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08/07/1999 | CEDH | N°24762/94

CEDH | AFFAIRE SÜREK c. TURQUIE (N° 4)


AFFAIRE SÜREK c. TURQUIE (n° 4)
(Requête n° 24762/94)
ARRÊT
STRASBOURG
8 juillet 1999
Cet arrêt peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le recueil officiel contenant un choix d'arrêts et de décisions de la Cour.
En l’affaire Sürek c. Turquie (n° 4),
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 27 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »), telle qu’amendée par le Protocole n° 11

1, et aux clauses pertinentes de son règlement2, en une Grande Chambre composée des juges dont l...

AFFAIRE SÜREK c. TURQUIE (n° 4)
(Requête n° 24762/94)
ARRÊT
STRASBOURG
8 juillet 1999
Cet arrêt peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le recueil officiel contenant un choix d'arrêts et de décisions de la Cour.
En l’affaire Sürek c. Turquie (n° 4),
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 27 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »), telle qu’amendée par le Protocole n° 111, et aux clauses pertinentes de son règlement2, en une Grande Chambre composée des juges dont le nom suit :
M. L. Wildhaber, président,   Mme E. Palm,   MM. A. Pastor Ridruejo,    G. Bonello,    J. Makarczyk,    P. Kūris,    J.-P. Costa,   Mmes F. Tulkens,    V. Strážnická,   MM. M. Fischbach,    V. Butkevych,    J. Casadevall,   Mme H.S. Greve,   MM. A. B. Baka,    R. Maruste,    K. Traja,    F. Gölcüklü, juge ad hoc,
ainsi que de M. P.J. Mahoney et Mme M. De Boer-Buquicchio, greffiers adjoints,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 3 mars et 16 juin 1999,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCéDURE
1.  L’affaire a été déférée à la Cour, telle qu’établie en vertu de l’ancien article 19 de la Convention3, par la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 27 avril 1998, dans le délai de trois mois qu’ouvraient les anciens articles 32 § 1 et 47 de la Convention. A son origine se trouve une requête (n° 24762/94) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Kamil Tekin Sürek, avait saisi la Commission le 27 juillet 1994 en vertu de l’ancien article 25.
La demande de la Commission renvoie aux anciens articles 44 et 48 de la Convention ainsi qu’à la déclaration turque reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (ancien article 46). Elle a pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat défendeur aux exigences des articles 6 § 1 et 10 de la Convention.
2.  En réponse à l’invitation prévue à l’article 33 § 3 d) de l’ancien règlement A2 de la Cour, le requérant a exprimé le souhait de participer à l’instance et désigné son conseil (article 30 du règlement A). Par la suite, M. R. Bernhardt, président de la Cour à l’époque, a autorisé celui-ci à employer la langue turque dans la procédure écrite (article 27 § 3 du règlement A). Ultérieurement, M. L. Wildhaber, président de la nouvelle Cour, a autorisé le conseil du requérant à employer la langue turque dans la procédure orale (article 36 § 5 du règlement).
3.  En sa qualité de président de la chambre qui avait été initialement constituée (ancien article 43 de la Convention et article 21 du règlement A) pour connaître en particulier des questions de procédure pouvant se poser avant l’entrée en vigueur du Protocole n° 11, M. Bernhardt a consulté, par l’intermédiaire du greffier, l’agent du gouvernement turc (« le Gouvernement »), le conseil du requérant et le délégué de la Commission au sujet de l’organisation de la procédure écrite. Conformément à l’ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu les mémoires du Gouvernement et du requérant les 23 septembre et 13 octobre 1998 respectivement. Le 29 septembre 1998, le Gouvernement a soumis au greffe des informations supplémentaires à l'appui de son mémoire et, le 14 octobre 1998, le requérant a fourni des précisions au sujet de sa demande de satisfaction équitable. Le 26 février 1999, le requérant a communiqué de nouvelles précisions à ce sujet. Le 1er mars 1999, le Gouvernement a transmis ses observations sur les prétentions du requérant.
4.  A la suite de l’entrée en vigueur du Protocole n° 11 le 1er novembre 1998, et conformément aux clauses de l’article 5 § 5 dudit Protocole, l’examen de l’affaire a été confié à la Grande Chambre de la Cour. Le 22 octobre 1998, M. Wildhaber avait décidé que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convenait de constituer une unique Grande Chambre pour connaître de la présente cause et de douze autres affaires contre la Turquie, à savoir : Karataş c. Turquie (requête n° 23168/94), Arslan c. Turquie (n° 23462/94), Polat c. Turquie (n° 23500/94), Ceylan c. Turquie (n° 23556/94), Okçuoğlu c. Turquie (n° 24246/94), Gerger c. Turquie (n° 24919/94), Erdoğdu et İnce c. Turquie (nos 25067/94 et   25068/94), Başkaya et Okçuoğlu c. Turquie (nos 23536/94 et 24408/94), Sürek c. Turquie (n° 1) (n° 26682/95), Sürek et Özdemir c. Turquie (nos 23927/94 et 24277/94), Sürek c. Turquie (n° 2) (n° 24122/94) et Sürek c. Turquie (n° 3) (n° 24735/94).
5.  La Grande Chambre constituée à cette fin comprenait de plein droit M. R. Türmen, juge élu au titre de la Turquie (articles 27 § 2 de la Convention et 24 § 4 du règlement), M. Wildhaber, président de la Cour, Mme E. Palm, vice-présidente de la Cour, M. J.-P. Costa et M. M. Fischbach, vice-présidents de section (articles 27 § 3 de la Convention et 24 §§ 3 et 5  a) du règlement). Ont en outre été désignés pour compléter la Grande Chambre : M. A. Pastor Ridruejo, M. G. Bonello, M. J. Makarczyk, M. P. Kūris, Mme F. Tulkens, Mme V. Strážnická, M. V. Butkevych, M. J. Casadevall, Mme H.S. Greve, M. A. B. Baka, M. R. Maruste et Mme S. Botoucharova (articles 24 § 3 et 100 § 4 du règlement).
Le 19 novembre 1998, M. Wildhaber a dispensé de siéger M. Türmen, qui s’était déporté, eu égard à une décision de la Grande Chambre prise dans l’affaire Oğur c. Turquie conformément à l’article 28 § 4 du règlement. Le 16 décembre 1998, le Gouvernement a notifié au greffe la désignation de M.  F. Gölcüklü en qualité de juge ad hoc (article 29 § 1 du règlement).
Par la suite, M. K. Traja a remplacé Mme Botoucharova, empêchée (article 24 § 5 b) du règlement).
6.  A l’invitation de la Cour (article 99 du règlement), la Commission a délégué l’un de ses membres, M. D. Šváby, pour participer à la procédure devant la Grande Chambre. Elle a ensuite informé le greffe qu'elle ne serait pas représentée à l'audience. Le 16 février 1999, le délégué a soumis son mémoire au greffe.
7.  Ainsi qu’en avait décidé le président, les débats, également consacrés à l'affaire Sürek c. Turquie (n° 3), se sont déroulés en public le 3 mars 1999 au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.
Ont comparu :
– pour le Gouvernement  M. D. Tezcan, agent,  Mme D. Akçay, coagent,  M. B. Çalışkan,  Mme G. Akyüz,  M. F. Polat,  Mme A. Emüler, conseillers ;
– pour le requérant  Me S. Mutlu, avocat au barreau d'Istanbul, conseil.
La Cour a entendu en leurs déclarations Me Mutlu et M. Tezcan.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
A. Le requérant
8.  Le requérant est un ressortissant turc né en 1957 et résidant à Istanbul.
9.  A l'époque des faits, il était l'actionnaire majoritaire de la société turque à responsabilité limitée Deniz Basın Yayın Sanayi ve Ticaret Organizasyon, qui possède la revue hebdomadaire Haberde Yorumda Gerçek (Nouvelles et commentaires : la vérité), publiée à Istanbul.
B. Les publications incriminées
10.  Dans le numéro 51 du 13 mars 1993 de la revue fut publié un point de vue intitulé « Le retour de Kawa3 et Dehak4 ». L'article analysait les événements susceptibles de se produire lors de la fête de Newroz5 qui devait se tenir peu après.
11.  Les passages pertinents de ce commentaire se traduisent ainsi :
« (...) C'est la semaine de Newroz au Kurdistan. C'est durant cette période que se révèle le plus l'opposition entre les exigences du peuple kurde et l'absence de tolérance face à l'expression de ces exigences. La tradition de la rébellion se réveille. Dehak et Kawa se sont réincarnés. Le temps est venu de régler les comptes. Kawa n'a rien de flou. Toutes les montagnes, toutes les villes sont pleines de Kawa. Il y en a des millions. Bon, mais qui est Dehak ? Qui pourrait incarner son personnage aujourd'hui ? Demirel ? Güreş ? Le gouverneur régional ? Ou le nouveau commandant Ilter ? Cette fois, Dehak est-il personnifié par chaque chef luttant contre l'insurrection, par chaque   combattant réprimant l'insurrection, chaque membre des forces spéciales ou chaque commissaire de police ? Dehak est-il lui aussi tombé dans l'anonymat ? Quoi qu'il en soit, Dehak et Kawa vont régler leurs comptes une fois encore. (...)
L'année dernière, une publication révolutionnaire décrivait les jours précédant la fête de Newroz en ces termes :
« Actuellement, plus de deux cent mille soldats sont massés au Kurdistan, où des chars et des armes ont été envoyés. Les bombes pleuvent sur les villages et les montagnes kurdes. Le chef d'état-major a passé en revue les préparatifs de l'offensive. Des instructions sont adressées aux gouverneurs de provinces et de districts, aux chefs des équipes spéciales, aux chefs de la police et de l'armée. Le chef des services de renseignements (MIT) prévoit que beaucoup de sang sera versé. Les députés organisent des voyages d'information afin de prendre le pouls de la population. » (...)
Contrairement aux années précédentes, l'assemblée nationale du Kurdistan, à tendance pro-PKK, devrait cette année jouer elle aussi un rôle pendant la fête de Newroz. (...)
Par ailleurs, des mesures d'exception sont appliquées dans les grandes villes situées en dehors du Kurdistan abritant de fortes populations kurdes, où il est très probable que les quartiers kurdes seront le théâtre de manifestations de grande ampleur. »
12.  Dans le même numéro, et dans le cadre du point de vue ci-dessus, parut aussi un entretien de l'agence de presse kurde avec un représentant du Front national de libération du Kurdistan (« ERNK »), l'aile politique du Parti des travailleurs du Kurdistan (« PKK »). Ces deux organisations sont illégales en Turquie.
13.  La partie pertinente de l'entretien est rédigée comme suit :
« (...) Nous soulignons cette conclusion, nous tenons même à insister dessus. Nous en appelons à tous les pays européens. Nous sommes ouverts à toute solution, humanitaire ou politique, y compris tout appel à un armistice. Le PKK et la lutte qu'il mène ne sont en aucun cas des mouvements terroristes. Il faut oublier définitivement cette conception erronée et aller dans la direction de la coopération et du soutien. Le véritable terroriste, c'est la République de Turquie. Nous pensons que les attitudes à cet égard seront bien éclaircies cette année, que des dialogues très positifs s'instaureront et que, progressivement, la République de Turquie sera de plus en plus isolée. »
C. Les mesures prises par les autorités
1. La saisie de la revue
14.  Le 14 mars 1993, la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul (İstanbul Devlet Güvenlik Mahkemesi) ordonna la saisie de tous les exemplaires du numéro 51 de la revue au motif qu'il diffusait de la propagande séparatiste.
2. Les chefs d'accusation
15.  Par un acte du 22 avril 1993, le procureur près la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul inculpa le requérant, en sa qualité de propriétaire de la revue, de propagande contre l'indivisibilité de l'Etat, pour avoir publié le point de vue ci-dessus ainsi qu’une déclaration de l'ERNK (paragraphe 12 ci-dessus). Il s'appuyait respectivement sur les articles 8 et 6 de la loi de 1991 relative à la lutte contre le terrorisme (« la loi de 1991 » – paragraphes 24 et 25 ci-dessous).
3. La procédure devant la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul
16.  Le requérant réfuta les accusations lors de la procédure devant la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul. Il affirma que le point de vue litigieux ne tombait pas sous le coup de l'article 8 de la loi de 1991, arguant que débattre des actions que le PKK était susceptible de mener durant les célébrations de Newroz ne saurait être assimilé à la publication de la déclaration d'une organisation terroriste au sens de l'article 6 de la loi de 1991. Concernant la liberté d'expression, il invoqua l'article 10 de la Convention ainsi que la jurisprudence de la Commission et de la Cour. Il soutint que le pluralisme des opinions, y compris celles qui choquent ou offensent, est essentiel dans une société démocratique et que les dispositions des articles 6 et 8 de la loi de 1991 limitent le droit à la liberté d'expression, au mépris de la Constitution turque et des critères définis dans la jurisprudence de la Commission et de la Cour.
4. La condamnation du requérant
17.  Dans un arrêt du 27 septembre 1993, la cour de sûreté de l'Etat jugea le requérant coupable au titre de l'article 8 § 2 de la loi de 1991, et le condamna à une amende de 100 millions de livres turques (TRL) qu’elle réduisit par la suite à 83 333 333 TRL eu égard à la bonne conduite de l’intéressé durant le procès.
18.  Dans ses attendus, la cour de sûreté de l'Etat estima que le point de vue incriminé était contraire à l'article 8 de la loi de 1991. Elle conclut que cet article, qui qualifiait de « Kurdistan » une certaine partie du territoire turc et de « Kurdes » une fraction de la population, diffusait de la propagande contre l'indivisibilité de l'Etat turc.
Elle jugea en outre que la revue avait aussi publié la déclaration d'une organisation terroriste illégale qualifiant la République turque d'Etat terroriste. Toutefois, estimant que cette déclaration faisait partie du point de vue en cause et vu l'article 79 du code pénal turc, elle conclut qu'il n'existait pas de chef d'accusation distinct au titre de l'article 6 de la loi de 1991.
5. Le pourvoi formé par le requérant
19.  Le requérant se pourvut en cassation contre cette décision. Il réitéra notamment les arguments qu'il avait invoqués pour sa défense devant la cour de sûreté de l'Etat.
20.  Le 8 février 1994, la Cour de cassation le débouta, confirmant la pertinence du raisonnement et de l'appréciation des preuves effectuée par la cour de sûreté de l'Etat.
Le 29 novembre 1995, le requérant acquitta la dernière mensualité de l'amende qui lui avait été infligée.
6. La suite des événements
21.  A la suite des amendements apportés à la loi de 1991 par la loi n° 4126 du 27 octobre 1995 (paragraphes 24 et 25 ci-dessous), la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul réexamina d'office l'affaire.
Le 22 avril 1996, elle conclut que ces amendements ne s'appliquaient pas dans le cas du requérant car sa peine avait déjà été exécutée.
II. le droit interne pertinent
A. Le droit pénal
1. Le code pénal (loi n° 765)
22.  Les dispositions pertinentes du code pénal sont ainsi libellées :
Article 36 § 1
« En cas de condamnation, le tribunal saisit et confisque l’objet ayant servi à commettre ou à préparer le crime ou le délit (…) »
Article 79
« Quiconque enfreint diverses disposition du présent code par un acte unique est sanctionné en vertu de la disposition qui prescrit la peine la plus lourde. »
2. La loi n° 5680 du 15 juillet 1950 sur la presse
23.  Les clauses pertinentes de la loi de 1950 sont libellées comme suit :
Article 3
« Sont des « périodiques », aux fins de la présente loi, les journaux, les dépêches des agences de presse et tous autres imprimés publiés à intervalles réguliers.
Constitue une « publication », l’exposition, l’affichage, la diffusion, l’émission, la vente ou la mise en vente d’imprimés dans des locaux accessibles au public où chacun peut les voir.
Le délit de presse n'est constitué que s'il y a publication, sauf lorsque le discours est en soi constitutif d’une infraction. »
3. La loi n° 3713 du 12 avril 1991 relative à la lutte contre le terrorisme6
24.  Les dispositions pertinentes de la loi de 1991 sont libellées en ces termes :
Article 6
« Est puni d’une amende de cinq à dix millions de livres turques quiconque déclare, oralement ou dans une publication, que des organisations terroristes commettront une infraction contre une personne, en divulguant ou non son (…) identité mais de manière qu’on puisse l’identifier, ou dévoile l’identité de fonctionnaires ayant participé à des missions de lutte contre le terrorisme ou, pareillement, désigne une personne comme cible.
Est puni d’une amende de cinq à dix millions de livres turques quiconque imprime ou publie des déclarations et tracts d’organisations terroristes.
Lorsque les faits visés aux paragraphes ci-dessus sont commis par la voie des périodiques visés à l’article 3 de la loi n° 5680 sur la presse, l’éditeur est également condamné à une amende égale à quatre-vingt-dix pour cent du montant des ventes moyennes du mois précédent si l’intervalle de parution du périodique est de moins d’un mois, ou des ventes précédemment réalisées par le dernier numéro du périodique si celui-ci est mensuel ou paraît moins fréquemment, ou des ventes moyennes du mois précédent du quotidien à plus fort tirage s’il s’agit d’imprimés n’ayant pas la  qualité de périodique ou si le périodique vient d’être lancé7. Toutefois, l’amende ne peut être inférieure à cinquante millions de livres turques. Le rédacteur en chef du périodique est condamné à la moitié de la peine infligée à l’éditeur.»
Article 8  (avant modification par la loi n° 4126 du 27 octobre 1995)
« La propagande écrite et orale, les réunions, assemblées et manifestations visant à porter atteinte à l’intégrité territoriale de l’Etat de la République de Turquie et à l’unité indivisible de la nation sont prohibées, quels que soient le procédé utilisé et le but   poursuivi. Quiconque se livre à pareille activité est condamné à une peine de deux à cinq ans d’emprisonnement et à une amende de cinquante à cent millions de livres turques. »
Lorsque le crime de propagande visé au paragraphe ci-dessus est commis par la voie des périodiques visés à l’article 3 de la loi n° 5680 sur la presse, l’éditeur est également condamné à une amende égale à quatre-vingt-dix pour cent du montant des  ventes moyennes du mois précédent si l’intervalle de parution du périodique est de moins d’un mois, ou des ventes moyennes du mois précédent du quotidien à plus fort tirage s’il s’agit d’imprimés n’ayant pas la qualité de périodique ou si le périodique vient d’être lancé8. Toutefois, l’amende ne peut être inférieure à cent millions de livres turques. Le rédacteur en chef dudit périodique est condamné à la moitié de l’amende infligée à l’éditeur ainsi qu’à une peine de six mois à deux ans d’emprisonnement. »
Article 8  (tel que modifié par la loi n° 4126 du 27 octobre 1995)
« La propagande écrite et orale, les réunions, assemblées et manifestations visant à porter atteinte à l’intégrité territoriale de l’Etat de la République de Turquie ou à l’unité indivisible de la nation sont prohibées. Quiconque poursuit une telle activité est condamné à une peine d'un à trois ans d’emprisonnement et à une amende de cent à trois cents millions de livres turques. En cas de récidive, les peines infligées ne sont pas converties en amende.
Lorsque le crime de propagande visé au premier paragraphe est commis par la voie des périodiques visés à l’article 3 de la loi n° 5680 sur la presse, l’éditeur est également condamné à une amende égale à quatre-vingt-dix pour cent du montant des ventes moyennes du mois précédent si l’intervalle de parution du périodique est de moins d’un mois. Toutefois, l’amende ne peut être inférieure à cent millions de livres turques. Le rédacteur en chef dudit périodique est condamné à la moitié de l’amende infligée à l’éditeur ainsi qu’à une peine de six mois à deux ans d’emprisonnement.
Lorsque le crime de propagande visé au premier paragraphe est commis par la voie d’imprimés ou par des moyens de communication de masse autres que les périodiques mentionnés au second paragraphe, les auteurs responsables et les propriétaires des moyens de communication de masse sont condamnés à une peine de six mois à deux ans d’emprisonnement ainsi qu’à une amende de cent à trois cents millions de livres turques (…).
4. La loi n° 4126 du 27 octobre 1995 portant modification des articles 8 et 13 de la loi n° 3713
25.  Les amendements ci-dessous ont été apportés à la loi de 1991 à la suite de l'adoption de la loi n° 4126 du 27 octobre 1995 :
Disposition provisoire relative à l’article 2 
« Dans le mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, le tribunal ayant prononcé le jugement réexamine le dossier de la personne condamnée en vertu de l’article 8 de la loi n° 3713 relative à la lutte contre le terrorisme et, conformément à la modification apportée (…) à l’article 8 de la loi n° 3713, reconsidère la durée de la peine infligée à cette personne et décide s’il y a lieu de la faire bénéficier des articles 49 et 610 de la loi n° 647 du 13 juillet 1965. »
5. Le code de procédure pénale (loi n° 1412)
26.  Le code de procédure pénale contient les dispositions suivantes :
Article 307
« Le pourvoi en cassation ne peut porter que sur la non-conformité du jugement à la loi.
La non-application ou l’application fautive d’une règle de droit constitue un cas de non-conformité à la loi11. »
Article 308
«  La violation de la loi est considérée comme manifeste dans les cas ci-dessous :
1- si la juridiction n’est pas constituée conformément à la loi ;
2-  si prend part à la décision un juge auquel la loi l’interdit ;
B. Jurisprudence pénale soumise par le Gouvernement
27.  Le Gouvernement a produit copies de plusieurs ordonnances de non-lieu, rendues par le procureur général près la cour de sûreté de l’Etat d'Istanbul à l’encontre de personnes soupçonnées d’incitation du peuple à la haine et à l’hostilité – notamment sur la base d’une distinction fondée sur la religion – (article 312 du code pénal) ou de propagande séparatiste contre l’unité indivisible de l’Etat (article 8 de la loi n° 3713 – paragraphe 23 ci-dessus). S’agissant des cas où ces infractions ont été commises par la voie de publications, dans la majorité des affaires en cause, le parquet s’est fondé notamment sur la prescription de l’action publique, l’absence de certains éléments constitutifs de l’infraction considérée ou de preuves suffisantes.
28.  En outre, le Gouvernement a communiqué, à titre d’exemples, plusieurs arrêts rendus par des cours de sûreté de l’Etat quant aux infractions susmentionées et concluant à la non-culpabilité des prévenus. Il s’agit des arrêts suivants : 19 novembre (n° 1996/428) et 27 décembre 1996 (n° 1996/519), 6 mars (n° 1997/33), 3 juin (n° 1997/102), 17 octobre (n° 1997/527), 24 octobre (n° 1997/541) et 23 décembre 1997 (n° 1997/606), 21 janvier (n° 1998/8), 3 février (n° 1998/14), 19 mars (n° 1998/56), 21 avril (n° 1998/87) et 17 juin 1998 (n° 1998/133).
29.  Pour ce qui concerne plus particulièrement des procès entamés contre des auteurs d’ouvrages ayant trait au problème kurde, dans les cas en cause, les cours de sûreté de l’Etat ont notamment motivé leurs arrêts par l’absence de l’élément de « propagande », constitutif de l’infraction, ou par le caractère objectif des propos tenus en l’occurrence.
C. Les cours de sûreté de l’Etat12
1. La Constitution
30.  Les dispositions constitutionnelles régissant l'organisation judiciaire des cours de sûreté de l'Etat sont ainsi libellées :
Article 138 §§ 1 et 2
« Dans l’exercice de leurs fonctions, les juges sont indépendants ; ils statuent selon leur intime conviction, conformément à la Constitution, à la loi et au droit.
Nul organe, nulle autorité (…) nulle personne ne peut donner des ordres ou des instructions aux tribunaux et aux juges dans l’exercice de leur pouvoir juridictionnel, ni leur adresser des circulaires, ni leur faire des recommandations ou suggestions. »
Article 139 § 1
« Les juges (…) sont inamovibles et ne peuvent être mis à la retraite avant l’âge prévu par la Constitution, à moins qu'ils n'y consentent (…) »
Article 143 §§ 1-5
« Il est institué des cours de sûreté de l’Etat chargées de connaître des infractions commises contre la République – dont les caractéristiques sont énoncées dans la Constitution –, contre l’intégrité territoriale de l’Etat ou l'unité indivisible de la nation et contre l’ordre libre et démocratique, ainsi que des infractions touchant directement à la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat.
Les cours de sûreté de l’Etat se composent d’un président, de deux membres titulaires, de deux membres suppléants, d’un procureur et d’un nombre suffisant de substituts.
Le président, un membre titulaire, un membre suppléant et le procureur sont choisis, selon des procédures définies par des lois spéciales, parmi les juges et les procureurs de la République de premier rang, un titulaire et un suppléant parmi les juges militaires de premier rang, et les substituts parmi les procureurs de la République et les juges militaires.
Les présidents et les membres titulaires et suppléants (…) des cours de sûreté de l’Etat sont nommés pour une durée de quatre ans renouvelable.
La Cour de cassation connaît des appels formés contre les arrêts rendus par les cours de sûreté de l’Etat.
Article 145 § 4
« Le contentieux militaire
(…) le statut personnel des juges militaires (…) est fixé par la loi dans le respect de l’indépendance des tribunaux, des garanties dont les juges jouissent et des impératifs du service militaire. La loi détermine en outre les rapports des juges militaires avec le commandement dont ils relèvent dans l’exercice de leurs tâches autres que judiciaires (...) »
2. La loi n° 2845 instituant des cours de sûreté de l’Etat et portant réglementation de la procédure devant elles13
31.  Fondées sur l'article 143 de la Constitutions, les clauses pertinentes de la loi n° 2845 sur les cours de sûreté de l'Etat disposent :
Article 1
« Dans les chefs-lieux des provinces de (…) sont instituées des cours de sûreté de l’Etat chargées de connaître des infractions commises contre la République – dont les caractéristiques sont énoncées dans la Constitution –, contre l’intégrité territoriale de l’Etat ou l'unité indivisible de la nation et contre l’ordre libre et démocratique, ainsi que des infractions touchant directement à la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat.»
Article 3
« Les cours de sûreté de l’Etat se composent d’un président et de deux membres titulaires, ainsi que de deux membres suppléants. »
Article 5
« Le président de la cour de sûreté de l’Etat ainsi que l’un des [deux] titulaires et l’un des [deux] suppléants (…) sont choisis parmi les juges (...) civils, les autres membres titulaires et suppléants parmi les juges militaires de premier rang (...) »
Article 6 §§ 2 et 6
« La nomination des membres titulaires et suppléants choisis parmi les juges militaires se fait selon la procédure prévue par la loi sur les magistrats militaires.
Sous réserve des exceptions prévues dans la présente loi ou dans d’autres, le président et les membres titulaires et suppléants des cours de sûreté de l’Etat (…) ne peuvent être affectés sans leur consentement à un autre poste ou lieu avant quatre ans (…).
Si à l’issue d’une instruction menée, selon les lois les concernant, à l’encontre d'un président, d'un membre titulaire ou d'un membre suppléant d'une cour de sûreté de l’Etat, des comités ou autorités compétents décident qu'il y a lieu de changer le lieu d’exercice des fonctions de l'intéressé, ce lieu ou les fonctions elles-mêmes (…) peuvent être modifiés conformément à la procédure prévue dans lesdites lois. »
Article 9 § 1 a)
« Les cours de sûreté de l’Etat sont compétentes pour connaître des infractions
a) visées à l’article 312 § 2 (…) du code pénal turc,
d) en rapport avec les événements ayant nécessité la proclamation de l’état d’urgence,  dans  les régions où l’état d’urgence a été décrété en vertu de l’article 120 de la Constitution, 
e) commises contre la République – dont les caractéristiques sont énoncées dans la Constitution –, contre l’unité indivisible de l’Etat – du territoire comme  de la nation – et contre l’ordre libre et démocratique, ou touchant directement à la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat.
Article 27 § 1
« La Cour de cassation connaît des appels formés contre les arrêts rendus par les cours de sûreté de l’Etat. »
Article 34 §§ 1 et 2
« Le régime statutaire et le contrôle des (…) juges militaires appelés à siéger aux cours de sûreté de l’Etat (…), l’ouverture d'instructions disciplinaires et le prononcé de sanctions disciplinaires à leur encontre, ainsi que les enquêtes et poursuites relatives aux infractions concernant leurs fonctions (…) relèvent des dispositions pertinentes des lois régissant leur profession (…).
Les observations de la Cour de cassation, les rapports de notation établis par les commissaires de justice (…) et les dossiers des enquêtes menées au sujet des juges militaires (…) sont transmis au ministère de la Justice. »
Article 38
« En cas de proclamation d’un état de siège couvrant tout ou partie de son ressort et à condition qu’elle ne soit pas la seule dans celui-ci, une cour de sûreté de l’Etat pourra, dans les conditions ci-dessous, être transformée en cour martiale de l’état de siège (…) »
3. La loi n° 357 sur les magistrats militaires
32.  Les dispositions pertinentes de la loi sur les magistrats militaires prévoient :
Article 7 additionnel
« Les aptitudes des officiers juges militaires nommés aux postes (…) de juges titulaires et suppléants des cours de sûreté de l’Etat requises pour l’obtention de promotions et d’avancements en échelon, grade ou ancienneté sont déterminées sur la base de certificats de notation établis selon la procédure ci-dessous, sous réserve des dispositions de la présente loi et de la loi n° 926 sur le personnel des forces armées turques :
a)  Le premier supérieur hiérarchique compétent pour effectuer la notation et établir les certificats de notation pour les officiers militaires juges titulaires et suppléants (…) est le secrétaire d’Etat à la Défense ; vient ensuite le ministre de la Défense.
Article 8 additionnel
« Les membres (…) des cours de sûreté de l’Etat appartenant à la magistrature militaire (…) sont désignés par un comité composé du directeur du personnel et du conseiller juridique de l’état-major, du directeur du personnel et du conseiller juridique du commandement des forces dont relève l’intéressé, ainsi que du directeur des Affaires judiciaires militaires au ministère de la Défense (...) »
Article 16 §§ 1 et 3
« La nomination des juges militaires (…), effectuée par décret commun du ministre de la Défense et du Premier ministre, est soumise au président de la République pour approbation, conformément aux dispositions relatives à la nomination et à la mutation des membres des forces armées (…).
Pour les nominations aux postes de juges militaires (…), il sera procédé en tenant compte de l’avis de la Cour de cassation, des rapports des commissaires et des certificats de notation établis par les supérieurs hiérarchiques (…) »
Article 18 § 1
« Le barème des salaires, les augmentations de salaire et les divers droits personnels des juges militaires (…) relèvent de la réglementation concernant les officiers. »
Article 29
« Le ministre de la Défense peut infliger aux officiers juges militaires, après les avoir entendus, les sanctions disciplinaires suivantes :
A.      L’avertissement, qui consiste à notifier par écrit à l’intéressé qu’il doit être plus attentif dans l’exercice de ses fonctions.
B. Le blâme, qui consiste à notifier par écrit le fait que tel acte ou telle attitude sont considérés comme fautifs.
Lesdites sanctions sont définitives et mentionnées dans le certificat de notation de l’intéressé, puis inscrites dans son dossier personnel (…) »
Article 38
« Lorsqu’ils siègent en audience, les juges militaires (…) portent la tenue spéciale de leurs homologues de la magistrature civile  (…) »
4. L'article 112 du code pénal militaire (du 22 mai 1930)
33.  L'article 112 du code pénal militaire dispose :
« Est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement quiconque influence les tribunaux militaires en abusant de son autorité de fonctionnaire. »
5. La loi n° 1602 du 4 juillet 1972 sur la Haute Cour administrative militaire
34.  Aux termes de l’article 22 de la loi n° 1602, la première chambre de la Haute Cour administrative militaire est compétente pour connaître des demandes en annulation et en dédommagement fondées sur des contestations relatives au statut personnel des officiers, notamment celles concernant leur avancement professionnel.
PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION
35.  M. Kamil Tekin Sürek a saisi la Commission le 27 juillet 1994. Il faisait valoir que sa condamnation avait constitué une ingérence injustifiée dans son droit à la liberté d'expression telle que garantie par l'article 10 de la Convention et qu'il n'avait pas été entendu par un tribunal indépendant et impartial, au mépris de l'article 6 § 1 de la Convention. Il affirmait aussi que la procédure pénale dirigée contre lui n'avait pas connu une durée raisonnable, constituant ainsi un chef distinct de violation de l'article 6 § 1.
36.  La Commission a retenu la requête (n° 24762/94) le 2 septembre 1996, à l'exception du grief tiré de l'article 6 § 1 relatif à la durée de la procédure pénale. Dans son rapport du 13 janvier 1998 (ancien article 31), elle exprime l'avis qu'il y a eu violation de l'article 10 de la Convention (trente voix contre deux) et de l'article 6 § 1 (trente et une voix contre une). Le texte intégral de son avis et des opinions séparées dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt14.
CONCLUSIONS PRéSENTéES à LA COUR
37.  Le requérant prie la Cour de conclure que l'Etat défendeur a failli aux obligations que lui imposent les articles 6 § 1 et 10 de la Convention et de lui accorder une satisfaction équitable au titre de l'article 41.
De son côté, le Gouvernement invite la Cour à rejeter les allégations du requérant.
EN DROIT
I. sur lA VIOLATION alléguée de l'article 10 de la convention
38.  Le requérant allègue que les autorités ont porté atteinte de manière injustifiable à son droit à la liberté d'expression tel que le consacre l'article 10 de la Convention, aux termes duquel :
« 1.  Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.
2.  L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. »
39.  Le Gouvernement affirme que l'ingérence dans le droit du requérant à la liberté d'expression était justifiée au regard du second paragraphe de l'article 10. La Commission souscrit en revanche aux allégations du requérant.
A. Existence d'une ingérence
40.  Pour la Cour, il apparaît clairement que la condamnation du requérant en vertu de l'article 8 de la loi de 1991 relative à la lutte contre le terrorisme (« la loi de 1991 ») s'analyse en une ingérence dans son droit à la liberté d'expression, ce qu'aucun des comparants n'a contesté.
B. Justification de l'ingérence
41.  Pareille ingérence est contraire à l'article 10 sauf si elle est « prévue par la loi », vise un ou plusieurs des buts légitimes cités au paragraphe 2 de l'article 10 et est « nécessaire dans une société démocratique » pour atteindre ce ou ces buts. La Cour va examiner ces conditions une à une.
1. « Prévue par la loi »
42.  Le requérant ne s'est pas exprimé au sujet du respect de cette exigence.
43.  Le Gouvernement affirme que les mesures prises à l'encontre du requérant se fondaient sur l'article 8 de la loi de 1991.
44.  La Commission se rallie au point de vue du Gouvernement et conclut que l'ingérence était prévue par la loi.
45.  A l’instar de la Commission, la Cour admet que, la condamnation du requérant étant fondée sur l’article 8 de la loi de 1991, l'ingérence qui en est résultée dans son droit à la liberté d'expression peut être considérée comme « prévue par la loi », d'autant que le requérant n'a pas contesté ce point.
2. But légitime
46.  Le requérant ne s'est pas prononcé à cet égard, sinon pour attaquer en général la légalité de l'ingérence dans son droit à la liberté d'expression.
47.  Le Gouvernement répète que les mesures prises à l'encontre du requérant s'appuyaient sur l'article 8 de la loi de 1991, disposition qui vise à défendre des intérêts tels que l'intégrité territoriale, l'unité de la nation, la sécurité nationale, la défense de l'ordre et la prévention du crime.
48.  Pour sa part, la Commission considère que la condamnation du requérant s'inscrit dans le cadre de la lutte menée par les autorités contre le terrorisme illégal pour protéger la sécurité nationale et la sûreté publique, objectifs légitimes cités à l'article 10 § 2.
49.  Eu égard au caractère sensible de la situation régnant dans le Sud-Est de la Turquie en matière de sécurité (arrêt Zana c. Turquie du 25 novembre 1997, Recueil 1997-VII, p. 2539, § 10) et à la nécessité pour les autorités d'exercer leur vigilance face à des actes susceptibles d'accroître la violence, la Cour estime pouvoir conclure que les mesures prises à l'encontre du requérant poursuivaient certains des buts mentionnés par le Gouvernement, à savoir la protection de la sécurité nationale et de l'intégrité territoriale, la défense de l'ordre et la prévention du crime.
C’est certainement le cas lorsque, comme dans la situation du Sud-Est de la Turquie à l’époque des faits, le mouvement séparatiste s’appuie sur des méthodes qui font appel à la violence.
3. « Nécessaire dans une société démocratique »
a) Les arguments des comparants
i) Le requérant
50.  Le requérant souligne que ni lui ni sa revue n'ont aucun lien avec le PKK et que les publications litigieuses ne vantaient pas cette organisation ni ne formulaient de commentaire positif à son égard. Elles auraient été écrites et publiées en toute impartialité, conformément aux principes du journalisme objectif. Le point de vue en question portait sur la prochaine fête de Newroz, qui est célébrée au Proche-Orient depuis des millénaires et
a donné lieu à de sanglants incidents au cours des dernières années en Turquie.
L'intéressé plaide en outre qu'étant le propriétaire de la revue, il n'était pas responsable de son contenu, raison pour laquelle il n'aurait pas dû être reconnu coupable ni condamné à une forte amende. Selon lui, les mesures prises à son encontre s'analysent donc en une ingérence disproportionnée dans le droit que lui garantit l'article 10.
ii) Le Gouvernement
51.  Le Gouvernement réplique que le requérant a été jugé coupable de diffusion de propagande séparatiste du fait que les publications litigieuses ont incité à la violence contre l'Etat et prôné franchement la cause d'une organisation terroriste. A l'appui de son argumentation, il met en avant plusieurs extraits des textes incriminés qui, selon lui, exhortent ouvertement à la violence, suscitent l'hostilité et la haine au sein des différentes   composantes de la société turque, dépeignent la Turquie comme un « ennemi » et un « Etat terroriste » et présentent le terrorisme du PKK sous un jour héroïque et justifié.
52.  Compte tenu de l'historique du PKK en matière de terrorisme, le Gouvernement estime que c'est à juste titre que le requérant a été condamné en vertu de l'article 8 de la loi de 1991 et que les mesures prises à l'encontre de celui-ci n'ont pas outrepassé la marge d'appréciation des autorités en ce domaine. Dès lors, l'ingérence se justifiait au titre de l'article 10 § 2 de la Convention.
iii) La Commission
53.  Tout en reconnaissant que certaines déclarations contenues dans les articles incriminés revêtaient un caractère hautement polémique, la Commission n'en estime pas moins qu'aucun passage de ces textes ne saurait être considéré comme incitant à la poursuite de la violence. Même en tenant compte de la marge d'appréciation des autorités nationales dans ce contexte, la Commission considère que la condamnation du requérant ne pouvait en l'occurrence passer pour une réponse proportionnée au besoin social impérieux que constitue la sauvegarde de la sécurité nationale et de la sûreté publique. Les mesures prises par les autorités s'analysent en une forme de censure, susceptible de dissuader à l'avenir le requérant ou d'autres personnes de publier des points de vue sur la situation régnant dans le Sud-Est de la Turquie. C'est pourquoi la Commission conclut en l'espèce à la violation de l'article 10.
b) L'appréciation de la Cour
54.  La Cour rappelle les principes fondamentaux qui se dégagent de sa jurisprudence relative à l’article 10, tels qu’elle les a exposés notamment dans les arrêts Zana c. Turquie (précité, pp. 2547-2548, § 51) et Fressoz et Roire c. France du 21 janvier 1999 (Recueil 1999, p. …, § 45) :
i. La liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique, l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l’article 10, elle vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de « société démocratique ». Telle que la consacre l'article 10, elle est assortie d'exceptions qui appellent toutefois une interprétation étroite, et le besoin de la restreindre doit se trouver établi de manière convaincante.
ii. L'adjectif « nécessaire », au sens de l'article 10 § 2, implique un « besoin social impérieux ». Les Etats contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour juger de l'existence d'un tel besoin, mais elle se double d'un contrôle européen portant à la fois sur la loi et sur les décisions qui l'appliquent, même quand elles émanent d'une juridiction indépendante. La Cour a donc compétence pour statuer en dernier lieu sur le point de savoir si une « restriction » se concilie avec la liberté d'expression que protège l'article 10.
iii. Dans l’exercice de son pouvoir de contrôle, la Cour doit considérer l’ingérence à la lumière de l’ensemble de l’affaire, y compris la teneur des déclarations litigieuses et le contexte dans lequel elles s'inscrivent. En particulier, il incombe à la Cour de déterminer si la mesure incriminée était « proportionnée aux buts légitimes poursuivis » et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants ». Ce faisant, la Cour doit se convaincre que les autorités nationales ont appliqué des règles conformes aux principes consacrés à l'article 10 et ce, de surcroît, en se fondant sur une appréciation acceptable des faits pertinents.
55.  Le requérant ayant été condamné pour avoir diffusé de la propagande séparatiste par le canal de la revue dont il était propriétaire, il faut aussi examiner l’ingérence en cause en ayant égard au rôle essentiel que joue la presse dans le bon fonctionnement d'une démocratie politique (voir, parmi d’autres, les arrêts Lingens c. Autriche du 8 juillet 1986, série A n° 103, p. 26, § 41, et Fressoz et Roire précité, p. .., § 45). Si la presse ne doit pas franchir les bornes fixées en vue, notamment, de la protection des intérêts vitaux de l’Etat, telles la sécurité nationale ou l’intégrité territoriale, contre la menace de violence, ou en vue de la défense de l’ordre ou de la prévention du crime, il lui incombe néanmoins de communiquer des informations et des idées sur des questions politiques, y compris sur celles qui divisent l’opinion. A sa fonction qui consiste à en diffuser s’ajoute le droit, pour le public, d’en recevoir. La liberté de la presse fournit à l’opinion publique l’un des meilleurs moyens de connaître et juger les idées et attitudes des dirigeants (arrêt Lingens précité, p. 26, §§ 41-42).
56.  La Cour relève que la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul a constaté que les charges retenues contre le requérant au titre de l'article 8 de la loi de 1991 étaient établies (paragraphes 17 et 18 ci-dessus). Cette juridiction a estimé que les points de vue litigieux contenaient des termes visant à briser l'intégrité territoriale de l'Etat turc en décrivant des zones du Sud-Est de la Turquie comme s'il s'agissait d'un Etat indépendant, le « Kurdistan », et en qualifiant une partie de la population turque de « Kurdes ». Elle a observé en outre que la revue avait publié, dans le cadre de ce point de vue, la déclaration d'une organisation terroriste illégale où la République de Turquie était qualifiée d'« Etat terroriste » (paragraphe 18 ci-dessus).
57.  Pour apprécier la nécessité de l'ingérence à la lumière des principes exposés ci-dessus (paragraphes 54 et 55), la Cour rappelle que l’article 10 § 2 de la Convention ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours politique ou de questions   d’intérêt général (voir l’arrêt Wingrove c. Royaume-Uni du 25 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1957, § 58). De plus, les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard du gouvernement que d’un simple particulier ou même d’un homme politique. Dans un système démocratique, les actions ou omissions du gouvernement doivent se trouver placées sous le contrôle attentif non seulement des pouvoirs législatif et judiciaire, mais aussi de l’opinion publique. En outre, la position dominante qu’occupe le Gouvernement lui commande de témoigner de retenue dans l’usage de la voie pénale, surtout s’il y a d’autres moyens de répondre aux attaques et critiques injustifiées de ses adversaires. Il reste certes loisible aux autorités compétentes de l’Etat d’adopter, en leur qualité de garantes de l’ordre public, des mesures même pénales, destinées à réagir de manière adéquate et non excessive à de pareils propos (arrêt Incal c. Turquie du 9 juin 1998, Recueil 1998-IV, p. 1567, § 54). Enfin, là où les propos litigieux incitent à l’usage de la violence à l’égard d’un individu, d’un représentant de l’Etat ou d’une partie de la population, les autorités nationales jouissent d’une marge d’appréciation plus large dans leur examen de la nécessité d’une ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression.
58.  La Cour portera une attention particulière aux termes employés dans les articles et au contexte de leur publication. A cet égard, elle tient compte des circonstances entourant les cas soumis à son examen, en particulier des difficultés liées à la lutte contre le terrorisme (arrêt Incal précité, p. 1568, § 58).
Elle relève en premier lieu que le commentaire litigieux peut se comprendre comme la description d'un éveil du sentiment kurde, principalement au travers d'une évocation romantique de la cause kurde et d'un rappel des figures légendaires du passé. Certes, le texte indique que « le temps est venu de régler les comptes ». La Cour estime cependant qu'il faut replacer cet extrait dans le contexte général de l'article, qui est écrit dans un style littéraire et métaphorique, et ne constitue pas un appel à la violence. Il est aussi vrai que l'entretien incriminé (paragraphe 13 ci-dessus) contient des critiques virulentes à l'égard des autorités turques, telles que « Le véritable terroriste, c'est la République de Turquie ». Pour la Cour, toutefois, il s'agit plus là d'un reflet de l'attitude intransigeante adoptée par l'une des parties au conflit plutôt que d'une incitation à la violence. De fait, la déclaration figurant au même paragraphe selon laquelle l'ERNK (paragraphe 12 ci-dessus) était ouverte « à toute solution, humanitaire ou politique, y compris tout appel à un armistice » peut même être jugée conciliante. Dans l'ensemble, la teneur des articles ne saurait passer pour susceptible d'inciter à la poursuite de la violence. La Cour a naturellement conscience des préoccupations qu'éprouvent les autorités au sujet de mots ou d'actes susceptibles d'aggraver la situation régnant en matière de sécurité dans cette zone où, depuis 1985 environ, de graves troubles font rage entre les forces de sécurité et les membres du PKK et ont entraîné de nombreuses pertes humaines et la proclamation de l'état d'urgence dans la plus grande partie de la région (arrêt Zana précité, p. 2539, § 10). Toutefois, il apparaît à la Cour qu'en l'espèce, les autorités nationales n'ont pas suffisamment pris en compte le droit du public de se voir informer d'une autre manière de considérer la situation dans le Sud-Est de la Turquie, aussi désagréable que cela puisse être pour elles. Comme indiqué précédemment, les opinions exprimées dans les articles ne sauraient passer pour inciter à la violence, ni être interprétés comme susceptibles de le faire. Selon la Cour, les motifs avancés par la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul pour condamner le requérant (paragraphe 18 ci-dessus), bien que pertinents, ne peuvent être considérés comme suffisant à justifier les ingérences dans son droit à la liberté d'expression.
59.  La Cour note aussi que M. Sürek a été condamné à une amende substantielle (paragraphe 17 ci-dessus). En outre, les copies de la revue où étaient parues les publications litigieuses furent saisies par les autorités (paragraphe 14 ci-dessus). La Cour relève à cet égard que la nature et la lourdeur des peines infligées sont aussi des éléments à prendre en considération lorsqu’il s’agit de mesurer la proportionnalité de l’ingérence.
60.  La Cour souligne que les « devoirs et responsabilités » qui accompagnent l'exercice du droit à la liberté d'expression de la part des professionnels des médias revêtent une importance spéciale en cas de conflit et de tension. Il convient d'examiner avec une vigilance particulière la publication des opinions de représentants d'organisations qui recourent à la violence contre l'Etat, faute de quoi les médias risquent de devenir un support de diffusion de discours de haine et d'incitation à la violence. En même temps, lorsque des opinions ne relèvent pas de cette catégorie, les Etats contractants ne peuvent se prévaloir de la protection de l'intégrité territoriale, de la sécurité nationale, de la défense de l'ordre ou de la prévention du crime pour restreindre le droit du public à être informé en utilisant le droit pénal pour peser sur les médias.
61.  Partant, la Cour conclut que la condamnation du requérant se révèle disproportionnée aux buts poursuivis et donc non « nécessaire dans une société démocratique ». Dès lors, il y a eu en l'espèce violation de l'article 10 de la Convention.
III. SUR LA VIOLATION ALLéGUéE De l’article 6 § 1 de la Convention
62.  Le requérant se plaint de ce que, au mépris de l'article 6 § 1 de la Convention, il n'a pas bénéficié d'un procès équitable en raison de la présence d'un juge militaire parmi les magistrats de la cour de sûreté de l'Etat qui l'a jugé et condamné. L'article 6 § 1 dispose en ses passages pertinents :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) »
63.  Le Gouvernement conteste la recevabilité de ce grief et soutient à titre subsidiaire qu'il n'y a pas eu violation de l'article 6 § 1. La Commission souscrit à l'allégation du requérant.
A. Exception préliminaire du Gouvernement – non-épuisement des voies de recours internes
64.  Le Gouvernement affirme que le requérant n'a fait valoir à aucun stade de la procédure interne que son procès avait manqué d'équité par suite de la participation d'un juge militaire à la procédure. C'est pourquoi, faute d'épuisement des voies de recours internes au sens de l'article 35 § 1 de la Convention, il conviendrait de déclarer le grief du requérant irrecevable. Le Gouvernement appuie son argumentation sur l'arrêt Sadık c. Grèce du 15 novembre 1996 (Recueil 1996-V, p. 1638).
65.  La Cour note que le Gouvernement n'a pas soulevé son exception devant la Commission au stade de l'examen de la recevabilité de la requête. Il s'est borné à cet égard à faire observer que le requérant n'avait pas contesté l'indépendance et l'impartialité de la Cour de cassation. En revanche, le requérant se plaint précisément de ce que la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul n'ait pas présenté ces deux caractéristiques. Dès lors, le Gouvernement est forclos à soulever cette exception à ce stade de la procédure (voir, notamment, les arrêts Zana c. Turquie précité, p. 2546, § 44, et Nikolova c. Bulgarie du 25 mars 1999, Recueil 1999, p. …, § 44).
B. Bien-fondé
66.  Selon le requérant, les juges militaires nommés pour siéger aux cours de sûreté de l'Etat, telle celle d'Istanbul, dépendent de l'exécutif, car ils sont désignés par décret commun du ministre de la Défense et du Premier ministre, sous réserve de l'accord du Président de la République. L'intéressé fait valoir que leur notation et promotion professionnelles, ainsi que la sécurité de leur emploi, relèvent en premier lieu du pouvoir exécutif et en deuxième lieu de l'armée. Les liens qui les rattachent à l'exécutif et à l'armée mettraient les juges militaires dans l'impossibilité de s'acquitter de leurs fonctions judiciaires avec indépendance et impartialité. Le requérant souligne en outre que l'indépendance et l'impartialité des juges militaires et, partant, des tribunaux où ils siègent, sont mises en péril du fait que ces magistrats ne peuvent adopter un point de vue risquant de contredire celui de leurs officiers supérieurs.
67.  Dès lors, le requérant estime que la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul a manqué d'indépendance et d'impartialité et que, par conséquent, il n’a pas bénéficié d'un procès équitable, en violation de l'article 6 § 1.
68.  Le Gouvernement considère pour sa part que les dispositions régissant la nomination des juges militaires siégeant dans les cours de sûreté de l'Etat et les garanties dont jouissent ceux-ci dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires sont telles que ces cours satisfont pleinement à l'exigence d'indépendance et d'impartialité énoncée à l'article 6 § 1. Il conteste l'argument du requérant selon lequel les juges militaires sont tenus de rendre compte à leurs officiers supérieurs. En premier lieu, l'article 112 du code militaire érigerait en infraction le fait pour un fonctionnaire de tenter d'exercer une influence sur un juge militaire dans l'exercice de ses fonctions judiciaires (paragraphe 33 ci-dessus). En second lieu, les rapports de notation mentionnés par le requérant ne porteraient que sur la manière dont un juge militaire s'acquitte de ses tâches extrajudiciaires. Les juges militaires pourraient consulter leurs rapports de notation et en contester la teneur devant la Haute Cour administrative militaire (paragraphe 34 ci-dessus). Dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, les juges militaires seraient notés d'une manière en tous points identique à celle appliquée aux juges civils.
69.  Le Gouvernement affirme en outre que la présence d'un juge militaire à la cour de sûreté de l'Etat n'a pas porté atteinte à l'équité du procès du requérant. Il soutient que ni les supérieurs hiérarchiques de ce juge ni les autorités publiques qui l'ont nommé à la cour n'avaient d'intérêt à la procédure ou à l'issue de l'affaire. De surcroît, la condamnation du requérant fut ultérieurement confirmée par la Cour de cassation, dont l'indépendance et l'impartialité ne sont pas mises en cause par le requérant (paragraphe 20 ci-dessus).
70.  Le Gouvernement rappelle également à la Cour la nécessité d'accorder une attention particulière à la situation qui régnait quant à la sécurité lorsqu'a été prise la décision d'instituer des cours de sûreté de l'Etat conformément à l'article 143 de la Constitution. Compte tenu de l'expérience acquise par les forces armées en matière de lutte contre le terrorisme, les autorités avaient jugé nécessaire de renforcer ces cours en leur adjoignant un juge militaire, afin qu'il leur transmette les connaissances nécessaires concernant la manière de faire face aux menaces pesant sur la sécurité et l'intégrité de l'Etat.
71.  La Commission conclut que la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul ne saurait passer pour un tribunal indépendant et impartial aux fins de l'article 6 § 1 de la Convention et renvoie à cet égard à l'avis qu'elle a exprimé dans son rapport (article 31) du 25 février 1997 sur l'affaire Incal c. Turquie, et aux motifs qui l'étayent.
72.  La Cour rappelle que, dans ses arrêts Incal c. Turquie précité (p. 1547) et Çıraklar c. Turquie du 28 octobre 1998 (Recueil 1998-..., p. ...), elle a examiné des arguments similaires à ceux avancés par le Gouvernement en l'espèce. Dans ces arrêts, elle a noté que le statut des juges militaires siégeant au sein des cours de sûreté de l'Etat fournissait bien certains gages d'indépendance et d'impartialité (arrêt Incal précité, p. 1571, § 65). Cependant, elle a également relevé que certaines caractéristiques du statut de ces juges rendaient leur indépendance et leur impartialité sujettes à caution (ibidem, § 68), comme le fait qu'il s'agisse de militaires continuant d'appartenir à l'armée, laquelle dépend à son tour du pouvoir exécutif, le fait qu'ils restent soumis à la discipline militaire et le fait que leurs désignation et nomination requièrent pour une large part l'intervention de l'administration et de l'armée (paragraphes 32-34 ci-dessus).
73.  Comme dans son arrêt Incal, la Cour considère qu'elle n'a pas pour tâche d'examiner in abstracto la nécessité d'instituer des cours de sûreté de l'Etat à la lumière des justifications avancées par le Gouvernement, mais de rechercher si le fonctionnement de la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul a porté atteinte au droit de M. Sürek à un procès équitable, et notamment si ce dernier avait objectivement un motif légitime de redouter un manque d'indépendance et d'impartialité de la part de la cour qui le jugeait (arrêts Incal précité, p. 1572, § 70, et Çıraklar précité, p. ..., § 38).
A cet égard, la Cour n'aperçoit aucune raison de s'écarter de la conclusion à laquelle elle est parvenue en ce qui concerne MM. Incal et Çıraklar qui, comme le requérant, étaient tous deux des civils. Il est compréhensible que l'intéressé, qui répondait devant une cour de sûreté de l'Etat de l'accusation de diffusion de propagande visant à nuire à l'intégrité territoriale de l'Etat et à l'unité nationale, ait redouté de comparaître devant des juges au nombre desquels figurait un officier de carrière, appartenant à la magistrature militaire (paragraphe 32 ci-dessus). De ce fait, il pouvait légitimement craindre que la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul ne se laissât indûment guider par des considérations étrangères à la nature de sa cause. En d'autres termes, les appréhensions du requérant quant au manque d'indépendance et d'impartialité de cette juridiction peuvent passer pour objectivement justifiées. La Cour de cassation n'a pu dissiper ces craintes, faute pour elle de disposer de la plénitude de juridiction (arrêt Incal précité, p. 1573, § 72 in fine).
74.  Partant, la Cour conclut à la violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
IV. application de l’article 41 DE LA Convention
75.  Le requérant demande réparation du dommage matériel et moral ainsi que le remboursement des frais et dépens exposés pour la procédure interne   et devant les institutions de la Convention. Aux termes de l’article 41 de la Convention :
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage matériel
76.  Le requérant sollicite 100 000 francs français (FRF) à titre de compensation de l'amende qu'il a dû acquitter. Il déclare que la somme qu'il réclame en francs français représente la valeur actualisée de l'amende prononcée en 1993 et tient compte du taux élevé de l'inflation que connaît l'Etat défendeur depuis lors.
77.  Le Gouvernement soutient que le montant demandé est exorbitant, connaissant le montant de l'amende en cause. Il ajoute que M. Sürek a été autorisé à la régler par mensualités.
78.  La Cour considère qu'il y a lieu de dédommager le requérant pour l'amende qu'il a dû acquitter. Statuant en équité, elle lui accorde la somme de 3 000 FRF.
B. Dommage moral
79.  Le requérant réclame 80 000 FRF à titre de réparation du dommage moral subi, sans en préciser la nature.
80.  Le Gouvernement soutient qu'il y a lieu de rejeter la demande. A titre subsidiaire, il fait valoir que, si la Cour concluait à la violation de l'un des articles invoqués par le requérant, ce constat constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante.
81.  La Cour estime que le requérant peut passer pour avoir éprouvé un certain désarroi dans les circonstances de l'espèce. Statuant en équité comme le veut l'article 41 de la Convention, elle alloue de ce chef à l'intéressé la somme de 30 000 FRF à titre de réparation du dommage moral.
C. Frais et dépens
82.  Le requérant sollicite le remboursement de ses frais et dépens, qu'il évalue à 50 000 FRF. A l'appui de sa demande, il a soumis à la Cour le contrat qu'il avait conclu avec son avocat concernant le paiement des honoraires pour la présente affaire et pour trois autres dont il a saisi les institutions de la Convention.
83.  Le Gouvernement trouve cette somme excessive par comparaison avec les honoraires que touchent les avocats turcs plaidant devant les juridictions internes et insuffisamment justifiée. Selon lui, l'affaire est simple et n'a pas exigé beaucoup d'efforts de la part de l'avocat du requérant, qui a pu utiliser sa propre langue tout au long de la procédure. Il met en garde contre l'octroi d'une réparation qui ne serait qu'une source d'enrichissement injuste compte tenu de la situation socio-économique que connaît l'Etat défendeur.
84.  La Cour note que l'avocat du requérant a été associé à la préparation d'autres affaires devant la Cour portant sur des griefs tirés des articles 6 et 10 de la Convention fondés sur des faits comparables. Statuant en équité et dans le respect des critères énoncés dans sa jurisprudence (voir, entre autres, l'arrêt Nikolova c. Bulgarie précité, p. ..., § 79), la Cour alloue au requérant la somme de 15 000 FRF.
D. Intérêts moratoires
85.  La Cour juge approprié de retenir le taux légal applicable en France à la date d'adoption du présent arrêt, soit 3,47 % l'an.
Par ces motifs, la Cour
1. Dit, par seize voix contre une, qu'il y a eu violation de l’article 10 de la Convention ;
2. Rejette, à l'unanimité, l'exception préliminaire soulevée par le Gouvernement sur le terrain de l'article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit, par seize voix contre une, qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;
4. Dit, par seize voix contre une,
a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, les sommes suivantes, à convertir en livres turques au taux applicable à la date du règlement :
i.    3 000 (trois mille) francs français pour dommage matériel ;
ii.   30 000 (trente mille) francs français pour dommage moral ;
iii.  15 000 (quinze mille) francs français pour frais et dépens ;
b)  que ces montants seront à majorer d’un intérêt simple de 3,47 % l’an à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement ;
5. Rejette, à l'unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 8 juillet 1999.
Signé : Luzius Wildhaber     Président
Signé : Paul Mahoney   Greffier adjoint
Au présent arrêt se trouvent joints le texte d'une déclaration de M. Wildhaber et, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement de la Cour, l’exposé des opinions suivantes :
– opinion concordante commune à Mmes Palm, Tulkens, MM. Fischbach et Casadevall et Mme Greve ;
– opinion concordante de M. Bonello ;
– opinion dissidente de M. Gölcüklü.
Paraphé : L. W.    Paraphé : P. J. M. 
Déclaration DE M. le juge wildhaber
(Traduction)
Bien qu'ayant voté pour la non-violation de l'article 6 § 1 de la Convention dans l'affaire Incal c. Turquie (arrêt du 9 juin 1998, Recueil 1998-IV, p. 1547), je considère en l'espèce que je dois me rallier à l'avis de la majorité de la Cour.
opinion concordante COMMUne à mmes palm, tULKENS, MM. fischbach et casadevall  et Mme greve, juges
(Traduction)
Nous souscrivons à la conclusion de la Cour selon laquelle il y a eu, en l’espèce, violation de l’article 10, bien que nous soyons parvenus à ce constat en suivant une approche accordant plus de place au contexte, comme cela a été exposé dans l’opinion partiellement dissidente de Mme Palm relative à l’affaire Sürek c. Turquie (n° 1).
Selon nous, dans cette série d’affaires contre la Turquie, la majorité analyse la question qui se pose sous l’angle de l’article 10 en accordant trop de poids aux termes employés dans la publication et pas assez au contexte dans lequel ils ont été utilisés et à leur impact probable. Il est indéniable que les mots en question peuvent paraître peu mesurés, voire violents. Mais dans une démocratie, comme la Cour l’a souligné, même des paroles « de défi » peuvent relever de la protection de l’article 10.
Pour mieux être en accord avec la protection élevée dont bénéficie le discours politique dans la jurisprudence de la Cour, il faut se concentrer moins sur le ton enflammé des termes employés et plus sur les différents aspects du contexte dans lequel ils ont été prononcés. Ce langage visait-il à enflammer ou à inciter à la violence ? Y avait-il un réel risque qu’il ait cet effet en pratique ? Pour répondre à ces questions, il faut procéder à une appréciation soigneuse des nombreux éléments qui composent le tableau d’ensemble dans chaque affaire. Il y a lieu de poser aussi d’autres questions. L’auteur du texte offensant détenait-il un poste influent dans la société de nature à amplifier l’impact de ses propos ? Le texte en cause occupait-il une place de choix, que ce soit dans un grand journal ou dans un autre média, en sorte d’accentuer l’effet des expressions incriminées ? Ces termes ont-ils été prononcés loin de la zone de conflits ou à proximité immédiate de celle-ci ?
Ce n’est qu’en procédant à un examen attentif du contexte dans lequel les mots offensants sont parus que l’on peut établir une distinction pertinente entre des termes choquants et offensants – qui relèvent de la protection de l’article 10 – et ceux qui ne méritent pas d’être tolérés dans une société démocratique.
OPINION concordante DE M. le juge bonello
(Traduction)
J'ai voté avec la majorité pour la violation de l'article 10 mais je n'approuve pas le critère principal retenu par la Cour pour déterminer si l'ingérence des autorités nationales dans le droit du requérant à la liberté d'expression se justifiait dans une société démocratique.
Dans toutes ces affaires dirigées contre la Turquie portant sur la liberté d'expression où intervient la notion d'incitation à la violence, comme dans les précédentes, le critère couramment employé par la Cour semble être le suivant : si les écrits publiés par le requérant soutiennent le recours à la violence ou l'encouragent, sa condamnation par les juridictions nationales se justifiait dans une société démocratique. Cet étalon de mesure est à mon sens par trop insuffisant, ce pourquoi je le rejette.
J'estime que, dans une société démocratique, les autorités nationales sont fondées à sanctionner les personnes incitant à la violence seulement lorsque cette incitation est de nature à créer « un danger clair et présent ». Lorsque l'invitation à recourir à la force est intellectualisée, abstraite et éloignée, dans l'espace et le temps, du lieu où la violence règne ou est sur le point de régner, le droit fondamental à la liberté d'expression doit en règle générale l'emporter.
J'emprunte à l'un des plus éminents spécialistes de droit constitutionnel de tous les temps son jugement sur les propos qui tendent à déstabiliser l'ordre public : « Nous devons perpétuellement exercer notre vigilance face à des tentatives de limitation de l'expression d'opinions que nous abhorrons ou considérons comme macabres, à moins que ces opinions ne menacent d'interférer avec les buts légitimes et impérieux poursuivis par la loi de manière tellement imminente qu'il faille intervenir immédiatement pour sauver le pays. »15
Un Etat ne peut se prévaloir de la défense de la liberté d'expression pour empêcher ou interdire les discours prônant le recours à la force, sauf lorsque pareil discours vise ou risque de viser à inciter à une infraction imminente à la loi ou à en produire une16. Tout est question d'imminence et de degré17.
Pour que soit établi un constat de danger clair et présent justifiant une restriction à la liberté d'expression, il faut prouver soit que l'on s'attend à une explosion imminente de grande violence ou que quelqu'un avait incité à  
cela, soit que la conduite passée du requérant donne lieu de croire que le fait qu'il prône la violence débouchera immédiatement sur des actes graves18
Il ne m'apparaît pas comme une évidence que l'un quelconque des termes reprochés au requérant, pour évocateurs de mort qu'ils puissent sembler à certains, aient pu constituer une menace annonciatrice d'effets dévastateurs et immédiats sur l'ordre public. Il ne m'apparaît pas non plus comme une évidence que la répression instantanée de ces expressions était indispensable pour sauver la Turquie. Elles n'ont créé aucun danger, encore moins un danger clair et imminent. Faute de cela, si elle cautionnait la condamnation du requérant par les juridictions pénales, la Cour soutiendrait la subversion de la liberté d'expression.
En résumé, « un danger découlant d'un discours ne peut être réputé clair et présent que si la réalisation du mal redouté est si imminente qu'il risque de se produire avant qu'une discussion complète ait pu avoir lieu. Si l'on a le temps de dénoncer, par le débat, les mensonges et les erreurs, d'éviter le mal par l'éducation, alors le remède consiste à accorder plus de place à la parole, et non à imposer le silence par la force »19.
oPINION DISSIDENTE DE M. le juge gölcüklü
A mon grand regret, je ne puis conclure avec la majorité de la Cour à la violation de l’article 10 de la Convention. A mon sens, aucune raison valable ne justifie de réfuter en l’espèce la nécessité de l’ingérence en question dans une société démocratique et, en particulier, sa proportionnalité au but que constitue la protection de la sécurité nationale.
Je ne partage pas non plus l’avis de la majorité selon lequel il y a eu violation de l’article 6 § 1 au motif que les cours de sûreté de l’Etat ne sont pas des « tribunaux indépendants et impartiaux » au sens de cet article vu la présence d’un juge militaire en leur sein.
En effet, les considérations générales exposées dans l’arrêt Zana c. Turquie du 25 novembre 1997 et reprises dans l’arrêt Gerger c. Turquie du 8 juillet 1999 sont aussi valables et pertinentes dans cette affaire. Pour éviter toute redite, je me réfère aux paragraphes 1 à 9 de mon opinion dissidente jointe à ce denier arrêt.
Sinon dans sa forme, du moins dans son contenu, l’affaire Sürek c. Turquie n°4 ne diffère point des affaires Zana et Gerger précitées, ni de l’affaire Sürek et Özdemir c. Turquie. Je conclus donc à la non-violation de l’article 10 en l’espèce. L’article intitulé « Le retour de Kawa et Dehak » contenait entre autres des passages comme « la tradition de la rébellion se réveille » et « le temps est venu de régler les comptes ». En outre, l’article en question rappelait qu’un an auparavant étaient parues des allégations selon lesquelles « [l]es bombes pleuvent sur les villages kurdes », « [l]e chef d’état-major a passé en revue les préparatifs de l’offensive » et « [l]e chef des services de renseignements prévoit que beaucoup de sang sera versé ». En outre, le commentaire évoquait l’éventualité qu’en 1993, « contrairement aux années précédentes, l’assemblée nationale du Kurdistan, à tendance pro-PKK, devrait jouer elle aussi un rôle pendant la fête de Newroz » (paragraphes 11 et 13 de l’arrêt). Selon moi, ces passages peuvent objectivement se comprendre comme une incitation à la haine et à la violence. Eu égard à la marge d’appréciation qui doit être accordée aux autorités nationales, je conclus que l’ingérence dénoncée ne saurait passer pour une mesure disproportionnée ; elle peut donc être considérée comme nécessaire dans une société démocratique.
Quant au constat de violation de l’article 6 § 1 de la Convention par la Cour, je me réfère à mon opinion dissidente rédigée en commun, dans l’affaire Incal c. Turquie du 9 juin 1998, avec les éminents juges Thor Vilhjálmsson, Matscher, Foighel, Sir John Freeland, Lopes Rocha, Wildhaber et Gotchev, et à mon opinion dissidente individuelle en l’affaire Çıraklar c. Turquie du 28 octobre 1998. Je suis toujours convaincu que la présence d’un juge militaire au sein d’une cour composée de trois juges dont deux sont des juges civils n’affecte en rien l’indépendance et 
l’impartialité de la cour de sûreté de l’Etat, tribunal de l’ordre judiciaire non-militaire dont les arrêts sont contrôlés par la Cour de cassation.
Je tiens à souligner : 1) que la conclusion de la majorité découle d'un élargissement abusif de la théorie des apparences ; 2) qu’il ne suffit pas de dire, comme l’a fait la majorité au paragraphe 73 de l’arrêt, qu'il est « compréhensible que l’intéressé (…) ait redouté de comparaître devant des juges au nombre desquels figurait un officier de carrière, appartenant à la magistrature militaire » et ainsi s’appuyer purement et simplement sur la jurisprudence Incal (Çıraklar n’étant que la répétition de ce qui était dit dans l’arrêt Incal) ; et 3) que l’avis de la majorité est abstrait et qu’il aurait donc dû être mieux étayé en fait et en droit pour être justifié.
Notes du greffe
1-2.  Entré en vigueur le 1er novembre 1998.   3.  Depuis l’entrée en vigueur du Protocole n° 11, qui a amendé cette disposition, la Cour fonctionne de manière permanente.
2.  Note du greffe : le règlement A s’est appliqué à toutes les affaires déférées à la Cour avant le 1er octobre 1994 (entrée en vigueur du Protocole n° 9) puis, entre cette date et le 31 octobre 1998, aux seules affaires concernant les Etats non liés par ledit Protocole.
3.  Kawa : Héros kurde légendaire qui a mené une révolte de paysans contre le roi Dehak.
4.  Dehak : Roi légendaire du Moyen-Orient censé avoir vécu au 6e siècle av. J.-C.
5.  Newroz : Fête du printemps et du nouvel an dans les traditions kurde et iranienne.
6.  Cette loi, promulguée en vue de la répression des actes de terrorisme, se réfère à une série d’infractions visées au code pénal qu’elle qualifie d’actes « de terrorisme » ou d’actes « perpétrés à des fins terroristes » (articles 3-4) et auxquelles elle s’applique.
7.  Le membre de phrase en italique a été supprimé par un arrêt de la Cour constitutionnelle en date du 31 mars 1992 et a cessé de produire effet le 27 juillet 1993.
8.  Le membre de phrase en italique a été supprimé par un arrêt du 31 mars 1992 de la Cour constitutionnelle et a cessé de produire effet le 27 juillet 1993.
9.  Cette disposition porte sur les peines de substitution et mesures susceptibles d’être prononcées en cas d’infractions punies d’une peine d’emprisonnement.
10.  Cette disposition porte sur le sursis à l’exécution des peines.
11.  Sur la question de savoir s’il y a non-conformité à la loi, la Cour de cassation n’est pas liée par les moyens soulevés devant elle. Par ailleurs, le terme « règle de droit » renvoie à toute source écrite de droit ainsi qu’à la coutume et aux principes déduits de l’esprit de la loi.
12.  Les cours de sûreté de l’Etat ont été instaurées par la loi n° 1773 du 11 juillet 1973, conformément à l’article 136 de la Constitution du 1961. Cette loi fut annulée par la Cour constitutionnelle le 15 juin 1976. Par la suite, ces juridictions furent réintroduites dans l’organisation judiciaire turque par la Constitution de 1982. L’exposé des motifs afférent à ce rétablissement contient le passage suivant :
« Il peut y avoir des actes touchant à l’existence et la pérennité d’un Etat tels que, lorsqu’ils sont commis, une compétence spéciale s’impose pour trancher promptement et dans les meilleures conditions. Pour ces cas-là, il s’avère nécessaire de prévoir des cours de sûreté de l’Etat. Selon un principe inhérent à notre Constitution, il est interdit de créer un tribunal spécial pour connaître d’un acte donné, postérieurement à sa perpétration. Aussi les cours de sûreté de l’Etat ont-elles été prévues par notre Constitution pour connaître des poursuites relatives aux infractions susmentionnées. Comme les dispositions particulières régissant leurs attributions se trouvent fixées au préalable et que les juridictions en question sont créées avant tout acte (…), elles ne sauraient être qualifiées de tribunaux instaurés pour connaître de tel ou tel acte postérieurement à sa commission. »
13.  Ces dispositions sont fondées sur l’article 143 de la Constitution, à l’application duquel elles se rapportent.
14.  Note du greffe : pour des raisons d’ordre pratique il n’y figurera que dans l’édition imprimée (le recueil officiel contenant un choix d’arrêts et de décisions de la Cour), mais chacun peut se le procurer auprès du greffe.
15.  Juge Oliver Wendell Holmes dans Abrahams v. United States, 250 U.S. 616 (1919), p. 630.
16.  Affaire Brandenburg v. Ohio, 395 U.S. 444 (1969), p. 447.
17.  Affaire Schenck v. United States, 294 U.S. 47 (1919), p. 52.
18.  Affaire Whitney v. California, 274 U.S. 357 (1927), p. 376.
19.  Juge Louis D. Brandeis dans Whitney v. California, 274 U.S. 357 (1927), p. 377.
ARRÊT SÜREK (n° 4) DU 8 JUILLET 1999
ARRÊT SÜREK (n° 4)
ARRÊT SÜREK (n° 4)
ARRÊT SÜREK (n° 4)
ARRÊT SÜREK (n° 4) – OPINION CONCORDANTE
DE M. LE JUGE BONELLO
ARRÊT SÜREK (n° 4)
ARRÊT SÜREK (n° 4) – OPINION DISSIDENTE
DE M. LE JUGE GÖLCÜKLÜ


Synthèse
Formation : Cour (grande chambre)
Numéro d'arrêt : 24762/94
Date de la décision : 08/07/1999
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'Art. 10 ; Exceptions préliminaires rejetées (non-épuisement des voies de recours internes, forclusion) ; Violation de l'Art. 6-1 ; Dommage matériel - réparation pécuniaire ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure nationale ; Remboursement partiel frais et depens - procédure de la Convention

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION, (Art. 10-2) DEFENSE DE L'ORDRE, (Art. 10-2) INGERENCE, (Art. 10-2) INTEGRITE NATIONALE, (Art. 10-2) PREVENTION DES INFRACTIONS PENALES, (Art. 10-2) PREVUE PAR LA LOI, (Art. 10-2) SECURITE NATIONALE, (Art. 6) PROCEDURE PENALE, (Art. 6-1) TRIBUNAL IMPARTIAL, (Art. 6-1) TRIBUNAL INDEPENDANT, MARGE D'APPRECIATION


Parties
Demandeurs : SÜREK
Défendeurs : TURQUIE (N° 4)

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1999-07-08;24762.94 ?
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