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26/02/1997 | CEDH | N°32421/96

CEDH | BRUCHHAUSER contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITÉ de la requête No 32421/96 présentée par Léa BRUCHHAUSER contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 26 février 1997 en présence de Mme G.H. THUNE, Présidente MM. J.-C. GEUS G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H. DANELIUS F. MARTINEZ M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO D.

SVÁBY P. LORENZEN E. BIELIUN...

SUR LA RECEVABILITÉ de la requête No 32421/96 présentée par Léa BRUCHHAUSER contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 26 février 1997 en présence de Mme G.H. THUNE, Présidente MM. J.-C. GEUS G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H. DANELIUS F. MARTINEZ M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO D. SVÁBY P. LORENZEN E. BIELIUNAS E.A. ALKEMA Mme M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 20 novembre 1995 par Léa BRUCHHAUSER contre la France et enregistrée le 26 juillet 1996 sous le No de dossier 32421/96 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT La requérante est une ressortissante française née en 1937 et demeurant à Rombas (Moselle). Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit. Le 31 juillet 1944, la requérante, à l'époque âgée de moins de huit ans, fut arrêtée en compagnie de sa mère et de l'un de ses frères à Paris puis déportée le 2 août 1944, selon elle, à Auschwitz. Son père était détenu à l'époque à la prison de Fort Montluc à Lyon et son demi- frère avait déjà été déporté à Mauthausen. La requérante et sa famille furent ensuite transférés dans le camp d'Oberstaufen, où ils furent libérés le 6 mai 1945. En 1979, face à l'aggravation de son état de santé et à son manque de ressources, la requérante demanda au ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre l'attribution du titre de déporté politique, emportant également attribution d'une pension. Le titre de déporté politique lui fut refusé par décision ministérielle du 23 juin 1980, à la suite de quoi, le 2 juillet 1980, la requérante saisit le tribunal administratif de Paris qui lui donna gain de cause par jugement du 24 novembre 1982. En exécution de ce jugement, la requérante obtint le 11 février 1983 la délivrance d'une carte de déporté politique et, par arrêté daté du 7 août 1984, une pension de victime civile fixée d'abord au taux de 80 % puis à 100% par arrêté du 11 juin 1985. Toutefois, sur appel du ministère, le Conseil d'Etat, par arrêt du 14 décembre 1984, annula le jugement du 24 novembre 1982 au motif que si la requérante avait bien été transférée par l'ennemi hors du territoire national, elle l'avait été dans un camp de travailleurs civils (Oberstaufen) ne figurant pas sur la liste fixée par arrêté du ministre des Anciens Combattants comme donnant droit au titre de déporté politique. Par suite, le titre de déporté politique fut retiré à la requérante par décision ministérielle du 20 juin 1986, notifiée le 29 juillet suivant, et les pensions qui lui étaient versées furent annulées par arrêté conjoint du 31 décembre 1986. La requérante ne fut toutefois pas mise dans l'obligation de rembourser les sommes perçues à tort. Entretemps, le 25 juin 1986, la commission de réforme spéciale compétente avait proposé, sur demande de la requérante fondée sur l'aggravation de son état de santé, d'augmenter sa pension. Par décision ministérielle du 25 septembre 1987, la requérante fut informée que sa demande de révision de pension pour aggravation était devenue sans objet puisqu'elle n'avait plus droit à une pension, ayant perdu le titre de déporté politique. Le 30 novembre 1987, la requérante attaqua cette décision devant le tribunal départemental des pensions de la ville de Paris qui la débouta par jugement du 27 juin 1988, confirmé par arrêt de la cour régionale des pensions de Paris du 30 juin 1992. La requérante saisit alors la commission spéciale de Cassation des Pensions adjointe temporairement au Conseil d'Etat. Par arrêt du 6 mars 1996, la requérante fut déboutée de son pourvoi au motif que, dès lors que le titre de déporté politique ne lui appartenait plus et que sa pension lui avait été légalement retirée à ce titre, sa demande de révision pour aggravation ne pouvait qu'être rejetée.
GRIEFS
1. Invoquant l'article 6 par. 1 de la Convention, la requérante se plaint de la durée de la procédure en exposant qu'elle se bat depuis plus de seize ans pour obtenir la reconnaissance de la réalité de sa déportation et que la procédure terminée par arrêt du 6 mars 1996 a duré près de neuf ans.
2. Invoquant les articles 13, 14 et 17 de la Convention et les articles 1 du Protocole N° 1 et 4 par. 2 du Protocole N° 7, la requérante se plaint aussi du retrait de son titre de déporté politique et de la suppression de la pension correspondante.
EN DROIT
1. Invoquant l'aricle 6 par. 1 de la Convention, la requérante se plaint de la durée de la procédure terminée par arrêt du 6 mars 1996. L'article 6 par. 1 (art. 6-1) se lit ainsi : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, (...)." La Commission rappelle la jurisprudence constante de la Cour européenne confirmant l'autonomie des notions "contestations sur les droits ... de caractère civil" (voir, notamment, Cour Eur. D.H., arrêt König du 28 juin 1978, série A n° 27, p. 29, par. 89). Elle note également que l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention ne vise pas à créer de nouveaux droits substantiels dépourvus de fondement légal dans l'Etat considéré, mais à fournir une protection procédurale aux droits reconnus en droit interne. Dans son arrêt W. c. Royaume-Uni (8 juillet 1987, série A n° 121 p. 32, par. 73) la Cour souligne que "l'article 6 par. 1 (art. 6-1), régit uniquement les 'contestations' relatives à des 'droits et obligations' - de caractère civil - que l'on peut dire, au moins de manière défendable, reconnus en droit interne ; il n'assure par lui-même aux droits et obligations (de caractère civil) aucun contenu matériel déterminé dans l'ordre juridique des Etats contractants". En l'espèce, la Commission relève que la requérante a définitivement perdu le statut de déporté politique et tout droit au versement d'une pension à ce titre depuis l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 14 décembre 1984, en exécution duquel son titre de déporté lui fut retiré par arrêté du 20 juin 1986 et ses pensions annulées par arrêté du 31 décembre 1986. Au vu de ce qui précède, la Commission estime que la requérante ne pouvait sérieusement prétendre avoir en 1987 un droit à la révision pour aggravation d'une pension dont elle n'était plus légalement titulaire depuis l'arrêt du 14 décembre 1984. La Commission en conclut qu'à aucun moment au cours de la procédure qui s'est déroulée de 1987 à 1996 devant les juridictions spéciales en matière de pensions, la requérante n'a pu prétendre de manière plausible qu'elle était titulaire d'un droit. Il s'ensuit que cette partie de la requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention et doit être rejetée, conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. Invoquant les articles 13, 14 et 17 (art. 13, 14, 17) de la Convention et les articles 1 du Protocole N° 1 et 4 par. 2 du Protocole N° 7 (P1-1, P7-4-2), la requérante se plaint aussi du retrait de son titre de déporté politique et de la suppression de la pension correspondante. Toutefois, dans la mesure où les griefs ont été étayés et où elle est compétente pour en connaître, la Commission n'a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par les dispositions invoquées de la Convention ou de ses Protocoles. Cette partie de la requête doit dès lors être rejetée, conformément à l'article 27 (art. 27) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à la majorité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. M.-T. SCHOEPFER G.H. THUNE Secrétaire Présidente de la Deuxième Chambre de la Deuxième Chambre


Synthèse
Formation : Commission (deuxième chambre)
Numéro d'arrêt : 32421/96
Date de la décision : 26/02/1997
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 6-1) EGALITE DES ARMES, (Art. 6-1) PROCEDURE CONTRADICTOIRE


Parties
Demandeurs : BRUCHHAUSER
Défendeurs : la FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1997-02-26;32421.96 ?

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