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12/07/2001 | CEDH | N°42527/98

CEDH | AFFAIRE PRINCE HANS-ADAM II DE LIECHTENSTEIN c. ALLEMAGNE


AFFAIRE PRINCE HANS-ADAM II DE LIECHTENSTEIN  c. ALLEMAGNE
(Requête no 42527/98)
ARRÊT
STRASBOURG
12 juillet 2001
En l’affaire Prince Hans-Adam II de Liechtenstein c. Allemagne,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, siégeant en une Grande Chambre composée des juges dont le nom suit :
Mme E. Palm, présidente,   MM. C.L. Rozakis,    G. Ress,    J.-P. Costa,    A. Pastor Ridruejo,    I. Cabral Barreto,    M. Fischbach,    V. Butkevych,    J. Casadevall,    B. Zupančič,   Mme N. Vajić,   MM

. J. Hedigan,    M. Pellonpää,   Mme M. Tsatsa-Nikolovska,   M. K. Traja,   Mme S. Botoucharova,   M. A. Kovler...

AFFAIRE PRINCE HANS-ADAM II DE LIECHTENSTEIN  c. ALLEMAGNE
(Requête no 42527/98)
ARRÊT
STRASBOURG
12 juillet 2001
En l’affaire Prince Hans-Adam II de Liechtenstein c. Allemagne,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, siégeant en une Grande Chambre composée des juges dont le nom suit :
Mme E. Palm, présidente,   MM. C.L. Rozakis,    G. Ress,    J.-P. Costa,    A. Pastor Ridruejo,    I. Cabral Barreto,    M. Fischbach,    V. Butkevych,    J. Casadevall,    B. Zupančič,   Mme N. Vajić,   MM. J. Hedigan,    M. Pellonpää,   Mme M. Tsatsa-Nikolovska,   M. K. Traja,   Mme S. Botoucharova,   M. A. Kovler,   ainsi que de M. M. de Salvia, jurisconsulte, pour le greffier,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 31 janvier et 27 juin 2001,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 42527/98) dirigée contre la République fédérale d’Allemagne et dont Son Altesse Sérénissime le Prince Hans-Adam II de Liechtenstein (« le requérant ») avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 28 juillet 1998 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Devant la Cour, le requérant est représenté par son conseil. Le gouvernement allemand (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. K. Stoltenberg, Ministerialdirigent.
3.  Le requérant alléguait en particulier avoir été privé d’un accès effectif à un tribunal quant à son action en restitution d’un bien, à savoir un tableau confisqué par l’ex-Tchécoslovaquie en vertu du décret présidentiel no 12. Il prétendait également que les décisions des juridictions allemandes de déclarer son action irrecevable et la restitution consécutive du tableau à la République tchèque avaient emporté violation de son droit de propriété. Il invoquait l’article 6 § 1 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1, lu isolément et combiné avec l’article 14 de la Convention.
4.  La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d’entrée en vigueur du Protocole no 11 à la Convention (article 5 § 2 dudit Protocole).
5.  Elle a été attribuée à la quatrième section de la Cour. Le 6 juin 2000, une chambre composée de M. A. Pastor Ridruejo, président, M. G. Ress, M. I. Cabral Barreto, M. V. Butkevych, Mme N. Vajíc, M. J. Hedigan, M. M. Pellonpää, et de M. V. Berger, greffier de section, a déclaré la requête recevable [Note du greffe : la décision de la Cour est disponible au greffe].
Le gouvernement du Liechtenstein, ayant été informé par le greffier de section de son droit d’intervenir (articles 36 § 1 de la Convention et 61 § 1 du règlement de la Cour), a indiqué qu’il ne souhaitait pas le faire.
Le 14 septembre 2000, la chambre s’est dessaisie au profit de la Grande Chambre, aucune des parties ne s’y étant opposée (articles 30 de la Convention et 72 du règlement).
6.  La composition de la Grande Chambre a été arrêtée conformément aux articles 27 §§ 2 et 3 de la Convention et 24 du règlement. A la suite du déport de M. L. Wildhaber, président de la Cour, Mme E. Palm l’a remplacé à la présidence de la Grande Chambre et M. K. Traja a siégé en qualité de juge.
7.  Une audience s’est déroulée en public au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 31 janvier 2001 (article 59 § 2 du règlement).
Ont comparu :
–  pour le Gouvernement  M. K. Stöhr, Ministerialrat, agent suppléant,  Mme S. Wasum-Rainer, Ministerialrat, conseillère ;
–  pour le requérant  Mes A. Goepfert, conseil,   P. Rädler, avocats au barreau de Düsseldorf,  M. D. Blumenwitz, professeur de droit     à l’université de Würzburg,  Mme G. Klein,  conseillers.
La Cour a entendu en leurs déclarations ainsi qu’en leurs réponses aux questions de plusieurs juges Me Goepfert, Me Rädler, M. Blumenwitz et M. Stöhr.
8.  Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé un mémoire sur la question de la satisfaction équitable au titre de l’article 41 de la Convention.
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
9.  Le requérant, souverain du Liechtenstein, est né en 1945 et réside à Vaduz (Liechtenstein).
A.  Le contexte de l’affaire
10.  Peint par Pieter van Laer, le tableau Scène romaine : le four à chaux (Szene an einem römischen Kalkofen) – également intitulé « Le grand four à chaux » (Der große Kalkofen) – avait été la propriété de feu le père du requérant, ex-souverain du Liechtenstein, et avait fait partie de la collection familiale depuis au moins 1767. Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le tableau se trouvait dans l’un des châteaux de la famille sur le territoire de l’actuelle République tchèque.
11.  En 1946, l’ex-Tchécoslovaquie confisqua les biens du père du requérant qui étaient sis sur son territoire, y compris l’œuvre en question, en vertu du décret no 12 sur « la confiscation et la répartition accélérée des terres agricoles des ressortissants allemands et hongrois et des traîtres et ennemis du peuple tchèque et slovaque » (dekretu prezidenta republiky č. 12/1945 Sb. o konfiskaci a urychleném rozdělení majetku Němců, Mad’arů, zrádců a nepřátel), pris par le président de l’ex-Tchécoslovaquie le 21 juin 1945 (« les décrets Beneš » – « Benešovy dekrety »).
12.  Le 21 novembre 1951, la cour administrative (správní soud) de Bratislava rejeta le recours du père du requérant.
Dans son raisonnement sur le fond de l’affaire, elle déclara que l’organe défendeur était parvenu à la conclusion que l’appelant était un ressortissant allemand au sens de l’article 1 § 1 a) du décret après avoir constaté qu’il s’agissait d’un fait notoire. Elle releva que les moyens de défense contre cette conclusion se limitaient à arguer que rien dans le dossier n’étayait ce constat et qu’il était inutile en conséquence d’approfondir cette question. La cour administrative jugea ce point de vue erroné, étant donné que la disposition pertinente des règlements administratifs n’exigeait pas d’apporter la preuve de faits notoires ; dès lors, aucun élément n’avait à être versé aux dossiers administratifs. Toutefois, la présomption de notoriété du fait aurait pu être écartée par des preuves contraires.
L’appelant n’ayant pas objecté à la notoriété du fait ni prétendu qu’il était en mesure d’apporter des preuves contraires, la cour administrative décida que la conclusion du défendeur demeurait incontestée.
B.  La procédure devant les juridictions allemandes
13.  En 1991, la ville de Cologne reçut le tableau en prêt du bureau des monuments historiques de Brno, en République tchèque.
14.  Le 11 novembre 1991, à la demande du requérant, le tribunal régional (Landgericht) de Cologne prit une ordonnance de référé enjoignant à la ville de Cologne de remettre le tableau à un huissier à la fin de l’exposition. Le tableau fut mis sous séquestre le 17 décembre 1991.
15.  Début 1992, le requérant engagea devant le tribunal régional de Cologne une procédure contre cette ville, demandant que la défenderesse consentît à ce que l’huissier lui rendît le tableau. Il soutint qu’en tant qu’héritier de feu son père, il était le propriétaire du tableau. Il prétendit que l’œuvre n’avait fait l’objet d’aucune mesure d’expropriation en ex-Tchécoslovaquie et que, en toute hypothèse, emportant violation de l’ordre public de la République fédérale d’Allemagne, pareille mesure était nulle et n’avait pas à être prise en compte.
16.  Dans cette procédure, le bureau des monuments historiques de Brno intervint en faveur de la défenderesse. Il fit valoir que le père du requérant avait perdu la propriété du tableau à la suite de la confiscation de celui-ci en 1946 et que la cour administrative de Bratislava avait confirmé la légalité de cette mesure dans sa décision du 21 novembre 1951.
17.  Le 10 octobre 1995, après une audience, le tribunal régional de Cologne débouta le requérant. Selon le tribunal, le chapitre sixième, article 3, de la Convention sur le règlement de questions issues de la guerre et de l’occupation (Vertrag zur Regelung aus Krieg und Besatzung entstandener Fragen – « la Convention sur le règlement ») signée le 23 octobre 1954 entre les Etats-Unis d’Amérique, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la République française et la République fédérale d’Allemagne excluait la compétence de l’Allemagne dans l’affaire du requérant.
Dans ses motifs, le tribunal régional constata qu’aux termes du paragraphe 3, combiné avec le paragraphe 1, dudit article n’étaient pas recevables les réclamations et les actions dirigées contre des personnes qui avaient acquis ou transféré des droits de propriété, en vertu des mesures prises à l’égard des avoirs allemands à l’étranger ou des autres biens saisis au titre des réparations ou des restitutions, ou en raison de l’état de guerre, ou en se fondant sur des accords spécifiques. Ces dispositions avaient été confirmées au moment de l’unification allemande.
D’après le tribunal régional, le chapitre sixième, article 3 § 3, de la Convention sur le règlement s’appliquait mutatis mutandis aux demandes dirigées par le requérant contre la défenderesse, qui avait reçu le tableau en prêt et n’en avait pas acquis la propriété, puisqu’il fallait exclure tout réexamen des mesures susmentionnées.
Le tribunal régional estima que la confiscation des biens du père de l’intéressé en vertu du décret no 12 sur la « confiscation et la répartition accélérée des terres agricoles des ressortissants allemands et hongrois et des traîtres et ennemis du peuple tchèque et slovaque », pris par le président de l’ex-Tchécoslovaquie le 21 juin 1945, constituait une mesure au sens du chapitre sixième, article 3 § 3.
Il rejeta en particulier l’argument du requérant selon lequel cette disposition ne s’appliquait pas, étant donné qu’elle visait uniquement les mesures prises à l’égard des avoirs allemands à l’étranger ou des autres biens et que le père de l’intéressé n’avait jamais été un citoyen allemand. A ce propos, invoquant la jurisprudence de la Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof), le tribunal déclara que le point de vue de l’Etat ayant opéré la confiscation était déterminant. Le but de cette disposition, c’est-à-dire entériner sans autre examen les mesures de confiscation mises en œuvre à l’étranger, ne pouvait être atteint qu’en soustrayant ces mesures au contrôle juridictionnel de l’Allemagne.
En outre, le tribunal régional estima que la mesure de confiscation litigieuse poursuivait l’un des buts mentionnés au chapitre sixième, article 3 § 3. Eu égard à la jurisprudence des cours et tribunaux allemands relative à d’autres « décrets Beneš », en particulier le décret no 108 sur « la confiscation des biens ennemis et le fonds national de réforme », il estima que le décret no 12, tout en poursuivant des buts économiques, tendait à exproprier les biens des ressortissants allemands et hongrois, c’est-à-dire des « biens ennemis ».
Le tribunal régional releva de surcroît que le tableau du père du requérant avait été exproprié en vertu du décret no 12. Les autorités tchécoslovaques compétentes en avaient interprété les dispositions comme s’appliquant au père de l’intéressé, le considérant comme un « ressortissant allemand ». Le père avait en vain interjeté appel de cette décision, qui avait été confirmée par la cour administrative de Bratislava en 1951. Selon le tribunal, les juridictions allemandes ne pouvaient pas contrôler la légalité de la confiscation litigieuse.
Enfin, le tribunal régional estima que la mesure de confiscation s’étendait au tableau en question, qui figurait dans l’inventaire des biens agricoles.
Il écarta la demande du requérant tendant à faire suspendre l’instance dans l’attente de l’issue de la procédure que celui-ci allait engager en vertu de la loi allemande sur la péréquation des charges au profit des victimes de la guerre (Lastenausgleichsgesetz) qui avait trait à la réparation des dommages et pertes résultant notamment des expulsions et des destructions datant de la Seconde Guerre mondiale et de la période d’après-guerre dans la zone de l’Allemagne et de Berlin alors occupée par les Soviétiques. Selon le tribunal, une telle procédure ne permettrait pas de clarifier la question à l’origine du litige dont il était saisi. Indépendamment du point de savoir si le plaignant était d’origine allemande ou non, celui-ci n’avait aucun droit à péréquation en vertu de ladite loi, laquelle s’appliquait seulement aux personnes qui résidaient en République fédérale d’Allemagne ou à Berlin-Ouest au 31 décembre 1952. Quoi qu’il en soit, il n’existait aucun droit à réparation pour la perte d’œuvres d’art (Kunstgegenstände).
18.  Le 9 juillet 1996, le cour d’appel (Oberlandesgericht) de Cologne débouta le requérant. Elle confirma que l’action était irrecevable, le chapitre sixième de la Convention sur le règlement excluant en son article 3 § 1, combiné avec le paragraphe 3, la juridiction de l’Allemagne en ce qui concerne cette demande.
La cour d’appel estima que la notion de juridiction de l’Allemagne comprenait la compétence, découlant de la souveraineté de l’Etat et généralement conférée par l’Etat aux tribunaux, d’administrer la justice. La juridiction de l’Allemagne était déterminée par des accords internationaux, le droit international coutumier et les principes de droit international généralement reconnus. Le chapitre sixième, article 3 § 3 combiné avec le paragraphe 1, de la Convention sur le règlement excluait la juridiction de l’Allemagne concernant les réclamations et les actions dirigées contre des personnes qui, en conséquence de mesures de réparation, avaient directement ou indirectement acquis un droit de propriété sur un bien allemand confisqué à l’étranger.
La cour d’appel confirma que les dispositions en question demeuraient en vigueur en vertu du Traité portant règlement définitif concernant l’Allemagne, signé le 12 septembre 1990. L’article 7 de ce traité, qui prévoyait la fin des droits et responsabilités quadripartites relatifs à Berlin et à l’Allemagne dans son ensemble, fut modifié par l’accord des 27 et 28 septembre 1990 énonçant que la Convention sur le règlement serait suspendue et cesserait ultérieurement d’être en vigueur, à l’exception des dispositions visées au paragraphe 3 de l’accord, notamment le chapitre sixième, article 3 §§ 1 et 3. Cet accord était valable au regard du droit international public et du droit constitutionnel allemand.
En outre, pour la cour d’appel, le chapitre sixième, article 3 § 3, de la Convention sur le règlement s’appliquait à l’affaire du requérant. Selon elle, cette disposition traduisait en matière procédurale l’idée que les rapports juridiques résultant de la liquidation des biens allemands à l’étranger par les puissances étrangères au titre des réparations étaient « définitifs et incontestables » (Endgültigkeit und Unanfechtbarkeit) pour la République fédérale d’Allemagne et les particuliers concernés.
D’après la cour d’appel, les droits constitutionnels du requérant, en particulier son droit de propriété, son droit d’accès à un tribunal et son droit d’obtenir une décision d’une juridiction compétente au regard de la loi (gesetzlicher Richter) n’avaient pas été violés. Les droits fondamentaux protégeaient les individus contre les actes des autorités publiques internes et non contre ceux procédant de l’exercice de la puissance publique par un autre Etat à l’étranger. Dès lors, il n’était pas interdit au législateur national de limiter, le cas échéant, la protection juridique interne contre des violations des droits fondamentaux par un Etat étranger pour atteindre des buts plus importants.
L’application du chapitre sixième, article 3 § 3, de la Convention sur le règlement exigeait, devant une mesure de confiscation déterminée, de prendre en compte le droit interne de l’Etat qui procédait à l’expropriation, puisque cette disposition visait à exclure en Allemagne les actions relatives à des mesures de confiscation prises au titre de la législation sur les biens ennemis.
Pour autant que le requérant contestait la légalité, en particulier au regard du droit international public, de la confiscation et de l’expropriation du bien de son père, la cour d’appel estima que les tribunaux allemands étaient incompétents en vertu du chapitre sixième, article 3 § 3, de la Convention sur le règlement. De même, cette disposition ne permettait pas d’invoquer les principes généraux du droit international public ou l’ordre public allemand lors de l’examen de la recevabilité de l’action. En conséquence, la cour d’appel rejeta l’argument selon lequel les dispositions de la Convention sur le règlement et leur application au requérant en tant que ressortissant et chef d’un Etat neutre violaient le droit de la paix.
D’après la cour d’appel, le tableau en question constituait un avoir à l’étranger, au sens du chapitre sixième, article 3 § 1, de la Convention sur le règlement, tel que visé au paragraphe 3 de l’article 3. Elle releva que le père du requérant n’avait incontestablement jamais eu la nationalité allemande. Toutefois, conformément à la jurisprudence de la Cour fédérale de justice, elle estima que la notion d’« avoirs allemands à l’étranger » devait être interprétée à la lumière du droit de l’Etat ayant procédé à l’expropriation. La confiscation litigieuse avait été jugée conforme à la législation de l’Etat ayant procédé à l’expropriation : les autorités administratives tchécoslovaques compétentes et la cour administrative de Bratislava avaient conclu que le décret présidentiel no 12 du 21 juin 1945 s’appliquait aux biens confisqués au père de l’intéressé. L’article 1 § 1 a) dudit décret prévoyait la confiscation des terres agricoles de « tous les ressortissants allemands ou hongrois », quelle que fût leur citoyenneté. Les notions « ressortissant allemand » ou « origine allemande » (deutsche Volkszugehörigkeit), employées indifféremment à l’époque, comprenaient en tant qu’éléments pertinents la citoyenneté et la nationalité d’une personne, cette dernière dépendant de la langue maternelle. Au moment des faits, les autorités tchécoslovaques avaient sans conteste considéré que le père du requérant était d’origine allemande dans ce sens large.
La cour d’appel estima également que le tableau en question, en tant qu’élément des propriétés agricoles confisquées, était visé par la mesure d’expropriation. Le caractère effectif de l’expropriation ne suscitait aucun doute, puisqu’en vertu de la jurisprudence pertinente il suffisait que pareille mesure ait été mise en œuvre et que les propriétaires antérieurs aient été privés de leur faculté de disposer réellement du bien. En outre, le tableau avait été confisqué au titre des réparations au sens du chapitre sixième, article 3 §§ 1 et 3, de la Convention sur le règlement. La limitation des mesures de confiscation aux ressortissants d’Etats ennemis justifiait en soi une telle conclusion. Les biens des personnes concernées étaient confisqués en tant qu’avoirs ennemis.
Enfin, la cour d’appel considéra que la défenderesse et la partie intervenante entraient dans la catégorie des personnes protégées par le chapitre sixième, article 3 § 3, de la Convention sur le règlement. La juridiction de l’Allemagne était exclue dans tous les cas où le plaignant entendait contester des mesures au sens du chapitre sixième, article 3 § 1.
19.  Le 25 septembre 1997, la Cour fédérale de justice refusa de retenir le pourvoi en cassation du requérant, au motif que l’affaire ne présentait pas une importance fondamentale et n’avait, quoi qu’il en soit, aucune chance de succès.
20.  Le 28 janvier 1998, la troisième chambre de la deuxième section (3. Kammer des zweiten Senats) de la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht) rejeta le recours constitutionnel (Verfassungsbeschwerde) de l’intéressé car il n’avait aucune perspective d’aboutir.
La Cour constitutionnelle fédérale estima en particulier qu’aux fins des décisions à prendre par les juridictions civiles les questions relatives à l’existence ou non de certaines règles de droit international coutumier sur la confiscation d’avoirs neutres ou sur la détermination de la citoyenneté n’étaient pas pertinentes puisqu’elles concernaient la légalité de l’expropriation effectuée par l’ex-Tchécoslovaquie. Les juridictions civiles allemandes ne s’étaient pas prononcées sur cette question et, au regard du droit international public, n’étaient pas tenues de le faire. En outre, dans la mesure où elles avaient considéré l’expropriation comme une mesure au sens du chapitre sixième, article 3 § 1, de la Convention sur le règlement, elles s’étaient expressément gardées de préciser la nationalité du père du requérant. Leur interprétation des termes « mesures à l’égard des avoirs allemands à l’étranger » comme comprenant toute mesure qui, pour l’Etat ayant procédé à l’expropriation, était dirigée contre les avoirs allemands n’était pas sujette à critique au regard du droit constitutionnel. L’exclusion de toute action en justice ne constituait pas un accord au détriment du Liechtenstein, puisque seules la République fédérale d’Allemagne et ses juridictions étaient soumises à cette obligation conventionnelle.
La Cour constitutionnelle fédérale rappela de surcroît que l’exception d’incompétence ne s’analysait pas en une violation du droit de propriété puisque ces clauses et la Convention sur le règlement dans son ensemble visaient à régler des questions remontant à une période antérieure à l’entrée en vigueur de la Loi fondamentale (Grundgesetz) allemande le 23 mai 1949.
Enfin, il n’y avait aucun signe d’arbitraire ou de violation d’autres droits constitutionnels. La Cour constitutionnelle fédérale confirma que le chapitre sixième, article 3 §§ 1 et 3, de la Convention sur le règlement n’avait pas été abrogé par le Traité portant règlement définitif concernant l’Allemagne : si l’Allemagne obtint la pleine souveraineté, ses obligations découlant des traités signés avec les trois puissances ne s’en trouvaient pas modifiées. Tel fut aussi l’avis juridique de la République fédérale et des trois puissances qui sinon n’auraient pas prévu dans un accord distinct la suspension et l’abrogation de certaines parties de la Convention sur le règlement.
L’arrêt fut notifié le 2 février 1998.
21.  Le 9 juin 1998, le tribunal régional de Cologne suspendit son ordonnance de référé du 11 novembre 1991. L’huissier remit alors le tableau à la ville de Cologne qui le rendit à la République tchèque.
II.  LE DROIT INTERNE ET INTERNATIONAL PERTINENT
A.  Le décret Beneš no 12
22.  Le décret Beneš no 12 sur « la confiscation et la répartition accélérée des terres agricoles des ressortissants allemands et hongrois et des traîtres et ennemis du peuple tchèque et slovaque » prévoyait l’expropriation, avec effet immédiat et sans indemnisation, de terres agricoles aux fins de la réforme agraire. Il visait notamment l’ensemble des terres agricoles, y compris les immeubles et meubles qui y étaient attachés, appartenant aux ressortissants allemands et hongrois, quelle que fût leur citoyenneté.
Conformément à l’article 2 dudit décret, il y avait lieu de considérer comme ressortissant allemand ou hongrois toute personne qui, dans un recensement effectué depuis 1929, avait déclaré être de nationalité allemande ou hongroise, ou était devenue membre d’un groupe, d’une formation ou d’un parti politique national constitué de ressortissants allemands ou hongrois.
B.  La Convention sur le règlement de questions issues de la guerre et de l’occupation
23.  Après la capitulation allemande, le 8 mai 1945, les quatre puissances avaient assumé l’autorité suprême en Allemagne, ainsi que l’énonçait la Déclaration des Alliés du 5 juin 1945 (Déclaration concernant la défaite de l’Allemagne et la prise de l’autorité suprême à l’égard de l’Allemagne par le gouvernement provisoire de la République française et par les gouvernements des Etats-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni et de l’Union des Républiques socialistes soviétiques, Recueil des Traités des Nations unies, vol. 68, pp. 190 et suiv.). Les commandements militaires suprêmes des quatre forces alliées administrèrent leurs zones respectives et traitèrent en commun, par le biais du Conseil de contrôle interallié, toutes les questions concernant le pays dans son ensemble – questions militaires, transports, finances, affaires économiques, réparations, justice, prisonniers de guerre, communications, loi et ordre, et affaires politiques.
24.  La Convention sur le règlement de questions issues de la guerre et de l’occupation (« la Convention sur le règlement » – paragraphe 17 ci-dessus) est l’une des « Conventions de Bonn » (Bonner Verträge) signées par la France, les Etats-Unis d’Amérique, le Royaume-Uni et la République fédérale d’Allemagne à Bonn le 26 mai 1952 en vue de la cessation du régime d’occupation.
Les autres Conventions de Bonn sont :
–  la Convention sur les relations entre les Trois Puissances et la République fédérale d’Allemagne (« la Convention sur les relations ») ;
–  la Convention relative aux droits et obligations des forces étrangères et de leurs membres sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne ;
–  la Convention financière.
25.  Ces conventions qui, en tant que telles, n’entrèrent pas en vigueur, furent amendées conformément aux cinq annexes du Protocole sur la cessation du régime d’occupation dans la République fédérale d’Allemagne, l’un des « Accords de Paris » signés à Paris le 23 octobre 1954.
26.  L’article 1 de l’annexe I qui modifie la convention susmentionnée sur les relations énonce que les trois puissances mettront fin au régime d’occupation dans la République fédérale, abrogeront le statut d’occupation et supprimeront les commissariats de Land. La République fédérale d’Allemagne obtient « la pleine autorité d’un Etat souverain sur ses affaires intérieures et extérieures ». Conformément à l’article 2, les trois puissances se réservent les droits « en ce qui concerne Berlin et l’Allemagne dans son ensemble, y compris la réunification de l’Allemagne et un règlement de paix ».
27.  Les Accords de Paris susmentionnés comprennent :
1.  des documents signés par la France et la République fédérale d’Allemagne relatifs aux différends entre les deux Etats (résolution de problèmes culturels, économiques et autres) et au statut de la Sarre ;
2.  des documents signés à la Conférence dite des Quatre Puissances –France, Etats-Unis d’Amérique, Royaume-Uni et République fédérale d’Allemagne – concernant la souveraineté allemande, en particulier :
–  le Protocole susmentionné sur la cessation du régime d’occupation dans la République fédérale d’Allemagne et ses cinq annexes (modifiant la Convention sur les relations, la Convention sur le règlement et les autres Conventions de Bonn) ainsi que des lettres traitant de points spécifiques des Conventions de Bonn ;
–  la Convention sur la présence de forces étrangères dans la République fédérale d’Allemagne (il y a lieu de mentionner à cet égard la Déclaration des trois puissances sur Berlin) ;
3.  des documents signés par la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, la France, le Royaume-Uni, la République fédérale d’Allemagne et l’Italie, dont les textes suivants :
–  Protocole modifiant et complétant le Traité de Bruxelles ;
–  Protocole relatif aux forces des Puissances de l’Union de l’Europe occidentale ;
–  Protocole relatif au contrôle des armements ;
–  Protocole relatif à l’Agence de l’Union de l’Europe occidentale pour le contrôle des armements ;
–  Résolution sur la production et la standardisation des armements ;
4.  des documents signés par les quatorze Parties au Traité de l’Atlantique Nord :
–  Protocole d’accession de la République fédérale d’Allemagne au Traité de l’Atlantique Nord ;
–  Résolution du Conseil de l’Atlantique Nord pour la mise en application de la section IV de l’Acte final de la Conférence de Londres ;
–  Résolution sur les résultats des conférences des Quatre et des Neuf ;
–  Résolution d’association prenant acte des obligations acceptées par la République fédérale d’Allemagne par la signature des Accords de Londres, et de la déclaration relative à ces obligations.
28.  Conformément aux dispositions générales de la Convention sur le règlement (Bundesgesetzblatt II – Journal officiel, 31 mars 1955, pp. 405 et suiv.), telle qu’amendée par l’annexe IV du Protocole sur la cessation du régime d’occupation dans la République fédérale d’Allemagne (paragraphe 25 ci-dessus), les autorités fédérales et les autorités de Land ont le pouvoir d’abroger ou d’amender la législation édictée par les autorités d’occupation.
Toutefois, sur plusieurs autres points, ladite convention maintient le statu quo. En particulier, les droits et obligations créés ou institués par des mesures législatives, judiciaires ou administratives prises par les autorités d’occupation sont et demeureront valables à tous égards en droit allemand. Il en est de même pour les droits et obligations résultant des traités et des accords internationaux conclus pour le compte des trois zones occidentales d’occupation par les autorités d’occupation ou par les gouvernements des trois puissances. De plus, la Convention énonce qu’aucune personne ne sera poursuivie par l’action de tribunaux allemands ou d’autorités allemandes du fait qu’elle a manifesté des sentiments de sympathie, ou apporté son aide, ou fourni des renseignements ou rendu des services aux trois puissances ou à leurs alliés. Les autorités et tribunaux allemands ne seront en principe pas compétents pour connaître d’instances, pénales ou non, relatives à un acte ou à une omission intervenus avant la date d’entrée en vigueur de la convention si, immédiatement avant cette date, les tribunaux allemands et les autorités allemandes n’avaient pas compétence à l’égard de cet acte ou de cette omission, soit ratione materiae, soit ratione personae. Cette convention confirme le caractère définitif (Rechtskraft), la validité et la force exécutoire des jugements et décisions, en matière pénale et non pénale, rendus en Allemagne par un tribunal ou par une autorité judiciaire des trois puissances.
29.  Le chapitre sixième de la Convention sur le règlement traite des questions de réparation ; le passage pertinent de son article 3 dispose :
« 1.  La République fédérale ne soulèvera, dans l’avenir, aucune objection contre les mesures qui ont été prises ou qui seront prises à l’égard des avoirs allemands à l’étranger ou des autres biens saisis au titre des réparations ou des restitutions, ou en raison de l’état de guerre, ou en se fondant sur les accords que les Trois Puissances ont conclus ou pourront conclure avec d’autres pays alliés, avec des pays neutres ou avec d’anciens alliés de l’Allemagne.
3.  Ne sont pas recevables les réclamations et les actions dirigées contre des personnes qui ont acquis ou transféré des droits de propriété, en vertu des mesures visées au paragraphe 1 (...) du présent article, ainsi que contre des organismes internationaux, des gouvernements étrangers ou des personnes qui ont agi sur instruction de ces organismes ou de ces gouvernements étrangers. »
C.  L’Accord de Paris sur les réparations
30.  A la Conférence sur les réparations tenue à Paris en novembre et décembre 1945 et réunissant dix-huit nations, les Etats participants, y compris l’ex-Tchécoslovaquie, décidèrent de mesures détaillées, fondées sur les engagements de Potsdam (dispositions convenues à Potsdam le 1er août 1945 entre les gouvernements des Etats-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et de l’Union des Républiques socialistes soviétiques) en vue de répartir équitablement entre eux le total des biens déclarés disponibles au titre des réparations à recevoir de l’Allemagne, de créer une Agence Interalliée des Réparations et d’établir une procédure équitable pour la restitution de l’or monétaire.
L’Accord de Paris (accord concernant les réparations à recevoir de l’Allemagne, l’institution d’une Agence Interalliée des Réparations et la restitution de l’or monétaire du 14 janvier 1946, Recueil des Traités des Nations unies, vol. 555, p. 69) définit notamment les quotes-parts à recevoir par chaque pays au titre des réparations allemandes. Aux termes de l’accord, l’Agence Interalliée des Réparations, instituée conformément à la partie II, débitera le compte réparations de chacun des gouvernements signataires des avoirs allemands soumis à sa juridiction et tiendra une comptabilité détaillée des biens disponibles au titre des réparations allemandes et des biens répartis à ce titre.
D.  La loi sur les pertes dues aux réparations
31.  La loi du 12 février 1969 sur les pertes dues aux réparations (Gesetz zur Abgeltung von Reparations-, Restitutions-, Zerstörungs- und Rückerstattungsschäden – Reparationsschädengesetz, Journal officiel I, 1969, p. 105) est l’une des lois qui furent adoptées pour régler les conséquences de la Seconde Guerre mondiale et de la chute du régime national-socialiste.
32.  L’article 2 § 1 définissait en termes généraux les pertes dues aux réparations ; le passage pertinent se lisait ainsi :
« Aux fins de la présente loi, il faut entendre par perte due aux réparations toute perte survenue dans le contexte des événements et des suites de la Seconde Guerre mondiale, y compris le régime d’occupation, et résultant du retrait de biens économiques
1. dans les territoires est-allemands actuellement occupés ou dans les territoires en dehors du Reich allemand en vertu des mesures mises en œuvre par des Etats étrangers à l’égard des avoirs allemands, en particulier au titre de la législation sur les biens ennemis,
33.  Les articles 11 à 16 énonçaient les conditions d’indemnisation des pertes. La loi était circonscrite aux pertes subies par les personnes physiques (article 13 § 1). Pour les pertes survenues dans les territoires est-allemands alors occupés ou dans les territoires en dehors du Reich allemand, la loi disposait que seuls les ressortissants allemands ou les personnes d’origine allemande (deutscher Volkszugehöriger) qui, au moment de la perte, étaient apatrides ou n’avaient que la nationalité d’un Etat où ils avaient subi des mesures d’expropriation ou d’expulsion en raison de leur origine allemande pouvaient demander réparation (article 13 § 2). L’article 15 énumérait les œuvres d’art et les collections parmi les pertes exclues de toute indemnisation. Le délai pour demander réparation au titre de la loi a expiré le 31 décembre 1974 (article 53).
E.  Les textes juridiques concernant l’unification allemande
34.  En 1990, parallèlement aux événements en Allemagne, les quatre puissances (France, Union soviétique, Royaume-Uni et Etats-Unis) négocièrent la suspension de leurs droits réservés pour Berlin et l’Allemagne dans son ensemble.
Le Traité portant règlement définitif concernant l’Allemagne (traité dit « Deux plus Quatre ») fut finalement signé à Moscou le 12 septembre 1990 et publié au Journal officiel allemand le 13 octobre 1990 (pp. 1308 et suiv.). Le traité confirme en particulier le caractère définitif des frontières de l’Allemagne unie (article 1). Aux termes de l’article 7, les quatre puissances mettent fin à leurs droits et responsabilités relatifs à Berlin et à l’Allemagne dans son ensemble ; en conséquence, il est mis fin aux accords, décisions et pratiques quadripartites correspondants et l’Allemagne unie obtient la pleine souveraineté sur ses affaires intérieures et extérieures. Le traité entra en vigueur le 15 mars 1991.
35.  Quant aux conventions susmentionnées sur les relations et le règlement, telles qu’amendées, les gouvernements de la République fédérale d’Allemagne, de la République française, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et des Etats-Unis d’Amérique conclurent, à la suite d’un échange de lettres les 27 et 28 septembre 1990, un accord qui entra en vigueur à cette dernière date (Journal officiel II, 8 novembre 1990, pp. 1386 et suiv.).
Cet accord dispose notamment :
« 1.  La Convention sur les relations entre les trois puissances et la République fédérale d’Allemagne en date du 26 mai 1952 (...) (ci-après dénommée « la Convention sur les relations ») sera suspendue au moment de la suspension de l’exercice des droits et responsabilités des quatre puissances en ce qui concerne Berlin et l’Allemagne dans son ensemble ; elle cessera d’être en vigueur à la date d’entrée en vigueur du Traité portant règlement définitif concernant l’Allemagne, signé à Moscou le 12 septembre 1990.
2.  Sous réserve des dispositions du paragraphe 3 ci-dessous, la Convention sur le règlement de questions issues de la guerre et de l’Occupation en date du 26 mai 1952 (...) (ci-après dénommée « la Convention sur le règlement ») sera suspendue en même temps que la Convention sur les relations ; (...)
3.  Les dispositions suivantes de la Convention sur le règlement demeureront cependant en vigueur :
Chapitre VI :
Article 3, paragraphes 1 et 3
36.  L’union politique de la République fédérale d’Allemagne et de la République démocratique allemande fut réalisée le 3 octobre 1990, avec l’accession (conformément à l’article 23 de la Loi fondamentale) des cinq Länder qui avaient été rétablis en République démocratique allemande.
F.  Le droit international privé allemand
37.  Le deuxième chapitre de la loi d’introduction au code civil (Einführungsgesetz zum Bürgerlichen Gesetzbuch), telle qu’en vigueur à l’époque des faits (modifiée par la loi portant réforme du droit international privé – Gesetz zur Neuregelung des Internationalen Privatrechts – Journal officiel I, 25 juillet 1986, p. 1142), renfermait les dispositions légales du droit international privé allemand sur les droits des personnes physiques et les dispositions sur les transactions juridiques, le droit de la famille et le droit des successions. Ce texte ne réglementait pas les questions de propriété et, avant l’entrée en vigueur de la loi de 1999 sur le droit international privé (Gesetz zum internationalen Privatrecht für ausservertragliche Schuldverhältnisse und für Sachen, Journal officiel I, 21 mai 1999, p. 1026, portant modification du chapitre 2 de la loi d’introduction au code civil), les juridictions allemandes appliquaient le droit coutumier, c’est-à-dire en règle générale la lex rei sitae. Conformément à l’article 6 de la loi d’introduction au code civil, les dispositions légales d’un Etat étranger ne devaient pas être appliquées si cela devait entraîner des résultats incompatibles avec les principes fondamentaux du droit allemand (ordre public).
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION
38.  Le requérant allègue la violation de l’article 6 § 1, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
39.  Les griefs de l’intéressé ont trait à son droit d’accès à un tribunal et à l’iniquité alléguée de la procédure devant la Cour constitutionnelle fédérale.
A.  Applicabilité de l’article 6 § 1 de la Convention
40.  La Cour relève que la procédure litigieuse devant les juridictions allemandes concernait la demande du requérant en restitution d’un tableau qui avait appartenu à feu son père, l’ex-souverain du Liechtenstein, et été confisqué par l’ex-Tchécoslovaquie en 1946. Contestant en particulier la validité de ladite expropriation, le requérant soutenait qu’en tant qu’héritier il était le propriétaire du tableau en question.
Le Gouvernement ne nie pas que cette procédure visait à décider « d’une contestation sur des droits de caractère civil » de l’intéressé. Dans ces conditions et étant donné que les arguments des comparants devant elle se rapportent à l’observation de l’article 6 § 1, la Cour se propose de partir du principe que celui-ci s’applique en l’espèce.
B.  Le droit d’accès à un tribunal
1.  Thèses des comparants
a)  Le requérant
41.  Le requérant soutient que les décisions des juridictions allemandes déclarant son action irrecevable en vertu du chapitre sixième, article 3 §§ 1 et 3, de la Convention sur le règlement s’analysent en un refus d’accès à un tribunal.
Selon lui, l’interprétation que les tribunaux allemands ont donnée en l’espèce de la Convention sur le règlement était contraire au droit international et, par conséquent, à la Convention. A son avis, la confiscation de biens liechtensteinois par les autorités de l’ex-Tchécoslovaquie ne saurait passer pour une confiscation d’« avoirs allemands à l’étranger » au sens du chapitre sixième, article 3 § 1, de la Convention sur le règlement. Dans la procédure engagée par son père en sa qualité de chef de l’Etat souverain du Liechtenstein, le constat formulé en 1951 par la cour administrative de Bratislava, à savoir que « l’origine ethnique allemande » de l’intéressé était « notoire », est incompréhensible.
Rappelant la souveraineté du Liechtenstein et sa neutralité durant la Seconde Guerre mondiale, le requérant estime en outre que les tribunaux allemands ont arbitrairement admis que les biens dont son père était propriétaire avaient été saisis « au titre des réparations ». Dans le cadre de l’Accord de Paris sur les réparations, signé en 1946, la Tchécoslovaquie n’a jamais imputé à son compte de réparations en tant qu’« avoirs allemands à l’étranger » les biens liechtensteinois confisqués. Rien n’indique que la Convention sur le règlement entendait couvrir les mesures de confiscation visant des biens neutres et qu’elle devait être interprétée de façon contraire au droit de la neutralité.
Enfin, selon le requérant, le droit international coutumier interdit la confiscation d’œuvres d’art.
b)  Le Gouvernement
42.  Le Gouvernement déclare que ladite disposition de la Convention sur le règlement s’était imposée pour rétablir d’abord partiellement, puis totalement, la souveraineté de l’Allemagne et pour assurer la reconnaissance des biens allemands. La souveraineté a été accordée ex nunc à la République fédérale et l’exclusion de sa juridiction tendait à éviter que les décisions et mesures prises par les Alliés à l’époque de l’occupation de l’Allemagne ne fussent contestées a posteriori.
Il souligne que l’Allemagne n’a aucune influence sur la privation de propriété ni sur l’organisation des relations patrimoniales dans l’ex-Tchécoslovaquie et les Etats qui lui ont succédé. L’exclusion de la juridiction de l’Allemagne, prévue par la Convention sur le règlement et maintenue dans l’accord des 27 et 28 septembre 1990 à la suite du Traité « Deux plus Quatre », ne porte ni préjudice ni atteinte de facto au pouvoir de disposer de biens. Cela vaut au moins pour la plupart des cas où des biens sont demeurés sur le territoire de l’ex-Tchécoslovaquie. Ladite disposition a seulement des incidences de nature procédurale et n’implique aucune qualification des mesures de confiscation individuelles. D’ailleurs, seule la juridiction de l’Allemagne est exclue, et non la possibilité de saisir des tribunaux étrangers. En particulier, rien n’interdit au requérant d’engager une procédure devant les tribunaux tchèques ou slovaques pour réclamer la restitution du bien confisqué en 1946. Enfin, une disposition légale et une obligation internationale ne peuvent s’appliquer qu’à des situations ordinaires et non à des cas exceptionnels.
Le Gouvernement affirme en outre que les tribunaux allemands ont motivé leurs décisions de façon claire et intelligible. La question de savoir si leur interprétation du chapitre sixième, article 3, de la Convention sur le règlement est correcte ou non dans un cas particulier n’est pas pertinente. En tout cas, eu égard au raisonnement adopté par la cour administrative de Bratislava, l’hypothèse des juridictions allemandes selon laquelle le bien avait été saisi en tant qu’avoir allemand au titre des réparations dans un sens plus général n’était pas arbitraire, mais défendable. Les dispositions concernées du décret Beneš no 12 établissent une distinction entre citoyenneté et nationalité ou « ethnicité », critère que l’on retrouve dans les lois de confiscation d’autres Etats d’Europe de l’Est ou dans la législation allemande.
2.  Appréciation de la Cour
a)  Principes généraux
43.  Premièrement, la Cour rappelle que l’article 6 § 1 garantit à toute personne le droit à ce qu’un tribunal connaisse de toute contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil. Il consacre de la sorte le « droit à un tribunal », dont le droit d’accès, à savoir le droit de saisir le tribunal en matière civile, ne constitue qu’un aspect (Golder c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1975, série A no 18, p. 18, § 36, et Waite et Kennedy c. Allemagne [GC], no 26083/94, § 50, CEDH 1999-I).
44.  Le droit d’accès aux tribunaux, reconnu par l’article 6 § 1 de la Convention, n’est pas absolu : il se prête à des limitations implicitement admises car il commande de par sa nature même une réglementation par l’Etat. Les Etats contractants jouissent en la matière d’une certaine marge d’appréciation. Il appartient pourtant à la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention ; elle doit se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas l’accès offert à l’individu d’une manière ou à un point tels que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même. En outre, pareille limitation ne se concilie avec l’article 6 § 1 que si elle tend à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Waite et Kennedy précité, § 59, T.P. et K.M. c. Royaume-Uni [GC], no 28945/95, § 98, CEDH 2001-V, et Z et autres c. Royaume-Uni [GC], no 29392/95, § 93, CEDH 2001-V).
Si la restriction est compatible avec ces principes, il n’y a pas violation de l’article 6.
45.  A cet égard, il y a lieu de rappeler que la Convention a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs. La remarque vaut en particulier pour le droit d’accès aux tribunaux, vu la place éminente que le droit à un procès équitable occupe dans une société démocratique (Waite et Kennedy précité, § 67).
46.  Deuxièmement, quant à la responsabilité des Hautes Parties contractantes au regard de la Convention, la Cour souligne qu’aux termes de l’article 1 celles-ci « reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis [dans] la (...) Convention ».
L’article 1 ne fait aucune distinction quant au type de normes ou de mesures en cause et ne soustrait aucune partie de la « juridiction » des Etats membres à l’empire de la Convention (Parti communiste unifié de Turquie et autres c. Turquie, arrêt du 30 janvier 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-I, pp. 17-18, § 29).
47.  Dès lors, les Etats membres demeurent responsables même lorsque, postérieurement à l’entrée en vigueur de la Convention et de ses Protocoles à leur égard, ils ont assumé des engagements découlant de traités (voir, mutatis mutandis, Matthews c. Royaume-Uni [GC], no 24833/94, §§ 29, 32-34, CEDH 1999-I).
48.  La Cour rappelle à cet égard que lorsque des Etats créent des organisations internationales pour coopérer dans certains domaines d’activité ou pour renforcer leur coopération, et qu’ils transfèrent des compétences à ces organisations et leur accordent des immunités, la protection des droits fondamentaux peut s’en trouver affectée. Toutefois, il serait contraire au but et à l’objet de la Convention que les Etats contractants soient ainsi exonérés de toute responsabilité au regard de la Convention dans le domaine d’activité concerné. Pour déterminer si l’immunité d’une organisation internationale devant les juridictions nationales est admissible au regard de la Convention, il importe d’examiner s’il existe d’autres voies raisonnables pour protéger efficacement les droits garantis par la Convention (Waite et Kennedy précité, §§ 67-68).
49.  Troisièmement, la Cour réitère les principes fondamentaux qui se dégagent de sa jurisprudence relative à l’interprétation et à l’application du droit interne.
Si, aux termes de l’article 19 de la Convention, la Cour a pour tâche d’assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Etats contractants, il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention.
50.  De plus, il incombe au premier chef aux autorités nationales, et singulièrement aux cours et tribunaux, d’interpréter et d’appliquer le droit interne. Il en va de même lorsque le droit interne renvoie à des dispositions du droit international général ou d’accords internationaux. Le rôle de la Cour se limite à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de pareille interprétation (Waite et Kennedy précité, § 54, et, comme exemple récent, Streletz, Kessler et Krenz c. Allemagne [GC], nos 34044/96, 35532/97, 44801/98, § 49, CEDH 2001-II).
b)  Application de ces principes à l’espèce
51.  Dans la présente affaire, à l’appui de sa demande en restitution, le requérant, en tant qu’héritier de feu son père, a soutenu que le tableau n’avait fait l’objet d’aucune mesure d’expropriation en ex-Tchécoslovaquie et que, en toute hypothèse, emportant violation de l’ordre public de la République fédérale d’Allemagne, pareille mesure était nulle et n’avait pas à être prise en compte. Les tribunaux allemands n’ont pas examiné ces arguments relatifs aux dispositions du droit international privé allemand et au fond de la demande de l’intéressé ; ils se sont limités à la question préliminaire de savoir si le chapitre sixième, article 3, de la Convention sur le règlement excluait la juridiction de l’Allemagne et ont déclaré l’action irrecevable par l’effet de la loi. La Cour fédérale de justice et la Cour constitutionnelle fédérale ont refusé de retenir le recours de l’intéressé.
52.  La Cour estime que le requérant a de ce fait été privé de son droit d’obtenir une décision sur le fond de sa demande en restitution, en application des règles de droit international privé. Il lui faut déterminer si les cours et tribunaux allemands étaient autorisés, au regard de l’article 6 § 1 de la Convention, à restreindre le droit d’accès de l’intéressé à un tribunal pour donner effet aux dispositions d’un accord international excluant la juridiction de l’Allemagne en ce qui concerne les « mesures qui ont été prises ou qui seront prises à l’égard des avoirs allemands à l’étranger saisis au titre des réparations ou des restitutions ».
53.  La Cour doit d’abord rechercher si la restriction en soi poursuivait un but légitime.
54.  Elle relève d’emblée qu’au moment de la ratification de la Convention, le 5 décembre 1952, la République fédérale d’Allemagne était toujours un pays occupé relevant de l’autorité suprême des quatre puissances – France, Etats-Unis d’Amérique, Royaume-Uni et Union soviétique. Telle était la situation, notoire, lorsque la Convention est entrée en vigueur le 3 septembre 1953.
La Convention sur le règlement fait partie d’une série d’accords, signés par la France, les Etats-Unis d’Amérique, le Royaume-Uni et la République fédérale d’Allemagne en 1952 et modifiés conformément aux cinq annexes du Protocole sur la cessation du régime d’occupation dans la République fédérale d’Allemagne, signé le 23 octobre 1954 (paragraphes 24-28 ci-dessus).
L’annexe I amendant la Convention sur les relations dispose que les puissances d’occupation mettront fin au régime d’occupation dans la République fédérale, abrogeront le statut d’occupation et supprimeront les commissariats de Land, et que la République fédérale exercera en conséquence « la pleine autorité d’un Etat souverain sur ses affaires intérieures et extérieures ». Cependant, les puissances d’occupation se réservèrent les droits « en ce qui concerne Berlin et l’Allemagne dans son ensemble, y compris la réunification de l’Allemagne et un règlement de paix » et des forces étrangères demeurèrent stationnées en République fédérale. Des dispositions particulières furent prises quant à la validité des droits et obligations créés ou institués par les autorités d’occupation ou dans le cadre du régime d’occupation et quant à la validité, au caractère définitif et à la force exécutoire des jugements et décisions rendus par elles.
55.  La Cour estime qu’en négociant les termes de la Convention sur le règlement et les accords y afférents, il ne s’agissait pas pour la République fédérale d’obtenir un transfert de compétences ou de restreindre dans certains domaines une souveraineté qu’elle possédait déjà, mais d’obtenir que lui fût transférée l’autorité souveraine et qu’il fût mis fin au régime d’occupation (voir, mutatis mutandis, Kahn c. Allemagne, no 235/56, décision de la Commission du 10 juin 1958, Annuaire 2, pp. 257 et suiv., p. 301 ; et Hess c. Royaume-Uni, no 6231/73, décision de la Commission du 28 mai 1975, Décisions et rapports (DR) 2, p. 72).
56.  La Cour reconnaît qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale la République fédérale d’Allemagne n’était pas en mesure de s’opposer aux trois puissances qui entendaient exclure un contrôle par les cours et tribunaux allemands des mesures de confiscation prises à l’égard des avoirs allemands à l’étranger au titre des réparations ou imposer d’autres restrictions à la juridiction de l’Allemagne dans le cadre de la Convention sur le règlement.
A ce propos, la Cour ajoute que ce ne sont pas seulement des Parties contractantes à la Convention qui ont participé à ces négociations. Vis-à-vis des Etats-Unis d’Amérique, la République fédérale d’Allemagne ne pouvait invoquer aucune obligation au titre de la Convention.
57.  La Cour constate que cette situation a perduré jusqu’en 1990 ; c’est alors que, parallèlement à l’évolution de l’Allemagne vers l’unification, les quatre puissances ont entamé des négociations qui ont abouti au Traité portant règlement définitif concernant l’Allemagne, signé le 12 septembre 1990 et entré en vigueur le 15 mars 1991. Ce traité, dit « Deux plus Quatre », dispose en son article 7 qu’il est mis fin aux droits et responsabilités des quatre puissances relatifs à Berlin et à l’Allemagne dans son ensemble et que l’Allemagne unie jouira de la pleine souveraineté. Un accord additionnel conclu entre les trois puissances et la République fédérale d’Allemagne le 28 septembre 1990 traite de la suspension de la Convention sur les relations et de la Convention sur le règlement et énonce notamment que certaines dispositions de cette dernière, notamment l’article 3 de son chapitre sixième, demeureront en vigueur.
58.  La Cour considère que cinquante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’un règlement définitif concernant l’Allemagne et l’unification des deux Etats allemands étaient en vue, la position de la République fédérale d’Allemagne n’avait pas changé. Dans les négociations avec les trois puissances, elle a dû accepter le maintien de cette limitation spécifique de sa juridiction.
59.  Pour la Cour, l’exclusion de la juridiction de l’Allemagne en vertu du chapitre sixième, article 3, de la Convention sur le règlement est une conséquence du statut particulier de ce pays au regard du droit international public après la Seconde Guerre mondiale. Ce n’est qu’à la suite des Accords de Paris de 1954 relatifs à la République fédérale d’Allemagne et du Traité de 1990 portant règlement définitif concernant l’Allemagne que la République fédérale a obtenu la cessation du régime d’occupation et l’autorité d’un Etat souverain sur ses affaires intérieures et extérieures pour l’Allemagne unie. Dans ce contexte tout à fait particulier, la restriction à l’accès à une juridiction allemande, découlant de la Convention sur le règlement, poursuivait un but légitime.
60.  Etant parvenue à cette conclusion, la Cour se penchera ensuite sur l’interprétation et l’application de ladite disposition en l’espèce.
61.  Les cours et tribunaux allemands ont conclu que les conditions posées par le chapitre sixième, article 3, de la Convention sur le règlement étaient réunies pour déclarer l’action du requérant irrecevable, l’Allemagne n’ayant pas juridiction.
Le tribunal régional de Cologne a estimé que ladite disposition excluait tout contrôle, par les juridictions allemandes, des mesures prises à l’égard des avoirs allemands à l’étranger ou des autres biens saisis au titre des réparations ou des restitutions, ou en raison de l’état de guerre, ou en se fondant sur des accords spécifiques. Dans sa réponse au requérant qui faisait valoir que cette disposition ne trouvait pas à s’appliquer au motif qu’elle visait les mesures prises à l’égard des avoirs allemands à l’étranger et que son père n’avait jamais été citoyen allemand, le tribunal régional, reconnaissant que le père du requérant n’avait jamais eu la nationalité allemande, a jugé déterminant l’avis de l’Etat ayant opéré la confiscation. Les autorités de l’ex-Tchécoslovaquie avaient exproprié le tableau en question, en tant qu’élément de l’inventaire des biens agricoles, en vertu des dispositions du décret Beneš no 12, tenant le père du requérant pour un « ressortissant allemand ». La cour d’appel de Cologne a confirmé que le chapitre sixième, article 3, de la Convention sur le règlement devait être appliqué à la lumière du droit de l’Etat ayant procédé à l’expropriation, étant donné que cette disposition visait à exclure toute action en justice concernant des mesures de confiscation fondées sur la législation sur les biens ennemis.
La Cour constitutionnelle fédérale a estimé que l’interprétation donnée par les juridictions civiles n’était pas arbitraire et ne pouvait être contestée au regard du droit constitutionnel allemand.
62.  La Cour constate que le chapitre sixième, article 3, de la Convention sur le règlement exclut la juridiction de l’Allemagne pour toute action en justice concernant « les mesures (...) prises à l’égard des avoirs allemands à l’étranger ou des autres biens saisis au titre des réparations ». Au cours des négociations tendant à la cessation du régime d’occupation, les trois puissances ont ainsi maintenu une restriction aux droits souverains de la République fédérale d’Allemagne en matière de restitution, qui lui avaient été transférés en vertu de la Convention sur le règlement. Compte tenu de l’objet et du but de ladite Convention et de son contexte politique, il n’était pas déraisonnable pour les tribunaux allemands de considérer que la logique du système excluait tout contrôle par l’Allemagne des mesures de confiscation prises par les trois puissances ou d’autres pays alliés au titre des réparations.
63.  En l’espèce, les juridictions allemandes possédaient des éléments indiquant que, lorsqu’elles avaient confisqué le tableau en question en tant qu’élément des biens agricoles du père du requérant, les autorités de l’ex-Tchécoslovaquie avaient pris une mesure concernant « des avoirs allemands à l’étranger ou des autres biens saisis au titre des réparations ». En particulier, le bien avait été confisqué en application du décret no 12 sur « la confiscation et la répartition accélérée des terres agricoles des ressortissants allemands et hongrois et des traîtres et ennemis du peuple tchèque et slovaque ». En outre, dans la procédure devant la cour administrative de Bratislava, les autorités administratives de l’ex-Tchécoslovaquie avaient précisé qu’elles tenaient le père du requérant pour un ressortissant allemand au sens dudit décret.
64.  A ce propos, la Cour relève qu’il n’incombait pas aux juridictions allemandes de rechercher si le critère appliqué dans la procédure devant la cour administrative de Bratislava qui a débouché sur la décision de novembre 1951 était adéquat, en particulier sous la perspective des garanties procédurales de la Convention (voir, mutatis mutandis, Drozd et Janousek c. France et Espagne, arrêt du 26 juin 1992, série A no 240, p. 34, § 110).
65.  Eu égard à ces constats et au pouvoir de contrôle restreint de la Cour (paragraphes 49-50 ci-dessus), l’on ne saurait affirmer que l’interprétation donnée par les juridictions allemandes du chapitre sixième, article 3, de la Convention sur le règlement était en contradiction avec la jurisprudence antérieure des cours et tribunaux allemands ou que l’application de cette disposition était manifestement erronée ou de nature à conduire à des conclusions arbitraires.
66.  En outre, pour rechercher si la restriction au droit d’accès du requérant aux tribunaux allemands se conciliait avec les principes dégagés dans sa jurisprudence (paragraphes 44-48 ci-dessus), la Cour attachera une importance particulière à la nature des demandes de l’intéressé concernant le tableau en question. Ce tableau avait été exproprié en 1946 par les autorités de l’ex-Tchécoslovaquie en tant qu’élément des propriétés agricoles du père du requérant sises dans ce pays et est demeuré sur le territoire de l’ex-Tchécoslovaquie et, par la suite, sur celui de la République tchèque. Comme l’a souligné le Gouvernement, l’exclusion de la juridiction de l’Allemagne n’a eu aucune incidence dans la plupart des cas où les biens sont restés sur le territoire de l’Etat ayant procédé à l’expropriation. Ce sont les juridictions de l’ex-Tchécoslovaquie, par le passé, et celles de la République tchèque ou de la République slovaque, par la suite, qui ont été le véritable cadre pour le règlement des litiges concernant ces mesures d’expropriation. D’ailleurs, en 1951, le père du requérant a usé de la faculté de recourir contre l’expropriation litigieuse devant la cour administrative de Bratislava (paragraphe 12 ci-dessus).
67.  La Cour estime que la possibilité pour le requérant d’intenter une action en justice en République fédérale d’Allemagne pour contester la validité et la légalité des mesures d’expropriation prises par l’ex-Tchécoslovaquie à une époque antérieure à la République fédérale d’Allemagne telle qu’instituée par la Loi fondamentale de 1949 était théorique et n’offrait guère de chances de succès. Ce n’est qu’en 1991, lorsque la ville de Cologne a reçu le tableau en prêt de la République tchèque que le requérant a engagé une procédure devant les tribunaux allemands et que l’exclusion de la juridiction de l’Allemagne en vertu du chapitre sixième, article 3, de la Convention sur le règlement est entrée en jeu. Elle a empêché l’intéressé d’obtenir une décision des tribunaux allemands, en vertu des principes du droit international privé allemand, sur sa demande concernant son bien et, en particulier, sur son argument selon lequel les mesures de confiscation prises en 1946 emportaient violation de l’ordre public allemand (paragraphes 15 et 34 ci-dessus).
68.  De plus, les facteurs susmentionnés – le statut particulier de la République fédérale d’Allemagne au regard du droit international public après la Seconde Guerre mondiale et le rapport fortuit entre les faits à l’origine de la demande du requérant et la juridiction de l’Allemagne – distinguent le cas d’espèce de l’affaire Waite et Kennedy (paragraphe 48 ci-dessus) qui concernait le transfert de compétences à une organisation internationale et dans laquelle la Cour a considéré qu’il importait d’examiner s’il existait d’autres voies raisonnables pour protéger effectivement les droits garantis par la Convention.
69.  Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que l’intérêt du requérant à saisir la justice allemande n’était pas suffisant pour l’emporter sur l’intérêt général capital qu’il y avait à ce que l’Allemagne obtînt à nouveau sa souveraineté et réalisât l’unification. Dès lors, les décisions des cours et tribunaux allemands déclarant irrecevable l’action du requérant en restitution ne sauraient passer pour disproportionnées au but légitime poursuivi et n’ont donc pas porté atteinte à la substance même du « droit d’accès » de l’intéressé « à un tribunal », au sens de la jurisprudence de la Cour (paragraphes 43-44 ci-dessus).
70.  Il s’ensuit qu’il n’y a pas eu violation du droit du requérant à un tribunal, garanti par l’article 6 § 1.
C.  L’iniquité alléguée de la procédure devant la Cour constitutionnelle fédérale
71.  Le requérant prétend en outre n’avoir pas été entendu équitablement dans la procédure devant la Cour constitutionnelle fédérale, au mépris de l’article 6 § 1.
72.  Selon lui, devant les juridictions allemandes, il importait surtout de rechercher si le chapitre sixième, article 3, de la Convention sur le règlement avait toujours force de loi, eu égard au Traité « Deux plus Quatre » et à l’accord des 27 et 28 septembre 1990. S’écartant de l’avis de la cour d’appel de Cologne, la Cour constitutionnelle fédérale, pour la première fois dans sa décision, est partie de l’hypothèse que les traités d’occupation des trois Alliés occidentaux constituaient un régime juridique distinct, indépendant du droit des quatre puissances, et a invoqué une position juridique des Alliés occidentaux qui n’avait pas été débattue.
73.  Le Gouvernement estime que la cour d’appel de Cologne avait déjà considéré de manière approfondie l’historique et l’interprétation du Traité « Deux plus Quatre » et de l’accord des 27 et 28 septembre 1990. Selon lui, le fait que la cour d’appel avait déjà émis l’avis que le Traité « Deux plus Quatre » n’avait pas encore entraîné l’abrogation de la Convention sur le règlement, en tant que source de droit émanant des trois puissances, constitue un point décisif. La Cour constitutionnelle fédérale a simplement confirmé cet avis juridique – qui ne pouvait donc pas être inattendu pour le requérant – et a approfondi les arguments juridiques à l’appui. En outre, elle n’a pas eu recours à des observations qui n’ont pas été communiquées au requérant. Au contraire, pour apprécier l’avis juridique présumé des Etats auteurs, elle a interprété les traités pertinents et y a trouvé confirmation de sa propre opinion.
74.  Pour la Cour, le requérant a bénéficié d’une procédure contradictoire devant la Cour constitutionnelle fédérale et a eu la possibilité de plaider sur les points qui lui paraissaient importants pour son affaire (voir, mutatis mutandis, Apeh Üldözötteinek Szövetsége et autres c. Hongrie, no 32367/96, § 39, CEDH 2000-X).
75.  La Cour estime avec le Gouvernement que la Cour constitutionnelle fédérale a tiré des conclusions des négociations internationales et de la teneur des accords internationaux, c’est-à-dire de circonstances que le requérant n’ignorait pas et qui avaient été débattues en justice, pour confirmer le constat de la juridiction inférieure selon lequel le chapitre sixième, article 3 §§ 1 et 3, de la Convention sur le règlement n’avait pas été abrogé par le Traité portant règlement définitif concernant l’Allemagne.
76.  En conclusion, la Cour n’aperçoit aucun élément d’iniquité dans la manière dont la procédure litigieuse a été conduite.
D.  Conclusion
77.  Il n’y a donc pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en l’espèce.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
78.  Le requérant prétend que les décisions des juridictions allemandes déclarant irrecevable l’action par laquelle il revendiquait le tableau Scène romaine : le four à chaux peint par Pieter van Laer et que la restitution de l’œuvre à la République tchèque ont emporté violation de son droit de propriété. Il invoque l’article 1 du Protocole no 1, ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
79.  D’après l’intéressé, la restitution du tableau en question à la République tchèque constitue une atteinte illégale à ses « biens actuels ». La confiscation du tableau par l’ex-Tchécoslovaquie en vertu du décret Beneš no 12 était illégale et nulle. Son père n’était ni « Allemand » ni un « ennemi du peuple tchèque et slovaque », selon les termes dudit décret. A son avis, la confiscation était contraire au droit international public et ne doit donc produire aucun effet. A cet égard, le requérant invoque le raisonnement de la Cour dans l’affaire Loizidou c. Turquie (fond) (arrêt du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI). Il estime que les arguments du Gouvernement légitimant cette confiscation illégale contredisent la pratique allemande antérieure consistant à ne pas reconnaître les mesures de confiscation prises en vertu des décrets Beneš. Il renvoie également à des décisions de la Cour constitutionnelle tchèque selon lesquelles certaines confiscations opérées au titre des décrets Beneš n’étaient pas valables car les autorités de l’ex-Tchécoslovaquie avaient admis sans motif légitime l’« origine ethnique allemande » du propriétaire de l’époque.
80.  Le Gouvernement soutient que la mesure de confiscation et, en particulier, la privation de fait du bien en question ont été opérées par l’ex-Tchécoslovaquie en 1946. En ce qui concerne ces mesures de confiscation et d’autres mesures analogues, l’ex-Tchécoslovaquie et les Etats qui lui ont succédé n’ont jamais accepté d’envisager la possibilité d’une restitution. C’est pourquoi, en 1991, lorsque le tableau en question est arrivé en Allemagne, le requérant ne pouvait plus avoir une quelconque « espérance légitime » de concrétiser un droit de propriété. En outre, l’illégalité d’une confiscation en droit international ne signifie pas que la mesure n’a aucun effet, et il n’y a pas de raisons suffisantes pour mettre en cause la validité de la confiscation du tableau.
81.  La Cour constate que le grief du requérant sur le terrain de l’article 1 du Protocole no 1 n’a pas trait à la confiscation initiale du tableau opérée par les autorités de l’ex-Tchécoslovaquie en 1946. En l’espèce, l’intéressé se plaint de ce que, comme il n’a pas pu obtenir une décision sur le fond de l’action en restitution du tableau qu’il a instituée devant les juridictions allemandes en 1992, l’œuvre ait finalement été rendue à la République tchèque. La compétence de la Cour pour connaître de cet aspect de la requête n’est donc pas exclue ratione temporis (Malhous c. République tchèque (déc.) [GC], no 33071/96, CEDH 2000-XII).
82.  Le requérant ne peut alléguer une violation de l’article 1 du Protocole no 1 que dans la mesure où les décisions qu’il incrimine se rapportaient à ses « biens », au sens de cette disposition.
83.  La Cour rappelle que, d’après la jurisprudence constante des organes de la Convention, la notion de « biens » peut recouvrir tant des « biens actuels » que des valeurs patrimoniales, y compris des créances, en vertu desquelles le requérant peut prétendre avoir au moins une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective d’un droit de propriété. En revanche, l’espoir de voir reconnaître la survivance d’un ancien droit de propriété qu’il est depuis bien longtemps impossible d’exercer effectivement ne peut être considéré comme un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1, et il en va de même d’une créance conditionnelle s’éteignant du fait de la non-réalisation de la condition (voir le rappel des principes pertinents dans la décision Malhous susmentionnée, avec d’autres références, en particulier à la jurisprudence de la Commission).
84.  En l’espèce, le requérant a intenté devant les juridictions nationales une action en restitution du tableau qui avait appartenu à son père. Il a contesté la validité de l’expropriation opérée par les autorités de l’ex-Tchécoslovaquie, faisant principalement valoir que la mesure était contraire aux termes du décret Beneš no 12 et aux principes du droit international public.
85.  Quant à cette question préliminaire, la Cour relève que l’expropriation a été opérée par les autorités de l’ex-Tchécoslovaquie en 1946, comme la cour administrative de Bratislava l’a confirmé en 1951, soit avant le 3 septembre 1953, date d’entrée en vigueur de la Convention, et avant le 18 mai 1954, date d’entrée en vigueur du Protocole no 1. La Cour n’est donc pas compétente ratione temporis pour examiner les circonstances de l’expropriation ou les effets continus produits par elle jusqu’à ce jour (voir la décision Malhous précitée, et la jurisprudence de la Commission, par exemple Mayer et autres c. Allemagne, nos 18890/91, 19048/91, 19049/91, 19342/92 et 19549/92, décision de la Commission du 4 mars 1996, DR 85-B, p. 5).
La Cour ajoute que, dans ces conditions, il n’est nullement question d’une violation continue de la Convention imputable à la République fédérale d’Allemagne et susceptible de déployer des effets sur les limites temporelles à la compétence de la Cour (voir, a contrario, Loizidou (fond) précité, p. 2230, § 41).
A la suite de cette mesure, ni le père du requérant ni le requérant lui-même n’ont été en mesure d’exercer un quelconque droit de propriété sur le tableau, qui a été conservé par le service des monuments historiques de Brno, en République tchèque.
Dès lors, aux fins de l’article 1 du Protocole no 1, on ne saurait considérer que le requérant, en tant qu’héritier de son père, a conservé un droit de propriété ou un droit à restitution à l’encontre de la République fédérale d’Allemagne s’analysant en une « espérance légitime » au sens de la jurisprudence de la Cour.
86.  Dans ces conditions, les décisions des juridictions allemandes et la restitution ultérieure du tableau à la République tchèque ne sauraient passer pour une atteinte aux « biens » du requérant au sens de l’article 1 du Protocole no 1 (paragraphe 78 ci-dessus).
87.  La Cour conclut donc qu’il n’y a pas eu violation de l’article 1 du Protocole no 1.
III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 14 DE LA CONVENTION
88.  Le requérant prétend avoir subi une discrimination fondée sur son statut de ressortissant liechtensteinois, au mépris de l’article 14 de la Convention ainsi libellé :
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
89.  Il fait valoir que si les autorités allemandes ont considéré les biens de son père se trouvant en ex-Tchécoslovaquie comme des « avoirs allemands à l’étranger » aux fins de la Convention sur le règlement, la loi allemande sur la péréquation ne vise pas les pertes subies par des citoyens d’Etats neutres. Selon lui, aucune distinction légitime ne saurait être établie entre ressortissants allemands et ressortissants étrangers quant aux indemnisations pour les pertes dues aux réparations. En outre, le Gouvernement ne saurait invoquer une dispense d’indemnisation pour les œuvres d’art après avoir reconnu la confiscation du tableau en question, laquelle était, à son avis, contraire au droit international public.
90.  Pour le Gouvernement, étant donné que l’article 1 du Protocole no 1 n’est pas applicable à l’espèce, il est impossible de constater une violation de l’article 14. Quoi qu’il en soit, il n’avait pas été nécessaire d’inclure les ressortissants étrangers victimes de mesures visant les avoirs allemands à l’étranger dans la législation sur les indemnisations pour pertes dues aux réparations, etc., puisque la marge d’appréciation autorisait l’Etat allemand à favoriser ses citoyens. Les autres citoyens pouvaient recourir à la protection juridique et diplomatique de leur pays d’origine. Dans tous les cas, la loi sur les pertes dues aux réparations ne prévoit pas d’indemnisation pour les pertes d’œuvres d’art et de collections et, de surcroît, le délai pour présenter une demande a expiré le 31 décembre 1974.
91.  Selon la jurisprudence constante de la Cour, l’article 14 de la Convention complète les autres clauses normatives de la Convention ou de ses Protocoles : il n’a pas d’existence indépendante puisqu’il vaut uniquement pour la « jouissance des droits et libertés » qu’elles garantissent. Certes, il peut entrer en jeu même sans un manquement à leurs exigences et, dans cette mesure, possède une portée autonome, mais il ne saurait trouver à s’appliquer si les faits du litige ne tombent pas sous l’empire de l’une au moins de ces clauses (affaire Cha’are Shalom Ve Tsedek c. France [GC], no 27417/95, § 86, CEDH 2000-VII).
92.  La Cour a conclu ci-dessus que les faits dénoncés par le requérant sur le terrain de l’article 1 du Protocole no 1, c’est-à-dire les décisions des juridictions allemandes et la restitution du tableau à la République tchèque, ne s’analysaient pas en une atteinte à l’un des droits de l’intéressé garantis par cette disposition. Le requérant ne saurait donc prétendre avoir subi à ces égards une discrimination dans la jouissance de ses droits de propriété (Marckx c. Belgique, arrêt du 13 juin 1979, série A no 31, p. 23, § 50).
93.  La Cour relève que le requérant soutient que la loi sur les pertes dues aux réparations revêt un caractère discriminatoire en ce qu’elle ne reconnaît un droit à indemnisation qu’aux ressortissants allemands ou, sous réserve de conditions particulières, aux personnes d’origine allemande, et non aux ressortissants étrangers.
Toutefois, la Convention ne garantit aucun droit à réparation pour des dommages dont la cause initiale ne constitue pas une violation de la Convention (Mayer et autres, décision de la Commission précitée, p. 18).
94.  L’article 14 de la Convention ne trouve donc pas à s’appliquer en l’espèce. Partant, la Cour conclut à la non-violation de ce chef.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l’UNANIMITÉ,
1.  Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
2.  Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 ;
3.  Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 14 de la Convention.
Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 12 juillet 2001.
Elisabeth Palm     Présidente   Pour le greffier    Michele de Salvia    Jurisconsulte
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé des opinions concordantes suivantes :
–  opinion concordante de M. Ress, à laquelle se rallie M. Zupančič ;
–  opinion concordante de M. Costa.
E.P.  M. de S. 
OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE RESS,  À LAQUELLE SE RALLIE M. LE JUGE ZUPANČIČ
(Traduction)
Si le requérant avait un grief défendable au regard de l’article 6 § 1 de la Convention, alors la décision des cours et tribunaux allemands de refuser de statuer sur sa demande au motif que son action était irrecevable par l’effet du chapitre sixième, article 3, de la Convention sur le règlement s’analyse en un déni de justice. Cette disposition de la Convention sur le règlement porte atteinte à la substance même du droit d’accès à un tribunal, si bien qu’à mon sens la question de savoir si pareille restriction peut passer pour traduire un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et les buts visés ne se pose même pas. L’application de ladite disposition rend la garantie de l’accès à un tribunal réellement théorique et illusoire. Au regard de la Convention sur le règlement, ce droit n’a aucune portée concrète et effective. Cet état de choses découle du fait que les trois puissances occidentales entendaient, selon toute probabilité, exclure tout contrôle par les cours et tribunaux allemands des mesures prises au titre de la législation sur les biens ennemis à l’égard des avoirs allemands, à l’étranger ou sur le territoire allemand. Il ne paraît pas arbitraire de conclure que ces mesures, quelle que fût leur justification, ne devaient pas être contestées, du moins par les juridictions allemandes ; c’était là – et c’est toujours – la signification même du chapitre sixième, article 3, de la Convention sur le règlement. C’est une action en restitution (rei vindicatio) qui a été intentée devant les juridictions allemandes. Dès lors, la Cour n’est pas appelée à connaître de la question de l’accès à un tribunal concernant une demande en indemnisation pour une privation de propriété.
Je souscris néanmoins pleinement à l’avis selon lequel il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1, mais mon raisonnement est quelque peu différent. Aux limitations du droit d’accès aux tribunaux décrites au paragraphe 44 de l’arrêt, la Cour aurait dû ajouter les restrictions pouvant découler du statut juridique spécifique d’une Partie contractante tacitement accepté par l’ensemble des autres Parties au moment de la ratification de la Convention. Comme la Cour le relève au paragraphe 54 de l’arrêt, au moment de la ratification de la Convention, le 5 décembre 1952, la République fédérale d’Allemagne était toujours un pays occupé relevant de l’autorité suprême des quatre puissances – France, Etats-Unis d’Amérique, Royaume-Uni et Union soviétique. L’Allemagne était loin d’être un Etat souverain et l’exclusion de sa juridiction en vertu de la Convention sur le règlement était , comme la Cour le constate au paragraphe 59 de l’arrêt, une conséquence du statut particulier de ce pays au regard du droit international public après la Seconde Guerre mondiale. Un Etat soumis à un tel régime  
d’occupation, qui était considéré comme revêtant un caractère sui generis, n’était pas, tant s’en faut, capable de remplir l’ensemble des conditions posées par la Convention, en particulier par l’article 6. Cela a dû être manifeste non seulement pour la République fédérale d’Allemagne lorsque la Convention est entrée en vigueur le 3 septembre 1953, mais aussi pour les autres Parties contractantes de l’époque. Le statut particulier de l’Allemagne était si évident qu’aucune déclaration à cet effet n’a été formulée au moment du dépôt de l’instrument de ratification. En outre, une « réserve » à ce propos n’aurait pas satisfait aux exigences de l’ancien article 64 (actuel article 57). Une réserve doit se rapporter à des dispositions spécifiques du droit interne. Or le statut particulier de l’Allemagne tenait à sa situation au regard du droit international public, laquelle la privait des pleins pouvoirs d’un Etat souverain sur ses affaires intérieures et extérieures. Si des Etats contractants acceptent qu’un Etat, soumis à de telles restrictions touchant sa souveraineté, adhère à la Convention, et si le dépositaire de la Convention, le Secrétaire général du Conseil de l’Europe, ne s’oppose pas à l’adhésion, on peut supposer qu’ils n’ont aucune objection à la ratification de traités ultérieurs confirmant simplement cette souveraineté restreinte sur certaines questions. La République fédérale d’Allemagne n’avait en fait pas le choix. Pour retrouver la pleine autorité d’un Etat souverain, elle a dû accepter, en 1954 comme en 1990, cette limitation de la compétence de ses cours et tribunaux. Cela est vrai même si, en 1990, la République fédérale d’Allemagne a pleinement participé aux négociations qui devaient aboutir à la prorogation de la Convention sur le règlement. Cette restriction ne saurait être appréciée à l’aune du principe de proportionnalité puisqu’elle est absolue et constitue une sorte de force majeure pour la République fédérale d’Allemagne.
La Cour se fonde principalement sur deux autres éléments pour apprécier la proportionnalité : premièrement, l’expropriation en question aurait pu être contestée dans l’Etat qui y a procédé, l’ex-Tchécoslovaquie, et, deuxièmement, la possibilité d’attaquer en République fédérale d’Allemagne la validité et la légalité de la mesure d’expropriation était théorique et guère prometteuse. A mon avis, les autres voies dont il est question dans l’arrêt Waite et Kennedy c. Allemagne ([GC], no 26083/94, § 68, CEDH 1999-I) ne sauraient être des voies à utiliser dans un Etat tiers, mais il doit s’agir de voies donnant accès aux juridictions de l’Etat défendeur (voir mon opinion dissidente dans l’affaire Waite et Kennedy, avis de la Commission, pp. 462 et suiv.). Le second argument, à savoir le caractère théorique de la possibilité d’intenter une action en justice en République fédérale d’Allemagne, a trait à la nature de la demande elle-même et mériterait plus ample examen. Pour les expositions internationales d’art, il serait sans doute utile que les Etats concluent des accords excluant toute juridiction quant à des actions analogues à celle de l’espèce pendant toute la durée de telles manifestations. Pareille limitation de juridiction décidée d’un commun accord, qui se justifie par le caractère théorique d’une action éventuelle, pourrait être considérée sous l’angle de l’intérêt public général. Toutefois, à ce jour, la Cour n’a pas admis une telle limitation spécifique de juridiction et il ne serait pas aisé d’envisager la présente affaire seulement à la lumière de l’intérêt public que représentent les expositions d’art.
Nonobstant ces considérations, le seul motif convaincant justifiant l’exclusion de la compétence des cours et tribunaux allemands est le statut international particulier de la République fédérale d’Allemagne. Contrairement à l’opinion exprimée par la Cour au paragraphe 69 de l’arrêt, l’exclusion de la juridiction de l’Allemagne a porté atteinte à la substance même du droit d’accès à un tribunal dans le chef du requérant et ne saurait être appréciée à l’aune du principe de proportionnalité. Il s’agit d’une limitation structurelle au droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 § 1. 
OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE COSTA
Je suis d’accord avec mes collègues sur le constat de non-violation de l’article 6 § 1 de la Convention, mais par un raisonnement différent de celui de l’arrêt, et assez proche de celui du juge Ress. Pour moi, il est difficile de soutenir, comme le fait l’arrêt au paragraphe 69, que le rejet de l’action du requérant par les cours et tribunaux allemands n’a pas été disproportionné au but légitime poursuivi et n’a donc pas porté atteinte au droit d’accès à un tribunal dans sa substance même. Cette approche mêle deux voies que la jurisprudence de la Commission et de la Cour avait le plus souvent soigneusement distinguées, telles les branches d’une alternative : des limitations (explicites ou implicites) au droit à un tribunal ne sont compatibles avec l’article 6 que si elles ne restreignent pas l’accès ouvert à un justiciable d’une manière ou à un point tels que son droit s’en trouve atteint dans sa substance même ; en outre, elles doivent tendre à un but légitime, et il faut qu’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (arrêts Ashingdane c. Royaume-Uni, 28 mai 1985, série A no 93, pp. 24-25, § 57, ou Levages Prestations Services c. France, 23 octobre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V, p. 1543, § 40). Le raisonnement du présent arrêt est donc à mes yeux hétérodoxe et illogique : le problème de la proportionnalité ne peut se poser que de façon subsidiaire, au cas où la substance même du droit à un tribunal n’a pas été touchée. Déduire cette non-atteinte de l’existence d’un rapport satisfaisant de proportionnalité ne me convainc pas du tout.
Au surplus, en l’espèce, il est difficile de dire que le prince n’a subi que de simples limitations à son droit d’accès à un tribunal. Certes, son père avait pu contester devant une juridiction de l’ex-Tchécoslovaquie l’application qui lui avait été faite du décret Beneš en vertu duquel ses biens avaient été confisqués. Mais cette action (d’ailleurs rejetée par cette cour) n’avait pas épuisé ses droits au titre de l’article 6 devant les juridictions allemandes, ne serait-ce que parce qu’il n’y avait pas dans la nouvelle action identité de défendeur, ni exactement le même objet et la même cause. On ne pouvait donc pas appliquer l’adage res judicata pro veritate habetur. Certes encore, les cours et tribunaux allemands n’ont pas refusé de statuer, au point que le tableau contesté fut, par voie de référé, mis sous séquestre immédiatement et le resta sept ans et demi. Mais les juridictions allemandes du fond ont constamment regardé la demande du requérant comme irrecevable en vertu de la « Convention sur le règlement » : on ne peut donc pas dire que l’accès aux tribunaux a permis au demandeur qu’il soit décidé d’une contestation sur ses droits ; ces tribunaux se sont fondés sur une  
incompétence résultant d’un traité international, et n’ont pas examiné le fond du litige entre le requérant, se disant propriétaire du tableau, et la ville de Cologne qui l’avait reçu en prêt du bureau des monuments historiques de Brno. En réalité, Hans-Adam II a vu son accès au juge tellement restreint que cet accès s’en est bien trouvé atteint « dans sa substance même ».
Si la façon dont l’arrêt conclut à la non-violation ne peut être approuvée, quel aurait été le « bon » raisonnement (si je puis me permettre cette immodestie) ? On pourrait songer à la notion de grief défendable. Compte tenu de l’existence de la Convention sur le règlement, le requérant n’avait pas de grief reconnu, au moins de façon défendable, en droit interne en Allemagne. Un tel raisonnement n’est pas rare dans la jurisprudence des organes de la Convention (voir, par exemple, Masson et Van Zon c. Pays- Bas, arrêt du 28 septembre 1995, série A no 327-A, p. 27, § 52). On pourrait à la limite, mais dans la même logique, nier le caractère « réel et sérieux » de la contestation, ce que l’arrêt dit sans le dire au paragraphe 67 lorsqu’il parle d’une possibilité d’action (en Allemagne) « théorique et [qui] n’offrait guère de chances de succès ». Je préfère pour ma part, par un raisonnement voisin de celui de mon collègue le juge Ress, considérer que l’immunité de juridiction créée par la Convention sur le règlement s’opposait complètement à ce que le requérant eût droit à un tribunal de pleine juridiction, compte tenu de la nature et de l’objet de l’action judiciaire qu’il avait engagée, ainsi que de la mesure de confiscation qui est à la source de la perte de propriété du tableau revendiqué par lui. Un tel raisonnement sur les immunités n’est du reste pas absent de la jurisprudence des organes de la Convention (voir, pour une immunité parlementaire, X c. Autriche, no 3374/67, décision de la Commission du 6 février 1969, Annuaire 12, p. 247, ou, pour une immunité diplomatique, N., C., F. et A.G. c. Italie, no 24236/94, décision de la Commission du 4 décembre 1995, Décisions et rapports 84-B, p. 84).
Bien entendu ces immunités sont et doivent demeurer exceptionnelles. Mais tel est le cas en l’espèce ; car de quoi s’agit-il ? D’un bien meuble confisqué il y a cinquante-cinq ans, revendiqué voici dix ans à la suite de circonstances fortuites, et dont l’action en revendication s’est heurtée à une incompétence juridictionnelle résultant d’un traité signé en 1952, avant même que l’Etat défendeur ne ratifie la Convention européenne des droits de l’Homme. Il faut bien reconnaître que ce type d’immunités n’est pas fréquent.
Je concède que mon point de vue, en toute rigueur, devrait aboutir à un constat d’inapplicabilité de l’article 6 § 1 plutôt que d’observation de cet article par l’Allemagne (mais il s’agit là de technique plutôt que de principes, et le résultat pratique est le même). J’admets également que le raisonnement de l’arrêt, faisant dépendre l’absence d’atteinte à la substance du droit à un tribunal de la constatation qu’il ne s’agissait que de limitations, non disproportionnées, à ce droit, n’est pas tout à fait sans exemple dans la jurisprudence (on peut opérer un certain rapprochement avec Fayed c. Royaume-Uni, arrêt du 21 septembre 1994, série A no 294-B). Mais en fin de compte je continue de préférer la voie jurisprudentielle qui me semble la plus orthodoxe, selon laquelle, parfois, l’atteinte à la substance même du droit à l’accès aux tribunaux n’est pas incompatible avec l’article 6, sans qu’il faille procéder à un contrôle de proportionnalité. J’ajoute que, sur ce dernier point, je préfère la thèse de la primauté du traité (la Convention sur le règlement) sur le droit interne, voire celle de la quasi-force majeure (opinion concordante du juge Ress), ou encore une combinaison des deux, plutôt que de mettre dans la balance « l’intérêt général capital qu’il y avait à ce que l’Allemagne obtînt à nouveau sa souveraineté et réalisât l’unification » (paragraphe 69). Je reconnais pleinement cet intérêt et je le respecte tout à fait, mais je doute sincèrement que les décisions rendues par les cours et tribunaux allemands dans cette affaire entre 1995 et 1998 aient été indispensables pour faire prévaloir ledit intérêt. Le « test » de proportionnalité me paraît pour tout dire assez artificiel dans les circonstances de l’espèce.
Tout cela étant dit, je maintiens qu’à mes yeux l’article 6 de la Convention n’a pas été méconnu.
ARRÊT PRINCE HANS-ADAM II DE LIECHTENSTEIN c. ALLEMAGNE
ARRÊT PRINCE HANS-ADAM II DE LIECHTENSTEIN c. ALLEMAGNE 
ARRÊT PRINCE HANS-ADAM II DE LIECHTENSTEIN c. ALLEMAGNE –    OPINION CONCORDANTE
ARRÊT PRINCE HANS-ADAM II DE LIECHTENSTEIN c. ALLEMAGNE –     OPINION CONCORDANTE
ARRÊT PRINCE HANS-ADAM II DE LIECHTENSTEIN c. ALLEMAGNE
ARRÊT PRINCE HANS-ADAM II DE LIECHTENSTEIN c. ALLEMAGNE    
ARRÊT PRINCE HANS-ADAM II DE LIECHTENSTEIN c. ALLEMAGNE   OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE COSTA
ARRÊT PRINCE HANS-ADAM II DE LIECHTENSTEIN c. ALLEMAGNE –    OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE COSTA


Synthèse
Formation : Cour (grande chambre)
Numéro d'arrêt : 42527/98
Date de la décision : 12/07/2001
Type d'affaire : Arrêt (Au principal)
Type de recours : Non-violation de l'art. 6-1 ; Non-violation de P1-1 ; Non-violation de l'art. 14

Analyses

(Art. 1) RESPONSABILITE DES ETATS, (Art. 14) DISCRIMINATION, (Art. 14) ORIGINE NATIONALE, (Art. 35-1) SITUATION CONTINUE, (Art. 35-3) RATIONE TEMPORIS, (Art. 6) PROCEDURE CIVILE, (Art. 6-1) ACCES A UN TRIBUNAL, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE, (P1-1-1) BIENS


Parties
Demandeurs : PRINCE HANS-ADAM II DE LIECHTENSTEIN
Défendeurs : ALLEMAGNE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2001-07-12;42527.98 ?
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