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09/06/1998 | CEDH | N°21825/93;23414/94

CEDH | AFFAIRE McGINLEY ET EGAN c. ROYAUME-UNI


AFFAIRE McGINLEY ET EGAN c. ROYAUME-UNI
(10/1997/794/995-996)
ARRÊT
STRASBOURG
9 juin 1998
Cet arrêt peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts et décisions 1998, édité par Carl Heymanns Verlag KG (Luxemburger Straße 449, D-50939 Cologne) qui se charge aussi de le diffuser, en collaboration, pour certains pays, avec les agents de vente dont la liste figure au verso.
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Belgique : Etablissements Emile Bruylant (rue de la Régence 67,
  B-1000 Bruxel

les)
Luxembourg : Librairie Promoculture (14, rue Duchscher
  (place de Pa...

AFFAIRE McGINLEY ET EGAN c. ROYAUME-UNI
(10/1997/794/995-996)
ARRÊT
STRASBOURG
9 juin 1998
Cet arrêt peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts et décisions 1998, édité par Carl Heymanns Verlag KG (Luxemburger Straße 449, D-50939 Cologne) qui se charge aussi de le diffuser, en collaboration, pour certains pays, avec les agents de vente dont la liste figure au verso.
Liste des agents de vente
Belgique : Etablissements Emile Bruylant (rue de la Régence 67,
  B-1000 Bruxelles)
Luxembourg : Librairie Promoculture (14, rue Duchscher
  (place de Paris), B.P. 1142, L-1011 Luxembourg-Gare)
Pays-Bas : B.V. Juridische Boekhandel & Antiquariaat
  A. Jongbloed & Zoon (Noordeinde 39, NL-2514 GC La Haye) 
SOMMAIRE1
Arrêt rendu par une chambre
Royaume-Uni – accès à des documents relatifs à la participation des requérants aux essais nucléaires sur l’île Christmas (règlement de la Commission de recours des pensions adopté en 1981 pour l’Ecosse)
I. Objet du litige
Griefs formulés sous l’angle des articles 2 et 3 de la Convention et relatifs à l’absence, pendant les essais nucléaires, d’une surveillance de l’exposition des requérants aux rayonnements : non soulevés devant la Commission et tirés d’événements survenus en 1958, avant les déclarations du Royaume-Uni au titre des articles 25 et 46 – doléance fondée sur l’article 8 et concernant le harcèlement allégué du premier requérant : déclarée irrecevable par la Commission pour cause de présentation en dehors du délai de six mois – Cour non compétente pour examiner ces plaintes.
Grief tiré de l’article 3 : fondé sur les mêmes faits (défaut d’accès à des documents) que les doléances énoncées sur le terrain des articles 6 § 1, 8 et 13 ; relève plutôt de ces dispositions.
II. Exception préliminaire du gouvernement
Argument de non-épuisement des voies de recours internes soulevé par le Gouvernement : lié à la substance des griefs formulés par les requérants sur le terrain des articles 6 § 1 et 8.
Conclusion : jonction au fond (unanimité).
III. article 6 § 1 de la convention
A. Applicabilité
Non contestée.
B. Observation
Non établi que l’Etat défendeur eût en sa possession des documents intéressant les questions à trancher dans les procédures relatives aux demandes de pension – en tout état de cause, il était loisible aux requérants de solliciter la divulgation des documents pertinents en vertu de l’article 6 du règlement de la Commission de recours des pensions adopté en 1981 pour l’Ecosse – vu l’existence de cette procédure, dont les requérants ont négligé de faire usage, la Cour ne peut considérer que les intéressés se soient vu priver d’un procès équitable ou d’un accès effectif à la Commission de recours des pensions.
Conclusion : non-violation (six voix contre trois) ; non-lieu à statuer sur l’exception préliminaire (unanimité).
IV. Article 8 de la convention
A. Applicabilité
Requérants livrés au doute quant au point de savoir s’ils avaient été exposés à des niveaux dangereux de rayonnement – question de l’accès aux informations à cet égard liée à la vie privée et familiale des intéressés – article 8 applicable.
B. Observation
Dès lors qu’un Etat s’engage dans des activités dangereuses susceptibles d’avoir des conséquences néfastes cachées sur la santé des personnes qui y participent, l’article 8 exige la mise en place d’une procédure effective et accessible permettant à semblables personnes de demander la communication de l’ensemble des informations pertinentes et appropriées – en l’espèce, l’Etat a rempli cette obligation positive en instituant la procédure de l’article 6 du règlement de la Commission de recours des pensions.
Conclusion : non-violation (cinq voix contre quatre) ; non-lieu à statuer sur l’exception préliminaire (unanimité).
V. article 13 de la convention
Conclusion : non-lieu à examiner séparément (unanimité).
RÉFÉRENCES À LA JURISPRUDENCE DE LA COUR
7.7.1989, Gaskin c. Royaume-Uni ; 21.9.1993, Kremzow c. Autriche ; 19.2.1998, Guerra et autres c. Italie
En l’affaire McGinley et Egan c. Royaume-Uni2, 
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention ») et aux clauses pertinentes de son règlement A3, en une chambre composée des juges dont le nom suit :
MM. R. Bernhardt, président,
J. De Meyer,
N. Valticos,
R. Pekkanen,
J.M. Morenilla,
Sir John Freeland,
MM. A.B. Baka,
G. Mifsud Bonnici,
V. Butkevych,
ainsi que de MM. H. Petzold, greffier, et P.J. Mahoney, greffier adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 28 novembre 1997, 3 février 1998 et 21 mai 1998,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCéDURE
1.  L’affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 22 janvier 1997, dans le délai de trois mois qu’ouvrent les articles 32 § 1 et 47 de la Convention. A son origine se trouvent deux requêtes (nos 21825/93 et 23414/94) dirigées contre le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et adressées à la Commission par deux citoyens britanniques, M. Kenneth McGinley et M. Edward Egan, le 20 avril 1993 et le 31 décembre 1993 respectivement, en vertu de l’article 25.
La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 ainsi qu’à la déclaration britannique reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46). Elle a pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat défendeur aux exigences des articles 6, 8 et 13 de la Convention.
2.  En réponse à l’invitation prévue à l’article 33 § 3 d) du règlement A, les requérants ont émis le vœu de participer à la procédure et ont désigné leur conseil. Le 27 février 1997, le président de la Cour, M. R. Ryssdal, a autorisé ce dernier à représenter les requérants nonobstant le fait qu’il ne résidait pas sur le territoire de l’un des Etats contractants (article 30 § 1).
3.  La chambre à constituer comprenait de plein droit Sir John Freeland, juge élu de nationalité britannique (article 43 de la Convention), et le président de la Cour (article 21 § 4 b) du règlement A). Le 21 février 1997, celui-ci a tiré au sort, en présence du greffier, le nom des sept autres membres, à savoir MM. J. De Meyer, N. Valticos, R. Pekkanen, J.M. Morenilla, A.B. Baka, G. Mifsud Bonnici et V. Butkevych (articles 43 in fine de la Convention et 21 § 5 du règlement A).
4.  En sa qualité de président de la chambre (article 21 § 6 du règlement A), M. Ryssdal a consulté, par l’intermédiaire du greffier, l’agent du gouvernement britannique (« le Gouvernement »), l’avocat des requérants et la déléguée de la Commission au sujet de l’organisation de la procédure (articles 37 § 1 et 38). Conformément à l’ordonnance rendue en conséquence le 25 mars 1997, le greffier a reçu les mémoires respectifs des requérants et du Gouvernement le 2 octobre 1997.
5.  Le 24 avril 1997, le président a donné à Liberty et à la Campaign for Freedom of Information, deux organisations non gouvernementales œuvrant dans le domaine des droits de l’homme et ayant leur siège à Londres, l’autorisation de soumettre des observations écrites conjointes sur des questions précises soulevées par l’espèce (article 37 § 2 du règlement A). Le même jour, il a refusé d’accorder la même autorisation à l’Association des anciens participants aux essais nucléaires néo-zélandais (New Zealand Nuclear Test Veterans’ Association). Les observations de Liberty et de la Campaign for Freedom of Information sont parvenues au greffe le 1er juillet 1997.
6.  Le 31 octobre 1997, le président a autorisé les requérants à soumettre des observations écrites complémentaires. Celles-ci sont parvenues au greffe le 18 novembre 1997.
7.  Le 21 novembre 1997, M. R. Bernhardt, vice-président de la Cour, a remplacé en qualité de président de la chambre M. Ryssdal, empêché (article 21 § 5 du règlement A).
8.  Ainsi qu’en avait décidé le président, les débats se sont déroulés en public le 26 novembre 1997, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.
Ont comparu :
– pour le Gouvernement  MM. M. Eaton, ministère des Affaires étrangères     et du Commonwealth, agent,    J. Eadie, Barrister-at-Law,     N. Lavender, Barrister-at-Law,  conseils,  Mme J. Alexander, ministère de la Défense,  MM. T. Wilson, ministère de la Défense,    D. Smith, ministère des Affaires sociales,  Dr  C. Sharp, Conseil national de la protection      radiologique, conseillers ;
– pour la Commission  Mme J. Liddy, déléguée ;
– pour les requérants  M. I. Anderson, avocat, conseil.
La Cour a entendu Mme Liddy, M. Anderson et M. Eadie.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
A. Les essais nucléaires sur l’île Christmas
9.  Entre 1952 et 1967, le Royaume-Uni effectua, dans l’océan Pacifique et à Maralinga, en Australie, un certain nombre d’essais atmosphériques d’armes nucléaires auxquels participèrent plus de 20 000 militaires. Il y eut notamment, entre novembre 1957 et septembre 1958, six explosions (essais « Grapple Y » et « Grapple Z ») sur l’île Christmas, dans l’océan Pacifique, d’armes maintes fois plus puissantes que celles larguées sur Hiroshima et Nagasaki.
1. La procédure d’alignement
10.  Au cours des essais effectués sur l’île Christmas, des militaires reçurent l’ordre de s’aligner en plein air et de tourner le dos aux explosions en gardant les yeux clos et couverts jusqu’à ce que vingt secondes se fussent écoulées après les détonations.
Les requérants soutiennent que le but de cette procédure était d’exposer délibérément des militaires à des rayonnements, et ce à des fins expérimentales. Le Gouvernement combat cette allégation et affirme que l’on croyait à l’époque des essais – et cela se serait vérifié – que les personnes concernées se trouvaient à une distance suffisante du centre de l’explosion pour éviter d’être exposées à des niveaux nocifs de rayonnement, et que la procédure d’alignement visait à garantir que lesdites personnes se prémunissent contre les risques de dommages oculaires et contre les autres lésions physiques pouvant être causées par des matériaux soufflés par les explosions.
2. Les relevés de niveaux de rayonnement
11.  Il n’existe pas de relevés des niveaux de rayonnement auxquels les militaires comme les requérants ont pu être exposés, des dosimètres photographiques (qui virent au noir en cas d’exposition à des rayonnements) n’ayant été délivrés qu’aux quelque mille personnes, en majorité étrangères à l’armée, qui travaillaient dans des secteurs identifiés, contrôlés et radioactifs sur l’île Christmas. D’après les requérants (paragraphe 78 ci-dessous), cette décision fut prise afin d’éviter d’avoir ultérieurement à répondre des dommages causés par les rayonnements. Selon le Gouvernement, en revanche, l’expérience accumulée au cours d’essais effectués antérieurement à Maralinga, en Australie, où des dosimètres photographiques avaient été distribués à l’ensemble du personnel, avait montré que les personnes assumant des fonctions comme celles des requérants n’étaient pas exposées à des niveaux mesurables de rayonnement.
12.  La conservation des documents contenant les originaux des relevés, effectués à l’époque, des niveaux de rayonnement dans l’environnement à proximité de l’île Christmas à la suite des essais fut confiée à l’Etablissement de recherche sur les armes atomiques (Atomic Weapons Research Establishment – « AWRE »), à Aldermaston en Angleterre. Bien qu’ils ne fussent pas librement accessibles aux fins de consultation, le Gouvernement affirme que dès lors que les informations qu’ils renfermaient n’étaient pas de nature à créer des problèmes de sécurité, ils n’avaient pas été classés secrets et auraient pu être produits si la demande en avait été faite dans le cadre de la procédure suivie devant la Commission de recours des pensions (Pensions Appeal Tribunal – « PAT » ; paragraphe 59 ci-dessous).
13.  En 1993 fut publié, sous la forme d’une note technique portant le n° 16/93 et intitulée « Surveillance de l’environnement sur l’île Christmas 1957–1958 » (Environmental Monitoring at Christmas Island 1957–1958), un résumé de « toutes les données survivantes » recueillies par le programme de surveillance de l’environnement. Entre autres choses, cette note technique décrivait le programme de surveillance de l’environnement établi pour les essais et comportait des mesures, faites sur échantillons, du rayonnement de l’air, de l’eau de mer et de la surface du sol. Les sources d’informations sur lesquelles se fondait la note technique étaient également listées.
14.  Le Gouvernement a annexé à son mémoire à la Cour une série de documents qui jusqu’ici n’étaient pas dans le domaine public, et notamment un rapport de l’AWRE relatif aux retombées radioactives mesurées sur plusieurs îles du Pacifique, dont l’île Christmas, en avril–mai 1958 (Grapple Y) ainsi qu’au programme concomitant concernant le prélèvement d’échantillons de poissons, un rapport établi par le major J.T. McLean et décrivant les retombées mesurées sur diverses îles du Pacifique entre le 1er juillet et le 30 novembre 1958 (Grapple Z), un rapport sur les rayonnements résiduels mesurés à la suite de l’explosion Grapple Y sur l’île Christmas, un résumé daté de mai 1958 et établi par l’AWRE concernant les rayonnements mesurés dans l’environnement à la suite de l’explosion Grapple Y et des rapports provisoires concernant les mesures radiologiques effectuées à la suite des explosions Grapple Y et Grapple Z.
B.  Les circonstances de la cause du premier requérant
1. La présence de M. McGinley lors des essais sur l’île Christmas
15.  M. Kenneth McGinley est né en 1938 et réside à Paisley, en Ecosse.
16.  En 1956, après un examen médical à l’issue duquel il fut déclaré apte sans restriction à tout service opérationnel dans n’importe quelle partie du monde (fit for full combat service in any part of the world), il fut enrôlé dans l’armée comme soldat du génie chez les « Royal Engineers ». En décembre 1957, il fut stationné sur l’île Christmas, où il travailla comme conducteur d’engins à Port London et dans les carrières de l’extrémité nord de l’île. D’après les informations fournies par le ministère de la Défense (Ministry of Defence – le « MOD ») aux fins de sa demande de pension (paragraphe 22 ci-dessous), il se trouvait à une distance d’environ 25 miles (40 kilomètres) des essais suivants : Grapple Y le 28 avril 1958, Grapple Z le 22 août 1958, Grapple Z2 le 2 septembre 1958, Grapple Z3 le 11 septembre 1958 et Grapple Z4 le 23 septembre 1958. Au cours de ceux-ci, on fit exploser trois engins nucléaires à charge mégatonnique à haute   altitude au-dessus de la mer au sud de l’île Christmas, ainsi que deux engins nucléaires à charge kilotonnique accrochés à des ballons au-dessus de la pointe sud-est de l’île.
2. Le dossier médical de M. McGinley
17.  M. McGinley déclara dans sa demande de pension (paragraphe 21 ci-dessous) que quatre jours après l’essai nucléaire du 28 avril 1958 il avait consulté le médecin militaire sur l’île Christmas au motif qu’il avait des nausées, de la diarrhée et des cloques qui le démangeaient sur le dos des mains, sur le cou et sur les joues. Il précisa que pour traiter ces cloques on lui avait appliqué par pulvérisation, deux fois par jour pendant dix-douze jours, le contenu d’un aérosol en plastique. Aucun document de l’époque concernant ce traitement n’a été produit.
La retranscription de son dossier médical contenue dans son exposé de l’affaire (Statement of Case) à la PAT  (paragraphe 28 ci-dessous) comportait les éléments qui suivent.
18.  Il fut traité sur l’île Christmas pour une affection à la gorge entre le 15 et le 23 septembre 1958, et à l’hôpital militaire américain Tripler ainsi que sur l’île Christmas pour une amygdalite en octobre et en novembre 1958. En février 1959, il fut admis à l’hôpital militaire de Catterick pour une grippe. En août 1959, il séjourna à l’hôpital militaire de Cowglen pour un ulcère duodénal qui aboutit à une recommandation selon laquelle, inapte au service, il devait être rendu à la vie civile. Il fut donné effet à cette recommandation le 10 novembre 1959, et l’intéressé se vit octroyer une pension de 20 % pour son ulcère, celui-ci ayant été considéré comme imputable au service militaire.
19.  Dans sa déclaration de départ (statement on discharge), en réponse à la demande « Si vous souffrez de maladies, lésions ou blessures, précisez-en la nature et indiquez aussi quand et où elles sont apparues (...) », il signala qu’il avait été traité comme patient ambulatoire en Allemagne pour un cartilage déchiré en juin 1957 et sur l’île Christmas pour une cheville cassée en mai 1958 ; nulle autre mention de ce dernier traitement n’apparaissait dans les pièces médicales de service contenues dans son exposé de l’affaire.
En réponse à la demande « Donnez des précisions (...) au sujet de tous incidents survenus durant votre service dont vous pensez qu’ils ont provoqué ou aggravé votre incapacité », il déclara qu’en mai 1959 il avait servi comme conducteur d’engins à Northumberland, en Angleterre, et que « la nourriture consistait en des rations composées, à raison de trois repas par jour ». Il ne fit aucune mention des affections dont il affirme avoir souffert à la suite de l’explosion nucléaire du 28 avril 1958 (paragraphe 17 ci-dessus).
20.  Le dossier médical de l’intéressé fait apparaître qu’après sa libération il continua à souffrir de douleurs à l’estomac, et qu’en août 1962 il subit l’ablation de son ulcère duodénal. En juin 1968, il séjourna une semaine à l’hôpital pour des coliques néphrétiques. En juillet 1976, il se fit enlever un kyste sébacé de la joue droite. En décembre 1976, les médecins déclarèrent qu’il était stérile.
21.  En juin 1980, il sollicita une révision de sa pension au motif que l’état de son ulcère s’était détérioré. Sa pension fut portée à 30 %, puis ramenée à 20 % en juin 1982, et une nouvelle fois portée à 30 % le 13 décembre 1982, à la suite d’un recours adressé à la PAT.
3. La demande de pension formulée par M. McGinley pour des affections provenant, d’après lui, d’une exposition à des rayonnements
22.  A la suite d’une série d’articles parus dans la presse en 1982 au sujet des effets potentiels des explosions déclenchées sur l’île Christmas sur les personnes y ayant été exposées, M. McGinley vint à attribuer ses problèmes de santé à son temps de service sur l’île et prit la présidence de l’Association des anciens participants aux essais nucléaires britanniques (Britsh Nuclear Tests Veterans’ Association – « BNTVA »), organisation menant campagne pour l’indemnisation des militaires présents lors des essais.
23.  Le 1er avril 1984, il présenta une demande de majoration de sa pension dans laquelle il se plaignait de dépression, de stérilité et d’une arthrite sévère. Il y décrivait la procédure d’alignement suivie durant les essais et l’éruption dont il avait, à ses dires, souffert par la suite (paragraphes 10 et 17 ci-dessus), et poursuivait :
« Je considère que mes problèmes sont directement liés à une exposition aux rayonnements. Depuis ma libération, j’ai des accès d’humeur morose et parfois je m’emporte subitement, pour le regretter après. En 1976, je fus examiné à la Western Infirmary, où l’on me diagnostiqua une quasi-stérilité. Mon propre médecin (...) croit à l’existence d’un lien direct. Je souffre également de paralysies mystérieuses des jambes et des bras, et depuis quatre ans j’éprouve des douleurs extrêmes, parfois 24 heures sur 24. »
24.  En réponse à cette demande, le ministère des Affaires sociales (Department of Social Security – « DSS ») mena des investigations auprès du médecin traitant de M. McGinley ainsi qu’auprès du MOD.
Ledit médecin traitant fit savoir qu’il ressortait du dossier médical de l’intéressé que celui-ci avait été traité pour un ulcère duodénal en 1960 et pour un ulcère à l’estomac en 1980, et que l’on avait recherché, en 1977, s’il n’était pas stérile. En 1983, il s’était plaint d’arthrite, mais le spécialiste qui lui avait fait passer un examen médical complet n’avait pu déceler aucune maladie organique. Le médecin traitant déclara également que M. McGinley souffrait d’une affection dermatologique acnéiforme et que par ailleurs « un constat positif – dont l’intéressé n’a[vait] pas conscience – a[vait] pu être établi, celui d’une polycythémie (taux d’hémoglobine atteignant 17,6 %) [trouble consistant dans la production d’un nombre anormalement élevé de globules rouges] ».
25.  Le MOD répondit au DSS que les secteurs de l’île Christmas où le requérant avait servi n’avaient pas été atteints par les retombées radioactives et que par conséquent :
« L’exposition de l’intéressé aux rayonnements provoqués par les essais nucléaires britanniques a été nulle et l’équivalent de dose effective que cette exposition représente est égale à zéro. Sa dose de rayonnement globale résultant des rayonnements toujours présents dans  l’environnement n’a pas été supérieure – et a même probablement été inférieure – à celle qu’il aurait reçue s’il était demeuré au Royaume-Uni plutôt que d’aller servir dans la zone du Pacifique Sud en 1958.
Dès lors que sa dose de rayonnement effective a été nulle, son état médical n’a pas été causé par les rayonnements ionisants provoqués par les programmes d’essais nucléaires britanniques. »
26.  Le 30 novembre 1984, la demande de M. McGinley fut rejetée, aux motifs qu’il n’y avait aucune preuve que l’état de son ulcère se fût détérioré ou que la réduction de sa fertilité, son acné facial, ses coliques néphrétiques du côté droit ou son arthrite pussent avoir été causées ou aggravées par son service dans les forces armées.
4. Le recours formé par M. McGinley devant la Commission de recours des pensions
27.  Le 21 janvier 1985, le requérant saisit la PAT d’un recours dans lequel il déclarait :
« J’ai été délibérément exposé à des dangers inconnus : par exemple, trois essais de bombes à hydrogène en 1958, dans le cadre du Programme de curiosité scientifique du gouvernement (Government Scientific Curiosity Programme). (...) Mon propre dossier médical militaire a été trafiqué, comme celui de nombreux autres membres de la BNTVA. Le ministère de la Défense a fait de moi une victime puisqu’il admet fournir au DSS des avis au sujet de l’état médical des participants aux essais nucléaires. (...) »
28.  Dès réception de la notification du recours, le DSS rédigea un exposé de l’affaire pour la PAT (paragraphe 57 ci-dessous).
C’est ainsi que, le 11 février 1985, la section des dossiers médicaux (Medical Records Section) du MOD fut invitée à communiquer toutes les pièces médicales disponibles concernant le requérant et se rapportant à la période de décembre 1957 à décembre 1958 et/ou à confirmer qu’il avait été traité sur l’île Christmas, à un moment quelconque pendant cette période, pour une éruption sur le corps et le visage.
Le 13 février 1985, le MOD répondit ainsi :
« Aucune trace de l’intéressé dans les registres d’entrée et de sortie. Aucune pièce médicale retrouvée. »
29.  Le DSS sollicita également d’autres preuves médicales – notamment les dossiers d’hospitalisation et les rapports subséquents – auprès du médecin traitant du requérant ainsi qu’auprès d’une série de spécialistes l’ayant examiné aux fins de son recours.
Le médecin traitant de M. McGinley déclara qu’il jugeait son patient « en bonne santé, jusqu’à un certain point », bien qu’il eût certaines réserves à formuler, compte tenu de la polycythémie et de la stérilité de l’intéressé. Le psychiatre qui examina M. McGinley jugea qu’il ne souffrait d’aucune maladie psychiatrique. L’expert  rhumatologue conclut que les douleurs et la raideur dans les mains, les bras, les épaules et le cou dont l’intéressé se plaignait étaient dues à une usure normale et déclara ne pouvoir « rien trouver qui pût les rattacher à une exposition à des rayonnements ». Le dermatologue affirma que la peau du requérant présentait la même apparence que celle des patients ayant souffert longtemps sans être traités d’acné vulgaire constitutionnel, mais conclut que dès lors que ses compétences ne lui permettaient pas de formuler un avis sur la question de savoir si cet état pouvait être lié à une exposition à des rayonnements, il était préférable de recueillir l’avis d’un expert spécialiste des effets des rayonnements ionisants. Le DSS refusa de suivre cette recommandation, s’en remettant à la déclaration du MOD selon laquelle M. McGinley n’avait pas été exposé à des rayonnements. L’expert urologue conclut que M. McGinley ne souffrait d’aucune maladie des reins. Au sujet de son infertilité, il déclara :
« (...) on ne peut avoir aucune certitude quant à sa cause, dès lors que rien n’indique que le patient ait fait procéder à une analyse séminale avant sa prétendue exposition à des rayonnements ionisants en 1957 et que cette analyse ait donné des résultats normaux. Son analyse séminale fut réalisée en 1976 alors qu’il avait 38 ans, âge auquel beaucoup d’hommes commencent à être atteints d’oligospermie. Il est probable que pas moins de 10 % de la population mâle normale de cet âge souffrent de cet état.
En définitive, il n’est pas possible d’incriminer une exposition à des rayonnements ionisants comme cause première du problème de réduction de fertilité du patient (...) »
30.  Se trouvait également incluse dans l’exposé de l’affaire adressé à la PAT l’opinion d’un médecin fonctionnaire du DSS qui expliquait qu’à la lumière des preuves médicales et de la déclaration du MOD selon laquelle M. McGinley n’avait pas été exposé à des rayonnements ionisants, on ne pouvait considérer que l’incapacité résultant de l’acné vulgaire, de l’ostéoarthrite généralisée et de la baisse de fertilité de l’intéressé, avec les symptômes nerveux s’y trouvant associés, eussent été causées ou aggravées par le service dans les forces armées. Eu égard au rapport remis par l’expert urologue, le requérant était jugé ne pas souffrir de coliques néphrétiques du côté droit.
31.  Une version expurgée de l’exposé de l’affaire, dont avaient été supprimées les informations que « dans son propre intérêt, il n’était pas souhaitable de divulguer au requérant », fut envoyée à M. McGinley (conformément à l’article 22 du règlement de la PAT adopté en 1981 pour l’Ecosse). La Légion royale britannique (British Royal Legion), qui assurait sa représentation, reçut une version non expurgée du document.
Le requérant se vit alors offrir l’occasion – dont il n’usa pas – d’adresser des observations écrites à la PAT, de soumettre des preuves complémentaires et de solliciter la production de documents en application de la procédure prévue à l’article 6 du règlement de la PAT (paragraphe 59 ci-dessous). Il assista à l’audience devant la PAT en compagnie de son représentant et s’y exprima oralement.
32.  Le 25 février 1988, la PAT le débouta de son recours.
5. Les nouvelles demandes de pension formées par M. McGinley
33.  Le 9 juillet 1991, le requérant présenta une nouvelle demande, fondée sur un acné vulgaire, une stérilité et une arthrite qu’il disait liés aux rayonnements, mais il s’en désista après que le DSS lui eut rappelé qu’il avait rejeté sa première demande en 1988.
En 1992, l’intéressé sollicita et obtint une réévaluation de 1,5 % de sa pension pour perte d’audition.
C.  Les circonstances de la cause du second requérant
1. La présence de M. Egan lors des essais nucléaires
34.  M. Edward Egan est né en 1939 et réside à Glasgow, en Ecosse.
35.  En octobre 1956, après un examen médical à l’issue duquel on le jugea apte sans restriction à tout service opérationnel dans n’importe quelle partie du monde, il fut enrôlé dans la Royal Navy. Le 28 avril 1958, il servait en qualité de chauffeur à bord du HMS (Her Majesty’s Ship) Ulysses, qui, d’après les renseignements fournis par le MOD, se trouvait au large de l’île Christmas, à une distance d’environ 60 miles (97 kilomètres) de l’explosion due à l’essai Grapple Y (15–20 miles selon le requérant : paragraphe 47 ci-dessous).
2. Le dossier médical de M. Egan
36.  Ainsi qu’il ressort de l’exposé de l’affaire présenté par M. Egan à la PAT, le dossier médical de l’intéressé fait notamment apparaître que le 8 mars 1958 il subit une radiographie à l’hôpital naval d’Auckland, en Nouvelle-Zélande. Du 2 au 10 avril 1958, il séjourna au War Memorial Hospital, à Fiji. Après l’explosion nucléaire du 28 avril 1958, il fut soigné en novembre 1958 pour un simple refroidissement et en février–mars 1959   pour une grippe, et il subit une nouvelle radiographie le 30 avril 1959. En mars 1960, il se fractura la clavicule droite, à la suite de quoi il passa une nouvelle radiographie le 30 mai 1960.
37.  En 1961, il demanda à pouvoir quitter la marine. Dans sa déclaration de départ, en réponse à la demande « Si vous souffrez de maladies, lésions ou  blessures, précisez-en la nature et indiquez quand et où elles sont apparues (...) », il fit état uniquement de sa fracture à la clavicule ; il ne répondit pas à la question « Souffrez-vous de maladies ou lésions autres que celles mentionnées ci-dessus ? ». Le rapport médical établi à sa libération indiquait que sa clavicule était fortement déformée, mais ne mentionnait aucun autre problème. Au sujet du système respiratoire de l’intéressé, il précisait que celui-ci avait subi, le 2 février 1961, une radiographie de tout le thorax qui n’avait rien détecté d’anormal.
Le 8 février 1961, M. Egan fut autorisé à quitter la marine pour raisons de convenances personnelles.
38.  En juin 1965, à la suite d’une radiographie du thorax, on lui diagnostiqua une sarcoïdose, maladie chronique dont l’un des symptômes consiste en la formation de petits nodules ou granulomes dans les poumons et/ou dans d’autres organes ou tissus. Il ressort de son dossier médical qu’en juillet 1965 il déclara à l’expert pneumologue devant lequel on l’avait renvoyé qu’il avait eu « une radiographie normale en 1961, alors qu’il était dans la marine, mais qu’il avait été hospitalisé aux fins d’observation pendant deux semaines en 1958, à la suite d’une radiographie de routine effectuée en Nouvelle-Zélande ».
3. La demande d’une pension de guerre introduite par M. Egan
39.  Le 10 juillet 1970, le requérant sollicita une pension pour sa sarcoïdose, alléguant qu’il souffrait de cette maladie depuis son départ de la marine et qu’elle était imputable au fait que « lorsqu[’il était] stationné sur l’île Christmas, [il avait été] exposé aux rayonnements dus à l’explosion d’une bombe atomique qui [lui avaient causé] des brûlures de la peau ».
40.  Le 14 juillet 1970, le DSS invita le MOD à lui communiquer toutes les pièces médicales disponibles concernant M. Egan. La réponse qui lui parvint le même jour était ainsi libellée : « Aucune trace de pièces médicales. » Le 12 août 1970 fut sollicitée la production de la radiographie subie par le requérant le 2 février 1961. La réponse datée du 18 septembre 1970 indiquait qu’une recherche minutieuse avait été effectuée parmi les clichés de 1961, mais qu’elle n’avait pas permis de retrouver un grand cliché concernant le requérant.
41.  Le 5 octobre 1970, le DSS s’adressa à nouveau au MOD, lui demandant si l’on avait fait exploser un engin atomique quelconque à l’époque où le navire du requérant était stationné au large de l’île Christmas et le priant, si tel était le cas, d’indiquer la distance qui séparait le navire de l’épicentre de l’explosion. Il l’invitait par ailleurs à préciser si le navire était stationné suffisamment près dudit épicentre pour que des membres de l’équipage pussent avoir subi des brûlures dues aux rayonnements et s’il y avait des chances pour que le requérant eût eu un motif de se trouver en plein air et être ainsi soumis à l’explosion et, dans l’affirmative, quels vêtements protecteurs lui avaient été donnés. Enfin, le DSS relevait que le dossier médical de M. Egan mentionnait le fait que l’intéressé avait séjourné deux semaines à l’hôpital à la suite d’une radiographie du thorax effectuée en 1958 dans le cadre d’un examen de routine (paragraphe 38 ci-dessus), et demandait au MOD s’il était possible de retrouver les pièces du dossier médical de l’intéressé remontant à 1958 ou des radiographies subies par lui pendant son service.
Datée des 16 octobre et 17 novembre 1970, la réponse indiquait que toutes les pièces médicales disponibles avaient déjà été envoyées au DSS et qu’il ressortait d’un examen des relevés relatifs à l’explosion du 28 avril 1958 détenus par le département d’histoire de la guerre (War Historical Branch) et du journal de bord du HMS Ulysses que ce navire se trouvait à environ 70 miles (113 kilomètres) de l’épicentre de l’explosion. Le plan naval (Naval Plan) pour l’opération Grapple exigeait « la prise de précautions par les navires se trouvant dans les zones sensibles – tous les personnels exposés doivent être entièrement couverts, ils doivent porter des chapeaux anti-flash, des gants et des lunettes, ainsi que des pantalons longs rentrés dans les chaussettes ».
42.  Le 12 janvier 1971, le comité médical du DSS rejeta la demande du requérant.
43.  Le 4 mars 1971, à la suite de plusieurs démarches entreprises par M. Egan, le DSS invita une nouvelle fois le MOD à tenter de retrouver les pièces médicales établies pendant le service de l’intéressé. Le MOD répondit : « Cette affaire a été examinée de manière très minutieuse et nous ne sommes pas en mesure aujourd’hui de fournir d’autres documents de service. »
4. Le recours formé par M. Egan devant la Commission de recours des pensions
44.  Le 5 avril 1971, le requérant saisit la PAT d’un recours.
Aux fins d’examen de celui-ci, le DSS obtint un rapport médical d’un pneumologue chef de service, qui déclara :
« J’estime qu’au vu des premières radiographies, des investigations menées et du développement de la maladie, c’est fort justement qu’a été diagnostiquée une sarcoïdose. Je pense que les symptômes respiratoires de toux et de présence occasionnelle de sang dans les crachats se trouvaient associés à une infection respiratoire intercurante. Il y avait un autre diagnostic possible, qui se trouve exposé ci-dessous. (...)
Je pense qu’il est correct de dire que l’on ne trouve, dans la littérature internationale, aucune mention d’un cas de sarcoïdose qui serait spécifiquement lié aux effets d’une explosion atomique.
Le seul facteur étiologique susceptible d’être incriminé est l’exposition à l’alliage constitué de béryllium et de cuivre. J’ignore si cet alliage était utilisé en avril 1958. Les caractéristiques de la bérylliose chronique (...) sont très similaires à celles que l’on constate dans les sarcoïdoses chroniques. (...)
En résumé, il est selon moi pratiquement certain que le diagnostic qu’il convient de poser en l’espèce est celui d’une sarcoïdose et que la maladie ne présente aucun lien avec la circonstance que le patient se soit trouvé à proximité d’une explosion nucléaire en avril 1958.»
Le Gouvernement confirma ultérieurement, à la suite d’une question parlementaire, que le béryllium est communément utilisé dans les engins servant aux essais nucléaires, même si, pour des raisons de sécurité, il n’est pas possible de révéler quels sont les matériaux employés dans tel ou tel engin.
45.  En réponse à une demande d’informations, le MOD fit savoir au DSS que :
« Il est hautement improbable que cet homme ait jamais été exposé à l’alliage constitué de béryllium et de cuivre ou à d’autres composés à base de béryllium dans son travail de chauffeur.
Le journal de bord du HMS Ulysses a été soigneusement examiné, spécialement en ce qui concerne les périodes passées près de l’île Christmas en 1958, et rien n’a été trouvé qui fût de nature à étayer la thèse relative à l’explosion d’une bombe atomique. S’il avait été à terre, il n’aurait certainement pas été soumis à une exposition notable. »
46.  Dans l’exposé de l’affaire présenté par M. Egan figurait également l’avis du service médical du DSS, qui contenait notamment le passage suivant :
« (...) En premier lieu, nous tenons à expliquer qu’à défaut d’éléments militant en faveur d’un diagnostic de bérylliose chronique et en l’absence de toute preuve que M. Egan ait jamais été exposé pendant son service à l’alliage constitué de béryllium et de cuivre, nous estimons que c’est à juste titre qu’a été posé, en ce qui concerne l’état de ses poumons, le diagnostic d’une sarcoïdose (...)
M. Egan fonde sa demande sur les motifs qu’il a été exposé à des rayonnements atomiques qui lui auraient causé des brûlures de la peau alors qu’il se trouvait à proximité de l’île Christmas en 1958, à quoi il ajoute la précision qu’il a séjourné à l’hôpital pendant deux semaines en 1958, à la suite d’une radiographie de routine effectuée en Nouvelle-Zélande.
A propos de la question des rayonnements, nous tenons à souligner que (...) rien ne permet de dire que l’exposition à des rayonnements nucléaires – même à fortes doses – puissent être à l’origine d’une sarcoïdose. (...) Rien ne prouve que M. Egan ait subi des brûlures de la peau à la suite d’une explosion atomique. Si tel avait été le cas, son état aurait requis des soins médicaux, et nous considérons qu’il est inconcevable que pareils événements eussent pu se produire sans qu’il en fût fait mention dans les documents de service de l’intéressé. Dès lors, et compte tenu des éléments consignés dans le dossier, nous sommes convaincus, au-delà de tout doute raisonnable, qu’il n’existe absolument aucune preuve permettant de rattacher la sarcoïdose dont souffre l’intéressé à l’incident en question ou à un quelconque autre aspect de son service.
Quant à l’allégation de M. Egan selon laquelle, à la suite d’une radiographie de routine généralisée effectuée en Nouvelle-Zélande en 1958, il a séjourné à l’hôpital aux fins d’observation, nous faisons remarquer que la radiographie en question fut effectuée le 8 mars 1958, soit plus de six semaines avant l’explosion atomique. Nous estimons en tout état de cause qu’il est peu probable qu’une autre radiographie de routine eût été effectuée la même année, et il n’existe aucune preuve d’une admission à l’hôpital postérieure à la radiographie susmentionnée, même si nous notons que l’intéressé a été soigné pour un banal refroidissement en novembre de la même année. (...) De même, (...) à part les séquelles de la fracture de la clavicule subie en dehors du service, aucune infirmité ne fut constatée à l’issue de l’examen clinique pratiqué avant la libération de l’intéressé (...) »
47.  Le 7 décembre 1971, un exposé de l’affaire expurgé fut envoyé au requérant, tandis qu’une version non expurgée en était adressée à la Légion royale britannique, qui assurait sa représentation. M. Egan se vit alors donner l’occasion de formuler des observations écrites, de soumettre des preuves complémentaires et de solliciter la production de documents en application de la procédure prévue à l’article 6 du règlement de la PAT (paragraphe 59 ci-dessous).
Il choisit de soumettre en réponse un exposé additionnel dans lequel il contestait l’allégation selon laquelle il n’existait aucune pièce médicale concernant les soins qu’il avait reçus à l’hôpital à Fiji (paragraphe 36 ci-dessus), où il avait, à ses dires, subi plusieurs radiographies. Il niait également que rien dans le journal de bord du HMS Ulysses n’indiquât que l’équipage eût été exposé à l’explosion atomique, affirmant qu’il s’était trouvé à 15–20 miles (24–32 kilomètres) plutôt qu’à 70 miles (113 kilomètres) de l’explosion, et qu’à l’occasion de celle-ci on lui avait ordonné d’enfiler des vêtements protecteurs, de mettre des lunettes de soleil et de se tenir debout sur le pont supérieur, à la suite de quoi il s’était senti malade et avait éprouvé une sensation de froid et de « moiteur lui transperçant le corps ».
48.  Le DSS prit alors contact avec la section des dossiers médicaux du MOD et avec l’officier de liaison de celui-ci à Bath, demandant que des recherches spéciales fussent effectuées afin de retrouver les pièces médicales ou les radiographies relatives à l’hospitalisation de M. Egan à Fiji entre le 2 et le 10 avril 1958 et que fût confirmée la distance séparant le HMS Ulysses de l’explosion. Il ne fut pas possible de retrouver d’autres pièces médicales, mais le MOD recalcula la position du navire et conclut que celui-ci se trouvait à 60 miles (97 kilomètres) de l’explosion.
49.  Le 29 août 1972, la PAT débouta M. Egan de son recours.
5. Les autres demandes de pension formées par M. Egan
50.  Le 21 octobre 1982, le requérant présenta une autre demande de pension de guerre, fondée sur une sarcoïdose des poumons qu’il disait liée à des rayonnements. Dans sa réponse, le DSS lui rappela la décision rendue par la PAT en 1972 et l’informa que celle-ci était juridiquement obligatoire aussi longtemps qu’elle n’était pas cassée par la Court of Session d’Ecosse (paragraphe 58 ci-dessous).
51.  Le 11 juillet 1991, le DSS reçut une nouvelle demande de pension de guerre, analogue à la première, déposée par la BNTVA pour le compte de M. Egan. Celui-ci se vit une nouvelle fois rappeler la décision rendue par la PAT en 1972 et répondit par une lettre datée du 30 octobre 1991 qu’il ne pouvait s’en satisfaire. Le DSS répliqua en faisant observer à l’intéressé que la PAT s’était penchée sur ses documents de service lorsqu’elle avait examiné sa cause.
52.  Le 25 avril 1992, le requérant introduisit une nouvelle demande de pension de guerre, fondée sur une perte d’audition. Cette demande fut rejetée par le ministre et M. Egan n’interjeta pas appel de la décision.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
A. Conditions d’octroi des pensions de guerre
53.  Les règles auxquelles obéit le versement des pensions de guerre au Royaume-Uni sont aujourd’hui contenues dans l’ordonnance de 1983 relative aux pensions d’invalidité et de survivants des personnels des forces navales, terrestres et aériennes, etc. (Naval, Military and Air Forces Etc. (Disablement and Death) Service Pensions Order 1983 – « l’ordonnance relative aux pensions »), dont les termes sont, pour tous les points qui intéressent la présente espèce, identiques à ceux de la législation en vigueur à l’époque de la demande de M. Egan.
54.  La condition de base régissant l’octroi d’une pension est la suivante : « Une pension peut être accordée lorsque l’invalidité ou le décès d’un membre des forces armées est dû au service. » Par « invalidité » on entend « une lésion ou un dommage physiques ou psychiques ou une perte de capacités physiques ou intellectuelles ». Lorsqu’une demande est formulée plus de sept ans après la cessation du service, l’invalidité doit être considérée comme « due au service » si elle trouve sa cause dans une lésion qui, soit est imputable à une période de service postérieure au 2 septembre 1939, soit existait avant ou s’est déclarée pendant la période en question, le service l’ayant aggravée de manière durable.
L’ordonnance relative aux pensions prévoit que lorsque, sur la base de preuves fiables, un doute raisonnable existe quant à la question de savoir si les conditions ci-dessus sont remplies, ce doute doit profiter au demandeur (ordonnance relative aux pensions, articles 3–5).
55.  D’après le Gouvernement, au moins vingt-huit militaires ou veuves de militaires stationnés sur ou à proximité de l’île Christmas ou d’autres sites d’essais nucléaires en 1957–1958 se sont vu accorder des pensions à la suite de demandes fondées sur une exposition à des rayonnements.
B.  Les procédures de demande et de recours
56.  Le système de versement des pensions est administré au premier chef par le DSS. Lorsqu’il est saisi d’une demande, le DSS recueille notamment les états de service (y compris les pièces médicales) du demandeur auprès du MOD et, avec l’aide de preuves médicales complémentaires là où il échet, établit si l’intéressé souffre d’une invalidité imputable au service. C’est le ministre des Affaires sociales qui rend la décision finale sur la base de cette appréciation.
57.  Tout demandeur qui se voit refuser une pension de guerre par le ministre peut saisir la PAT (voir la loi de 1943 sur la Commission de recours des pensions et le règlement de ladite commission adopté en 1981 pour l’Ecosse : « le règlement de la PAT»). Cet organe se compose d’un juriste, d’un médecin et d’un militaire ou ex-militaire du même sexe et du même rang que le demandeur. Le DSS soumet à la PAT un « exposé de l’affaire » (Statement of Case), qui comporte notamment une copie des états de service (y compris les pièces médicales) du demandeur, les pièces médicales postérieures et des rapports (y compris ceux préparés à la demande du médecin du DSS), ainsi qu’une déclaration exposant brièvement les motifs pour lesquels le ministre a rejeté la demande. Le demandeur peut soumettre une réponse audit exposé et/ou produire des preuves complémentaires. Une audience est alors organisée. Elle ne peut avoir lieu en l’absence du demandeur sans son consentement et l’intéressé peut y être représenté par un avocat ou par quelqu’un d’autre.
58.  Les décisions de la PAT peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant la Court of Session d’Ecosse avec l’autorisation soit de la PAT, soit de la Court of Session.
C. Divulgation de documents dans les procédures devant la PAT
59.  L’article 6 du règlement de la PAT est ainsi libellé :
« Divulgation de documents et renseignements officiels
6.1  Lorsque, pour les besoins de son recours, une personne souhaite obtenir la divulgation d’un document quelconque ou d’une partie d’un document quelconque dont elle a des raisons de croire qu’ils se trouvent en possession d’un organe administratif, elle peut à tout moment, dans un délai de six semaines après que l’exposé de l’affaire lui a été envoyé, solliciter du président la divulgation du document ou de la partie du document concernés, et si le président estime qu’il est probable que ce document ou cette partie de document présente un intérêt pour une question à trancher dans le cadre du recours, il peut enjoindre à l’organe administratif concerné de les divulguer (s’ils se trouvent en sa possession) de la manière et aux conditions qu’il juge appropriées. (...)
2. Dès réception de pareille injonction, le ministre ou le secrétaire d’Etat dont relève le service administratif concerné, ou toute personne habilitée par lui à cet effet, peut certifier au président
a) qu’il serait contraire à l’intérêt public de divulguer l’intégralité ou une partie du document visé par l’injonction ; ou
b) que, pour des raisons de sécurité, l’intégralité ou la partie du document en question ne peut être divulguée, et ce de quelque manière que ce soit ;
en cas d’émission d’un certificat au sens de l’alinéa a) ci-dessus, le président donne à la Commission de recours les instructions qui peuvent être nécessaires pour empêcher ou restreindre la divulgation publique du document ou de la partie de document, selon le cas, et en cas d’émission d’un certificat au sens de l’alinéa b) ci-dessus, le président invite la Commission de recours à examiner si la cause de l’auteur du recours risque de pâtir de la non-divulgation du document ou de la partie de document en question, et si la Commission de recours estime que l’auteur du recours risque de subir un préjudice si la procédure se déroule sans que le document ou la partie de document aient été divulgués, elle ajourne l’examen du recours jusqu’au moment où la nécessité d’une non-divulgation pour des motifs de sécurité aura cessé d’exister. »
D. Les archives publiques
60.  Les « archives publiques » (Public Records) sont définies par l’article 2 de l’annexe à la loi de 1958 sur les archives publiques (« la loi de 1958 ») comme les archives administratives et ministérielles appartenant à la Couronne, au nombre desquelles figurent les archives de tous les services ministériels et celles détenues par semblables services. C’est au Lord Chancellor qu’incombe la responsabilité de l’administration du système. Les archives publiques sélectionnées pour être conservées de manière permanente ne sont généralement pas transférées à l’Office des archives publiques (Public Records Office) ou dans un autre lieu approuvé faisant partie du domaine public avant que ne se soit écoulée une période de trente ans depuis leur création, même si une période plus longue ou plus courte peut être fixée par le Lord Chancellor, avec l’approbation ou à la requête du ministre ou de toute autre personne concernée au premier chef.
E. Possibilités pour les militaires d’agir au civil contre la Couronne
61.  La sanction du droit à réparation prévu par la common law peut être obtenue devant les tribunaux civils si le demandeur est en mesure de prouver de manière plausible que, compte tenu de l’état des connaissances à l’époque considérée, le handicap incriminé était raisonnablement prévisible et a été causé par l’action ou l’inaction du défendeur.
62.  Toutefois, les personnels des forces armées dont l’action a une cause qui se situe dans une période de service antérieure à 1987 ne peuvent, en vertu de l’article 10 de la loi de 1947 sur les procédures concernant la Couronne (Crown Proceedings Act), attaquer la Couronne au civil pour obtenir réparation. Il y a controverse entre les parties sur la question de savoir si cette immunité de la Couronne a survécu à la décision rendue dans l’affaire Pearce v. The Secretary of State for Defence and Ministry of Defence, Weekly Law Reports 1988, n° 2, p. 145, mais il n’est pas contesté que personne (pas même M. Pearce) n’a pu, à ce jour, démontrer avec succès dans le cadre d’une action intentée au civil qu’une maladie a vraisemblablement été causée par des rayonnements dus au programme d’essais nucléaires sur l’île Christmas.
III. Les DÉCLARATIONs du ROYAUME-UNI AU TITRE DEs ARTICLEs 25 et 46 de la convention
63.  Le 14 janvier 1966, le Royaume-Uni déposa devant le Secrétaire général du Conseil de l’Europe la déclaration suivante :
« (…) conformément aux dispositions de l’article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950, (…) le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord reconnaît, à l’égard du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord uniquement (…) pour la période allant du 14 janvier 1966 au 13 janvier 1969, la compétence de la Commission européenne des Droits de l’Homme à être saisie d’une requête adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe postérieurement au 13 janvier 1966, par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale, ou tout groupe de particuliers, qui, à raison d’un acte, d’une décision, de faits ou d’événements postérieurs à cette date, se prétend victime d’une violation des droits reconnus dans la Convention et dans le Protocole additionnel (…) »
Le même jour, il déposa, au titre de l’article 46 de la Convention, une déclaration reconnaissant la juridiction de la Cour aux mêmes conditions. Les deux déclarations ont été depuis renouvelées à plusieurs reprises.
PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION
64.  Dans leurs requêtes à la Commission (nos 21825/93 et 23414/94) du 20 avril et du 31 décembre 1993 respectivement, M. McGinley et M. Egan, tout en reconnaissant que les circonstances entourant les essais nucléaires de 1958 échappaient au domaine de compétence de la Commission dès lors que le Royaume-Uni n’avait accepté le droit de recours individuel qu’en 1966, se plaignaient de n’avoir pas été prévenus des effets de l’exposition aux rayonnements dont ils disent avoir été victimes et de s’être vu refuser l’accès aux relevés des niveaux de rayonnement établis à l’époque ainsi qu’aux pièces médicales décrivant les traitements reçus par eux à la suite des explosions, ce qui aurait exacerbé leurs souffrances et les aurait privés d’un accès à la Commission de recours des pensions et d’un procès équitable devant cet organe. Ils affirmaient de surcroît avoir été harcelés et surveillés. Ils invoquaient les articles 2, 3, 6 § 1, 8, 10, 11, 12 (premier requérant uniquement), 13 et 14 de la Convention.
65.  Le 15 mai 1995, la Commission a décidé de joindre les deux requêtes et, le 28 novembre 1995, elle les a déclarées recevables dans la mesure où elles concernaient les griefs fondés sur les articles 6, 8 et 13 et tirés de la non-divulgation desdits documents. Dans son rapport du 26 novembre 1996 (article 31), elle conclut, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 et qu’il ne s’impose pas d’examiner le grief formulé sur le terrain de l’article 13 de la Convention, et, par vingt-trois voix contre trois, qu’il y a eu violation de l’article 8. Le texte intégral de son avis et de l’opinion partiellement dissidente dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt4.
CONCLUSIONS PRéSENTéES à LA COUR
66.  Dans son mémoire comme à l’audience, le Gouvernement a demandé à la Cour de juger que les griefs des requérants auraient dû être déclarés irrecevables pour non-épuisement des voies de recours internes, ou, à défaut, de conclure à l’absence de violations.
Les requérants, pour leur part, invitent la Cour à constater des manquements aux articles 2, 3, 6 § 1, 8 et 13 de la Convention et à leur accorder une satisfaction équitable au sens de l’article 50.
En droit
I. Sur l’objet du litige
67.  Dans leurs observations écrites et orales à la Cour, les requérants ont formulé les griefs suivants. Premièrement, le droit à un procès équitable que leur garantit l’article 6 § 1 de la Convention et le droit au respect de leur vie privée et familiale qu’ils tirent de l’article 8 auraient été violés du fait de la rétention de documents qui les eussent aidés à déterminer s’il y avait un lien quelconque entre leurs problèmes de santé et une exposition à des rayonnements. Deuxièmement, en conséquence du caractère inéquitable des procédures relatives à leurs demandes de pension, chacun d’eux aurait souffert de graves tensions psychologiques relevant de l’article 3. Troisièmement, l’omission par le Gouvernement de contrôler leur exposition à des rayonnements lorsqu’ils étaient stationnés sur l’île Christmas aurait enfreint les articles 2 et 3. Quatrièmement, l’absence de recours effectif pour leurs griefs fondés sur la Convention serait contraire à l’article 13. Cinquièmement, enfin, M. McGinley aurait été harcelé par les autorités de l’Etat, au mépris de l’article 8.
68.  La Cour observe que seuls les griefs énoncés par les requérants sur le terrain des articles 6 § 1, 8 et 13 de la Convention et concernant la non-divulgation de documents ont été retenus par la Commission (paragraphe 65 ci-dessus).
Ceux formulés sous l’angle des articles 2 et 3 et relatifs à l’absence de contrôle sur l’île Christmas n’ont pas été soulevés devant la Commission et sont en tout état de cause tirés d’événements qui se sont déroulés en 1958, c’est-à-dire avant les déclarations faites par le Royaume-Uni le 14 janvier 1966 au titre des articles 25 et 46 de la Convention (paragraphe 63 ci-dessus). Quant à l’allégation de harcèlement de M. McGinley, elle a été déclarée irrecevable par la Commission au motif qu’elle avait été formulée après l’expiration du délai fixé à l’article 26 de la Convention. Il en résulte que la Cour n’a pas compétence pour connaître de ces doléances.
69.  Pour ce qui est du grief fondé sur l’article 3 et concernant la souffrance causée aux requérants par la non-divulgation de documents lors des procédures relatives à leurs demandes de pension, la Cour observe qu’il s’appuie sur les mêmes faits que les plaintes formulées sur le terrain des articles 6 § 1, 8 et 13, que la Commission a déclarées recevables. Il lui serait loisible d’examiner ces faits sous l’angle de l’article 3 bien que la Commission n’ait pas retenu le grief tiré de cette disposition (voir, par exemple, l’arrêt Guerra et autres c. Italie du 19 février 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-I, p. 223, § 44). Rejoignant ledit organe, elle considère toutefois que les questions évoquées relèvent plutôt des articles 6 § 1 et 8 de la Convention.
70.  En conclusion, la Cour ne doit examiner que les griefs visant la non-divulgation de pièces formulés par les requérants sur le terrain des articles 6 § 1, 8 et 13 de la Convention.
II. Sur l’exception préliminaire du Gouvernement
71.  Le Gouvernement soutient que les griefs énoncés par les requérants sous l’angle des articles 6 § 1 et 8 de la Convention et concernant la non-divulgation de certains documents auraient dû être déclarés irrecevables faute d’épuisement des voies de recours internes au sens de l’article 26 de la Convention, dont voici le texte :
« La Commission ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes, tel qu’il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus (…) »
72.  Il attire l’attention de la Cour sur le fait que l’article 6 du règlement de la PAT (paragraphe 59 ci-dessus) décrit une procédure qui aurait permis à celle-ci de requérir la production de tout document pertinent, qu’il fût ou non déjà dans le domaine public, à moins que le ministre, secrétaire d’Etat ou fonctionnaire habilité compétents n’eussent estimé, après avoir étudié la question, que, pour des raisons de sécurité, le document ne devait pas être divulgué. Ni l’un ni l’autre des requérants n’ont jugé bon d’user de cette possibilité durant la procédure interne. S’ils l’avaient fait, les organes de Strasbourg auraient pu prendre en considération l’opinion de la PAT sur le point de savoir si les documents en cause présentaient réellement un intérêt pour les questions dont ladite juridiction avait à connaître, et ils auraient su si ces documents auraient effectivement été divulgués.
73.  Les requérants n’ont pas expressément argumenté sur le terrain de l’article 26.
74.  La Commission soutient que les questions de non-épuisement des voies de recours internes se posant dans le cadre de griefs dirigés contre le défaut d’accès à un tribunal doivent, d’une manière générale, être jointes au fond.
75.  La Cour admet, avec la Commission, que l’argument de non-épuisement des voies de recours internes avancé par le Gouvernement est étroitement lié à la substance des griefs énoncés par les requérants sur le terrain des articles 6 § 1 et 8. Elle décide donc de joindre l’exception au fond (voir, par exemple, l’arrêt Kremzow c. Autriche du 21 septembre 1993, série A n° 268-B, p. 41, § 42).
III. Sur la violation alléguée de l’article 6 § 1 de la Convention
76.  Les requérants se plaignent que, du fait de la non-divulgation d’éléments de leurs dossiers médicaux militaires et des relevés des niveaux de rayonnement atteints sur l’île Christmas à la suite des essais nucléaires, ils ont été privés d’un accès effectif à un tribunal, en violation de l’article 6 § 1 de la Convention, dont la partie pertinente en l’espèce est ainsi libellée :
«Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal (…) qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »
A. Thèses des comparants
1. Les requérants
77.  Les requérants soutiennent que la procédure d’alignement (paragraphe 10 ci-dessus) visait à délibérément exposer à des rayonnements dans un but expérimental les militaires stationnés sur l’île Christmas et à proximité de celle-ci. A l’appui de cette allégation, ils invoquent une série de documents, dont un rapport établi en 1953 par la Commission de la recherche sur les armes atomiques de la défense britannique (British Defence Research Policy Committee on Atomic Weapons) qui demandait qu’à l’occasion de futurs essais d’armes nucléaires des études fussent menées sur les effets de différents types d’explosion sur « l’homme avec et sans divers types de protection », un mémorandum de la Royal Air Force (« RAF ») de 1955 aux termes duquel « la RAF accumulera au cours des essais de 1957 [à Maralinga, en Australie] une expérience inestimable dans le maniement des armes et dans la démonstration directe des effets des explosions nucléaires sur les personnels et les équipements », et une circulaire du ministère de la Guerre de 1957 relative elle aussi aux essais devant être effectués en Australie et aux termes de laquelle « l’ensemble des personnels sélectionnés pour servir à Maralinga peuvent être exposés à des rayonnements au cours de leurs obligations militaires ».
78.  Les intéressés affirment que l’Etat s’est livré à une opération d’étouffement, de désinformation et d’obstruction afin d’éviter de voir sa responsabilité engagée pour les problèmes de santé pouvant avoir été provoqués par les essais effectués sur l’île Christmas. Ainsi, à l’époque de ces essais, les autorités militaires avaient décidé de ne pas contrôler le niveau des doses de rayonnement reçues par chaque militaire, et, pendant les années qui ont suivi, des mesures auraient été prises pour mettre obstacle aux demandes de pension formées par les personnes qui, comme les requérants, avaient participé aux essais. Ces mesures auraient pris la forme, notamment, d’un refus d’accès aux documents dont les demandeurs avaient besoin pour établir que leurs problèmes de santé présentaient un lien avec leur service.
79.  Dans leur mémoire, les requérants ont identifié ces documents comme étant les parties de leurs dossiers médicaux militaires détaillant les traitements reçus par eux pour des affections liées aux rayonnements, telles des furonculoses, des nausées et des diarrhées apparues après la procédure d’alignement (paragraphes 17 et 47 ci-dessus), ainsi que les relevés des niveaux de rayonnement atteints à proximité de l’île Christmas à la suite des essais nucléaires.
Dans leurs observations complémentaires (paragraphe 6 ci-dessus), les requérants ont admis que les relevés des niveaux de rayonnement produits par le Gouvernement devant la Cour (paragraphe 14 ci-dessus) ne leur auraient été d’aucun secours pour les demandes formulées par eux devant la PAT. Ils affirment toutefois que le grand nombre de documents librement accessibles relatifs aux essais nucléaires effectués antérieurement par le Royaume-Uni en Australie donne à penser que des rapports analogues doivent avoir été établis dans le contexte des essais réalisés sur l’île Christmas. Ils soutiennent en conséquence qu’un nombre important de documents font toujours l’objet d’une rétention, et qu’en particulier des informations pertinentes sur les doses de rayonnement reçues par les militaires doivent figurer dans les relevés non publiés du chef de la radioprotection, qui était personnellement responsable du suivi des niveaux de rayonnement sur diverses parties de l’île.
2. Le Gouvernement
80.  Le Gouvernement nie qu’il y ait eu intention d’exposer à des niveaux dangereux de rayonnement les requérants et les autres militaires stationnés sur l’île Christmas ou à proximité de celle-ci à l’époque des essais nucléaires, et dément toute politique subséquente d’étouffement ou d’obstruction visant à faire échapper le Royaume-Uni à ses responsabilités. Il soutient que les documents invoqués par les requérants à cet égard (paragraphe 77 ci-dessus) ont été présentés en dehors de leur contexte et qu’en tout état de cause ils ne permettent pas de conclure que les militaires ont été irradiés. Il a produit devant la Cour une série de documents de l’époque,  et notamment les plans de sécurité établis pour les essais (lesquels décrivaient la procédure d’alignement devant être suivie de manière à garantir que tous les personnels sur l’île fussent protégés contre les dommages oculaires et contre d’autres risques liés à la projection d’objets par les ondes de souffle), ainsi que des relevés des niveaux de rayonnement constatés dans l’air, au sol, dans l’eau de pluie, dans l’eau de mer et dans les poissons à proximité de l’île Christmas immédiatement après les essais, qui montrent que les rayonnements n’ont pas atteint des niveaux dangereux dans les zones où étaient stationnés les militaires ordinaires tels les requérants (paragraphe 14 ci-dessus).
81.  Le Gouvernement affirme que l’article 6 § 1 ne comporte pas un droit général d’accès aux informations détenues par des autorités publiques, ni une quelconque obligation pour l’Etat de rendre publiquement accessibles tous les documents potentiellement pertinents pour toutes les procédures civiles susceptibles d’être engagées à l’avenir. En réalité, la disposition en cause oblige l’Etat à prévoir des procédures aptes à garantir qu’il puisse être statué de manière équitable sur les contestations portant sur des droits civils.
Or pareille procédure était prévue par l’article 6 du règlement de la PAT (paragraphe 59 ci-dessus). D’après ce texte, il n’aurait pas été nécessaire pour les requérants de citer l’intitulé ou le numéro de référence de chaque document requis. Il aurait au contraire suffi à chacun d’eux de demander la production de documents non identifiés se rapportant, par exemple, à ce que le MOD avait affirmé au DSS, à savoir que le requérant avait été exposé à un niveau zéro de rayonnement. La production des relevés des niveaux de rayonnement ne se serait heurtée à aucun obstacle lié à la sécurité. Dès lors que ni l’un ni l’autre des requérants n’ont jugé bon de faire usage de cette procédure, il ne serait pas possible de considérer qu’ils se sont vu refuser un accès effectif à un tribunal du fait de la non-divulgation de documents.
82.  En tout état de cause, le Gouvernement nie l’existence de certains des documents dont les requérants dénoncent la non-divulgation et conteste que l’un quelconque de ces documents eût pu étayer leurs demandes devant la PAT. Ainsi, il soutient que l’exposé de l’affaire fourni à la PAT comportait les copies intégrales de tous les dossiers médicaux militaires existant à l’époque. Les relevés des niveaux de rayonnement constatés sur l’île n’auraient pas étayé les demandes des intéressés (paragraphe 79 ci-dessus). Quant aux relevés du chef de la radioprotection (ibidem), ils n’auraient pas été pertinents, puisque ladite personne avait pour mission de compiler les relevés des doses individuelles de rayonnement reçues par ceux à qui des dosimètres photographiques avaient été distribués au motif qu’ils risquaient d’être exposés à des rayonnements. Or ni l’un ni l’autre des requérants ne relevaient de cette catégorie. Enfin, en réponse à l’affirmation selon laquelle une comparaison avec la documentation librement accessible relative aux essais effectués à Maralinga, en Australie, indiquait que d’autres documents non divulgués devaient avoir été produits en rapport avec les essais réalisés sur l’île Christmas, le Gouvernement déclare que tel n’a pas été le cas, les essais effectués sur l’île Christmas ayant été beaucoup plus limités et concentrés principalement sur les performances des armes.
3. La Commission
83.  La Commission juge non établi que les pièces médicales relatives aux traitements que les requérants disent avoir reçus après les explosions nucléaires existaient à la date de l’acceptation par le Royaume-Uni du droit de recours individuel (paragraphe 63 ci-dessus). Elle estime en revanche que des relevés des rayonnements présents dans l’environnement sur l’île Christmas avaient été effectués à l’époque et que, pour des raisons tenant à la sécurité nationale, ils n’avaient pas encore été placés dans le domaine public. Sans avoir eu la possibilité de les examiner (paragraphe 14 ci-dessus), elle considère que les requérants avaient un intérêt solide et légitime à obtenir l’accès à ces documents, notamment aux fins d’étayer leurs demandes de pension. Compte tenu des caractéristiques du système des archives publiques au Royaume-Uni, en vertu duquel il eût été malaisé aux intéressés de retrouver les documents en cause, et eu égard au pouvoir des ministres de refuser, pour des motifs tenant à la sécurité nationale, de produire des documents requis au titre de l’article 6 du règlement de la PAT, elle conclut que les requérants n’ont pas bénéficié de moyens réalistes d’obtenir les documents en question. Dans ces conditions, leur accès à la PAT était plus théorique que réel, et il y aurait donc eu violation de l’article 6 § 1.
B.  L’appréciation de la Cour
1. Applicabilité
84.  Aucun des comparants devant la Cour ne conteste qu’il s’agissait, dans les procédures relatives aux demandes de pension, de décider de « contestations sur des droits de caractère civil ». Tel est également l’avis de la Cour. En conséquence, l’article 6 § 1 trouve à s’appliquer.
2. Observation
85.  La Cour recherchera si la non-divulgation de documents a eu pour effet de priver les requérants d’un accès effectif à la PAT, ou d’un procès équitable devant cette juridiction.
Elle observe que pour obtenir gain de cause devant la PAT les requérants devaient invoquer, en se fondant sur des preuves fiables, un doute raisonnable quant à la question de savoir si leurs problèmes de santé présentaient ou non un lien de causalité avec leur service dans les forces armées (paragraphe 54 ci-dessus). Dès lors qu’ils alléguaient que les différentes affections dont ils souffraient trouvaient leur origine dans le fait qu’ils avaient été exposés à des niveaux nocifs de rayonnement durant les essais effectués sur l’île Christmas, il leur fallait produire des preuves fiables, aptes à faire douter de manière raisonnable de la justesse, notamment, de l’affirmation du MOD selon laquelle ils n’avaient pas fait l’objet d’une telle exposition.
86.  La Cour considère que s’il devait s’avérer que l’Etat défendeur a, sans motif légitime, empêché les requérants d’avoir accès à des documents en sa possession qui les auraient aidés à établir devant la PAT qu’ils avaient été exposés à des niveaux dangereux de rayonnement, ou qu’il a mensongèrement nié l’existence de ces documents, cela s’analyserait en une privation d’un procès équitable, contraire à l’article 6 § 1.
87.  D’après les requérants, les documents en question étaient les pièces de leurs dossiers médicaux militaires montrant qu’ils avaient souffert d’affections liées à des rayonnements et avaient été traités en conséquence peu après les explosions nucléaires, ainsi que d’autres pièces, telles celles établies par le chef de la radioprotection, à partir desquelles il eût été possible d’apprécier le degré auquel ils avaient personnellement été exposés à des rayonnements (paragraphe 79 ci-dessus).
88.  En ce qui concerne la première catégorie, en admettant même qu’il puisse être conclu des observations des requérants que des pièces médicales avaient été établies relativement à des traitements administrés aux intéressés pour des affections résultant des explosions nucléaires, la Cour, à l’instar de la Commission, n’est pas convaincue que ces pièces existaient toujours à la date des déclarations faites par le Royaume-Uni au titre des articles 25 et 46 de la Convention (paragraphe 63 ci-dessus).
Quant à des documents montrant le niveau des rayonnements auxquels chacun des requérants aurait été exposé, il est clair qu’il n’existait pas de relevés personnels puisqu’aucun suivi individuel des militaires tels les intéressés n’avait été mis en place pendant les essais. Les requérants ont admis que les relevés des niveaux de rayonnement constatés sur l’île Christmas ne les auraient pas aidés à étayer leurs demandes (paragraphe 79 ci-dessus). La Cour note leur allégation selon laquelle d’autres pièces pertinentes doivent avoir été produites à l’époque des essais et sont toujours retenues par l’Etat, mais observe qu’elle n’a pas été étayée et relève donc de la pure spéculation.
89.  Elle note de surcroît que même s’il pouvait être établi qu’à l’époque des recours des requérants l’Etat avait en sa possession des documents pertinents pour les questions dont la PAT avait à connaître, il était loisible aux requérants, en vertu de l’article 6 du règlement de la PAT, d’inviter le président de celle-ci à requérir la divulgation par l’Etat de tout document pertinent (paragraphe 59 ci-dessus). Le Gouvernement affirme que s’ils avaient usé de cette procédure, les requérants n’auraient pas été obligés d’identifier de manière précise les documents dont ils souhaitaient obtenir la production, il leur aurait suffi de solliciter en des termes généraux, par exemple, des preuves documentaires relatives à l’affirmation du MOD selon laquelle chacun d’eux avait été exposé à des niveaux zéro de rayonnement.   Il soutient de surcroît que si le président de la PAT avait requis, au titre dudit article 6, la divulgation des relevés des niveaux de rayonnement, la production de ces relevés ne se serait heurtée à aucun obstacle lié à la sécurité, au sens de l’article 6 § 2 b) du règlement (paragraphe 59 ci-dessus).
La Cour estime que le dossier ne recèle rien qui soit de nature à lui faire douter de l’exactitude de ces affirmations, eu égard en particulier au fait que, pour des raisons qui n’ont pas été expliquées, ni l’un ni l’autre des requérants n’ont cherché à faire usage de la procédure prévue à l’article 6 du règlement de la PAT.
90.  Dans ces conditions, dès l’instant où les requérants ont omis de faire usage d’une procédure permettant d’obtenir la divulgation de documents, la Cour ne saurait considérer que l’Etat les ait empêchés d’avoir accès à des preuves pertinentes ou ait mensongèrement nié l’existence de ces preuves, ou que les intéressés se soient ainsi vu priver d’un accès effectif à la PAT ou d’un procès équitable devant cet organe.
Il en résulte qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
91.  Eu égard à la conclusion ci-dessus, il n’est pas nécessaire que la Cour se prononce sur l’exception préliminaire du Gouvernement (paragraphe 75 ci-dessus).
IV. Sur la violation alléguée de l’article 8 de la Convention
92.  Les requérants voient en outre dans la non-divulgation des documents litigieux une violation de leur droit au respect de leur vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la Convention, qui énonce :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
A. Thèses des comparants
93.  Comme dans le cadre de l’article 6 § 1, le Gouvernement soutient que les requérants ne sauraient se plaindre de n’avoir pas eu accès à des documents puisqu’ils n’ont entrepris aucune démarche pour obtenir pareil accès. En tout état de cause, les documents en question ne concerneraient pas les intéressés personnellement et ne leur seraient d’aucun secours pour mieux comprendre leur vie privée.
94.  Les requérants considèrent qu’ils pouvaient légitimement revendiquer l’accès aux documents qui leur auraient permis de vérifier s’ils avaient ou non été exposés à des niveaux dangereux de rayonnement sur l’île Christmas et d’apprécier les conséquences possibles des essais sur leur santé.
95.  La Commission considère que les relevés des niveaux de rayonnement atteints sur l’île Christmas se rapportaient à la vie privée des requérants et que ces derniers avaient un intérêt solide et légitime à pouvoir y accéder dès lors qu’il s’agissait de la seule source de données de première main à partir desquelles ils pouvaient commencer à cerner la nature et l’impact physique de leur participation au programme d’essais. Pour les raisons mentionnées en rapport avec l’article 6 § 1 de la Convention, la Commission juge probable que si lors des procédures relatives à leurs demandes de pension les requérants avaient eu recours à l’article 6 du règlement de la PAT pour tenter d’obtenir la production des documents litigieux, leurs demandes auraient été rejetées pour des motifs tenant à la sécurité nationale.
Elle estime de surcroît qu’indépendamment des points liés aux demandes de pension formées par les requérants il se pose une question distincte relevant de l’article 8 dès lors que l’Etat n’avait pas, à l’époque de l’examen par elle de l’affaire, fourni aux requérants, sur une base individuelle, la moindre explication ou information quant à la nature et à l’impact de leur participation au programme d’essais, nonobstant ce qu’elle considère comme des inquiétudes légitimes engendrées chez les intéressés, notamment par des rapports indiquant qu’en moyenne les anciens participants aux essais nucléaires mouraient plus tôt que le restant de la population.
Pour les raisons ci-dessus, la Commission estime que le système interne n’a pas répondu d’une manière proportionnée aux intérêts des requérants à obtenir l’accès aux pièces pertinentes.
B.  L’appréciation de la Cour
1. Applicabilité
96.  La Cour rappelle que M. McGinley servait comme conducteur d’engins sur l’île Christmas à l’époque du programme d’essais nucléaires mené là-bas par le Royaume-Uni, et qu’il s’est trouvé à une distance de quelque 40 km de cinq explosions. Quant à M. Egan, il servait comme chauffeur sur un navire positionné, d’après le MOD, à 97 km environ de l’endroit où eut lieu l’une des explosions. A l’occasion de chacune de celles-ci, les requérants reçurent l’ordre de participer à une procédure d’alignement en plein air (paragraphe 10 ci-dessus). Faute de suivi individuel, ils furent livrés au doute quant à la question de savoir s’ils avaient ou non été exposés à des niveaux de rayonnement générateurs de risques pour leur santé.
97.  La Cour estime que compte tenu de ce qui précède, la question de l’accès à des informations qui auraient pu soit apaiser les craintes des intéressés à cet égard, soit leur permettre d’évaluer le danger auquel ils avaient été exposés, présente un lien suffisamment étroit avec leur vie privée et familiale au sens de l’article 8 pour soulever une question sur le terrain de cette disposition.
En conséquence, l’article 8 trouve à s’appliquer.
2. Observation
98.  La Cour estime que le Royaume-Uni ne peut être réputé avoir commis une « ingérence » dans l’exercice par les requérants de leur droit au respect de leur vie privée et familiale. La présente requête ne vise pas un acte de l’Etat, mais son omission alléguée de permettre aux requérants d’accéder à des informations.
Si l’article 8 tend pour l’essentiel à prémunir l’individu contre des ingérences arbitraires des pouvoirs publics, il ne se contente pas d’astreindre l’Etat à s’abstenir de pareilles ingérences : à cet engagement plutôt négatif peuvent s’ajouter des obligations positives inhérentes à un respect effectif de la vie familiale. Pour déterminer s’il existe une telle obligation, la Cour prendra en compte le juste équilibre à ménager entre l’intérêt général et les intérêts de l’individu ou des individus concernés (arrêt Gaskin c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, série A n° 160, p. 17, § 42).
99.  A cet égard, la Cour observe qu’étant donné que l’exposition à des niveaux élevés de rayonnement est connue pour avoir des effets cachés mais graves et durables, il est normal que l’incertitude des requérants quant à la question de savoir s’ils avaient ou non été ainsi exposés à des dangers leur ait causé une anxiété et une détresse importantes. Elle rappelle que les intéressés ont soutenu, en rapport avec l’article 6 § 1, que les relevés des niveaux de rayonnement ne leur auraient été d’aucun secours dans la procédure devant la PAT (paragraphe 79 ci-dessus). Elle considère néanmoins que dès lors que ces documents contenaient des informations qui auraient pu les aider à évaluer les niveaux de rayonnement dans les zones où ils se trouvaient stationnés pendant les essais et qui auraient pu ainsi servir à les rassurer à cet égard, ils avaient un intérêt protégé par l’article 8 à pouvoir y accéder. Comme elle l’a fait observer ci-dessus (paragraphe 88), l’affirmation de l’existence d’autres documents pertinents n’a pas été étayée et relève donc de la pure spéculation. Pour cette raison, la présente espèce se distingue de l’affaire Guerra et autres (citée au paragraphe 69 ci-dessus), où il n’était pas contesté que l’usine en cause faisait courir des risques aux habitants de Manfredonia et que les autorités de l’Etat avaient en leur possession des informations qui auraient permis aux habitants d’évaluer ces risques et de prendre des mesures pour s’en prémunir.
100.  La Cour rappelle que le Gouvernement affirme qu’il n’y avait aucun motif impérieux tenant à la sécurité nationale de ne pas communiquer des informations relatives aux niveaux de rayonnement constatés sur l’île Christmas après les essais (paragraphe 81 ci-dessus).
101.  Dans ces conditions, eu égard à l’intérêt des requérants à obtenir l’accès aux documents en question et à l’absence apparente d’un quelconque intérêt public à ne pas les communiquer, la Cour considère que l’article 8 faisait peser sur l’Etat une obligation positive à cet égard. Dès lors qu’un gouvernement s’engage dans des activités dangereuses – comme celles ici en cause – susceptibles d’avoir des conséquences néfastes cachées sur la santé des personnes qui y participent, le respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 exige la mise en place d’une procédure effective et accessible permettant à semblables personnes de demander la communication de l’ensemble des informations pertinentes et appropriées.
102.  Pour  ce qui est de l’observation de ladite obligation positive, la Cour rappelle ses conclusions concernant le grief fondé sur l’article 6 § 1 : l’article 6 du règlement de la PAT prévoyait une procédure qui aurait permis aux requérants de solliciter la production des documents relatifs à l’affirmation du MOD d’après laquelle ils n’avaient pas été exposés à des niveaux dangereux de rayonnement, et rien dans le dossier ne donnait à croire que cette procédure n’aurait pas pu déboucher sur la divulgation des documents souhaités (paragraphe 89 ci-dessus). Or ni l’un ni l’autre des requérants n’ont choisi de faire usage de cette procédure et, d’après les éléments présentés à la Cour, ils n’ont à aucun autre moment sollicité des autorités compétentes la production des documents en question.
Pour ces motifs, la présente espèce diffère de l’affaire Gaskin (citée au paragraphe 98 ci-dessus, p. 9, § 14), où le requérant s’était adressé à la High Court afin d’obtenir la communication des documents auxquels il souhaitait avoir accès.
103.  La Cour estime qu’en instituant la procédure susdécrite de l’article 6 du règlement de la PAT, l’Etat a rempli, à l’égard des requérants, son obligation positive découlant de l’article 8. Il en résulte qu’il n’y a pas eu violation de cette disposition.
104.  Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire pour la Cour de statuer sur l’exception préliminaire du Gouvernement (paragraphe 75 ci-dessus).
V. Sur la violation alléguée de l’article 13 de la Convention
105.  Les requérants affirment en outre avoir été privés d’un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention, qui dispose :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (…) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
106.  Eu égard à sa conclusion en rapport avec l’article 6 § 1 (paragraphe 90 ci-dessus), la Cour n’estime pas nécessaire d’examiner séparément le grief fondé sur l’article 13, dont les exigences sont moins strictes que celles de l’article 6 § 1 et absorbées par elles en l’espèce.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
1. Dit, à l’unanimité, que l’exception préliminaire doit être jointe au fond ;
2. Dit, par six voix contre trois, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit, à l’unanimité, qu’il ne s’impose pas de statuer sur l’exception préliminaire au regard de l’article 6 § 1 ;
4. Dit, par cinq voix contre quatre, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention ;
5. Dit, à l’unanimité, qu’il ne s’impose pas de statuer sur l’exception préliminaire au regard de l’article 8 ;
6. Dit, à l’unanimité, qu’il ne s’impose pas d’examiner le grief fondé sur l’article 13 de la Convention.
Fait en anglais5, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 9 juin 1998.
Signé : Rudolf Bernhardt
Président
Signé : Herbert Petzold
Greffier
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 51 § 2 de la Convention et 53 § 2 du règlement A, l’exposé de l’opinion dissidente commune à MM. De Meyer, Valticos et Morenilla, et de l’opinion dissidente de M. Pekkanen.
Paraphé : R. B.
Paraphé : H. P.
OPINION DISSIDENTE commune À mm. les JUGEs DE MEYER, VALTICOS ET MORENILLA
On savait d’avance que les armes nucléaires ne pouvaient pas seulement, dans l’immédiat, causer la mort d’un très grand nombre d’êtres humains, mais qu’elles pouvaient aussi avoir, à long terme, de graves effets quant à l’intégrité physique et la santé de tous ceux qui y auraient été exposés, directement ou indirectement, de près ou de loin. Après ce qui s’était passé à Hiroshima et à Nagasaki en août 1945, plus personne ne pouvait en douter.
Le gouvernement britannique, qui avait entrepris, lui aussi, de procéder, depuis 1952, à des essais d’engins de ce genre et qui s’intéressait notamment aux « effets d’explosions nucléaires sur le personnel et les équipements »6, « avec ou sans divers genres de protection »7, en était conscient. A la veille des essais que concerne la présente affaire, il rappelait, dans la note Radiological Safety Regulations, Christmas Island, de mars 19588, que « le danger est insidieux parce que les effets ne sont pas sentis immédiatement et que le dommage ne peut devenir apparent qu’après plusieurs années ».
Il avait dès lors le devoir d’assumer ses responsabilités à l’égard des personnes présentes dans la région des essais lors des explosions. Il devait faire en sorte qu’elles fussent en mesure de se rendre compte de leur situation et de disposer de toutes les données nécessaires pour faire valoir utilement leurs droits.
Les autorités de l’Etat défendeur ne pouvaient pas se contenter de prendre certaines précautions lors des essais eux-mêmes, telles que celles qui furent prescrites, pour ceux de l’île Christmas, dans la note de mars 1958 précitée, ainsi que dans plusieurs autres documents d’avril et de septembre 19589, et qui comportaient notamment l’obligation, imposée à tous les militaires présents dans la région, de tourner le dos au point zéro lors des explosions en gardant leurs yeux fermés et couverts10.
Elles devaient s’assurer, avant et après les essais, de leur état de santé et en suivre l’évolution, tout au moins aussi longtemps qu’ils restaient en service. Elles devaient aussi leur communiquer toutes les informations pertinentes ainsi recueillies.
C’est ce qu’elles firent, dans une certaine mesure, en prévoyant, en ce qui concerne les essais de l’île Christmas, des examens médicaux pour le personnel appelé à travailler dans la « zone contrôlée » ou avec des matériaux radioactifs11.
Mais il n’en en pas été ainsi quant aux deux requérants, dont l’un servit dans l’armée d’octobre 1956 à novembre 195912, l’autre dans la marine d’octobre 1956 à février 196113, et qui, au cours des essais de 1958 à l’île Christmas, se trouvaient, en service commandé, l’un quelque part à l’autre bout de l’île lors des explosions du 28 avril, du 22 août et des 2, 11 et 23 septembre14, l’autre sur le pont d’un navire au large de l’île lors de l’explosion de 28 avril15.
Leurs dossiers médicaux, tels qu’ils sont produits par le Gouvernement16, ne contiennent guère de données au sujet de leur état physique avant et après les essais, ni au sujet des conséquences éventuelles de leur présence aux abords des endroits où ceux-ci eurent lieu17.
Le Gouvernement laisse entendre que de telles données n’existent pas. Cela signifierait qu’on a commis la grave négligence de ne pas les recueillir18.
Il se peut aussi qu’elles existent ou aient existé et qu’on ait cru devoir les garder secrètes ou les faire disparaître19. Ce serait plus grave encore.
Quoi qu’il en soit, les données devaient exister et devaient avoir été communiquées aux intéressés.
Tel n’étant pas le cas, le gouvernement défendeur a mis les requérants dans l’impossibilité de faire valoir effectivement leurs droits éventuels devant les juridictions compétentes20 et les a privés de renseignements d’ordre personnel qu’ils avaient un « intérêt primordial » à recevoir21.
On ne peut pas leur reprocher de ne pas avoir fait usage de la procédure prévue à l’article 6 du règlement de la Commission de recours des pensions22. L’existence de cette procédure ne pouvait, en l’espèce, suffire à remplir les obligations positives qui incombaient à l’Etat, aussi bien sous l’angle de l’article 6 de la Convention que sous celui de l’article 8 de celle-ci23. Les intéressés avaient le droit d’être informés de toutes les conséquences qui avaient pu résulter pour eux de leur présence dans la région des essais, notamment en ce qui concerne leurs pensions. Ils avaient le droit de savoir ce qui avait pu leur arriver, sans avoir à le demander.
Il y a donc eu, à notre avis, violation des droits reconnus par les articles 6 et 8 de la Convention.
Opinion dissidente de m. le juge pekkanen
(Traduction)
1. Je considère, avec la majorité, que l’article 8 n’a pas été violé en ce qui concerne les procédures relatives aux demandes de pension. En revanche, outre leur intérêt à établir leurs droits à pension, les requérants avaient un intérêt général à obtenir l’accès aux informations relatives à leur exposition alléguée à des niveaux nocifs de rayonnement. Cet intérêt n’a pas été suffisamment pris en compte par la majorité.
2. Un résumé des documents concernant le suivi des retombées radioactives dans l’environnement sur l’île Christmas a été publié en 1993, quelque trente-cinq années après les essais (paragraphe 13 de l’arrêt). Les documents eux-mêmes ayant servi de base à l’établissement du résumé n’ont pas été communiqués aux requérants avant que le Gouvernement ne les annexe à son mémoire à la Cour (paragraphe 14 ci-dessus). Ainsi donc, pendant la plus grande partie de leur vie, les intéressés n’ont pas eu accès à ces informations.
3. Certes, en vertu de l’article 6 du règlement de la PAT, chacun des requérants avait la possibilité, durant la période de six semaines suivant la communication à lui de l’exposé de l’affaire préparé par la DSS, de solliciter la divulgation des documents en question (paragraphe 59 de l’arrêt). Toutefois, si la procédure dudit article 6 offrait, d’après moi, une garantie adéquate des droits des requérants à un procès équitable devant la PAT, je considère qu’elle ne suffisait pas à remplir l’obligation positive découlant pour l’Etat de l’article 8, puisqu’elle dépendait des demandes de pension des requérants. Or la majorité a estimé qu’au-delà et indépendamment de leur intérêt à établir leurs droits à pension, les requérants avaient un intérêt général et continu à obtenir l’accès à des informations relatives à la mesure dans laquelle ils pouvaient avoir été exposés à des niveaux nocifs de rayonnement (paragraphe 99 de l’arrêt).
4. Dans son arrêt L.C.B. c. Royaume-Uni (9 juin 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-III, p. 1404, § 40), la Cour a admis qu’il était possible de soutenir que les autorités de l’Etat auraient été tenues d’informer les parents de la requérante (la fille d’un ancien participant aux essais nucléaires) qu’elle risquait de contracter une maladie mortelle par suite de la présence de son père sur l’île Christmas s’il y avait eu des raisons de croire cela possible. Si j’admets avec la majorité qu’en l’absence de toute preuve manifeste de l’existence de documents pertinents pareille obligation ne s’imposait pas à l’Etat compte tenu des faits de la présente espèce, laquelle se distingue en conséquence de l’affaire Guerra et autres c. Italie (paragraphe 99 de l’arrêt), j’estime que l’Etat aurait dû offrir aux requérants une procédure effective et accessible qui leur eût permis de solliciter la communication de toute information pertinente ou appropriée (paragraphe 101 de l’arrêt). Or il n’a pas été démontré qu’en dehors de la période de six semaines prévue à l’article 6 du règlement de la PAT, les requérants eussent à leur disposition une quelconque autre procédure qui leur eût permis d’obtenir la divulgation de documents non encore dans le domaine public.
5. Dans ces conditions, je considère que les procédures disponibles ne suffisaient pas à remplir l’obligation positive pour l’Etat de fournir aux requérants un moyen par lequel solliciter et obtenir l’accès aux informations en cause.
En conséquence, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention à cet égard.
1.  Rédigé par le greffe, il ne lie pas la Cour.
Notes du greffier
2.  L'affaire porte le n° 10/1997/794/995–996. Les deux premiers chiffres en indiquent le rang dans l'année d'introduction, le troisième la place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et les deux derniers la position sur la liste des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.
3.  Le règlement A s'applique à toutes les affaires déférées à la Cour avant l'entrée en vigueur du Protocole n° 9 (1er octobre 1994) et, depuis celle-ci, aux seules affaires concernant les Etats non liés par ledit Protocole. Il correspond au règlement entré en vigueur le 1er janvier 1983 et amendé à plusieurs reprises depuis lors.
4.  Note du greffier : pour des raisons d'ordre pratique il n'y figurera que dans l'édition imprimée (Recueil des arrêts et décisions 1998), mais chacun peut se le procurer auprès du greffe.
1. Note du greffier : par dérogation à la pratique habituelle (article 27 § 5 du règlement A), le texte français n’a été disponible qu’à partir du 18 juin 1998 ; il fait cependant foi lui aussi.
6.  Note du 29 novembre 1955, Atomic Weapons Trials and Training, Joint Organisation (annexe B au mémoire des requérants et annexe 11 au mémoire du Gouvernement). Rapport de la Commission, § 19.
7.  Note du 20 mai 1953, Atomic Weapon Trials (annexe A au mémoire des requérants et annexe 11 au mémoire du Gouvernement). Rapport de la Commission, § 17.
8.  Annexe 8 au mémoire du Gouvernement. Voir le paragraphe 1.1 de cette note.
9.  Annexes 9 et 10 au mémoire du Gouvernement.
10.  Note Personnel Safety Plan du 5 avril 1958, § 3, j (annexe 9 au mémoire du Gouvernement). Rapport de la Commission, §§ 15, 37 et 49. Arrêt, p. 1339, § 10.
11.  Note de mars 1958 précitée, § 10. C'était déjà beaucoup moins que ce qui avait été prévu en novembre 1957 pour les essais de Maralinga, lorsqu'on avait décidé que tout le personnel affecté à ceux-ci serait soumis à des examens médicaux avant de quitter le Royaume-Uni et après son retour : voir à ce sujet le document du 19 novembre 1957, UK Personnel for Duty at Maralinga (annexe 11 au mémoire du Gouvernement et annexe C au mémoire des requérants).
12.  Rapport de la Commission, §§ 37 et 39. Arrêt, pp. 1341–1342, §§ 16 et 18.
13.  Rapport de la Commission, §§ 49 et 50. Arrêt, pp. 1345–1346, §§ 35 et 37.
14.  Rapport de la Commission, § 37. Arrêt, p. 1341, § 16.
15.  Rapport de la Commission, § 49. Arrêt, p. 1345, § 35.
16.  Annexes 5, 6 et 7 au mémoire du Gouvernement.
17.  Dans celui relatif à M. McGinley, il n'y a rien pour la période du 30 décembre 1957 au 15 septembre 1958 et, dans celui relatif à M. Egan, il n'y a rien pour la période du 8 mars 1958 au 30 novembre 1958.
18.  C'est ce que semble indiquer le procès-verbal d'une réunion qui eut lieu le 15 juillet 1958 (donc près de trois mois après l'explosion du 28 avril 1958) pour discuter des précautions de sécurité radiologique à l'île Christmas (voir l'annexe I au mémoire des requérants et l'annexe 11 au mémoire du Gouvernement). Lors de cette réunion, deux officiers supérieurs de la force aérienne, non contredits par leurs collègues, l'un de la marine, l'autre de l'armée, qui étaient présents à la même réunion et plutôt soutenus par l'officier général (lui aussi de la force aérienne) qui la présidait, s'opposèrent à ce que le personnel affecté aux essais fût soumis à des tests sanguins ; l'un d'eux fit même observer que, dans le cas où un militaire reconnu en bonne santé avant d'y être envoyé aurait été atteint de leucémie par la suite, il serait difficile de réfuter l'allégation que cela serait dû à la radioactivité à laquelle ce militaire aurait été exposé (§§ 2 et 5 du procès-verbal). Il fut décidé que seul le personnel prévu pour la « zone avant » serait soumis à ces examens et que le ministère de l'air aurait à décider s'il en serait de même pour ceux qui seraient encore envoyés dans l'île par après (second alinéa du § 6 du procès-verbal).
19.  Une tendance à nier ou à minimiser les effets des explosions se manifeste notamment dans un télex du 31 juillet 1956, où l'on demande de remplacer, dans un certain document, « fait apparaître » par « ne fait pas apparaître » (annexe K au mémoire des requérants et annexe 11 au mémoire du Gouvernement), et dans une lettre du 22 décembre 1955, où l'on recommande de ne communiquer au gouvernement australien certains échantillons qu'après quelques jours, « le temps que certains des principaux isotopes aient été en grande partie éliminés » (annexe F au mémoire des requérants et annexe 11 au mémoire du Gouvernement,paragraphe 19 du rapport de la Commission).
20.  Voir, mutatis mutandis, l'arrêt Airey c. Irlande du 9 octobre 1979, série A n° 32, pp. 12–14, § 24.
21.  Voir, mutatis mutandis, l'arrêt Gaskin c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, série A n° 160, p. 20, § 49, et l'arrêt Guerra et autres c. Italie du 19 février 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-I, p. 225, § 60.
22.  Pp. 1360–1361, §§ 89, 90 ; p. 1364, §§ 102 et 103 de l'arrêt.
23.  Voir pp. 1363–1364, §§ 98 à 101 de l'arrêt.
ARRÊT McGINLEY ET EGAN DU 9 JUIN 1998
ARRÊT McGINLEY ET EGAN – OPINION DISSIDENTE COMMUNE
À MM. LES JUGES DE MEYER, VALTICOS ET MORENILLA
ARRÊT McGINLEY ET EGAN
ARRÊT McGINLEY ET EGAN – OPINION DISSIDENTE
DE M. LE JUGE PEKKANEN


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 21825/93;23414/94
Date de la décision : 09/06/1998
Type d'affaire : Arrêt (au principal)
Type de recours : Exception préliminaire retenue (non-épuisement des voies de recours internes) ; Non-violation de l'art. 6-1 ; Non-violation de l'art. 8 ; Non-lieu à examiner l'art. 13

Parties
Demandeurs : McGINLEY ET EGAN
Défendeurs : ROYAUME-UNI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1998-06-09;21825.93 ?

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