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23/09/1998 | CEDH | N°27812/95

CEDH | AFFAIRE MALIGE c. FRANCE


AFFAIRE MALIGE c. FRANCE
(68/1997/852/1059)
ARRÊT
STRASBOURG
23 septembre 1998
Cet arrêt peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts et décisions 1998 édité par Carl Heymanns Verlag KG (Luxemburger Straße 449, D-50939 Cologne) qui se charge aussi de le diffuser, en collaboration, pour certains pays, avec les agents de vente dont la liste figure au verso.
Liste des agents de vente
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  B-1000 Bruxelles)
Lux

embourg : Librairie Promoculture (14, rue Duchscher
  (place de Paris), B.P. 11...

AFFAIRE MALIGE c. FRANCE
(68/1997/852/1059)
ARRÊT
STRASBOURG
23 septembre 1998
Cet arrêt peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts et décisions 1998 édité par Carl Heymanns Verlag KG (Luxemburger Straße 449, D-50939 Cologne) qui se charge aussi de le diffuser, en collaboration, pour certains pays, avec les agents de vente dont la liste figure au verso.
Liste des agents de vente
Belgique : Etablissements Emile Bruylant (rue de la Régence 67,
  B-1000 Bruxelles)
Luxembourg : Librairie Promoculture (14, rue Duchscher
  (place de Paris), B.P. 1142, L-1011 Luxembourg-Gare)
Pays-Bas : B.V. Juridische Boekhandel & Antiquariaat
  A. Jongbloed & Zoon (Noordeinde 39, NL-2514 GC La Haye)
SOMMAIRE1
Arrêt rendu par une chambre
France – retrait du tiers des points du permis de conduire résultant d’une infraction de dépassement de 40 km/h ou plus de la vitesse maximale autorisée (article R. 256 du code de la route, pris en application de l’article L. 11-1 dudit code)
ARTICLE 6 § 1 de la convention
A. Applicabilité
Cour doit rechercher si la sanction du retrait de points du permis de conduire constitue une peine et, partant, relève de la « matière pénale » au sens de l’article 6 § 1.
Trois critères déterminent l’existence d’une « accusation en matière pénale » : la qualification  juridique de  l’infraction litigieuse en droit  national, la nature même de celle-ci, et la nature et le degré de sévérité de la sanction.
En l’espèce, infraction à l’origine du retrait de points, à savoir l’excès de vitesse, présentait un caractère pénal – s’agissant de la qualification en droit interne du retrait de points, mesure en question prise isolément s’analyse en une sanction administrative ne ressortissant pas à la matière pénale – en ce qui concerne la nature de la sanction, retrait de points intervient dans le cadre et à l’issue d’une accusation en matière pénale et résulte de plein droit de la condamnation prononcée par le juge pénal – quant au degré de gravité, retrait de points peut entraîner à terme la perte de la validité du permis de conduire – or droit de conduire un véhicule à moteur de grande utilité pour la vie courante et l’exercice d’une activité professionnelle – mesure de retrait revêt donc un caractère punitif et dissuasif et s’apparente à une peine accessoire.
Conclusion : applicabilité (unanimité).
B. Observation
1. Exception préliminaire (non-épuisement des voies de recours internes)
Question de savoir si le requérant disposait d’un recours pour contester la légalité du retrait de points se confond en substance avec celle du grief soulevé par ce dernier devant la Cour.
2. Bien-fondé du grief
En l’espèce, requérant ne s’est pas acquitté du paiement de l’amende forfaitaire et perte partielle de points était donc subordonnée à l’établissement de sa culpabilité par la juridiction pénale – devant le tribunal de police et la cour d’appel de Versailles, juridictions pénales satisfaisant aux exigences de l’article 6 § 1, l’intéressé a pu contester la réalité de 
l’infraction pénale consistant en l’excès de vitesse – infraction entraînait le retrait de quatre points sur les douze que compte le permis de conduire et on ne saurait qualifier la mesure de disproportionnée : elle n’a pas pour conséquence l’annulation du permis de conduire et le requérant peut reconstituer son capital de points.
Contrôle suffisant au regard de l’article 6 § 1 se trouve incorporé dans la condamnation prononcée à l’encontre de l’intéressé – ce dernier pourra par ailleurs introduire un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative afin de faire contrôler que l’autorité administrative a agi à l’issue d’une procédure régulière.
Conclusion : non-violation (unanimité).
RÉFÉRENCES À LA JURISPRUDENCE DE LA COUR
8.6.1976, Engel et autres c. Pays-Bas ; 21.2.1984, Öztürk c. Allemagne ; 9.2.1995, Welch c. Royaume-Uni ; 23.10.1995, Schmautzer c. Autriche ; 22.2.1996, Putz c. Autriche ; 21.10.1997, Pierre-Bloch c. France
En l’affaire Malige c. France2,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention ») et aux clauses pertinentes de son règlement A3, en une chambre composée des juges dont le nom suit :
MM. R. Bernhardt, président,    L.-E. Pettiti,    R. Macdonald,    R. Pekkanen,    A.N. Loizou,    K. Jungwiert,    P. Kūris,    E. Levits,    M. Voicu,
ainsi que de MM. H. Petzold, greffier, et P.J. Mahoney, greffier adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 25 mai et 26 août 1998,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCéDURE
1.  L’affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 9 juillet 1997, dans le délai de trois mois qu’ouvrent les articles 32 § 1 et 47 de la Convention. A son origine se trouve une requête (n° 27812/95) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet Etat, M. Jérôme Malige, avait saisi la Commission le 28 novembre 1994 en vertu de l’article 25.
La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 ainsi qu’à la déclaration française reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46). Elle a pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat défendeur aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention.
2.  En réponse à l’invitation prévue à l’article 33 § 3 d) du règlement A, le requérant a exprimé le désir de participer à l’instance et a désigné son conseil (article 30).
3.  La chambre à constituer comprenait de plein droit M. L.-E. Pettiti, juge élu de nationalité française (article 43 de la Convention), et M. R. Ryssdal, président de la Cour (article 21 § 4 b) du règlement A). Le 27 août 1997, en présence du greffier, le président de la Cour a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir MM. R. Macdonald, R. Pekkanen, A.N. Loizou, K. Jungwiert, P. Kūris, E. Levits et M. Voicu (articles 43 in fine de la Convention et 21 § 5 du règlement A). Par la suite, M. R. Bernhardt, vice-président de la Cour, a remplacé, en qualité de président de la chambre, M. Ryssdal, décédé le 18 février 1998 (article 21 § 6, second alinéa, du règlement A).
4.  En sa qualité de président de la chambre (article 21 § 6 du règlement A), M. Ryssdal avait consulté, par l'intermédiaire du greffier, l'agent du gouvernement français (« le Gouvernement »), le conseil du requérant et le délégué de la Commission au sujet de l’organisation de la procédure (articles 37 § 1 et 38). Conformément à l’ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu les mémoires du requérant et du Gouvernement les 25 et 27 février 1998 respectivement. Le 27 mars 1998, le délégué de la Commission a informé le greffier qu’il présenterait ses observations oralement lors de l’audience.
5. Ainsi qu’en avait décidé le président, les débats se sont déroulés en public le 19 mai 1998, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.
Ont comparu :
– pour le Gouvernement  MM. J.-F. Dobelle, directeur adjoint des affaires juridiques     au ministère des Affaires étrangères, agent,    J. Lapouzade, conseiller de tribunal administratif     détaché à la direction des affaires juridiques     du ministère des Affaires étrangères,    T. Canteri, direction des affaires juridiques     du ministère des Affaires étrangères,    A. Buchet, magistrat, chef du bureau des droits     de l’homme, service des affaires européennes     et internationales du ministère de la Justice,    B. Dalles, magistrat, bureau de la justice pénale     et des libertés individuelles, direction des affaires     criminelles et des grâces du ministère de la Justice, 
Mme F. Doublet, chef du bureau du droit international     et comparé à la direction des libertés publiques     et des affaires juridiques du ministère     de l’Intérieur, conseils ;
– pour la Commission  M. F. Martínez, délégué ;
– pour le requérant  Me Y. Rio, avocat au barreau de Paris, conseil. 
La Cour a entendu en leurs déclarations M. Martínez, Me Rio et M. Dobelle.
EN FAIT
I.      les circonstances de l’espèce
6.  Ressortissant français né en 1974, M. Jérôme Malige réside à Morangis (Essonne).
A. La genèse de l’affaire
7.  Le 28 juin 1993, à 16 h 25, il circulait en moto sur une route nationale à hauteur de la commune de Millemont ; il fut contrôlé par les gendarmes, roulant à la vitesse de 172 km/h, alors que la vitesse maximale autorisée était, à cet endroit, de 110 km/h.
8.  Une telle infraction aux règles de la circulation est prévue et réprimée par les articles R. 10, alinéa 2-2°, du code de la route, qui fixe la vitesse maximale autorisée à 110 km/h sur les routes à deux chaussées séparées par un terre-plein central, R. 232, alinéa 1-2°, du même code, qui dispose que sera puni des peines d’amende prévues pour les contraventions de 4e classe le dépassement de la vitesse maximale autorisée de plus de 30 km/h, et R. 266-4° qui prévoit la possibilité de suspension du permis de conduire pour un dépassement de la vitesse maximale autorisée de plus de 30 km/h (paragraphe 21 ci-dessous).
B.  La procédure devant le tribunal de police de Versailles
9.  Ayant refusé de s’acquitter de l’amende, le 15 octobre 1993, M. Malige fut cité devant le tribunal de police de Versailles, à la suite d’une demande de comparution volontaire en date du 22 septembre 1993.
10.  Devant le tribunal de police, l’intéressé contesta, d’une part, la légalité de la possibilité matérielle de constater l’infraction par les services de police ou de gendarmerie, compte tenu notamment de l’imprécision de la mesure de la vitesse résultant de l’emploi du cinémomètre utilisé pour la constatation de l’infraction ; il souleva, d’autre part, une exception d’illégalité des décrets n° 92-1228 du 23 novembre 1992, n° 92-559 du 25 juin 1992 instituant le permis à points, outre l’inapplicabilité de la loi n° 89-469 du 10 juillet 1989 instaurant le permis de conduire à points (paragraphe 18 ci-dessous).
11.  Par un jugement du tribunal de police du 26 novembre 1993, M. Malige fut reconnu coupable de la contravention d’excès de vitesse d’au moins 30 km/h sur la vitesse maximale autorisée.  Pour ce fait, le tribunal de police le condamna à 1 500 francs d’amende et à quinze jours de suspension du permis de conduire, par application des articles R. 10, alinéa 2-2°, R. 232, alinéa 1-2°, et R. 266 du code de la route (paragraphe 21 ci-dessous).
S’agissant des décrets relatifs à l’institution du permis de conduire à points, le tribunal déclara que le juge pénal n’était compétent pour apprécier la légalité des actes administratifs réglementaires que lorsqu’ils servaient de fondement à la poursuite ou étaient assortis d’une sanction pénale. En outre, il résultait de l’article L. 11-4 du code de la route, excluant l’application des articles 55-1 du code pénal et 799 du code de procédure pénale à la perte de points affectant le permis de conduire, que la mesure de perte de points affectant le permis de conduire ne présentait pas le caractère d’une sanction pénale accessoire à une condamnation de sorte que son fondement légal échappait à l’appréciation du juge répressif.
C. La procédure devant la cour d’appel de Versailles
12.  M. Malige interjeta appel devant la cour d’appel de Versailles en excipant du défaut de conformité de la loi du 10 juillet 1989 avec l’article 6 § 1 de la Convention, dans la mesure où cette loi en ses articles 11 à 14 écartait toute possibilité de recours à un juge alors qu’il y avait  enregistrement au  fichier national des permis de conduire d’une mesure restrictive de droits et privative de la liberté d’aller et de venir. Il allégua également l’illégalité des décrets relatifs au dispositif du permis de conduire à points cités ci-dessus et du décret n° 92-1227 du 23 novembre 1992 relatif aux peines sanctionnant le dépassement des vitesses maximales autorisées et demanda à être relaxé des fins de la prévention. 
13.  Par un arrêt du 24 juin 1994, la cour d’appel de Versailles confirma le jugement entrepris. Elle déclara tout d’abord que la perte de points affectant le permis de conduire ne portait pas atteinte à la liberté d’aller et venir comme le ferait l’emprisonnement ou l’interdiction de séjour ou l’interdiction du territoire français. La cour estima par ailleurs :
« (...) la perte de points n’est pas une sanction pénale pour n’en pas présenter les caractères, n’est pas une sanction pénale accessoire à une condamnation pénale ;
Qu’ayant une nature de sanction par l’un de ses caractères (le caractère punitif) la perte de points en l’état du droit positif doit être considérée comme une sanction administrative ;
Qu’il n’est pas douteux que des litiges peuvent naître du quantum de perte de points, de leur récupération avant ou après une nouvelle perte par exemple ;
Que la sanction administrative doit pouvoir être soumise à l’appréciation d’un tribunal impartial et indépendant statuant publiquement ;
Que cependant ce tribunal ne peut être, en l’état du droit, le juge répressif ; que la conformité de la loi 89/469 à une norme supérieure échappe à l’appréciation du juge répressif. »
La cour rejeta également les exceptions d’illégalité des décrets n° 92-1227 et n° 92-1228 du 23 novembre 1992.
D. La procédure devant la Cour de cassation
14.  Le requérant forma un pourvoi en cassation en alléguant notamment la non-conformité avec l’article 6 § 1 de la Convention de la loi du 10 juillet 1989 et des décrets des 25 juin et 23 novembre 1992 organisant la mesure administrative du retrait de points. Il souleva aussi l’illégalité du décret du 23 novembre 1992 réprimant le dépassement des vitesses maximales autorisées et la fiabilité du cinémomètre.
15.  Par un arrêt du 11 janvier 1995, la Cour de cassation (chambre criminelle) rejeta le pourvoi. Elle considéra :
« Attendu que c’est à bon droit que la cour d’appel a rejeté les exceptions régulièrement soulevées devant elle et prises de l’incompatibilité de la loi du 10 juillet 1989 instituant le permis de conduire à points avec l’article 6 § 1 de la Convention européenne ainsi que de l’illégalité des décrets des 25 juin et 23 novembre 1992 organisant la mesure administrative du retrait des points ;
Qu’en effet, il résulte de l’article L. 11-4 du code de la route excluant l’application des articles 55-1 du code pénal et 799 du code de procédure pénale, alors applicables, à la perte de points affectant le permis de conduire, que cette mesure ne présente pas le caractère d’une sanction pénale, accessoire à une condamnation, et qu’en conséquence, ni son incompatibilité alléguée avec la disposition conventionnelle invoquée ni son fondement légal ne relèvent de l’appréciation du juge répressif ;
Qu’au surplus, de l’examen des textes organisant le retrait de points ne dépend pas, au sens de l’article 111-5 du code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994, la solution d’une poursuite exercée, comme en l’espèce, pour contravention d’excès de vitesse ; (...) »
16.  A ce jour, M. Malige ne s’est pas vu notifier de retrait de points.
II.      LE DROIT INTERNE PERTINENT
A. Le régime du permis de conduire à points
17.  Le permis de conduire à points a été institué par la loi n° 89-469 du 10 juillet 1989, qui est entrée en vigueur le 1er juillet 1992. Ce dispositif a été complété par la loi n° 90-1131 du 19 décembre 1990, qui a prévu la création d’un traitement automatisé afin de gérer le régime du permis à points. La gestion des données est confiée au ministère de l’Intérieur. Les décrets d’application sont intervenus les 25 juin et 23 novembre 1992. Ces décrets, qui avaient fait l’objet de recours pour excès de pouvoir, ont été jugés légaux par le Conseil d’Etat.
18.  Aux termes de l’ensemble de ces dispositions, le permis de conduire est affecté de douze points. Ce nombre de points est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis l’une des infractions visées à l’article L. 11-1 du code de la route et dont la réalité est établie par le paiement d’une amende forfaitaire ou par une condamnation devenue définitive.
19.  Les faits constitutifs de l’infraction sont appréciés souverainement par le juge pénal qui les constate et les qualifie et, en conséquence, prononce la sanction pénale qu’il juge adaptée. Sur la base des faits constatés par le juge pénal, l’autorité administrative, en l’occurrence le ministre de l’Intérieur, prend la décision de retirer des points du permis de conduire du contrevenant, décision qui se formalise par la lettre notifiée au contrevenant en vertu des dispositions de l’article R. 258 du code de la route.
20.  Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation (arrêts des 6 juillet 1993, 4 et 12 mai 1994) et du Conseil d’Etat (arrêt du 8 décembre 1995, Mouvement de défense des automobilistes), le retrait de points ne présente pas le caractère d’une sanction pénale accessoire à une condamnation, mais celui d’une mesure purement administrative.
B.  Le code de la route
21.  Les dispositions pertinentes sont ainsi rédigées :
Article R. 232
« Sera puni des peines d’emprisonnement et d’amende prévues pour les contraventions de la 4ème classe tout conducteur qui aura contrevenu aux dispositions du livre 1er concernant :
2° la vitesse des véhicules à moteur avec ou sans remorque ou semi-remorque :
- soit lorsque la vitesse constatée est supérieure de 30 km/h ou plus à la vitesse maximale. »
Article R. 232-1
« Sera puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 4ème classe tout conducteur d’un véhicule à moteur avec ou sans remorque ou semi-remorque, lorsque la vitesse constatée de son véhicule dépasse de plus de 30 km/h la vitesse maximale autorisée. »
Article R. 266
« Peuvent donner lieu à la suspension du permis de conduire les contraventions aux articles ci-dessous énumérés du présent code lorsqu’elles présentent les caractères indiqués dans l’analyse sommaire qui accompagne la désignation de chaque article :
4° Articles R. 10 à R. 10-4 : dépassement de 30 km/h ou plus de la vitesse maximale autorisée (...) »
Article L. 11
« Le permis de conduire exigible pour la conduite des véhicules automobiles terrestres à moteur est affecté d’un nombre de points. Le nombre des points est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis l’une des infractions visées à l’article L. 11-1. Lorsque le nombre de points devient nul, le permis perd sa validité. »
Article L. 11-1
« Le nombre de points affecté au permis de conduire est réduit de plein droit lorsque est établie la réalité de l’une des infractions suivantes :
a) infractions prévues par les art. L. 1 à L. 4, L. 7, L.9 et L. 19 du code de la route ;
b) infraction d’homicide ou blessures involontaires commises à l’occasion de la  conduite d’un véhicule ;
c) contraventions en matière de circulation routière, susceptibles de mettre en danger la sécurité des personnes, et limitativement énumérées.
La réalité de ces infractions est établie par le paiement d’une amende forfaitaire ou par une condamnation devenue définitive.
Le contrevenant est dûment informé que le paiement de l’amende entraîne reconnaissance de la réalité de l’infraction et par là même réduction de son nombre de points. »
Article L. 11-2
« Lorsque l’un des délits prévus à l’article L. 11-1 est établi, la perte de points est égale à la moitié du nombre de points initial.
Pour les contraventions, la perte de points est, au plus, égale au tiers de ce nombre.
Article L. 11-4
« L’auteur de l’une des infractions mentionnées à l’article L. 11-1 ne peut être relevé, en application de l’article 55-1 du code pénal (...) de la perte de points de son permis de conduire. En outre, les dispositions de l’article 799 du code de procédure pénale (...) ne sont pas applicables à la perte de points affectant le permis de conduire. »
Article R. 256
« Les infractions aux articles énumérés ci-après, lorsqu’elles présentent les caractères indiqués dans l’analyse sommaire qui accompagne la désignation de chaque article, donnent lieu à réduction de plein droit du nombre de points du permis de conduire dans les conditions suivantes :
1° Réduction de 4 points pour les contraventions prévues aux articles ci-après :
Articles R. 10 à R. 10-4 du code de la route : dépassement de 40 km/h ou plus de la vitesse maximale autorisée (...)
2° Réduction de 3 points pour les contraventions prévues aux articles ci-après :
Articles R. 10 à R. 10-4 du code de la route : dépassement de la vitesse maximale autorisée compris entre 30 km/h et moins de 40 km/h (...)
3° Réduction de 2 points pour les contraventions prévues aux articles ci-après :
Articles R. 10 à R. 10-4 du code de la route : dépassement de la vitesse maximale autorisée compris entre 20 km/h et moins de 30 km/h à l’exception des conducteurs visés au dernier alinéa de l’article R. 10 du code la route (...)
4° Réduction de 1 point pour les contraventions prévues aux articles ci-après :
Articles R. 10 à R. 10-4 du code de la route : dépassement de moins de 20 km/h de la vitesse maximale autorisée à l’exception des conducteurs visés au dernier alinéa de l’article R. 10 du code de la route (...) »
Article R. 258
« Lors de la constatation d’une infraction, l’auteur de celle-ci est informé que cette infraction est susceptible d’entraîner la perte d’un certain nombre de points si elle est constatée par le paiement d’une amende forfaitaire ou par une condamnation devenue définitive.
Il est informé également de l’existence d’un traitement automatisé des pertes et reconstitutions de points et de la possibilité pour lui d’accéder aux informations le concernant (...). Lorsque le ministre de l’Intérieur constate que la réalité d’une infraction entraînant une perte de points est établie (...), il réduit en conséquence le nombre de points affecté au permis de conduire de l’auteur de cette infraction et en informe ce dernier par lettre simple.  Le ministre de l’Intérieur constate et notifie à l’intéressé, dans les mêmes conditions, les reconstitutions de points auxquelles il a droit (...) »
Article L. 11-6
« Si le titulaire d’un permis de conduire n’a pas commis, dans le délai de trois ans à compter de la date à laquelle la dernière condamnation est devenue définitive (...), une nouvelle infraction sanctionnée d’un retrait de points, son permis est à nouveau affecté du nombre de points initial (...). Le titulaire du permis de conduire peut obtenir la reconstitution partielle de son nombre de points initial s’il se soumet à une formation spécifique devant comprendre obligatoirement un programme de sensibilisation aux causes et aux conséquences des accidents de la route. »
Article R. 262-2
« La délivrance de l’attestation de suivi de stage donne droit à la reconstitution de quatre points. Toutefois, après cette reconstitution, le nombre de points du permis de conduire de l’intéressé ne peut excéder onze points. »
C. Le code pénal
22.  Sous l’empire de l’actuel code pénal, en vigueur depuis le 1er mars 1994, la suspension et l’annulation du permis de conduire sont des peines : en matière contraventionnelle (articles 131-14, alinéa 1°, et 131-16, alinéa 1°) ; en matière correctionnelle (article 1313-6, alinéas 1° et 3°) ; en matière criminelle (article 224-4) pour un certain nombre de crimes (tortures, violences graves, viols, trafic de stupéfiants, etc.).
PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION
23.  M. Malige a saisi la Commission le 28 novembre 1994. Invoquant l’article 7 de la Convention, il soutenait que le régime répressif de l’excès de vitesse méconnaissait le principe de légalité qui s’impose en matière pénale. Il affirmait également que le retrait systématique et automatique de points du permis de conduire sans possibilité de recours devant une autorité judiciaire ou administrative méconnaissait l’article 6 § 1 de la Convention.
24.  Le 15 janvier 1996, la Commission a déclaré la requête (n° 27812/95) irrecevable en ce qui concerne le premier grief. Le 25 novembre 1996, elle l’a retenue quant au second. Dans son rapport du 29 mai 1997 (article 31), elle conclut, par dix-huit voix contre dix, qu’il n’y a pas eu violation du droit d’accès du requérant à un tribunal au sens de l’article 6 § 1. Le texte intégral de son avis et des opinions concordante et dissidente dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt4.
conclusions préSENTéES à LA COUR
25.  Dans son mémoire, le requérant demande à la Cour
« qu’elle confirme sa jurisprudence rappelée avec pertinence par l’opinion dissidente de [M. Soyer], et conclue à la violation, sauf à priver de toute efficacité les garanties posées par la Convention puisqu’il serait loisible à tout Etat membre de contourner l’esprit et la lettre de la norme supra-nationale en instituant une apparence de débat devant un juge privé de tout libre arbitre. »
26.  Quant au Gouvernement, il conclut
« à la non-violation des dispositions de l’article 6 § 1 de la Convention :
- à titre principal, parce que la requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention,
- à titre subsidiaire, parce que la requête est irrecevable faute pour le requérant d’avoir épuisé les voies de recours internes ;
- à titre très subsidiaire, parce que la requête est mal fondée. »
en droit
sur la violation alléguée de l’ARTICLE 6 § 1 de la convention
27.  M. Malige soutient que le retrait systématique et automatique de points du permis de conduire sans possibilité de recours devant un organe judiciaire effectif l’a privé du droit à un « tribunal » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) »
28.  La Cour relève qu’en l’espèce, la cour d’appel de Versailles, confirmant le jugement du tribunal de police, a reconnu le requérant coupable de la contravention d’excès de vitesse et l’a condamné à 1 500 francs français d’amende et à quinze jours de suspension du permis de conduire (articles R. 232, alinéas 1°-2°, et R. 266 du code de la route – paragraphe 21 ci-dessus).
Par ailleurs, l’infraction de dépassement de la vitesse maximale autorisée de 40 km/h ou plus entraîne le retrait automatique de quatre points sur les douze que compte le permis de conduire (article R. 256 du code de la route, pris en application de l’article L. 11-1 dudit code – paragraphe 21 ci-dessus).
29.  Compte tenu du caractère automatique du retrait de points de son permis de conduire comme conséquence de sa condamnation par la cour d’appel de Versailles, l’intéressé peut se prétendre, dans la procédure en question, victime d’une violation de la Convention.
30.  A l’instar de la Commission, la Cour estime qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur le système français du permis à points en tant que tel, mais de rechercher si, dans les circonstances de l’espèce, le droit de M. Malige d’avoir accès à un tribunal, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, a été respecté.
A. Applicabilité de l’article 6 § 1
31.  Dans un premier temps, la Cour doit rechercher si la sanction du retrait de points du permis de conduire constitue une peine et, partant, relève de la « matière pénale » au sens de l’article 6 § 1.
32.  D’après le requérant, il ne fait aucun doute que les infractions en vertu desquelles le retrait de points et l’annulation consécutive du permis de conduire sont encourus relèvent du domaine pénal. Dans les procédures internes, le ministre de l’Intérieur, qui gère le fichier du permis de conduire à points, qualifierait systématiquement le retrait de points de peine accessoire. De plus, la sanction en question constituerait une mesure à caractère répressif, susceptible d’affecter la liberté d’aller et venir dans la mesure où elle peut entraîner à terme l’annulation du permis de conduire. On ne saurait la qualifier de sanction administrative, car elle n’est pas prononcée par une autorité administrative, mais découle automatiquement de l’énoncé de la loi.
33.  Le Gouvernement excipe de l’inapplicabilité de l’article 6 § 1. La sanction litigieuse serait considérée par les juridictions non comme une mesure pénale, mais comme une mesure de police administrative. De même, la loi du 10 juillet 1989 exclurait que le juge judiciaire puisse faire bénéficier le coupable d’une infraction, générant in fine un retrait de points, d’un relèvement judiciaire ou des effets de la réhabilitation judiciaire, prévus respectivement aux articles 55-1 du code pénal et 799 du code de procédure pénale. Il ne serait donc pas douteux qu’au regard du droit interne, le retrait de points ne relève pas de la matière pénale. Par ailleurs, le but de la mesure serait purement préventif et elle ne ferait pas perdre la liberté fondamentale d’aller et de venir comme le ferait une peine d’emprisonnement par exemple.
34.  La Cour rappelle que la notion de « peine » contenue à l’article 7 de la Convention comme celle « d’accusation en matière pénale » figurant à l’article 6 § 1 de la Convention possèdent une portée autonome. Dans son analyse, elle n’est pas liée par les qualifications données par le droit interne, celles-ci n’ayant qu’une valeur relative (arrêts Engel et autres c. Pays-Bas du 8 juin 1976, série A n° 22, p. 34, § 81, Öztürk c. Allemagne du 21 février 1984, série A n° 73, pp. 17–18, §§ 49–50, Welch c. Royaume-Uni du 9 février 1995, série A n° 307-A, p. 13, § 27, Schmautzer c. Autriche du 23 octobre 1995, série A n° 328-A, p. 13, § 27, et Putz c. Autriche du 22 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-I, p. 324, §§ 31 et suiv.).
35.  Afin de déterminer l’existence d’une « accusation en matière pénale », la Cour a égard à trois critères : la qualification juridique de l’infraction litigieuse en droit national, la nature même de celle-ci, et la nature et le degré de sévérité de la sanction (voir notamment l’arrêt Pierre-Bloch c. France du 21 octobre 1997, Recueil 1997-VI, p. 2224, § 53).
Quant à l’existence d’une « peine », la Cour a déclaré dans l’arrêt Welch : « Le libellé de l’article 7 § 1, seconde phrase, indique que le point de départ de toute appréciation de l’existence d’une peine consiste à déterminer si la mesure en question est imposée à la suite d’une condamnation pour une « infraction ». D’autres éléments peuvent être jugés pertinents à cet égard : la nature et le but de la mesure en cause, sa qualification en droit interne, les procédures associées à son adoption et à son exécution, ainsi que sa gravité. » (arrêt précité, p. 13, § 28)
36.  En l’espèce, il n’est pas contesté que l’infraction à l’origine du retrait de points, à savoir l’excès de vitesse, présentait un caractère pénal.
37.  S’agissant de la qualification en droit interne du retrait de points, la Cour relève, avec la Commission, que l’examen des textes légaux pertinents et de la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat (paragraphe 20 ci-dessus) fait apparaître clairement que la mesure en question prise isolément s’analyse en une sanction administrative ne ressortissant pas à la matière pénale. Le fait qu’au dire du requérant, le ministre de l’Intérieur, qui gère le fichier du permis de conduire à points, qualifie systématiquement le retrait de points de peine accessoire, ne saurait à lui seul anéantir ce constat.
38.  En ce qui concerne la nature de la sanction, la Cour note que le retrait de points intervient dans le cadre et à l’issue d’une accusation en matière pénale. En effet, dans un premier temps, le juge pénal apprécie les faits constitutifs de l’infraction pouvant donner lieu à un retrait de points,   les qualifie et prononce la sanction pénale principale ou complémentaire qu’il juge adaptée. Puis, sur la base de la condamnation prononcée par le juge pénal, le ministre de l’Intérieur retire le nombre de points correspondant au type d’infraction en fonction du barème fixé par le législateur, en l’espèce l’article R. 256 du code de la route (paragraphe 21 ci-dessus).
La sanction de retrait de points résulte donc de plein droit de la condamnation prononcée par le juge pénal.
39.  Quant au degré de gravité, la Cour relève que le retrait de points peut entraîner à terme la perte de la validité du permis de conduire. Or il est incontestable que le droit de conduire un véhicule à moteur se révèle de grande utilité pour la vie courante et l’exercice d’une activité professionnelle. La Cour, avec la Commission, en déduit que si la mesure de retrait présente un caractère préventif, elle revêt également un caractère punitif et dissuasif et s’apparente donc à une peine accessoire. La volonté du législateur de dissocier la sanction de retrait de points des autres peines prononcées par le juge pénal ne saurait en changer la nature.
40.  La Cour, avec la Commission, conclut donc à l’applicabilité de l’article 6 § 1.
B.  Observation de l’article 6 § 1
1. Sur l’exception préliminaire du Gouvernement
41.  A titre subsidiaire, le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes, au motif que le requérant n’a pas saisi le tribunal administratif d’un recours pour excès de pouvoir contre la mesure du ministre de l’Intérieur.
42.  A l’instar de la Commission, la Cour estime que la question de savoir si l’intéressé disposait d’un recours pour contester la légalité du retrait de points se confond en substance avec celle du grief soulevé par ce dernier devant elle.
2. Sur le bien-fondé du grief
43.  D’après le requérant, une loi qui prévoit une sanction automatique déterminée par l’application d’un barème fixe et qui écarte toute possibilité de recours devant un juge ne saurait être conforme aux exigences de l’article 6 § 1. Par ailleurs, même en droit interne, toute personne faisant l’objet d’une sanction accessoire pourrait demander au juge judiciaire de la relever de cette déchéance ou de cette interdiction. Or, précisément, 
l’article L. 11-4 du code de la route exclurait cette possibilité et créerait un régime d’exception. De plus, le recours devant le juge administratif ne serait pas efficace, car ce dernier agirait dans le cadre d’une compétence liée ne lui accordant aucun pouvoir de décision. Son contrôle serait purement formel : il se bornerait à enregistrer le retrait de points résultant automatiquement de la constatation par l’autorité judiciaire de la réalité de l’infraction. Or le juge judiciaire serait le gardien des libertés individuelles et c’est à lui qu’il appartiendrait d’apprécier la conformité de la loi sur le permis de conduire avec la Convention.
44.  Le Gouvernement soutient, à titre très subsidiaire, que l’intéressé a eu accès à un tribunal au sens de l’article 6 § 1. L’autorité administrative informerait le contrevenant qu’il est susceptible de perdre des points en raison de l’infraction qu’il a commise et de l’existence d’un traitement automatisé des pertes et reconstitutions de points. Ainsi, celui-ci pourrait-il saisir le juge pénal pour réfuter la réalité des faits qui pourraient servir de fondement à un retrait de points. De même, lors de la notification de la mesure de retrait de points, postérieurement à l’intervention du juge pénal, il serait indiqué au contrevenant qu’il a la possibilité de saisir dans un délai de deux mois les juridictions administratives. En l’occurrence, c’est ce que M. Malige aurait pu faire, car le juge administratif saisi d’un recours pour excès de pouvoir doit s’assurer que l’autorité administrative n’a pas commis d’erreur sur l’existence des faits qui ont déclenché son intervention, à savoir la condamnation pénale entraînant le retrait de points, ni d’erreur en droit.
45.  La Cour rappelle que dès lors qu’une sanction relève du domaine pénal, elle doit pouvoir être contrôlée par un tribunal répondant aux exigences de l’article 6 § 1, même si la Convention ne s’oppose pas à ce que les poursuites et les sanctions relatives aux délits mineurs relèvent en premier lieu des autorités administratives (arrêt Öztürk précité, pp. 21–22, § 56).
46.  Elle relève que la sanction de retrait de points intervient dès lors qu’est établie la réalité d’une des infractions énumérées à l’article L. 11-1 du code de la route (paragraphe 21 ci-dessus) par le biais soit d’une condamnation devenue définitive, soit du paiement de l’amende forfaitaire par le contrevenant, ce qui implique reconnaissance de l’infraction et acceptation tacite du retrait de points.
47.  Lors de la constatation d’une infraction, le contrevenant est informé par l’autorité administrative qu’il est susceptible de perdre des points en raison de l’infraction qu’il a commise ainsi que de l’existence d’un traitement automatisé des pertes et reconstitutions de points (article R. 258 du code de la route – paragraphe 21 ci-dessus). Ainsi, il est mis en mesure de contester les éléments constitutifs de l’infraction pouvant servir de fondement à un retrait de points.
48.  La Cour observe que le requérant ne s’est pas acquitté du paiement de l’amende forfaitaire et que la perte partielle de points était donc subordonnée à l’établissement de sa culpabilité par la juridiction pénale. Or, comme l’a relevé la Commission, devant le tribunal de police et la cour d’appel de Versailles, juridictions pénales satisfaisant aux exigences de l’article 6 § 1, l’intéressé a pu contester la réalité de l’infraction pénale consistant dans l’excès de vitesse, et soumettre aux juges répressifs tous les moyens de fait et de droit qu’il a estimés utiles à sa cause, sachant que sa condamnation entraînerait en outre le retrait d’un certain nombre de points.
49.  Quant à la proportionnalité de la sanction, la Cour note, avec la Commission, que la loi elle-même a prévu dans une certaine mesure la modulation du retrait de points en fonction de la gravité de la contravention commise par le prévenu.
En l’espèce, celle-ci entraînait le retrait de quatre points sur les douze que compte le permis de conduire, et on ne saurait donc qualifier cette mesure de disproportionnée par rapport au comportement qu’elle entend sanctionner. D’une part, elle n’a pas pour conséquence immédiate l’annulation du permis de conduire. D’autre part, l’intéressé peut reconstituer son capital de points, soit en ne commettant pas pendant le délai de trois ans une nouvelle infraction sanctionnée d’un retrait de points, soit en suivant une formation spécifique (article L. 11-6 du code de la route – paragraphe 21 ci-dessus) ; il garde donc une certaine latitude de comportement.
50.  A l’instar de la Commission, la Cour estime donc qu’un contrôle suffisant au regard de l’article 6 § 1 de la Convention se trouve incorporé dans la décision pénale de condamnation prononcée à l’encontre de M. Malige, sans qu’il soit nécessaire de disposer d’un contrôle séparé supplémentaire de pleine juridiction portant sur le retrait de points. Par ailleurs, le requérant pourra introduire un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative afin de faire contrôler que l’autorité administrative a agi à l’issue d’une procédure régulière.
51.  La Cour en conclut, avec la Commission, que l’intéressé a bénéficié dans l’ordre interne d’un contrôle juridictionnel suffisant concernant la mesure litigieuse au regard de l’article 6 § 1.
52.  Partant, il n’y a pas eu violation de cette disposition.
par ces motifs, la cour, à l’unanimité,
Dit que l’article 6 § 1 de la Convention s’applique à la procédure litigieuse et qu’il n’a pas été violé.
 Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 23 septembre 1998.
Signé : Rudolf Bernhardt
                   Président
Signé : Herbert Petzold
Greffier
1.  Rédigé par le greffe, il ne lie pas la Cour.
Notes du greffier
2.  L'affaire porte le n° 68/1997/852/1059. Les deux premiers chiffres en indiquent le rang dans l'année d'introduction, les deux derniers la place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.
3.  Le règlement A s'applique à toutes les affaires déférées à la Cour avant l'entrée en vigueur du Protocole n° 9 (1er octobre 1994) et, depuis celle-ci, aux seules affaires concernant les Etats non liés par ledit Protocole. Il correspond au règlement entré en vigueur le 1er janvier 1983 et amendé à plusieurs reprises depuis lors.
4.  Note du greffier : pour des raisons d'ordre pratique il n'y figurera que dans l'édition imprimée (Recueil des arrêts et décisions 1998), mais chacun peut se le procurer auprès du greffe.
ARRÊT MALIGE DU 23 SEPTEMBRE 1998
ARRÊT MALIGE DU 23 SEPTEMBRE 1998


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 27812/95
Date de la décision : 23/09/1998
Type d'affaire : Arrêt (Au principal)
Type de recours : Non-violation de l'Art. 6-1

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE PENALE, (Art. 6-1) ACCES A UN TRIBUNAL


Parties
Demandeurs : MALIGE
Défendeurs : FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1998-09-23;27812.95 ?

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