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25/04/2002 | CEDH | N°59341/00

CEDH | MULTIGESTION contre la FRANCE


PREMIÈRE SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 59341/00  présentée par MULTIGESTION  contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 25 avril 2002 en une chambre composée de
MM. C.L. Rozakis, président,    J.-P. Costa,     G. Bonello,    P. Lorenzen,   Mme S. Botoucharova,   M. V. Zagrebelsky,   Mme E. Steiner, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 12 juillet 2000,
Après en avoir délib

éré, rend la décision suivante :
EN FAIT
La requérante, la société Multigestion, est une société de dr...

PREMIÈRE SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 59341/00  présentée par MULTIGESTION  contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 25 avril 2002 en une chambre composée de
MM. C.L. Rozakis, président,    J.-P. Costa,     G. Bonello,    P. Lorenzen,   Mme S. Botoucharova,   M. V. Zagrebelsky,   Mme E. Steiner, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 12 juillet 2000,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
La requérante, la société Multigestion, est une société de droit français ayant son siège social à Paris. Elle est représentée devant la Cour par Me Vogel, avocat au barreau de Paris.
A.  Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.
La société requérante est une société de gestion agréée, appartenant au groupe des sociétés de gestion de la société UFG, elle-même filiale du groupe Crédit Mutuel. La société requérante gère les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) Multimmobilier 1 et Multimmobilier 2. Font également partie du groupe UFG, la société Multimmo qui gère notamment la SCPI Crédit Mutuel Pierre 4, et la société Multimmo Transactions dont l’objet est de participer à des opérations de promotion immobilière.
A la suite d’une dénonciation anonyme, le président de la commission des opérations de bourse (COB) décida le 23 août 1995 d’ouvrir une enquête sur la gestion et les opérations faites pour le compte des trois SCPI précitées.
Le 11 juin 1996, la COB décida d’ouvrir une procédure aux fins d’éventuelles sanctions à l’encontre de la société requérante.
Le président de la COB notifia les griefs à la société requérante le 16 juillet 1996. La société requérante était suspectée d’avoir utilisé son mandat non pas dans l’intérêt exclusif des souscripteurs, mais à des fins autres que celles pour lesquelles il lui avait été confié.
Le 11 avril 1997, la décision de la COB du 3 avril 1997 fut notifiée à la société requérante. Elle prononçait une sanction pécuniaire de 7 500 000 francs et ordonnait la publication de la décision au bulletin mensuel de la COB et au journal officiel.
Le 24 avril 1997, la société requérante interjeta appel de cette décision et produisit un mémoire ampliatif dans les délais impartis, soit le 16 mai 1997. Elle n’invoqua ni la partialité de la COB en raison de l’identité de son président lors de la prise de décisions importantes tant lors de la phase d’instruction que de la phase de jugement, ni la présence du rapporteur lors du délibéré, ni le fait qu’elle n’ait pas eu accès à son rapport écrit. Toutefois, elle invoqua une violation de la présomption d’innocence en raison d’un renversement de la charge de la preuve et contesta les conclusions de la COB.
Se prononçant dans le cadre d’une autre affaire et, selon le requérant, contre toute attente, la cour d’appel de Paris jugea le 7 mai 1997, que les sanctions prononcées par la COB étaient contraires à l’article 6 de la Convention, quand notamment le rapporteur prenait part au délibéré. Cette décision fut publiée dans le Recueil Dalloz du 19 juin 1997. Le 5 février 1999, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé à l’encontre de cet arrêt. Suite à ce changement de jurisprudence, la COB modifia son fonctionnement interne.
Le 10 septembre 1997, la COB présenta ses observations sur le recours exercé par la société requérante.
Le 9 octobre 1997, la société requérante produisit un mémoire en réponse dans lequel elle développa un moyen nouveau, tiré de la violation des principes d’équité et d’impartialité par la COB. Elle se référait notamment à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 mai 1997.
Le 16 décembre 1997, la cour d’appel de Paris releva d’office que la société requérante n’avait pas déposé ce moyen d’annulation dans le délai d’un mois prévu par la loi. Elle prononça donc la réouverture des débats afin de recueillir l’opinion des parties sur la recevabilité de ce moyen.
La société requérante tenta de démontrer que l’article 8 du décret 90-263 du 23 mars 1990 n’interdisait nullement de soulever un moyen d’ordre public au delà du délai d’un mois.
Le 24 mars 1998, la cour d’appel déclara le moyen tiré de l’iniquité de la procédure menée devant la COB irrecevable, car tardif, et rejeta le recours en annulation à l’encontre de la décision de la COB du 3 avril 1997.
La société requérante forma un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt. Au soutien de son pourvoi, elle affirma que l’article 8 du décret 90-263 du 23 mars 1990 réserve « nécessairement le sort du moyen d’ordre public qui peut être présenté en tout état de la procédure » et « que le juge a l’obligation de relever d’office les moyens d’ordre public chaque fois que ces moyens ressortent des pièces soumises à son examen et notamment de la décision qui lui est déférée ». La société requérante invoqua également l’absence de toute base légale de la sanction prononcée par la COB, en raison d’un renversement de la charge de la preuve, ainsi que de la décision de la cour d’appel, en raison du fait qu’elle validait la sanction prononcée sans vérifier que les conditions exactes de l’incrimination étaient remplies.
Par arrêt du 25 janvier 2000, la Cour de cassation rejeta le pourvoi en cassation formé par la société requérante à l’encontre de l’arrêt du 24 mars 1998. Elle estima que, bien que le moyen de cassation tiré de la violation de l’article 6 de la Convention soit un moyen d’ordre public, il était tardif et donc irrecevable. Elle rejeta les deux autres moyens de la société requérante pour absence manifeste de fondement.
B.  Le droit interne pertinent
Ordonnance n°67-833 du 28 septembre 1967
Article 1
« La commission des opérations de bourse, autorité administrative indépendante, veille à la protection de l’épargne investie dans les instruments financiers et tous autres placements donnant lieu à appel public à l’épargne, à l’information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d’instruments financiers. (...) »
Article 3
« La commission des opérations de bourse s’assure que les publications prévues par les dispositions législatives ou réglementaires sont régulièrement effectuées par les sociétés dont les actions sont admises « aux négociations sur un marché réglementé ou figurent au relevé quotidien du hors-cote mentionné à l’article 34 de la loi n°96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières ».
Elle vérifie les informations que fournissent aux actionnaires ou publient lesdites sociétés.
Elle peut ordonner à ces sociétés de procéder à des publications rectificatives dans le cas où des inexactitudes ou des omissions auraient été relevées dans les documents publiés.
La commission des opérations de bourse peut porter à la connaissance du public les observations qu’elle a été amenée à faire à une société ou les informations qu’elle estime nécessaires. »
Article 4
« La commission des opérations de bourse est habilitée à recevoir de tout intéressé les réclamations, pétitions, plaintes qui entrent par leur objet dans sa compétence et à leur donner la suite qu’elles comportent.
Elle peut formuler des propositions de modifications des lois et règlements concernant l’information des porteurs « d’instruments financiers » et du public, les « prestataires de services d’investissement » et le statut des « marchés d’instruments financiers ».
Article 4-1
Pour l’exécution de sa mission, la commission des opérations de bourse peut prendre des règlements concernant le fonctionnement des marchés placés sous son contrôle ou prescrivant des règles de pratique professionnelle qui s’imposent aux personnes faisant publiquement appel à l’épargne, ainsi qu’aux personnes qui, à raison de leur activité professionnelle, interviennent dans les opérations sur des titres placés par appel public à l’épargne ou assurent la gestion individuelle ou collective de portefeuilles de titres. (...) ».
Article 9-1
« La commission des opérations de bourse peut ordonner qu’il soit mis fin aux pratiques contraires à ses règlements, lorsque ces pratiques ont pour effet de :
- fausser le fonctionnement du marché ;
- procurer aux intéressés un avantage injustifié qu’ils n’auraient pas obtenu dans le cadre normal du marché ;
- porter atteinte à l’égalité d’information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts ;
- faire bénéficier les émetteurs et les investisseurs des agissements d’intermédiaires contraires à leurs obligations professionnelles. »
Article 9-2
« A l’encontre des auteurs des pratiques visées à l’article précédent, la commission des opérations de bourse peut, après une procédure contradictoire, prononcer les sanctions suivantes :
1° une sanction pécuniaire qui ne peut excéder dix millions de francs ;
2° ou, lorsque des profits ont été réalisés, une sanction pécuniaire qui ne peut excéder le décuple de leur montant.
Le montant de la sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits tirés de ces manquements. (...)
La commission des opérations de bourse peut également ordonner la publication de sa décision dans les journaux ou publications qu’elle désigne. (...) ».
Article 12
« L’examen des recours contre les décisions de la commission des opérations de bourse autres que celles qui ont un caractère réglementaire ou qui sont relatives à l’agrément des organismes de placement collectif en valeurs mobilières ou des gérants de portefeuille « ou des sociétés de gestion de sociétés civiles de placement immobilier » relève de la compétence du juge judiciaire. (...) »
Article 12-1
« Les autorités judiciaires compétentes, (...), peuvent, en tout état de la procédure, demander l’avis de la commission des opérations de bourse. (...) ».
Article 8 décret 90-263 du 23 mars 1990
« Le recours est formé par une déclaration écrite déposée en quadruple exemplaire au greffe de la cour d’appel de Paris contre récépissé.
A peine d’irrecevabilité prononcée d’office la déclaration comporte les mentions prescrites par l’article 648 du Nouveau code de procédure civile et précise l’objet du recours.
Lorsque la déclaration ne contient pas l’exposé des moyens invoqués, le demandeur doit, sous la même sanction, déposer cet exposé au greffe dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration. (...). »
Article 10 du Règlement 94-05 pris par la COB, homologué par arrêté ministériel en date du 26 août 1996 et relatif aux SCPI régies par la loi n°70-1300 du 31 décembre 1970
« (...) La société de gestion doit agir dans l’intérêt exclusif des souscripteurs et n’exercer aucune activité susceptible d’être source de conflits d’intérêts.(...) »
GRIEFS
1. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la société requérante se plaint de ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable devant un tribunal impartial concernant la procédure menée devant la COB.
2. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la société requérante se plaint de ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable devant un tribunal impartial concernant les recours exercés devant la cour d’appel et la Cour de cassation. Elle se plaint, d’une part, du délai d’un mois posé à l’article 8 du décret 90-263 du 23 mars 1990 qui rompt l’équilibre du procès et l’égalité des armes puisque la COB n’est pas tenu de le respecter. Elle se plaint, d’autre part, du refus des juridictions internes de soulever d’office un moyen d’ordre public et de leur refus de recevoir un tel moyen à tout moment de la procédure.
3. Invoquant l’article 6 § 2 de la Convention, la société requérante estime n’avoir pu bénéficier de la présomption d’innocence en raison d’un renversement de la charge de la preuve opéré par la COB et d’erreurs commises par les juridictions de recours.
4. Finalement, la société requérante se plaint d’une violation de l’article 7 de la Convention en raison des décisions de la cour d’appel et de la Cour de cassation concernant le grief tiré de la partialité de la COB.
EN DROIT
1. La société requérante soutient que la procédure suivie devant la COB n’est ni équitable ni impartiale et a violé les droits de la défense au sens de l’article 6 de la Convention, dont les dispositions pertinentes se lisent comme suit :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
La société requérante se plaint que la même personne a rempli les fonctions de président de la COB dans la phase d’instruction et dans la phase de jugement de l’affaire la concernant, que le rapporteur a pris part au délibéré et qu’elle n’eut pas accès à son rapport écrit.
La société requérante explique qu’elle ne pouvait présenter ce moyen dans le délai de dépôt de l’exposé des moyens d’annulation prévu à l’article 8 du décret 90-263 du 23 mars 1990, puisque ce n’est que dans un arrêt du 7 mai 1997, publié au Recueil Dalloz le 19 juin 1997, que la cour d’appel de Paris modifia sa jurisprudence et jugea le déroulement similaire d’une autre procédure contraire à l’article 6 de la Convention.
La Cour n’estime pas nécessaire de se prononcer sur l’applicabilité de l’article 6 de la Convention à la procédure devant la COB puisque le grief est irrecevable pour d’autres motifs.
En effet, la Cour rappelle qu’aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après épuisement des voies de recours internes. Tout requérant doit avoir donné aux juridictions internes l’occasion que l’article 35 § 1 a pour finalité de ménager en principe aux Etats contractants : éviter ou redresser les violations alléguées contre lui. Ainsi, le grief dont on entend saisir la Cour doit d’abord être soulevé, au moins en substance, dans les formes et délais prescrits par le droit interne, devant les juridictions nationales appropriées (arrêt Cardot c. France du 19 mars 1991, série A n°200, p.19, § 36).
En l’espèce, la société requérante présenta ce grief dans un mémoire en réponse aux observations de la COB, hors du délai légal. La cour d’appel, non démentie par la Cour de cassation, le déclara irrecevable. Il en résulte que les juridictions nationales n’ont pas eu l’occasion de connaître et de redresser la violation alléguée au sens de la jurisprudence précitée.
La requérante soutient qu’elle ne pouvait formuler ce grief qu’après l’intervention de l’arrêt du 7 mai 1997 contraire à la jurisprudence constante sur ce point. La Cour souligne toutefois que cela n’empêchait pas la requérante de présenter à la Cour de cassation un moyen fondé sur le texte de la Convention, soit l’article 6, tel qu’elle l’articule désormais, la Cour de cassation ayant compétence pour en connaître préalablement à sa propre saisine, puisque, selon une jurisprudence ancienne et constante, qui se fonde sur l’article 55 de la Constitution de la République française, la Convention a en France primauté sur les textes législatifs (et, a fortiori, réglementaires) qui lui seraient contraires (voir Lilly France c. France (déc.), n° 53892/00, 29 mai 2001 non-publiée).
Il en résulte que les juridictions internes n’ont pas eu l’occasion de connaître et de redresser la violation alléguée au sens de la jurisprudence précitée.
Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
2. La société requérante se plaint ensuite de ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable devant un tribunal impartial concernant les recours exercés devant la cour d’appel et la Cour de cassation et invoque l’article 6 § 1 de la Convention.
La société requérante soutient que le délai d’un mois posé à l’article 8 du décret 90-263 du 23 mars 1990 est trop court et rompt l’équilibre du procès et l’égalité des armes puisqu’il ne s’applique pas aux observations de la COB.
La Cour rappelle tout d’abord que l’article 6 de la Convention ne s’oppose pas à une réglementation de l’accès des justiciables à une juridiction de recours, pourvu que cette réglementation ait pour but d’assurer une bonne administration de la justice (voir, par exemple, arrêt Levages prestations Services c. France, 23 octobre 1996, Recueil 1996, §§40 et s.).
En l’espèce, la Cour relève que la société requérante disposait d’un délai d’un mois, à partir de sa déclaration d’appel, pour déposer des moyens d’annulation de la décision de la COB. Or, une réglementation relative aux délais à respecter pour former un recours vise assurément une bonne administration de la justice (requête n°10857/84, décision du 15 juillet 1986, Décisions et Rapports (DR) 48, p. 106 ; requête n°11122/84, décision du 2 décembre 1985, D.R. 45, p. 246). En l’espèce, la Cour estime que les règles relatives au délai de pourvoi sont suffisamment claires et prévisibles et présentent une clarté et une cohérence suffisantes (a contrario, arrêt Vacher c. France du 17 décembre 1996, Rec. 1996-VI, fasc. 25). Enfin, ni la cour d’appel ni la Cour de cassation n’ont porté atteinte à la substance même du droit d’accès à un tribunal de la requérante qui a pu présenter d’autres moyens au soutien tant de son appel que de son pourvoi en cassation, dans les délais requis, moyens qui ont été examinés à la fois par la cour d’appel et la Cour de cassation.
Quant à la possibilité qu’aurait la COB de présenter des observations au-delà du délai d’un mois, la Cour observe qu’en tout état de cause, rien n’interdisait aux requérants de présenter des observations en réplique.
Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
3. La société requérante se plaint d’une erreur particulièrement grave commise par la COB dans l’interprétation des faits et du défaut de base légale des décisions prises par la cour d’appel et la Cour de cassation qui affirment qu’elle aurait agi dans des intérêts contraires à ceux des souscripteurs, mais ne démontrent pas qu’elle aurait agi dans un intérêt autre que les leurs. Elle se plaint de ce que ces erreurs violent le principe de présomption d’innocence et invoque l’article 6 § 2 qui se lit comme suit :
« 2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »
La Cour rappelle qu’elle a pour seule tâche, conformément à l’article 19 de la Convention, d’assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les parties contractantes. Elle ne peut se substituer aux juridictions internes et, en particulier, n’a pas compétence pour examiner une requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par celles-ci, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d’avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention (voir, notamment, l’arrêt Garcia Ruiz c. Espagne [GC], n°30544/96, §26, CEDH 1999-1). En l’espèce, les pièces figurant au dossier ne révèlent aucune violation de la présomption d’innocence.
Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
4. La société requérante se plaint des décisions de la cour d’appel et de la Cour de cassation concernant le grief tiré de la partialité de la COB. Invoquant l’article 7 § 1 de la Convention dont les parties pertinentes se lisent comme suit :
« 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. »
Elle soutient qu’il résulte de l’article 7 de la Convention, qu’aucune sanction ne peut être prononcée dès lors qu’il est reconnu que la procédure de sanction d’une autorité juridictionnelle vient en violation de la Convention. Elle poursuit en rappelant l’arrêt du 7 mai 1997, confirmé par un arrêt du 5 février 1999 de la Cour de cassation, dans lequel la cour d’appel de Paris considère que les sanctions prononcées par la COB violent l’article 6 de la Convention, notamment lorsque le rapporteur prend part au délibéré. La société requérante insiste sur le fait que toutes les décisions de la COB postérieures à ce revirement de jurisprudence et prises en présence du rapporteur, devraient être annulées, « sauf à venir en contradiction avec ces arrêts et violer ainsi le principe de légalité des sanctions proclamé par l’article 7 § 2 de la Convention ».
La Cour rappelle que l’article 7 § 1 de la Convention prohibe de façon générale l’application rétroactive du droit pénal au détriment de l’accusé, consacre le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que celui qui commande de ne pas appliquer la loi pénale de manière extensive au détriment de l’accusé.
En fait, la Cour constate que la société requérante ne soulève pas un problème de rétroactivité de la loi pénale mais demande l’application d’une jurisprudence postérieure aux décisions la concernant à propos de la régularité de la procédure. L’article 7 § 1 de la Convention portant sur l’application rétroactive du droit pénal matériel, le présent grief ne rentre pas dans le champ d’application de cet article.
Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Søren Nielsen Christos Rozakis   Greffier adjoint Président
DÉCISION MULTIGESTION c. FRANCE
DÉCISION MULTIGESTION c. FRANCE 


Synthèse
Formation : Cour (première section)
Numéro d'arrêt : 59341/00
Date de la décision : 25/04/2002
Type d'affaire : Decision
Type de recours : Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 14) DISCRIMINATION, (Art. 2-1) VIE, (Art. 3) TRAITEMENT DEGRADANT, (Art. 3) TRAITEMENT INHUMAIN, (Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE PRIVEE, (Art. 8-2) INGERENCE, (Art. 8-2) NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE, (Art. 8-2) PROTECTION DES DROITS ET LIBERTES D'AUTRUI, (Art. 9-1) LIBERTE DE PENSEE, DROITS ET LIBERTES N'ADMETTANT AUCUNE DEROGATION


Parties
Demandeurs : MULTIGESTION
Défendeurs : la FRANCE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2002-04-25;59341.00 ?
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