de notre système démocratique, mais également aux auxiliaires de justice car la norme de droit écrit ne peut être l'occasion d'un abus, voire d'un alibi hypocrite. (...) En ce qui concerne l'affaire K., deux conclusions peuvent être tirées. Nous devons mieux calibrer les sanctions quant aux erreurs de procédure. Nous l'avons d'ailleurs fait dans un autre domaine. Rappellez-vous qu'en août 1992, nous avons voté une loi portant sur l'arriéré judiciaire. Cette loi disposait que la notion de nullité n'interviendrait en matière civile que dans un cas de préjudice. La notion de nullité de plein droit, basée sur la mauvaise rédaction d'un acte ou d'une faute d'orthographe, ont été abandonnées. En matière civile, cette mesure permet de mieux valoriser le temps de justice. En matière pénale, nous devons raisonner de la même manière afin de ne pas aboutir, indépendamment de notre langage juridique spécialisé, à des résultats injustes. Je pense notamment à des cas où la culpabilité est clairement établie et qui, en raison d'une erreur de procédure commise par un magistrat ou un greffier, se solderait par un acquittement. De telles situations sont révoltantes pour le citoyen et portent atteinte à la crédibilité de la justice. La sanction des erreurs de procédure doit donc être mieux calibrée. Il est envisageable de permettre aux parties de dénoncer certaines irrégularités en cours de procédure de manière à éviter l'évocation de nullité après la clôture de l'instruction. Ce calibrage plus précis des erreurs de procédure établirait un meilleur équilibre entre les droits individuels des inculpés et ceux de la société qui implique que justice soit faite. C'est ma première conclusion. Deuxième conclusion: je suis également favorable à une modification du délai de prescription. Je sais que cette notion doit être conservée pour des raisons de sécurité juridique et afin que les jugements interviennent dans des délais raisonnables. Ce principe nous est d'ailleurs imposé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Je pense néanmoins qu'aujourd'hui, dans le cadre de procès compliqués et très techniques, la prescription ne joue plus ce rôle consistant à préserver la sécurité juridique et les délais. Elle permet simplement, sans qu'aucune négligence ne puisse être reprochée à l'appareil judiciaire, d'aboutir à un acquittement couvrant, en réalité, des faits qui auraient été reconnus coupables. Le résultat est d'ailleurs paradoxal: plus un procès est compliqué, plus les charges sont lourdes, plus le refus de collaboration est évident et plus les chances d'échapper à la sanction sont grandes! Cette justice est duale, celui qui ne collabore pas à la justice ne doit pas avoir la possibilité de tirer avantage de ce fait en matière de prescription. Je répète donc que nous devons mieux calibrer les erreurs de procédure ou les sanctions qui en découlent. Par ailleurs, nous devons adapter les délais de prescription ou les suspendre provisoirement pour certaines raisons. (...) Tant au niveau des parquets que des magistrats assis, il faut éviter de conclure qu'un juge est mauvais parce qu'une règle l'est, ou que le juge a commis une erreur parce qu'une règle s'applique mal dans un cas déterminé." Le quotidien "Gazet Van Antwerpen" écrivit dans son édition du 23 avril 1993 : (Traduction) "le ministre ira en appel, et, si nécessaire, en cassation dans l'affaire K... Pour le ministre de la Justice comme d'ailleurs pour le procureur-général, c'est une chose entendue qu'appel sera interjeté contre l'acquittement de K. et, même, en cas de confirmation du jugement en appel, qu'un pourvoi en cassation sera introduit. Toutes les possibilités juridiques doivent être mises en oeuvre pour éviter qu'à cause d'un vice de procédure, un coupable échappe à sa peine, a dit [le ministre]. Le ministre de la Justice a aussi pris la défense du président du tribunal de première instance qui a dû acquitter les prévenus dans l'affaire K. en raison d'une faute de procédure. Le président a appliqué la loi et rien ne peut lui être reproché, a dit [le ministre]. Il appartient dans ce cas au législateur de faire en sorte que la loi soit changée." Pour sa part, le journal "Het Nieuwsblad" du même jour mettait cette phrase dans la bouche du ministre de la justice : (Traduction) "il fait observer qu'il fallait empêcher que des erreurs de procédure soient mises à profit par la défense, au détriment de la collectivité, d'autant que la procédure de saisine d'un juge d'instruction est délicate, comme on l'a déjà remarqué pour le juge d'instruction liégeois A.". Ce même 23 avril 1993, le parquet interjeta appel du jugement du 21 avril 1993 devant la cour d'appel de Bruxelles. Le journal "Het Volk" écrivit dans son édition des 24 et 25 avril 1993 : (Traduction) "Le parquet va certainement faire appel de l'acquittement retentissant dans l'affaire K. C'est ce qu'a annoncé hier le porte parole du parquet. L'avenir montrera si cet appel a un sens, car les deux prévenus ont été acquittés sur base d'une grave faute de procédure. Le parquet compte-t-il que la cour d'appel l'estimera moins sérieuse ? Le ministre de la Justice Melchior Wathelet a réagi avec indignation et l'a fait savoir jeudi également, à l'occasion de sa réponse à une interpellation au Sénat. Il a exigé un rapport détaillé du parquet de Bruxelles qui est à présent dirigé ... par le même D., qui est maintenant procureur du Roi..." Le quotidien "De Standaard" du 24 avril 1993 écrivit, après avoir annoncé que le parquet avait fait appel dans l'affaire : (Traduction) "Le jugement a fait grand bruit. Le ministre de la justice a fait savoir jeudi qu'il allait, si nécessaire, obliger le parquet à interjeter appel. Il n'a pas fallu en arriver là." Le 9 mai 1993, le journal "De Standaard" publia un article d'un professeur de sociologie du droit à la Katholieke Universiteit van Leuven intitulé (Traduction) "Les protections procédurales ne peuvent pas être unilatérales". On pouvait, entre autres, lire : (Traduction) "Un acquittement pour cause d'erreurs dans la procédure, ce n'est pas donné à tout le monde. La recherche des erreurs de procédure est en effet chose coûteuse, car elle ne peut se faire sans recourir à des avocats malins. Et qui peut se les offrir? Il s'ensuit que ce sont principalement les grands fraudeurs et les grands pollueurs qui peuvent tirer parti des erreurs de procédure pour obtenir l'acquittement. Cette injustice dans les faits n'échappe pas au citoyen moyen. On ne s'étonne pas dès lors que certains parlent de 'justice de classe'. La confiance dans l'impartialité de la justice est ébranlée. Ce qui s'est passé ces derniers mois a, en d'autres termes, mis à mal le sentiment de justice. Chaque décision judiciaire est une mise en balance du bien et du mal, de la faute et du châtiment, de ce qui appartient à Dieu et à César. Le magistrat est aussi obligé de procéder à une évaluation parce que chaque décision judiciaire a une dimension communautaire et touche d'une manière ou d'une autre aux intérêts de la communauté. (...) On peut concevoir des dispositions qui, sans porter atteinte aux réels droits de la défense, prendraient en compte ce qui se trouve de l'autre côté de la balance." L'hebdomadaire néerlandophone "Blik" publia, au début du mois de mai 1993, un article intitulé (Traduction) "Méthode en dix leçons : Comment frauder des milliards et rester impuni" dans lequel il était, entre autres, écrit: (Traduction) "Le bureau de change K. procédait au blanchiment d'argent, à la fraude T.V.A. et à l'organisation d'un négoce international illégal d'or. (...) Comment peut-on frauder des milliards sans finalement atterrir dans une cellule ? C'est possible en Belgique, en dix simples points ... 1. (...) 9. Quoiqu'il en soit, tout le monde y est et le procès peut commencer. La presse est présente en masse pour informer les contribuables sur vos activités illégales, pour autant que ce ne soit pas déjà fait. Peut-être que des sueurs froides surgissent encore in extremis, mais voici votre ange salvateur. 'Un moment' dit votre avocat et il bombarde les oreilles du tribunal des fautes de procédure qui ont été faites. D'une certaine façon, dans un gros dossier comportant des milliers de pages, il doit au moins y avoir une petite erreur commise par le parquet ou les enquêteurs.(...) Nul besoin pour les juges d'y [la défense basée sur des fautes de procédure] réfléchir très longtemps, ils ne sont pas fous. Ils n'ont aucune envie de "saborder" leur carrière par des initiatives qui seraient réformées plus tard en appel ou en cassation. Même avant qu'un mot soit dit à propos de ces choses terribles dont vous êtes accusé, vous pouvez retrouver vos maisons au soleil et vos millions. Grâce au contribuable qui, en plus, devra supporter les frais d'enquête et de procédure. 10. Et voilà, le monde gît à vos pieds. Pourquoi ne pas retourner au ... point 1. Succès assuré !" Au début du mois de juin 1993, le juge unique qui avait rendu le jugement du 21 avril 1993 fut désigné juge d'instruction au tribunal de première instance de Bruxelles. Le quotidien "Gazet van Antwerpen" commenta cette nomination en ces mots : "Comme expert financier, M. est connu pour ses jugements minutieusement motivés, comme dans les affaires ... Le départ de M. est généralement considéré comme une grande perte. Le président du tribunal reçoit au demeurant de plus en plus de soutien pour son jugement dans l'affaire de fraude K." Dans ses conclusions d'appel, le requérant souleva d'abord que le jugement de première instance devait être confirmé. Il fit valoir que, dans le cas contraire, la cause devrait être renvoyée au juge de première instance pour examen au fond, la cour ne pouvant faire usage en l'espèce de son pouvoir d'évocation. Il se plaignit en outre de la violation des lois sur l'emploi des langues, de l'exercice successif par l'un des membres du pouvoir judiciaire des fonctions de juge d'instruction et de partie poursuivante, de la participation de fonctionnaires des impôts à l'enquête, du dépassement du délai raisonnable et aussi de la jonction d'un dossier pour information, circonstance de nature à vicier toutes les poursuites. Il ajouta que le juge d'instruction n'avait pas été correctement saisi et que les perquisitions étaient nulles. Il demanda encore à la cour de surseoir à statuer dans l'attente des résultats des procédures fiscales menées à son encontre. Il fit enfin valoir qu'il serait illusoire de croire que ceux qui seraient appelés à juger cette affaire ne seraient pas, consciemment ou inconsciemment, influencés par la campagne de presse et l'intervention du ministre de la Justice. Il invoqua la présomption d'innocence, le droit à un procès équitable et le principe d'impartialité et d'indépendance de la juridiction appelée à connaître de l'affaire. Il demandait sur ce point un arrêt préalable et refusa de discuter du fond de l'affaire en ce compris l'existence, la valeur et la portée des aveux qu'il avait faits. La cour d'appel joignit cette dernière demande au fond et invita expressément le requérant à se défendre au fond, ce qu'il refusa de faire. La cour se prononça par arrêt du 7 février 1994. Elle déclara les poursuites irrecevables pour les préventions A, B, C, F, I, J et L. Elle déclara ensuite la plupart des faits repris aux autres préventions établis, après avoir estimé que les préventions D, G et K devaient être limitées à certains faits et périodes ou à certains montants. Pour déclarer ces faits établis, elle eut notamment égard au fait que le coïnculpé du requérant avait, dès le 21 janvier 1986, déclaré que sa société était impliquée dans des transferts illicites avec l'étranger et qu'une double comptabilité était tenue en dehors du siège de la société pour des raisons de sécurité en cas de visite des autorités judiciaires, fiscales ou administratives et que le requérant avait, en termes plus nuancés, confirmé ces dires. La cour condamna le requérant à une peine de quatre ans d'emprisonnement. La cour d'appel rejeta ainsi les arguments du requérant fondés sur l'influence d'une campagne de presse et de l'intervention du ministre de la Justice : "Attendu que selon Beelen, la campagne à laquelle s'est livrée la presse - qu'il passe longuement en revue - après le prononcé du jugement entrepris a eu un caractère 'injurieux pour la justice et haineux pour lui-même'; Qu'il n'est pas douteux, par ailleurs, que le ministre de la Justice, interpellé au Sénat le 22 avril 1993 par un parlementaire, s'est livré sur l'affaire et au sujet du jugement entrepris, à des déclarations qui ont ensuite fait l'objet de l'une ou de l'autre retouche, mais dont le contenu fut à tout le moins surprenant dans la bouche d'un garde des sceaux; Que Beelen relève la volonté manifestée dès ce moment par le ministre de voir l'affaire déférée à la cour d'appel, voire la Cour de cassation et que 'ces injonctions ont aussitôt été suivies', puisque le procureur du Roi a interjeté appel le 23 avril 1993 à 15 heures; Qu'il considère dès lors qu'en contradiction avec les droits de la défense, l'article 6 par. 1 et 2 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, l'article 14 par. 1 et 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques fait à New-York et approuvé par la loi du 15 mai 1981, il ne peut plus bénéficier d'un procès équitable dès lors qu'il éprouverait 'une crainte objective de ce que son sort serait réglé ou devrait l'être dans un certain sens en raison des pressions exercées sur les juges ou la justice en général et de l'image créée avant (le) procès soit de lui-même soit des faits dont il est accusé' (conclusions du 21 octobre 1993, page 16); Qu'en d'autres termes, la pression exercée par la presse sur l'opinion publique et sur l'opinion politique peut lui faire craindre, à lui et des tiers non avertis, qu'aucune juridiction ne pourra confirmer le jugement entrepris ou l'acquitter pour quelque motif que ce soit; Attendu que l'objection ainsi soulevée consiste non en une contestation de la recevabilité de l'appel, mais en une mise en cause de l'indépendance et de l'impartialité des juges en général, et de ceux composant cette chambre de la cour en particulier; Attendu que les prévenus ne prétendent cependant ne pas se trouver dans l'un des cas de récusation prévus à l'article 828 du code judiciaire et s'abstiennent de toute procédure sur cette base; Attendu que l'impartialité personnelle d'un magistrat se présume, jusqu'à preuve du contraire (Cass. 24.9.1986 - Pas. 87 - 1 - 106); Qu'aucun juge ne s'abstiendra jamais de remplir sa fonction dans les conditions d'objectivité, d'impartialité et d'indépendance qui s'imposent, au motif qu'une campagne de presse, si violente soit-elle, ou les malheureuses déclarations d'un ministre pourraient susciter chez un prévenu ou tout 'tiers non averti, la suspicion raisonnable' que ledit juge n'oserait pas ne pas le condamner; Qu'une telle abstention équivaudrait à un déni de justice; Attendu qu'il est oiseux d'examiner les atteintes que les déclarations du ministre de la Justice auraient porté à la présomption d'innocence dont doivent bénéficier les prévenus, au principe de la séparation des pouvoirs et aux limites des prérogatives, que ce ministre tient des articles 274 et 441 du Code d'instruction criminelle; Qu'aucune de ces considérations ne peut avoir d'effet sur le caractère équitable du procès, ni sur l'impartialité des juges d'appel; Attendu que les prévenus prétendent à tort que le premier juge aurait été déplacé après le jugement rendu par lui; Qu'ils perdent de vue qu'aux termes de l'article 100 alinéa 3 de la Constitution, le déplacement d'un juge ne peut avoir lieu que par une nomination nouvelle et de son consentement; Qu'en l'espèce, le premier juge a été désigné au sein de son tribunal, en qualité de juge d'instruction; Qu'une telle affectation ne constitue évidemment pas un déplacement, mais une simple mesure d'organisation interne du tribunal; Qu'à la connaissance de la cour, aucune disposition légale ni règlement du tribunal n'aurait empêché le premier juge de décliner cette éventuelle désignation, s'il l'avait souhaité; Attendu qu'afin de démontrer l'influence qu'aurait sur la cour la presse et les déclarations du ministre, le prévenu incrimine les termes du rapport fait à la première audience par la présidente, ainsi qu'un épisode de son interrogatoire, acté à la feuille d'audience du 15 octobre 1993; Attendu que la relation faite à la cour par un de ses membres, consiste nécessairement dans l'exposé du contenu du dossier en ce qu'il comporte des éléments à charge et à décharge d'où ressortiront ou non les faits reprochés au prévenu; Qu'un tel exposé objectif ne constitue évidemment pas un préjugé; Qu'en fait, dans la présente cause, l'ampleur de ce que Beelen qualifie de 'prétendue fraude' est évoquée tout au long du dossier, de même que l'existence de propriétés, de tableaux (voir le carton 2) et accessoirement de grands vins et ne sont pas l'écho d'articles de presse ou de déclarations du ministre; Qu'il appartient au prévenu d'exercer complètement le droit de défense à l'encontre des charges ressortant du dossier et sur base desquelles la juridiction d'instruction a ordonné le renvoi; Que, d'autre part, ainsi qu'en fait foi la feuille d'audience, le prévenu Beelen, après avoir dit au cours de son interrogatoire son identité, qu'il était sans profession, déclara, lorsqu'il fut interrogé après le rapport, qu'il était employé dans une société de 'consulting, ce qui signifie la fourniture de renseignements en matière de comptabilité'; que la présidente fit naturellement acter cette déclaration en ajoutant que le prévenu avait effectivement de l'expérience dans ce domaine; Que la défense de Beelen ayant, à tort, vu un préjugé dans cette phrase, la cour fit préciser par Beelen les diplômes et l'expérience acquis au cours de sa vie professionnelle, ce qui ne fit que confirmer sa compétence en la matière; Que ni l'une ni l'autre de ces circonstances ainsi montées en épingle par la défense du prévenu, ne constitue un préjugé quelconque et ne peut être considérée comme tel; Que le prévenu, auquel il eût été loisible de déposer une requête sur base de l'article 828 du code judiciaire, s'en est d'ailleurs abstenu; Attendu que la tentative du prévenu, de placer la cour entre la crainte de subir les mêmes attaques que le premier juge si elle confirme sa décision ou d'être soupçonnée d'avoir cédé aux pressions de la rue ou du pouvoir politique si elle la réforme, est sans effet; Qu'en conclusion, rien ne permet de considérer que la cour ne serait pas en mesure de statuer de manière indépendante et impartiale ou susciterait dans l'opinion générale un doute légitime quant à son aptitude à juger de cette manière; Attendu, de manière superfétatoire, qu'il ne résulte d'aucune pièce à laquelle la cour peut avoir égard, que l'appel du 23 avril 1993 du Procureur du Roi, aurait été formé à 15 heures, soit 'quelques heures à peine après les déclarations du ministre' et pour déférer à ces injonctions, ainsi que l'affirment sans preuve aucune les prévenus." Dans son arrêt du 7 février 1994, la cour d'appel ordonna en outre l'arrestation immédiate du requérant. Le requérant se pourvut en cassation le 9 février 1994. Le requérant demanda ensuite sa mise en liberté provisoire. Celle-ci fut rejetée par arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 11 février 1994. Le requérant se pourvut en cassation contre cette décision. Par arrêt du 16 mars 1994, la Cour de cassation constata qu'elle n'avait pas statué dans le délai de 15 jours à compter de la date du pourvoi, comme l'imposait l'article 31 par. 1 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive. Elle en conclut donc que le requérant était libre par l'effet de la loi. Le 17 mars 1994, le ministre de la Justice fut interpellé à la Chambre des représentants par M. Landuyt, membre de cette assemblée. Après avoir relevé que la remise en liberté du requérant semblait pouvoir être imputée à des fautes de procédure commises par des membres du pouvoir judiciaire, celui-ci demanda au ministre si des sanctions disciplinaires ne pouvaient pas être infligeés en pareil cas. Selon les annales parlementaires, le ministre se prononça comme suit: "Monsieur le Président, puisqu'il s'agit d'une affaire judiciaire et que M. Landuyt m'interroge sur la décision prise par la Cour de cassation, je voudrais d'abord rappeler les faits. Il s'agit d'une condamnation par la 14e chambre de la cour d'appel de Bruxelles, datant du 7 février dernier, à une peine d'emprisonnement de quatre ans, en raison de diverses préventions, avec une arrestation immédiate ordonnée à l'audience. L'intéressé a introduit un pourvoi en cassation. Vous savez que ce pourvoi suspend le caractère définitif de la peine prononcée, notamment de la peine de prison. Si l'intéressé est en prison, c'est sous le régime de la détention préventive, puisque la peine n'est pas définitive. Voilà les faits. Que s'est-il passé ensuite? Si je prends le document, c'est pour vous indiquer ce que l'on doit pouvoir retenir de cet enchaînement de circonstances, étant entendu que je dois prendre - vous l'avez indiqué vous-même à mots couverts dans votre question - toutes les précautions nécessaires pour m'exprimer ici en tant que membre du pouvoir exécutif devant le pouvoir législatif. Mais il s'agit d'une décision de la Cour de cassation, c'est-à-dire une décision du siège émanant de magistrats assis, totalement indépendants, et sur lesquels je n'exerce aucun pouvoir, même pas celui de les interroger ou de leur demander une explication. Donc, si dans cette décision - qui aboutit, aujourd'hui, à la remise en liberté de l'intéressé qui introduit un pourvoi en cassation -, il devait y avoir une faute professionnelle pouvant donner lieu à une sanction disciplinaire, cela relèverait exclusivement de la compétence du premier président de la Cour de cassation. Je ne me permettrai ni d'influencer sa décision, ni de la critiquer. Ceci étant dit, il appartient aux magistrats de la Cour de cassation de fixer l'audience. Vous savez que la loi de 1990, que nous avons votée à l'unanimité, prévoit que la Cour de cassation doit statuer dans les quinze jours sur les recours relatifs à la détention préventive. Le magistrat de Cour de cassation qui fixe les audiences a estimé que le pourvoi en cassation relatif à la mise en liberté de l'intéressé ne devait pas respecter ce délai, puisque la cour d'appel avait ordonné son arrestation immédiate à l'audience. Il s'explique de la manière suivante: 'Pour éviter toute confusion, il a décidé de fixer l'affaire en question conformément à la procédure suivie dans les causes urgentes, c'est-à-dire autres que relatives à la détention préventive'. Ce magistrat estimait, en effet, que la Cour aurait intérêt à pouvoir statuer une fois pour toutes en décidant qu'une requête de mise en liberté, après ordre d'arrestation immédiate, ne constituait plus une décision sur la détention préventive nécessitant le respect des courts délais, c'est-à-dire les quinze jours prévus par la loi du 20 juillet 1990. Que puis-je constater? Je constate que l'affaire a été volontairement fixée au-delà des quinze jours prévus par la loi sur la détention préventive. Dernier élément: il appartient aujourd'hui au premier président de la cour de cassation d'apprécier s'il faut reconnaître ou non qu'il y a faute professionnelle et s'il y a lieu de prévoir une sanction disciplinaire. Plusieurs éléments doivent être examinés: 1. Cette thèse est-elle plausible sur le plan du droit ? Certains auteurs estiment, M. Landuyt, qu'en cas d'arrestation décidée en audience par la cour d'appel et de pourvoi en cassation sur demande de mise en liberté, il n'y a pas lieu de respecter les délais prévus par la loi de 1990, puisque ce cas n'a pas été expressément prévu par la loi. 2. Pouvait-on prendre le risque de trancher sur cette question de principe en fixant intentionnellement la cause au-delà du délai de quinze jours? 3. Si la thèse est exacte et si le risque doit être pris pour trancher les questions de principe, quod non? Ce risque pouvait-il être pris à l'occasion d'une affaire qui ne manque pas d'importance? D'où votre question et les débats que nous avons menés au sujet de ce dossier et de ce qu'il implique sur le plan de l'intérêt général. 4. Il apparaît que la fixation au-delà des quinze jours n'a pas été décidée 'de concert avec le parquet général près la Cour de cassation', ainsi que le prévoit la loi. Il y a manifestement là une infraction par rapport à la loi, puisque, comme m'en informe le procureur général auprès de la Cour de cassation, la concertation n'a pas eu lieu. En fonction de tous ces éléments que j'ai communiqués au procureur général près la Cour de cassation, celui-ci en a saisi le premier président de la Cour de cassation qui devra les apprécier." Dans son mémoire en cassation, le requérant, invoquant l'article 6 par. 1 et 2 de la Convention, souleva, entre autres, le grief suivant : "Et alors que, deuxième branche, peut être violé le droit à un procès équitable, dans le sens des dispositions des conventions internationales citées au moyen, non seulement lorsque le tribunal appelé à juger le prévenu n'est pas impartial et indépendant, mais également lorsque ce prévenu, en raison d'une campagne de presse, de déclarations du ministre de la Justice et de l'affectation nouvelle du juge - même légale - qui a rendu le jugement dont appel, - chacun de ces éléments pris isolément et en relation avec les autres - peut légitimement faire craindre que son procès doit conclure à sa culpabilité; qu'en décidant sans examiner, comme l'y invitait le demandeur, si la campagne, ainsi que les déclarations du ministre de la Justice et la nouvelle affectation du juge qui a rendu le jugement a quo sont de nature à faire naître chez le prévenu une crainte légitime quant au caractère équitable du procès, au motif 'qu'aucun juge ne s'abstiendra jamais de remplir sa fonction, dans les conditions d'objectivité, d'impartialité et d'indépendance qui s'imposent au motif qu'une campagne de presse civile ou les malheureuses déclarations d'un ministre pourraient susciter chez un prévenu ou un tiers non averti la suspicion raisonnable, ledit juge n'oserait pas le condamner; qu'une telle abstention équivaudrait à un déni de justice' et que 'il est oiseux d'examiner les atteintes que les déclarations du ministre de la Justice auraient portées à la présomption d'innocence dont doivent bénéficier les prévenus, au principe de la séparation des pouvoirs (...); qu'aucune de ces considérations ne peut avoir d'effet sur le caractère équitable du procès, ni sur l'impartialité des juges d'appel', et en conclure que le tribunal est impartial, indépendant et, pour ce motif, ne suscite pas dans l'opinion générale l'impression qu'il ne peut juger de manière indépendante et impartiale, l'arrêt attaqué, décide, en son principe, que ni une campagne de presse - si violente soit-elle - ni les déclarations d'un ministre - si malheureuses ou étonnantes soient-elles -, ni le changement d'affectation du juge qui a rendu la décision critiquée par la presse et le ministre de la Justice, séparément et ensemble ne sont susceptibles de créer chez un prévenu ou tout tiers non averti des doutes légitimes sur le caractère indépendant et impartial d'un tribunal et, partant, d'affecter le caractère équitable d'un procès (violation des dispositions indiquées au moyen). Le 20 avril 1994, la Cour de cassation rejeta le pourvoi. Elle se prononça comme suit sur le moyen tiré de la violation de l'article 6 par. 1 et 2 de la Convention : "Attendu qu'en relevant les circonstances mentionnées au motif que le moyen reproduit, les juges d'appel ont répondu aux conclusions du demandeur, sans donner de celles-ci une interprétation inconciliable avec leurs termes; qu'ils ont pu en déduire légalement que la présomption d'innocence du demandeur et ses droits à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial, n'est pas méconnu."
GRIEFS Invoquant l'article 6 par. 1 et 2 de la Convention, le requérant soutient que sa condamnation a été prononcée en violation de ses droits à un procès équitable et à la présomption d'innocence, par un tribunal qui ne présentait pas les garanties d'indépendance et d'impartialité. Il relève, en effet, que suite au jugement du tribunal correctionnel le renvoyant de toute poursuite, une campagne de presse particulièrement violente a été dirigée tant contre le jugement lui-même, qualifié notamment d'"écoeurant, révoltant, injuste", que contre le juge qui l'a rendu et contre lui-même, qualifié d'escroc et dont une photographie menottes aux poings fut publiée. Un seul quotidien, "la Libre Belgique" ne participa pas à cette campagne qui tenait plus de la désinformation que de l'information. Cette campagne de presse constitue un premier élément de nature à susciter chez lui un doute légitime sur la capacité des instances judiciaires à encore juger avec sérénité, indépendance, impartialité et dans le respect de la présomption d'innocence dans l'affaire. Cette campagne de presse fut aussi relayée par le ministre de la Justice qui, en réponse à une interpellation au Sénat du 22 avril 1993, a jeté le doute sur le bien-fondé de la décision du premier juge, a dit sa volonté de non seulement interjeter appel, mais aussi de se pourvoir en cassation contre un éventuel arrêt confirmant le jugement. Le ministre l'a en outre qualifié de "coupable" dans les faits et estimé qu'il ne pouvait, pour ce motif, échapper à l'acquittement pour des "motifs de procédure". Le requérant ajoute que, peu après ledit jugement, le juge unique qui l'avait rendu, fut nommé par le même ministre de la Justice à une autre fonction, ce qui a également fait naître le sentiment qu'il aurait été déplacé à titre de sanction. Enfin, le ministre de la Justice a évoqué, en séance de la chambre des représentants du 17 mars 1994, l'éventualité de sanctions disciplinaires à prendre contre un magistrat de la Cour de cassation, pour avoir pris une décision qui a eu pour effet sa libération provisoire par arrêt du 16 mars 1994, alors que ladite cour était encore saisie de son pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel du 7 février qui le condamnait. Le requérant en déduit qu'il a légitimement pu craindre que son procès devait conclure à sa culpabilité et qu'il n'a pas eu droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial dans le respect de la présomption d'innocence. Il se plaint aussi du fait que ni la cour d'appel, ni la Cour de cassation n'ont examiné dans les faits si, et dans quelles mesures, la campagne de presse dénoncée, l'intervention du ministre et le déplacement du juge ayant rendu le jugement de première instance, étaient de nature à affecter, ensemble ou séparément, les droits garantis par l'article 6 de la Convention. Il explique qu'en se dispensant d'examiner ces éléments in concreto, les juridictions belges n'ont pas correctement motivé sa condamnation, ce qui constitue une entorse à son droit à un procès équitable au sens de l'article 6 par. 1 de la Convention.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION La requête a été introduite le 11 octobre 1994 et enregistrée le 24 octobre 1994. Le 15 janvier 1995, la Commission a décidé de porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur et de l'inviter à lui présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête. Le Gouvernement a présenté ses observations le 15 mai 1996, après prorogation de délai, et le requérant a présenté ses observations en réponse le 23 juillet 1996. Le 23 septembre 1996, le Gouvernement a présenté des observations complémentaires qui ont été transmises au requérant le 3 octobre 1996.
EN DROIT Le requérant soutient que sa condamnation a été prononcée en violation de ses droits à un procès équitable et à la présomption d'innocence, par un tribunal qui ne présentait pas les garanties d'indépendance et d'impartialité. Il expose en particulier que, suite à son acquittement en première instance, il a été victime d'une campagne de presse qui était de nature à influencer d'une manière négative à son égard tant l'opinion publique que les membres de la cour d'appel qui furent ultérieurement appelés à se prononcer sur sa cause. Il se plaint aussi des déclarations du ministre de la Justice qui a relayé les déclarations de la presse et exprimé l'opinion qu'il était coupable des faits qui lui étaient reprochés. Il ajoute que la nomination du juge ayant statué en première instance à un autre poste a légitimement aggravé ses craintes, dans la mesure où ce déplacement ressemblait à une sanction. Il se plaint aussi du fait que ni la cour d'appel, ni la Cour de cassation n'ont examiné dans quelle mesure ces événements étaient de nature à affecter, ensemble ou séparément, les droits garantis par l'article 6 (art. 6) de la Convention, de sorte que ces juridictions n'ont pas correctement motivé sa condamnation. Le requérant invoque les paragraphes 1 et 2 de l'article 6 (art. 6-1, 6-2) de la Convention, qui sont ainsi libellés : "1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (...) par un tribunal indépendant et impartial (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie." Le Gouvernement fait valoir que ni les énonciations dans la presse dénoncées par le requérant, ni les déclarations faites par le ministre de la Justice ne sont de nature à pouvoir constituer une violation de la présomption d'innocence dans le sens de l'article 6 par. 2 (art. 6-2) ou du droit à un procès équitable au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Le Gouvernement relève que l'analyse des articles de presse montre toutefois que les commentaires sont dirigés essentiellement contre le principe, dont le jugement du tribunal correctionnel fait application, que des motifs de procédure peuvent le cas échéant entraîner le renvoi des poursuites. Contrairement à ce que le requérant fait valoir, certains articles de presse font clairement ressortir que la cause de l'irrecevabilité des poursuites se trouve dans une erreur commise par les autorités judiciaires. En outre, la presse n'a pas jeté un doute sur le bien-fondé d'une décision d'acquittement ; elle s'est seulement dressée contre la constatation que dans une affaire portant sur une fraude importante, la nullité de l'instruction en raison d'une erreur des autorités judiciaires est à la base de - ce qui est appelé - une "faillite de la justice". En conclusion, la presse s'est bornée à reproduire le résultat de la procédure qui, après des débats en audience publique, a abouti au jugement rendu en première instance, et a livré ses commentaires quant au renvoi des poursuites à la suite d'une faute de procédure. Le Gouvernement relève par ailleurs que le ministre de la Justice n'a pas fait une déclaration formelle de culpabilité, et que ses déclarations doivent être comprises comme une information de l'opinion publique et l'expression d'un point de vue quant à la question de l'influcence de fautes de procédure sur le jugement d'affaires pénales. Le ministre de la Justice a pris soin de faire toutes les réserves pour ce que la cour d'appel et, le cas échéant - si la cour d'appel confirmait la décision de renvoi des poursuites - la Cour de cassation pourraient décider. Les énonciations de son intervention ne constituent nullement une déclaration de culpabilité formelle dans le chef du requérant, le ministre ayant d'ailleurs expliqué davantage la question juridique en précisant qu'il s'agissait d'une question de l'étendue de la saisine du juge d'instruction. Enfin, les déclarations du ministre du 17 mars 1994 n'ont pas non plus porté atteinte aux dispositions invoquées par le requérant. En effet, le Ministre, tout en répondant à l'interpellation qui lui était adressée, a donné une explication sereine de la situation résultant de l'arrêt du 16 mars 1994. Dans la mesure où le requérant soutient que la nomination de M. à une autre fonction a pu faire naître le sentiment qu'il fut déplacé à titre de sanction, le Gouvernement estime que ce grief ne peut être accueilli dans la mesure où, aux termes de l'article 152 de la Constitution (anciennement article 100 al. 3), le déplacement d'un juge ne peut avoir lieu que par une nomination nouvelle et de son consentement. Le requérant souligne que tant le vocabulaire employé par la presse pour qualifier le jugement de mise hors cause du requérant (par exemple : honteux, écoeurant, révoltant, injuste, camouflet pour la justicie, appareil judiciaire chancelant, jour off pour la justice, insinuations malveillantes à l'intention du juge qui a rendu la décision, mépris pour le requérant "les escrocs vous saluent" etc.); que le contexte dans lequel ces épithètes sont employés (photo du requérant menotté sur quart ou même demi page de la page de garde, le jour même où il est renvoyé des poursuites) indiquent que la volonté de la presse n'était pas d'informer mais de provoquer une réaction tant dans l'opinion publique que dans le monde politique et, le cas échéant, de faire pression sur les autorités judiciaires afin que les "coupables" - qui viennent cependant d'être acquittés, soient renvoyés devant des juges qui, cette fois, ne feraient pas honte à la justice, c'est-à-dire les condamneraient. De même, les déclarations du Ministre, loin de "prendre des mesures appropriées pour prévenir ou réprimer la violation de la présomption d'innocence par la presse" a accordé à la campagne de presse odieuse dont il était victime, le crédit que lui octroyaient ses fonctions en présentant le requérant - qui venait d'être relaxé des poursuites - comme un coupable qui doit être puni, quelles que soient les circonstances et les raisons pour lesquelles il a été mis hors cause et que, donc, il fallait interjeter appel et si le jugement d'appel n'était pas conforme au souhait du Ministre se pourvoir en cassation, déclarations qui ne peuvent qu'engendrer chez le requérant, prévenu, le sentiment objectivement justifié que son sort est scellé en dehors des prétoires de justice. Plus inquiétant encore pour un prévenu est, que le Ministre de la Justice, lorsque la Cour de cassation déclare le requérant libre par "le fait de la loi", fait part de son indignation en exprimant publiquement son souhait de voir les magistrats responsables de cette libération poursuivis disciplinairement. Enfin, pour un prévenu moyen tel le requérant, la nomination par le ministre de la Justice du juge qui l'a mis hors cause, à un autre poste avant l'épilogue de l'affaire, doit être mis en rapport avec les critiques de ce même ministre de la Justice contre le jugement rendu quelques semaines plus tôt par le même juge et est de nature à susciter des doutes sérieux sur la liberté des magistrats de juger en toute indépendance. La Commission a déjà admis que dans certains cas une campagne de presse virulente pouvait nuire à l'équité du procès en influençant l'opinion publique et, par là même, les jurés appelés à se prononcer sur la culpabilité d'un accusé (voir notamment, N° 10486/83, déc. 9.10.86, D.R. 49, pp. 86, 87, 120 et 121 ; N° 10857/84, déc. 15.7.86, D.R. 48, p. 106 ; Nos. 8603/79, 8722/79, 8723/79 et 8729/79, déc. 18.12.80, D.R. 22, pp. 147, 150 et 187 ; Nos. 7572/76, 7586/76 et 7587/76, déc. 8.7.78, D.R. 14, pp. 64, 65 et 87). S'il est vrai que le droit du public à l'information conduit à attacher une importance particulière à la liberté de la presse, il n'en demeure pas moins que cette liberté doit dûment être mise en balance avec le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 (art. 6) de la Convention. Dans une société démocratique au sens de la Convention ce droit occupe une place si éminente qu'une interprétation restrictive de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) ne correspondrait pas au but et à l'objet de cette disposition (cf. Cour eur. D.H., arrêt Delcourt c/Belgique du 17 janvier 1970, série A n° 11, p. 15, par. 25). La Commission rappelle aussi que, si le principe de la présomption d'innocence est certainement et avant tout une garantie de caractère procédural s'appliquant à toute procédure pénale (voir Cour eur. D.H., arrêt Minelli c/Italie du 25 mars 1983, série A n° 62, p. 18, par. 37), sa portée est toutefois plus étendue. En effet, la présomption d'innocence lie non seulement la juridiction chargée de l'affaire mais aussi d'autres organes de l'Etat (Cour eur. D.H., arrêt Allenet de Ribemont c/France du 10 février 1995, série A n° 308, p. 16, par. 36 ; cf. également N° 7986/77, déc. 3.10.78, D.R. 13, p. 73), le principe fondamental consacré à l'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la Convention garantissant à tout individu que les représentants de l'Etat ne pourront pas le traiter comme coupable d'une infraction avant qu'un tribunal compétent ne l'ait établi selon la loi (cf. N° 9295/81, déc. 6.10.82, D.R. 30 p. 227). Lorsqu'une instance pénale est pendante, les organes de la Convention établissent une distinction entre les déclarations qui reflètent le sentiment que l'intéressé est coupable et les déclarations qui décrivent simplement un état de suspicion. Les premières portent atteinte à la présomption d'innocence, (voir en particulier arrêt Minelli précité, par. 37 ; N° 10107/82, I. et C. c/Suisse, rapport Comm. 4.12.85, D.R. 48, p. 35 ; N° 12748/87, déc. 14.3.89, non publiée), alors que les secondes ont été considérées comme acceptables dans différents cas examinés par les organes de la Convention. Il s'ensuit que les autorités n'ont pas l'obligation de s'abstenir d'informer le public des enquêtes pénales en cours. Ce qui, par contre, doit être exclu, c'est une déclaration formelle suivant laquelle telle personne est coupable (cf. notamment N° 7986/77 et N° 10857/84, précitées ; N° 11882/85, déc. 7.10.87, D.R. 54, p. 162). Il y a lieu toutefois de tenir compte des circonstances spécifiques de l'affaire et de peser les intérêts en présence, à savoir l'intérêt légitime du public et de la presse à être informés, d'une part, et l'intérêt de la personne soupçonnée d'avoir commis une infraction à la sauvegarde de la présomption d'innocence et à celle de l'équité de la procédure de l'autre (cf. notamment N° 9077/80, déc. 6.10.81, D.R. 26, p. 211 ; N° 10847/84, déc. 7.10.85, D.R. 44, p. 238). Examinant les faits de la présente affaire, la Commission a pris note des nombreux articles de presse concernant l'affaire du requérant et conclut que celle-ci a effectivement fait l'objet d'une large couverture. Elle rappelle à ce propos que, dans son arrêt Prager et Oberschlick précité (Cour eur. D.H., arrêt Prager et Oberschlick c/Autriche du 26 avril 1995, par. 28, série A n° 313, pp. 17-18, par. 34 à 36), la Cour s'est exprimée comme suit : "34. La presse joue - la Cour le rappelle - un rôle éminent dans un Etat de droit. Si elle ne doit pas franchir certaines bornes fixées en vue, notamment, de la protection de la réputation d'autrui, il lui incombe néanmoins de communiquer, dans le respect de ses devoirs et responsabilités, des informations et des idées sur les questions politiques ainsi que sur les autres thèmes d'intérêt général (voir mutatis mutandis, l'arrêt Castells c. Espagne du 23 avril 1992, série A n° 236, p. 23, par. 43). Parmi eux figurent, sans nul doute ceux qui concernent le fonctionnement de la justice, institution essentielle à toute société démocratique. La presse représente en effet l'un des moyens dont disposent les responsables politiques et l'opinion publique pour s'assurer que les juges s'acquittent de leurs hautes responsabilités conformément au but constitutif de la mission qui leur est confiée." A la lecture des articles de presse cités par le requérant, la Commission constate que les commentaires de la presse visaient plus l'attitude des diverses autorités judiciaires, et en particulier du juge d'instruction chargé de l'affaire et du parquet d'Anvers, que la décision rendue en première instance dont la qualité était mise en exergue par plusieurs articles (cf. "Gazet van Antwerpen", "La Dernière Heure" et la "Libre Belgique"). Certains articles mettaient en exergue, parfois sur un ton indigné, humoristique ou provocateur, les carences de la législation, tant en matière de fraude que dans d'autres domaines, en adoptant notamment un point de vue sociologique. Cependant, la presse n'a pas présenté le requérant comme coupable des faits reprochés, sauf à considérer certaines mentions hors de leur contexte. Il apparaît en outre que les renseignements donnés par les divers articles étaient fondés sur les informations obtenues lors des audiences de première instance et à la lecture du jugement. C'est ainsi que la presse a pu faire état des aveux des inculpés mentionnés notamment dans le jugement et du fait qu'à Anvers, une règle d'or non écrite voudrait que la justice ne se mèle pas des affaires des diamantaires, information tirée de la plaidoirie de l'avocat du requérant. La Commission constate encore que l'ampleur de la couverture de l'affaire par la presse s'explique par l'intérêt considérable qu'elle suscitait dans le public. Dans ces conditions, rien ne permet de conclure que les commentaires concernant l'acquittement en première instance ait eu un quelconque impact sur la conduite ou l'issue de la suite du procès. Par ailleurs, la Commission n'estime pas injustifiée l'évocation de l'affaire par le ministre de la Justice en date du 22 avril 1993, suite à une interpellation parlementaire, pareille procédure participant de l'essence même de la démocratie. Elle relève que cette conférence a eu, par le canal des médias, un grand retentissement auprès de l'opinion publique nationale. La Commission note encore que le ministre était appelé à répondre à des questions précises portant notamment sur l'opportunité de confier au parquet la mission d'interjeter appel du jugement du 21 avril 1993 et sur une modification législative en matière de sanction d'erreurs de procédure. La question de savoir si l'évocation de la présente affaire par le ministre de la Justice était contraire à la garantie de la présomption d'innocence dépend du contenu même des déclarations qui ont été faites (cf. N° 9077/80 et N° 10847/84 précités). La Commission relève que le contenu des déclarations du ministre doit s'apprécier au regard des annales parlementaires et des articles de presse relatant les déclarations en cause. Aucune des mentions de ces documents n'indique que le ministre aurait présenté le requérant comme coupable des faits qui lui étaient reprochés. A la lecture des annales parlementaires, il apparaît que le ministre a, à diverses reprises, insisté sur la nécessaire sérénité qu'il convenait de conserver, sur le respect de la séparation des pouvoirs et sur le fait qu'il n'avait pas à commenter des décisions judiciaires. S'il a fait état de la nécessité d'envisager très sérieusement un appel, c'est dans un cadre général et en faisant uniquement référence au point de droit soulevé, à savoir la saisine du juge d'instruction, qualifiée de délicate en raison de la difficulté d'interprétation à donner au réquisitoire de mise à l'instruction. Sa réponse à la question concernant une éventuelle modification législative visait aussi une situation générale, aucun des propos rapportés ne mettant personnellement en cause le requérant. Les déclarations du ministre, et particulièrement celles mises en exergue par le requérant, n'étaient pas de nature à donner à penser que le requérant était coupable, mais semblent avoir pour seul but de répondre aux questions qui lui étaient posées. Il n'est pas non plus établi que ces déclarations aient eu pour objet et pour effet d'influencer le public et les magistrats. Si un quotidien a cru pouvoir imputer au ministre l'intention d'enjoindre au parquet de faire appel et le cas échéant se pourvoir en cassation, la Commission estime qu'en tout état de cause, elle ne peut raisonnablement se fonder sur les interprétations des déclarations du ministre par les journalistes, d'autant que les articles de presse cités par le requérant divergent sur bien des points lorsqu'ils rapportent l'intervention du ministre. Le ministre évoqua encore l'affaire le 17 mars 1994, suite à une nouvelle interpellation. Si, à cette occasion, le ministre a parlé de sanctions disciplinaires, c'est en réponse à une question portant précisément sur ce point. Il signala d'abord que d'éventuelles poursuites disciplinaires relevaient de la seule compétence du premier président de la Cour de cassation et qu'il ne se permettrait pas d'influencer ou de critiquer sa décision. S'il a ensuite fait certaines critiques quant à la fixation du pourvoi relatif à la demande de mise en liberté du requérant, il a cependant expressément mentionné que la thèse du magistrat mis en cause était soutenue par certains auteurs. Aucune atteinte aux dispositions invoquées ne saurait non plus être déduite du fait de la nomination de M. comme juge d'instruction en juin 1993. La Commission observe en effet que les juges sont inamovibles et qu'une nouvelle nomination ne peut avoir lieu qu'avec leur consentement. Elle constate aussi subsidiairement que, dans son intervention du 22 avril 1993, le ministre de la Justice avait pris soin de mentionner qu'il fallait "éviter de conclure qu'un juge est mauvais parce qu'une règle l'est, ou que le juge a commis une erreur parce qu'une règle s'applique mal dans un cas déterminé", propos dans lesquels certains journalistes avaient cru percevoir une défense de M. La Commission a encore examiné si les diverses circonstances mises en causes par le requérant ont eu une influence sur le déroulement de la procédure ultérieure. Elle rappelle à cet égard que les inquiétudes subjectives du suspect concernant l'impartialité exigée des juges du fond, pour compréhensibles qu'elles puissent être, ne constituent pas l'élément déterminant : il échet avant tout d'établir si elles peuvent passer pour objectivement justifiées en l'occurrence (voir Cour eur. D.H., arrêt Nortier c/Pays-Bas du 24 août 1993, série A n° 267, p. 15, par. 33, et arrêt Fey c/Autriche du 24 février 1993, série A n° 255, p. 12, par. 30). La Commission ne décèle dans les décisions de la cour d'appel, pas plus que dans celle de la Cour de cassation, aucun indice de partialité et rien en l'espèce ne peut donner à penser que le requérant n'a pas été en mesure d'exposer pleinement sa cause devant ces juridictions. La cour d'appel a tenu compte des circonstances particulières de l'affaire et a apprécié les preuves avec soin. La cour d'appel a également examiné d'une manière approfondie la question de l'influence des médias et des déclarations du ministre de la Justice, qu'elle a d'ailleurs commentées, sur les membres de la cour d'appel. Elle est parvenue à la conclusion, partagée par la Cour de cassation, que leur impartialité ne saurait être mise en cause. La Commission note encore que la cour d'appel a déclaré bon nombre de poursuites irrecevables et a limité d'autres poursuites à certains faits ou périodes, ce qui tend à montrer qu'elle n'a pas été influencée par le débat qui a surgi après la décision de première instance. Dès lors, la Commission ne saurait déceler, dans les circonstances particulières de l'espèce, une atteinte au principe d'impartialité et, en général, à l'équité du procès, ni au principe de la présomption d'innocence. Il s'ensuit que la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée, par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. H.C. KRÜGER S. TRECHSEL Secrétaire Président de la Commission de la Commission


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 25470/94
Date de la décision : 24/02/1997
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Violation de l'Art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - constat de violation suffisant ; Remboursement frais et dépens - procédure de la Convention

Analyses

(Art. 6-1) EGALITE DES ARMES, (Art. 6-1) PROCEDURE CONTRADICTOIRE


Parties
Demandeurs : BEELEN
Défendeurs : la BELGIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1997-02-24;25470.94 ?

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